Le dessous des cartes : RIP Jean-Christophe Victor

CorteX_Jean-Christophe-Victor Jean-Christophe Victor, célèbre présentateur du Dessous des Cartes, sur Arte, est mort le 28 décembre 2016 des suites d’une crise cardiaque. Fils de l’explorateur polaire Paul-Émile Victor et de la productrice de télévision Éliane Decrais, celui qui dirigeait avec sa femme Virginie Raisson le LEPAC (Laboratoire d’études prospectives et d’analyses cartographiques, indépendant) a éduqué à la géopolitique à partir des cartes toute une génération de francophones. Il a fourni un grand nombre de matériaux pédagogiques critiques. Titouan Girod, qui fait son stage de Licence 3 Géographie au CORTECS, rend hommage au monsieur.

CorteX_Dessous_des_cartesDiplômé en chinois de l’École des langues orientales et diplômé d’étude en sciences politiques, J-C. Victor devient docteur en ethnologie et réalise pour les besoins de sa thèse un voyage d’un an dans un village reculé du Népal. Ses choix d’étude révèlent son intérêt pour le continent asiatique, et lui permette une grande interdisciplinarité que l’on retrouvera beaucoup dans ses émissions du Dessous des Cartes.

Il commence sa carrière en travaillant pour le Ministère des affaires étrangères, avec lequel il est envoyé en Afghanistan. C’est à cette époque qu’il co-fonde l’Organisation non gouvernementale Action Contre la Faim, avec laquelle il partira en mission dans des pays comme le Pakistan ou l’Afghanistan.

Mais Jean-Christophe Victor, c’est aussi et surtout une vie dévouée à la recherche et à la pédagogie dans une interdisciplinarité mêlant sciences politiques, géographie, histoire, cartographie, ethnologie, économie… De fait, il fonde en 1991 le laboratoire d’études prospectives et d’analyses cartographiques avec Virginie Raisson, sa compagne. Ce laboratoire de recherche privé et indépendant sera pendant 25 ans à l’origine des analyses du Dessous des Cartes. Ses recherches servent des structures publiques, mais également, à notre grande surprise, des entreprises privés1Bien que s’agissant d’un laboratoire privé ne dispensant pas d’enseignement, les recherches du Lépac étaient largement réutilisées et transmises par la télévision, notamment Arte. Cette mission de transmission et de pédagogie, c’est Jean-Christophe Victor qui l’assurait grâce à son premier rôle dans l’émission hebdomadaire. Il partageait alors ses recherches et celles du Lépac à des milliers de téléspectateurs comme un professeur à ses étudiants.

L’émission, en elle-même possédait un certain nombre de qualités dans sa réalisation : simple mais pas simpliste, courte, Victor savait être synthétique, permettant de retenir plus facilement l’attention. Par sa pluridisciplinarité, l’émission permettait de comprendre à la fois les grosses machines étatiques ou entrepreneuriales et les aspirations, besoins ou vécus des groupes humains étudiés. Victor avait une vision critique de la cartographie jusque dans la projection utilisée (il préférait par exemple la projection de Gall-Peters, respectant les surfaces au détriment des angles à celle utilisée classiquement dite de Mercator, qui rétrécit l’Afrique et amplifie les pays tempérés), et se méfiait des arrangements des grands cartographes propriétaires du web comme Google Maps. Enfin, il a toujours refusé d’inscrire son émission dans le buzz et le court-termisme, et a toujours adopté un temps long, temps de la réflexion, ne se laissant jamais imposer ses sujets par les événements médiatiques.

Les émissions (répartis en 26 saisons d’un épisode hebdomadaire) traitaient de situations politiques, économiques, sociales, géopolitiques dans tous les continents, résumant parfois les causes et conséquences d’un conflit, ou la situation d’un pays. Elles traitaient parfois aussi de problèmes internationaux voire mondiaux, ou encore portaient un regard critique sur la cartographie elle-même.
Le format de l’émission – c’est-à-dire une personne seule face à une caméra, utilisant des images apparaissant à l’écran, dans un temps court – a été précurseur et fait aujourd’hui le succès de nombreux vidéastes proposant souvent des émissions de vulgarisations sur Internet.

La fascination de Victor pour le monde polaire – probablement un atavisme familial – et sa conscience des dangers du réchauffement climatique l’ont porté travailler à la création d’un musée sur le monde polaire, l’Espace des Mondes Polaires, qui sera malheureusement inauguré sans lui en février 2017.

Nous ne savons pas si Victor et le LEPAC ont soutenu Open Street Map, projet de base de données géographiques libre du monde, mais en tout cas Victor salue très largement son utilité, notamment la réactivité de ses contributeurs lors d’événements tels que des catastrophes naturels par exemple : il prend d’ailleurs comme exemple son rôle crucial après le séisme à Haïti en 2012. Il souligne aussi le fait que leurs données puissent être réutilisées par tou-tes car libres de droit. Il traite de tout cela dans le Dessous des Cartes sur la Cartographie 2.0 (voir plus bas).

Merci pour l’œuvre, Jean-Christophe Victor. Reposez sous vos cartes en paix !

Titouan Girod, Richard Monvoisin


Rien de tel que de juger sur pièces. Pour vous donner ou redonner le virus du Dessous des cartes, nous vous recommandons (avec plusieurs liens) :

  • Révolution cartographique ? Sur les travers de Google Maps (ici ou )
  • Des Frontières qui se re-ferment ?  Sur les murs aux frontières dans le monde (ici, ou encore )
  • L’Afrique dans le maintien de la paix, un épisode qui permet une approche synthétique de la question de la gestion de la paix en Afrique (ici ou )
  • Des nouvelles de l’Antarctique (ici ou )
  • Cartographie 2.0, épisode sur les nouveaux fournisseurs cartographiques du web libre (Open Street Map) ou propriétaire (Google Maps) (ici ou ).

 

Dans l’extrait d’une entrevue réalisée la veille de sa mort sur France Culture, il souligne avec plaisir le partenariat entre l’IGN (Institut de Géographie Nationalet Open Street Map. Nous reproduisons l’émission ici.

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Retranscription :

Vous maintenez : « Google Maps ment » ?

Bien sûr que je maintiens. Le problème, c’est qu’il n’y a pas suffisamment de personnes qui le savent ! Ce qui est intéressant, le point de départ de notre micro-recherche au Lépac était que Google Maps est de plus en plus utilisé comme référence. Et s’il y a référence, on compare. Et on s’est aperçu que les tracés frontaliers des États sont adaptés à l’État commanditaire. C’est une vraie malhonnêteté intellectuelle, politique, cartographique et diplomatique. Mais nous ne sommes pas les premiers, d’autres chercheurs américains2 et français, Jérôme Staub notamment, s’en étaient aussi aperçus.

Et de quand date ceci ?

Depuis le début ! C’est-à-dire que si Google veut conquérir le marché chinois, ce qui n’est pas encore fait, il ne peut pas montrer les frontières du pays qui ne correspondent pas à la vision nationale. La vision nationale pour la zone du Cachemire par exemple, pour laquelle s’affrontent déjà l’Inde et le Pakistan. Donc Google Maps va s’adapter à ce que souhaite le régime, le récit chinois et cela ne se conforme pas aux accords internationaux signés par la Chine dans le cadre de négociations aux Nations unies. Si Google Maps applique la carte des Nations unies au litige frontalier entre le Japon et la Chine, Google n’aura pas accès au marché chinois !

Vous avez eu une réaction de Google ?

Non. Mais peu importe : il suffit de regarder les tracés frontaliers, ce qui est signé, pas signé, et de comparer. Si vous comparez par exemple les cartes proposées par la Chine avec les cartes proposées par le Japon, ce ne sont pas les mêmes frontières maritimes. Si vous êtes à Moscou et que vous regardez Google Maps, vous voyez que la Crimée est russe. Maintenant, si vous êtes à Bruxelles, dans l’Union européenne, ou à Kiev, vous voyez qu’elle n’est pas russe. Donc, si la direction de Google s’y oppose, elle n’a pas le marché ! Le marché ukrainien ce n’est pas très grave. Mais le marché russe et surtout le marché chinois, indien ou autres, c’est plus important. Google fait passer le marché avant la réalité cartographique et géopolitique.

La référence, ce sont les cartes des Nations unies ?

Oui, dans la mesure où vous avez 198 États qui ont estimé que c’était le moins mauvais outil pour se retrouver, négocier et pour résoudre un litige. Et donc les Nations unies publient depuis 1946 des cartes qui font référence. Or, le problème est que Google Maps, qui est un bel outil, franchement – non seulement c’est beau, mais en gros c’est utile – Google Maps devient une référence parce que c’est d’un accès évidemment beaucoup plus facile que les cartes des Nations unies. C’est logique. Le problème, c’est que c’est faux ! Et cela peut entraîner des problèmes, qui ne sont pas négligeables. Pour le Sahara occidental par exemple. Un pays seulement le reconnaît comme étant marocain, c’est le Maroc. Et donc, ce qui est produit comme carte par Google pour le Maroc, c’est évidemment l’intégration du Sahara occidental à l’état marocain. Mais ailleurs, non.

Si Google Maps n’avait pas ce succès numérique – nous, nous l’utilisons aussi – ce ne serait pas bien grave. Sauf que là, c’est un substitut aux outils juridiques internationaux.

Google fait donc fi des Nations unies ? Bafoue la géopolitique, la carte du monde telle qu’elle est ?

Ils ne bafouent rien du tout, ils s’en foutent ! Leur problème est d’accéder à des marchés. Et ils y arrivent très très bien. Donc, oui, ils font fi des Nations unies. Il y a des pays qui n’ont pas de problèmes : de vieux États comme la France, l’Espagne, le Royaume-Uni, il n’y a pas de litiges, donc en gros, on a les mêmes frontières. Mais en revanche, ce n’est pas vrai pour la Russie, l’Inde, la Chine, etc. Peut-on employer le terme « bafouer » ? C’est un terme moral. Je ne me place pas sur ce plan-là. Je dis simplement attention, cela ne peut pas servir de référence, parce que cela ne fait qu’affaiblir les outils juridiques internationaux qui à mon avis ont plutôt besoin d’être renforcés. Vous savez, une frontière est une chose éminemment sensible ! Que l’on ne négocie pas mètre par mètre, mais centimètre par centimètre ! Et il faut des cartes pour cela. C’est très important pour chaque État. Les tensions géopolitiques actuelles, qui sont nombreuses, et celles à venir, méritent que l’on ait des outils cartographiques, des outils de lecture identiques. Avoir la même partition.

On atteint alors un point critique et Google a trop de pouvoir par ses cartes ?

Je ne sais pas si l’on atteint un point critique. Point critique, c’est un peu radical. Je dis simplement : ne vous laissez pas berner. Ne vous laissez pas berner. Ne vous laissez pas prendre pour…, pour des cons quoi ! Parce que là, ce sont des outils qui sont extrêmement sensibles.

Et ne pas se laisser berner veut dire utiliser quoi ?

L’alternative, ce sont les cartes des Nations unies et d’autres. Nous prenons comme références les cartes du quai d’Orsay, du ministère des Affaires étrangères. Et on s’en sert quand il y a litige pour voir ce que dit la France. On s’appuie là-dessus. Là, on a un outil de référence. Mais sinon, l’alternative, le problème est qu’il n’y en a pas ! En posant la question, vous démontrez même la faiblesse du raisonnement. Mais cela dit, cela dépend du niveau de recherche : on a peut-être pas tous besoin en regardant Google Maps de savoir l’endroit où se place le tracé frontalier entre l’Inde et la Chine au niveau du Cachemire.

Le partenariat entre l’IGN (Institut géographique national) et Open Street Map vous semble dérisoire face à cela ?

Franchement, non. Parce que l’IGN est une grosse machine, une grosse institution, extrêmement fiable, d’une part. Et d’autre part, la technique d’OpenStreetMap finalement est plus réactive que les outils ou même les agents de l’IGN sur le terrain. Donc, une alliance de ce type-là me semble très intéressante. Vous savez, au moment des séismes par exemple, plein de gens sur le terrain, souvent des humanitaires, qui manient très bien l’outil numérique et OpenStreetMap, fournissent énormément d’informations cartographiques. Ne serait-ce que de dire une journée après le séisme qu’un pont est écroulé, c’est très très précieux. Je ne sais pas si cela amoindrit la gravité du problème que je soulève, mais cela ne peut aller que dans le bon sens en tout cas.

Le quai d’Orsay ou le ministère de la Défense se préoccupent de cette maîtrise de Google ?

Je ne sais pas, mais sûrement. Quand vous êtes dans des « zones molles », comme au Mali par exemple, on ne peut pas trop jouer avec les frontières. En plus, elles sont compliquées par le nomadisme. Ce n’est pas le moment d’avoir les frontières troubles. C’est une question, dirais-je vulgairement, jouissive intellectuellement, et importante politiquement.

L'ostéopathie crânienne chez Scepticisme scientifique

Notre rapport sur l’ostéopathie crânienne comprend presque 300 pages et sa lecture n’est pas des plus aisée. Aussi avons-nous jugé pertinent de répondre à l’invitation de Jérémy Royaux de Scepticisme Scientifique, le balado de la science et de la raison. Albin Guillaud et Nelly Darbois discutent des motifs qui ont conduit à la réalisation de ce rapport, de son contenu et des critiques qui ont été faites. Bonne écoute !

Pour télécharger le balado, visiter cette page.

Pour consulter l’article qui présente le rapport voir ici.

Pour lire les critiques qui nous ont été faites et nos réponses voir .

Pour l’article sur notre publication scientifique, se rendre sur cette page.

Matériel – le phénomène Amma et ses câlins

Erratum : si vous vous retrouvez sur cette page après avoir ouvert un lien dans notre newsletter, alors l’article original auquel on faisait référence à propos des chats est ici.

CorteX_AmmaHonorée par les Nations unies, invitée par le pape François, célébrée par les médias du monde entier, la gourou indienne Amma attire les foules, inspire les artistes et côtoie les plus grands dirigeants de la planète grâce à ses câlins prodigués à la chaîne lors d’événements de masse. Elle a fait escale en France en novembre 2016. Elle a fait l’objet d’un article, Amma, l’empire du câlin, dans le Monde diplomatique (nov. 2016 pp. 10-11), signé de Jean-Baptiste Malet , que nous reproduisons ci-dessous. J-B. Malet a également répondu aux questions de Daniel Mermet sur Là-bas si j’y suis, qui suit l’article. Ce culte-spiritualisme-marché, qui séduit un certain nombre de gens, cache pourtant des principes et des fonctionnements très conservateurs, et une machinerie financière imposante. Il y a là de quoi donner ce sujet de recherche à un-e étudiant-e qui lorgnerait les formes modernes de spiritualismes dits « orientaux ».

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De l’encens se dissipe dans l’atmosphère. Des musiciens entonnent des chants spirituels indiens hypnotiques. Et, au-dessus des têtes, tel un slogan, s’impose une immense inscription en lettres majuscules : « Étreindre le monde » — la traduction du nom de l’organisation internationale Embracing the World (ETW), personnifiée par sa cheffe religieuse, Mme Mata Amritanandamayi, plus connue sous le nom d’Amma (« maman » en hindi). Sous l’œil vigilant de ses gardes du corps patibulaires, Amma, vêtue d’un sari immaculé, est assise en tailleur sur un petit trône autour duquel se serrent, extasiés, ses dévots. Au cœur du Zénith Oméga de Toulon, plusieurs milliers de personnes patientent afin de se traîner, à genoux sur les derniers mètres, contre la poitrine de cette gourou indienne originaire de l’État du Kerala. Toutes sont venues recevoir le darshan, l’étreinte d’Amma devenue le symbole de son organisation. Celle-ci revendique plus de trente-six millions de personnes enlacées dans le monde.

La scène se passe en novembre 2015, en France, où la « mère divine » se rend tous les ans1 depuis 1987 dans le cadre de sa tournée mondiale. Mais les foules sont tout aussi denses en Espagne, en Allemagne, en Suisse, aux Pays-Bas, en Finlande, en Italie, au Royaume-Uni, en Israël ou en Amérique du Nord. De juin à juillet 2016, l’« Amma Tour » a fait étape à Seattle, San Ramon, Los Angeles, Santa Fe, Dallas, Chicago, New York, Boston et Washington, avant Toronto et Tokyo.

Multinationale du câlin, ETW impressionne par sa rigueur logistique. Partout où passe la caravane d’Amma, de gigantesques cuisines industrielles mobiles, dignes d’une intendance militaire, entrent en action. Des centaines de bénévoles travaillent aux fourneaux ; d’autres servent et vendent des repas indiens végétariens par milliers, tandis qu’Amma, sur son trône, reproduit inlassablement le même geste : elle enlace tous ceux qui détiennent un bon, délivré gratuitement, permettant de recevoir le darshan après plusieurs heures d’attente. Des volontaires de l’organisation sont chargés de gérer la foule considérable, aux origines sociales hétéroclites, venue se faire câliner. Passant leur main au niveau de la nuque de celle ou celui dont c’est le tour, les bénévoles fluidifient la chaîne continue de câlins et interviennent immédiatement si une erreur vient enrayer le flux tendu de tendresse.

Amma, qui ne parle que le malayalam (langue dravidienne parlée notamment dans le Kerala), susurre néanmoins à chaque individu enlacé un « Mon chéri », mot doux dont les traductions se déclinent en fonction des espaces linguistiques qu’elle visite. Sur toute la Terre, Amma usine son câlin standard avec une rigueur dans l’exécution des tâches que n’aurait pas reniée Frederick W. Taylor : ouverture des bras ; enveloppement de l’inconnu ; bercement de dix secondes ; remise à chaque être câliné d’un pétale de rose, d’une pomme ou d’un bonbon. Ces séances d’étreintes de masse se prolongent plusieurs heures durant.

Au sein de l’immense espace de spectacle consacré au rituel, où chacun déambule pieds nus après l’étreinte, il est aisé d’observer que certains sont soudainement pris d’une forte émotion, sanglotent et parfois s’effondrent en larmes. « Ce que je ressens est indescriptible. Amma, c’est l’amour pur », témoigne une jeune secrétaire célibataire au chômage dont les joues luisent. « Amma m’a donné plus d’amour que mes propres parents », ajoute un ingénieur informatique. « Dans ce monde de fous, cela fait du bien de couper, de se retrouver avec Amma et de se recentrer sur soi », commente encore une mère, auxiliaire puéricultrice, venue avec sa fille. Toutes deux ont attendu trois heures et demie afin de pouvoir venir s’agenouiller contre Amma.

« Beaucoup d’individus de nos sociétés modernes, profondément narcissiques, sont en quête permanente d’eux-mêmes. À l’approche d’Amma, un véritable processus d’idéalisation se met en place, observe, à quelques mètres de la gourou, la psychologue Élodie Bonetto. Amma, le “leader”, peut alors incarner l’idéal de l’individu, dont la dévotion s’explique le plus souvent par son désir d’être reconnu comme exceptionnel. Trois profils types se dégagent : l’adepte socioaffectif, en quête de réconfort et de sociabilité ; l’adepte utilitariste, en quête de réalisation de soi ; et l’adepte flexible, qui se situe entre les deux. »

Si ETW fait office de fédération des filiales qui se consacrent aux tournées d’Amma, la maison mère s’appelle Mata Amritanandamayi Math (M. A. Math). Cette entité a reçu en juillet 2005 le statut d’organisation non gouvernementale (ONG) consultative auprès du Conseil économique et social de l’Organisation des Nations unies (ONU). Trois ans auparavant, l’ONU avait décerné à Amma son prix Gandhi-King pour la paix et la non-violence, qu’elle avait auparavant attribué à M. Kofi Annan, son ancien secrétaire général, ou à Nelson Mandela. Depuis, Amma s’est régulièrement exprimée à la tribune des Nations unies. En décembre 2014, assise à la gauche du pape François, elle signait à la cité du Vatican une Déclaration universelle des chefs religieux contre l’esclavage.

En 2015, dans le cadre de la préparation de la 21e conférence des Nations unies sur le climat (COP 21), l’écologiste Nicolas Hulot, envoyé spécial du président de la République, fut chargé de réunir cinquante autorités morales et spirituelles ; Amma fut solennellement invitée à participer aux échanges à l’Élysée. La « mère divine » a envoyé un message vidéo et dépêché son bras droit, le swami (religieux) Amritaswarupananda, vice-président de l’organisation, qui a ainsi pu poser pour une photographie-souvenir en compagnie de M. François Hollande. Amma est allée jusqu’au Congrès des États-Unis pour y câliner des figures du Parti démocrate.

Les vedettes Marion Cotillard, Sharon Stone, Jim Carrey ou Russell Brand ont déjà reçu le darshan. « Elle m’a pris dans ses bras et on est restés comme ça. On régresse, il y a quelque de chose de fœtal. La dernière fois qu’on a eu ça, c’est dans les bras de sa mère. C’est comme un très joli bain chaud », témoigne l’acteur Jean Dujardin2, qui a joué aux côtés d’Amma dans une récente fiction cinématographique intitulée Un plus une. La gourou, dans son propre rôle de « déesse », y accomplit des miracles. « Mes cinquante premiers films ont simplement servi à préparer [celui-ci]3  », considère le réalisateur, Claude Lelouch. « Amma est peut-être la personne qui m’a le plus épaté dans ma vie et qui m’a donné encore plus de plaisir que mes oscars et ma Palme d’or4.  »

Reconnaissance internationale, invitations prestigieuses, florilège de personnalités enlacées en quête d’exotisme ou de réconfort… Amma peut compter sur un très fort capital symbolique doublé d’un vaste réseau diplomatique. Elle apparaît ainsi au-dessus de tout soupçon aux yeux des médias, qui la qualifient fréquemment de « grande figure humanitaire » ou de « sainte indienne ». Selon la prolixe littérature d’ETW, Mme Amritanandamayi aurait eu la peau bleue à sa naissance, comme celle du dieu Krishna. Lors de sa mise au monde, Amma n’aurait ni pleuré ni crié, et se serait contentée d’un sourire. Capable de parler à l’âge de 6 mois, elle aurait également accompli plusieurs miracles, notamment en embrassant un cobra qui terrorisait son village natal. Face à des incrédules rationalistes, Amma aurait transformé de l’eau en lait. En léchant les plaies d’un lépreux, elle l’aurait guéri. Ces miracles, qui la mettent en concurrence avec d’autres figures des principales religions pratiquées à la surface du globe, sont tous consignés au sein d’ouvrages édités au Kerala par ETW. La liste des actes extraordinaires accomplis par Amma fluctue en fonction des années d’impression, des langues de traduction ou des initiatives de réécriture par les cadres de l’organisation.

Sachets de basilic ou de poudre de santal « sacrés » bénits par Amma, tee-shirts d’ETW, posters de la gourou, livres pour enfants, guides de médecine ayurvédique proposant de soigner le cancer, disques de chants, DVD de prière, guirlandes, arbustes, grigris, cristaux « générant l’abondance », cailloux « énergétiques », colliers en laiton, huiles essentielles, cierges… Dans la salle du darshan où la foule se presse, d’innombrables produits dérivés sont proposés à la vente. Les tiroirs-caisses s’y remplissent à rythme soutenu. La poupée à l’effigie d’Amma coûte 90 euros. « Si vous souhaitez recevoir un darshan, mais que vous êtes loin d’Amma, vous pouvez câliner la poupée », explique très sérieusement une vendeuse. Ce poupon est notamment utilisé par les dévots les plus fidèles, ceux qui travaillent bénévolement aux tournées d’Amma et pour qui la réception du darshan est limitée par des quotas, afin qu’ils n’abusent pas des câlins gratuits. Sur Internet, le « Amma Shop » propose également des cosmétiques biologiques,des compléments alimentaires de « désintoxication purifiante », les œuvres complètes d’Amma, des statues ou étoffes de décoration d’intérieur, des autocollants, des porte-clés, des Thermos… autant de marchandises qui seraient des fétiches parés de l’amour d’Amma. Et ce parce qu’ils permettraient, selon les attachés de presse d’ETW, le financement d’« œuvres humanitaires ». En plus de ses activités de restauration et de négoce, l’organisation recueille des dons grâce aux nombreux troncs disséminés lors des événements internationaux. « L’amour d’Amma est gratuit, inconditionnel. C’est donc à chacun de décider de ce qu’il veut donner en fonction de ce qu’il a reçu d’Amma », précise une de ses représentantes.

Travailleurs bénévoles et gros profits

Les bénéfices cumulés sont réalisés grâce à une main-d’œuvre gratuite de plusieurs centaines de travailleurs. Un passage d’Amma dans une localité entraîne la réservation complète de son parc hôtelier, parfois plusieurs semaines avant l’arrivée de la gourou. Chaque déplacement de la « mère divine » engendre celui des « enfants d’Amma ». Ces centaines de dévots de toutes nationalités suivent, à leurs frais, celle qu’ils nomment « la déesse » afin de pouvoir travailler bénévolement aux multiples tâches qu’implique une tournée internationale digne des plus grandes vedettes de l’industrie culturelle. Parmi eux, une surreprésentation de femmes célibataires sans emploi, prêtes à dormir à même le sol si leurs économies ou leurs minima sociaux ne leur permettent pas de s’offrir un hébergement. C’est le cas à Toulon, où, au mépris des règlements de sécurité incendie, de très nombreux adeptes couchent chaque année dans des couloirs ou des coins dérobés du Zénith Oméga.

Rejoindre la tournée européenne coûte près de 1 500 euros aux volontaires qui souhaitent emprunter les autocars de l’organisation ; certains s’endettent pour pouvoir les payer. Ils sont alors vêtus intégralement de blanc, identifiés par un badge et considérés comme des membres à part entière d’ETW. Les repas végétariens et l’hébergement restent à leur charge. Les bénévoles les plus pauvres mangent avec parcimonie. « Beaucoup s’épuisent et s’appauvrissent, témoigne Mme Amah Ozou-Mathis, ancienne adepte qui a participé aux tournées européennes durant cinq ans. Les journées débutent très tôt par des mantras et la récitation des cent huit noms d’Amma. Elles continuent par un travail considérable et s’achèvent par des cérémonies rituelles où beaucoup entrent en transe, qui finissent très tard. Le plus souvent, on ne dort que trois ou quatre heures par nuit. »

Des outils de communication d’excellente facture graphique, parmi lesquels d’immenses cubes en carton où figurent des photographies d’hôpitaux, d’écoles ou d’enfants des rues, ne cessent d’asséner aux badauds que tous les bénéfices réalisés permettent le financement d’actions caritatives en Inde. Le luxueux kit de presse remis aux journalistes soigne une image de paisible ONG bienfaitrice de l’humanité. Ces éléments de langage sont ensuite relayés sans discernement par des centaines de supports d’information du monde entier, dont les reportages évoquent, depuis plus de trente ans, l’ambiance des tournées d’Amma ainsi que les « émotions » ressenties par le journaliste ayant reçu le darshan — un classique du genre.

En France, où Amma et son organisation font l’objet d’une vénération de la part des médias, le coup d’envoi a été donné en 1994 par Libération, avec un article intitulé « Amma, Mère divine aux 500 câlins quotidiens ». Après quoi les recensions se sont multipliées de manière exponentielle. « D’une simple étreinte, Amma console des milliers d’adeptes » (Le Figaro, 5 novembre 2014) ; « Amma, la mère de tous les câlins » (Le Nouvel Obs, 2 novembre 2013) ; « Amma, la gourou indienne qui répand l’amour par ses étreintes » (20 minutes, 1er novembre 2012) ; « Les miracles d’Amma » (Figaro TV, 6 novembre 2013) ; « J’ai reçu l’étreinte d’Amma, prêtresse de l’amour » (Femme actuelle, 5 novembre 2014) ; « J’ai reçu le “darshan” » (Le Figaro Madame, 24 octobre 2012) ; « Amma : la prêtresse de l’amour » (M6, 6 novembre 2006) ; « Cinq raisons d’aller se faire câliner par Amma » (Var Matin, 3 novembre 2015). Les évocations louangeuses, qu’elles proviennent de médias en ligne, du Parisien, de Direct Matin, de Psychologies, du Monde des religions, de chaînes telles que LCI ou France 2, des ondes de Radio France ou de stations privées, pourraient toutes être résumées par ce propos de la journaliste Elisabeth Assayag sur Europe 1 : « Amma, c’est une sorte de grande sage, une grande âme comme on dit en Inde, qui passe sa vie à réconforter et inonde de compassion ceux qu’elle approche » (22 octobre 2015).

Ce n’est toutefois que l’un des innombrables mantras médiatiques qui s’élèvent sur tous les continents afin de chanter la gourou. Du Liban à la Jamaïque, du Japon au Canada, de la télévision italienne aux centaines d’articles de presse en Amérique du Nord, les préceptes singuliers d’Amma sont présentés avec bienveillance, et ce d’autant plus qu’ils émaneraient d’une « figure religieuse hindoue ». Amma conteste dans ses ouvrages la prétention de l’individu à comprendre le monde et à le changer : « Jusqu’à ce que vous compreniez que vous êtes impuissant, que votre ego ne peut pas vous sauver et que toutes vos acquisitions ne sont que néant, Dieu ou le gourou créera les circonstances nécessaires pour vous faire comprendre cette vérité5.  » Elle prône le retrait intérieur, somme toute classique, estimant que « si Dieu fait partie de notre vie, le monde suivra. Mais si nous faisons passer le monde en premier, Dieu ne suivra pas. Si nous embrassons le monde, Dieu ne nous embrassera pas ». Il importe de ne pas s’encombrer l’esprit d’un entendement trop remuant : « Efforçons-nous de vider l’intellect des pensées inutiles et de remplir notre cœur d’amour. » Et ce afin de soutenir Amma dans l’accomplissement de sa tâche de dirigeante d’ONG : « La mission d’Amma en cette vie est d’éveiller l’énergie divine infinie, innée, présente en chacun de nous, et de guider l’humanité sur le juste chemin du service et de l’amour désintéressés. » Cette vision messianique sature l’espace médiatique international depuis près de trois décennies. Darshan. L’étreinte, film « documentaire » hagiographique consacré à Amma, réalisé par Jan Kounen, présenté hors compétition au Festival de Cannes en 2005, fut diffusé la même année en première partie de soirée sur Arte.

Des milliers d’articles et de reportages assènent sans relâche qu’ETW serait une « ONG caritative ». Et ses sites Internet proposent bien des photographies de « réalisations humanitaires », ainsi que des clichés où l’on aperçoit l’ancien président américain William Clinton tenant un chèque de 1 million de dollars signé Amma afin de venir en aide aux victimes de l’ouragan Katrina, qui avait frappé la Louisiane en 2005. Mais l’organisation n’a jamais jugé pertinent de publier son budget global détaillé, et ce qu’il s’agisse de ses recettes, de ses dépenses ou de ses frais de fonctionnement. Une fois amortie la location des gigantesques salles, les bénéfices des journées d’exploitation de la tournée mondiale se chiffrent quotidiennement en dizaines de milliers d’euros — la prodigalité des individus ayant reçu le darshan étant d’autant plus grande qu’ils ont une confiance aveugle dans les œuvres d’Amma.

Liens avec le nationalisme hindou

« Non, l’empire d’Amma n’a rien d’une ONG caritative, affirme M. Sanal Edamaruku, qui vit en exil en Finlande, où il préside l’Association des rationalistes indiens. Amma, c’est une entreprise, un “business” sale. On peut ajouter Amma à la longue liste des charlatans qui sévissent en Inde. La plus parfaite opacité règne quant à la destination exacte des fonds collectés lors de ses tournées. » Nous avons pu consulter des documents officiels émanant du ministère de l’intérieur indien, ainsi que des déclarations fiscales d’une branche américaine de l’organisation d’Amma. Le recoupement des déclarations officielles des deux entités juridiques, rassemblées sur plusieurs années, montre qu’elles ne coïncident absolument pas : les sommes que la maison mère déclare avoir reçues s’avèrent très largement inférieures aux sommes que la filiale américaine déclare lui avoir versées. Où est passée la différence ? Plus surprenant encore : pour l’année 2012-2013, M. A. Math aurait touché 219 millions de roupies d’intérêts bancaires, soit près de 2,9 millions d’euros. Une « organisation humanitaire » remplissant des cassettes afin de faire travailler son argent ? Les attachés de presse d’ETW se refusent à tout commentaire.

Le personnage d’Amma clive la société indienne depuis 1998, année où M. T. K. Hamza, dirigeant communiste de l’État du Kerala, a tenu publiquement des propos critiques à l’égard de la gourou. Ceux-ci ont déclenché les foudres du Bharatiya Janata Party (BJP), la grande formation nationaliste hindoue, qui a répliqué par des protestations de masse. L’Australienne Gail Tredwell, ancienne disciple et secrétaire particulière d’Amma pendant plus de vingt ans, a quant à elle publié un livre6 en octobre 2013. Elle y raconte comment Amma est passée, en trente ans, du statut de gourou locale au rang de vedette internationale. Dénonçant des « malversations » et des violences, parmi lesquelles des viols, au sein de l’organisation, elle souligne les liens étroits existant entre Amma et le pouvoir politique nationaliste hindou. La multinationale du câlin est parvenue à obtenir l’interdiction pour « blasphème » de ce livre dans l’État du Kerala. Dès 1985, l’ouvrage de l’ex-policier Sreeni Pattathanam, qui évoquait des morts suspectes survenues dans l’ashram d’Amma, avait été lui aussi censuré pour « blasphème » — son auteur est aujourd’hui le secrétaire régional pour le Kerala de l’Association des rationalistes indiens. Plus récemment, une librairie indienne ayant édité un livre d’entretiens avec Mme Tredwell a été vandalisée par des disciples d’Amma, qui ont laissé sur place une banderole appelant à l’arrêt des critiques contre leur gourou.

Cela n’empêche pas l’essor de l’influence d’Amma en Inde, où l’anniversaire de la « mère divine » est devenu un événement de la vie politique. Tous les 27 septembre, cette célébration peut rassembler jusqu’à plusieurs dizaines de milliers de personnes. Elle s’accompagne d’une cérémonie évoquant l’ouverture des Jeux olympiques : les dévots de tous les pays sont conviés à venir parader vêtus de costumes traditionnels de leurs pays respectifs ; les délégations arborent les drapeaux de toutes les nations du monde. En 2003, lors du cinquantième anniversaire d’Amma, célébré au stade Nehru de Kochi (Kerala), la multinationale a mobilisé plus de 2 500 autocars et réservé la totalité des chambres d’hôtel dans un rayon de quinze kilomètres autour du stade, décoré pour l’occasion en ashram, et ce afin d’accueillir plus d’une centaine de milliers de personnes. Le 27 septembre 2015, ce fut à l’ambassadeur de France en Inde, M. François Richier, d’être convié aux festivités : « C’est un grand honneur d’être parmi vous aujourd’hui à l’occasion de l’anniversaire de notre Amma bien-aimée, a-t-il déclaré en présence du premier ministre indien Narendra Modi et du président du BJP Amit Shah. Les pensées et la sagesse d’Amma nous éclairent sur des problèmes-clés d’aujourd’hui, par exemple sur le moyen de construire la paix entre les pays ou les peuples, mais aussi sur des questions qui nous concernent tous, telles que l’éducation ou le changement climatique. »

« Attention ! Si Amma construit bel et bien en Inde des infrastructures — hôpitaux, écoles, universités — dont on retrouve des photographies dans sa propagande, il ne faut pas se leurrer, avertit M. Edamaruku. Le plus souvent, ce sont des établissements privés, destinés à générer du profit, qui permettent à son organisation de s’institutionnaliser et d’asseoir un peu plus son pouvoir. » Vantée lors des tournées comme l’initiatrice de grandes réalisations caritatives, ETW est aujourd’hui à la tête d’un réseau d’universités et d’un hôpital universitaire, regroupés sous le label « Amrita », qui comptent plus de 18 000 élèves. Le clip de présentation de ce réseau s’enorgueillit de ses 23 centres de recherche scientifique, à l’origine de 51 brevets. L’institution présidée par Amma figure en tête de multiples classements internationaux et noue de nombreuses collaborations avec des universités européennes et nord-américaines. Formation en aérospatiale, chimie, génie civil, informatique, électronique, mécanique, médecine, biotechnologies : les bras d’Amma enlacent toutes les disciplines où la concurrence globalisée fait rage.

Financée grâce aux oboles des dévots du monde entier, l’université s’avère très prisée de la bourgeoisie indienne. Le cursus permettant de devenir médecin coûte 144 000 dollars. Certes, les étudiants les plus pauvres peuvent y avoir accès, mais à condition de souscrire un emprunt. Servant de supports publicitaires lors des tournées d’Amma, ces multiples réalisations permettraient également, selon Mme Tredwell, d’offrir des soins médicaux et des formations universitaires gratuites aux familles de dirigeants politiques nationalistes hindous.

En juillet 2014, au Parlement européen, la branche jeunesse de l’organisation, Amrita Yuva Dharma Dhara (Ayudh), a réuni autour d’elle les députés Frank Engel (Luxembourg), Deirdre Clune (Irlande), Miltiadis Kyrkos (Grèce) et Jani Toivola (Finlande). À la pointe de la défense des intérêts d’Amma en Europe, Ayudh participe à la campagne de la jeunesse du Conseil de l’Europe « contre le discours de haine en ligne » par « l’éducation pour les droits de l’homme » et a déjà reçu des financements du Fonds européen pour la jeunesse. La Commission européenne, quant à elle, soutient financièrement les événements religieux d’Ayudh, dont les programmes se divisent en temps de prière et d’initiation à l’art-thérapie ou à la permaculture, tous placés sous l’égide de la gourou du Kerala.

La ferveur d’une commissaire européenne

Amma peut d’ailleurs compter sur un relais politique majeur en la personne de Mme Martine Reicherts, l’actuelle directrice générale pour l’éducation et la culture de la Commission européenne, professeure de yoga au Luxembourg, qui n’a cessé ces dernières années de la louer publiquement. Sur le site Internet d’Ayudh, elle pose, joviale, parmi de jeunes dévots, et elle figure sur les brochures de l’organisation de jeunesse que la Commission subventionne.

Le 21 octobre 2014, alors qu’elle était commissaire européenne à la justice, elle est même venue à la rencontre d’Amma à Pontoise (Val-d’Oise) durant le rassemblement de masse annuel. Sur la vidéo de l’événement, on voit la gourou indienne lancer des pétales à la tête de la commissaire. Celle-ci s’approche alors du trône où elle siège et, lui passant un collier de fleurs autour du cou, l’enlace, très émue, puis s’agenouille devant elle. Elle joint ensuite ses mains en signe de révérence et incline totalement sa tête afin que son front touche les genoux d’Amma. Quand elle se lève enfin, c’est pour prendre la parole à la tribune et s’adresser solennellement aux milliers de personnes présentes : « J’exerce les fonctions de commissaire, c’est-à-dire l’équivalent de la fonction de ministre européenne de la justice, et je tenais, dans ce monde désacralisé, à venir témoigner de mon attachement, pas en tant que disciple, pas en tant qu’élève (…). Nous vivons dans un monde où nous avons besoin de spirituel, où nous avons besoin de valeurs, et nous avons aussi besoin d’oser. Grâce à Amma, je me suis rendu compte que le concret, le quotidien, le politique, pouvait mener au spirituel. Nous l’avons trop souvent oublié dans notre société, et notamment en Europe. »

Dans le cadre du programme « Jeunesse en action », plus de 243 000 euros de subventions ont déjà été versés par la Commission européenne à des organisations de jeunesse d’Amma. Un soutien financier auquel s’ajoutent de profonds sentiments d’affection, comme l’atteste la conclusion de la représentante des citoyens de l’Union européenne ce soir-là : « Amma, je vous aime. »

Jean-Baptiste Malet, journaliste.

 

Pour une pensée critique corrosive. Le CorteX en terres parisiennes

Depuis les attaques qui ont touché Paris en novembre dernier, la pensée critique est mise à toutes les sauces. On ne compte plus les experts auto-consacrés qui raflent de juteux marchés publics en prison (nous avions reproduit un article du Canard enchaîné qui en cause ici) ou dans les écoles. Soyons honnêtes : en plus de nous affliger, la situation nous agace car elle participe à aseptiser et à individualiser une pensée critique que nous concevons comme collective et corrosive. Alors, sur les conseils de nos prédécesseurs comme Normand Baillargeon, nous avons accepté de porter la lutte dans les hautes sphères du Ministère de l’Éducation Nationale à Paris. Récit d’une folle aventure qui va porter le CorteX et le travail discret mais acharné de notre collègue Denis Caroti dans la bouche d’une ministre.

Tout commence par un de ces courriels qui nous invitent à siéger en tant qu’expert dans un obscur « comité de pilotage ». Cette fois-ci, c’est du Ministère de l’Éducation nationale dont il est question. A l’origine la demande est plutôt reçue fraîchement : on se demande ce que va bien pouvoir changer notre participation à une énième réunion d’experts de la pensée critique.  Alors, comme souvent, on pèse le pour et le contre et on en parle autour de nous. Richard Monvoisin en touche notamment un mot à Normand Baillargeon lors de sa participation au colloque Forum et Société de l’Association Francophone pour le Savoir (ACFAS). La réponse de ce dernier est sans équivoque : il nous conseille d’y aller pour porter la cause de toutes celles et ceux qui ont essuyé quolibets, horions et avanies pour avoir enseigné une pensée critique subversive dans des lieux où elle n’était guère la bienvenue.

C’est ainsi que nous avons mandaté nos collègues Denis Caroti et Richard Monvoisin pour participer à cette grand-messe de la pensée critique (il faut dire qu’on sentait bien que tous deux avaient une furieuse envie de voir la Tour Eiffel et les Champs Élysées). Le fonctionnement de telles instances est tellement flou qu’on se dit, qu’à tout le moins, on pourra rapporter ce qu’il s’y passe. 

Arrivés sur les lieux, on se retrouve au milieu d’un panel d’experts invités et mélangés avec un grand nombre de représentants de l’Education Nationale et autres institutions qui y sont rattachés. Aucune justification n’est donnée du panel de personnes présentes mais on se retrouve en compagnie de têtes connues comme Nicolas Gauvrit et d’autres moins connues comme Frédéric Lenoir, plutôt connu pour ses positions spiritualistes ambigues1. L’ordre du jour mentionnait un grand nombre de points à traiter (comme l’évaluation des actions remontées au Ministère par les enseignants depuis un mois suite à l’appel à projets diffusé à tous les professeurs de France), et nous avions peu d’espoir de glisser nos interrogations et propositions et aussi de dire que la pensée critique que nous rêvons de voir enseignée dans les classes n’est pas forcément celle promue par nos prescripteurs.

La réunion flotte alors un peu et c’est à ce moment que nos collègues s’engouffrent dans la brèche et présentent le travail fait depuis ces 10 dernières années, sans taire les griefs contre un « esprit critique » longtemps vanté par tous, enseigné par personne, et désormais improvisé par nombre d’acteurs avec des standards plus ou moins élevés, personnalisant son enseignement et dévoyant son contenu, subversif par nature. Nous en avons été témoins à de maintes reprises : à trop vouloir ramener les détenus, les élèves, et le « grand public » dans le droit chemin au nom de la promotion du « bien penser », on finit par créer les bi-standards que l’on dénonce en plaçant la pensée critique du côté des puissants. On en profite aussi pour souligner les blocages, trop fréquents, auquel on fait face. C’est l’occasion, une fois n’est pas coutume, de souligner l’œuvre de notre collègue Denis Caroti qui a pendant près de 10 ans répandu des centaines (centaines !) de conférences en collège et lycée et des dizaines de formations pour enseignants sur la pensée critique, dans une indifférence presque totale de la part de sa hiérarchie et de l’ESPE surtout. On se dit que, quitte à avoir fait le déplacement, autant le rentabiliser en ne restant pas silencieux. A dire vrai, la sensation fut plutôt positive : écoute et hochements de têtes réguliers accompagnant nos prises de paroles.

La suite, nous n’en espérions pas tant : un directeur de cabinet qui promet de nous revoir, une proposition de création de postes dédiés à la formation continue des enseignants à la pensée critique et… une ministre qui cite dans le CorteX devant un parterre de professeurs à la Sorbonne. Voici un extrait du discours du 9 décembre 2016 de Najat Vallaud-Belkacem, lors du forum Laïcité et esprit critique.

Le reste du discours est ici.

Oh, le discours n’est pas enflammé, la ministre ânonne un peu. Et puis, nous ne sommes pas dupes : cette reconnaissance, on la doit avant tout à un travail obstiné dans l’ombre et aux centaines de professeurs qui sont repartis convaincus de nos formations et qui ont porté le combat dans leurs établissements. Et pour qui nous connaît bien, la recherche des reconnaissances symboliques n’est pas notre fort. Médailles, breloques, citations, ce n’est pas vraiment le carburant qui irrigue nos veines, et nous applaudissons celles et ceux qui les refusent (comme Jacques Bouveresse, vous vous rappelez ? On avait applaudi des deux mains). 

Mais enfin, c’est une brèche, et notre but est de contraindre tous les acteurs auto-revendiqués esprit critique à prendre un standard critique élevé. Car la pensée critique n’existe plus si elle est bradée, ou cantonnée à des sujets limités et consensuels. Elle est corrosive, griffue, difficile à manier et oblige à se la retourner soi-même contre soi.

Petite compromission quand même : Denis répète souvent qu’il faut arrêter de jouer avec l’effet paillasson sur le mot énergie.  Bizarre, il ne l’a pas fait remarquer à la Ministre. Pleutre !

Liens d'intérêts – Données sur l'indépendance des facultés de médecine vis-à-vis des industries

Notre camarade Paul Scheffer (doctorant en sciences de l’éducation, laboratoire Experice, Université Paris 8 – Vincennes Saint-Denis) et ses comparses font passer un article dans PLOS One, sur l’indépendance des facs de médecines françaises vis-à-vis des industries. Nous en reproduisons le résumé plus bas, avec un article de The conversation.com en introduction. La question des liens d’intérêt nous intéresse particulièrement au CorteX dans la mesure où de nombreux travaux expérimentaux montrent depuis plus de 30 ans à quel point notre jugement et nos actions peuvent être influencés par eux, alors même que nous pensons agir et raisonner en tout indépendance.

Les facs de médecine les plus indépendantes vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique

publié ici.

C’est une première en France. Les facultés de médecine viennent d’être classées sur l’indépendance qu’elles garantissent à leurs étudiants vis-à-vis des laboratoires pharmaceutiques. Ce travail inédit, inspiré d’un palmarès établi chaque année par l’Association américaine des étudiants en médecine, vient d’être publié, le 9 janvier, par la revue scientifique de référence en accès libre PLOS ONE, sous le titre « Conflict-of-Interest Policies at French Medical Schools : Starting from the Bottom » (NdCorteX : voir plus bas).

La faculté de Lyon Est arrive en tête, avec un score de 5 points, sur un maximum possible de 26. Celle d’Angers arrive en deuxième position, avec 4 points. Suivent sept établissements ex aequo, avec chacun 1 point : Aix-Marseille, Lyon Sud, Paris Descartes, Paris Diderot, Rennes 1, Strasbourg et Toulouse Purpan.

Ainsi, notre étude montre que seules 9 facultés sur 37, en France ont pris des initiatives pour se prémunir contre les conflits d’intérêts qui surgissent en cas de liens de l’établissement ou de ses enseignants avec l’industrie du médicament. Les 28 autres, n’ayant adopté à ce jour aucune mesure en ce sens, n’obtiennent aucun point.

Des prescriptions moins orientées par le marketing des firmes

Ces résultats montrent, sans surprise, que la situation française n’est pas brillante. Mais celle des États-Unis, lors du premier classement réalisé en 2007, ne l’était pas beaucoup plus. Or des changements significatifs se sont produits outre-Atlantique en moins d’une décennie. La majorité des universités américaines se sont hissées en haut du tableau. Et selon plusieurs études, les étudiants qui en sortent prescrivent différemment, d’une façon moins orientée par le marketing des firmes et plus favorable aux patients.

Doctorant en sciences de l’éducation, j’ai proposé l’idée de ce classement au sein du Formindep, association qui milite pour une formation et une information indépendantes dans le domaine de la santé, à laquelle j’appartiens. Nous avons constitué fin 2014 un groupe de travail composé de 2 médecins, 3 étudiants en médecine et 2 chercheurs. Nous espérons fournir un levier dont pourront s’emparer les enseignants et les étudiants décidés à changer la situation. Nous puisons notre motivation dans les formidables avancées constatées dans les universités américaines.

Pour ma part, j’ai été convaincu de l’importance de la formation initiale dans les pratiques de toutes les professions en lisant un témoignage à charge contre une école de journalisme prestigieuse, Les petits soldats du journalisme (Les Arènes), publié en 2003 par François Ruffin. C’est en effet durant les études que se forgent les valeurs, les normes, les habitudes et le réseau amical, que certains plis plus ou moins heureux se prennent, parfois pour la carrière entière.

La défense de l’esprit critique dans l’éducation

Plus tard, j’ai rejoint le Formindep. J’y ai trouvé une convergence avec mes propres points de vue et des encouragements à défendre l’esprit critique dans l’éducation. Des membres m’ont fait découvrir l’existence du « Tableau de bord des politiques de conflits d’intérêts dans les universités de médecine » réalisé par l’Association américaine des étudiants en médecine (AMSA).

Gradué de A à F, à l’anglo-saxonne, ce classement utilisant des pictogrammes très simples est fondé sur des critères d’indépendance dont la validité est établie par la littérature scientifique. Il indique par exemple s’il existe ou non dans l’université une politique pour encadrer les cadeaux offerts aux étudiants par les firmes pharmaceutiques ou leurs invitations à déjeuner, l’organisation d’événements par les industriels sur le campus, les déclarations des liens d’intérêts par les enseignants au début de leurs cours. Aujourd’hui, les deux-tiers des établissements sont classés A ou B alors qu’en 2007, la plupart avaient écopé d’un F…

Notre travail sur les universités françaises s’inspire de ce tableau de bord – qui a également fait des émules au Canada, avec un classement publié en 2013. En plus de l’article publié dans la revue scientifique internationale PLOS ONE, nous avons mis en ligne sur le site du Formindep le « Classement des facultés françaises en matière d’indépendance », fondé sur 13 critères. Les 9 établissements ayant démontré une politique dans ce domaine sont gratifiées d’un D, les autres d’un I pour « incomplet ». Précisons qu’à ce jour, aucune n’a rédigé de document pour définir sa politique officielle en matière de conflit d’intérêts, comme cela existe dans les universités américaines, par exemple à Stanford.

Seuls trois doyens nous ont répondu

Notre méthode d’évaluation et de recueil des données reprend les principes américains, adapté aux spécificités françaises. Nous avons combiné plusieurs sources sur une période s’étalant de juin 2015 à début 2016 : les sites Internet des facultés, les informations de terrain dont nous disposions notamment par le biais d’enseignants, et des demandes d’information envoyées aux bureaux des doyens de chaque faculté. Seuls 3 doyens nous ont répondu, en dépit de nombreuses relances de notre part, suggérant que la coopération sur ce sujet ne va pas de soi pour les équipes dirigeantes des facultés.

Pourtant, davantage de transparence sur cette question ne ferait que répondre aux souhaits de nombreuses institutions à travers le monde. L’Académie de médecine américaine, le Collège des facultés de médecine aux États-Unis et son équivalent au Canada, le Conseil de l’Europe, le parlement français, tous ont publié des rapports concluant à cette nécessité. Il existe d’ailleurs déjà un manuel pratique d’enseignement, Comprendre et répondre à la promotion pharmaceutique, édité par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’ONG Health Action International. Il est disponible en français sur le site de la Haute autorité de santé.

Mais pour faire bouger les lignes, rien ne remplace l’engagement des étudiants sur les bancs même des facultés. Le cas d’Harvard est devenu emblématique suite à un article du New York Times. Celui-ci relatait comment les étudiants de cette université américaine de premier plan avaient interpellé leurs enseignants après l’attribution d’un F à l’établissement. Ils avaient également découvert qu’un des professeurs présentait de façon avantageuse les médicaments anticholestérol dans ses cours et minimisait leurs effets secondaires, alors qu’il était par ailleurs consultant salarié de dix firmes pharmaceutiques, dont cinq commercialisaient ces médicaments. Ces liens n’étaient pas déclarés. Aujourd’hui, Harvard est gratifiée d’un A.

Une tribune d’Irène Frachon

En France, la principale association étudiante, l’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF), s’est emparée de la question dès 2014. Le médecin qui révéla le scandale du Mediator, Irène Frachon, rend d’ailleurs hommage à son implication dans une tribune publiée sur The Conversation. À la rentrée 2016-2017, l’ANEMF a imprimé et distribué aux étudiants 8 000 livrets sur le thème « Pourquoi garder son indépendance face aux labos pharmaceutiques ? » (NdCorteX : dont le CorteX s’est fait l’écho et le soutien en son temps, ici). L’organisation a réussi à se passer complètement des financements des firmes pharmaceutiques.

L’ISNAR-IMG, le syndicat des internes en médecine générale (étudiants ayant au moins 6 ans d’études), qui regroupe 6 000 adhérents, est également en bonne voie d’y parvenir. Le Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG), qui regroupe des internes et des jeunes médecins, a quant à lui fait le choix de l’indépendance financière dès sa création.

Ils se croient immunisés contre l’influence des firmes

Cependant, bon nombre d’étudiants estiment aujourd’hui que l’industrie pharmaceutique est un partenaire tout à fait légitime ne posant pas de problème particulier, comme on l’entend de la bouche de médecins et enseignants. Ils se croient souvent immunisés contre l’influence des firmes, en dépit d’études concordantes montrant le contraire, comme celle du chercheur Inserm Bruno Etain portant sur plus de 2000 étudiants.

La réflexion sur l’indépendance vis-à-vis des firmes peut se heurter à des résistances, voire de l’hostilité. Ainsi 14 facultés ont déjà projeté dans leurs murs le film La fille de Brest, qui raconte le combat d’Irène Frachon. Mais 3 s’y sont opposées – sans toutefois en donner officiellement les raisons.

Pour notre part, nous retenons surtout le message adressé par le président de la Conférence des doyens, le professeur Jean-Luc Dubois-Randé. Une journée sur la formation à l’indépendance dans les études médicales dont les vidéos sont disponibles ici s’est tenue le 30 avril 2016 à Paris, dans des locaux de la revue Prescrire. Le doyen de médecine de l’université Paris-Est Créteil y a déclaré :

« L’actualité nous rappelle que le temps des collusions entre le monde médical et l’industrie pharmaceutique n’est plus soutenable. Nul n’a sa liberté dès l’instant où il est juge et partie. L’expertise devient-elle difficile ? On est un très bon expert lorsqu’on est le professionnel de telle ou telle discipline, ou champ scientifique. Nul ne le conteste, mais il faut alors que la communauté soit informée de la façon la plus transparente des conflits d’intérêts […]. Les règles sont en train de changer, l’ignorer est s’exposer à des réveils judiciaires difficiles. La Conférence des doyens a maintenant homogénéisé les formulaires de cumul d’intérêts et sera très vigilante pour qu’ils soient remplis et signés. »

L’année 2017 débute, et avec elle l’espoir que la formation médicale devienne, dès les premières années, plus indépendante vis-à-vis des firmes. La faculté pourra ainsi donner davantage les moyens aux futurs médecins de déjouer les multiples stratégies d’influence les visant avec, pour cible ultime, leurs patients. Gageons que les résultats de la deuxième édition de ce classement, prévue fin 2017, seront meilleurs et le nombre de facultés volontaires pour partager leurs informations, plus élevé.

Conflict of Interest Policies at French Medical Schools: Starting from the Bottom

Paul Scheffer, Christian Guy-Coichard, David Outh-Gauer, Zoéline Calet-Froissart, Mathilde Boursier, Barbara Mintzes, Jean-Sébastien Borde

PLOS One, January 9, 2017

Abstract

Background

Medical faculties have a role in ensuring that their students are protected from undue commercial influence during their training, and are educated about professional-industry interactions. In North America, many medical faculties have introduced more stringent conflict of interest (COI) policies during the last decade. We asked whether similar steps had been taken in France. We hypothesized that such policies may have been introduced following a 2009–2010 drug safety scandal (benfluorex, Mediator) in which COIs in medicine received prominent press attention.

Methods

We searched the websites of all 37 French Faculties of Medicine in May 2015 for COI policies and curriculum, using standardized keyword searches. We also surveyed all deans of medicine on institutional COI policies and curriculum, based on criteria developed in similar US and Canadian surveys. Personal contacts were also consulted. We calculated a summary score per faculty based on 13 criteria. [range 0–26; higher scores denoting stronger policies]

Results

In total, we found that 9/37 (24%) of French medical schools had either introduced related curriculum or implemented a COI-related policy. Of these, only 1 (2.5%) had restrictive policies for any category. No official COI policies were found at any of the schools. However, at 2 (5%), informal policies were reported. The maximum score per faculty was 5/26, with 28 (76%) scoring 0.

Conclusion

This is the first survey in France to examine COI policies at medical faculties. We found little evidence that protection of medical students from undue commercial influence is a priority, either through institutional policies or education. This is despite national transparency legislation on industry financing of health professionals and limits on gifts. The French National Medical Students Association (ANEMF) has called for more attention to COI in medical education; our results strongly support such a call.

Best of – Les meilleurs dossiers Z du semestre 23, décembre 2016

Chaque semestre depuis 2005, les étudiants de l’UE transversale « Zététique & autodéfense intellectuelle » produisent des dossiers d’enquête sur des sujets « critiques ». Si certains dossiers sont peu exploitables, d’autres sont vraiment de très beaux travaux, qui contiennent certes parfois des erreurs ou des fautes, mais témoignent d’une démarche intellectuelle exigeante, d’une vérification des sources et des informations présentées, et allant pour quelques-uns jusqu’à l’élaboration de protocoles expérimentaux. Cette fois, un excellent test sur la sensation d’être observé, autisme et régime GAPS, un peu de Napoléon, du Bushido, MK-Ultra, la théorie réactionnaire de Renaud Camus et plein d’autres choses.

L’objectif à terme serait de mettre tous les dossiers de qualité depuis dix ans. J’ai réussi à le faire le semestres 20 (ici), 21 (), et 22 (par là). En attendant, en décembre 2016 m’ont été rendu 62 travaux (hors rattrapages), dont voici à mon avis (subjectif) les plus stimulants. Bien sûr il y a des coquilles, des fautes d’orthographes, des maladresses, mais pour des étudiant-es commençant leur parcours universitaire, on aura vu bien pire, et difficilement mieux. Bravo à elles/eux.

RM

  • Régime GAPS et autisme, par Hugo GALLIEN, Anaïs GRILLET, Camille MARTINIE et Nolwenn MARQUIS. Télécharger
  • Test de la sensation d’être observé, ou Dans quelle mesure l’apprentissage sceptique peut-il influer sur l’apparition du phénomène de la sensation d’être observé ? par Thomas BADIN, Mina BERNARD-SALMIRS, Mana BOURDET, Clémence CHARLES, Alexanne CHESNEAUX, Laura CITTADINI, Simon DADER, Laurine DELORME, Doriane DEPUYDT, Julia DWORAK, Coralie EYNAUD, Johan FERRAZZI, Charlotte GENIN, Sylvain GUICHARD, Paul MARSEILLE LABRANCHE, Océane MASOERO, Césame MELCHER, Lucile RUEL et Anaïs SETTURA. Télécharger  et Analyse statistique (en cours de reprise sur quelques points)
  •  La théorie du grand remplacement de Renaud Camus, ou notre civilisation est-elle en train de disparaître ? par Marylou BLONDIN, Salomé MAMY, Clementine MARTIN, Scott McGUIGAN, Idris SHAH et Jahm-Aldinne SPELO. Télécharger
  • Bushido, historicité et mythes, par Lucie FLATTET, Alain LEONARD, Louane MATUSZCZAK et Marine PASCALIS. Télécharger
  • La scientificité des motifs d’accusation de sorcellerie de la fin du XVème siècle jusqu’au début du XVIème siècle en France, par Chloé LE BRET, Quentin MARX, David MONTALVO, Morgane ROISSE-MERLIN et Thibault VERNET. Télécharger
  • L’affaire du pain de Pont-St-Esprit, par Emilie BERNAZ, Cécile HERAUD, Baptiste REYNAUD, Clémentine STEPHANT et Laura VUAGNOUX. Télécharger
  • Le discours climato-sceptique, ou Claude Allègre, l’imposture climatique ou la fausse écologie, par Iliana BITZBERGER, François EYRAUD, Corentin FOL, Makan GANDIT et Félicie THORAVAL. Télécharger
  • Test de l’effet Knobe, Thomas FAUCHE, Antonin.MACLES, Emilien MANTEL et Bérenger SCHWAB, supervisés par Timothée GUILHERMET. Télécharger
  • Le fluor, par Mathilde DIEUMEGARD, Océane MANGEL et Audrey MARNAS. Télécharger
  • La rationalité dans l’analyse néo-classique est-elle fondée ? par Thomas BOYER, Ronan JEZEQUEL, Laurent JUVENET, Alexis LAURENT et Nawel REY. Télécharger
  • Le fauteuil de la mort, par Marine AGNEL, Fabrice BOUTET, Lorraine DUMONT GIRARD, Marine DUNIER, Emilie GAUTHIER et David MARTIN CHEVALIER. Télécharger
  • Les lampes en cristal de sel, par Kim BARRET, Alice BATTAREL, Clara MOSCA, Benjamin TAM et Fanny VIDAL. Télécharger
  • Le suaire de Turin, par Sarah CORTAY. Télécharger
  • La partialité dans le traitement historique de Napoléon Bonaparte, par Théo BOURGEOIS, Jordan DEMMER, Avo GHARIBIAN, Mathieu TANTOLIN et Rémi RICHOUX. Télécharger
  • Le projet MK-Ultra et la mort toujours étrange du scientifique de l’US Army Frank Olson, par Bertrand GAUSSENS, Valentin MOULIN, Diego PENA AGUILAR LlOTARD et Francois VIEUX. Télécharger
  • La proposition de résolution Fasquelle, étude de son rejet et de son traitement médiatique, par Grégoire COUTURIER, Nolwen KERLOCH, Aurélien RIGOTTI et Tania SOLIER-BRIN. Télécharger et Annexe Texte de la proposition de loi