Compétitivité : un mythe en vogue

Pour sortir d’une crise déclenchée par la finance, les pistes étaient multiples : brider la spéculation, réglementer les marchés, sanctionner les banquiers… Avec le soutien d’un nombre croissant d’industriels, l’Union européenne a formulé une autre priorité, qu’elle impose déjà aux pays en difficulté : accroître la « compétitivité » du marché du travail. Mais que désigne ce terme, que dirigeants de gauche comme de droite semblent avoir érigé en nouveau Graâl ? C’est un exemple typique d’effet Impact (cf. outillage). Cet article s’appuie sur la thèse de doctorat du géographe Gilles Ardinat, « Géographie de la compétitivité » (université Paul-Valéry, Montpellier, 2011) que l’on peut écouter ci-dessous.

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La compétitivité, un mythe en vogue

Pour sortir d’une crise déclenchée par la finance, les pistes étaient multiples : brider la spéculation, réglementer les marchés, sanctionner les banquiers… Avec le soutien d’un nombre croissant d’industriels, l’Union européenne a formulé une autre priorité, qu’elle impose déjà aux pays en difficulté : accroître la « compétitivité » du marché du travail. Mais que désigne ce terme, que dirigeants de gauche comme de droite semblent avoir érigé en nouveau Graal ?
par Gilles Ardinat, octobre 2012

Aperçu

Singulier unanimisme. L’ancien ministre des affaires étrangères Alain Juppé révélait, le 28 août dernier, « le vrai problème de l’économie française » : son manque de compétitivité (matinale de France Inter). Un mois auparavant, à l’annonce de huit mille licenciements par le groupe Peugeot (PSA), M. Jean-François Copé, secrétaire général de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), avait déjà identifié une « priorité absolue », « la compétitivité de notre industrie », avant que le sénateur et ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin n’appelle de ses vœux un « choc de compétitivité », seul capable d’aiguillonner l’économie hexagonale.

L’accord parfait des ténors de l’UMP offrait un étonnant écho à celui des salons de Bercy et du palais de Matignon. Le premier ministre Jean-Marc Ayrault n’avait-il pas conclu la « conférence sociale » des 9 et 10 juillet avec les partenaires sociaux en fixant un objectif fondamental : « Améliorer la compétitivité de nos entreprises » ? Sur ce point, aucune cacophonie gouvernementale. Soucieux de justifier sa participation à l’université d’été du Mouvement des entreprises de France (Medef), le ministre socialiste de l’économie et des finances, M. Pierre Moscovici, précisait : « Nous serons là pour dire que le gouvernement est pleinement décidé à affronter le défi économique de la compétitivité, car ce n’est qu’en renforçant nos capacités de croissance que nous gagnerons la bataille de l’emploi. »

De la stratégie de Lisbonne, qui, en 2000, fixait un « nouvel objectif » à l’Union européenne — « devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde » — aux « accords compétitivité-emploi », lancés par le président Nicolas Sarkozy à la fin de son mandat, des injonctions à la « compétitivité fiscale » du patronat britannique aux plans de « compétitivité industrielle » de son homologue espagnol, le mot est sur toutes les lèvres. Il ne s’agit plus uniquement de gestion d’entreprise : dorénavant, les villes, les régions et plus encore les nations (…)

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Richard Monvoisin