Métaphore juridique et "loi" en science

CorteX_marteau-justiceLoi, interdiction, violation…La métaphore juridique est un grand classique du relativisme cognitif, car elle laisse penser que la science fonctionne selon des juges et des parties qui remportent l’adhésion par une sorte de consensus démocratique, au nom d’un libéralisme philosophique un peu galvaudé. La contestation d’une pseudoscience y est vécue comme un refus liberticide du pluralisme « politique » que devrait représenter la science. Si la science comme technopolitique mériterait de suivre des parcours démocratiques plus clairs, la science comme démarche, elle, ne fonctionne pas à la majorité.

Par ces métaphores, nous sommes directement projetés dans le relativisme de Feyerabend qui déclarait en des phrases aussi célèbres que fausses :

« L’unanimité dans l’opinion peut convenir à une Église, aux victimes terrorisées ou ambitieuses de quelque mythe (ancien ou nouveau) ou aux adeptes faibles et soumis de quelque tyran. Mais la variété des opinions est indispensable à une connaissance objective. Et une méthode qui encourage la variété est aussi la seule méthode compatible avec des idées humanistes » (Feyerabend P., (1998) Contre la méthode, esquisse d’une théorie anarchiste de la connaissance, (1979) Seuil p. 46 et p. 348).

C’est une métaphore fréquemment utilisée, notamment dans les cas de pseudo-médecines. Elle dénature totalement la démarche scientifique, qui valide une théorie non sur la majorité des avis, mais sur l’adéquation des résultats avec la prédiction.

Le terme « loi » est la jauge de cette métaphore, puisqu’il entremêle dans la culture française l’acception « loi physique », immuable, axiomatique de la Nature et « loi » humaine, construite dans le cadre d’un groupe social, et renégociable. La métaphore est extrêmement dangereuse. Des auteurs célèbres du postmodernisme comme Stengers jouent sur ce registre en encourageant à « enfreindre la loi », à passer les « infractions » et à se départir des « jugements » quasi-pénaux des physiciens (1), ceci non pour flatter une sympathique désobéissance civile mais pour montrer que les savoirs scientifiques ne sont que des conventions humaines,

« relevant quasi exclusivement de luttes de pouvoir, dans lesquelles la pertinence des théories scientifiques débattues n’aurait que peu d’importance (…) Une science qui se targue de posséder la seule méthode correcte et les seuls résultats acceptables est une idéologie, et doit être séparée de l’État et particulièrement de l’éducation. On peut l’enseigner, mais uniquement à ceux qui ont décidé d’adopter cette superstition particulière. » (2)

 

Nous sommes dans l’anti-rationalisme et le relativisme cognitif le plus granuleux. Malheureusement, ces menaces échappent généralement aux concepteurs de médias. Un simple exemple peut être pris par l’une des ces annonces jouant sur les deux registres : la résistance électrique abolie, lit-on. La vraie question est : par quelle cour de justice ? (voir aussi « la violation de la vitesse de la lumière »)

Tiré de Pour une didactique de l’esrpit critique, de Richard Monvoisin, 4.4.4.7 la métaphore juridique.

 

 La résistance éléctrique abolieCorteX_Loi_resistance_abolie

(1) Stengers I., (1997) Cosmopolitiques, La découverte.

(2) Mulet-Marquis C., (2007) Postmodernisme antirationnel chez Isabelle Stengers, in Athané F., Guinet É., Silberstein M. (Dirs.), Matières premières N°2, émergence et réduction, éd. Syllepse, p 318.