CorteX_normalite

Matériel pédagogique sur la normalité

Qu’est-ce qui est « normal » ? Normal par rapport à quelle norme ? Vis-à-vis de quelle pathologie ? De quelle folie ? Normal par rapport à quel « para-normal » ?
Le mot norme est assez complexe à appréhender. Il m’arrive d’interroger les étudiants sur ce qui est « normal », afin de bousculer les normes enfouies ou non avouées, les leurs ou les miennes. Hétérosexualité, vie de couple, travail, labeur, logement, papiers, emploi, santé mentale, etc. du côté de la norme. Homosexualité, transsexualisme, refus du travail, sans logement, sans papier, chômeur, et folie, etc. du côté hors-norme.
Je regrouperai ici avec mes collègues quelques documents pouvant aider l’enseignant à questionner ces normes.

Normalité & folie

Emission passionnante que Histoire de l’Hygiène volet 3, de la Fabrique de l’histoire du 5 octobre 2011. Débat historiographique sur les débuts de la psychiatrie au 19ème siècle, avec Laure Murat (professeure au département d’études françaises et francophones de l’Université de Californie-Los Angeles) et Aude Fauvel (docteure en histoire, Institut Max Planck d’Histoire des Sciences de Berlin).

Ce document est intéressant à plus d’un titre. Il écorne un brin Michel Foucault sur sa méthodologie, ses « manipulations d’archives », sur le caractère français de son histoire de la folie, différente par exemple de la belge ou de l’anglaise. et  ce qui est rare (voir une critique de M. Foucault ici). On y aborde la question des techniques employées envers les « fous », la ruse, la violence, les bains froids, les sangsues, ainsi que l’organicisme naissant, c’est-à-dire la recherche d’un organe ou d’une zone propre au génie et à son pendant soi-disant négatif, la folie.

Je (RM) sais à quel point les modes, notamment technologiques, jouent un rôle dans la composition des « délires » courants d’une époque (pensons aux actuelles abductions, ou enlèvements par des soucoupes volantes). Je ne savais pourtant pas du tout que se prendre pour Napoléon avait pu être aussi répandu dès le retour des cendres en France (1840), et j’ai appris que le magnétisme animal, curatif, avait eu un rôle géopolitique, les Anglais ayant semble-t-il cru que les Français leur nuisaient à distance. L’émission est émaillée d’archives écrites de la clinique du Docteur Blanche.

Chose remarquable, Laure Murat, contrairement à d’autres tout aussi cléments qu’elle avec la psychanalyse, n’en fait pas des tonnes. Certes,CorteX_Laure_Murat_Napoleon un ou deux termes typiques (comme délire) lui échappent parfois. Alors gageons que son livre appartiendra, comme ses interventions, plus volontiers à l’histoire qu’à la verbiate psychanalytique.

Laure Murat, L’homme qui se prenait pour Napoléon : pour une histoire politique de la folie, Gallimard, 2011. Nous le lirons bientôt.

Normalité & habitat

Le Diogène des Baronnies – documentaire de Mehdi Ahoudig et Vincent Abouchar – Sur les Docks, France Culture, 26 avril 2011.

Écoutez ici :

Téléchargez là.

Description :

« Le village de Buis-les-Baronnies est situé en Drôme provençale. Christian Guienne y vivait depuis plus de cinquante ans. Il n’était pas rare de croiser cet homme, à la nuit tombée, tirant un chariot dans lequel il ramassait toutes sortes d’objets et d’ordures qu’il récupérait dans les poubelles. Atteint du Syndrome de Diogène, qui se traduit par la manie d’entasser jusqu’à réduire son espace de vie à presque rien, il possédait une maison dans le village et des terres sur lesquelles il entreposait ses trouvailles.
Dans le village, il était accepté par le reste de la population et  était même considéré comme une figure de Buis-les-Baronnies, jusqu’à ce que cette manie rende ses conditions de vie critiques, et que sa tutelle et la municipalité le placent d’office à l’hôpital psychiatrique de Montélimar, fin octobre 2009.
Le 30 décembre de cette même année, il décède là-bas d’un arrêt cardiaque. Le village est choqué par cette nouvelle. Certains dénoncent le refus de la mairie d’accepter la différence, d’autres considèrent que Christian Guienne vivait dans l’insalubrité. Les habitants sont divisés, la polémique grandit.
Quelles relations cet homme entretenait-il avec le reste de la population ? A quel moment sa marginalité est-elle devenue intolérable, pathologique ? Comment les villageois, les proches, les institutions, la médecine abordent-ils la question des frontières entre la norme, la marge, la pathologie ? »

 

(A finir) Ressources sur l'homosexualité et le LGBT

 

A l’instar de la question du genre et de celle du racisme, voici un sous-ensemble de ressources consacrée à l’homosexualité et à la question transversale Lesbienne-Gay-Bi-Trans ou LGBT (désignant les homosexuel-les, les bisexuel-les et les transsexuel-les). Ces ressources ont été utilisées lors de Midis Critiques et de cours pour éducateurs ou travailleurs sociaux. Chaque fois que nécessaire, nous préciserons le mode d’emploi ou l’angle d’approche que nous avons choisi.

(Coordination Richard Monvoisin)

Louis-George Tin et la question du droit LGBT bafoué en France… d’outre mer.

Emission de France Inter du 28 août 2011.  ftp://cortecsftp@cortecs.org/cortecs.org/wp-content/uploads/2013/05/CorteX_Louis-George_Tin_LGBT_outre-mer_26.08.2011.mp3

CorteX_Frederick_Douglass

TP corrigé – Grand jeu de recherche de la source de l'information – l'homme noir

Nous vous proposons une collection de travaux pratiques simples à usage des élèves ou étudiants souhaitant se former à la recherche de la source d’une information, d’un concept ou d’une rumeur. Parmi ces TPs, celui-ci :
Quel « poète africain-américain » a dit, dans les années 50, que « Si le Noir n’est pas capable de se tenir debout, laissez-le tomber. Tout ce que je vous demande, c’est de ne pas l’empêcher de se tenir debout. » ?
Pour d’autres TPs, retourner ici.

 


 
Cette citation est le coeur (et le titre) d’un article paru le 6 octobre 2011 sur Rue 89, intitulé

« Si le Noir n’est pas capable de tenir debout, laissez-le tomber »

et signé Venance Konan.
Dans le corps de l’article, on trouve ce passage :

Pour ma part, je répondis en citant un poète africain-américain qui, dans les années 50, avait dit :

« Si le Noir n’est pas capable de se tenir debout, laissez-le tomber. Tout ce que je vous demande, c’est de ne pas l’empêcher de se tenir debout. »

Qui dit poète afro-américain dit langue anglaise probable. Par conséquent je tente « citation » (en anglais quotation) avec Black stand et fall. En 1 minute 30 environ je tenais la citation d’origineCorteX_Frederick_Douglass, qui n’émane ni d’un poète, ni dans les années 50.

C’est l’homme politique abolitionniste et ancien esclave Frederick Douglass, qui a écrit ça en 1865 (soit une erreur de 85 ans) :

In regard to the colored people, there is always more that is benevolent, I perceive, than just, manifested towards us. What I ask for the negro is not benevolence, not pity, not sympathy, but simply justice. The American people have always been anxious to know what they shall do with us… I have had but one answer from the beginning. Do nothing with us! Your doing with us has already played the mischief with us. Do nothing with us! If the apples will not remain on the tree of their own strength, if they are worm-eaten at the core, if they are early ripe and disposed to fall, let them fall! … And if the negro cannot stand on his own legs, let him fall also. All I ask is, give him a chance to stand on his own legs! Let him alone! … your interference is doing him positive injury.

(dans « What the Black Man Wants » — speech in Boston, Massachusetts, 26 janvier 1865)

J’ai écrit à l’auteur pour l’informer de ma recherche, et pour lui dire ce que je pensais du journalisme rapide, médiocre et non sourcé.

Il en va de notre autodéfense de se protéger de ces articles où la qualité de base n’est pas respectée.

 

Richard Monvoisin

CorteX_Einstein

Atelier technique du grand jeu de recherche de la source de l’information

Une phrase tirée de son contexte n’a pas beaucoup de sens en soi ; mais une phrase seulement étayée par la qualité de son auteur doit éveiller notre méfiance. Il y a plusieurs techniques pour dénoncer les arguments d’autorité. En voici une assez ludique : chercher la source ! 

Une manière stimulante d’amener des étudiants à fouiller les ressources bibliographiques en ligne et à vérifier l’information est de leur soumettre une citation fausse, sans le leur dire, et leur en demander l’origine (livre, chapitre, page, année).

J’ai fait plusieurs essais de ce genre, lors des cours d’auto-défense intellectuelle, comme « énigme à résoudre » pour le cours suivant. Je présente la chose comme suit :

1. Einstein aurait défendu l’astrologie. Pouvez-vous retrouver la source de cette information ? Est-elle fiable ?CorteX_Einstein

2. La citation exacte est  : « L’astrologie est une science en soi, illuminatrice. J’ai beaucoup appris grâce à elle et je lui dois beaucoup. Les connaissances géophysiques mettent en relief le pouvoir des étoiles et des planètes sur le destin terrestre. À son tour, en un certain sens, l’astrologie le renforce. C’est pourquoi c’est une espèce d’élixir de vie pour l’humanité.

3…. mais elle n’est pas d’Einstein, Elle provient du Calendrier Astrologique de Huter, (Huters astrologischer Kalender) de 1960. Or Einstein est mort en 1955.

4. Actuellement, l’astrologue française Élisabeth Teissier est la principale propagandiste de cette citation, « même si », comme l’explique Denis Hamel dans le Québec Sceptique (N°57, p 31, téléchargeable ici), « elle est prévenue depuis longtemps de son origine douteuse« . Elle s’en est servi dans sa controversée thèse de doctorat, sans soulever de question particulière dans son jury (voir ici et pour plus d’informations).

Einstein écrivit par contre ceci : « Autrefois, il ne me serait pas venu à l’esprit qu’on s’arracherait pour les noter chacune des banalités que je pourrais prononcer dans mon quotidien. Avoir su, je me serais recroquevillé encore plus dans ma coquille » . (Cité par Alice Calaprice dans The Quotable Einstein, p. 13, extrait d’une lettre du 25 octobre 1953 à Carl Seelig, Archives Einstein 39-053.) Se serait-il douté qu’on noterait même ce qu’il n’a pas dit… et qu’on en ferait des outils critiques ?

Nous avons reproduit plusieurs fois ce type de sollicitation pédagogique, avec entre autres :

  • André Malraux : « Le XXIe siècle sera religieux / spirituel / mystique ou ne sera pas. »
  • Albert Einstein (encore) : « Si l’abeille disparaît, l’humanité en a pour quatre ans à vivre. »

Parfois, la citation est apportée sur un plateau par un-e étudiant-e.

Dernière en date : Einstein (encore) aurait soutenu la Fraternité Blanche Universelle, notamment son fondateur Peter Deunov dans une célèbre citation. Est-ce vrai ? A vous de jouer…

Pour s’entraîner, on trouvera ici une collection de travaux pratiques simples à usage des élèves ou étudiants souhaitant se former à la recherche de la source d’une information, d’un concept ou d’une rumeur.

Vous aussi avez d’autres citations à proposer ? Ecrivez-nous.

Richard Monvoisin
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Le Mur ou la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme

La question de l’autisme et des surinterprétations de cette gamme de syndromes est l’objet de nos préoccupations et de nos enseignements (1). Contre toute attente, notre matériel pédagogique sur le sujet vient de s’étoffer d’un seul coup, avec un travail tout à fait majeur : « Le Mur, ou la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme« , de Sophie Robert.


Et tout aussi vite, il a été retiré par décision de justice !
Ne vous étonnez pas de ne pas voir les vidéos en ligne, c’est indépendant de notre volonté.
Quelle que soit la décision de justice finale,
1) la controverse sur l’hégémonie de techniques psychanalytiques pseudoscientifiques dans le soin de l’autisme (et ailleurs) n’est pas éteinte, et
2) nous souhaitons continuer à utiliser ce documentaire car il est une véritable sonde dans le vécu des autistes et proches d’autistes.

Pour toute question sur ce sujet, écrivez-nous : contact@cortecs.org


Sophie Robert a travaillé pour le collectif Autisme sans Frontières en réalisant le documentaire « Le Mur ou la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme » avec Océan Invisible Production. Une trentaine de pédopsychiatres et psychanalystes français ont été rencontré, pour qui « il y a beaucoup à voir entre autisme et psychose ». Pour les psychanalystes interrogés, l’autisme pourrait être la conséquence d’une dépression maternelle, d’une mauvaise relation avec l’enfant, voire d’un refus de l’apport masculin pour la conception (2). Certains parlent de mère « psychogène »,CorteX_Autisme_LeMur_Danon_Boileau de « stade de folie transitoire » de la mère, voire de « désir incestueux »…Que font les psychanalystes devant un enfant autiste ? « J’en fais très peu, j’attends qu’il se passe quelque-chose », dit l’un. « J’essaie d’apprivoiser l’enfant, je me tiens en retrait », dit un autre.
Ce documentaire laisse la parole à des psychanalystes très connus, notamment les Pr. Delion ou Golse, responsables et chefs de service dans de grands hôpitaux de France et met en lumière l’extraordinaire imposture de l’approche psychanalytique de l’autisme, pourtant archi-présente dans les milieux de la psychiatrie, du soin et du travail social.

Le voici. Même les habitué-es risquent de tomber de leur chaise.

Partie 1 : [vimeo 28297548]

Partie 2 : [vimeo 28304221]

Partie 3 : [vimeo 28312069]

Bonus : interview de Monica Zilbovicius, psychiatre, directeur de recherche à l’INSERM.

Bonus 1 : [vimeo 28396329]

Bonus 2 : [vimeo 28403514]

Nous l’avons vu fin septembre 2011, et nous avons déjà exploité un extrait (3) avec D. Laumet et N. Gaillard lors de la formation Travail Social & Esprit Critique.

Nous ne pouvons qu’encourager toute personne touchée de près ou de loin par le problème de l’autisme à regarder ce documentaire. Bien sûr, il y a des critiques de montage à faire, des coupes, des plans musicaux sur les enfants, l’utilisation d’un seul sujet pour soutenir la thérapie comportementale et ses différentes méthodes, mais cette plongée dans l’idéologie gomme ces quelques défauts, et fait de ce reportage un véritable outil critique pour l’enseignement.
Nous avons proposé à Sophie Robert (dont on écoutera une excellente interview ici) de venir présenter son film à l’université de Grenoble, puisqu’aucune chaîne ne souhaite diffuser son documentaire. Elle viendra le 30 novembre 2011. Préparez vos calepins.
Accessoirement, se prépare semble-t-il une demande d’interdiction :
Selon Rue89 (4 novembre 2011)

« (…) Face caméra, les psys assument le côté « politiquement incorrect » de leur discours. Mais une fois qu’ils voient le film, trois d’entre eux s’étranglent. Ils saisissent le tribunal de grande instance de Lille, qui nomme un huissier aux fins de faire saisir les rushes.

Leur but n’est toujours pas clair, Me Christian Charrière-Bournazel, leur avocat, n’ayant pas répondu à nos sollicitations. Mais, selon l’ordonnance sur requête que Rue89 a pu consulter, ils semblent préparer une demande d’interdiction :

  • « les rushes confirmeront que leurs propos ont été dénaturés », est-il écrit. Les saisir empêchera la réalisatrice de les « détruire afin d’échapper à toute interdiction judiciaire dont pourrait être frappée son film et plus généralement à toute action en responsabilité » ;
  • ils reprochent à Sophie Robert de s’être « présentée comme journaliste alors qu’elle est gérante de société de production » : ils oublient qu’il n’est pas besoin d’avoir la carte de presse pour réaliser un documentaire en qualité d’auteur ;
  • ils « ont découvert avec stupéfaction que leurs interviews avaient été coupées et défigurées aux fins d’un film partisan » : les coupes font partie du travail normal de documentariste, et leur choix relève de la liberté d’expression ; il n’est pas rare qu’un film d’auteur assume un parti pris ;
  • ils estiment que « la pensée et les propos des intervenants sont réduits et déformés par le sens des commentaires » : rien n’interdit le commentaire de porter sur des interviews, voire de prendre leur contrepied ;
  • ils se disent « piégés » dans un film qui ne serait pas, à leurs yeux, un documentaire mais « une entreprise polémique destinée à ridiculiser la psychanalyse au profit des traitements cognitivo-comportementalistes (TCC) ».

« A​tteinte au secret des sources des journalistes »

La réalisatrice, qui ne veut pas que les plaignants croient qu’elle a « quelque chose à cacher », a retranscrit les trois heures d’interviews avec les trois psychanalystes qui la poursuivent (Esthela Solano Suarez, Eric Laurent et Alexandre Stevens, membres de l’Ecole de la cause freudienne).

Elle vient de transmettre à l’huissier un DVD avec des images originales, brutes, des interviews avec les timecodes (marquage temporel) « afin qu’ils voient bien que, techniquement, il n’y a pas de coupe inopinée dans les séquences ».

Selon son avocat Me Benoît Tritan, demander les rushes est une « atteinte au secret des sources des journalistes » protégé par la loi du 4 janvier 2010.

L’avocat a saisi le juge en référé afin de faire annuler l’ordonnance initiale ; une audience est prévue le 15 novembre au TGI de Lille. Pour Me Titran :

« Le travail a été réalisé de façon loyale, comme en attestent les autorisations de tournage, leurs propos ont été parfaitement respectés et il n’y a aucune atteinte à la probité, sinon ils auraient poursuivi en diffamation. »

Sophie Robert met à disposition le document de son assignation en justice demandée par l’Ecole de la cause freudienne ainsi que l’appel à souscription pour la création d’une série documentaire en 3 volets sur la psychanalyse.
Brigitte Axelrad a également écrit sur ce film un article, qui sera publié dans le prochain numéro (299) de la revue SPS (Science et pseudo-sciences) avec une mise à jour rapportant l’issue du procès.altSur les antennes de la RTBF Jaques Van Rillaer évoque l’assignation en justice ainsi que les procédés douteux de l’école de la cause freudienne.

Voici l’interview de Sophie Robert dans le magazine de la santé sur France 5, le 20/11/2011.
[dailymotion id=xmmck9]
Merci à Carole Contaut, du collectif Autisme Infantile de nous avoir informés.

Vous souhaitez nous faire part de vos impressions ? Ecrivez-nous.
Richard Monvoisin


(1) N. Gaillard a fait plusieurs conférences portant sur l’imposture Bettelheim (voir note 2). J’ai pour ma part introduit dans mes cours d’autodéfense intellectuelle la notion de « mère-frigidaire » comme cause de l’autisme comme exemple d’élaboration de pseudo-science idéologique à consonance sexiste. N. Gaillard, G. Reviron et moi avons eu maintes fois l’occasion de pointer les dérives psychologiques et sexistes autour du freudisme, entre autres avec nos collaborateurs J-L. Racca, B. Axelrad, J. Van Rillaer. En 2007, j’avais également planché avec un groupe d’étudiants (Cécile Pinsart, Cédric Rios et Mathilde Daumas) sur la « théorie » des enfants Indigo et leur utilisation de l’autisme (voir les notes de Prevensectes sur le mouvement Kryeon).

(2) Bruno Bettelheim était convaincu, alors même que les preuves s’accumulaient contre sa théorie, que l’autisme n’avait pas de bases organiques mais était dû à un environnement affectif et familial pathologique. (…) Voir Bettelheim B., La forteresse vide, l’autisme des enfants et la naissance du moi, Gallimard, 1969. Pour un début de critique, voir Ian Hacking, Philosophie et histoire des concepts scientifiques, sur le site du Collège de France, p. 391 et pour aller plus loin, on lira Richard Pollack, Bruno Bettelheim ou la fabrication d’un mythe, les Empêcheurs de penser en rond (2003). Un autre trop rare livre critique de Bettelheim est également paru sous la plume de Peeters, La forteresse éclatée (1998) ».

CorteX_Autisme_LeMur_Loison_crocodile(3) Il s’agit de l’incroyable série d’extraits de la pédopsychiatre Geneviève Loison, tellement frappante que des parents d’enfants autistes ont lancé une campagne « Un crocodile pour Geneviève ».

(4) Petite mise au point de Mikael Molet de l’Université de Lille :

La thérapie comportementale repose sur les principes du conditionnement classique et du conditionnement opérant. On parle alors d’analyse appliquée du comportement. Celle-ci repose sur l’analyse fonctionnelle qui peut se résumer par la formule « quelle est la fonction du comportement ? » Les méthodes TEACCH et PECS, par exemple, sont des techniques d’apprentissage qui peuvent être utilisées dans l’analyse appliquée du comportement, selon les besoins de l’enfant et les objectifs fixés.

2011-2012, Séminaire La chimie, science d’interfaces – Paris

Un peu d’épistémologie et de chimie ?

 



 
La chimie, science d’interfaces, séminaire organisé par François Pépin
Centre Cavaillès, 29 rue d’Ulm, Paris 5e (3e étage, palier de droite), un mercredi par mois de 13 h 30 à 15 h 30, du 2 novembre 2011 au 13 juin 2012 (entrée libre dans la limite des places disponibles)
 
Présentation

La chimie a pendant toute son histoire été habitée par la question de son identité, qu’il s’agisse de déterminer sa spécificité par rapport aux autres sciences, de penser sa valeur scientifique par rapport à son fort ancrage technique, ou de cerner son statut académique et son rôle social. Mais n’est-ce pas le signe que l’identité même de la chimie est mobile et mouvante ? La chimie ne nous invite-t-elle pas à réfléchir en termes d’interactions, à la fois pour comprendre le monde et pour saisir les relations disciplinaires ?

En envisageant la chimie comme une science d’interfaces, le but de ce séminaire est d’interroger plusieurs types de rapports pour souligner l’originalité du travail chimique et manifester l’intérêt épistémologique de cette science qui complique les distinctions traditionnelles. Dans un cadre ouvert à toute forme d’interactions, on s’intéressera en particulier à deux grands axes.

D’un côté, la notion d’interface peut permettre de mieux cerner les relations de la chimie à ses objets. Une spécificité ancienne de la chimie est de produire et de détruire ses objets pour les connaître, mais elle se laisse aussi comprendre par plusieurs articulations : entre les niveaux microscopique et macroscopique, entre théorie et pratique, entre recherche fondamentale et recherche appliquée, entre science et technique (ou art), etc.

D’un autre côté, les interfaces entre la chimie et les autres savoirs scientifiques (notamment la physique, la biologie et la médecine), la technique et la société compliquent la notion de frontière disciplinaire. Cela suggère une cartographie dynamique des savoirs et invite à l’étude des mélanges (notion chimique !) entre genres.

Le cadre interdisciplinaire de ce séminaire conduira à croiser les regards du savant, de l’épistémologue et de l’historien.
 
Programme
Mercredi 2 novembre 2011 : Bernadette Bensaude-Vincent (Paris 1), La chimie, une science de l’inter-faire
Mercredi 30 novembre 2011 : Sacha Loeve (Paris 1, CETCOPRA), Interfaces instrumentales et relations inter-objectives en nanotechnosciences
Mercredi 11 janvier 2012 : Cécilia Bognon-Küss (Paris 1), La chimie de la digestion au XVIIIe siècle : propriétés émergentes et réductionnisme dans la médecine vitaliste
Mercredi 8 février 2012 : Jean-Pierre Llored (CREA, École polytechnique), La notion d’émergence en chimie dans une perspective « matériologique »
Mercredi 28 mars 2012 : Sacha Tomic (Paris 1), L’interface disciplinaire entre chimistes et apothicaires/pharmaciens : la naissance de la chimie organique
Mercredi 4 avril 2012 : Christine Lehman (Paris Ouest, IREPH), Les miroirs ardents entre science opérationnelle, curiosité et spectacle (XVIIIe siècle)
Mercredi 2 mai 2012 : Fani Papadopoulo (Paris 1, CETCOPRA), Les chimistes et la nutrition animale au milieu du XIXe siècle
Mercredi 13 juin 2012 : Bernard Joly (Professeur émérite, Lille 3, UMR « Savoirs, textes, langage »), La chimie est-elle une philosophie ? Chimie et philosophie à l’âge classique (sous réserve)
 

CorteX_marteau-justice

Métaphore juridique et "loi" en science

CorteX_marteau-justiceLoi, interdiction, violation…La métaphore juridique est un grand classique du relativisme cognitif, car elle laisse penser que la science fonctionne selon des juges et des parties qui remportent l’adhésion par une sorte de consensus démocratique, au nom d’un libéralisme philosophique un peu galvaudé. La contestation d’une pseudoscience y est vécue comme un refus liberticide du pluralisme « politique » que devrait représenter la science. Si la science comme technopolitique mériterait de suivre des parcours démocratiques plus clairs, la science comme démarche, elle, ne fonctionne pas à la majorité.

Par ces métaphores, nous sommes directement projetés dans le relativisme de Feyerabend qui déclarait en des phrases aussi célèbres que fausses :

« L’unanimité dans l’opinion peut convenir à une Église, aux victimes terrorisées ou ambitieuses de quelque mythe (ancien ou nouveau) ou aux adeptes faibles et soumis de quelque tyran. Mais la variété des opinions est indispensable à une connaissance objective. Et une méthode qui encourage la variété est aussi la seule méthode compatible avec des idées humanistes » (Feyerabend P., (1998) Contre la méthode, esquisse d’une théorie anarchiste de la connaissance, (1979) Seuil p. 46 et p. 348).

C’est une métaphore fréquemment utilisée, notamment dans les cas de pseudo-médecines. Elle dénature totalement la démarche scientifique, qui valide une théorie non sur la majorité des avis, mais sur l’adéquation des résultats avec la prédiction.

Le terme « loi » est la jauge de cette métaphore, puisqu’il entremêle dans la culture française l’acception « loi physique », immuable, axiomatique de la Nature et « loi » humaine, construite dans le cadre d’un groupe social, et renégociable. La métaphore est extrêmement dangereuse. Des auteurs célèbres du postmodernisme comme Stengers jouent sur ce registre en encourageant à « enfreindre la loi », à passer les « infractions » et à se départir des « jugements » quasi-pénaux des physiciens (1), ceci non pour flatter une sympathique désobéissance civile mais pour montrer que les savoirs scientifiques ne sont que des conventions humaines,

« relevant quasi exclusivement de luttes de pouvoir, dans lesquelles la pertinence des théories scientifiques débattues n’aurait que peu d’importance (…) Une science qui se targue de posséder la seule méthode correcte et les seuls résultats acceptables est une idéologie, et doit être séparée de l’État et particulièrement de l’éducation. On peut l’enseigner, mais uniquement à ceux qui ont décidé d’adopter cette superstition particulière. » (2)

 

Nous sommes dans l’anti-rationalisme et le relativisme cognitif le plus granuleux. Malheureusement, ces menaces échappent généralement aux concepteurs de médias. Un simple exemple peut être pris par l’une des ces annonces jouant sur les deux registres : la résistance électrique abolie, lit-on. La vraie question est : par quelle cour de justice ? (voir aussi « la violation de la vitesse de la lumière »)

Tiré de Pour une didactique de l’esrpit critique, de Richard Monvoisin, 4.4.4.7 la métaphore juridique.

 

 La résistance éléctrique abolieCorteX_Loi_resistance_abolie

(1) Stengers I., (1997) Cosmopolitiques, La découverte.

(2) Mulet-Marquis C., (2007) Postmodernisme antirationnel chez Isabelle Stengers, in Athané F., Guinet É., Silberstein M. (Dirs.), Matières premières N°2, émergence et réduction, éd. Syllepse, p 318.

CorteX_Gigerenzer_Pouvoir_intuition_

Le génie de l'intuition, de Gerd Gigerenzer

CorteX_Gigerenzer_Pouvoir_intuition_Au corteX, grâce à Denis Caroti, nous connaissions Penser le risque de Gerd Gigerenzer, excellent livre approchant la question des appréciations des risques et du mésusage des statistiques. Quand je suis tombé sur le titre de ce livre du même auteur, j’ai pris peur : Le génie de l’intuition : Intelligence et pouvoirs de l’inconscient.

L’inconscient ? Ouyouyouïlle… serait-ce une éternelle resucée de l’inconscient freudien ? J’ai tout de même osé l’acheter et c’est une très bonne surprise.
 


 

Il s’agit moins de flatter l’intuition, que de montrer comment il arrive que celles et ceux qui connaissent moins un sujet utilisent le « pif », l’intuition avec un succès supérieur aux plus fins connaisseurs. Quelques expériences sont montrées qui sont tout à fait stimulantes. J’y ai senti parfois une sorte d’éloge de l’ignorance et un encouragement récurrent à l’intuition qui gênera probablement ceux qui comme moi sont témoins des Charbyde et des Scylla vers lesquels l’intuition pousse parfois.

Au vu du contenu pertinent, j’ai l’impression que le titre est plus volontiers un coup marketing. Belle surprise, donc.
Le génie de l’intuition : Intelligence et pouvoirs de l’inconscient de Gerd Gigerenzer, Eliette Abécassis et Michèle Garène – Poche – 21 avril 2011
Vous aussi, donnez-nous votre avis.

Richard Monvoisin

 
 
 

CorteX_Mandosio_imposture_foucault

Longévité d’une imposture, Michel Foucault – de Jean-Marc Mandosio

CorteX_Mandosio_imposture_foucaultSi nous vouons un grand respect aux sciences politiques et autres sciences humaines, nous ne pouvons que regretter la relative médiocrité d’une bonne part de la production. Entre mollessse des concepts, relativisme latent, jargonnage poussif, notions psychalanytiques désuettes et impostures intellectuelles (au sens de Sokal & Bricmont, voir Bibliotex), un tri est nécessaire, délicat à faire et à expliquer. Alors quand le travail de décryptage et d’éventage des idoles est fait par quelqu’un d’autre, nous sommes très contents de nous y pencher.
Nous venons d’acquérir le livre de Jean-Marc Mandosio Longévité d’une imposture – Michel Foucault, suivi de Foucaultphiles et foucaulâtres, Éditions de l’Encyclopédie des Nuisances, Paris, 2010 (10 euros).

Pour ma part, autant j’appréciais l’engagement de l’auteur, le recul historique et les bribes d’analyse politique des questions de genre et de sexualité de ses deux ou trois ouvrages que j’avais lus, autant la sous-jacence psychanalytique me dérangeait et le permanent recours à ces thèses par des penseurs de toute sorte me paraissait un peu douteux. Le temps manquait hélas pour me faire une idée étayée.

Addendum : j’ai lu ce livre pour préparer une discussion sur Foucault à Antigone. Je n’ai pas été déçu car la critique est fouillée et dénonce plusieurs plans. Sur le plan purement scientifique, il y a des choses intéressantes qu’on lui attribue à tort semble-t-il (comme le fait de se pencher sur des sujets « subversifs »). Cela ressemble à ce que nous appelons l’effet Jules Verne (cf Outillage). Son hypothèse de discontinuité de l’histoire par ex, et celle des episteme, ressemble à s’y méprendre à la théorie de Thomas S. Kuhn sur les paradigmes. Mandosio pointe la dramatisation de l’archive et le tri des archives selon la thèse à défendre, ce qui est tout de même un problème. J’ai par contre tout à fait compris ce qu’il dénonce dans la foucaulâtrie – que j’ai pu vivre plusieurs fois, dans un public s’extasiant sur Foucault sans jamais avoir lu une quelconque ligne. D’ailleurs, lorsqu’on demande qui a lu Foucault, la plupart des réactions sont du type « ah j’ai essayé, mais c’est trop dur j’ai arrêté ». Alors, si c’est compliqué, avec des concepts flous, dans quelle mesure le travail de Foucault frise l’imposture intellectuelle ? J’ai lu Surveiller et punir et Histoire de la folie il y a plus de 15 ans maintenant, avec une grille de lecture plus grossière que maintenant, aussi je ne tranche pas et suspends mon jugement jusqu’à ce que je replonge dedans. En tous les cas, ce que j’ai refeuilleté vite fait ne m’a pas grandement encouragé, ni sur l’homosexualité, ni sur sa philosophie politique. Foucault écrit dans Dits et écrits en 1975 :

« Tous mes livres sont si vous voulez, de petites boites à outils. Si les gens veulent bien les ouvrir, se servir de telle phrase, telle idée, telle analyse comme d’un tournevis ou d’un desserre-boulon pour court-circuiter, disqualifier, casser les systèmes de pouvoir, y compris éventuellement ceux-là même dont mes livres sont issus…eh bien c’est tant mieux […] Je voudrais que mes livres soient des sortes de bistouris, de cocktails Molotov ou de galeries de mines (…)

J’attends que quelqu’un m’explique en peu de phrases quels outils conceptuels de Foucault nous pouvons réellement garder en termes d’autodéfense intellectuelle. (RM, 13 octobre 2011)

Vous aussi, donnez-nous votre avis.

Richard Monvoisin

CorteX_Book_Hist_Populaire_Cote_Azur

Parution d'Une histoire populaire de la Côte d’Azur, 1860 – 1914 de Philippe Jérôme

CorteX_Book_Hist_Populaire_Cote_AzurLes éditions book-e-book.com lancent une nouvelle collection intitulée « Les Amis de la Liberté », tout à fait dans la ligne de notre Histoire des luttes sociales. Premier numéro de cette collection Une histoire populaire de la Côte d’Azur, 1860 – 1914 de Philippe Jérôme. A exiger chez votre libraire préféré-e.

 


 

De 1860 à 1914, la Côte d’Azur, fréquentée par le gratin aristocratique de la planète mais aussi par un certain Karl Marx, a connu un extraordinaire développement. Nice, à la veille de la première guerre mondiale, était considérée comme l’une des grandes villes parmi les plus agréables d’Europe. Mais au dos de cette carte postale s’est aussi écrite la rude saga pour la reconnaissance des syndicats « rouges » comme celui des traminots niçois, pour des Bourses du travail indépendantes des notables locaux à Nice et Cannes, pour l’école publique et laïque dans les quartiers ouvriers et les villages ou contre la sauvagerie patronale s’abattant sur les potiers de Vallauris. Le pacifiste Frédéric Stackelberg, le syndicaliste Léon Morel, l’avocat socialiste Louis Maffert ou le secrétaire de la Bourse du travail, Charles Levignac sont quelques uns des héros anonymes de la période qui va du rattachement/annexion du Comté de Nice fustigé par « Peppino » Garibaldi, à la Grande Guerre dont Jean Jaurès, interdit de parole à Nice par l’extrême droite, fut le premier mort. Qu’ils soient blanquistes influencés par « l’Enfermé » de Puget-Théniers, anarchistes italiens des « Fils de la misère » ou socialistes s’échinant à implanter la SFIO en terrain politique hostile, ils ont tous à leur manière entretenu la petite flamme révolutionnaire qui a permis à ces milliers de travailleurs, français et immigrés, qui ont façonné la Côte d’Azur, d’espérer en un monde meilleur.

Avant-Propos de Max Burlando.
Illustration de couverture par Ernest Pignon-Ernest.

164 pages – Français • Date de parution : 22 août 2011 • ISBN : 2-915312-29-4 15 euros – Frais de port 1 euro

 

Note : au CorteX, nous ne l’avons pas encore lu.
 
 
 
 
 
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