Vidéo – L’ostéopathie en question, Albin Guillaud

Nos collègues de l’Observatoire zététique organisent régulièrement des conférences à Fontaine (38) ouvertes à tou-te-s. Albin Guillaud a été invité à cette occasion le 20 mai 2015 pour présenter une conférence intitulée L’ostéopathie en question qui s’est poursuivie par des questions-réponses.  La prestation a été enregistrée par l’Observatoire zététique. Des problèmes techniques ont été rencontrés, nous nous excusons par avance pour la qualité de l’enregistrement ; le port d’écouteurs audio est vivement recommandé.

Résumé

La reconnaissance légale du titre d’ostéopathe est effective en France depuis 2002. Pourtant, l’approche ostéopathique dite indifféremment “non conventionnelle”, “alternative” ou “complémentaire” est encore objet de vives critiques. Dès lors, difficile pour le patient d’analyser objectivement la validité de cette pratique et de faire le tri parmi les différentes informations souvent contradictoires. Que recouvre exactement ce vocable “d’ostéopathie” ? Quels sont ses principes, ses champs d’applications ? L’ostéopathie a-t-elle une efficacité thérapeutique propre ?

Albin Guillaud, membre du CORTECS et de l’Observatoire zététique, a souhaité répondre à ces questions en apportant un éclairage scientifique et zététique sur cette pratique en vogue.

Vidéo

 Télécharger le diaporama.

Suite à la diffusion de cette vidéo sur le groupe Facebook de l’Observatoire Zététique de Grenoble, un commentaire appelant une réponse a été posté et nous a été signalé par un membre de l’Observatoire. Le commentaire brut ainsi que la réponse sont présentés ci-dessous1.

Commentaire d’un auditeur

Merci beaucoup pour pour cette conférence très bien menée. Quelques questions à l’auteur :

La conférence porte sur l’efficacité de l’ostéopathie mais la méta analyse choisie de Mencke parle des Spinal Manipulative Traitement (SMT) et non de l’Ostepathic Manipulative treatement (OMT), qui est une approche systemique différente. Pourquoi ne pas avoir parler de la Meta analyse Franke et Fryer 2014 (http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25175885) qui ne prend en compte que l’OMT. Est ce une forme de cherry picking pour aller dans le bon sens voulu du conférencier ou est ce un oubli ?

A propos de la fiabilité inter examinateur du diagnostic de dysfonction somatique (somatic dysfunction qui est défini dans l’ICD10) et non lesion ostéopathique qui est un terme abandonné depuis les années 50, quelques ref qui aurait pu être lu avant de dire qu’il n’y a rien de fiable :
Degenhardt, B.F., Snider, K.T., Snider, E.J., & Johnson, J.C. Interobserver reliability of osteopathic palpatory diagnostic tests of the lumbar spine: improvements from consensus training. J Am Osteopath Assoc 2005;105:465-473.
Snider, K.T., Johnson, J.C., Snider, E.J., & Degenhardt, B.F. Increased incidence and severity of somatic dysfunction in subjects with chronic low back pain. J Am Osteopath Assoc 2008;108(8):372-8.
Snider, K.T., Johnson, J.C., Degenhardt, B.F., & Snider, E.J. Low back pain, somatic dysfunction, and segmental bone mineral density T-score variation in the lumbar spine. J Am Osteopath Assoc 2011;111(2):89-96.

Enfin à propos de l’effet tiroir, il faut souligner qu’il n’y a pas de financement (ni privé car pas d’interet de vendre un produit, ni publique car ils ne font pas parti du systeme de santé publique) pour la plupart des études et c’est souvent de leur poche que les ostéo qui font de la recherche le font sur leur temps libre, et ils sont motivés par l’analyse critique de leur pratique et il n’y a pas d’intéret financier et donc certainement l’effet tiroir est certainement moindre que dans la publi biomédicale pharmaceutique.

Enfin concernant l’impact sociétal, je ne partage pas le point de vue de l’auteur mais plutot celui de Dagenais et al (A systematic review of low back pain cost of illness studies in the United States and internationally. Spine J 2008, 8:8–20) qui montre que l’impact économique des low back pain est énorme et que l’effet sur la qualité de vie est important

Réponse d’Albin Guillaud

Les différentes portions du commentaire sont reprises.

La conférence porte sur l’efficacité de l’ostéopathie mais la méta analyse choisie de Mencke parle des Spinal Manipulative Traitement (SMT) et non de l’Ostepathic Manipulative treatement (OMT), qui est une approche systemique différente. Pourquoi ne pas avoir parler de la Meta analyse Franke et Fryer 2014 (http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25175885) qui ne prend en compte que l’OMT. Est ce une forme de cherry picking pour aller dans le bon sens voulu du conférencier ou est ce un oubli ?

Vous avez raison. La méta-analyse de Menke2 ne traite pas de l’Osteopathic Manipulative Treatment (OMT) mais des Spinal Manipulative Treatment (SMTs) : « Objective. Determine relative effectiveness of spinal manipulation therapies (SMTs), medical management, physical therapies, and exercise for acute and chronic nonsurgical low back pain».

Je suppose que, par cette remarque, vous souhaitez indiquer que l’ostéopathie n’est pas concernée par l’étude de Menke. Si c’est le cas et bien il faut avouer que c’est faux (la mise en gras est ajoutée) : «Five SMT provider types were summarized: osteopaths (15 studies/15 arms), physical therapists (22/27), chiropractors (37/39), allopathic medical physicians (9/10), and bonesetters (3/3 for chronic pain only)».

Pour voir les résultats qu’obtiennent les ostéopathes quand ils manipulent des patients atteints d’une lombalgie chronique ou aigue, voir la figure 3 dans la publication : « Figure 3. Best SMT providers. SMT indicates spinal manipulation therapy ».

Notez que, et cela n’est pas mentionné dans la vidéo, les ostéopathes sont les professionnels qui obtiennent les moins bons résultats (qui sont déjà peu supérieurs aux effets des facteurs non-spécifiques et de l’histoire naturelle, et inférieurs à des exercices supervisés pour tous les thérapeutes quelque soit leur affiliation – médecins, physiothérapeutes, ostéopathes, chiropraticiens, bonesetters (rebouteux) ).

Concernant la méta-analyse que vous indiquez3, c’est un malheureux oubli. La raison de cet oubli est assez simple : les recherches bibliographiques menées pour cette conférence n’ont pas inclus le terme « osteopathic » mais uniquement le terme « osteopathy » et celui-ci ne figure pas ni dans le titre ni dans le résumé de cette méta-analyse. Cette meta-analyse sera incluse sans faute lors des prochaines communications. Merci pour ce partage d’information. On peut déduire de votre remarque que vous estimez cette méta-analyse comme constituant un argument en faveur de l’efficacité de l’OMT pour les lombalgies chroniques et aigues. Le CORTECS ne manquera pas de l’analyser en détail.

A propos de la fiabilité inter examinateur du diagnostic de dysfonction somatique (somatic dysfunction qui est défini dans l’ICD10) et non lesion ostéopathique qui est un terme abandonné depuis les années 50, quelques ref qui aurait pu être lu avant de dire qu’il n’y a rien de fiable :

  • Degenhardt, B.F., Snider, K.T., Snider, E.J., & Johnson, J.C. Interobserver reliability of osteopathic palpatory diagnostic tests of the lumbar spine: improvements from consensus training. J Am Osteopath Assoc 2005;105:465-473.
  • Snider, K.T., Johnson, J.C., Snider, E.J., & Degenhardt, B.F. Increased incidence and severity of somatic dysfunction in subjects with chronic low back pain. J Am Osteopath Assoc 2008;108(8):372-8.
  • Snider, K.T., Johnson, J.C., Degenhardt, B.F., & Snider, E.J. Low back pain, somatic dysfunction, and segmental bone mineral density T-score variation in the lumbar spine. J Am Osteopath Assoc 2011;111(2):89-96.

Au sujet des notions de « lésion ostéopathique » vs. « dysfonction somatique », un ostéopathe m’avait également précisé cette nouvelle dénomination à la fin de la présentation. Cependant, nous nous posons toujours la question de l’existence de ces « dysfonctions somatiques ». Nous serions ravis que vous nous indiquiez les travaux qui vous semblent attester de leur existence.

À propos des fiabilités des procédures d’examens, il me semblait avoir parlé uniquement de la fiablilité des procédures diagnostiques en ostéopathie crânienne (qui elles sont véritablement médiocres – au CORTECS, nous avons fait une revue systématique sur le sujet qui sera bientôt rendue publique). En fait, après avoir réécouté ce passage, il s’avère que j’ai bien évoqué les procédures d’examen pour le rachis juste avant de parler des procédures crâniennes. Par conséquent, on a effectivement l’impression que je me prononce pour les deux types de procédures. Je précise donc que nous ne nous sommes pas encore penchés sur les examens du rachis (et nous ne connaissons donc pas les travaux dont vous parlez) et que nous n’avons aucun avis sur la question pour l’instant.

Enfin à propos de l’effet tiroir, il faut souligner qu’il n’y a pas de financement (ni privé car pas d’interêt de vendre un produit, ni public car ils ne font pas parti du systeme de santé publique) pour la plupart des études et c’est souvent de leur poche que les ostéo qui font de la recherche le font sur leur temps libre, et ils sont motivés par l’analyse critique de leur pratique et il n’y a pas d’intéret financier et donc certainement l’effet tiroir est certainement moindre que dans la publi biomédicale pharmaceutique.

L’effet tiroir n’est pas uniquement lié à des situations de financement. Voir ici et (chapitre 6 pour ce dernier lien).

Enfin concernant l’impact sociétal, je ne partage pas le point de vue de l’auteur mais plutot celui de Dagenais et al (A systematic review of low back pain cost of illness studies in the United States and internationally. Spine J 2008, 8:8–20) qui montre que l’impact économique des low back pain est énorme et que l’effet sur la qualité de vie est important

Dans la présentation, mon propos sur la question n’est pas clair. Je vais donc clarifier ici.

  1. Je ne remets pas en cause l’impact sociétal des lombalgies : nous sommes donc en réalité d’accord.
  2. Ce que je questionne, c’est la pertinence d’investir de l’argent, du temps et de l’énergie dans des dispositifs de formation et de recherche (par exemple : thérapie manuelle en général) qui concernent des moyens d’action à l’efficacité propre minime voire douteuse. D’autant plus quand on connaît aujourd’hui le poids de certains paramètres tels que les inégalités sociales de santé4. Dans l’étude de la page 15 de : Lombalgie invalidante et situation sociale, résultats issus de l’enquête HID (Handicap-incapacité-dépendance), France,

Les résultats présentés documentent des inégalités intervenant tout au long de la vie : être enfant de cadre ou de profession intermédiaire est un facteur protecteur vis-à-vis d’une lombalgie invalidante à l’âge adulte ; exercer une profession ouvrière, particulièrement parmi les hommes , est un facteur de risque très important, ce qui est cohérent avec les connaissances sur le rôle des expositions professionnelles ; de plus, une fois que la lombalgie est établie, l’avenir professionnel est compromis, car il devient difficile de se maintenir en activité, et, pour les demandeurs d’emploi, de retrouver un emploi.

Investir pour comprendre les mécanismes de ces déterminants et pour agir dessus, par exemple, pourrait être plus important car cela impliquerait beaucoup plus que le seul problème de la lombalgie5.

Pour toutes réactions complémentaires, n’hésitez pas à écrire à : contact@cortecs.org

Albin Guillaud

Retour d'expérience : débat mouvant « pour ou contre la sectorisation des kinés » ?

Le 17 novembre 2015 Jérémy Muccio est venu présenter à l’Institut de Formation en Masso-Kinésithérapie (IFMK) de Grenoble sa conférence gesticulée devant les étudiant.e.s kinés de première et troisième année et quelques enseignant.e.s de l’IFMK. Avec Jérémy, nous avons voulu prolonger ce temps par un moment d’échanges et d’argumentation avec les étudiant.e.s. En voici un compte-rendu.

Objectifs

Nous avions initialement prévu d’organiser deux débats mouvants sur les thématiques suivantes :

– le tiers payant généralisé 1 ;

– la sectorisation des professionnels de santé2.

Nous avons finalement retenu uniquement la seconde thématique car notre temps a été plus limité que prévu. De plus un enseignant nous a pertinemment fait remarquer que le sujet du tiers payant généralisé serait peut-être trop complexe à traiter avec des étudiant.e.s de première année.

Notre objectif a été de faire prendre position les étudiant.e.s sur un sujet volontairement polémique concernant leur future activité professionnelle mais surtout de mobiliser leurs capacités argumentatives permettant d’étayer leur positionnement.

Déroulement

Nous avons disposé d’1h15 avec environ 100 étudiant.e.s.

Nous avons d’abord présenté l’affirmation polémique sur laquelle ils ont ensuite du prendre position :

Les kinésithérapeutes nouvellement diplômé.e.s doivent s’installer pour une certaine durée dans des zones sous-dotées3. S’ielles refusent, ielles doivent être déconventionné.e.s4.

Nous avons précisé que cette proposition n’était pas le pur fruit de notre invention. Elle s’inspire notamment d’une récente suggestion de la Cour des comptes dans un rapport publié le 15 septembre 2015 5 : « Afin de contribuer au rééquilibrage géographique, une affectation prioritaire [des infirmièr.e.s et kinésithérapeutes] dans des structures collectives situées dans les zones déficitaires mériterait d’être étudiée. » Ce rapport fait le constat de l’augmentation des dépenses par l’Assurance maladie de remboursement des soins pratiqués par les infirmièr.e.s et les kinésithérapeutes en exercice libéral. Il souligne entre autre que pour une même pathologie le nombre d’actes est plus important dans les zones surdotées en professionnel.le.s que dans les zones sous-dotées.

Les médias relaient dès le 15 septembre la publication du rapport de la Cour des comptes. Le parisien sous-titre "l'explosion des dépenses" et des professions "massivement employés", termes à effet impact non employés dans le rapport en question.
Les médias relaient dès le 15 septembre la publication du rapport de la Cour des comptes. Le Parisien souligne en accroche « l’explosion des dépenses » et des professions « massivement implantées« , termes à effet impact non employés dans le rapport en question.

Nous avons proposé aux étudiant.e.s de constituer  :

– un groupe dont les membres étaient a priori pour l’affirmation proposée concernant la sectorisation des kinésithérapeutes, qui devait se placer du côté droit de la salle de conférence dans laquelle avait lieu l’intervention ;

– un groupe contre, positionné à gauche.

Nous leur avons laissé 20 minutes pour discuter en petits groupes au sein de chaque camp des arguments qu’ils pouvaient avancer pour justifier leur prise de position.

Ensuite a eu lieu à proprement parlé le débat mouvant qui a duré environ 30 minutes. Chaque camp a du à tour de rôle énoncer un argument. À l’issu de l’énonciation de chaque argument, les étudiant.e.s ont pu décider de se lever et changer de camp :

– soit parce que l’argument de l’autre camp a été séduisant et a fait fléchir leur positionnement ;

– soit parce qu’il n’ont pas été d’accord avec l’argument énoncé par leur propre camp.

Quelques précautions ont été prises pour que le débat se déroule au mieux et pour faciliter la prise de parole de ceux et celles moins enclin à la saisir :

– chaque personne n’a du prendre qu’une seule fois la parole (lorsqu’il n’y a plus eu de nouvelles mains levées, nous avons redonné la parole à celles et ceux l’ayant déjà pris) ;

– il n’a pas fallu répondre directement aux arguments du camp adverse, mais relancer un nouvel argument ;

– il a été préférable de jouer le jeu et de ne pas hésiter à changer de camp, plutôt que de rester campé sur ses positions initiales.

Initialement, les « pour » étaient minoritaires (environ 1/3 des étudiant.e.s). À l’issu du débat, les groupes étaient équilibrés. Nous avons été content.e.s de la façon dont s’est déroulé le débat, des prises de parole relativement bien réparties et nombreuses, et du fait que plusieurs étudiant.e.s aient changé leur positionnement au cours du débat.

Voici un résumé des arguments énoncés ; nous espérons ne pas les avoir trop déformés en en prenant note.

Arguments proposés par les étudiant.e.s

POUR

CONTRE

Les difficultés d’accès au soin dans les zones sous-dotées font que les personnes consultent moins souvent et plus tardivement. La prise en charge de leur pathologie pourra donc coûter finalement plus cher.

La prise en charge des personnes sera de moins bonne qualité car les kinésithérapeutes ne seront pas motivé.e.s par leur travail.

Quand on sort de l’école, on est plus motivé, donc même si on travaillera dans une zone imposée, on pourra rester motivé.

Il y a un manque de kinés aussi dans les zones surdotées puisqu’il y a encore des kinés qui prennent en charge 5 patients par 30 minutes dans ces zones.

Si l’on n’est pas d’accord, on a la possibilité du déconventionnement.

Des obligations personnelles et familiales peuvent nous contraindre à devoir rester dans une territoire bien précis.

Il s’agit d’une restriction de liberté de courte durée.

Si le kiné fait le choix d’être déconventionné, alors il aura plus difficilement accès à de la formation continue, et donc ses soins seront de moins bonne qualité.

La sécurité sociale est un système de solidarité, c’est notre devoir d’être solidaire et de faire des concessions sur notre liberté.

Les étudiant.e.s kinés sont déjà parfois obligé de rester pendant 4 ans loin de leur région de naissance pour leurs études. Cette mesure rallongerait cette période d’éloignement non désirée.

Si la Cour des comptes suggère cela, c’est qu’il y a des bonnes raisons économiques à le mettre en place.

Si les kinés font le choix d’être déconventionné.e.s, ils vont sélectionner leurs patient.e.s par l’argent.

Il y a des déserts médicaux partout sur le territoire, pas forcément loin de nos régions d’origine.

Cela ne va pas réduire les dépenses en santé car les kinés voudront rester dans les zones sur-dotées.

Cela permettrait de créer une dynamique et de faire en sorte que les choses bougent, d’améliorer les intéractions ville-campagne.

Les kinés doivent naturellement tendre vers une installation dans des zones sous-dotées sans que cela soit imposé.

Les modalités pourront être plus ou moins souples, cela pourra être pour une durée courte, et on pourra tout de même aller dans différentes régions.

Il y a d’autres solutions comme l’augmentation du numerus clausus.

Cela permettra une redistribution des patient.e.s.

S’il n’y a pas de médecins dans ces zones, alors il n’y aura pas de travail pour les kinés.

Cela permettra d’apporter des soins aux gens qui n’y ont aujourd’hui pas accès alors qu’ils sont dans le besoin.

C’est aux kinésithérapeutes diplômés à l’étranger, nombreux à venir en France, de s’installer dans les zones sous-dotées.

Dans les années qui suivent le diplôme, les kinés font surtout des remplacements, il suffirait qu’il y ait des cabinets dans ces zones là pour faciliter les remplacements.

Cela touche à notre liberté individuelle.

Si l’on tient à s’installer dans un endroit bien précis, alors on sera libre de s’y installer en activité salariale plutôt que libérale.

Si on accepte l’obligation de s’installer pour une courte durée dans une zone sous-dotée, alors c’est la porte ouverte à ce qu’on nous oblige d’y rester pour une durée beaucoup plus longue.

Le redistribution des professionnels de santé sera d’autant plus facile si elle résulte d’un effort commun des professionnels.

Il ne se sera pas possible d’apprendre des choses par l’intermédiaire d’autres kinés puisqu’il n’y aura personne à la ronde.

Les zones sous-dotées ne sont pas situées qu’à la campagne.

Il y a des gens qui ne sont pas faits pour vivre à la campagne, ils risqueront de tomber en dépression.

Brève analyse des arguments

Pente glissante
Pente glissante

Nous n’avons pas pris le temps de revenir sur certain.e.s des arguments qui parfois reposent  sur des constats empiriquement non vérifiés (le fait que les zones sous-dotées soient situées uniquement à la campagne6 ; le fait d’être plus motivé lorsqu’on sort de l’école – à notre connaissance, il n’existe pas de données à ce sujet, etc.) ; sur des erreurs de raisonnement (pente glissante 7 : « Si on accepte l’obligation de s’installer pour une courte durée dans une zone sous-dotée, alors c’est la porte ouverte à ce qu’on nous oblige d’y rester pour une durée beaucoup plus longue. » ; argument d’autorité : « Si la Cour des comptes suggère cela, c’est qu’il y a des bonnes raisons économiques à le mettre en place. » ), faute de temps et d’anticipation de notre part quant à la survenue de tels arguments.

Remarques et bilan

À froid, deux remarques sont à faire selon nous.

Une première concernant la facilité avec laquelle les étudiant.e.s ont pris position, mais ont aussi changé leur positionnement (pour certain.e.s), ainsi que la diversité des arguments proposés dans un camp comme dans l’autre. Ces éléments entrent en contradiction avec le fait que les étudiant.e.s (comme la majorité de la population) soient très peu sollicité.e.s dans les processus de prise de décision concernant des mesures, législatives ou non, qui auront un impact direct avec leur activité quotidienne. Une intervention de ce type, certes de très faible taille et ampleur, nous laisse penser que l’implication d’étudiant.e.s kinés dans des processus décisionnels concernant leurs activités actuelle et future serait légitime.

Une seconde remarque au sujet de la proposition de sectorisation des kinésithérapeutes comme un des moyens de limiter l’augmentation des dépenses de remboursement par l’Assurance maladie. Cette proposition s’inscrit dans une volonté plus large de diminution du déficit de la Sécurité sociale (composé de la branche maladie, mais pas que), souvent appelé « trou de la sécu » 8. Or, un déficit est nécessairement composé d’un déséquilibre entre des recettes et des dépenses. Dans son rapport, la Cour des comptes ne propose que des mesures vis-à-vis de la réduction des dépenses et non de l’augmentation des recettes. De plus, le gain économique qui résulterait de ces mesures (comme de celle de la sectorisation des infirmièr.e.s et kinés) n’est pas quantifié. À l’inverse, nous disposons depuis plusieurs années de données concernant le gain qui pourrait résulter de mesures prises concernant l’augmentation des recettes. L’État tout comme de grandes entreprises ne versent pas au régime général l’intégralité des cotisations qu’ils devraient lui transmettre, suite notamment aux mesures d’exonération fiscale ou de cotisations pour les bas salaires 9.

Nous referions bien volontiers un débat de ce type auprès d’étudiant.e.s kinés, en anticipant peut-être mieux la survenue d’arguments non valables et en trouvant une solution pour les décortiquer sans pour autant blesser les personnes les énonçant. Nous aimerions aussi procéder à une évaluation, par les étudiant.e.s, de la pertinence de l’organisation de ce type de débat à leurs yeux.

Nelly et Jérémy