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Atelier Science & Vie – La vie serait-elle quantique ?

Les magazines de vulgarisation scientifique offrent très régulièrement (pour ne pas dire systématiquement) un large choix de thèmes à disposition du lecteur. La manière dont sont traités ces sujets, proposés la plupart du temps de façon alléchante, dramatique, mystérieuse ou même révolutionnaire, donne une image de la science tronquée, raccourcie et parfois même fausse. Que ce soit en véhiculant des affirmations inexactes sous prétexte de scénariser l’information scientifique comme tout autre type d’information, ou en jouant sur l’ambiguïté et la soi-disant soif de mystère et de scoop des lecteurs, nous ne pouvons que déplorer cet état de faits.
Quelles sont les techniques utilisées par ces « diffuseurs de science » ? Comment les identifier et s’en méfier ? Un décorticage du dernier numéro de Science et Vie va aujourd’hui nous servir de support.

Analyse de la couverture

Création du scoop – effet impact

 

Ici, un événement est proposé au lecteur. Pas à lui seulement d’ailleurs puisque le quidam qui passera devant l’affiche publicitaire du magazine sera lui aussi soumis à ce scoop : « la vie serait quantique ». On aura le temps de lire certainement le sous-titre qui parle de « révélations » et de « l’ADN », tout pour créer l’événement, événement au sens d’inattendu puisque l’on nous parle de révélations. Arrêtons-nous pour commencer sur ce terme qui figure à la une de la revue : qu’évoque-t-il exactement ? Plus précisément, comment est-il connoté ? Si sa définition (ce qu’il dénote) est aisée à trouver (porter à la connaissance une information inconnue), on s’aperçoit qu’il va également activer tout un champ lexical lié à ce qu’il connote, comme la révélation divine (Dieu communique la connaissance à l’Humain), la découverte miraculeuse d’une information dissimulée, ou bien encore une donnée nouvelle et qu’il a fallu extraire de haute lutte pour la porter aux oreilles du public.

Si en lisant ces lignes vous vous dîtes que c’est une interprétation personnelle et exagérée de ce terme, imaginez simplement dans quels contextes le mot révélation est habituellement utilisé. Affaire judiciaire : les révélations du présumé coupable. Contexte religieux : la révélation faite aux prophètes par le Tout Puissant. Ambiance Gala/Voici/Paris Match : les révélations sur les fréquentations de Johnny. Politique : la vérité sur le 11 septembre : les révélations des autorités américaines. Etc.

La connotation de ce mot est puissante et évoque sans qu’on s’en rende compte un fait caché, qui doit être porté à notre connaissance. On pourra ainsi parler d’effet impact pour ce terme avec un fort penchant pour le mystérieux et le sensationnel.

Mais l’effet impact le plus fort est sans doute celui du mot quantique. Pour exprimer ce que l’on peut ressentir en lisant ce terme – qui plus est accolé au mot « vie » – nous n’avons pas trouvé mieux que ce qu’écrivait notre ami Richard Monvoisin :

La mécanique quantique est actuellement la théorie scientifique qui crée le plus fort complexe d’infériorité intellectuelle. Il y a bien la Relativité, qui n’est pas mal non plus, tout comme la Théorie du Chaos, mais aucun autre terme ne conjugue autant science, mystère et complexité intellectuelle que le mot quantique.

Mécanique quantique. Il faut le dire dans un murmure, avec un air un peu mystérieux et les yeux plissés. En susurrant « méca-Q », comme les initiés, ou en l’écrivant MQ comme je le ferai dans la suite de cet article, on pense à Einstein, on pense aux Bogdanoff, on se dit qu’on pénètre là dans le temple de Delphes, dans la sacristie de la connaissance où tout est tellement obscur qu’il est difficile d’y distinguer un authentique prix Nobel de physique d’une paire de jumeaux russes médiatiques.

Au lycée, avant que je l’étudie pour de bon, le mot quantique était pour moi ce que le feu rouge des Humains est pour Louie, le roi des singes dans Mowgli : j’y voyais un pouvoir qu’il fallait acquérir à tout prix. J’avais envie de m’approcher, de pénétrer des connaissances interdites, mais avec cette peur de me brûler, de devenir fou, de savoir ce qu’il ne faut pas savoir, même d’approcher Dieu et de vérifier si effectivement il joue ou non aux dés.

Je n’avais pas du tout compris que je devais essentiellement cette fascination à un bon plan médiatique.

Quantoc : l’art d’accommoder le mot quantique à toutes les sauces. Richard Monvoisin, 2011

 

On peut toujours rétorquer que, bien entendu, si tout ceci est un peu exagéré dans la présentation, l’important est le sens de ce titre ! Eh oui, la vie serait quantique… que nous dit donc S&V sur ces « révélations » ? 

Analyse du contenu

Effet Pangloss

Jetons un œil à la première page, celle qui présente le dossier en question. Dans ce cas, voici ce que nous avons trouvé :

Depuis l’avènement de la science expérimentale, et plus encore depuis la découverte de l’ADN, les biologistes ont toutes les raisons de considérer que la vie est le fruit de réactions chimiques. Mais placez le vivant sous le regard et les instruments des physiciens de l’infiniment petit, ils vous diront tout autre chose. A Berkeley, Toronto, Londres, Singapour, et ailleurs encore, des équipes de physiciens sont en passe d’acquérir la conviction que les plus grand mystères de la vie peuvent être élucidés grâce… à la physique quantique ! Seules les étonnantes propriétés de la matière aux plus petites échelles semblent à même d’expliquer l’extrême efficacité de la photosynthèse, l’intense activité enzymatique, la miraculeuse stabilité de l’ADN, et même les sens de l’orientation et de l’odorat… La physique quantique au cœur de la vie ? Après tout, le vivant, qui a eu tout le temps de sélectionner le meilleur, aurait été bien sot de ne pas se servir dans la prodigieuse boîte à outils de la physique quantique. (p.3)

 

Il faut s’arrêter sur la dernière phrase. Le vivant aurait eu, d’après ce qui est écrit,  tout le temps de sélectionner le meilleur. On imagine que l’auteur de cette phrase a voulu parler de l’évolution à travers ces mots. Malheureusement, comme beaucoup, il est tombé dans les pièges d’un finalisme naïf : l’idée que l’univers aurait un but (ici, le vivant), une signification, que toute chose serait faite à dessein. On entend par exemple que l’œil est fait pour voir, que l’aile a pour but de voler, que les animaux inventent des ruses pour survivre, que la nature ne fait rien en vain, que la sexualité a été sélectionnée dans le but de créer de la diversité, que l’Humain est l’aboutissement de l’évolution ou, comme l’écrivait Voltaire à travers son personnage de Pangloss : « que les choses ne peuvent être autrement : car tout étant fait pour une fin, tout est nécessairement pour la meilleure fin. Remarquez bien que les nez ont été faits pour porter des lunettes, aussi avons-nous des lunettes. »

Le vivant n’a rien sélectionné du tout, et encore moins le meilleur (1). Dire cela équivaut à valider les thèses de H. Spencer et sa « sélection des plus aptes », dont le darwinisme social en est une application, avec les conséquences sur les dérives colonialistes, eugénistes et fascistes que l’on sait. Il faut bien admettre que la théorie de l’évolution n’est pas forcément bien maîtrisée par l’individu lambda, qui parlera de la girafe qui étire son coup pour aller chercher à manger ou de la sélection natturelle comme d’une sélection des plus forts. Il nous semble donc d’autant plus important, dans un journal qui se veut scientifique, de ne pas faire ce genre d’erreurs dans le but d’écrire une phrase qui présente bien.
(1) Comme dirait Florence Foresti : « Quand tu regardes l’être humain tu te rends compte qu’ils ont arrêté en plein chantier c’est n’importe quoi… » (Extrait du sketch La nature est mal faite)

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N’oublions pas la fin de la phrase où il est question d’aller piocher dans la prodigieuse boîte à outils de la physique quantique. Là encore, on fait croire que le vivant a un but et « aurait été bien sot » (anthropomorphisme) de ne pas faire appel à la mécanique quantique…

Malheureusement, ce genre d’erreurs est reproduit dans le reste des articles. Vous pouvez les retrouver assez facilement en repérant les passages où il est question d’évolution et de nature. N’hésitez pas à nous faire part de vos commentaires qui pourront ainsi se rajouter au présent cours.

Technique du carpaccio et de la peau de chagrin

Mais d’ailleurs, quels sont ces outils prodigieux que le vivant exploiterait ? Rendons-nous quelques pages plus loin et lisons attentivement. On y trouve là encore tout un tas de phrases données au lecteur pour aiguiser son appétit, phrases qui soulèvent à chaque fois une forte charge de sensationnel, de mystère et/ou de merveilleux., en donnant ainsi une vision déformée de la réalité. Tout est « superlativisé », voire scénarisé. R. Monvoisin parle de technique du carpaccio pour caractériser cette mise en scène de l’information scientifique avec pour seul effet de la rendre séduisante, accrocheuse, mais bien souvent vide de sens :

« […] nous parlerons de carpaccio pour désigner les processus d’exposition de connaissance dont le seul intérêt réside dans leur scénarisation, bien souvent stéréotypale. Un carpaccio est à la connaissance scientifique ce que le lieu commun est à l’information classique, ce que la romance est au film hollywoodien : un apparat séduisant, mais vide, qui façonne à la longue le goût des consommateurs de vulgarisation scientifique. Le carpaccio a semble-t-il des vertus apéritives, pour ne pas dire publicitaires.» (*p.272)

Quelques-uns de ces carpaccios trouvés en vrac :

–          « A commencer par l’étonnante efficacité de la photosynthèse, qui voit les végétaux convertir en énergie 100% de la chaleur du soleil. Un rendement prodigieux… que les biologistes ne s’expliquent pas ! » (carpaccio mystère)

–          « Par quel prodige des effets quantiques parviennent-ils à émerger au cœur du vivant ? » (carpaccio énigme. On peut aussi repérer le terme prodige, qui s’inscrit dans le même champ lexical que celui de révélation avec toute la connotation qu’il dégage, voir ci-dessus)

–          « Une superposition quantique qui permet au célèbre chat de Schrödinger, enfermé dans une boîte, de narguer les physiciens en présentant à leurs équations comme à la fois mort et vivant[1]. »

–          « Sens de l’odorat. Sa subtilité tiendrait aussi à l’effet tunnel ! »

–          « Dépositaire de la mémoire du vivant, la molécule d’ADN se doit de rester stable. Comment ? L’intrication quantique serait ici la clé de l’énigme. » (carpaccio énigme)

Attention, il n’est pas question ici de dénigrer ou critiquer les recherches tout à fait intéressantes et passionnantes que des scientifiques mènent sur ces sujets. Il est question de la façon dont on traite l’information scientifique qui s’y rattache. Et force est de constater qu’on est plus proche d’une mise en forme publicitaire de celle-ci que d’une vulgarisation à visée pédagogique et rigoureuse.

On peut notamment vérifier cela en prêtant attention à la sensation laissée après lecture des articles du dossier, comparée à l’appât que constitue la couverture du magazine. Rappelons que le titre parlait de la vie qui serait quantique et des révélations des physiciens. Mais qu’apprend-t-on dans les pages à l’intérieur ? Par exemple, p.54, au tout début du dossier :

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« Les biologistes l’ont amplement démontré, la vie est un prodige de réactions chimiques. Mais pas seulement ! […] Jusqu’où la vie est-elle quantique ? La question est posée. »

On comprend tout de suite que les fameuses révélations dont il était question ne vont finalement pas être une révolution mais simplement des pistes de recherches puisque « la question est posée ».

Quelques pages plus loin, concernant la photosynthèse, si le titre évoque une réponse,

« Comment les végétaux peuvent-ils convertir 100% de la lumière ? Une propriété quantique – la superposition d’états – apporte enfin une réponse ».

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on apprend que « la réponse a commencé à se dessiner en 2007. » (p.58). Puis que cette « expérience [de Flemming] ne permettait pas de l’affirmer [le phénomène quantique responsable de la conversion d’énergie lors de la photosynthèse] : elle fut réalisée à une température peu propice à la vie de…-196°C. » (p.60)

Même page, on lit qu’une autre expérience, équivalente, aurait été conduite à température ambiante. Mais là encore on apprend que « ce résultat doit encore être validé« .

Bref, c’est ainsi pour chaque thème abordé, de la photosynthèse en passant par l’ADN et les enzymes : on nous fait miroiter des « révélations » pour au final nous servir des études en cours et qui méritent réplication et confirmation.

Cette technique d’effritement du contenu après une mise en bouche mirobolante porte le nom de peau de chagrin (voir bibliographie) et désigne la tendance des médias à « gonfler la marchandise », quitte à ce que la conclusion de l’article n’ait plus grand-chose à voir avec le titre d’accroche de départ.

 

En conclusion

On pourrait répéter ce type de décryptage sur bon nombre de médias s’occupant de vulgarisation scientifique, ou, comme l’indique R. Monvoisin, s’occupant de la publicitarisation de la science. Il relève ainsi trois points importants et récurrents :

– le remplacement de la raison par la sensation
– la séduction par la simplicité
– la création de l’ « événementiel »

Nous avons tenté de donner quelques pistes concernant ce dernier volet en prenant un exemple parmi tant d’autres. Laissons à Richard le mot de la fin, illustrant le deuxième aspect de cette publicitarisation :

« Deuxième volet de la publicitarisation de l’information scientifique : le mythe de la simplicité. La vulgarisation scientifique (VS) dans son ensemble tend à faire croire que grâce à elle, la connaissance savante sera apportée au profane, par son entremise, et cela sur un plateau. Nous ne nous appesantirons pas sur le caractère assujettissant d’une telle démarche, le profane attendant la becquée que le vulgarisateur, tel l’évangélisateur du XIXe siècle en Afrique sahélienne, viendra aimablement lui délivrer : celui qui ne « sait » pas est campé dans un rôle de quémandeur d’aumône, et il n’y aura pas grand monde pour l’encourager à s’aventurer sur les chemins rocailleux de la formation scientifique et à réellement se former, en reprenant des études par exemple. La VS entretient aimablement ce mythe de la simplicité, en persistant à faire croire aux exclus de la connaissance scientifique que par son entrefaite, par quelque docufiction ou quelques pages imagées dans une revue, l’individu avide aura à peu de frais la substance de la connaissance en question. Le problème est qu’en guise de substance, il y a au mieux un aperçu, au médian une caricature, au pire une misconception.
Dans un océan de vulgarisation simplifiante, l’accueil réservé à un réel développement analytique est désormais perçu comme au mieux soporifique, au pire complexe, élitiste, voire snob, et des postures anti-intellectualistes naîssent. Au vu du nombre d’individus, étudiants ou non, qui lors des cours, des conférences ou sur les forums Internet, restituent des lieux communs sur la mécanique quantique par exemple, il y a quelque inquiétude à nourrir sur une « sciencesetavenirisation » de la connaissance scientifique populaire. Dans l’idéal, il faudrait rompre avec cette idée reçue que la science et l’information scientifique sont simples : elles sont difficiles, exigeantes et pleines de pièges. Quiconque souhaitant se forger une opinion sur la relativité restreinte, l’algèbre, la théorie du chaos ou le néo-darwinisme ne pourra éviter de compulser les bases, le vocabulaire, les règles, au même titre que celui qui voudra apprendre une langue étrangère devra passer par les fondamentaux. Il y a généralement autant de différence entre un champ scientifique et sa vulgarisation qu’entre une pratique maîtrisée d’une langue et le petit lexique de voyage des Guides du Routard. Nous ne disons pas que ces lexiques ne sont pas utiles, ou que cette VS simplifiante ne devrait pas exister : nous demandons à ce qu’il soit précisé à ses consommateurs que cette connaissance est simplifiée à outrance, non suffisante pour avoir une opinion éclairée, et crée du « sens » ou du « rêve » bon marché. Aussi sympathique soit-elle, ce n’est pas avec une fausse cape de Superman achetée en supermarché qu’on parviendra à voler. » (*p.119)

Denis Caroti

 


Bibliographie :
On retrouvera l’essentiel de ces critiques dans la thèse de Richard Monvoisin : Pour une didactique de l’esprit critique (2007), p.114, disponible ici

 


[1] Cette histoire du chat de Schrödinger qui narguerait les physiciens est ici, il faut l’avouer, très mal présentée. Ce chat ne nargue personne, c’est simplement une image pour illustrer ce que l’on nomme la superposition des états en MQ. Or, cette superposition n’a lieu qu’à des dimensions proches de celles de l’atome. Le chat, comme illustration de ce phénomène, est intéressant mais laisse souvent le lecteur dans un état pour le moins dubitatif sur les mystères de cette physique si étrange…voir ici pour plus de détails.

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28 mars au 2 avril 2011 – Stage CIES Zététique & esprit critique à La Rochelle

Du 28 mars au 2 avril 2011 – Stage CIES Zététique & esprit critique à La Rochelle, pour le CIES Centre, par Richard Monvoisin

Avec six groupes de doctorants moniteurs et sur six jours, ont été étudiées la zététique et ses vertus pédagogiques au travers de l’analyse des phénomènes réputés paranormaux, des pseudosciences et des interactions science-idéologie.

Pour en savoir plus, c’est ici.

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Roger Gonnet, 10 ans de scientologie, 30 ans de lutte

  • Dans le premier document, Roger Gonnet raconte sa rentrée dans la scientologie, avec des détails sur la « théorie sous-jacente », inspirée d’un mélange de freudisme et de science-fiction.

  • Dans le deuxième extrait, Roger aborde les mécanismes de l’adhésion, et la manière dont lui-même a pu se sortir de la nasse. Il énonce quelques paramètres de détection des dérives très simples à enseigner ou à transmettre au grand public.

  • Dans ce troisième document, Roger aborde la question de la liberté de culte, et le mot secte.

  • Quatrième partie, Roger Gonnet discute ici la liberté de la conviction de l’individu et la liberté de critique de la croyance.

  • Cinquième partie : Roger indique quelles sont les ressources que l’on peut consulter lorsqu’on cherche des informations sur les dérives sectaires.

Le site Antisectes, qu’il gère.

Le site Prevensectes.

La Miviludes (Mission Interministérielle de Vigilance et de LUttes contre des Dérives Sectaires)

  • Dans la sixième et dernière partie, Roger Gonnet encourage à former l’esprit critique dès le plus jeune âge, et recommande quelques lectures.

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Russell Miller, Ron Hubbard le gourou démasqué, par Russel Miller, Plon, 1994.

Nicolas Jacquette, 25 ans, Ma vie chez les Témoins de altJéhovah, Balland, 2007.

altEmmanuel Fansten, Scientologie: autopsie d’une secte d’État, Robert Laffont, 2010.

Et son propre livre sur la Scientologie, La secte, secte armée pour la altguerre – chronique d’une « religion » commerciale avec irreponsabilité illimitée, Alban, 2004.

 

Merci pour ce témoignage, ces conseils et cet extraordinaire combat, Monsieur Gonnet !

Richard Monvoisin

Documents filmés le dimanche 13 mars 2011

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Dérives sectaires – Lectures conseillées par Roger Gonnet

    [dailymotion id=xhq8oh]

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    Russell Miller, Ron Hubbard le gourou démasqué, par Russel Miller, Plon, 1994.

    Nicolas Jacquette, 25 ans, Ma vie chez les Témoins de altJéhovah, Balland, 2007.

    altEmmanuel Fansten, Scientologie: autopsie d’une secte d’État, Robert Laffont, 2010.

    Et son propre livre sur la Scientologie, La secte, secte armée pour la altguerre – chronique d’une « religion » commerciale avec irréponsabilité illimitée, Alban, 2004.


    Hoax – L’arrêt programmé de la vente des plantes médicinales

    Depuis quelques jours, les boîtes mail de certains membres du CorteX sont envahies par un message annonçant  l’interdiction imminente des plantes médicinales en Europe : « C’est quasiment fait. Nous allons voir disparaître les préparations à base de plantes, ainsi que la possibilité pour les herboristes de les prescrire ».
    Une petite enquête nous a révélé que cette information était fausse.

    Tous les mails nous renvoient vers ce site, où l’on peut visionner cette vidéo :

    [dailymotion id=xhpjqs]

    Notre position vis-à-vis du débat

    D’une manière générale, il nous paraît important de savoir d’où les gens parlent. Alors commençons par nous appliquer cette règle.

    • Nous n’avons aucun intérêt dans l’industrie pharmaceutique, ni dans l’industrie des compléments alimentaires, ni dans la fabrication de plantes médicinales.
    • Nous souhaitons que chacun puisse effectuer ses choix en connaissance de cause, en particulier dans le domaine de la santé, et nous nous battons pour que les intérêts de chacun dans ce domaine passent avant les intérêts de l’industrie pharmaceutique.
    • Cependant, nous pensons que le débat présenté ici est mal posé : s’agit-il de défendre des pratiques uniquement parce qu’elles sont naturelles ? Il nous semble qu’en matière de santé, il serait préférable de défendre des pratiques efficaces. Je ne prétends certainement pas que naturelle signifie inefficace, mais je préfère savoir que le citron n’est pas efficace  contre le cancer de l’estomac – on pourra lire sur ce sujet cet article sur le site de Hoaxbuster – que de conseiller aux gens que j’aime de remplacer leur chimiothérapie par une cure de jus de citrons. Le fait que le citron est « naturel » n’est pas un gage de son efficacité.Et rappelons-nous une facette Z indispensable : un témoignage, mille témoignages ne font pas une preuve.  Cela permet tout au plus de formuler l’hypothèse que « ça marche ». Il faut ensuite vérifier que cette hypothèse est valide. Le processus coûte cher ? Alors battons-nous pour qu’il soit financé  par le public.
      Certes, les laboratoires pharmaceutiques n’ont pas intérêt à ce que tout le monde se soigne naturellement, mais la question importante pour nous est :  » avons-nous intérêt à nous soigner naturellement ? ».
      S’opposer aux pratiques de laboratoires pharmaceutiques ne devrait pas nous faire renoncer à la seule méthode efficace pour décider ce qui est bon ou mauvais pour nous : la démarche scientifique (comparaison à un échantillon test, tests en double aveugle…) 

    Validité de l’information

    Nous avons trouvé un texte intitulé Démenti de Thierry Thévenin relatif à la rumeur d’interdiction des plantes médicinales au sein de l’Union Européenne qui répond aux informations données dans la vidéo. D’où parle cette personne ? Il produit des herbes et plantes aromates médicinales et est membre du syndicat des Simples. Vous pouvez le vérifier sur son site.
    Si nous ne sommes pas en total accord sur l’intégralité de ses propos, nous le remercions pour le travail d’enquête qu’il a réalisé sur la fameuse directive européenne et pour avoir pris le temps de l’expliquer. Nous reproduisons ici la seconde moitié de son texte, vous pouvez télécharger l’intégralité ici

    TEXTE ORIGINAL – 2ème partie : T. Thévenin répond à l’auteur du texte à l’origine de la vidéo. Heidi Stevenson, samedi 25 septembre 2010. Les commentaires de Thierry Thévenin à la suite.

    « Grande victoire pour l’industrie pharmaceutique : Les plantes médicinales bientôt interdites dans L’UE »

    C’est faux ! C’est la vente d’une plante en tant que médicinale (c’est à dire délivrée avec des indications thérapeutiques) qui sera interdite tant qu’on aura pas obtenu une AMM (autorisation de commercialisation) auprès de The Committee on Herbal Medicinal Products (HMPC). Il s’agit d’ailleurs de l’aboutissement effectif de la Directive N° 2004/24/CE du 31 mars 2004 relative aux savoirs traditionnels (plantes médicinales traditionnelles), directive citée plus bas par Mme Stevenson.

    « C’est quasiment fait. Nous allons voir disparaître les préparations à base de plantes, ainsi que la possibilité pour les herboristes de les prescrire. »

    Pure désinformation. Il me semble que cela est juste destiné à susciter de l’émotion chez le lecteur.

    « L’industrie pharmaceutique, qui depuis quelques décennies tente d’éliminer toute concurrence, a presque atteint son but. Le 1er avril 2011 – dans moins de huit mois – pratiquement toutes les plantes médicinales seront illégales dans l’Union Européenne. »

    Non et non ! C’est un raccourci. Cette directive est censée permettre une procédure d’autorisation de mise sur le marché « simplifiée » pour l’enregistrement des médicaments traditionnels à base de plantes sans exiger les renseignements et les documents classiques des tests et essais sur la sécurité et l’efficacité, à condition qu’il existe suffisamment de preuves d’une l’utilisation médicinale du produit – éléments bibliographiques ou rapports d’experts – pendant une période d’au moins 30 ans, dont au moins 15 ans dans la Communauté Européenne.

    Toutefois, cette procédure même « simplifiée » par rapport à celle qui est prévue pour les médicaments classiques, reste trop lourde et coûteuse pour des petites structures artisanales, surtout si elles ont une grande gamme de remèdes à faire valider. Ce sont donc les petits acteurs de la filière qui seront poussés vers l’illégalité le 1er avril 2011.

    « L’approche adoptée aux Etats-Unis est un peu différente, mais a le même effet dévastateur. Les gens sont devenus des réceptacles pour toutes les cochonneries que l’industrie pharmaceutique et l’agrobusiness choisit de déposer, et nous n’avons d’autre choix que de payer le prix qu’ils demandent. L’industrie pharmaceutique et l’agrobusinesss sont presque arrivés à contrôler chaque aspect de notre santé, depuis la nourriture que nous mangeons jusqu’à la façon dont nous nous soignons quand nous sommes malades. Soyez-en sûrs : cette prise de contrôle prendra tout ce qu’il reste de notre santé. Dès le 1er avril prochain Dans l’un des pires poissons d’avril de tous les temps, la directive européenne pour les produits à base de plantes médicinales traditionnelles (THMPD) a été décrétée le 31 mars 2004. Elle réglemente l’usage des produits à base de plantes qui étaient auparavant librement échangés. »

    Librement échangés!? Certainement pas : en France, en tout cas, le libre échange des plantes n’existe plus légalement depuis le début du XIIIè siècle, époque de l’institution des corporations des professions de santé (apothicaires, herboristes, médecins, épiciers…).

    De même, dans le plus grand nombre – la totalité ? – des autres pays de l’Union, des dispositions réglementaires légifèrent depuis très longtemps sur la question de l’échange des plantes médicinales.

    A mon avis, dans ce texte, ce sont les gros distributeurs de compléments alimentaires qui « crient au loup » car ils sont en guerre médiatique contre leur « ennemi naturel »: les gros distributeurs de l’industrie pharmaceutique.

    Les producteurs du syndicat Simples ainsi que tous les petits acteurs indépendants de l’herboristerie européenne se trouvent quelque part dans un espèce de no-man’s land au beau milieu du front de la bataille et dans l’ombre de ces deux géants.

    « Cette directive demande à ce que toutes les préparations à base de plante soit soumises au même type de procédure que les médicaments. Peu importe si une plante est d’un usage courant depuis des milliers d’années. »

    Cette affirmation est encore fausse. En fait les exigences pour ces plantes sont réduites par rapport à celles d’un médicament classique. Une étude bibliographique scientifique détaillée et des rapports argumentés d’experts doivent apporter des éléments sur le recul d’usage traditionnel pour faire apparaître plausible l’efficacité du produit et réduire la nécessité de réaliser des essais précliniques et cliniques si l’usage traditionnel montre l’innocuité de ce produit dans des conditions spécifiées. Alors, l’autorité pourra conclure à un niveau satisfaisant de sécurité et d’efficacité du produit. En l’absence de données suffisamment documentées pour pouvoir bénéficier d’un classement en usage médical bien établi (dix années de recul), le recul d’utilisation est, pour relever d’un classement en usage traditionnel, d’au moins trente années, dont au moins quinze dans la communauté.

    Ce dernier point génère de fait une discrimination culturelle injuste en faveur de la culture européenne et plus généralement bibliographique.

    « Peu importe si une plante utilisée depuis des milliers d’années est sans danger et efficace. Elle sera considérée comme un médicament. »

    Même raccourci que précédemment.

    « Bien sûr, les plantes sont loin d’être des médicaments. »

    Je ne suis pas forcément d’accord avec cette affirmation. Cela dépend de la définition entendue pour le terme médicament. Si médicament signifie produit pharmaceutique standardisé, je suis d’accord : les plantes ne sont pas des médicaments ; mais si « médicament » signifie remède alors je ne suis pas d’accord. Il est indéniable que les plantes médicinales peuvent être des remèdes thérapeutiques même si elles ont le plus souvent d’autres usages.

    C’est d’ailleurs pourquoi je plaide depuis plusieurs années pour le retour officiel d’herboristes formés et reconnus qui puissent aider le public à utiliser sereinement les plantes médicinales pour le bien de leur santé au quotidien.

    « Ce sont des préparations faites à partir de sources biologiques. Elles ne sont pas nécessairement purifiées, car cela peut modifier leur nature et leur efficacité, comme pour tout aliment. C’est une distorsion de leur nature et de la nature de l’herboriste de les prendre pour des médicaments. »

    Pas pour moi : les plantes médicinales peuvent soigner ou soulager des maladies et sont donc des médicaments. Il est toutefois évident que leur variabilité et leur recul d’usage souvent extrêmement important doit permettre de les différencier des médicaments de synthèse et de ne pas leur faire subir les mêmes obligations de contrôle et d’évaluation que ces derniers ; obligations qui seraient en l’occurrence abusives et inadaptées.

    « Cela, bien sûr, ne compte pas pour le monde pharmaceutique européen contrôlé par Big Pharma, qui a gravé le corporatisme dans le marbre de sa constitution. Le Dr. Robert Verkerk de l’Alliance for Natural Health, International (ANH) décrit le problème qui se pose si l’on demande à ce que les préparations à base de plantes répondent aux mêmes normes de conformité que les médicaments : Faire passer un remède classique à base de plante provenant d’une culture médicale traditionnelle non-européenne au travers du système d’Autorisation de Mise sur le Marché de l’UE s’apparente à faire passer une cheville carrée dans un trou rond. Le système de régulation ignore les traditions spécifiques et n’est donc pas adapté. Une adaptation est requise de toute urgence si la directive est discriminatoire à l’égard des cultures non-européennes et viole par conséquent les droits de l’homme.»

    C’est vrai, ce système est discriminatoire ; il favorise les remèdes issus des cultures dominantes. Il relègue à terme en dehors du circuit légal les cultures minoritaires et/ou orales.Cela relance d’ailleurs l’idée souvent abordée dans les réunions du syndicat de créer des ponts et de la solidarité entre les producteurs Simples et d’autres producteurs et herboristes du monde.

    « Droit commercial. Pour mieux comprendre comment cela peut se produire, il faut savoir que les lois du commerce ont été au centre des initiatives visant à mettre tous les aspects de l’alimentation et la médecine sous le contrôle de l’industrie pharmaceutique et de l’agrobusiness. C’est le modèle hypocrite, hégémonique et faussement libéral des multinationales qui gagne du terrain dans toutes les institutions politiques. Si vous avez suivi ce qu’il s’est passé aux Etats-Unis concernant le lait cru et la Food and Drug Administration (FDA) qui déclare que les aliments se transforment par magie en médicaments quand on affirme qu’ils sont bons pour la santé, vous avez pu remarquer que la Federal Trade Commission (FTC) a pris part au processus. »

    Dans notre pays, ce principe de l’allégation thérapeutique qui « fait » le médicament est inscrit depuis longtemps dans le Code de la santé publique. A ce sujet, en France, La définition du médicament s’est considérablement étendue au cours du XXème siècle. A l’origine, pour simplifier, c’est une substance qui prévient ou traite les maladies, ainsi que l’avait d’ailleurs établi l’ordonnance du 4 février 1959 (JORF du 8/02/1959). Ensuite elle va également s’appliquer à toutes les substances qui peuvent restaurer, corriger ou modifier les fonctions organiques selon l’ordonnance n°827-67 parue au JORF du 28 septembre 1967, (ceci pour principalement répondre à l’apparition de la pilule contraceptive). En fait cette nouvelle définition, beaucoup plus floue, va permettre de justifier l’extension du monopole de la pharmacie à de très nombreux produits hygiéniques ou diététiques.

    « Les aliments et les médecines traditionnelles sont considérés comme des questions commerciales plutôt que comme une question de droits de l’homme. Cela place les désirs des grandes corporations, plutôt que les besoins et désirs des gens, au centre des lois sur les aliments et les plantes. C’est cette distorsion qui transparaît dans les déclarations outrageusement absurdes de la FDA, affirmant par exemple que les Cheerios (des céréales de petit-déjeuner) et les noix sont presque des médicaments simplement parce qu’on dit que c’est bon pour la santé. »

    En France, à ce jour, il faut que la plante (ou plutôt la drogue) n’ait pas d’autres usage que thérapeutique pour être considérée comme une plante médicinale. (« Une plante médicinale est une plante présentant des propriétés médicamenteuses, sans avoir ni ne pouvant avoir aucune utilisation alimentaire, condimentaire et hygiénique » article L. 512, CODE DE LA SANTE PUBLIQUE). La directive N° 2004/24/CE ne semble pas remettre ce principe en cause.

    « Le but de tout cela est de sécuriser le monde pour le libre-échange des méga-corporations. Les besoins et la santé des gens ne rentrent tout simplement pas en considération.

    Comment combattre cette intrusion sur notre santé et notre bien-être Ce n’est pas chose faite, du moins, pas tout à fait. Si vous tenez aux plantes, et si vous vous souciez des vitamines et autres suppléments, agissez s’il vous plait. Même si ces questions vous semblent sans importance, pensez aux gens pour qui ça l’est. Doit-on leur interdire le droit au traitement médical et aux soins de santé de leur choix ?

    L’ANH lutte activement contre ces intrusions. Ils vont actuellement devant les tribunaux pour tenter de stopper la mise en application de la THMPD. Nous ne pouvons qu’espérer qu’ils réussiront, mais l’histoire récente montre qu’aucune manoeuvre légale ne peut s’opposer à ce rouleau compresseur. Nous ne pouvons pas nous asseoir et attendre les résultats de leurs efforts. Nous devons voir leurs efforts comme faisant partie d’un tout, dans lequel chacun de nous joue un rôle.

    C’est à nous -à chacun d’entre nous- d’agir. Si vous vivez en Europe, envoyez s’il vous plait une lettre ou un message à votre Membre du Parlement Européen. Consultez cette page pour trouver qui c’est et comment le contacter. Puis, envoyez une lettre déclarant, en termes non équivoques, que vous soutenez fortement l’action de l’ANH pour stopper la mise en application de la THMPD et que vous espérez qu’ils vont aussi prendre position pour les droits des gens à choisir les remèdes médicinaux.

    Imaginez-vous devant vos enfants ou petits-enfants vous demandant pourquoi vous ne l’avez pas fait. Comment allez-vous leur dire que leur bien-être ne vous intéressait pas ? Comment allez-vous leur dire que regarder la dernière émission de téléréalité importait plus que de consacrer quelques instants à écrire une simple lettre ?

    C’est seulement en luttant activement que cette farce contre notre bien-être peut être stoppée. Si nous restons dans l’apathie, alors ça arrivera. Notre droit à protéger notre santé et celle de nos enfants est dans la balance. Si vous vous souciez du bien-être de vos enfants et petits-enfants, vous devez agir. Exprimez-vous, car maintenant, c’est le moment de vérité. Vous pouvez rester assis et ne rien faire, ou vous pouvez vous exprimer.

    Et après l’avoir fait, parlez-en à toutes les personnes que vous connaissez. Dites-leur qu’il est temps d’agir. Il n’y a vraiment pas de temps à perdre. »

    Je le redis, je ne souscrirai pas à l’appel de Mme Stevenson car il est erroné, subjectif et présente, à mon avis, un ton manipulateur qui dessert la cause qu’il veut soutenir.

    Il existe en France et dans bien d’autres pays d’Europe des herboristes, des usagers, des producteurs, des enseignants, des scientifiques, universitaires, thérapeutes, médecins et même des politiques qui croient à l’avenir de la médecine traditionnelle des plantes et oeuvrent pour sa reconnaissance objective et indépendante à l’échelle européenne. Puissent-ils se rencontrer et se fédérer pour aboutir le plus rapidement possible.

    Thierry Thevenin, 18 octobre 2010

    Guillemette Reviron          

    Zététique – Enseignement de Denis Machon

    Denis Machon est physicien, enseignant-chercheur à l’université Lyon 1 et propose, depuis 3 ans, un enseignement zététique intitulé « Paranormal, pseudo-sciences et esprit critique ». Il a la gentillesse de mettre à disposition ses cours pour le réseau. N’hésitez pas à consulter l’ensemble de son travail que nous avons regroupé ici.

    L’enseignement « Paranormal, pseudo-sciences et esprit critique » de l’université Lyon 1 s’adresse aux étudiants de licence (L2 et L3) dans le cadre de l’enseignement de « transversales » « Sciences Humaines et Société ». Ce cours, sous forme de stage d’une semaine, permet à une quarantaine d’étudiants de s’initier à la zététique et à l’autodéfense intellectuelle.

    Denis y balaye tous les domaines traités habituellement avec un éclairage personnel et intéressant. Des outils critiques en passant par les statistiques, les pseudo-sciences, des études de cas ou bien des exemples de ce que l’on appelle la « science pathologique », il est essentiellement question de souligner l’importance de la démarche critique dans le domaine des sciences. Vous trouverez l’ensemble de ces présentations (volontairement denses pour que les étudiants puissent y récupérer le maximum d’informations) séparées en 5 cours :

    Bonne lecture !

    Denis Caroti
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    Journalisme – Pourquoi cette japonaise dans les décombres fait-elle la Une de nombreux journaux ?

    Nous savons que le choix d’une information parmi les millions d’informations possibles disponibles chaque jour dans le monde se fait selon des critères subjectifs. Ainsi, regarder un journal TV ou un journal quotidien n’est pas, contrairement à ce qu’on veut nous faire comprendre, un véritable scan de l’actualité, mais bien au contraire une reconstruction de la réalité telle que le média souhaite qu’on la voie. Certains étudiants se désespèrent lorsqu’ils comprennent qu’aucun média ne peut être objectif en soi, qu’aucun média ne peut présenter de faits « bruts », car le simple fait que ce fait brut soit choisi et non un autre est déjà un tri subjectif en soi.

    Parmi ces critères, il y en a certains plus évidents que d’autres : choisir les informations spectaculaires, ou qui choquent, qui heurtent le sens commun, ou qui flattent des idées reçues. Ils ont ce point commun d’être vendeurs, et il faut nous rappeler qu’un média a pour objectif premier non de nous informer, mais de se vendre.

    Et pour augmenter l’accroche, le recours à l’image est vieux comme la presse, et se vérifie tous les jours la maxime de Paris Match : le poids des mots, le choc des photos.

    Alors voici une question qui n’attend pas de réelle réponse, mais qui ne sert qu’à susciter le doute sur la fabrication de nos représentations du monde.

    Le séisme qui a frappé le Japon le 11 mars 2011 est dramatique, et les risques nucléaires qu’il suscite sont terrifiants. Tous les médias importants ont dépêché des journalistes et des photographes sur place.

    Voici quelques premières pages de journaux*, et étrangement, une photo de jeune femme prise par Yomiuri Shimbun (Agence France Presse) dans les décombres d’Ishinomaki a été particulièrement prisée.

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    Voici des questions que l’on peut poser à des élèves, des étudiants, du grand public.

    Question 1 : comment expliquez-vous que des médias si divers aient tous choisi en photo de couverture la même image ?

    Question 2 : quels sont les « ingrédients » de cette image qui lui ont assuré un tel succès ?

    Question 3 : votre appréciation de la photo changerait-elle si on apprenait que la jeune femme posait pour la photo, sur demande du photographe ?

    Merci à Eric Bévillard de m’avoir montré ce petit phénomène médiatique !

    Richard Monvoisin

    * Tirées de www.zigonet.com/japon/.

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    Philosophie, épistémologie – La neutralité métaphysique, par Pascal Charbonnat

    Un présupposé méthodologique fondamental traverse l’ensemble des sciences contemporaines : la connaissance scientifique doit être neutre sur le plan métaphysique, c’est-à-dire s’abstenir de recourir à des entités invérifiables et transcendantes. Mais comment en faire l’économie à propos de questions comme celles de la création, de l’origine, des premiers commencements, qu’il s’agisse du monde ou des espèces ?
    De la transcendance de l’origine à l’immanence des commencements, cet ouvrage expose la façon dont cette idée d’ « abstinence métaphysique » est apparue en histoire naturelle au milieu du XVIIIe siècle.
    Aujourd’hui la résistance des arguments créationnistes nous montre combien il est utile de faire l’histoire de cette idée. Si les sciences ne se débarrassent jamais de la question de l’idéologie, elles n’ont pas pour autant à se mêler aux théologies. Comment l’abstinence métaphysique fonde-t-elle l’indépendance des sciences, alors même qu’elle autorise ou bien un Dieu détaché de la nature, ou bien son inexistence ?

    C’est à cette réflexion que nous invite Pascal Charbonnat.

    Pascal Charbonnat, Quand les sciences dialoguent avec la métaphysique, préface de Francine Markovits-Pessel, Vuibert, 2011, 224 pages.

    On pourra lire des extraits ici.
    Note : Pascal C. n’en est pas à son coup d’essai. Il a à son actif l’excellente Histoire des philosophies CorteX_Charbonnat_materialistesmatérialistes, Editions Syllepse, collection Matériologiques, 650 pages, 2007. La préface, intitulée Comprendre le matérialisme par son histoire, est de Guillaume Lecointre et peut être lue ici.
    En guise d’introduction, AssoMat, l’association pour des études matérialistes a publié une lecture de « l’Histoire des philosophies matérialistes » de Pascal Charbonnat, par Jean-Marc del Percio-Vergnaud. 

    Richard Monvoisin

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    Impacts de la psycho-pop, par Brigitte Axelrad

    Les médias utilisent l’intérêt du public pour les questions psy, ce qui leur permet de faire de l’audience et des ventes importantes. Le représentant de Psychologies Magazine ne se cache pas pour dire que le mal être des gens, et plus particulièrement des femmes, constitue son fond de « commerce » !
    Ces émissions et ces revues abordent les sujets psy de façon superficielle et souvent réductrice. Elles font entrer dans le langage populaire des concepts empruntés à la psychanalyse et dont tout le monde croit connaître le sens.

    La vigilance critique devrait, à mon sens, guider l’écoute et la lecture de cette presse psycho-pop. Notamment apprenons à détecter le « rapt des concepts », en particulier ceux qui sont issus de la psychanalyse : complexe d’Œdipe, refoulement, lapsus révélateurs, actes manqués, etc. et surtout l’inconscient, comme la clé d’interprétation de toutes les manifestations d’ordre « psychique ».
    Ces médias propagent par ailleurs des approches pseudo-scientifiques telles que celles de Jacques Salomé, la psychogénéalogie, les thérapies de la « mémoire retrouvée » et toute la vague des thérapies « New Age », et des méthodes contestables et contestées, telles que la PNL (Programmation Neuro-Linguistique), l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing), l’hypnose, l’imagerie guidée, la communication facilitée (CF), la canalisation, etc. Quand on entend ou lit des termes issus du vocabulaire scientifique et utilisés hors de leur contexte, tels que « quantique », « énergie », « hologramme », une méfiance redoublée serait de mise.

    La place privilégiée de la psychanalyse dans la société française.

    L’une des raisons qui donne à la psychanalyse cette première place dans l’interprétation des comportements et des troubles psychologiques est peut-être le fait qu’elle a été enseignée dans les classes terminales des lycées et a constitué le socle des cursus universitaires de philosophie et de psychologie.

    Une autre raison est, de mon point de vue, l’icône de Sigmund Freud, considéré dans son domaine à l’égal de Copernic en astronomie, d’Einstein en physique ou de Darwin en biologie, comme Freud lui-même se plaisait à le dire, en qualifiant la psychanalyse de « troisième révolution » dans le monde des idées.

    Contester l’image ou les théories de Freud est en France un sujet relativement tabou. Les tentatives récentes des auteurs du Livre Noir de la psychanalyse, de Jacques Bénesteau ou de Michel Onfray, ont du mal à s’imposer dans l’opinion. Contester Freud est encore chez nous un sacrilège et souvent taxé d’antisémitisme.

    Ceci n’est plus le cas dans le reste du monde, à l’exception notable de l’Argentine.

    Vous pouvez remarquer qu’à chaque accident grave : attentat, catastrophe naturelle ou phénomène social, les médias font appel au psychanalyste de service et non à un psychologue, pour commenter et préconiser des solutions d’aide psychologique aux victimes.

    La prétention de la psychanalyse à tout expliquer a conduit depuis qu’elle existe à n’attribuer qu’une seule cause à toutes sortes de pathologies, dont on n’a pas encore l’explication scientifique. C’est le cas en particulier de l’autisme, dont la responsabilité a été attribuée, depuis les pseudo-travaux de Bruno Bettelheim, à la « mère-réfrigérateur », concept dû à Léo Kanner et aussi sexiste que… faux. Fort heureusement aujourd’hui, les progrès de la génétique, des moyens d’investigation comme l’IRM (Imagerie par Résonance Magnétique), ont envoyé ce concept à la poubelle. Mais ces théories fumeuses guident encore les psychiatres adeptes du packing, cette sorte de camisole glacée utilisée pour des enfants, et empêchent le développement des thérapies comportementales comme le traitement ABA (Applied Behavioral Analysis).

    La psychanalyse s’est attribué une place de choix en psychothérapie, malgré les preuves apportées aujourd’hui que Freud a falsifié ses résultats et dissimulé ses échecs thérapeutiques, comme celui de l’homme aux loups, par exemple. La psychanalyse prétend donner aux troubles psychologiques une seule explication : les traumatismes sexuels, qui auraient été subis dans l’enfance. Elle incite les patients à creuser dans le passé pour retrouver la cause de leurs difficultés actuelles. Une cure psychanalytique peut durer des années. À l’inverse, les thérapies cognitivo-comportementales (TCC), dites brèves, sont fondées sur les connaissances issues de la psychologie scientifique. Le thérapeute intervient sur les processus mentaux ou cognitifs, conscients ou non, considérés comme à l’origine des émotions et de leurs désordres, pour changer le comportement du patient. Comme l’a dit Jacques Van Rillaer, lorsque le patient est au fond du trou, mieux vaut lui donner une échelle pour en sortir qu’une pelle pour le creuser !

    Les thérapies cognitivo-comportementales ont du mal à être reconnues malgré leur efficacité supérieure à celle de la psychanalyse. Le rapport de l’INSERM, publié en 2004, en a apporté la preuve, mais il a été retiré du site du Ministère de la Santé sous la pression des écoles psychanalytiques (1). Depuis 2004, l’encadrement de la profession de psychothérapeute a fait l’objet d’un projet de loi, finalement publié en 2010 avec des amendements, pour protéger surtout la pratique des psychanalystes, qui sont dispensés du cursus universitaire. Richard Monvoisin a fait remarquer que, pour devenir psychanalyste, il suffit en gros d’avoir fait soi-même une psychanalyse. Comme si de s’être fait soigner les dents chez un dentiste procurait la connaissance et le droit d’exercer le métier de dentiste !

    Les thérapies de la « mémoire retrouvée »

    Elles sont fondées sur la théorie de la séduction de Freud, qui a précédé celle du complexe d’Œdipe. Les thérapeutes adeptes de la « mémoire retrouvée » n’ont qu’une seule théorie : les difficultés existentielles du patient n’ont qu’une seule cause, un abus sexuel subi dans l’enfance, que l’inconscient aurait « refoulé » pour protéger la « victime ». Retrouver le souvenir de l’abus permettrait seul la « guérison ». Dans ce contexte, le thérapeute exerce sur le patient une pression psychologique pour lui faire accepter cette cause. Une partie de ces patients finit par accepter cette explication à son mal être et retrouver des « souvenirs enfouis » d’abus sexuel.

    Comment être sûr que ces souvenirs sont vrais ou faux ? Quels indices permettent de faire la différence entre vrais souvenirs et faux souvenirs ? Sans corroboration extérieure, vous ne pouvez pas faire la différence. Les vrais souvenirs comme les faux peuvent comporter les mêmes détails et être exprimés avec confiance et émotion. Elizabeth Loftus a montré que la mémoire est malléable et ne fonctionne pas comme une bande magnétique ou le disque dur d’un ordinateur, elle reconstruit en permanence les souvenirs. Plusieurs expériences, menées par elle et son équipe de chercheurs, en apportent la preuve : « Bugs Bunny à Disneyland », « Perdu dans un centre commercial », etc. La mémoire est donc sujette à manipulation par des thérapeutes convaincus du bien-fondé de leur théorie. Richard McNally, professeur à Harvard, a montré que la théorie du refoulement n’a jamais pu être prouvée, Daniel Schacter, professeur à Harvard lui aussi, fait remarquer et que les traumatismes violents subis dans les camps de concentration ou dans les conflits ne sont pas oubliés.

    Quand un patient consulte un psychothérapeute, il est fragilisé, a besoin d’aide, et espère guérir de son mal être. Il lui sera difficile de se rendre compte qu’il est manipulé, si c’est le cas. La théorie de l’engagement l’incite toujours à continuer sa thérapie avec le même thérapeute, dans l’espoir que l’effort commencé portera ses fruits.

    Il est quasiment impossible de différencier d’entrée de jeu un psychothérapeute des « faux souvenirs » d’un autre. Il peut être psychiatre, médecin, psychanalyste, psychothérapeute reconnu ou auto-proclamé. Les psys qui dénoncent chez les autres la méthode des faux souvenirs, alors qu’ils la pratiquent eux-mêmes, prétendent que les souvenirs qu’ils amènent leurs patients à retrouver sont vrais.

    En conclusion, s’informer et garder son esprit critique sont les principales armes pour déjouer les pièges des psycho-pop.

    Brigitte Axelrad

    CorteX_SPS_HS_Psycha(1) Complément : lien vers l’article d’Esteve Freixa, qui se trouve également dans le hors-série Psychanalyse de Science & Pseudosciences N°293, décembre 2010. Et pour se rappeler de la génèse de la vindicte contre le rapport Inserm, on pourra lire cet article d’E. Faverau dans Libération de  22 février 2005.

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    Note : Brigitte Axelrad, parmi moult productions disponibles sur Sciences & pseudosciences ou sur le site de l’Observatoire Zététique, a écrit chez book-e-book.com l’ouvrage « Les ravages des faux souvenirs, ou la mémoire manipulée » (2010).

     

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    Janvier 2011 Le CorteX dans Esprit de Babel (Denis Caroti)

    CorteX_EdB3La revue Esprit de Babel n°3, éditée par l’association Les Bancs Publics et sortie en janvier 2011, aborde le thème de la diffusion de la culture scientifique, de l’enseignement des sciences et du regard porté par les élèves. Un sujet intéressant et qui nous concerne bien entendu au Cortecs. Vous pourrez y trouver un article de Denis Caroti où il est question d’esprit critique et de zététique.
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    Bonne lecture !

    A consulter ici
    A télécharger ici.
    DC

    Remarque : en début d’article il est question de Truzzi et de sa primauté concernant l’utilisation du terme zététique pour désigner l’investigation des phénomènes « paranormaux ». Il semblerait d’après nos sources que cette paternité revienne en réalité à Henri Broch. En effet, même si Truzzi fut le premier à l’utliser « publiquement » dans la revue Zetetic Scholar, Broch s’en servait déjà. A noter que le mot zététique était employé bien avant et par différents auteurs tels Montaigne ou encore Viète mais dans un sens différent de celui qu’on lui prête de nos jours.