TP : analyse critique d'un sujet de brevet des collèges de sciences

Jacques Vince et Julien Machet, enseignants et formateurs en physique-chimie dans l’académie de Lyon, nous ont fait parvenir une analyse critique du sujet de sciences du Diplôme National du Brevet donné à Pondichéry en 2017. Nous pensons qu’essayer de dresser une critique de ce sujet d’examen constitue un très bon exercice d’application de certains des outils d’auto-défense intellectuelle que nous enseignons, particulièrement pour celles et ceux qui ont quelques connaissances sur les ressources énergétiques. Voici donc le sujet à décortiquer ici, et l’analyse qu’en ont fait Jacques et Julien, ci-dessous. Merci à eux !

Le sujet de sciences du Diplôme National du Brevet donné à Pondichéry était attendu avec impatience par les enseignants de sciences car c’est le premier sujet authentique publié (les autres étaient des sujets dits « zéro ») depuis la réforme de 2016. Ce sujet, s’il apparait conforme aux textes officiels et indications données préalablement quant aux connaissances et capacités testés, pourrait comme d’autres faire l’objet de critiques quant à la nature des capacités testées au regard de ce qui a été travaillé dans l’année, mais là n’est pas notre propos. Nous espérons surtout que les messages véhiculés par les sujets futurs ne soient pas aussi caricaturaux, pour ne pas dire scandaleux, du point de vue de la formation des futurs citoyens que sont les collégiens de 3ème.

Voilà en effet bien longtemps que l’on n’avait pas vu un sujet sur les différentes options de production énergétique s’offrant à la société française qui soit aussi clairement critique vis-à-vis des énergies renouvelables, vantant les mérites du nucléaire et défendant une vision scientiste du rôle de la science dans notre vie de citoyen.

Ainsi la partie de physique-chimie annonce clairement qu’il va s’agir de montrer, grâce donc à ce simple sujet, sans aucune considération (géo)politique ou économique, pourquoi le développement de l’énergie éolienne n’a pas été fait « à grande échelle » (entendre « sur tout le territoire français »).

La première partie de l’épreuve vise à estimer la surface que devrait couvrir les éoliennes en France pour répondre aux besoins actuels en électricité (surface de l’ordre de la surface d’un département). Même si la notion de mix énergétique n’est jamais évoqué, pourquoi ne pas réaliser en effet ce calcul fictif, sorte d’expérience de pensée dont on ne sait pas bien quoi conclure (sans doute qu’on ne peut pas massacrer un département entier pour des éoliennes)… Soit. Mais la question suivante semble aider à savoir qu’en penser : il s’agit en effet de formuler deux critiques négatives de ce mode de production d’énergie comme « seul choix » qui ne répond pas « aux besoins croissants en électricité ». On retrouve donc ici plusieurs arguments classiques du débat politique sur le sujet :

  1. Le besoin en électricité est croissant. Quid de l’efficacité énergétique ? Quid d’une potentielle sobriété énergétique ? Quid du remplacement de l’électricité par d’autres modes de production et de consommation d’énergie ?

  2. Il n’y a pas d’innovations techniques dans le domaine. On critique l’éolien en général en critiquant les éoliennes actuelles. Les spécialistes de ce domaine très riche en innovations techniques apprécieront.

L’élève est donc incité à formuler une critique négative sans pour autant que l’on contre-balance la question par une autre où il devrait décrire les avantages de ce type de production énergétique (ce qui se fait en général pour éviter toute accusation de non-neutralité). L’avis du citoyen sur le sujet pourrait donc semble-t-il être façonné par une simple démonstration « à charge » : on ne peut pas saccager un département entier avec une technologie à si faible rendement …

Jusque là on peut trouver que la critique est facile et inévitable sur un tel sujet forcément simplifié à l’extrême, mais la suite du sujet donne un tout autre point de vue.

Ainsi la partie Sciences de la vie et de la Terre demande aux élèves de dire quel mode de production d’énergie est plus adapté à différentes villes françaises. On nous propose donc des informations sur trois types d’énergie dont la classification laisse songeur : les énergies non renouvelables, les énergies renouvelables… et l’énergie nucléaire ! Laissant de côté la biomasse et l’hydraulique, seuls trois énergies renouvelables sont documentées à l’échelle de la France (carte de répartition du débit d’énergie géothermique, carte de la moyenne d’ensoleillement et car de la vitesse des vents). Les élèves doivent alors, à l’aide de ces trois cartes et d’un document listant les inconvénients de ces trois ressources (leur unique avantage commun étant d’être inépuisable, rien sur les rejets par exemple), indiquer la ou les énergies renouvelables pertinentes pour trois villes françaises, puis, enfin, proposer une solution d’approvisionnement pour la ville de Reims, qui ne répond évidemment à aucune condition d’exploitation des trois énergies « cartographiées ».

Cette fois la ficelle est grosse :

  1. L’énergie nucléaire ne fait donc apparemment pas partie des énergies à ressources non-renouvelables ! L’uranium deviendrait presque ainsi une matière renouvelable … Si l’estimation des ressources actuelles et le développement futur du nucléaire civil rendent difficile une estimation précise de la durée prévisionnelle d’épuisement, elle ne dépasse que rarement une centaine d’année selon les différents organismes (CEA, AIEA…) : pas de quoi les sortir de la catégorie non-renouvelable dans laquelle on cantonne également les ressources fossiles !

  2. La biomasse et l’hydraulique ne sont pas documentées alors qu’elles représentent environ les 2/3 de la production française en énergie renouvelable

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  • La question des rejets polluants engendrés par les différents choix de production énergétique est purement et simplement ignorée.

  • Le sujet confond, par omission, énergie et électricité. Pourquoi parler de l’approvisionnement énergétique de Reims alors qu’il s’agit seulement de l’approvisionnement en électricité ?

  • Ne faut-il pas penser la production d’électricité à des échelles plus larges que celle d’une ville ? La question du transport de l’électricité peut-elle vraiment être éludée ?

  • C’est évidemment la réponse attendue à la question finale qui est la plus scandaleuse : la ville de Reims bénéficiant de peu de ressources solaires, géothermiques et éoliennes, l’élève est incité à proposer une autre solution comme l’électricité nucléaire évidemment. On suppose donc qu’avec si peu d’informations, en oubliant 2/3 des énergies renouvelables, en omettant la question du transport de l’énergie, celle de l’utilisation d’énergie non électrique, et toutes celles liées aux rejets polluants et en passant finalement sous silence la question de la place de la technique dans la société (on appréciera sur le sujet du nucléaire) l’élève va pouvoir conclure à un logique recours au nucléaire.

    Il nous parait inadmissible que ce sujet de brevet ne respecte pas une certaine éthique dans l’appropriation citoyenne des résultats scientifiques. Il propose de façon insidieuse un choix orienté des résultats présentés puis demande d’en tirer une conclusion apparaissant comme logique, objective et neutre politiquement. Cette manière de faire du tri dans l’information transmise, de prioriser certains critères face à d’autres relève bel et bien de choix politiques et non d’une objectivité scientifique.

    Pour que la science ne soit pas remise en cause et délégitimée par les citoyens il nous apparait nécessaire de distinguer le résultat scientifique qui se doit d’être objectif, de son appropriation par les citoyens et du tri des informations qui relèvent d’un choix politique personnel influencé par d’autres ressources que seulement scientifiques. Dans ce sujet de brevet, non seulement la distinction n’est pas faite mais de plus, la seule expertise nécessaire à la prise de décision politique relèverait de la science … Cela porte un nom : cela s’appelle du scientisme.

    Cette manière partielle et partiale de présenter le problème est très connotée politiquement. Elle s’inscrit dans un contexte historique et est au service d’une cause économique spécifiquement française : le nucléaire. En tant qu’enseignant et éducateur nous sommes donc sensé diffuser ce document, faire travailler nos élèves de 3ième sur ce sujet … exemplaire ! Un joli message pour former nos élèves à l’esprit critique…

    Produire un sujet simple sur une question de société complexe n’est évidemment pas chose aisée. Mais relever ce défi ne doit pas conduire à confondre simplification et orientation forte du débat sous couvert d’une apparente neutralité scientifique.

    Jacques Vince, Julien MACHET

    Enseignants et formateurs en Physique-chimie dans l’académie de Lyon

    In memoriam minimalismus Ruwen Ogien

    Le philosophe Ruwen Ogien a toujours eu une certaine distance amusée à l’égard des situations morales qu’il traitait dans ses livres. Jusqu’au dernier moment, il regardait sa maladie d’un air circonspect, et la pantomime médicale et afflictionnelle d’un œil rieur – ce qu’il a d’ailleurs raconté dans son dernier ouvrage. Il est mort le 4 mai 2017 sans que l’on sache à quel âge exactement, et on peut miser que là où il est, il doit rire de ceux qui se demandent s’il est moral de mourir au printemps ou de manger des pissenlits par la racine plutôt que par les feuilles. Au CorteX, nous essayons de jauger nos choix politiques et moraux par l’analyse rationnelle, et la philosophie morale nous fournit des outils de premier choix. Parmi les fournisseuses et fournisseurs officiels et principaux, Ruwen Ogien et son éthique minimale. Alors pour solder notre dette intellectuelle, nous avons voulu consacrer un article à sa pensée et la faire découvrir à celles et ceux qui seraient passés à côté, parce qu’il n’est jamais trop tard. Quoi de mieux pour cela que de demander à l’une des ses collègues philosophes, Marlène Jouan, qui a bien connu le monsieur, et assidûment fréquenté l’œuvre ?

    Un spécialiste de philosophie morale

    Spécialiste de philosophie morale ou d’éthique, pour Ruwen Ogien c’est pareil. Seulement, quand on a dit ça on n’est guère avancé, car il y a « philosophie morale » et « philosophie morale ». Pour comprendre ce qu’il faisait, le mieux est donc de commencer par revenir sur les trois « branches » que l’on a coutume de distinguer dans le domaine.

    La méta-éthique, d’abord, qui s’intéresse à la signification des prédicats moraux tels que « bien », « mal », « juste » ou « injuste » par distinction d’avec « rouge », « vrai » ou « laid » par exemple ; au rapport entre les jugements moraux et les autres types de jugements, factuels et évaluatifs ; au statut épistémologique des jugements moraux (que nous permettent-ils de connaître ?) ainsi qu’à leur pouvoir explicatif (en quoi motivent-ils nos actions ?). En bref la méta-éthique, c’est l’étude du langage de la morale, indifférente à la question de savoir quelles sont les actions qu’il est bien ou mal, juste ou injuste d’accomplir. Sous l’impulsion première du philosophe britannique George Edward Moore au début du XXe siècle, et aussi surprenant que cela puisse paraître à celles et ceux qui ne sont pas familiers de ce champ de recherche, la philosophie morale ainsi conçue est donc tout sauf une philosophie pratique qui aurait vocation à guider notre conduite, voire notre existence tout entière.

    L’éthique normative, ensuite, correspond bien davantage à ce que nous nous attendons à trouver quand on nous parle de philosophie morale. Elle élabore en effet des théories ayant une ambition prescriptive, c’est-à-dire visant à nous dire ce qu’il faut faire en telle et telle circonstance, comment nous devons agir, ou bien ce qu’il serait bien ou correct de faire en telle en telle circonstance. Plus exactement, ces théories proposent des méthodes de raisonnement permettant de décider de ce qu’il faut faire ou de ce qu’il serait bien de faire – aux autres mais, pourquoi pas aussi, à soi-même. Historiquement et schématiquement, il y a trois grandes théories de ce type : l’arétaïsme, ou éthique des vertus, que l’on doit à Aristote mais qui est bien vivante aujourd’hui encore ; le déontologisme, dont le représentant le plus fameux est le philosophe allemand Emmanuel Kant mais dont on a aussi une variante dans le catholicisme par exemple ; l’utilitarisme, qui nous vient initialement de Grande-Bretagne, et dont les pères fondateurs sont Jeremy Bentham et John Stuart Mill.

    Enfin, l’éthique appliquée, qui consiste au premier abord à exploiter ces théories normatives, ou les principes qu’elles mettent en avant, pour résoudre des questions d’éthique concrètes, que l’on appelle parfois aussi « questions de société ». Par exemple et pêle-mêle : l’euthanasie, la prostitution, le don d’organe, la torture, la liberté d’expression, l’expérimentation sur les animaux, la peine de mort, l’assistance médicale à la procréation, la protection de l’environnement, le clonage, le port du voile, etc. En réalité l’étude de ces cas concrets, qui s’est développée de manière exponentielle dans la seconde moitié du XXe siècle, permet tout autant de mettre à l’épreuve les théories normatives dominantes, de les tester et de les amender ; elle oblige aussi à reconnaître qu’en pratique, nous avons souvent recours à un « bricolage » entre ces différentes théories ; elle a enfin besoin de recourir, à des fins d’éclaircissement des difficultés et des enjeux des débats, à la méta-éthique.

    Pour en savoir un peu plus sur cette organisation du paysage de la philosophie morale, on peut se référer utilement au « Que sais-je ? » que Ruwen Ogien lui a consacré, avec Monique Canto-Sperber, en 2004 : ce petit ouvrage constitue, pour les étudiant.e.s qui souhaitent s’initier sérieusement à la philosophie morale contemporaine, une très bonne introduction. Pour sa part, et depuis son premier ouvrage intitulé La faiblesse de la volonté, issu de sa thèse de doctorat et paru en 1993, Ruwen Ogien a constamment frayé, sans respecter leurs frontières académiques, avec chacune de ces trois branches de la philosophie morale. Mais on associe plutôt ses travaux à l’éthique appliquée, comme le suggèrent les titres de quelques ouvrages : Penser la pornographie (2003), La liberté d’offenser. Le sexe, l’art et la morale (2007), La vie, la mort, l’État. Le débat bioéthique (2009), La guerre aux pauvres commence à l’école. Sur la morale laïque (2012). C’est également sous ce drapeau que s’inscrivaient ses interventions régulières, depuis 2014, sur le blog « LibeRation de Philo ». À destination d’un public plus large, elles ont été récemment reprises, avec d’autres textes rédigés au fil de l’actualité, dans son Dîner chez les cannibales et autres chroniques sur le monde d’aujourd’hui.

    Dans les pas de Montaigne…  

    La référence à Montaigne est ici immanquable, et instructive pour se faire une idée de la conception qu’avait Ruwen Ogien de l’utilité pratique de la philosophie. L’auteur de l’essai « Des cannibales » revendiquait en effet, dans un autre essai intitulé « Du repentir », une tâche de « récitation de l’homme » qu’il faut comprendre par contraste avec la prétention de ses prédécesseurs à « former l’homme », qui sera aussi celle de beaucoup de ses successeurs.

    Mais pas de Ruwen Ogien, pour qui la philosophie morale n’a précisément pas pour mission de « former » l’être humain c’est-à-dire de le mettre ou de le remettre sur le chemin de la vertu, de la perfection ou de la sainteté. Cela supposerait qu’il soit légitime de soumettre l’ensemble de ses conduites, privées comme publiques, au jugement moral, et de confier ce jugement moral au philosophe : n’est-il pas l’« expert » en cette matière ? De fait, c’est bien ce qu’on demande souvent aux philosophes, tant dans les comités d’éthique que dans l’espace médiatique, à savoir de donner leur « avis », leur diagnostic et leur conseil, sur à peu près toutes les questions qui soulèvent et alimentent la « panique morale », voire le « délire catastrophiste » ambiants – la crainte que certaines pratiques, notamment sexuelles et reproductives, mais aussi religieuses et migratoires, ne renversent les « piliers » ou les « fondements » de la société en transgressant les normes et les valeurs qui seraient essentielles à notre « identité » ou au « vivre-ensemble ». C’est bien d’ailleurs aussi ce que nombre d’entre eux proposent, quand bien même on ne leur demande rien !

    Ruwen Ogien fait résolument partie de ceux qui refusent d’endosser un tel rôle, que dénonçait déjà Jacques Bouveresse, son directeur de thèse, en 1973 dans un essai intitulé Wittgenstein : la rime et la raison :

    « Dans quelle mesure […] le philosophe est-il qualifié pour parler de morale ? Est-il fondamentalement meilleur, plus expérimenté ou plus heureux que le reste des hommes ? Quel genre de secret détient-il ? Que pourrait-il bien savoir que d’autres ignorent ? De toute évidence rien »

    Qu’on ne se méprenne pas : cette position sceptique, inspirée de Ludwig Wittgenstein, ne signifie pas que la philosophie morale en général, l’éthique appliquée en particulier, est une imposture intégrale. S’il ne faut pas attendre du philosophe un savoir, mi-spéculatif mi-existentiel, qui lui permettrait de fournir des solutions forcément justes aux problèmes éthiques que l’on rencontre (ou que l’on invente), et s’il faut encore moins attendre de lui un comportement moral particulièrement exemplaire, en revanche on peut et l’on devrait pouvoir compter sur lui pour élaborer et transmettre certains savoir-faire nous permettant d’éclairer ces problèmes, de sortir des confusions conceptuelles et argumentatives qui gangrènent la façon dont on en discute.

    L’avant-propos de L’influence de l’odeur des croissants chauds sur la bonté humaine – et autres questions de philosophie morale expérimentale (2011) illustre explicitement cette démarche, que certainement le CorteX ne renierait pas [NdCorteX : effectivement, nous nous servons de ses productions depuis 2012, voir ici] : dans ce qu’il présente comme une « introduction générale à l’éthique », Ruwen Ogien affirme vouloir « mettre à la disposition de ceux que cela pourrait intéresser une sorte de boîte à outils intellectuels pour affronter le débat moral sans se laisser intimider par les grands mots (“Dignité”, “Vertu”, “Devoir”) et les grandes déclarations de principe (“Il ne faut jamais traiter personne comme un simple moyen”, etc.) » ; on pourrait ajouter les grandes émotions comme l’amour, la haine ou encore la honte, qu’il a disséquées dans d’autres ouvrages. Et de préciser que « si ces titres n’étaient pas devenus des marques déposées », il aurait pu intituler son introduction « Antimanuel d’éthique ou Petit cours d’autodéfense intellectuelle contre le moralisme ».

    Les philosophes n’ont pas de leçon de morale à donner

    La philosophie devrait donc se garder de donner des leçons de morale ; elle devrait aussi, cela va de pair, se déprendre de l’ambition de fonder la moralité. Dans les faits, cela revient à cautionner certaines formes de normalité, ou à imposer certaines formes d’existence, au nom d’un ordre transcendant, universel et anhistorique qui fait l’objet de bien des fantasmes mais qui ne résiste guère à l’examen rationnel, du moins dès que le philosophe daigne sortir de sa tour d’ivoire pour s’informer auprès des sciences, de la sociologie à la psychologie en passant par la biologie et l’anthropologie – à l’instar de ce qui nous est proposé dans un article de 2007 intitulé « Que fait la police morale ? ». On pourrait dire, en reprenant une célèbre formule de Hegel, que la philosophie à mieux à faire que se poser en « valet de chambre de la moralité » : plus modestement ou plus humblement, son entreprise est essentiellement analytique et critique. Celles et ceux qui n’oseraient pas se lancer directement dans la lecture d’un ouvrage de Ruwen Ogien peuvent alors commencer à goûter cette entreprise avec un autre article, paru en 2012 et disponible sur le site de la revue Raison publique sous le titre « La “marchandisation du corps humain” : les incohérences et les usages réactionnaires d’une dénonciation » : on y trouve toute la rigueur et la pédagogie caractéristiques d’un auteur qui – ce serait à mon sens une bonne façon de résumer sa contribution – a montré combien les appels à la moralité dissimulaient et participaient à la production d’injustices sociales. En bref, comme on peut le lire au début de La panique morale : « trop d’éthique tue l’éthique ».

    Un philosophe qui fait grincer les gencives

    À plusieurs titres, cette contribution fait de Ruwen Ogien une voix singulière et peu audible dans le paysage philosophique français, que l’on aurait tort de réduire au geste d’iconoclastie ou de provocation dont il est parfois affublé mais dont il est évident qu’il s’amuse lui-même.

    Par la tradition dans laquelle il s’inscrit d’abord, celle de la philosophie analytique, dont il adopte les exigences typiques d’analyse et de justification, de confrontation à l’objection et aux données de l’expérience, de clarté, de précision et de cohérence, mais sans les scories logiques et la froideur stylistique qui hérissent encore sa réception française et qui peuvent la rendre peu accessible. L’ancrage de Ruwen Ogien dans la méta-éthique vient de là, pour autant on est avec lui au plus loin du constat lapidaire que pouvait faire, en 1972 dans Morality. An Introduction to Ethics, le philosophe anglais Bernard Williams, déplorant que la philosophie morale ait trouvé, en s’adonnant à la méta-éthique, « une manière originale d’être ennuyeuse, consistant à ne pas discuter du tout des problèmes moraux ». Au contraire, Ruwen Ogien met directement la méta-éthique au service de la discussion de ces problèmes moraux, tout en l’utilisant comme garde-fou contre la moralisation de cette discussion.

    Indéniablement, cette méthode le place en marge des interventions les plus bruyantes de nos philosophes nationaux dans les débats de société. Une grande partie de ces interventions s’énonce en effet à l’abri de positions théoriques normatives dont les concepts et les principes clés sont à ce points soustraits à la démonstration, mais aussi à l’imagination, qu’ils ont pris la forme de clichés ou de slogans et les alimentent en tout cas trop facilement. Cela vaut en particulier de celles qui revendiquent une fidélité sans faille à l’éthique kantienne, sans doute la cible privilégiée quoique non exclusive de Ruwen Ogien. Avec l’auteur des Fondements de la métaphysique des mœurs ou de la Doctrine de la vertu, mais aussi celui de l’Éthique à Nicomaque, c’est en fait l’ensemble des éthiques dites « maximalistes » qui est révoqué, au profit de la défense d’une éthique « minimale » et même « minimaliste ».

    Une éthique « libérale » ?

    Cette défense d’une éthique minimale est largement minoritaire, et il arrive à Ruwen Ogien de suggérer que ce n’est pas sans lien avec le fait que si la situation venait à changer, un grand nombre de philosophes moraux se retrouverait tout bonnement au chômage technique. Elle n’est d’ailleurs pas minoritaire seulement en France, mais le langage au moyen duquel nous formulons nos antagonismes politiques tend tout spécialement à l’obscurcir. Que cette position vaille souvent à Ruwen Ogien d’être taxé de philosophe « libéral » ou « individualiste », ce qui dans nos contrées suffit à disqualifier n’importe quelle prétention à faire de la philosophie « morale », est en effet symptomatique : on confond, dans l’opprobre que ces étiquettes sont censées véhiculer, deux prises de position distinctes. Ainsi quelqu’un de « libéral » sur les questions morales, c’est-à-dire de « progressiste » au sens du terme « libéral » en vigueur dans le monde politique anglophone par contraste avec « conservateur », serait-il forcément « libéral » aussi sur les questions économiques et sociales, c’est-à-dire, au sens ordinaire du terme en vigueur chez nous, un chantre de la fin de la protection sociale, de la disparition de l’État-Providence au profit des mécanismes « auto-régulateurs » du marché, de la mise en concurrence de tous avec chacun et donc d’un solide égoïsme rationnel. Or on peut fort bien être l’un sans être l’autre ! Comme on peut légitimer les inégalités économiques et sociales, et ainsi le maintien du statu quo, avec des arguments moraux qui n’ont rien de progressiste.

    L’éthique minimale de Ruwen Ogien, qui implique une conception restreinte des interventions de l’État dans la vie des citoyens, mais aussi de celles de chaque citoyen dans la vie de ses concitoyens, ne concerne en tout état de cause que les questions morales et elle peut fort bien être adossée à une philosophie sociale d’autant plus « riche » que sa contre-partie morale est « pauvre ». De fait, l’alternative « plus ou moins d’État » est fourvoyante : ce qu’il faut analyser et soumettre au regard critique, ce sont les normes morales mobilisées pour justifier son intervention, que celle-ci s’oppose ou non au marché. Comme son nom l’indique, l’éthique minimale réduit ces normes au minimum, à quelques principes pas franchement grandioses, qui visent deux effets corrélés : d’une part assurer sa portée universelle, c’est-à-dire son indépendance à l’égard de tout engagement métaphysique et religieux, et d’autre part soustraire un maximum de domaines de nos existences à l’ingérence de la loi, que celle-ci ait la force du droit ou qu’elle soit simple affaire de coutumes sociales.

    Principes de base de l’éthique minimal(ist)e

    Quels sont ces principes ?

    (1) Porter une égale considération ou la même valeur à la voix ou aux intérêts de chacun.

    (2) Assumer une neutralité à l’égard des conceptions du bien personnel ou de ce qu’est une vie « bonne » ou « réussie ».

    (3) Limiter l’intervention de l’État aux cas de torts flagrants et délibérément causés à autrui c’est-à-dire, avec Montaigne une fois de plus, « éviter la cruauté ».

    Celles et ceux qui ont quelques atomes crochus avec l’utilitarisme penseront que Ruwen Ogien est l’un des leurs et ils et elles auront raison. Reste que comme tout principe, ces trois-là sont susceptibles d’être interprétés diversement, et Ruwen Ogien en propose une interprétation radicale, qui distingue son éthique minimale de celle qui est solidaire du libéralisme politique tel qu’il fut renouvelé, à partir des années 1970, par les travaux du philosophe américain John Rawls. Sans être trop technique ni entrer dans les arcanes du débat sur la priorité du « juste » ou du « bien » – on renvoie pour cela les lecteurs et lectrices à L’éthique aujourd’hui. Maximalistes et minimalistes (2007) –, cette radicalité tient à la thèse suivante : nos conceptions du bien ou nos idéaux de la vie bonne, qui se traduisent dans les façons plurielles dont nous menons nos existences, dont nous fuyons ou prenons à bras le corps les questions qu’elles nous posent ou encore, comme le dirait le vieux Socrate, dont nous nous soucions ou ne nous soucions pas de nous-mêmes, corps et âme compris, ces conceptions n’ont aucune valeur ou portée morale en elles-mêmes. Par conséquent il n’y a pas en cette matière, celle du rapport de chacun avec lui-même, de l’usage que l’on fait de soi, d’évaluation morale qui tienne et a fortiori de sanction légitime, qu’elle soit le fait de l’État ou de la société.

    Tant que les gens ne nuisent pas à autrui, laissez-les faire ce qu’ils veulent

    La substance de l’éthique minimaliste défendue par Ruwen Ogien tient ainsi en peu de mots : tant que gens ne nuisent pas à autrui, laissez-les faire ce qu’ils veulent. En version un peu plus développée : tant que leur liberté ne fait pas de victime c’est-à-dire qu’elle ne cause pas directement de dommages non-consentis à d’autres personnes qu’elles-mêmes, il ne saurait y avoir d’infraction morale – non plus d’ailleurs que de réalisation ou de noblesse morale : ni l’éloge ni le blâme ne sont de mise (ce qui n’empêche pas d’être généreux dans les conseils et les recommandations que l’on peut prodiguer à ses proches et ses amis). Le potentiel subversif d’une telle éthique est proportionnel à son économie de moyens, et pour en prendre concrètement la mesure il suffit de la confronter à son antipode occupée encore à ce jour par le modèle français de bioéthique, qui depuis la création du Comité Consultatif National d’Éthique en 1983 a fait l’objet d’une institutionnalisation sans équivalent dans le monde.

    Ce modèle est en effet profondément paternaliste, investi de la mission consistant à « protéger les gens d’eux-mêmes ou à essayer de faire leur bien sans tenir compte de leur opinion », et donc prompt à soupçonner leur consentement de toutes sortes de vices qui en annulent la validité. Corrélativement, c’est un modèle qui ne se contente pas de faire valoir les devoirs que nous avons envers autrui mais qui oppose aussi à notre liberté les devoirs que nous aurions envers nous-mêmes ou envers notre propre humanité – celui de ne pas nous suicider par exemple, ou de ne pas faire commerce de certains usages de notre corps. En dernière instance, c’est un modèle fondé sur une valeur, la dignité, dont le contenu est pour le moins douteux et contesté si ce n’est complètement vide. Il a donc bien souvent besoin, pour compenser ce vide, de s’appuyer sur des pratiques et des normes sociales et culturelles, éventuellement flanquées de « lois de la nature » pour plus de sécurité, dont Ruwen Ogien montre que la prévalence ici ou là ne fait pourtant pas la moralité.

    Une bombe subversive cachée dans Shaun le mouton

    Il est sans doute inutile de préciser, en conclusion, que quiconque veut le lire doit donc être prêt non seulement à voir ses idées reçues bousculées, mais aussi, autant être prévenu, à faire preuve du courage nécessaire pour aller jusqu’au bout de ses raisonnements moraux, quitte à ne pas être très fier de ce que leurs implications révèlent. Mais il ou elle doit aussi s’attendre, et la chose est suffisamment peu commune en philosophie pour être soulignée, à tomber plus d’une fois « mdr » – d’un rire déclenché par l’absurde ou l’incohérence (des idées que l’on partage ou pas), par l’expérience de pensée farfelue ou la comparaison irrévérencieuse, et surtout par l’ironie et l’autodérision de celui qui les propose et se tient à bonne distance de tout « esprit de sérieux » (ne pas se fier à l’auteure de ces lignes, qui n’a pas le même talent).

    Cet humour nous tient, et l’a sans doute tenu, jusque dans son dernier livre paru début mars, Mes Mille et Une Nuits. La maladie comme drame et comme comédie, écrit entre deux chimiothérapies. Si Ruwen Ogien y poursuit sa critique d’un moralisme qui prend alors la forme du « dolorisme », cette idée qu’il y aurait quelque chose de bon voire de rédempteur dans la souffrance, que celle-ci aurait un sens ou ne serait pas sans raison, l’argumentation expose ses propres hésitations et se noue avec un récit dont il retenait surtout, dans la correspondance dispersée que nous entretenions alors, les moments de soulagement qui accueillent le simple fait de comprendre. « On peut refuser de s’apitoyer sur ses propres souffrances tout en éprouvant une profonde compassion pour celles des autres », disait-il à Libération dans un entretien du 10 février 2017. Les hommages et portraits parus depuis le 4 mai l’ont d’ailleurs déjà rapporté : celles et ceux qui ont eu la chance de le rencontrer étaient toutes et tous un peu « émerveillés » par sa gentillesse, sa bienveillance et sa sollicitude, et avec le philosophe Patrick Savidan il faut reconnaître que sa personne était peut-être « le meilleur argument qui soit en faveur de l’éthique minimale », même si lui-même ne l’aurait pas admis. « Doux comme Shaun le mouton ! » rétorquait-il dans l’un de ses mails aux insultes que lui valaient ses prises de position dans le débat public ; le moins que l’on puisse faire c’est tenter d’éviter les passions tristes qui lui étaient si étrangères pour entretenir la passion joyeuse qu’il avait pour la vie non moins que pour la philosophie.

    CorteX_Marlene_JouanMarlène Jouan, maîtresse de conférences en philosophie à l’Université Grenoble-Alpes.

    Bibliographie

    Nous n’avons retenu ici que les ouvrages.

    • Pour s’interroger sur les objets de nos perplexités et de nos passions morales contemporaines :

    Un portrait logique et moral de la haine, Combas, L’éclat, 1993.

    La honte est-elle immorale ?, Paris, Bayard, 2002.

    Penser la pornographie, Paris, PUF, 2003.

    La panique morale, Paris, Grasset, 2004.

    La liberté d’offenser. Le sexe, l’art et la morale, Paris, La Musardine, 2007.

    La vie, la mort, l’État. Le débat bioéthique, Paris, Grasset, 2009.

    Le corps et l’argent, Paris, La Musardine, 2010.

    L’influence de l’odeur des croissants chauds sur la bonté humaine – et autres questions de philosophie morale expérimentale, Paris, Grasset, 2011.

    La guerre aux pauvres commence à l’école. Sur la morale laïque, Paris, Grasset, 2012.

    Philosopher ou faire l’amour, Paris, Grasset, 2014.

    Mon dîner chez les cannibales et autres chroniques sur le monde d’aujourd’hui, Paris, Grasset, 2016.

    • Pour approfondir les paradigmes théoriques qui permettent d’orienter cette interrogation :

    La faiblesse de la volonté, Paris, PUF, 1993.

    Les causes et les raisons : philosophie analytique et sciences humaines, Arles, Jacqueline Chambon, 1995.

    Le réalisme moral, « Première partie », Paris PUF, 1999.

    Le rasoir de Kant et autres essais de philosophie pratique, Combas, L’éclat, 2003.

    La philosophie morale (avec Monique Canto-Sperber), Paris, PUF, 2004.

    L’éthique aujourd’hui. Maximalistes et minimalistes, Paris, Gallimard, 2007.

    Les concepts de l’éthique. Faut-il être conséquentialiste ? (avec Christine Tappolet), Paris, Hermann, 2009.

    Et le dernier, hélas : Les Mille et Une Nuits. La maladie comme drame et comme comédie, Paris, Albin Michel, 2017.

    Le CorteX a par ailleurs gardé en stock quelques passages radiodiffusés de Ruwen Ogien. Les voici.

    École : doit-on enseigner la morale laïque ?, dans La grande table, sur France Culture, le 13 septembre 2012.

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    Liberté négative et volonté d’égalité, dans Questions d’éthique, de Monique Canto-Sperber sur France Culture, le 6 juin 2013.

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    La maladie aurait-elle des vertus ? Dans La conversation scientifique, d’Étienne Klein sur France Culture, 4 mars 2017.

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    Crédit photo : le Nouvel Observateur.

    Idées reçues sur les dinosaures

    CorteX_Dinoaure_JurPark3A quoi est dû le succès évolutif des dinosaures ? Leur évolution s’est-elle arrêtée après l’impact météoritique d’il y a 66 millions d’années ? Les mammifères ont-ils pris la place des dinosaures ? Les dinosaures existent-ils encore aujourd’hui ? L’émission La méthode scientifique explore à nouveau ces questions à l’aune des connaissances actuelles de deux ténors, Eric Buffetaut, paléontologue, directeur de recherche CNRS et Guillaume Lecointre, directeur du département « Systématique et évolution » du Muséum d’Histoire Naturelle, bien connu de nos pages et grand contributeur du CorteX. Un régal à l’usage des profs de Sciences et Vie de la Terre (SVT) souhaitant nourrir la réflexion sur un sujet qui capte l’imaginaire.

     

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    Tourisme, arme de destruction massive, de Jean-Paul Loubes

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    Tourisme, arme de destruction massive Jean-Paul Loubes

    Anthropologue, architecte et écrivain, Jean-Paul Loubes a enseigné à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Bordeaux et à l’EHESS-Paris. Dans cet ouvrage, il alerte sur les conséquences du tourisme de masse à l’échelle planétaire : un milliard de touristes voyagent en effet chaque année dans le monde en « dénaturant », déformant, polluant et privatisant les sites qui paient ainsi un lourd tribut à leur « mise en valeur touristique ». Des destinations comme Venise, Bali, l’île de Pâques, sont devenues tellement populaires qu’elles sont aujourd’hui menacées de disparition. Plus grave encore, ce que Jean-Paul Loubes intitule l’effet UNESCO, lié au classement au Patrimoine mondial, peut être catastrophique pour la protection des sites. Étayé de nombreux exemples, l’ouvrage de Jean-Paul Loubes laisse pantois et offre une nouvelle gamme d’exemples de réécriture potentielle de l’Histoire qui auront toute leur place dans nos enseignements – comme au Mas d’Azil, en Ariège, où Cromignon et Cropetite remplacent les livres pointus dans les « boutiques de souvenirs », pardon, les « comptoirs du patrimoine », tout cela sous la bénédiction du Ministère de la Culture (et de la Communication !), et la caution de scientifiques plus ou moins scrupuleux.

    Cet ouvrage de 170 pages expose en 12 chapitres :CorteX_touristes

    • la marchandisation des échanges humains par le tourisme (comme au Pont du Gard, devenu un lieu payant, ou encore la rencontre préfabriquée, parfois forcée, avec des Massaï au Kenya ou des « ethnies » au Laos) ;
    • les menaces environnementales et sociales provoquées par la concentration de personnes sur des sites touristiques urbains, ruraux, insulaires, littoraux, montagnards (Carnac, St-Emilion, Carcassonne, le pays Dogon, la vallée de l’Omo, la Cappadoce, Samarcande et les villes des Routes de la Soie, Turfan, Kashgar, le Canal du Midi);
    • l’usage de fac-similés (la grotte Chauvet, le Mas d’Azil) pour développer le tourisme que l’on peut associer à la privatisation de sites pour raison touristique (le Pont du Gard par exemple) ;
    • la labellisation comme outil de promotion du tourisme de masse, notamment celle de l’Unesco, tourisme dit patrimonial ou culturel (une culture qui reste superficielle).

    jean-Paul Loubes
    jean-Paul Loubes

    Jean-Paul Loubes s’appuie sur de nombreux exemples tirés de la liste du patrimoine mondial de l’humanité dressée par l’Unesco depuis 1972, période de l’avènement du tourisme de masse. Cette lecture ne peut pas laisser indifférent le.la touriste qui sommeille en nous.

    Date de parution : août 2015
    ISBN : 978-2-84978-049-7
    Format :13 X 20 cm, 176 pages, 18 euros €

    Voici un extrait du livre, gracieusement mis en ligne par l’auteur.