Blouse blanche, blouse transparente ? – Autodéfense intellectuelle et indépendance pharmaceutique dans la poche des blouses des médecins

Le CorteX a une caractéristique : n’entretenir aucun lien d’intérêt avec des entreprises privées. Nous avons souscrit à la charte très inspirée des professionnels de santé du FORMINDEP (voir ici) qui font un travail remarquable. Car si critiquer les médecines dites alternatives est une chose, critiquer le système pharmaceutique actuel est une autre gageure, probablement plus importante encore. C’est pourquoi nous soutenons le « manuel d’autodéfense intellectuelle » de la « troupe du Rire », collectif d’étudiants en santé. À mettre dans les poches de toutes les blouses blanches.

La Troupe du RIRE cherche, avec méthode, à sensibiliser les professionnels de la santé aux nombreuses techniques marketing des laboratoires pharmaceutiques, afin d’éviter d’être pris dans les mailles du filet des industries. Ce livret de 34 pages intitulé « Pourquoi garder son indépendance face aux laboratoires pharmaceutiques ? » a déjà été tiré à 2500 exemplaires en toute fin 2015. On peut consulter le livret sur le site du FORMINDEP, mais également le charger juste ici en pdf.

À offrir à tous nos médecins traitants, pharmaciens, kinés, sage-femmes, brancardiers, étudiant-es (et vous pourrez y rajouter l’article La médecine et ses alternatives, quelques éléments d’autodéfense pour militants-es).


Pour une petite introduction à ces questions d’indépendance des études de santé vis-à-vis de l’industrie, on peut écouter quelques extraits audio ici de témoignages ; de même, une vidéo courte est disponible ci-dessous, avec son script reproduit.

La couleur qui symbolise la santé ? Le blanc, comme celui des blouses de médecins !
Mais qui dit blanc ne dit pas forcément transparent. L’industrie pharmaceutique est, avec la banque, la plus profitable du monde1. Dans le budget d’un laboratoire, le marketing est désormais le premier centre de coût, devant la recherche et le développement2.
Des gros sous pour entretenir avec les professionnels de santé… un dialogue sonnant et trébuchant. Il faut dire qu’avec 18 000 visiteurs médicaux employés en France, l’industrie sait entretenir les contacts3. 333 visites par médecin en moyenne chaque année4, soit un coût de 25 000 € par professionnel5, un record en Europe !

Pas étonnant que des propos alarmistes se fassent entendre :

« L’influence de l’industrie pharmaceutique est hors de tout contrôle. Ses tentacules s’infiltrent à tous les niveaux, médecins, patients, régulateurs, chercheurs, associations caritatives, universités, médias, soignants et politiciens. Ses multinationales planifient, sponsorisent, orchestrent et contrôlent les publications sur tous les essais de médicaments. Sa réputation est aujourd’hui très mauvaise. Il faut de grands changements. »

Sauf que là, cet extrait est tiré d’un rapport du Parlement britannique repris dans The Lancet6, l’un des journaux médicaux les plus réputés au monde !
Cette situation pas terrible-terrible s’explique – entre autre – par l’absence de formation des professionnels de santé pour se prémunir de l’influence de l’industrie.
Un constat plutôt fâcheux… Heureusement, l’Organisation Mondiale de la Santé publie en 2009 un manuel d’enseignement pour remédier à la situation : « Comprendre la promotion pharmaceutique et y répondre », traduit par la Haute Autorité de Santé en 20137.
Mais quand on fait ses études de médecine, on ne prend pas forcément le temps de lire un manuel de 180 pages qui n’est malheureusement même pas au programme.

Du coup, NOUS – collectif d’étudiants en médecine de La Troupe du Rire avons résumé et adapté le fameux rapport de l’OMS. Ça donne ça : ce livret – petit mais costaud : il tient dans la poche d’une blouse blanche – analyse les principales techniques utilisées par l’industrie et cherche à déterminer leur impact :

  • Conduite de la recherche clinique,
  • financement de la formation continue des médecins à 98%8,
  • leaders d’opinion recrutés parmi les professeurs de médecine les plus influents,
  • cadeaux,
  • voyages,
  • financement et publicité dans des revues spécialisées,

et bien d’autres manières encore, de tisser des liens d’intérêts avec les professionnels de santé !
Il met aussi à disposition des ressources pour se former et s’informer de manière indépendante (eh oui c’est tout à fait possible!)

Le livret fait des propositions concrètes pour faire face aux situations où l’on est confronté directement à cette influence, à l’université, à l’hôpital ou dans son cabinet.
Nous attendons toujours qu’une véritable formation soit donnée aux futurs professionnels de la santé sur ces influences contraires à l’intérêt des patients…
Pour combler ce vide, il faut nous informer et nous former par nous-mêmes.
Si comme nous, vous souhaitez mettre à l’ordre du jour les questions de formation des professionnels de santé face à l’influence des laboratoires : aidez-nous à financer l’impression de ce livret pour le faire connaître !

Pour contacter le collectif de la Troupe du RIRE : rire.sue (at) gmail.com

Sortie de Merci Patron ! Contre la censure : les David picards face au Goliath du luxe

CorteX_Merci-patronIl y a une chose en sciences politiques qui est assez peu répétée, mais qui est solide sur le plan rationnel : un certain nombre des problèmes majeurs de ce bas-monde seraient réglés si simplement la répartition des richesses disponibles ou produites étaient plus équitablement réparties. Le problème, c’est que les pôles de captation de ces richesses (les « riches » si l’on peut dire) se laissent difficilement convaincre rationnellement. Alors il faut aller parfois… leur tirer l’oreille ! C’est ce que fait avec truculence François Ruffin dans le documentaire Merci Patron ! sortant en salle le 24 février 2016.

Si Merci patron sort officiellement en salle le 24 février, le film est projeté en avant-CorteX_affiche_patronpremière depuis plusieurs semaines déjà dans une petite trentaine de salles en France. L’histoire ? Celle d’un couple – Jocelyne et Serge Klur – qui vit avec 400 euros par mois depuis la fermeture de l’usine ECCE, sous-traitant de LVMH, qui fabriquait des costumes Kenzo dans le Nord. Ruffin décide de les aider en essayant – dit-il – de « toucher le cœur » d’Arnault connu pour ses nombreux rachats et ses démantèlements de sociétés, dans le but de garder uniquement les activités liées au luxe. Le journaliste de Fakir François Ruffin élabore alors un piège qui se resserre sur Arnault via le numéro 2 de la sécurité du groupe et son secrétaire général – accessoirement ancien élu socialiste – Marc-Antoine Jamet. Quelques membres du CORTECS ont soutenu financièrement le film, et sont particulièrement ravis de cette sortie nationale.

En voici la bande-annonce.

Par contre c’est la bataille médiatique ! Les grands groupes possédant les grands médias, de grandes voix journalistiques reçoivent des directives pour éviter d’avoir du Ruffin à l’antenne. Un exemple : l’invitation sur Europe 1 de F. Ruffin à l’émission de Frédéric Taddeï, Social Club fut annulée en fin de semaine dernière. Europe 1, propriété d’un autre grand patron, Arnaud Lagardère, a décommandé, sans réellement motiver sa décision.  « Europe 1 m’interdit de recevoir François Ruffin », a ainsi déclaré la collaboratrice de Frédéric Taddeï au site Fakir, dont François Ruffin est le rédacteur en chef. Opacité également du côté de Frédéric Taddeï, interrogé par Arrêt sur Images :  « L’animateur assure ignorer les raisons de cette annulation. Il précise qu’il ne connaissait pas le sujet du film – qu’il n’a donc pas vu, laissant le soin à sa sœur Sandrine Taddéï, chargée de la programmation, de trouver ses invités. Europe 1 aurait-elle annulé la venue de Ruffin parce que son film ridiculise Bernard Arnault, patron du groupe LVHM et par ailleurs gros annonceur français ? Peut-être, répond Taddéï, qui se dit solidaire de sa station ».

Aux dernières nouvelles, François Ruffin sera audible mercredi prochain 24 février sur Europe 1, mais chez Jean-Michel Apathie, pour quelques minutes seulement.

Bref, au lieu d’attendre que les grands médias inféodés nous disent quoi voir, fouillons nos poches, grattons nos pièces jaunes, et allons nous payer une bonne tranche de révolte pratique. Le cinéma aura alors ce rôle d’éducateur politique qui lui manque souvent.

(À Grenoble, par exemple, c’est au cinéma Le Club).

RM

Parution de "Le biogaz – Manuel pratique", par J-P. Valla

CorteX_Biogaz_Valla Comment développer sa pensée critique en se questionnant sur notre rapport au monde, notamment sur la question énergétique et la notion d’autonomie ? Notre collaborateur, Jean-Philippe Valla, apportait des éléments de réponses dans son article  « L’art de rouler rationnellement avec du caca » dont vous vous rappelez peut-être.  Bonne nouvelle en ce début de printemps, Jean-Philippe Valla vient de faire éditer son ouvrage Le biogaz – Manuel pratique, aux éditions Terran.

On peut le commander ici. N’hésitez pas à nous  demander l’adresse directe de l’auteur à contact (arobase) cortecs.org

CorteX_Jean-Philippe_VallaDescription de l’éditeur :

Produit à partir de déchets, le biogaz est une énergie qui peut être utilisée pour cuisiner, se chauffer, faire fonctionner un groupe électrogène ou faire rouler un véhicule. Avec ce manuel pratique, accessible à tous, apprenez comment mettre en place une installation biogaz à moindre coût. Il suffit pour cela de trouver de la matière organique et de posséder un minimum de surface pour l’installation. L’auteur partage ses expériences et donne les clefs nécessaires pour autoconstruire une installation produisant du biogaz et les techniques pour l’utiliser avec en particulier un épurateur de biogaz fonctionnel permettant son utilisation dans un véhicule équipé GNV. Un nouveau pas vers l’autonomie énergétique !

Site web Sci-hub.io

Sci-hub : siteweb pirate de partage des publications scientifiques

Site web Sci-hub.ioDepuis longtemps au CORTECS, nous critiquons le système de publications scientifiques privatifs, véritable expropriation de la recherche publique dans bien des cas (1). Dans cette optique, nous essayons de soutenir et relayer les initiatives qui participent de cette critique.

Or récemment, un tremblement de terre dans le monde de l’édition scientifique vient de se produire suite à la réouverture (2) du site web sci-hub (3). Tout comme le site web similaire libgen.io,  le site pirate sci-hub.cc (3) fut créé par des activistes qui ont décidé « de supprimer toutes les entraves aux chemins de la connaissance » en mettant à disposition du plus grand nombre, et de manière gratuite, des millions d’articles scientifiques qui sont habituellement inaccessibles à celles et ceux qui ne peuvent se permettre de payer une trentaine d’euros (par article) pour les visualiser, entre autres lorsqu’on n’est ni chercheur, ni étudiant au sein d’une université qui s’est abonnée à ces revues privées sur des fonds publics.

Soutenant cette démarche, qui est peut-être illégale, mais selon nous fort légitime, nous tenions à la partager. Et qui sait, peut-être que cela participera au succès de futures investigations critiques…

(1) Pour approfondir la question, on peut lire Main basse sur la science publique : le «coût de génie» de l’édition scientifique privée, de Bruno Moullia & al, ainsi que Recherche publique, revues privées, de Richard Monvoisin, dans Le monde diplomatique, décembre 2012.

(2) Ce site fut précédemment fermé suite à une plainte de l’éditeur Elsevier, éditeur que le Cortecs boycott pour ses pratiques commerciales scandaleuses (voir l’article : Le coût de la connaissance – Boycott d’Elsevier).

(3) Site accessible par les adresses : sci-hub.cc, sci-hub.bz, sci-hub.ac ou par le réseau Tor : scihub22266oqcxt.onion ou directement avec l’adresse IP : 80.82.77.83

Ateliers "esprit critique et analyse de l'information" à l'école primaire de Taninges

Rose-Marie Farinella Elkabach est enseignante à l’école primaire de Taninges et a développé une séquence pédagogique consacrée à l’analyse de l’information sur Internet à destination de ses élèves de CM2. Elle présente son travail sur le site de l’Inspection de l’éducation nationale de Cluses (académie de Grenoble), que nous relayons ici. On y trouve notamment la description des séances, mais également  une frise chronologique les accompagnant, les exercices et traces écrites des élèves, des enregistrements sonores ainsi que les évaluations. Un diplôme d’apprenti hoaxbuster est même remis aux élèves à la fin de l’atelier !

Voici la description de l’atelier et liens vers les ressources en ligne par Rose-Marie.

« Donner des clés pour faire la différence entre info ou intox sur le web dès le primaire », tel est l’enjeu d’une séquence d’éducation aux médias que j’ai conçue et expérimenté en CM2 l’an dernier et que je mets à nouveau en pratique cette année. Objectif: aider les élèves à devenir des cyber-citoyens qui ne se fassent pas manipuler. Des cours d’esprit critique pour apprendre à vérifier et trier les informations et faire barrage aux idées racistes, xénophobes et complotistes qui circulent sur le Net. Mon scénario pédagogique, ventilé en huit séances d’une heure trente, est indexé sur  PrimTice et Eduscol ainsi que sur le site de l’Inspection de l’Éducation Nationale de Cluses. Vous y trouverez la progression, exercices et traces écrites ainsi que les bilans détaillés des séances.

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A l’issue de la séquence les élèves reçoivent un diplôme « d’apprenti hoaxbuster« , dans une cérémonie au cours de laquelle ils prêtent serment sur la tête de la souris de leur ordinateur : « Avant d’utiliser ou de partager une information, toujours je la vérifierai ».

Sur le site de l’OBS, je raconte l’expérimentation avec les élèves. Un article complété par un papier sur le site web de France 24.

En guise d’avant-goût, voici le sommaire détaillé de la progression.

Séance N°1 : Ce qui est une information et ce qui ne l’est pas

* Tri de textes : un journal, ce n’est pas… un livre, un catalogue, un roman.

Les fonctions de différents types d’écrits

* Différences entre un article et la publicité

* Pourquoi les journaux insèrent-ils de la publicité ?

* Observation de publicités sur des sites d’informations sur internet

Séance N° 2 : Qu’est-ce qu’une information ? Qui la diffuse ? Observation de différents journaux de la presse écrite imprimée et en ligne. De l’importance de la mise en page

* Qui diffuse les informations ? Les différents médias

* Comparaison de « unes » de la presse écrite imprimée et en ligne

* Comment sont classées les informations ? Les rubriques

Séance N°3 : Qu’est-ce qu’une information ?

Entrer dans le cœur d’une information en décortiquant des brèves, en répondant aux questions « quoi ? », « qui ? », « quand ? », « où ? », « comment ? », « pourquoi ? »

Séance N°4 : le métier du journaliste. Comment travaille-t-il ? Comment traite-t-il l’information ? Points de vue. Objectivité/subjectivité

* Le métier du journaliste

* De l’importance de l’objectivité pour écouter et exposer les différents points de vue pour donner l’information la plus complète possible

Qu’est-ce qu’une fausse information ? Info ou intox, comment faire la différence ?

Séance N°5 Les « hoax »

* Tout ce qui est publié sur internet, n’est pas toujours vrai. De l’importance des sources. Toujours vérifier information avant de l’utiliser ou de la partager

* Comparer les « unes », du « figaro.fr » et du « gorafi.fr »

* Le jeu du « hoaxbuster »

*Pour préparer un exposé pour l’école, trier les informations, éviter les « copier-coller », attention aux moteurs de recherche qui mettent sur un même plan sites sérieux et sites mensongers

Séance N°6 Rumeurs et calomnies/ Conspirationnisme/ Racisme, xénophobie/Diffamation et menaces punies par la loi/ Photos truquées, légendes mensongères/Décryptage

* Rumeurs et légendes urbaines

* Les conspirationnistes sont très actifs sur la toile. Exemples : les attentats du 11 septembre 2001 et de « Charlie Hebdo » on été sources des rumeurs les plus folles

* Photos truquées, légendes mensongères/décryptage

* Ecrire et diffuser des calomnies, des injures, des propos racistes et xénophobes, c’est interdit par la loi

* Textes, photos et vidéos que l’on a postés sur internet sont quasiment impossible à effacer

*Les photos des stars et mannequins dans les magazines sont parfois tellement retouchées qu’elles ne reflètent pas la réalité

(Les six premières séances permettent aux enfants d’aborder des compétences du domaine 2 et 5 du B2i)

S’informer et communiquer sur internet et les réseaux sociaux : avantages, risques, règles de prudence. Élaboration d’une charte d’utilisation d’internet à l’école

Séance N°7 S’informer et communiquer sur internet et les réseaux sociaux, avantages, risques et règles à respecter/ Adopter une attitude responsable

Les autres compétences du domaine 2 du B2i non encore abordées

*droit au respect de son image, de son identité et de sa vie privée

*tenir compte des conditions d’inscription à un service en ligne, ne pas communiquer d’informations personnelles, protéger sa vie privée

*alerter l’adulte responsable, si l’on se trouve face un contenu ou à un comportement illicite ou déplacé

*vérifier les conditions d’utilisation d’un document

Séance N°8 Élaboration d’une charte illustrée d’utilisation du matériel informatique et d’internet à l’école

Elaboration d’une charte avec les différentes notions étudiées lors des précédentes séances. Illustration de cette charte par les élèves.

Audio – L'État d'urgence : une mesure inutile et contre-productive. Par C. Egger

À la question d’une journaliste de la BBC demandant jusqu’à quand l’état d’urgence sera prolongé ? Le premier ministre français Manuel Valls répondait le vendredi 22 janvier depuis Davos (Suisse): « Le temps nécessaire. Nous ne pouvons pas vivre tout le temps avec l’état d’urgence. Mais tant que la menace est là, nous pouvons utiliser tous les moyens ». « Cela peut être pour toujours ? » relançait l’intervieweuse. « Jusqu’à ce qu’on puisse, évidemment, en finir avec Daech », déclarait alors le chef du gouvernement. 1

L’état d’urgence se justifierait donc, selon le chef du gouvernement par la réponse à une menace sans précédent et viserait à doter le gouvernement de tous les moyens nécessaires pour y mettre un terme. Convié à discuter de l’efficacité de l’état d’urgence pour répondre au risque d’attentats sur sol français, le CORTECS s’est proposé via notre politiste, Clara Egger, de soumettre à l’épreuve des faits les arguments du gouvernement français.

Dans un exposé de 25 minutes, en trois parties, C. Egger détaille l’histoire de l’utilisation de l’état d’urgence, et apporte des éléments d’évaluation de son efficacité face aux deux types d’ennemis qu’il cible : l’État islamique d’une part et les jeunes radicalisés de l’autre. 

Enregistrement effectué lors de la conférence : « État d’urgence : une nécessité », mardi 9 février 2016 à la maison des avocats.

Télécharger là.

Pour poursuivre la discussion, voici deux autres mini-conférences de C. Egger :

Rapport CORTECS CNOMK : l'ostéopathie crânienne à l'épreuve des faits

En 2014, nous avions réalisé un rapport à la demande du Conseil national de l’ordre des kinésithérapeutes (CNOMK) portant sur le niveau scientifique de la biokinergie. Nous avons par la suite de nouveau été sollicités par le CNOMK afin d’évaluer le niveau scientifique de l’ostéopathie. Devant l’ampleur de la tâche, et  de par les ramifications souvent mal définies de cette pratique, nous nous sommes penché.e.s dans un premier temps sur l’évaluation de l’ostéopathie dite « crânienne » : Rapport CORTECS – Ostéopathie crânienne. Voici un résumé de ce  document de 286 pages pour lequel nous nous sommes efforcé.e.s de décrire le plus précisément et rigoureusement possible les méthodologies de recherche et d’analyse déployées. Pour plus de détails techniques, se rapporter directement au rapport. Des remarques, des questions ? Nous vous invitons à lire la partie QFP à la fin de cet article. 

Résumé

Dans les années qui suivirent l’ouverture des premières formations en ostéopathie par Andrew Taylor Still en 1892, certains praticiens élaborèrent à leur tour des enseignements et furent à l’origine de nouveaux concepts et courants ostéopathiques, dont on retrouve trace dans le paysage ostéopathique actuel, notamment dans les contenus des programmes de formation en France et dans le monde. L’ostéopathie crânienne est le nom d’un de ces courants, donné par son fondateur, William Garner Sutherland (1873-1954). C’est dans les années 1920 qu’il commença à élaborer les concepts et techniques crâniens à partir de l’observation minutieuse des os du crâne et de la face de son squelette Mike, de l’œuvre d’Andrew Taylor Still, et notamment l’importance que celui-ci accordait au rôle du liquide céphalo-rachidien (LCR) ; mais le choc vint de la contemplation d’un crâne de la collection de Still et de l’analogie qu’il fît entre la forme de l’os sphénoïde et celle des ouïes de poissons, « indiquant une mobilité pour un mécanisme respiratoire ».

William Garner Sutherland (1873-1954), fondateur de l'ostéopathie crânienne (Source : Wikipedia, image libre de droit)
William Garner Sutherland (1873-1954), fondateur de l’ostéopathie crânienne. ( Source : Wikipédia )

De là naquît le concept central de l’ostéopathie crânienne, repris par tous les principaux continuateurs de Sutherland (Viola Frymann, Harold Magoun, John Upledger etc.) : le mouvement respiratoire primaire. Actuellement, deux grandes approches conceptuelles des pratiques crâniennes se distinguent, tant à l’échelle française qu’internationale et s’inscrivent dans la continuité des enseignements de Sutherland :

– une approche que l’on pourrait qualifier de « biomécanique » et qui tend à valider scientifiquement ses concepts ;

– une approche qui se qualifie elle-même de « biodynamique » et qui ne tend pas ou très peu à valider scientifiquement ses concepts et fait régulièrement appel à des concepts mystiques, tels que celui de souffle de vie initialement décrit par Sutherland.

Sutures d'un crâne humain qui rendraient possible une mobilité intrinsèque, interne, inhérente à l'intérieur du crâne, qui créerait des mouvements infimes, mais détectables, entre les différents os.
Sutures d’un crâne humain qui rendraient possible une mobilité intrinsèque, interne, inhérente à l’intérieur du crâne, et qui créeraient des mouvements infimes, mais détectables, entre les différents os.

À partir de la lecture des textes des fondateurs et des continuateurs de l’ostéopathie crânienne, puis de la fréquentation des documents issus des principales institutions enseignant ou promouvant la discipline, et enfin de l’analyse de notre synthèse sur les différents concepts du champ crânien, le tout, enfin, assorti des revues de littérature antérieures portant sur ce sujet, nous avons dégagé les hypothèses relevant de l’anatomie, de la biomécanique, de la physiopathologie et de la physiologie humaine sur lesquelles reposent ces pratiques. Aucune des hypothèses qui font la spécificité des fondements physiopathologiques de l’ostéopathie crânienne n’est vérifiée. Les hypothèses dont la vérifiabilité est totalement ou partiellement avérée à l’issue de nos revues de littérature systématique sont en fait des hypothèses non spécifiquement ostéopathiques – c’est le cas par exemple de la circulation du LCR dans l’encéphale.

À l’issue de notre revue systématique de littérature sur les procédures d’évaluation issues de l’ostéopathie crânienne, nous n’avons trouvé aucune preuve en faveur des reproductibilités intra et inter-observateurs de ces procédures. La majorité des études existantes et disponibles échouent à mettre en évidence ces reproductibilités pour tous les paramètres considérés et ce malgré des risques de biais souvent favorables à l’émergence de résultats positifs.

À la clôture de notre revue de littérature sur ce thème, nos résultats montrent que les preuves méthodologiquement valables et favorables à une efficacité spécifique des  techniques et des stratégies issues de l’ostéopathie crânienne sont pratiquement inexistantes. Ces résultats convergent avec toutes les revues de littérature déjà menées sur le sujet.

En définitive, les résultats de nos différentes revues et analyses de la littérature scientifique indiquent clairement que les thérapies s’y rapportant sont à ce jour dépourvues de fondement scientifique. On aurait pu le subodorer dès leur invention, puisque très rares sont les concepteurs de « théories » cranio-sacrées ayant pris le soin élémentaire d’étayer leur pratique d’un quelconque élément de preuve. Cela montre une évidente défaillance épistémologique des fondateurs, mais également des continuateurs qui ont continué d’empiler des briques plus ou moins mal façonnées sur un marécage sans point d’appui.

Souscrivant à l’Onus probandi, un thérapeute quelque peu scientifique aurait assurément pu, à l’instar de Christopher Hitchens, réfuter sans preuve ce qui était affirmé sans preuve. Avec le soutien du CNOMK, nous avons accepté de faire le travail laborieux qui revenait logiquement aux prétendants. De fait, alors que nous pensions qu’il n’y avait pas a priori de raison scientifique de défendre cette discipline, désormais nous le savons. N’étant pas prescripteurs de recommandations, nous nous sommes limités à une analyse impartiale, et c’est cette analyse qui mène à l’énoncé suivant : rien n’encourage aujourd’hui à la mise en place de ces thérapies dans le cadre d’une prise en charge raisonnée de patients.

QFP (questions fréquemment posées)

Ce rapport a été relayé sur différents sites et réseaux sociaux, certains d’entre-eux permettant l’édition de commentaires. Nous ne sommes pas en mesure de lire et répondre à tous ces commentaires mais nous répondrons bien volontiers aux remarques et questions qui :

– concernent strictement le contenu de ce rapport (l’évaluation scientifique de l’ostéopathie crânienne) ;

– nous parviennent directement ( contact@cortecs.org ) ;

– ont un ton courtois et ne font pas d’attaque à la personne ;

– sont étayées avec des références précises et accessibles ;

– ne sont pas déjà traitées dans le rapport.

R. Monvoisin, G. Bronner, éléments de pensée critique utiles à la prévention des dérives sectaires

Voici l’exposé « éléments de pensée critique utiles à la prévention des dérives sectaires » effectué par Richard Monvoisin, en octobre 2015, lors des 40 ans de l’ADFI (Association de défense de la famille et de l’individu) Île de France, qui fait de la prévention vis-à-vis des dérives sectaires. S’ensuit également la présentation du collègue sociologue Gérald Bronner. 

Précision : le Tshirt de Richard est une création de francois-B.