Ajout dans Démasculiniser la langue française

Nous avons déjà abordé la thématique de l’écriture inclusive et des raisons morales et scientifiques qui devraient pousser à y recourir (voir ici). Dans son numéro de janvier/mars 2018, la revue Science & pseudo-sciences a publié un article de Brigitte Axelrad sur le sujet : « Êtes-vous prêt·e·s pour l’écriture « inclusive » ? ». Nous en avons fait une succincte analyse.

Bonjour,

Nous avons lu avec intérêt votre article du SPS n°323 Êtes-vous prêt·e·s pour l’écriture « inclusive » ? (1). Cependant, cela nous surprend de constater que cet article fait fi d’une grande partie des données empiriques disponibles dans la littérature. Il y a au moins quatre points à soulever.

Lire la suite ici.

Une petite pente savonneuse pour la route

Sur France Info, le 9 janvier 2018, Julien Sanchez, porte parole du Front national, s’exprime au sujet de l’interdiction suggérée par le gouvernement de rouler à plus de 80 km/h au lieu de 90 km/h sur les routes secondaires à double-sens. Il fait une merveilleuse pente-glissante. Merci à Cyril Champion pour l’envoi de cette perle ! Pour en savoir plus sur ce sophisme, cliquez là.

Julien-Sanchez « Pourquoi pas aussi demain mettre à 10 km/h toutes les routes et puis à ce moment-là on ira tous à pied au travail, donc voilà, on fera 40 km à pied si on habite à 40 km de son lieu de travail. »

L’audio :

Le télécharger, pour l’utiliser pendant des cours d’autodéfense intellectuelle.

Corrigé – La fabrique du consentement selon Mathieu Vidard

Voici le corrigé de « Entraînez-vous – La fabrique du consentement selon Mathieu Vidard« . Le texte de Mathieu Vidard est indiqué en italique.

Selon nous, les trois points centraux de la critique de ce texte sont :

  1. la technique de l’épouvantail,
  2. la technique du faux dilemme couplée à la rhétorique de repoussoir,
  3. et la fabrication scénaristique (que les journalistes appellent parfois technique du carpaccio, ou storytelling).

La technique de l’épouvantail

CorteX_epouvantail
Aperçu du champ rhétorique de Mathieu Vidard

Appelé également homme de paille ou strawman, nous y avons consacré une page, et c’est l’une des moisissures argumentatives les plus prisées (cf. Les 20 moisissures argumentatives). La méthode consiste à travestir d’abord la position de l’interlocuteur·rice de façon volontairement erronée et facile à réfuter puis détruire cet « épouvantail » en prétendant ensuite avoir réfuté la position. Quelques exemples :

(…) qui ont pris la plume pour dire tout le mal qu’ils pensaient des thérapies

« mal » est une notion morale caduque, et les auteurs de la tribune ne parlent jamais du mal qu’ils pensent de ces théories. Il est très difficile de s’entendre de manière consensuelle sur ce qu’est le « mal » et le « bien »1, sauf peut-être sous le couvert d’une morale déontologiste et de commandements d’ordre religieux, là encore souvent discutés. Il aurait été plus explicite, plutôt que d’évoquer le « mal », de dire que les auteurs·rices ont pris la plume pour évoquer les risques et les effets délétères des thérapies discutées, par exemple.

nos docteurs  (…) se drapent dans l’arrogance de leur respectabilité scientifique pour dézinguer (…)

Il n’y est pas question de « dézinguer » quoi que ce soit. Dézinguer est un mot à effet impact, qui donne une connotation négative à la tribune. Pour rappel, dézinguer, c’est faire du dézingage, c’est-à-dire enlever le revêtement de zinc sur une pièce ou retirer le zinc contenu dans un autre métal. Ça a pris le sens argotique de tuer (au même titre que « dessouder » par exemple, autre métaphore métallurgique).

Et d’en appeler au Conseil de l’ordre des médecins pour sévir contre les fous furieux de la granule et renvoyer au fin fond du Larzac ces dangereux baba cool qui empoisonnent les patients

« fous furieux de la granule » est une invention de Mathieu Vidard, tout comme « dangereux baba cool qui empoisonnent les patients » (voir plus bas la référence). Notons à nouveau l’usage de mots fortement connotés alors qu’ils ne sont pas employés par les rédacteurs et rédactrices de la tribune : « sévir », « fous furieux », « renvoyer au fin fond ».

La technique du faux dilemme, couplée à la rhétorique de repoussoir.

CorteX_faux-dilemme

Autre grand classique du sophisme, le faux dilemme. La méthode est efficace : elle consiste à n’offrir que deux alternatives déséquilibrées en omettant toute autre alternative pourtant possible. Il peut s’agir de réduire le choix à deux alternatives qui ne sont pas réellement contradictoires. Au final, le choix est confisqué et la décision étriquée. Cette stratégie est redoutable car elle oriente sournoisement le débat en le simplifiant en un unique antagonisme. Mais celui-ci n’est qu’apparent : le fait que deux propositions soient compétitives ne signifie pas forcément qu’elles soient contradictoires. Le faux dilemme crée l’illusion d’une « compétitivité contradictoire », qui permet en critiquant l’opposant, de se donner un crédit factice, ce que le monde anglo-saxon appelle le two wrongs don’t make a right, ou sophisme dit « de la double faute ». Dans l’affirmation « soit vous êtes avec nous, soit vous êtes contre nous », nous pouvons trouver des arguments acceptables pour ne pas être « avec eux » sans pour autant « être contre eux » : il n’y a pas contradiction.

Ici Mathieu Vidard applique à la truelle deux faux dilemmes, permettant par repoussoir de glisser un two wrong don’t make a right.

Le premier :

Lorsqu’on pense aux dizaines de milliers de personnes qui sont devenues gravement malades ou qui ont passé l’arme à gauche en raison des effets secondaires de médicaments allopathiques type Médiator ou Distilbène, ou lorsque l’on sait que les somnifères ou les anti-dépresseurs sont prescrits de façon excessive, qu’ils représentent des bombes à retardement tout en faisant la fortune de laboratoires pharmaceutiques véreux ; on se dit que notre club des 124 pourrait légèrement baisser d’un ton. 

Le journaliste, qui n’a pas bien fait son travail, ramène les signataires de cet appel au rang des pro-industries pharmaceutiques. Nous ne sommes pas très loin du célèbre dilemme de George W. Bush : « ou vous êtes avec nous, ou vous êtes avec les terroristes« 2. Cela nous touche d’autant plus que nous, enseignant·es au CORTECS, sommes à la fois critiques des effets négatifs occasionnés par les interactions entre les industries des produits de santé 3 et les systèmes publiques de santé (et investis pour les supprimer) et circonspect·es sur une grande majorité de thérapies dites « alternatives ».

Un second pour la route :

En conclusion de leur tribune, les 124 exigent que l’ensemble des soignants respectent une déontologie et qu’ils proposent à leurs patients une écoute bienveillante. Il fallait oser ! Car c’est précisément à cause d’une médecine conventionnelle déshumanisée que les malades fatigués d’être considérés comme de simples organes sur pattes, se tournent vers des praticiens capables de passer du temps avec eux et de les écouter.

Mathieu Vidard, qui décidément n’a pas creusé très loin, imagine un monde manichéen, dans lequel celui qui critique les médecines non basées sur des preuves est forcément un médecin « déshumanisé » qui considère ses malades comme de « simples organes sur pattes », filant ici le vieux cliché dualiste « médecine conventionnée organiciste froide versus médecine alternative holistique chaleureuse ». D’autre part, il y a un problème ici avec l’usage de l’expression « une médecine conventionnelle ». Deux sens sont souvent confondus à partir de ce mot :  « conventionnel » et « conventionné ». Conventionné signifie que les professionnel·les de santé signent avec l’Assurance maladie une sorte de contrat où il·elles s’engagent
à pratiquer selon des règles négociées avec l’Assurance maladie, à des conditions tarifaires fixées par avance, en échange de quoi l’Assurance maladie prend en charge une partie du coût de la consultation. Conventionnel a simplement le côté péjoratif de « répondant à une convention », ce qui nous renvoie à l’éternel représentation héritée du relativisme cognitif : les résultats scientifiques seraient le fruit de simples conventions (et la science un clergé comme un autre)4.

Heureusement, il existe des médecins conventionnés, répondant au bien public, ne faisant pas de dépassement d’honoraires, limitant voir supprimant leurs interactions avec les industries des produits de santé et chaleureux.

Admirons le magnifique repoussoir ici, que les puristes identifieront comme une variante du Tu quoque, confinant au sophisme de la solution parfaite (fondé sur l’idée que si une mesure prise, ici la médecine conventionnelle, ne constitue pas la solution parfaite à un problème quelconque, elle ne vaut pas un clou) :

est-ce que tous les allopathes peuvent se vanter de pouvoir soigner chaque maladie de façon rationnelle ? Non bien sûr.

En écoutant cet édito, il est difficile de ne pas penser à l’extrait de La crise, de Coline Serreau (1992).

Télécharger pour utiliser dans vos propres cours.

La fabrication scénaristique

(que les journalistes appellent parfois technique du carpaccio, ou storytelling).

© 2018 Tatiana Karaman
Faites des tranches de n’importe quoi, et vous aurez un carpaccio. © 2018 Tatiana Karaman

Se mélangent dans ce genre de narration des procédés rhétoriques comme ceux ci-dessus, avec des options lexicales et métaphoriques qui ancrent l’histoire, le carpaccio.

Le scénario dans l’esprit de Mathieu Vidard a déjà été présenté : il s’agit de défendre les gentils homéopathes « humains » contre les méchants médecins conventionnels « déshumanisés » qui les attaquent par opportunisme et par moralisme rigoriste. Outre les procédés techniques présentés, on trouvera des traces de ce carpaccio émaillant tout le texte. Quelques exemples, associés à leur analyse sommaire :

 professionnels de santé, qui ont pris la plume pour dire tout le mal qu’ils pensaient des thérapies non conventionnelles

Deux des auteurs principaux de la tribune
Deux des auteur·es de la tribune ?

Moralisation artificielle de la controverse, la tribune des 124 se basant d’ailleurs plus sur des données factuelles que sur des opinions (bien que son format ne prête pas à l’étayage bibliographique)

en dénonçant en particulier les médecins homéopathes

Moralisation artificielle de la controverse  : à moins que quelque-chose nous ait échappé, les auteur·es ne semblent « dénoncer » personne – et à qui, d’ailleurs ? Les destinataires principales de la tribune sont d’ailleurs plutôt les instances ordinales et étatiques. Mais elles non plus ne sont pas « dénoncées » : ce sont les conséquences de la tolérance de l’exercice de certaines pratiques qui sont mentionnées et remises en questions.)

Surfant sur le thème des fake news

Soupçon d’opportunisme : les auteur·es surferaient, tels Brice de Nice et Igor d’Hossegor, sur la mode des fake news)

nos docteurs déguisés en oies blanches se drapent dans l’arrogance de leur respectabilité scientifique

CorteX_deux_oies-blanches
Deux des médecins déguisés.

moralisation artificielle de la controverse, procès d’intention, attaque ad personam, prêtant à l’arrogance et à la morgue ce qu’on doit à une démarche scientifique simple ; instillation d’une sournoiserie – M. Vidard manie l‘oie blanche, qui dans le folklore est une personne niaise ou candide ayant reçu une éducation pudibonde. Volontairement ou non, les gens ayant écrit la tribune sont ainsi ramené·es artificiellement à la défense de valeurs morales rigoristes et datées)

pour dézinguer

(procès d’intention, épouvantail et effet impact)

pour sévir contre

procès d’intention, épouvantail et effet impact

les fous furieux de la granule

Epouvantail

et renvoyer au fin fond du Larzac ces dangereux baba cool qui empoisonnent les patients à coup de Nux Vomica et d’Arnica Montana 30 ch.

Épouvantail ; mots à effet impact comme empoisonnement tout droit sorti du cerveau enfiévré de l’auteur ; technique du chiffon rouge, ou hareng fumé ; et scénarisation contre-culture politique : les médecins conventionnels verraient les homéopathes et les acupuncteurs au mieux comme les paysans du Larzac en lutte de 1971 à 1978 contre l’extension de la base militaire du causse, au pire comme des babacool, référence vraiment péjorative aux courants contre-culturels non-violents des années 1960, prônant entre autres l’abandon du puritanisme sexuel – on voit bien que Mathieu Vidard file la vieille métaphore des médecines dites alternatives perçues comme des alternatives socio-politiques ; mais il n’est pas très regardant, car les modèles commerciaux par exemple, de l’entreprise mondiale d’homéopathie, Boiron, est exactement la même que les industries qu’il rejette, tandis que le modèle de santé du monde ostéopathique relève plus de la libre concurrence que du modèle de la sécurité sociale générale et inconditionnelle).

Si cette tribune n’était pas franchement insultante

Prétérition, et plurium de droit moral : une insulte est la négation d’une valeur du point de vue de celui qui la profère, or si tant est qu’il y ait insulte – ce qui n’est pas le cas – il faudrait comprendre quelle valeur fondamentale, et selon qui, est atteinte par la tribune

pour les praticiens comme pour les 40% de Français qui ont recours aux médecines alternatives

Très joli appel au peuple

on s’amuserait des arguments de ces pères la morale

Transformation artificielle des auteur·es de la tribune en moralisateur·rices, alors qu’il n’est fait qu’un rappel à la déontologie des professions de santé – référence ambiguë, soit au livre d’Alfred des Essarts, Le père la morale, 1863, soit au sénateur René Bérenger, considéré, par sa morale rigide et sa défense des bonnes mœurs comme un père-la-pudeur. Cela valut au sénateur une chanson anonyme, reprise dans les années 1950 par le fameux groupe de l’époque les quatre barbus.

Et pourquoi montent-ils au créneau ?

Expression métaphorique guerrière évoquant une époque féodale – fantasmée, d’ailleurs, si l’on en croit les expertes du sujet, Joëlle Burnouf et Isabelle Catteddu, dans Archéologie du Moyen-âge (INRAP, Ouest-France, 2015). On écoutera sur ce sujet l’excellente émission de Vincent Charpentier Carbone 14, sur France Culture, datée du 15 octobre 2016). 

 on se dit que notre club des 124 pourrait légèrement baisser d’un ton

Club : terme péjoratif évoquant une coterie ; baisser d’un ton est un plurium, sous-entendant que le ton était élevé, donc affectif.

Et ils ont raison puisqu’aucune étude sérieuse n’a prouvé à ce jour une quelconque efficacité de cette thérapie.

Méconnaissance scientifique entre efficacité propre/spécifique et efficacité globale, la base de l’étudiant·e en santé

Le contenu scientifique des médecines alternatives est vide.

Ce qui est inexact ; il est souvent faux, mais pas vide.

Rien d’autre que l’effet placebo. Et alors ?

Théoriquement nous devrions nous attendre à ce qu’un des journalistes scientifiques les plus écoutés de France soit pointu sur le sujet. Si l’objet placebo lui a toujours sa place dans la terminologie, le terme d’effet placebo est quant à lui désuet en santé, car il entraîne des représentations erronées : il ne s’agit pas d’un effet à proprement parler, mais d’un mille-feuilles d’effets (au pluriel) contextuels dont beaucoup s’expliquent très bien : régression à la moyenne, Yule-Simpson, migration des stades, etc.

Alors n’est-il pas possible d’admettre qu’il existe parfois une part de magie permettant de soigner ?

Incurie épistémologique : nous ne sommes pas si loin de l’intrusion spiritualiste en science

Comme le rappelle le pharmacologue Jean-Jacques Aulas

Que manifestement le journaliste n’a pas lu, car justement, notre ami Aulas est un des plus raides pourfendeurs des thérapies en question

l’illusion constitue un outil redoutablement efficace, qui peut avoir sa place dans l’art difficile de la thérapeutique.

effet paillasson : Vidard confond magie et illusion – qui n’a rien de magique

En conclusion de leur tribune, les 124 exigent que l’ensemble des soignants respectent une déontologie

Incurie en philosophie morale : il ne s’agit pas de respecter une déontologie, mais la déontologie professionnelle édictée par les conseils de l’Ordre. S’il est pertinent de remettre en question la façon dont les codes de déontologie ont été élaborés ou mis à jour (souvent de manière non collégiale et concertée), et si leurs contenus pourraient reposer beaucoup plus sur des bases empiriques, ils ont le mérite de déterminer un socle commun de pratiques autorisées parce que potentiellement bénéfiques au plus grand nombre.)

En accusant les médecins homéopathes de charlatanisme

épouvantail

et en dénigrant la fonction humaniste apportées par ces thérapeutes

Moralisation et repoussoir : sous-entend que les thérapeutes conventionnés n’ont pas cette fonction humaniste

les signataires de ce texte (…) et font courir le risque à des patients de se retrouver vraiment entre les mains de pseudo médecins.

pente savonneuse

On se demande bien quel est l’intérêt d’une tribune aussi péremptoire

moralisation artificielle

à l’heure où la médecine allopathique

Utilisation d’un terme obsolète, inventé par Samuel Hahnemann, fondateur de l’homéopathie, et désignant « tout ce qui n’est pas homéopathique »

pourrait largement balayer devant sa porte plutôt que d’avoir le mauvais goût de dénigrer le travail de ses confrères.

Majestueux repoussoir en sophisme de la double faute, couplé à moralisation artificielle – mauvais goût – et procès d’intention.

Remarque : ceci est le seul passage qui nous parait [presque] correct, même s’il s’agit d’un propos banal qu’on pourrait entendre au comptoir du coin.

Car c’est précisément à cause d’une médecine [conventionnelle] déshumanisée que les malades [fatigués d’être considérés comme de simples organes sur pattes] se tournent vers des praticiens capables de passer du temps avec eux et de les écouter.

Il faut néanmoins relever ceci : énoncé comme cela, M. Vidard désyncrétise et déplace le problème : la médecine conventionnelle (conventionnée, devrions-nous plutôt écrire, voir plus haut) n’est pas « déshumanisée » partout – et nous rendons hommage aux centres de santé, avec des médecins généralistes dévoué·es à des populations vulnérables ; et si elle l’est, particulièrement en milieu hospitalier, c’est bien plus par manque de moyens humains et politiques que par l' »allopathisme » des méthodes utilisées. Prudence, car en raisonnant comme cela, on loge le problème dans les thérapies employées, et non dans les rouages socioéconomiques qui les régissent.

RM & ND

Pour aller plus loin sur la question de l’homéopathie, le cours de Richard Monvoisin est là.

Sur la question de l’ostéopathie, on regardera avec plaisir (en mettant le son à fond) Albin Guillaud ici.

Sur les questions de thérapies manuelles, on dégustera Nicolas Pinsault là.

Sur les questions plus globales de santé publique, nous avons écrit un ouvrage qui plonge l’analyse dans les ramifications de notre système de santé. Achetez-le dans une petite librairie, et non chez les mastodontes type GAFAM ou FNAC qui en plus d’enrichir les mêmes personnes, réduisent drastiquement l’accès aux littératures les plus fragiles, dissonantes, ou contestataires.

La thérapie miroir, l'effet neurosciences et les neuromythes

Il existe une multitude de techniques de rééducation proposées aux patient·es pour diminuer leurs douleurs ou améliorer leurs capacités fonctionnelles. Depuis 2014, je présente l’une de ces techniques, la thérapie miroir (TMi), aux étudiant·es en kinésithérapie de l’Institut de formation en masso-kinésithérapie de Grenoble. L’enseignement de cette technique est un bon moyen de mettre en application la recherche et le tri d’informations en santé et quelques outils d’autodéfense intellectuelle, notamment dans le domaine des neurosciences. Ci-dessous, je présente les grandes lignes du cours, les ressources pédagogiques utilisées et propose au format audio une présentation sur le sujet plus généraliste, présentée devant un public d’étudiant·es et chercheur·es en sciences humaines et sociales, professionnel·les de santé, ingénieur·es et patient·es.

Cours pour étudiant·es kiné

Introduction

En guise d’introduction, je propose aux étudiant·es (entre 50 et 70 personnes, lors d’un cours magistral en amphi de 3 heures) de répondre sur une feuille de manière anonyme à trois questions.

  • « On n’utilise que 10% de nos capacités cérébrales » (Réponses possible : totalement d’accord, d’accord, peu d’accord, pas du tout d’accord.)
  • « Il y a des preuves quant à l’efficacité de la TMi chez les patient·es souffrant de douleurs du membre fantôme. » (Réponses possible : totalement d’accord, d’accord, peu d’accord, pas du tout d’accord.)
  • « Il existe des techniques de rééducation agissant sur les neurones miroir et permettant par leur biais de retrouver une bonne motricité après un AVC massif. » (Réponses possible : totalement d’accord, d’accord, peu d’accord, pas du tout d’accord.)
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Résultats de la promotion d’étudiant·es en kinésithérapie eue en cours en 2014 (à l’époque, les choix de réponse n’étaient pas de type « échelle de Likert » comme expliqué précédemment mais sous la forme très vraisemblable, vraisemblable, peu vraisemblable, invraisemblable). Nb : une coquille s’est glissée dans le titre du graphique, on lira plutôt « On n’utilise que 10% de notre cerveau ».

J’invite ensuite les étudiant·es à regarder les réponses au test données par les étudiant·es les années précédentes et leur explique que ces différentes affirmations vont être traitées dans le cours.

Présentation de la technique

Afin de présenter la technique, je propose notamment de visionner cet extrait de l’épisode 4 saison 6 de la série Docteur House (l’extrait est en version originale).

 

Dans cet extrait on suit une « séance » de thérapie miroir pratiquée sur un patient amputé d’un bras et souffrant de douleurs du membre fantôme extrêmement fortes et gênantes depuis plusieurs années. Le patient, par le biais d’une simple boîte en carton, observe le reflet dans un miroir de son membre sain. À peine l’a-t-il observé que ses douleurs se volatilisent.

Si cette séquence a pour mérite d’assez bien présenter le dispositif de la TMi, elle est aussi une très belle illustration du traitement médiatique régulièrement réservé aux techniques d’éducation ou rééducation basée sur les neurosciences : on exagère les effets attendus.

Historique de la TMi

Diane et Vilayanur Ramachandran
Diane et Vilayanur Ramachandran

J’aborde ensuite brièvement l’historique de la TMi. La paternité de la Tmi est souvent attribuée à Vilayanur Ramachandran, qui est effectivement co-auteur (avec sa femme Diane Ramachandran) du premier article retrouvé dans les bases de donnée indexant les publications dans le champ de la santé, datant de 1996. Mais on retrouve dans la littérature des travaux datant de la fin du XIXème siècle qui déjà utilisaient l’idée de regarder dans un miroir certaines parties de corps et observaient les conséquences en terme de perceptions et motricité (travaux du psychologue George Malcom Stratton). J’explique un peu plus précisément comment se met en place une rééducation par TMi en montrant quelques photos voire vidéos de patient·es que j’ai pris en charge. J’introduis à ce moment là les limites découlant de ma propre expérience personnelle amenée comme preuve potentielle d’efficacité de la technique.

Problèmes liés à l’apport du témoignage en guise de preuve

J’explique que comme pour beaucoup de thérapies, ce sont souvent des témoignages de praticien·nes, de patient·es ou de chercheur·es qui peuvent être amenés en guise de preuve de l’efficacité de la TMi, y compris dans la littérature scientifique (études de cas). J’introduis ici les problèmes liés au témoignage et aux cas cliniques apportés comme preuve de l’efficacité de quelque chose : généralisation abusive, confusion corrélation-causalité, fluctuation des symptômes et des maladies et régression à la moyenne, biais de mémorisation, tri sélectif 1.

Je rappelle ici les principes de la pratique basée sur les preuves (ou Evidence-based practice) : l’idée n’est pas de mettre l’expérience personnelle des praticien·nes et des patient·es à la poubelle mais de leur accorder une juste place dans le triptyque expérience clinique, préférences des patient·es, données de la recherche.

L’accent est surtout mis sur la façon de se renseigner dans la pratique quotidienne sur une technique de rééducation dont on questionne l’efficacité (quels sites internet, quels mots clés, quelles informations lire), et sur la lecture critique de quelques essais (comment se faire rapidement une idée de la qualité des essais que l’on a devant les yeux ?), au travers de la littérature sur la TMi.

Une technique efficace ?

Revue de littérature

Cette partie est l’une des plus longues. Il s’agit de présenter les preuves disponibles dans la littérature scientifique sur l’efficacité (ou non) de la TMi (une liste non exhaustive de la littérature évoquée est disponible tout en bas de la page dans le document en PDF) pour différentes pathologies (principalement : l’hémiplégie suite à un accident vasculaire cérébral, la paralysie cérébrale de l’enfant, l’amputation, les syndromes douloureux régional complexe et les troubles musculo-squelettiques d’origine traumatologique ou rhumatologique) et symptômes (douleur, déficit articulaire ou musculaire, déficit fonctionnel, troubles sensitifs). Aujourd’hui, des preuves d’efficacité de la TMi comparativement à des prises en charge par TMi placebo ou prise en charge standard sont présentes pour certains symptômes présents chez les personnes hémiplégiques et les enfants souffrant de paralysie cérébrale. Il n’y a pas de preuve de qualité suffisante montrant l’effet de la TMi chez les personnes amputées, contrairement à ce qui est souvent avancé.

TMi « seconde vague »

Finalement j’aborde l’existence dans la littérature médicale relue par les pairs d’une sorte de TMi « seconde vague ». En effet, on voit apparaître depuis les années 2000, y compris dans des journaux de médecine réputés comme le Lancet 2, des articles présentant de la TMi par le biais d’environnements de réalité virtuelle, des exosquelettes ou encore des robots. Ces articles ne comparent jamais, à ma connaissance, l’efficacité de la TMi numérisée ou robotisée à la TMi plus classique. Pire, il s’agit le plus souvent d’études de quelques patient·es (parfois un seul 3) sans groupe contrôle. Or ses « études » ne peuvent constituer des preuves d’efficacité (et encore moins de supériorité) de la TMi numérisée ou robotisée, pour toutes les raisons évoquées dans la partie précédente réservée aux témoignages et cas clinique. Les dispositifs utilisés sont coûteux sur le plan économique et humain comparativement aux simples boîtes en carton « faites-maison » utilisées le plus souvent en TMi : fabrication (avec matières premières rares, pour les batteries notamment), achat par les établissements ou professionnel·les de santé, frais de formation des patient·es et des praticien·nes, maintenance, réparation. Sont aussi soulevés les problèmes liés au fait que le temps d’installation des patient·es sur ces dispositifs est conséquent, et qu’il n’est pas imaginable que chaque patient·es puisse avoir ces dispositifs à la maison et continuer les séances en autonomie. En résumé, il est abordé avec les étudiant·es les limites potentielles de ces dispositifs, particulièrement s’ils ne sont pas testés de manière comparative avec des outils moins coûteux.

Mécanisme d’action

Je rappelle aux étudiant·es que souvent lors des cours sur des techniques de rééducation, un temps non négligeable du cours est consacré aux mécanismes d’action (neurophysiologiques ou mécaniques) de la technique présentée. Concernant la TMi, une des hypothèses avancées pour expliquer son efficacité (dont les preuves disponibles sont circonscrites, on l’a vu, à certaines populations et indications bien précises) est l’activation du système des neurones miroirs lorsqu’on réalise la technique.

Les limites des explications cohérentes

J’explique pourquoi je passe peu de temps sur ces explications : une technique peut être tout à fait cohérente avec les connaissance antérieures en physiologie humaine et biomécanique, et pour autant ne pas montrer une efficacité supérieure à d’autres techniques ou à l’absence de prise en charge. Une illustration possible est l’histoire du flécaïnide, dans les années 80. La substance active contenue dans ce médicament réduisait les arythmies de patient·es souffrant de problèmes cardiaques. Il semblait donc logique de le recommander à des patient·es souffrant de troubles du rythme. Plus de 200 000 personnes furent traitées avec ce médicament. En parallèle, des essais contrôlés randomisés ont été menés sur d’autres patient·es. On s’est alors rendu compte que la mortalité des patient·es était plus importante dans les groupes avec flécaïnide que dans les groupes avec placebo. Le médicament a alors été retiré du marché pour certaines indications, bien que d’un point de vue physio-pathologique, l’indication était cohérente 4.

Les neurones miroirs

J’insiste sur le fait que l’hypothèse de l’activation du système des neurones miroirs lors de la TMi est une des hypothèses physio-pathologiques possibles, mais qu’elle ne peut constituer en rien une preuve quelconque de son efficacité.

Je rappelle brièvement ce que sont les neurones miroirs. J’insiste surtout sur l’extrapolation qui est faite des connaissances relatives aux neurones miroirs : on retrouve dans un certain nombre d’ouvrages de développement personnel, d’éducation ou de rééducation, destinés au grand public ou aux professionnel·les de santé, l’appel au système des neurones miroirs pour justifier l’efficacité d’une méthode ou expliquer des phénomènes complexes et multifactoriels. Cela est notamment le cas dans la conférence TED de Ramachandran où il qualifie les neurones miroirs de « neurones qui ont formé la civilisation », ou dans cet article de Médiapart où on trouve la citation suivante : « Ces neurones miroirs confirment les découvertes de C.G.Jung sur l’influence déterminante de notre inconscient personnel et collectif. » 5.

L’effet neurosciences

Définition

Ces présentations permettant d’enchaîner sur l’effet neurosciences, décrit ainsi par Normand Baillargeon : « On tend à accorder plus de crédibilité à une idée, même fausse, quand elle se réclame des neurosciences, quand elle utilise son langage, ses images. » 6.

Preuves expérimentales

Cet effet est étayé expérimentalement. Je présente une ou deux études illustrant cet effet : celle de Lindell et Kidd de 2013, qui montre que le fait d’être exposé à un prospectus vantant une méthode d’éducation dont le titre est Right Brain Training plutôt qu’à un prospectus de contenu strictement identique mais s’intitulant Right Start Training, influence les adhésions aux programmes des personnes (les gens exposés à Right Brain pensent par exemple plus souvent que le fondement scientifique de la méthode est important) 7. (Voir illustration ci-après, qui m’a été fournie par les auteur·es de la publication.)

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CorteX_tmi_effet-neurosciencesUne autre étude s’intéressant à l’effet neurosciences est celle de Ali et al., 2014 8. Des étudiant·es sont exposé·es à une machine censée lire dans leur pensées (nommée Spintonics, qui les expose à des représentations graphiques de cerveaux) ; des questions leur sont posées relativement à leur scepticisme vis-à-vis des capacités de la machine, selon si les étudiant·es ont ou non suivi un cours d’esprit critique durant tout un semestre. Leur scepticisme vis-à-vis des capacités de la machine à leur pensée reste faible, y compris pour les étudiant·es exposé·es à des cours d’esprit critique sur les neurosciences.

Illustrations

On trouve de nombreuses illustrations de l’effet neurosciences dans des magazines grand public ou pour professionnel·les de santé, sur des sites internes, dans des brochures commerciales, etc. Le Neuromotus© est par exemple un appareil permettant de réaliser de la TMi par réalité virtuelle, notamment pour des personnes amputées.

Les neuromythes

Selon le temps dont je dispose, j’aborde également certains neuromythes tels que ceux présentés ci-dessous, qui ont déjà fait l’objet d’une présentation en accès libre disponible ici.

 

Audio

L’enregistrement audio de la présentation La thérapie miroir : de l’outil thérapeutique aux neuromythes par Nelly Darbois lors du séminaire Corps et prothèses, sensori-motricité, intersensorialité et réalité virtuelle du 26 janvier 2018 à Grenoble.

Télécharger l’audio ici. Voir ou télécharger le diaporama en PDF.

Nelly Darbois

Publication sur l'ostéopathie viscérale dans BMC Complementary and Alternative Medicine

Depuis plusieurs années, nous analysons de manière approfondie l’historique, les fondements physio-pathologiques, les outils diagnostics et l’efficacité spécifique de diverses thérapies ou méthodes, pratiquées notamment par les kinésithérapeutes : fasciathérapie méthode Danis Bois, biokinergie ou encore ostéopathie crânienne. En décembre 2016, nous vous annoncions notre publication, non sans encombre, d’une partie de nos travaux sur l’ostéopathie crânienne dans Plos One. Nous nous sommes à nouveau soumis·es au processus de relecture par les pairs pour publication dans une revue scientifique indexée. Cet article porte cette fois sur l’ostéopathie viscérale. Se trouve ci-dessous la référence de la publication (en accès libre), son résumé, ainsi qu’une petite note à l’intention de nos lectrices et lecteurs qui attendent avec impatience la mise à disposition de notre rapport complet sur l’ostéopathie viscérale.

Référence de l’article

Albin Guillaud, Nelly Darbois, Richard Monvoisin, Nicolas Pinsault. Reliability of diagnosis and clinical efficacy of visceral osteopathy: a systematic review. BMC Complementary and Alternative Medicine. 2018 18:65

Lire ou télécharger la publication en PDF ici.

Résumé (en anglo-américain)

Il est possible d’utiliser Deep-L pour traduire ce texte.

Background

In 2010, the World Health Organization published benchmarks for training in osteopathy in which osteopathic visceral techniques are included. The purpose of this study was to identify and critically appraise the scientific literature concerning the reliability of diagnosis and the clinical efficacy of techniques used in visceral osteopathy.

Methods

Databases MEDLINE, OSTMED.DR, the Cochrane Library, Osteopathic Research Web, Google Scholar, Journal of American Osteopathic Association (JAOA) website, International Journal of Osteopathic Medicine (IJOM) website, and the catalog of Académie d’ostéopathie de France website were searched through December 2017. Only inter-rater reliability studies including at least two raters or the intra-rater reliability studies including at least two assessments by the same rater were included. For efficacy studies, only randomized-controlled-trials (RCT) or crossover studies on unhealthy subjects (any condition, duration and outcome) were included. Risk of bias was determined using a modified version of the quality appraisal tool for studies of diagnostic reliability (QAREL) in reliability studies. For the efficacy studies, the Cochrane risk of bias tool was used to assess their methodological design. Two authors performed data extraction and analysis.

Results

Eight reliability studies and six efficacy studies were included. The analysis of reliability studies shows that the diagnostic techniques used in visceral osteopathy are unreliable. Regarding efficacy studies, the least biased study shows no significant difference for the main outcome. The main risks of bias found in the included studies were due to the absence of blinding of the examiners, an unsuitable statistical method or an absence of primary study outcome.

Conclusions

The results of the systematic review lead us to conclude that well-conducted and sound evidence on the reliability and the efficacy of techniques in visceral osteopathy is absent.

Plus d’informations

Cet article est tiré d’un rapport que nous avons réalisé à la demande du Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes (CNOMK). En plus du contenu de la publication dans BMC Complementary and Alternative Medicine, sont présentés dans ce rapport les résultats d’une enquête exhaustive sur l’histoire de l’ostéopathie viscérale, la description précise de ses fondements théoriques, et l’analyse de la validité scientifique de ces mêmes fondements1. Ce rapport est élaboré à partir d’une méthodologie similaire à celle employée dans le rapport sur l’ostéopathie crânienne, mais améliorée par notre expérience, nos erreurs et l’aide des outils de la collaboration Cochrane en constante évolution. Nous avons terminé et rendu le rapport au CNOMK en octobre 2016. Ce travail n’a pas encore été rendu public.

Quatre travaux en kinésithérapie de 2017 autour des thérapies alternatives

Depuis 2011, le CorteX co-encadre des mémoires d’étudiant·es en kinésithérapie sur le sujet des « médecines alternatives » (voir notre dernier article de 2014). En 2017, trois mémoires sur le sujet ont été finalisé (l’un d’entre-eux sera mis en ligne courant 2018). Les auteur·es ont chaleureusement accepté de les partager afin de faire avancer la connaissance et la réflexion dans ce domaine. Les étudiant·es ayant suivi l’unité d’enseignement Santé & autodéfense intellectuelle et réalisé leur stage d’été au CorteX ont également bien voulu mettre à disposition leur travail.

 

Mémoires

CorteX_alexandre-petonAlexandre Peton de l’IFMK d’Alsace a réalisé une analyse critique de la méthode Concept global épaule (CGE) en vogue dans la formation continue des kinésithérapeutes prenant en charge des patient·es souffrant de pathologies de l’épaule. Il a été co-encadré par Julien Przybyla (IFMK d’Alsace) et Nelly Darbois (CorteX).

Télécharger le mémoire.

Pour tout détail, complément ou remarque, contacter Nelly Darbois – Collectif de Recherche Transdisciplinaire Esprit Critique et Sciences (CORTECS) Bibliothèque Universitaire de Sciences de Grenoble BP 66 38402 Saint-Martin d’Hères cedex – darbois [at] cortecs.org

CorteX_leo-druartLéo Druart, co-encadré par Nicolas Pinsault et Albin Guillaud a traduit depuis l’anglais vers le français un questionnaire permettant d’évaluer le taux de recours des patient·es aux « médecines alternatives ». Léo, Nicolas et Albin sont d’ailleurs en train d’écrire un article pour déconseiller l’utilisation de ce questionnaire en raison des trop nombreux problèmes qu’il présente. Nous rajouterons un lien vers cet article dès parution.

Télécharger le mémoire

Le poster

Pour tout détail, complément ou remarque, contacter Albin Guillaud – Collectif de Recherche Transdisciplinaire Esprit Critique et Sciences (CORTECS) Bibliothèque Universitaire de Sciences de Grenoble BP 66 38402 Saint-Martin d’Hères cedex – guillaud [at] cortecs.org

Rapports de stage

Chloé Micetta, co-encadrée par Nelly Darbois et Albin Guillaud, a crée une méthodologie d’analyse critique des sites internet commercialisant des produits de santé et appliqué cette méthode au site lesmauxdedos.com commercialisant le Nubax®, un appareil qui permettrait entre autres effets de diminuer les douleurs de dos.

Le travail en langue française et en langue anglo-étatsunienne.

CorteX_nicolas-gerard Nicolas Gérard, également co-encadré par Nelly Darbois et Albin Guillaud, s’est intéressé quant à lui au kinésio-taping (méthode qui utilise des bandes faites pour être collées sur la peau, parfois roses ou bleues) et à l’analyse de publications scientifiques sur l’efficacité du kinésio-taping dans les domaines de la santé et de la performance sportive.

Le travail en langue française et langue anglo-étatsunienne.

Petite bibliographie – audiographie sur l'éducation, la pédagogie et toutes ces sortes de choses

Il nous a été demandé par une lectrice, Maya L., de fournir des ressources permettant la réflexion sur les questions éducatives, et horreur ! Nous sommes bien en peine d’en produire une liste. Aussi avons-nous phosphoré un peu tou.tes ensemble, rassemblant les ouvrages qui nous avaient marqués. Ils ne sont pas tous majeurs, pas tous homogènes, mais ils offrent une vue transversale, d’un angle plutôt critique sur un domaine qui trop souvent est soit lissé, propre, rigide comme l’éducation nationale, soit dérivant vers des méthodes ouvertement mysticoïdes comme les écoles Steiner-Waldorf1. Ce bric-à-brac est issu des cortex mis en commun des personnes suivantes : Philippe Dessus, Antoine Fernandès Caleiro, Véronique Delille, Irène Courtin, Nelly Darbois, Julien Peccoud, Yves Bonnardel, Nicolas Gaillard, Nico Hirtt, Guillemette Reviron, Richard Monvoisin, Julien Pinel.

Quelques incontournables

Voici quelques inévitables pionniers et pionnières de l’éducation un peu plus libre. Le caractère qui prévaut ici est la pertinence subjective alléguée, non la patine du temps.

John Dewey

CorteX_John_DeweyL’étasunien Dewey ( – 1952), psychologue et philosophe du courant dit pragmatiste de Charles S. Peirce et William James, a fortement contribué au courant dit d' »éducation nouvelle ». Il n’y a pas de membre du CorteX spécialiste de Dewey, aussi ne ferons-nous aucun commentaire sur son œuvre. Nous en relayons seulement une parcelle, qui nous a été conseillé : John Dewey, Qu’est-ce que l’intérêt de l’enfant ? (1897)/

Francisco Ferrer

CorteX_Francisco_FerrerFrancisco Ferrer y Guardia (en catalan Francesc Ferrer i Guàrdia) (1859-1909) libre-penseur et pédagogue libertaire espagnol, accessoirement franc-maçon, fonda en 1901 l’École moderne, projet éducatif rationaliste qui promouvait la mixité, l’égalité sociale, la transmission d’un enseignement rationnel, l’autonomie et l’entraide. Elle fut la première d’un réseau qui en comptait plus d’une centaine en Espagne en 1907, et inspira les modern schools aux États-Unis et les nouveaux courants pédagogiques. En 1909, à la suite des événements de la « semaine tragique » à Barcelone, dont il fut accusé, notamment par le clergé catholique, d’être l’un des instigateurs, il fut condamné à mort par un tribunal militaire à l’issue d’une parodie de procès, et fusillé, occasionnant un important mouvement international de protestation.

  • Sylvain Wagnon, Francisco Ferrer, une éducation libertaire en héritage, suivi de Francisco Ferrer, L’école Moderne, Atelier de création libertaire (2013).
  • Francisco Ferrer, L’École moderne : explication posthume et finalité de l’enseignement rationnel, préface de Anne Morelli et Marie-Jo Sanchez Benito, Éditions Couleur livres, Bruxelles (2010).
  • Mari Carmen Rodriguez, Frédéric Mole, Charles Heimberg, Francisco Ferrer et la pédagogie libertaire, interview par lachaine.ch (2009).

Sébastien Faure

CorteX_Sebastien_FaurePédagogue libertaire à l’initiative de La Ruche, fondateur de l’école libertaire en 1904 (fermée en 1917) et initiateur de l’Encyclopédie anarchiste en 1925.

Célestin Freinet

CorteX_Celestin_FreinetCélestin Freinet (1896-1966) est un pédagogue français issu d’un milieu rural. L’expérience pastorale sera pour Freinet le leitmotiv de son expérience éducative. Il entre à l’école normale d’instituteur de Nice. Mobilisé et grièvement blessé au Chemin des Dames, il ne se remet pas complètement de ses blessures et gardera toute sa vie le souffle court auquel il attribue lui-même, pour partie, la nature de ses innovations en matière d’enseignement. Sa pédagogie est fondée sur différentes techniques : classe-atelier, classe-promenade et observation du milieu naturel, production de textes libres imprimerie, suppression de la notation… Lors de cette séance publique qui se déroule à Neuchâtel en 1958, Célestin Freinet présente à des parents et à des enseignants les lignes directrices de son enseignement. Dès les années 1920, il met en pratique avec sa femme Élise, l’essentiel de ses méthodes qui ne sont pas toujours bien reçues. Freinet va d’ailleurs quitter l’Éducation nationale pour fonder en 1935 sa propre école à Vence (Alpes maritimes), école privée, laïque et prolétarienne. Le mouvement Freinet prend forme peu à peu avec la mise en commun des expériences de chacun et la tenue de congrès réguliers, la publication de revues pédagogiques comme La Bibliothèque du travail (ou BT), ou les Brochures d’éducation nouvelle populaire. Se crée après la deuxième guerre mondiale l’Institut coopératif de l’École moderne (ICEM) et en 1957, de la Fédération internationale des Mouvements de l’École moderne (FIMEM). Ci-joint le documentaire de Séverine Liatard et Séverine Cassar « L’école moderne de Célestin Freinet en 1958″, diffusé dans La Fabrique de l’histoire  du 8 janvier 2013, avec les témoignages et les analyses de Guy Goupil et Michel Barré (anciens instituteurs du mouvement Freinet) et Philippe Meirieu (professeur de sciences et pratiques de l’éducation à Lyon II).

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Pierre Guérin, Chasseur de son, France Culture, 18 juillet 1976

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Pour aller plus loin : on pourra lire Célestin Freinet, Les invariants de C. Freinet, Bibliothèque de l’École Moderne n°25 (1964), puis Guy Goupil, Comprendre la pédagogie Freinet, éditions des Amis de Freinet, 2007, ainsi que fréquenter un site pleinement consacré à l’héritage de Célestin Freinet, et regarder le téléfilm Le maître qui laissait les enfants rêver, de Daniel Losset (2006) (visionnable ici).

Maria Montessori

CorteX_Maria_MontessoriMême si l’œuvre de Maria Montessori, publiée chez Desclée de Brouwer, est aussi revendiqué que rarement lue dans le texte, nous étions assez réticent.es à la présenter ici. Seulement, n’ayant pas connaissance d’une analyse critique approfondie et ne l’ayant pas faite nous-mêmes,  nous plaçons néanmoins cette auteure, mais avec scepticisme.

  • Éducation pour un monde nouveau.
  • L’enfant dans la famille.
  • L’enfant.
  • L’esprit absorbant de l’enfant.
  • Étapes de l’éducation.
  • Pédagogie scientifique, tome 1 et 2.
  • Tim Seldin, Éveiller, épanouir et encourager son enfant, Nathan.
  • Charlotte Poussin, Apprends-moi à faire seul, Eyrolles.

Si l’une d’entre nous se souvient d’une lecture originale où les affirmations abondaient sans étayage rigoureux, et si l’un d’entre nous se rappelle d’une pédagogie très « psychologisante » et plutôt compatible politiquement avec n’importe quel régime même conservateur, les autres membres du CorteX n’ont pas  fait de travail exhaustif sur les textes fondateurs pour en faire une critique documentée. Nos doutes ne portent somme toute pas sur l’approche sensorielle qu’elle a développé, mais sur les principes pédagogiques. Selon la médiatique Madame Alvarez, qui a relancé médiatiquement la vogue en 2016, le programme Montessori consiste à éviter de produire des révolté.es en empêchant l’enfant de ressentir de la distance entre lui-même et son environnement, et en faisant du lieu (classe/école/maison d’enfants) un lieu à la disposition de l’enfant.

« Il s’agit de faire en sorte que l’enfant ne rencontre aucun obstacle, aucune frustration, ne subisse aucun échec qui pourrait être nocif à son épanouissement et le forger dans la confrontation aux autres et aux institutions ». 1.

Françoise Dauliat explique :

« Cette méthode donne l’illusion à l’enfant que la société est harmonieuse et à son service afin qu’il ne développe aucun esprit critique à l’encontre de ses défauts et dysfonctionnements. La société serait si bonne et si peu critiquable que se retourner contre elle ne pourrait être produit que par un défaut dans l’éducation de l’enfant. C’est probablement dans cette vérité sur le fondement de la méthode Montessori qu’il faut chercher l’une des raisons de l’engouement étatique à son égard.(…) L’objectif de l’école de la République, construire le citoyen et son esprit critique, disparaît. Chaque enfant est seul face à l’activité qui doit lui permettre d’acquérir des connaissances et des savoir-faire. On est dans un registre purement cognitif et individuel. Les relations avec les autres n’existent que dans la démonstration silencieuse de la maîtresse dont la place cesse d’être centrale dans le groupe-classe, personnage dont le rôle se confond avec celui de l’autre adulte intervenant, voire avec celui de l’enfant plus grand qui assumera à son tour la démonstration silencieuse ».

S’ajoutent à cela quelques indicateurs selon nous inquiétants :

  • « La méthode » Montessori imposait dans les maisons d’enfants des cours de catéchisme très traditionnels et devait permettre aux enfants de s' »éveiller aux réalités surnaturelles ». Des extraits de L’enfant (1936) sont disponibles ici et indiquent le caractère religieux de la démarche.
  • Maria Montessori, fervente catholique, fut aussi très proche de la société théosophique (courant ésotérico-orientaliste fondé par Helena Blavatski), et vanta une « éducation cosmique » quasi créationniste2.
  • La pédagogie de Maria Montessori fut soutenue et financée par Giovanni Gentile, le ministre de l’éducation de Benito Mussolini. Loin de nous l’idée d’user d’un déshonneur par association, bien sûr, mais c’est un indicateur non négligeable de la compatibilité de cette méthode avec le maintien d’un système de type catholico-fascisant, et cela de 1922 à 1934. 3. Mussolini déclara : « Le télégraphe de Marconi et la méthode Montessori  expriment deux forces, deux génies réunis dans le nom auguste de la Patrie pour réaliser le dessein que certainement la Providence de Dieu a assurément tracé« . (« Il telegrafo Marconi ed il metodo Montessori esprimono due forze, due genialità congiunte nel nome augusto della Patria per compiere il disegno che certamente la Provvidenza di Dio ha tracciato »
    (Benito Mussolini, discours de célébration du retour à la mère Patrie de Montessori. Cité par Bruno Vespa, dans Donne d’Italia, éditions Mondadori, 2015). [/efn_note]
  • La compatibilité entre la méthode Montessori et la catéchèse est notoire, du fait entre autres des travaux de Sofia Cavalleti et de la catéchèse du Bon-Pasteur.

Il nous semble donc assez légitime de douter gentiment du caractère libératoire et critique de cette pédagogie.

Paul Robin

CorteX_Paul_RobinPaul Robin (1837-1912) est un pédagogue libertaire français, connu en particulier pour avoir développé l’éducation intégrale à l’orphelinat de Cempuis. En 1879, il devient inspecteur de l’enseignement au primaire, puis directeur, de 1880 à 1894, de l’Orphelinat Prévost, à Cempuis dans l’Oise. Dans cet établissement qui dépend du Conseil général de la Seine, il met en place ses théories sur l’éducation intégrale, et cela sur un nombre conséquent d’enfants. Athéiste et internationaliste, mais aussi égalitariste (filles et garçons sont éduqué-es ensemble), cette éducation veut donner aux enfants des classes défavorisées le moyen d’accéder à l’éducation, en développant harmonieusement l’individu dans sa « globalité », tant sur le plan physique qu’intellectuel ou moral. Paul Robin sera en 1894 l’objet d’une campagne particulièrement violente, qui le contraindront à démissionner.

  • Nathalie Brémand, Cempuis : une expérience d’éducation libertaire à l’époque de Jules Ferry, 1880-1894, Paris, Éditions du Monde libertaire, 1992.

Matthew Lipman (1922-2010)

CorteX_Matthew_LipmanLipman est considéré comme le théoricien et le principal développeur de la philosophie pour les enfants. S’inspirant de de Charles Sanders Peirce et de John Dewey, les théories de Lipman reposent sur un pragmatisme assumé, voulant que les théories se fondent sur les pratiques concrètes qui fonctionnent sur le terrain plutôt que de voir les pratiques guidées par les théories.  Son premier roman, La Découverte de Harry Stottlemeier, (J. Vrin, 1978) destiné aux enfants à partir de dix ans, met en scène des enfants qui découvrent par eux-mêmes la logique formelle.
Matthew Lipman, A l’école de la pensée, enseigner une pensée holistique, de Boeck, 2011.

Paulo Freire (1921-1997)

CorteX_Paolo_Freire Pédagogue brésilienn, Freire conçoit l’éducation comme un processus de conscientisation et de libération populaire. Il a développé l’alphabétisation militante, conçue comme un moyen de lutter contre l’oppression politique

  • La pédagogie des opprimés, N’AUTRE école/n° 12, printemps 2006. Télécharger ici
  • Paulo Freire, Pédagogie des opprimés, Éditions Maspero,1974.

Ferdinand Buisson (1841-1932)

CorteX_Ferdinand_BuissonPhilosophe, éducateur et homme politique, Buisson fut cofondateur et président de la Ligue des droits de l’Homme, ainsi que président de la Ligue de l’enseignement. Directeur de l’Enseignement primaire en France, il a été un fort militant en faveur d’un enseignement laïque à travers la Ligue de l’enseignement. Il a par ailleurs présidé en 1905 la commission parlementaire chargée de mettre en œuvre la séparation des Églises et de l’État.
On nous vante les mérites de Éducation et République. Choix de 111 textes, effectué par Pierre Hayat, avec des notes et une présentation, aux éditions Kimé, Paris (2003).

Normand Baillargeon

CorteX_Normand_BaillargeonDifficile de présenter Normand Baillargeon, contributeur depuis le début du CorteX, notamment par son petit cours d’autodéfense intellectuelle.
Ancien professeur en sciences de l’éducation à l’université du Québec à Montréal (UQAM) de 1989 à 2015, il a fondé en 2005 avec Bernard Cloutier et Michel Virard, l’Association humaniste du Québec, ainsi que le Collectif pour une éducation de qualité, qui s’oppose au renouveau pédagogique (anciennement « la réforme de l’éducation ») qui se met alors en place dans les écoles québécoises.
Il est loisible de l’écouter ici.
CorteX_une_histoire_Pédagogie_BaillargeonNous recommandons chaudement :

  • Normand Baillargeon, Éducation et liberté, Tome 1, Lux (2005).
  • Normand Baillargeon, Histoire philosophique de la pédagogie.

Émission La tête ailleurs, Radio Canada, 11 juin 2011.

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Jacques Rancière

CorteX_Jacques_RancièreNé en 1940, professeur émérite à l’Université de Paris VIII (Saint-Denis). On nous a recommandé L’école ou la démocratie ?, 2010, et Le Maître ignorant : cinq leçons sur l’émancipation intellectuelle, Fayard 1987 (réédition poche, 10/18, 2004), qui aborde la pédagogie de Joseph Jacotot.

Nico Hirtt

CorteX_Nico_HirrtNico Hirtt est un enseignant de sciences physiques que vous avez probablement déjà rencontré dans nos pages Bibliotex par son livre dechiffrer_le_mondeDéchiffrer le monde. Contre-manuel de statistiques pour citoyens militants4. Il est surtout connu pour son combat contre les politiques enseignementales actuelles, et nous avions relayé sa conférence à Grenoble en mai 2012 sur la critique de l’approche par compétences 5.
Fin mai 2012, grâce au professeur des écoles Fabrice Garnier, nous avons pu l’intercepter dans un troquet de la place Saint-Bruno lors de sa venue sur Grenoble.
Entrevue.

  • Présentation de Nico Hirtt et de Fabrice Garnier, co-organisateur.

  • Où Nico Hirtt fait la critique sur les politiques d’enseignement. Il défend l’opinion que ces politiques sont de plus en plus dictées par des organismes internationaux (Organisation de Coopération et de Développement  Économique, Fonds Monétaire International, Banque Mondiale…), et visent à instrumentaliser l’enseignement en vue d’une compétitivité d’entreprise. Idéologie de flexibilité du travail et polarisation haute et basse qualification sont deux aspects parmi les plus délétères, fortement sélectifs et contradictoires avec une démocratisation de la connaissance.

[dailymotion id=xt8mj0]

  • Quelques conseils de résistance.

Au niveau micro : résister aux injonctions médiocrisantes et décontextualisées des programmes d’enseignement, user de pédagogies constructivistes, pousser les revendications syndicales pour réduire les effectifs d’élèves en primaire, car l’efficacité de cette mesure est prouvée (voir l’étude du projet STAR6).
Au niveau macropolitique : revendiquer des programmes d’enseignement non asservis au monde de la productivité ; ne pas laisser le monopole des enjeux de demain entre les seules mains des enfants des classes moyennes et supérieures.
[dailymotion id=xt8n0d]Appel aux enseignants – ne pas rester seuls.

  1. Réseau APED, Appel Pour une École Démocratique.
  2. Revue trimestrielle L’école démocratique (quelques numéros disponibles en ligne).

[dailymotion id=xt8nag]Quelques conseils de lecture de Nico Hirtt.

  • Parmi ses propres écrits,7

CorteX_Hirrt_nouveaux_maitres_ecoleLes Nouveaux Maîtres de l’École, l’enseignement européen sous la coupe des marchés, éditions EPO (Bruxelles) et VO-Éditions (Paris), 2000.
En Europe, les compétences contre le savoir, Le monde diplomatique, pp. 22 et 23, octobre 2010.

  • L’École sacrifiée, la démocratisation de l’enseignement à l’épreuve de la crise du capitalisme, éditions EPO, Bruxelles (1996) (avec G. de Selys).
  • Tableau noir, résister à la privatisation de l’enseignement, éditions EPO, Bruxelles (1998).
  • L’École prostituée. L’offensive des entreprises sur l’enseignement, éditions Labor/Espaces de Liberté, collection « Liberté j’écris ton nom », Bruxelles (2001) .
  • L’École de l’inégalité. Les discours et les faits, éditions Labor/Espaces de Libertés, collection « Liberté j’écris ton nom », Bruxelles (2004).
  • De school van de ongelijkheid, EPO, Anvers (2008).
  • L’École et la peste publicitaire (avec Bernard Legros), Aden, Collection « La Petite Bibliothèque d’Aden », Bruxelles (2007)Je veux une bonne école pour mon enfant, Pourquoi il est urgent d’en finir avec le marché scolaire, Aden, Bruxelles (2009).

Puis, pour les fondamentaux marxistes et pédagogiques,

  • Frederich Engels, Socialisme scientifique et socialisme utopique, CorteX_Engels_Socialisme(1880) Aden (2005).Texte en ligne ici.
  • L’œuvre d’Antonio Gramsci. Nous renvoyons les lecteurs à Écrits politiques (3 tomes), Gallimard, Paris, 1974, dont l’Université du Québec à Chicoutimi met des textes à disposition.
  • L’héritage de Célestin Freinet (cf. Freinet, plus haut).

Sur l’autorité, la domination adulte

Sur l’éducation dite « bienveillante »

  • Adèle Faber Elaine Mazlish, Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent, Editions du Phare (2012) (outils concrets pour éviter de donner un ordre ou de faire appel à la peur).
  • Les Vendredis intellos, animé par Béatrice Kammerer, espace ouvert aux contributions sur les questions éducatives (donc pas de ligne ou de parti pris précis, et les contenus peuvent être hétérogènes dans leur démarche et leur fiabilité).

Sur l’enseignement en classe et la pédagogie

Ouvrages faciles d’accès

  • Normand Baillargeon, Légendes pédagogiques, Essai libre (2013).
  • Olivier Houdé, Apprendre à résister, Paris, Le pommier (2014) (sur l’héritage de Piaget).
  • Olivier Houdé, Le raisonnement, Paris, PUF, (2014).

On peut écouter Olivier Houdé sur nos modes de raisonnement sur France Culture dans Continent sciences le 5 mai 2014.

Télécharger

  • Didier Pleux, La Déraison pure : Dolto entre Freud et Pétain, Paris, Autrement (2013).
  • Gérard De Vecchi, André Giordan, L’enseignement scientifique : comment faire pour que « ça marche » ?, Delagrave, 3ème édition (2002).
  • Marc Durand, L’enseignement en milieu scolaire. P.U.F. (1996) (un classique français).
  • Philippe Dessus, Des outils cognitifs qui forment notre compréhension : une présentation de la théorie d’Egan, Penser l’éducation, n°13, pp. 71-87 (théorie de l’intérêt/apprentissage).
  • Kieran Egan, The Educated Mind, how cognitive tools shape our understanding. Chicago: University of Chicago Press. et une revue en français ici (théorie de l’intérêt/apprentissage) (1997).
  • Carl Bereiter, Education and mind in the knowledge age. Mahwah : Erlbaum (2002) (construire des connaissances).
  • Philippe Descamps, Des établissements sans classements ni redoublements En Finlande, la quête d’une école égalitaire, Le Monde diplomatique, janvier 2013.

Pour aller plus loin

Télécharger

  • Le matériel de Philippe Dessus, du Larac (ex-laboratoire des sciences de l’éducation de Grenoble)
  • Le matériel de Paul Kirschner et Mirjam Neelen, publié par le groupe de travail néerlandais 3-star learning experience
  • R. M. Gagné, W.W. Wager, K.C. Golas, J. M. Keller, Principles of instructional design (5th ed.). Belmont: Wadsworth. (2005) – livre de référence sur la préparation de cours).

Pour aller plus loin en sciences cognitives de l’apprentissage

  • Daniel Kahneman, Système 1 / système 2 : les deux vitesses de la pensée, Flamamarion, 2012.
  • Eric Bruillard, Les machines à enseigner. Hermès (1997) (sur la technologie éducative numérique).
  • Merlin Donald, Les origines de l’esprit moderne, De Boeck (1999).
  • J. Sweller, (2003). Evolution of human cognitive architecture. The Psychology of Learning and Motivation, 43, 215–266.
  • T.K. Landauer, & S.T. Dumais (1997). A solution to Plato’s problem: the Latent Semantic Analysis theory of acquisition, induction and representation of knowledge. Psychological Review, 104(2), 211–240.
  • G. Gergely, G. Csibra, (2006). Sylvia’s recipe: The role of imitation and pedagogy in the transmission of cultural knowledge. In N. J. Enfield & S.Levenson (Eds.) Roots of Human Sociality: Culture, Cognition, and Human Interaction. (pp. 229-255), Oxford: Berg Publishers, (2006).
  •  J. van Merriënboer, & P. Kirschner, Ten steps to complex learning. Mahwah: Erlbaum (2007, mais une nouvelle édition est parue).

Articles pointus

  • J-P. Astolfi, Disciplines et plaisir d’apprendre, La saveur des savoirs, Esf pédagogies (2008).
  • G. Stahl, G.. Group cognition. Computer support for building collaborative knowledge. Cambridge: MIT Press. (2006) (sur la construction collaborative de connaissances).
  • K. Egan, The Educated Mind, how cognitive tools shape our understanding. University of Chicago Press (1997).
  • C. Bereiter, Education and mind in the knowledge age. Mahwah: Erlbaum (2002) (sur la construction des connaissances).
  • T.J. Sabol, S.L. Soliday Hong, R.C. Pianta, & M. Burchinal, Can rating Pre-K programs predict children’s learning? Science, 341, 845–846. (2013) (sur les liens entre climat de classe et apprentissage).
  • C. Levenson (Eds.), Roots of human sociality: Culture, cognition, and human interaction (pp. 229–255). Oxford: Berg. (théorie controversée).

Sur l’éducation populaire

  • Franck Lepage, (In)cultures 1 – L’éducation populaire, Monsieur, ils n’en ont pas voulu…

  • Inculture(s) 2 – Une autre histoire de l’éducation

  • Inculture(s) 5 – Travailler moins pour gagner plus ou l’impensé inouï du droit du travail

Sur l’histoire de la pédagogie

  • Anne Querrien, L’école mutuelle. Une pédagogie trop efficace ?  Les empêcheurs de penser en rond (2005).
  • Jean Houssange, 15 pédagogues, Bordas (2000).
  • Isabelle Pelloux, La pédagogie de la coopération (2014).

Accessoirement

  • Delphine Gardey, Ecrire, calculer, classer. Comment une révolution de papier a transformé les sociétés contemporaines (1800-1940), La Découverte (2008), qui contient des passages passionnants sur la pédagogie, mais qui traite essentiellement de la manière de classer/produire de l’info entre la fin du XIXe et le XXe siècle.

Du 27 au 30 novembre 2017, la fabrique de l’histoire sur France Culture a déroulé un cycle de quatre émissions sur les pédagogies nouvelles.
Volet 1 : y est évoqué le documentaire de Joanna Grudzinska Révolution école (1918-1939) puis la Biennale internationale de l’Éducation nouvelle qui s’est tenue du 2 au 5 novembre 2017.

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Volet 2 : le documentaire évoque l’école Decroly de Saint-Mandé, créée en 1946 et appartenant à ce mouvement d’éducation nouvelle né d’une critique radicale du système éducatif traditionnel. Avec les témoignages d’enseignants et d’anciens élèves : Florence Beaujou, Nicole Christophe, Michel Daubet, Louis Hacquin, Marielle Issartel, Christine et Jean-Paul Morley, Claudine Watigny et Sylvain Wagnon (professeur en sciences de l’éducation à Montpellier III).

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Volet 3 : cette émission d’archives rappelle les pratiques pédagogiques inventées par Célestin Freinet, inséparables de ses expériences de guerre. Il y est question également les spécificités pédagogiques de l’Ecole des Roches.

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Volet 4 : débat historiographique consacré au projet de réforme de l’enseignement datant de 1947, connu sous le nom de « plan Langevin-Wallon ». Un plan à la « fonction quasi-liturgique pour la gauche française », une « référence sacrale » selon l’historien Antoine Prost. Comment et pourquoi cette commission de réforme de l’enseignement a-t-elle été mise en place à l’automne 1944 ? Quelles en étaient ses principaux membres ? Pourquoi une grande partie de ses préconisations liées à la démocratisation de l’enseignement n’ont-elles pas été appliquées dans l’immédiat, tout en inspirant les réformes postérieures de l’enseignement ? Avec les trois invités (Laurent Gutierrez, maître de conférences à l’Université de Rouen, spécialiste de l’éducation nouvelle,Pierre Kahn, professeur à l’université de Caen et André Robert, professeur de philosophie), sont discutés les axes du plan : prolongation de la scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans, école divisée en trois cycles, etc ainsi que sur les débats qu’il a suscités.

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Sur l’histoire des idées

  • Peter Watson. Ideas, a history of thought and invention, from fire to Freud. Harper, (2005) (contient quelques petits passages sur la pédagogie)

Sur la critique de l’école

  • Nico Hirtt, L’école prostituée. L’offensive des entreprises sur l’enseignement,  Labor (2001).
  • Christian Laval,  L’école n’est pas une entreprise, La Découverte (2004).
  • Antonella Verdiani, Ces écoles qui rendent nos enfants heureux, Actes sud (2012).

Sur l’éducation « parentale »

  • Catherine Dumonteil Kramer, Une nouvelle autorité sans punition ni fessée, Nathan (2016).
  • John Holt, S’évader de l’enfance (1976).
  • Didier Pleux, Les dix commandements du bon sens éducatif, Paris, Odile Jacob (2014).
  • Didier Pleux, Une journée avec Zoup : des histoires pour éduquer nos enfants, Paris, Odile Jacob (2011).
  • Didier Pleux, Petits caprices et grosses colères : gérer les crises de son enfant, Paris, Eyrolles, coll. « Les consultations du pédopsy » (2012).

Sur le sexisme et la construction genrée

  • Cordelia Fine, Delusions of gender: How Our Minds, Society, and Neurosexism Create Difference, Norton & Cie (2010).
  • Collectif, Contre les jouets sexistes (Ce livre n’est hélas plus édité, mais présent dans les bibliothèques du CORTECS de Chambéry et Grenoble).
  • Marcela Iacub, Patrice Maniglier, Antimanuel d’éducation sexuelle, Bréal, (2005).
  • Collection de livres pour enfants Talents Hauts.

Émissions sur l’éducation des filles :

  • Les femmes, toute une histoire, 2 octobre 2011, avec Marie Duru-Bellat, sociologue.

Télécharger ici

  • La fabrique de l’histoire, 10 janvier 2013, avec Rebecca Rogers, Martine Sonnet, Nicole Mosconi et Claude Lelièvre.

Télécharger là

  • Filles et garçons à l’école de Jules Ferry, Concordance des temps, sur France Culture, 12 avril 2014.

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Pour aller plus loin, on pourra consulter Histoires et luttes des femmes.

Sur l’autogestion par les enfants

Sur la philosophie pour enfants

  • Nous attendons une bibliographie de Véronique Delille sur le sujet.
  • Ci-contre, une émission Lectures sceptiques pour enfants, n°359 de Scepticisme scientifique, novembre 2016 (durée 56 mn 22) par Jean-Michel Abrassart.

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Y sont cités les ouvrages suivants (qui ne sont pas forcément des ouvrages sceptiques !)

  • « Les questions des petits sur la mort » de Marie Aubinas & al., Bayard Jeunesse (2010).
  • « Les questions des petits sur les religions » de Marie Aubinas & al. Bayard Jeunesse (2016).
  • « Raconte-moi Jésus » de Gwénaëlle Boulet et Élodie Durand, Bayard Jeunesse (2009).
  • « Coucou ! L’espace » de Anna Milbourne & al. chez Usborne.
  • « Ankylosaur Attack: A Dinosaur Adventure » de Daniel Loxton.
  • « Plesiosaur Peril » de Daniel Loxton
  • « Grandmother Fish: A Child’s First Book of Evolution » de Jonathan Tweet et Karen Lewis
  • “My Name Is Stardust”, de Douglas Harris, Bailey Harris & Natalie Malan.
  • « C Is for Cthulhu: The Lovecraft Alphabet Book » de Greg Murphy et Jason Ciaramella
  • Matthew Lipman (voir plus haut)
  • La série des enfants philosophes, Phileas & Autobule
  • Mathieu Gagnon, Guide pratique pour l’animation d’une communauté de recherche philosophique, PUL (2006) ( plus technique – voire « surtechnique » ! – pour des gens qui veulent travailler la manière d’animer une discussion philosophique).

Sur le développement de l’enfant

  • The Informed Parent : A Science-Based Resource for Your Chilsd’s First Four Years, Tara Haelle, Tarcher Perige (2016) – avec un gros défaut : absolument aucune référence bibliographique n’est appelée dans le texte ni même présente en bibliographie, ce qui est proprement affligeant vu le titre et l’objectif de l’ouvrage.
  • Céline Alvarez, Les lois naturelles de l’enfant, Les Arènes (2011), avec le bémol introduit à l’onglet Montessori ci-dessus et controverse plus générale, abordée entre autres par Laurence de Cock dans Le Crieur N°6 (Céline Alvarez, le business pédagogique).
  • Michel Desmurget, TV lobotomie, Max Milo (2014).
  • Philippe Bihouix, Karine Mauvilly, Le désastre de l’école numérique, Plaidoyer pour une école sans écrans, Seuil (2016).
  • Catherine Guéguen & Fabrice Midal, Pour une enfance heureuse. Repenser l’éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau, Laffont (2014).
  • Howard Gardner, Les formes de l’intelligence, Odile Jacob (1997) (controversé).

Sur la vie sexuelle des enfants

  • Patrick Doucet, La vie sexuelle des enfants ? Tout ce qu’on aimerait sans doute savoir, mais qu’on ne souhaite peut-être pas entendre, Liber (2016).

Quelques données existent sur la vie sexuelle des enfants, illustrant que des pratiques permettant d’éprouver du plaisir seul·e ou à plusieurs peuvent survenir très tôt dans la vie d’un être humain8.

Romans

On nous recommande (mais personne au CorteX ne les a lus)

  • Les romans de Christiane Rochefort, dans leur ensemble.
  • Witold Gombrowicz, Ferdydurke, 10/18 (1937).

Richard Monvoisin recommande :

  • Jack London, Martin Eden (1909), Folio (1997).
  • Jorgé Amado, Capitaine des sables (1952) Gallimard (1954).
  • William Goldin, Sa majesté des mouches (1956 en français) adapté en film par Peter Brook en 1963.
  • Italo Calvino, Le Baron perché, Seuil (1980).

 Sitographie en vrac

Note : nous mettons le lien vers Question de classe, mais avec circonspection : sur leur demande, nous avions écrit des articles pour eux…. avant d’être éconduits sans ménagement. Raison invoquée ?  (Selon un seul de ses membres qui semble-t’il a « capturé » la disussion) Avoir hébergé des articles faisant référence à Jean Bricmont. Comprendre dans la logique de notre interlocuteur « : J. Bricmont <=> liberté d’expression <=> liberté d’expression pour les négationnistes <=> négationnistes <=> tous les gens qui aiment les travaux de Bricmont en physique / philosophie / morale et politique sont donc des négationnistes qui s’ignorent. Autant dire que nous sommes restés comme deux ronds de flanc, et nos articles non publiés.

Cours de zététique & autodéfense intellectuelle en vidéo

Cela faisait des années que le projet était dans les tuyaux : garder trace des enseignements CorteX_DGDSIun peu rodés du CORTECS. C’est chose faite pour le plus vieux d’entre eux, l’enseignement transversal commun « Zététique & autodéfense intellectuelle » de Richard Monvoisin, donné depuis 2005 à Grenoble. C’est sur le Youtube de l’Université  Grenoble-Alpes, qui n’a que ce service vidéo. Le résultat nous fait bien plaisir, et pose un jalon pour quiconque voudrait s’essayer à cet art faussement simple de la transmission de la pensée critique.

Par tranche d’une vingtaine de minutes, on peut visualiser petit à petit la mouture standard des cours de Richard, abordant dans un ordre réflechi des domaines aussi ramifiés que l’épistémologie, l’homéopathie, le sexe, les sciences politiques, les pseudosciences. Un cours 0, sorte de making off, revient sur le pourquoi du comment, les difficultés, les erreurs, les bonnes idées. Le tout filmé avec brio par le service audiovisuel de l’Université Grenoble-Alpes de fin janvier à mai 2017.

Notre reconnaissance éternelle va à Djamel Hadji, Gilles Gardès, David Clamadieu, Francesco de Angelis, l’équipe de choc, ainsi qu’à toutes les personnes discrètes qui allument, éteignent, chauffent, ouvrent, ferment, nettoient, réservent cet amphithéâtre : Serge Bret-Morel, Jérémy Laporte, Fabien La Rocca, Saïda Tedjar, et le personnel de ménage dont nous n’avons pas les noms.

Puissiez-vous aussi vous délecter et décrypter tous les clins d’œil du dantesque générique de l’artiste Francois-B.

La question morale de mettre en ligne ces vidéos sur Youtube s’est bien évidemment CorteX_Monvoisin_fronce-barbeposée au sein du CORTECS, car les outils numériques que nous utilisons ne sont habituellement pas propriétaires, et l’emprise Google sur le marché cognitif de l’information fait partie de nos critiques classiques. Nous avons opté favorablement pour nous soumettre à Youtube, d’abord parce que c’est la seule chaîne vidéo de l’Université, ensuite parce que c’est pratiquement le seul support actuel, tant son emprise est grande : s’y insoumettre nous enverrait aux gémonies du Web. Enfin il n’est pas possible techniquement aujourd’hui d’héberger sur des serveurs personnels des vidéos générant un fort trafic, alors que nous souhaitions que le contenu de ces vidéos soit archivé et visible part tout le monde, y compris les personnes ne pouvant pas se rendre physiquement sur place.

Nous ne résistons pas à réveiller cette ressource qui revient sur les problèmes liés à l’existence et l’usage des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon & Microsoft), en attendant des ressources plus complètes – et peut-être des vidéos ? – qui verront le jour avec l’ouverture d’un nouveau cours Autodéfense numérique : logiciels libres et libertés individuelles à Grenoble en 2017 (emmené par Sébastien Soulan et notre collègue Ismaël Benslimane).

En attendant, le premier épisode du premier est ici. Richard donne des compléments et répond à des commentaires là.

 

Séquence pédagogique : mobiliser la raison sur des questions d'éthique – l'extension au numérique du délit d'entrave à l'IVG

Il y a quelques années, le CorteX animait sur les campus montpelliérains et grenoblois des « Midis critiques », occasions de débattre sur des sujets à forte dimension morale (voir par exemple ici). Nous continuons aujourd’hui à mobiliser la pensée critique pour décortiquer des problèmes moraux, au sein notamment de notre stage pour doctorant·e·s « De l’éthique à l’université » ou dans le cadre de l’Unité d’enseignement de sciences humaines à l’Institut de formation en kinésithérapie de Grenoble. Nous explicitons ici notre démarche par le biais d’une thématique ayant fait l’actualité du début de l’année 2017 en France : l’extension du délit d’entrave à l’intervention volontaire de grossesse (IVG).

Partie I – Ressources méthodologiques

CorteX_dufour-argumenterNous présentons en introduction de notre séquence pédagogique ce qui nous semble être le B.A.-BA de l’analyse argumentaire en nous inspirant (avec des adaptations) de l’excellent ouvrage de Michel Dufour, Argumenter – Cours de logique informelle de 2008 chez Armand-Colin. Il est malheureusement très difficile de rendre parfaitement justice à cet ouvrage car le propos, très clair et complet, peut difficilement souffrir de coupes sans être détérioré. Cependant, comme il n’est pas possible pédagogiquement de restituer tout cela sans faire un cours d’au moins trois heures, nous avons tenté d’en extraire la substance moelle pour l’utiliser avec des étudiant·es. Nous ne pouvons que vous recommander d’aller lire cet ouvrage pour approfondir. N’hésitez pas à nous faire partager une séquence pédagogique conduite différemment sur ce même thème.

1) Anatomie d’un argument

Quiconque souhaite défendre une idée, une thèse, une affirmation, doit recourir à l’argumentation. Mais qu’est-ce donc qu’un argument ? Nous commencerons par un peu d’anatomie argumentaire.

Un argument se compose de deux éléments :

  • une ou plusieurs prémisses : ce sont des affirmations dont il est possible de dire en principe si elles sont vraies ou fausses. « En ce moment, il pleut. » « L’espérance de vie à la naissance de la truite est de cinq ans. » « La cohésion d’un groupe est maximale lorsque ce groupe comprend cinq personnes. »
  • une conclusion : c’est l’affirmation que l’on a cherchée à justifier par les prémisses. Elle est le plus souvent introduite par des connecteurs logiques comme « donc », « par conséquent », « ainsi », « dès lors » ou « c’est pourquoi ». Dans le langage courant, il est d’usage, par raccourci, d’appeler « argument » la conclusion ou la prémisse d’un argument (mais pas le bloc « prémisse + argument » dans son entier).

Voici un exemple d’argument, sans doute un des plus célèbres :

Exemple A

Socrate est un homme. (Prémisse 1)

Tous les hommes sont mortels. (Prémisse 2)

Donc Socrate est mortel. (Conclusion)

Voici maintenant un argument constitué d’une seule prémisse :

Exemple B

Le CorteX existe depuis 2010. (Prémisse)

C’est pourquoi il doit continuer à exister. (Conclusion)

Souvent, de multiples prémisses précèdent une conclusion :

Exemple C

Les plagiocéphalies touchent un bébé humain sur dix à la naissance. (Prémisse 1)

Cette pathologie entraîne systématiquement de lourds handicaps moteurs et intellectuels à l’âge adulte. (Prémisse 2)

Les sutures du crâne du bébé humain ne sont pas encore complètement fermées à la naissance. (Prémisse 3)

L’ostéopathie crânienne permet d’agir manuellement sur ces sutures. (Prémisse 4)

L’ostéopathie crânienne appliquée dès les premiers jours de vie permet d’éviter toute séquelle liée à la plagiocéphalie. (Prémisse 5)

Ainsi, il faut permettre de pratiquer l’ostéopathie crânienne dans toutes les maternités. (Conclusion)

Le plus souvent, les prémisses ne seront pas aussi bien découpées et il faudra les démêler. C’est ce que nous avons dû faire dans la deuxième partie de cet article (voir la Partie II – Application des principes méthodologiques de l’analyse argumentaire ci-après).

2) Analyse d’un texte argumentaire

Identification des arguments

Il n’existe pas à notre connaissance de méthode algorithmique infaillible pour mettre  à jour identifier des arguments mais seulement quelques principes. Dufour nous livre certains de ces principes dans son ouvrage. En résumé, il s’agit :

  • d’identifier les conclusions défendues par les auteur·es et leurs prémisses en repérant les connecteurs logiques ;
  • de chercher à les retranscrire fidèlement. En effet, afin d’éviter un épouvantail, il est bon d’être le plus fidèle possible dans la restitutions des arguments. Dans l’idée, il faut s’évertuer à présenter l’argument mieux que son auteur·e ne l’aurait fait lui-même ou elle-même.

Évaluation détaillée des arguments (ou décorticage)

Pour chacun des arguments identifiés, on veillera à :

  • évaluer la valeur de vérité de ses prémisses. Il s’agit de vérifier que chacune d’elles repose sur des données factuelles ou est logiquement cohérente (qu’elle ne contient pas une contradiction), indépendamment de la conclusion de l’argument ;
  • évaluer la justification que chaque prémisse apporte à la conclusion de l’argument.

Dans l’exemple B :

Le CorteX existe depuis 2010. (Prémisse)

Valeur de vérité. Cette prémisse est vraie, si l’on en croit la page de présentation de notre collectif. Selon notre degré d’exigence et les enjeux de l’argumentaire, on pourrait aller plus loin dans la vérification de cette prémisse en allant lire les registres d’enregistrement des associations loi 1901.

C’est pourquoi il doit continuer à exister. (Conclusion)

Justification. Cette prémisse justifie-t-elle la conclusion « C’est pourquoi il [le CORTECS] doit continuer à exister. » ? Il est facile de trouver des situations où il est légitime d’interrompre une habitude qui perdure depuis sept ans. Par exemple, si une personne séquestre son enfant tous les soirs trois heures dans un placard depuis sept ans, il est légitime de dire qu’il serait plus raisonnable d’interrompre cette pratique pour le bien-être de l’enfant. Le fait qu’un processus existe depuis X années n’est jamais suffisant pour justifier la perpétuation de ce processus. Ainsi, bien que la prémisse de départ soit vraie, elle ne justifie en aucun cas la conclusion. C’est une variante du sophisme que l’on appelle argument d’historicité.

Dans l’exemple C :

Les plagiocéphalies touchent un bébé humain sur dix à la naissance. (Prémisse 1)

Cette pathologie entraîne systématiquement de lourds handicaps moteurs et intellectuels à l’âge adulte. (Prémisse 2)

L’ostéopathie crânienne permet d’agir manuellement sur ces sutures. (Prémisse 4)

L’ostéopathie crânienne appliquée dès le premier jour de vie permet d’éviter toute séquelle liée à la plagiocéphalie. (Prémisse 5)

Valeur de vérité. Ces quatre prémisses sont fausses1.

Les sutures du crâne du bébé humain ne sont pas encore complètement fermées à la naissance. (Prémisse 3)

Valeur de vérité. Cette prémisse est vraie2.

Justification. Cette prémisse justifie-t-elle la conclusion « Ainsi, il faut permettre de pratiquer l’ostéopathie crânienne dans toutes les maternités. » ? Non. Seule une prémisse est vraie (la prémisse 3) et elle ne justifie en rien la conclusion.

Évaluation générale d’un argument

L’argument ne sera d’office pas recevable si :

  • toutes ses prémisses sont fausses, ou ;
  • si aucune des prémisses ne justifie la conclusion.

Par exemple, l’argument B n’est pas recevable, parce que son unique prémisse n’apporte pas de justification à la conclusion. L’argument C non plus, puisque sa seule prémisse vraie ne justifie pas non plus la conclusion.

À l’inverse, l’argument sera d’office recevable si

  • au moins une de ses prémisses est vraie, et ;
  • cette même prémisse justifie la conclusion.

Dans les autres cas, il sera plus difficile (mais pas impossible) de trancher comme nous allons le voir par la suite.

Partie II – Application des principes méthodologiques de l’analyse argumentaire

Une fois les quelques conseils méthodologiques généraux présentés, nous utilisons un sujet spécifique pour les mettre en application : l’extension du délit d’entrave à l’IVG.

Choix du sujet et contexte

Logo du groupe « Les survivants » dont le site web lessurvivants.com est classé par de nombreux médias comme réputé hostile à l’IVG.

Dans les années 1990 en France, fut votée une loi interdisant d’empêcher physiquement les femmes d’accéder aux centres d’avortement. En octobre 2016, des député·es proposèrent d’étendre l’application de cette loi aux cas d’entrave « numérique ». Il existe depuis quelques années des sites Internet d’apparence purement informatifs mais dont les contenus révèlent assez vite un parti pris anti-IVG. La finalité de la nouvelle proposition de loi (PPL) était de lutter contre ces sites Internet en les interdisant – d’où la dénomination d’« entrave numérique ». La PPL fit débat au sein de l’Assemblée nationale ainsi que dans la société civile. Elle fut finalement adoptée sous une version modifiée en février 2017.

Voici la PPL initiale :

L’article L. 2223-2 du code de la santé publique 3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
«– soit en diffusant ou en transmettant par tout moyen, notamment par des moyens de communication au public par voie électronique ou de communication au public en ligne, des allégations, indications ou présentations faussées et de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur la nature, les caractéristiques ou les conséquences médicales d’une interruption volontaire de grossesse ou à exercer des pressions psychologiques sur les femmes s’informant sur une interruption volontaire de grossesse ou sur l’entourage de ces dernières. »

Voici la PPL adoptée :

« soit en exerçant des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d’intimidation à l’encontre des personnes cherchant à s’informer sur une interruption volontaire de grossesse, des personnels médicaux et non médicaux travaillant dans les établissements mentionnés au même article L. 2212-2, des femmes venues recourir à une interruption volontaire de grossesse ou de l’entourage de ces dernières. »

Après avoir présenté ces données de contexte, nous rappelons qu’avant de chercher à se positionner, il convient d’identifier clairement quelles sont les différentes questions débattues. On peut par exemple envisager :

  • la question de l’adoption du texte de loi tel que mentionné ci-dessus ;
  • la question de l’adoption d’un texte de loi modifié ;
  • la question de l’interdiction des sites qualifiés d’anti-IVG ;
  • la question de la mise en œuvre de moyens publiques pour diminuer l’audience des sites qualifiés d’anti-IVG ;
  • la question de l’avortement comme droit ;
  • Etc.

Cet étape est indispensable afin d’éviter l’écueil du chevauchement des questions dans le débat. Le tout est de se mettre d’accord dès le début avec le groupe sur la question à débattre et d’insister sur le fait qu’il faudra éviter de sortir de ce cadre sous peine d’un risque d’appauvrissement de la discussion. C’est le rôle de l’enseignant·e de veiller sur ce point tout au long de la séquence pédagogique.

Objectifs et précautions

Cette séquence comprend trois objectifs principaux :

  • illustrer la difficulté de se positionner de manière rapide et tranchée sur ce type de sujet ;
  • repérer et analyser des arguments en apparence rigoureux mais en réalité fallacieux, les sophismes ;
  • permettre de formaliser une démarche rationnelle de réflexion sur un sujet aux forts enjeux moraux.

Comme la thématique peut être houleuse, nous précisons toujours avant d’entrer dans le vif du sujet :

  • que nous allons présenter des documents où figurent des personnes dont l’appartenance à des mouvements politiques ou religieux peut troubler. Il faudra faire attention à bien évaluer les propos des personnes, et non leurs actes antérieurs ou leur rattachement idéologique, pour ne pas tomber dans le déshonneur par association ;
  • qu’être contre la proposition de loi n’entraîne pas forcément le fait d’être contre le droit à l’IVG – deux positions qui peuvent pourtant facilement être associées.

Positionnement préalable

À ce stade, nous demandons à chaque étudiant·e d’écrire de manière anonyme sur une feuille de papier s’il est « pour » ou « contre » cette PPL (l’abstention n’est pas une alternative possible ; nous « forçons » les étudiant·es à jouer le jeu). Nous répéterons cette étape à la fin de la séquence pour voir si l’avis de certain·es a changé.

Lorsque nous avons réalisé ces enseignements, 96% des étudiant·es des 4 sessions que nous avons effectuées étaient « pour » la PPL à cette étape (N=72). 4% étaient « contre ».

Analyse des argumentaires des deux camps

Présentation

Afin de se faire une idée des différent·es actrices et acteurs présent·es dans le débat, et surtout de leur argumentaire pour ou contre la PPL, nous proposons de visionner ou lire six documents. Nous divisons le groupe d’étudiant·es en deux : une moitié du groupe travaillera sur les trois documents « contre », l’autre moitié sur les trois documents « pour ». Nous leur demandons d’extraire les principaux arguments en une trentaine de minutes. En fonction du temps dont nous disposons, et surtout du niveau d’expertise du groupe sur l’outillage de la pensée critique, nous leur proposons également d’extraire les principaux sophismes mobilisés.

  • Extrait d’un débat sur BFM TV de novembre 2016 où Laurence Rossignol, membre du Parti socialiste et ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes se positionne pour la PPL :

  • Intervention de Marion Maréchal-Le Pen, membre du Front national, députée, contre la PPL, à l’Assemblée nationale en novembre 2016 :

  • L’exposé des motifs publié en octobre 2016 de la PPL co-signé par plusieurs dizaines de député·es, lire les pages 4 à 6.

Sélection de sophismes

Ces documents sont tous de bon supports pour s’entraîner à détecter des sophismes, ces structures argumentaires qui semblent valables en apparence bien qu’en réalité défaillantes. Nous les appelons aussi des « moisissures argumentatives » en vertu de leur propension à altérer la plupart des débats, à étouffer des arguments pertinents et à décrédibiliser des discours judicieux sur certains points. Cette étape est souvent un temps très apprécié des étudiant·es et permet de mettre en évidence la fréquence des sophismes. Elle n’est cependant pas auto-suffisante car, s’il est assez aisé de relever des sophismes du côté des « pour » comme des « contre », il faut ensuite savoir identifier et analyser les arguments qui tiennent a priori vraiment la route.

Nous relevons ci-dessous quelques sophismes redondants sur le sujet en question ; la liste est loin d’être exhaustive.

Technique de la fausse piste :

  • « Comme vous le savez peut-être, depuis plusieurs mois, un groupe anti-IVG nommé les Survivants multiplie les actions sur les réseaux sociaux, mais aussi dans la réalité. Certaines actions vont même à l’encontre de la loi, comme la reprise sans autorisation du jeu Pokémon Go et de ses personnages, ou, plus récemment, un affichage lumineux sur l’Arc de Triomphe pour faire leur propagande. Il y a quelques semaines, ils ont même lancé une campagne diffamatoire à propos du Planning Familial. » (Cécile Pellerin) [La PPL ne cible pas ce type d’actions]

Technique de l’épouvantail :

  • « Leur positionnement [aux porteur/ses des sites anti-IVG] incite à la réflexion, et c’est justement ce qui leur est reproché. Il faudrait qu’ils adoptent d’emblée un positionnement favorable à l’avortement. Or, un sujet si grave ne peut être enfermé dans des postures militantes. » (Monseigneur Pontier)
  • « Faudrait-il nécessairement exclure toute alternative à l’avortement pour être considéré comme un citoyen honnête ? » (Monseigneur Pontier)
  • « L’amendement proposé en septembre par Madame Rossignol a déjà été rejeté par le Sénat, les femmes serait-elles des citoyens de seconde zone, ne méritant pas un accès à l’information sûr et neutre ? Nous aurons la réponse le 1er décembre. » (Cécile Pellerin)
  • « Et puis, il y a, en sous texte, toujours ce même jugement : les femmes qui ont recours à l’IVG sont des meurtrières, égoïstes, leurs actes ne sont motivés que par leur confort. (Cécile Pellerin)
  • « Vous avez l’air d’entretenir les femmes dans une forme de sujétion mentale, vous les prenez pour des femmes complètement stupides. Faut les prendre par la main, faut les protéger d’informations qui ne seraient pas compréhensibles, faut les orienter correctement dans la bonne voie parce qu’elles seraient vulnérables, fragiles, qu’elles n’auraient pas le discernement nécessaire, donc que l’État nounou, protecteur soit là pour leur garantir de faire le bon choix » (Marion Maréchal-Le Pen)
  • « Comment prétendre protéger la liberté de la femme lorsqu’on va lui interdire de poser un choix libre, de discerner, de prendre le temps de la réflexion face à un acte irréversible qui, loin d’interrompre une grossesse vient y mettre fin de manière irrévocable ? » (Cécile Edel)
  • « Comment nier la voix de celles qui viennent témoigner tous les jours sur
    ces sites des conséquences physiques et psychologiques douloureuses qu’elles endurent suite à leur IVG et continuer de soutenir que tout ceci n’est que pur mensonge ? » (Cécile Edel)

Appel au peuple :

  • « Ces sites ont du succès, preuve qu’ils répondent à une attente. » (Monseigneur Pontier)

Attaque à la personne :

  • « Ces extrémistes, pour la plupart du temps religieux, veulent nous en priver. » (Cécile Pellerin)
  • « Vous êtes totalement aveuglé par l’idéologie. » (Marion Maréchal-Le Pen)

Usage de mots à effet impact4:

  • «Texte complètement délirant. » (Marion Maréchal-Le Pen)
  • « Il est scandaleux de vouloir instaurer chez les jeunes (…) » (Cécile Pellerin)

Questions rhétoriques5

  • « Le moindre encouragement à garder son enfant peut-il être qualifié sans outrance de « pression psychologique et morale » ? » (Monseigneur Pontier)

Les procès d’intention6

  • « Que font réellement ces sites visés par le Gouvernement sinon pallier au silence du gouvernement qui, au travers de son site dédié spécifiquement à l’IVG, omet volontairement d’exposer les conséquences physiques et psychologiques de l’IVG. » (Cécile Edel)
  • « Il existe une prolifération importante de sites se prétendants neutres mais en fait anti-IVG, cherchant à tromper les internautes (opinions non clairement affichées, utilisation des codes officiels). » (Assemblée nationale)
  • « Il est scandaleux de vouloir instaurer chez les jeunes, la peur d’un organisme créé pour les aider (…) » (Cécile Pellerin)

Plurium affirmatum

  • « J’ose donc espérer  que, sensible aux  libertés  en cause,  vous  ne laisserez pas  une  telle mesure  arriver à  son terme. » (Monseigneur Pontier) [Sous-entendu l’affirmation suivante : si vous êtes sensible aux libertés en cause, vous ne laisserez pas une telle mesure arriver à son terme. Affirmation qui elle-même présuppose, tel un assortiment de poupées russes, l’affirmation : la présente mesure [la PPL] porte atteinte à certaines libertés.]

Synthèse des arguments

À ce stade, nous demandons aux étudiant·es de chaque groupe de venir écrire sur un tableau (ou un autre support) les principales prémisses contenues dans les documents permettant de soutenir la conclusion « La PPL est justifiée (Il faut voter pour.). » ou « La PPL n’est pas justifiée (Il faut voter contre.). »

La PPL est justifiée (Il faut voter pour.).

La PPL n’est pas justifiée (Il faut voter contre.).

La PPL ne relève pas de la liberté d’expression et d’opinion.

Cette PPL met en cause les fondements de nos libertés, particulièrement la liberté d’expression.

Ces sites détournent les internautes d’une information fiable et objective.

Ces sites fournissent une information exhaustive sur les conséquences d’une IVG et les alternatives à l’avortement, qui ne sont présentées sur aucun document officiel émanant du gouvernement ou des planning familiaux.

Ces sites sont populaires.

Ces sites répondent à une attente.

Ces sites limitent l’accès de toutes les femmes au droit fondamental à l’avortement.

La PPL viendra aliéner la liberté de la femme de choisir la vie.

 

La détresse ressentie par les femmes ne pourra plus s’exprimer.

Ces sites cherchent à tromper délibérément.

 

Il est bien sûr possible d’être plus précis dans la synthèse des arguments mais cela nécessite un temps dont nous ne disposons pas forcément en cours avec un grand groupe. À titre d’exemple, voici une synthèse plus fournie des arguments présentés dans un texte du corpus.

On remarquera que la plupart des arguments avancés ne concernent pas la PPL en tant que telle mais le fait d’interdire certains sites Internet. Or, ce n’est pas l’objet de la discussion, qui est bien de trancher « pour » ou « contre » la PPL. C’est un point important sur lequel nous attirons l’attention des étudiant·es.

Analyse des arguments

Une fois la synthèse des arguments réalisés, nous invitons  les étudiant·es à se positionner concernant la valeur de vérité et la justification de chacune des prémisses en leur proposant un nouveau temps de travail en groupes restreints. Un accès à un ordinateur avec une connexion Internet est fortement recommandé pour cette étape.

Certaines des prémisses réunies dans la synthèse seront rejetées sans trop de discussion : 

  • la détresse ressentie par les femmes ne pourra plus s’exprimer. =>  Prémisse fausse. Divers lieux existent pour s’exprimer au sujet de l’IVG et de l’éventuelle « détresse » associée. C’est le cas par exemple des plannings familiaux.
  • Ces sites limitent l’accès de toutes les femmes au droit fondamental à l’avortement. => Il y a deux façons de comprendre cette prémisse, une version forte et une version faible. Pour la version forte, ces sites constituent une entrave physique aux femmes souhaitant exercer leur droit de recours à l’avortement. Dans ce cas, la prémisse est évidemment fausse. Concernant la version faible, l’existence de ces sites a pour effet de réduire le taux de recours à l’IVG dans la population. Pour évaluer la valeur de vérité de cette prémisse, il faudrait au minimum avoir des données montrant que la population qui consultent ces sites présente un taux de recours à l’IVG inférieur à celle qui ne les consultent pas. À défaut, le principe de la charge de la preuve et l’utilisation du rasoir de Hitchens7 imposent et permettent, à défaut de juger cette prémisse fausse, de l’écarter de l’argumentation.

D’autres analyses de prémisses nécessiterons un temps plus long d’échange. Assez rapidement, le groupe peut se rendre compte que l’essentiel du débat tourne autour de la question de la liberté d’expression : la PPL est-elle une entrave à la liberté d’expression ? Nous laissons le débat se faire entre les étudiant·es, en veillant à ce que la parole tourne et à ce que chaque personne s’interroge sur la valeur de vérité des affirmations qu’elle émet.

Conclusion

En guise de conclusion, nous demandons à nouveaux aux étudiant·es de se positionner « pour » ou « contre » la PPL, avec toujours pour consigne de ne pas s’abstenir. À ce stade, 65 % étaient « pour », 15 % étaient « contre » et 20 % ont choisi l’abstention malgré la consigne, en répondant ne pas savoir.

Nous ne présentons pas dans le cadre de cette séquence notre argumentation et notre position au sujet de la PPL car ce n’est pas l’objet de l’intervention. Nous insistons plutôt sur l’importance de prendre du recul sur nos positionnements hâtifs face à des sujets délicats et d’exiger ou de fournir les preuves nécessaires pour soutenir les arguments produits. Nous rappelons une nouvelle fois le caractère essentiel du fait de bien délimiter la question dont on souhaite débattre, dans le cas présent la question de la pertinence de la PPL.