Le CORTECS s’étant construit avec entre autre un transfuge du travail social et un ancien animateur socio-éducatif, il était prévisible que les questions sociales primaires comme celle de la pauvreté soit un objet d’étude et d’enseignement. Voici du matériel à prendre, à remanier, à apprêter selon les publics.
Table des matières
Enseignements
Le coup de feu d’un tel enseignement a été donné par un trio endiablé, Nicolas Gaillard, David Laumet et Richard Monvoisin lors d’une formation intitulée Travail social & esprit critique, menée pour des travailleurs sociaux les 3, 4 et 10 octobre 2011 dans les locaux de la FNARS (Fédération Nationale des Associations d’accueil et de Réinsertion Sociale), réseau généraliste qui regroupe des associations de solidarité et des organismes centrées sur les plus démunis. Cette formation est née du constat de manque d’outils d’analyse critique chez les travailleurs sociaux, autant sur l’analyse des ressources en sciences humaines (mollesse des concepts, évaluation floue des stratégie, absence d’hypothèse de travail, omniprésence de la psychanalyse et de méthodes psychologiques contestables – PNL, méthode Espere, etc.) que sur l’analyse des statistiques, des chiffres et de l’Histoire des concepts.
Depuis, David Laumet a intégré l’équipe d’Odénore (l’Observatoire des non-recours aux droits et services) du laboratoire PACTE, Université de Grenoble, aux côtés de notre camarade Julien Lévy, doctorant sociologue spécialiste de la question du non-recours. Quant à Nicolas Gaillard, son expérience de travailleur social a été largement réinvestie, d’abord dans maints ateliers de transformation sociale au sein de la SCOP L’Orage, mais surtout dans une magnifique « conférence gesticulée » éditée depuis en DVD. Nous l’indiquons en première ressource disponible, toute affaire cessante.
Matériel
Nous ferons des sous-parties progressivement. Pour l’instant, nous faisons un artistique vrac.
Table des matières
La question du salaire unique
Franck Lepage introduit ici le Réseau salariat, association d’éducation populaire promouvant les notions de salaire unique et/ou inconditionnel : extrait de Comme un bruit qui court, sur France Inter, le 13 septembre 2014.
Télécharger
Ordonnance du 13 juillet 1967 créant l’ANPE
Chronique d’Amélie Meffre « Un saut dans la loi« , diffusée dans La Fabrique de l’histoire, sur France Culture, le 31 octobre 2014.
En octobre 2014, le ministre du Travail avouait l’échec du gouvernement face à la montée du chômage. Les chiffres publiés faisaient état d’un nouveau record de quelque 3,5 millions de demandeurs d’emploi sans activité. C’est l’occasion de rappeler l’ordonnance du 13 juillet 1967 qui a créé l’Agence nationale pour l’emploi.
Et oui, et c’est une des premières tentatives gouvernementales pour combattre efficacement le chômage, car force est de constater que l’État est resté longtemps frileux en la matière. Bon, mais soyons honnêtes, il y eut tout de même quelques mesures avant ça. Le 20 août 1914, le directeur du Travail Arthur Fontaine met en place un Fonds national du chômage. Il sert à indemniser les travailleurs ayant perdu leur emploi du fait de la guerre et de la désorganisation des activités. Des fonds sont accordés aux caisses mutuelles syndicales ou aux caisses d’assistance créées par certaines collectivités, départements ou communes. Mais pas question de se la couler douce, si j’ose dire, un contrôle individuel strict est effectué. Sous le Front populaire, comme le rappellent Christine Daniel et Carole Tuchszirer dans « L’État face aux chômeurs », il ne se passe pas grand chose. A la Libération, il y a débat entre le ministère du Travail et celui de l’Économie pour intégrer le risque du chômage au sein de la Sécurité sociale. Ce ne sera pas le cas. En fait, il faudra attendre 1958 pour qu’une convention soit signée entre patronat et syndicats instaurant un régime d’assurance chômage. Il est géré par des Associations pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (les Assedic), fédérées par l’Unedic.
L’État, de son côté, prend quelques mesures : en 1962, il met en place une bourse nationale de l’emploi pour le placement des rapatriés d’Algérie et l’année suivante, il crée le Fonds national de l’emploi (FNE). Ce dernier permettait aux travailleurs licenciés d’au moins 57 ans de bénéficier d’allocations jusqu’à leur retraite, il sera supprimé en 2011. Cette préretraite-licenciement va commencée à être utilisée dans certains secteurs en crise comme celui de la construction navale à Saint-Nazaire en 1964. Bon mais les choses ne vont pas s’arranger, les restructurations vont s’amplifier quelques années plus tard, notamment dans le Nord où les trois industries de base, charbon, textile et sidérurgie, sont en crise. En janvier 1967, le Premier ministre, Georges Pompidou, déclare : « Nous sommes devenus une société industrielle moderne. A partir de maintenant, nous devons concevoir l’emploi comme un problème permanent ». Il ne croit pas si bien dire, même si la France ne compte alors qu’environ 300 000 chômeurs.
Déjà en 1965, les rédacteurs du Ve Plan (1966-1970) pointaient la nécessité de mettre en œuvre « une politique active de l’emploi ». Deux ans plus tard, François-Xavier Ortoli, le Commissaire général au Plan, charge le chef des Affaires sociales Jacques Delors et son équipe de préparer un rapport en vue d’une réforme indispensable. Rendu en avril 1967, le rapport affirme que « la mobilité accrue de l’emploi est inéluctable » et qu’elle est « compatible avec le plein-emploi, dès lors que l’expansion est suffisamment soutenue et diversifiée ». L’idée de créer un service public de placement est avancée. Deux positions sont alors présentées au gouvernement. Celle du ministre des Affaires sociales, Jean-Marcel Jeanneney, qui ne conçoit une agence de l’emploi que subordonnée à l’autorité publique, et celle du secrétaire d’État à l’Emploi, Jacques Chirac, qui plaide pour un service autonome, à vocation presque commerciale. Quoiqu’il en soit, le gouvernement décide de créer un vaste service public de l’emploi, l’ANPE donc. Pour ce faire, il passe en force, via une ordonnance le 13 juillet 1967. Il faut faire vite et éviter de longs débats d’autant qu’un an plus tard, l’ouverture du marché commun est prévue et avec elle, une concurrence accrue.
Des agences se mettent rapidement en place un peu partout sur le territoire avec la vocation de devenir, selon le premier directeur de l’ANPE, Guy Servat : « l’interlocuteur de ceux qui recherchent un emploi ou un meilleur emploi comme de ceux qui offrent des emplois, par la qualité de son accueil, la valeur de ses informations et l’efficacité de son action de placement ». Si fin 1971, la France compte quelque 500 000 chômeurs, la moitié d’entre eux retrouve un travail au bout d’un mois. La situation a bien changé mais pas la méfiance des responsables politiques quant à l’honnêteté des chômeurs. Ainsi, il y a 47 ans, Georges Pompidou déclarait : « Nous vivrons désormais toujours menacés par la concurrence. Le rôle du gouvernement est d’en diminuer les risques parfois, mais son rôle n’est certainement pas d’inviter les gens à la paresse en leur créant de nouvelles protections ».
L’histoire lui donnera raison : les protections ne vont cesser de diminuer et les contrôles de s’accroître.
On peut lire de Christine Daniel et Carole Tuchszirer, « L’État face aux chômeurs. L’indemnisation du chômage de 1884 à nos jours », paru en 1999 chez Flammarion.
Conférence gesticulée « La magie du travail social », de Nicolas Gaillard
Ou comment faire disparaître les pauvres et les inégalités.La quête du Graal d’un éducateur spécialisé qui s’ échine à trouver du sens à son métier et à dévoiler les mécanismes obscurs de la prise en charge des indigents. Et comment fait-il pour tenir, seul au fond de son bureau et à recevoir la misère du monde sans savoir quoi en faire ? Entre outillage critique, réflexion politique et « vignettes cliniques » l’itinéraire désordonné d’un travailleur social de passage qui veut comprendre le truc, et révéler les astuces d’un métier occulte.
un petit passage : https://youtu.be/ourfuNKQKwc
La 1ère conférence en Avril 2013 au Grand parquet à Paris est visible entièrement ici.
Le Dvd de la conférence, captation à la Bobine à Grenoble en juin 2014, est disponible sur le site de l’Orage, ou en rendant visite aux permanences du CORTECS.
Histoire de la grande pauvreté en France aux XIXe-XXe siècles
L’hiver 1954, les participants de l’insurrection de la bonté, derrière l’abbé Pierre, imaginaient peut-être mener la der des ders, la mobilisation finale contre la misère, celle-ci paraissant être appelée à reculer définitivement dans nos pays. On sait maintenant qu’il n’en est rien. En réalité, la France est-elle jamais descendue au-dessous du chiffre de 3 millions de pauvres ? C’est à se demander si, en pesée globale on n’aboutit pas, toujours et quasi nécessairement, à un pourcentage invariant: 10% voire davantage… Évidemment, le seuil de pauvreté varie, en fonction de la croissance des revenus. Mais ce sont aussi les pauvres -et leur représentation- qui changent. Au XIXe, prédominait l’image, dangereuse, du vagabond. Au milieu du XXe, se développa le cliché, bonhomme, du clochard. Aujourd’hui, les pauvres ne peuvent plus être cantonnés dans l’altérité, encore moins la monstruosité : la moitié des Français imaginent qu’ils pourraient le devenir.
Écouter :
Télécharger (29Mo)
Cette émission de la Marche de l’histoire a été diffusée sur France Inter le 26 février 2013, puis rediffusée le 6 janvier 2015. L’historien qui parle est André Gueslin, auteur de deux ouvrages majeurs :