Marseille 2014-2015 – Université du Temps Libre – Ouverture du séminaire Autodéfense intellectuelle et esprit critique

CorteX_UTLPar la voie (et la voix) de Denis Caroti, le CorteX ouvre un nouvel enseignement à Marseille : dès lundi 29 septembre et deux fois par mois l’Université du Temps Libre (UTL)  d’Aix-Marseille Université accueillera un séminaire sur le thème Autodéfense intellectuelle et esprit critique, accessible à tous ses étudiants inscrits (une vingtaine).

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Dates des cours (à retrouver sur l’agenda)

Les lundis, de 13h30 à 15h : 29 septembre ; 13 octobre ; 10 et 24 novembre ; 8 décembre ; 5 et 19 janvier ; 2 et 16 février ; 9 et 23 mars ; 13 et 20 avril ; 18 mai ; 1er juin

Présentation

L’outillage critique est nécessaire aussi bien pour critiquer les médias, distinguer les contenus scientifiques des contenus pseudoscientifiques, qu’évaluer les thérapies efficaces, déceler les mensonges à but commercial ou politique, ou prévenir l’intrusion des idéologies en science, comme dans le cas du créationnisme. Il ne nécessite pas de bagage scientifique important, et confère pourtant les moyens de se défendre intellectuellement face aux idées reçues, aux préjugés, aux arguments fallacieux. Cet outillage est utile pour le citoyen souhaitant pouvoir, dans le flux des informations qui lui parvient, se faire des opinions en connaissance de cause.
Dans ce séminaire, nous présenterons les méthodes et outils concrets pour se prémunir contre les idées reçues, les biais de raisonnements, les confusions liées à nos attentes et notre expérience, les manipulations, arguments fallacieux et autre sophismes. Le but est donc de se forger un outillage critique personnel solide afin de se défendre intellectuellement face à tout type d’information.

Objectifs/Contenus

  • Élaborer des outils critiques simples permettant de décortiquer tout type d’information.
  • Découvrir les fondements de la démarche scientifique comme base de l’esprit critique.
  • Connaître les bases des mécanismes de la manipulation et d’aliénation mentale.
  • Savoir recouper / chercher l’information contradictoire sur les idées reçues, les affirmations pseudo-scientifiques et les distinguer d’autres contenus plus fiables.
  • Se familiariser avec les pièges argumentatifs, rhétoriques et logiques.
  • Apprendre à se méfier des chiffres, savoir relativiser les statistiques.

Thèmes des cours

Denis Caroti présentera une série de 15 cours qui auront lieu une fois toutes les deux semaines. Voici quelques-uns des thèmes abordés :
1. Faillibilité de nos perceptions : illusions, tri sélectif des données, mémoire.
2. Quels outils pour trier ? Un peu d’épistémologie pour s’y retrouver.
3. Coïncidences et superstitions : hasard et probabilités.
4. Utilisation et distorsion des chiffres dans les médias et la publicité.
5. Atelier : comment tester une prétention qui sort de l’ordinaire ? Présentation et mise en place d’une expérience.
6. Analyse critique d’une pratique thérapeutique : faire ses choix en connaissance de cause ?
7. L’effet cigogne, effet puits, effet impact, effet paillasson : quand notre cerveau nous joue des tours.
8. Les pièges du discours : sophismes, effets et biais de raisonnement.
9. Influence et de manipulation : comment lutter contre la soumission à l’autorité ?
10. Comment distinguer les mélanges entre science et idéologies ?
11. Les médias en science : fabrication de l’image, des mots, des scénarios
12. Comment le concept de Nature est-il devenu un pilier des argumentaires pseudoscientifiques : essentialisme, sexisme, racisme, homophobie, etc.
13. Science, éthique et politique : comment s’y retrouver ?

Thèmes et outils :

  • Épistémologie et philosophie des sciences : maxime de Hume, réfutabilité, principe de parcimonie, matérialisme méthodologique, charge de la preuve, théière de Russel, etc.
  • Paradoxes, pièges logiques, sophismes et arguments spécieux. Illusions, paréidolies, manipulation, influence et soumission à l’autorité
  • Taille de l’échantillon, tri des données, biais de confirmation, pièges statistiques, hasard.
  • Test en aveugle, double aveugle.
  • Créationnismes, essentialisme, racisme, sexisme : stéréotypes, idéologies et discriminations
  • Médecine scientifique & thérapies alternatives.
  • Effet placebo, effets contextuels
  • Corrélation n’est pas (toujours) causalité
  • Fabrique de l’Histoire
  • Philosophie expérimentale
  • Mécanismes sectaires & prévention
  • etc.

 

Le CorteX dans le Monde Diplo – Recherche publique, revues privées

CorteX_Diplo_2012-12-pRecherche publique, revues privées

par Richard Monvoisin, Cortecs, décembre 2012


Aux lourds rayonnages des bibliothèques universitaires s’ajoutent désormais une pléthore de revues spécialisées en ligne, qui offrent sans délai et souvent sans barrière de paiement les derniers résultats des laboratoires de recherche. Cette transformation pousse les scientifiques à s’interroger sur leurs modèles de publication, afin de les remettre au service de la connaissance et du public.

« Publier ou périr » (citation du zoologiste Harold J. Coolidge) résume aujourd’hui la vie de n’importe quel chercheur. Peu importe la qualité de son enseignement ou du suivi de ses étudiants : pour son prestige universitaire, l’évaluation ne repose que sur la quantité et la qualité des articles publiés dans des revues scientifiques avec comité de relecture — par des experts du domaine, c’est ce qu’on appelle le peer review. La revue doit être choisie avec soin, en conjuguant prétention personnelle et facteur d’impact, cette dernière valeur étant fondée sur le nombre moyen de citations des articles de ladite revue dans d’autres articles scientifiques. Et il faut viser juste : trop bas (une revue peu connue), et l’article ne sera pas apprécié à sa juste valeur ; trop haut (les meilleures publications), et il peut être bloqué des mois durant par les relecteurs, pour finalement se voir refusé.

C’est dans les aspects pécuniaires que le bât blesse. Non seulement l’auteur de l’article n’est pas rémunéré, mais son laboratoire doit très souvent participer aux frais de secrétariat et d’impression, quand bien même nombre de revues s’orientent vers la publication électronique exclusive. Il reçoit en échange un capital non pas financier, mais symbolique : reconnaissance, prestige, ou plus précisément le droit d’indiquer le titre de son article sur son CV… Les lecteurs-évaluateurs de l’article sont quant à eux des chercheurs sollicités par les revues, eux aussi rémunérés en capital symbolique. La concurrence entre chercheurs du monde entier peut induire certains effets pervers, à la croisée de la collusion et du conflit d’intérêts, même si l’honnêteté et la bonne foi demeurent prédominantes. De plus, ce système est loin de garantir la véridicité et l’exactitude de toutes les publications : des résultats frauduleux, maquillés ou parfois complètement bidonnés passent régulièrement entre les mailles du filet.
Autre souci : l’évaluation des chercheurs, qui entraîne via la quête de citations une forme de trafic d’influences, amenant par exemple à citer des amis. Il n’est pas rare de voir des articles signés d’une dizaine de noms, ceux de jeunes chercheurs ayant réalisé l’essentiel du travail et ceux de directeurs de laboratoire, nettement moins impliqués. Il s’agit là du dévoiement d’un procédé qui peut s’avérer légitime dans de nombreux cas.

Ce système s’avère en outre très coûteux pour la communauté scientifique. Le contribuable finance une recherche que le scientifique publiera, parfois à ses frais, dans une revue adossée à une entreprise privée, que d’autres chercheurs devront relire gratuitement et que les universités devront ensuite racheter à prix d’or. La moitié du budget de fonctionnement des bibliothèques universitaires passe en effet dans les abonnements, ce qui désavantage d’emblée les établissements les moins riches et a des répercussions inévitables sur les frais de scolarité des étudiants. Cette année, l’éditeur Elsevier a été au cœur d’une polémique dans le milieu universitaire, quand un projet de loi visant à interdire le libre accès des travaux financés par le public a été présenté aux États-Unis. De nombreux scientifiques se sont révoltés, parmi lesquels Timothy Gowers, médaille Fields 1998, qui annonça qu’il boycottait désormais les revues liées à Elsevier. Pour certaines bibliothèques, l’abonnement aux journaux de cet éditeur représente jusqu’à près de 40 000 dollars, générant des profits qui avoisinent le milliard d’euros en 2011. De prestigieuses universités comme celle de Harvard, qui se déleste chaque année de 3,75 millions de dollars pour acheter des revues, ne peuvent qu’approuver et se joindre à cette fronde universitaire.

Il existe d’ores et déjà des solutions alternatives à ce mécanisme très commercial, en particulier du côté de la publication libre et ouverte (avec les sites PLoS, HAL, arXiv, etc.). À long terme, la communauté des chercheurs n’aura sans doute guère d’autre choix que de les développer afin de gripper le système actuel.

 

Décembre 2012.

PDF avec les notes de bas de page : télécharger ici

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