Retour d'expérience : enseignement de l'esprit critique en école de kiné

Matthieu Loubiere est kinésithérapeute à Troyes et enseigne en école de kiné entre autres matières la recherche bibliographique, la pratique basée sur les preuves (ou EBP en anglo-américain) et l’esprit critique. Il prend le temps ici de nous relater un de ses enseignements. Il y a là de quoi donner de l’inspiration à tou.te.s les enseignant.e.s du champ de la santé !

Objectif

Dans le cadre de la nouvelle réforme des études de kinésithérapie, j’ai proposé de réaliser un cours sur l’esprit critique dans un nouvel Institut de formation en masso-kinésithérapie (IFMK). J’avais déjà réalisé cette expérience dans un IFMK parisien et cette année, j’ai voulu aller un peu plus loin. J’avais à ma disposition 3h de cours ainsi que 2h de TD pour amener quelques notions d’esprit critique et instiller la curiosité des étudiant.es.

Je me suis donc attelé à écrire un cours en m’inspirant grandement du matériel disponible sur le site du CorteX et en allant piocher dans quelques bouquins dont les excellents Tout ce que vous n’avez jamais voulu savoir sur les thérapies manuelles de Nicolas Pinsault et Richard Monvoisin (ici) et Petit cours d’auto-défense intellectuelle de Normand Baillargeon (ici). 

Mon objectif était de montrer aux étudiant.e.s kinés qu’en matière de santé et de rééducation, la dérive pseudo-scientifique est possible. Après avoir longuement réfléchi, j’ai choisi l’option de réaliser un faux cours dans lequel j’ai utilisé un maximum d’éléments retrouvés dans les thérapies alternatives (sophismes, arguments fallacieux, etc.). J’ai ensuite réalisé un cours sur la science et l’esprit critique. Enfin, lors des Travaux Dirigés, nous avons analysé des textes présentant quelques pépites.

Faux cours – Le drainage lymphatique énergétique

Tout commence par la présentation : je demande à un responsable de l’IFMK (le mieux étant le directeur) de m’introduire en annonçant mon expertise, les nombreuses publications réalisées et ma position d’expert dans le domaine (vous aurez compris que je suis tout sauf expert de ce domaine). S’établit un petit jeu de scène dans lequel le directeur m’encense, en réponse à quoi je joue le faussement humble.

Extrait du site de l'Institut de formations en applications corporelles et énergétiques
Extrait du site de l’Institut de formations en applications corporelles et énergétiques

Je démarre mon cours sur le drainage lymphatique énergétique. J’ai construit un cours de 10 minutes autour des sources suivantes : https://sites.google.com/site/ifacejmb/home et http://www.syndicat-ondobiologues.com/

J’ai cherché à monter crescendo dans la présentation en liant des concepts scientifiques et pseudo-scientifiques, des glissements lexicaux (paillasson, impact) et des arguments d’autorités.

  • Présentation du concept de drainage
  • Anatomie, physiologie du système lymphatique
  • Énergie : explication physique, Einstein, filières énergétiques, présentation du Pr Rocard (celui qui aurait travaillé, entre autre, sur les « fameux » cristaux de magnétite et les sourciers), de la physique quantique
  • Présentation de Jean-Marie Bataille (créateur de la biochirurgie immatérielle et de l’ondobiologie)
  • Ses concepts, les indications et contre-indications.

Je termine par la phrase suivante : « grâce à cette méthode, pas plus tard qu’hier, j’ai fait remarcher un tétraplégique ».

Je marque une pause et demande s’il y a des questions. En général, les étudiant.e.s relèvent juste le fait que j’ai exagéré sur la fin, ce dont je conviens volontiers. Étant donné que nous sommes au début d’un cycle pour eux, qu’ils ne se connaissent pas encore forcément et que je suis formateur (statut d’autorité), je peux comprendre qu’ils ne m’interpellent pas forcément même s’ils sont choqués. De plus, la posture choisie lors de cette partie de l’enseignement a volontairement été très directive laissant peu de place aux questions et aux doutes (j’aurais bien été embêté.)1

Mea Culpa j’ai menti

J’arrive alors à la partie confession (qui soulage bien finalement). Les étudiants rient pour certains, d’autres se sentent abusés et choqués. Je passe à la diapo suivante en leur expliquant qu’il s’agissait d’un cours en esprit critique. Je sens que j’ai capté leur attention et je déroule la suite du cours. C’est à ce moment là que je parle de mes conflits d’intérêts (je n’en ai pas en ce qui concerne l’esprit critique)

Science, non science, pseudo-science

Je change la façon de faire maintenant.. Je stimule l’étudiant par des questions, des histoires. Je tente d’établir des interactions entre eux.

Je commence à leur montrer ce reportage de France 2 (avril 2013) sur la biochirurgie immatérielle.

Cela leur parle un peu puisque je viens de réaliser un faux cours sur une partie de la question. À la fin de la vidéo, les étudiants manifestent leur incompréhension quant à la possibilité qu’une mère puisse avoir été convaincue de recourir à une telle solution.

Nous discutons alors un peu de la dérive sectaire et du comment, tout un chacun, nous pourrions un jour tomber dedans. Cela me permet d’aborder la notion de dissonance cognitive en rappelant l’expérience de Festinger, Schachter et Riecken avec Mme Keech2.

Vient l’introduction, où j’évoque que l’adhésion à des thèses pseudo-scientifiques n’est pas une histoire de diplôme ni d’âge (voir ici).

Extrait du site du syndicat des ondobiologues
Extrait du site du syndicat des ondobiologues

Nous discutons ensuite de la science et je leur pose la question suivante : à quoi sert la science ? Les débats sont animés puis je donne les différents sens du mot « science » (démarche, connaissance, technopolitique, communauté vue de l’intérieur et de l’extérieur). S’ensuivent les définitions de non-science et pseudo-science (quelques critères de Bunge dans Demarcating Science from Pseudoscience. Fundamenta Scientiae 3: 369-388, 1983). Une fois les bases posées, je leur passe quelques images sous la forme de jeu et je leur demande de trancher entre science et pseudo-science. En vrac : reiki, biochirurgie Immaterielle, psychanalyse, radiesthésie, ventouse, réflexothérapie, homéopathie, astrologie, mathématique, acupuncture, barreurs de feu, morphopsychologie… Nous discutons de chaque approche ce qui me permet d’ébaucher quelques outils.

Autodéfense intellectuelle

Arrive la dernière partie du cours magistral. Après avoir défini la pensée critique et la zététique, je me suis demandé comment aborder cette vaste question. J’ai décidé de la présenter en deux parties. Une première dans laquelle j’ai défini quelques outils puis la seconde où j’ai repris le kit de détection très pratique de Richard Monvoisin et Nicolas Pinsault dans Tout ce que vous n’avez jamais voulu savoir sur les thérapies manuelles.

Photo et citation de Karl Popper
Photo et citation de Karl Popper

Les outils présentés en vrac.

  • Rasoir d’Ockham et la fameuse publicité de Canal+.

  • La maxime de Hume
  • La réfutabilité popperienne qui me pose en général quelques problèmes lors de l’explication. J’ai trouvé cette petite vidéo parfaite : je l’ai même passé en premier (Vidéoscop, Université Nancy 2, Universcience.tv, 2011).

  • La commensurabilité des théories
  • Quelques facettes zététiques de Henri Broch (retrouvées ici)

Pour finir sur quelque chose de dynamique, nous avons évoqué la subjectivité et la perception et son rapport avec le savoir en utilisant comme exemple des paréidolies, l’échiquier d’Adelson ou encore deux vidéos sur la Monkey Illusion (voir ici l’atelier 12).

J’ai pu terminer mon cours théorique à ce moment-là.

Pour ce qui est du TD qui a suivi, je suis revenu sur le cours théorique et j’ai développé la définition de la pratique basée sur les preuves (EBP). Puis nous avons travaillé par petit groupe sur trois textes de thérapies pseudo-scientifiques. J’ai demandé aux étudiants de noter les éléments qui les interpellaient, puis nous avons repris en groupe l’ensemble des informations. Ils se sont vite rendus compte de la similitude des méthodes entre les trois textes : arguments d’autorité, prétentions floues ou extraordinaires et tout un jargon générant effets paillasson et effets impact.

Conclusion

J’ai pu avoir à distance un retour de certains étudiants pour ce cours. Ils ont trouvé cela instructif ; certains se sont sentis trahis par le faux cours mais ont bien compris la démarche. J’espère avoir eu un impact positif sur leur posture critique. En tout cas, le plaisir d’enseigner était là.

Vidéo pédagogique : comment faire des glaçons au micro-ondes

cortex_pysafilmSur la messagerie du CorteX, nous recevons régulièrement des liens vers des ressources pédagogiques stimulantes. Voici l’une d’entre elles, réalisée par le Professeur Physafilm (enseignant-chercheur à la prestigieuse université des Fours A Klystron Énergisant), qui rappelle à quel point notre esprit critique doit s’exercer y compris sur des séquences d’apparence rigoureuse et réalisées en laboratoire. Merci à Nicolas Mouget pour le partage et au Professeur Physafilm pour l’accord de diffusion.

Le visionnage de cette vidéo ne devrait pas se faire sans la consultation ensuite de cette page qui résume toutes les affirmations fausses présentées dans le film, dont les principales sont que 

  1. le réseau électrique sinusoïdal alternatif 50 Hz n’est pas polarisé
  2. un four à micro-ondes ne peut pas produire du froid lorsque son cordon secteur est branché à l’envers.

L’œuvre du professeur est disponible sur cette chaîne.

« Sale bête », « sale nègre », « sale gonzesse » – Identités, dominations et système des insultes, par Yves Bonnardel

Yves Bonnardel est un militant politique, notamment connu pour ses textes sur l’antispécisme et la construction morale du droit des animaux. Sa critique radicale de la notion de « nature », soit comme avatar de Dieu, soit comme processus essentialisant, a beaucoup inspiré le CORTECS, et reste l’un des sujets les plus tortueux à aborder1. Voici un texte introductif sur la normativité dont témoignent nos insultes. Il a été publié il y a près de vingt ans dans les Cahiers antispécistes n°12 (avril 1995) : de quoi stimuler la réflexion de tout être humain en lui faisant décortiquer ses insultes favorites. C’est l’occasion pour des enseignant-es de s’emparer de ce sujet, et ce dès le plus jeune âge, pour introduire ce qui pourrait être le premier cours de philosophie morale de beaucoup d’enfants à partir des insultes classiques.

CorteX_Yves-Bonnardel« Sale bête », « sale nègre », « sale gonzesse »  –  Identités, dominations et système des insultes

par Yves Bonnardel

La liste aurait pu s’allonger : sale gitan, sale juif, sale arabe, sale pédé, sale gouine, sale pute, sale gosse… Les insultes sont des mots ou des expressions toutes faites, dont le caractère offensant est immédiatement perçu par tous, et que l’on utilise pour attaquer quelqu’un à qui l’on s’adresse directement, en le rabaissant et en lui signifiant du mépris. Parce qu’il leur faut être immédiatement compréhensibles à chacun, elles négligent tout caractère réellement individuel pour ne se référer qu’à des catégories sociales : et c’est ainsi qu’elles sont une bonne source d’indications sur les rapports sociaux. C’est pourquoi elles sont normalisées1, et aussi pourquoi elles sont particulièrement bêtes et mesquines : c’est que, comme d’autres aspects du langage mais avec plus de vivacité et clarté, elles expriment les catégories sociales déterminantes et l’ordre dominant.

Toujours, injurier quelqu’un consiste à l’attaquer en dévalorisant ou en niant l’image qu’il est censé (par le corps social) avoir de lui-même. Et si le ton de mépris ou de haine joue également un grand rôle, le contenu (la signification) de l’insulte n’est pas du tout indifférent : il obéit à des règles strictement codifiées et à des types bien définis, qui révèlent ainsi les rapports sociaux de domination et les représentations d’eux-mêmes que les humains acceptent (semble-t-il) si facilement.

Les insultes ont donc en commun d’attaquer une identité sociale de l’injurié, dans une situation de conflit. L’Espèce et le Sexe (mais la Race aussi) sont parmi les plus fondamentales de ces identités : ce sont des catégories sociales, qui apparaissent d’autant plus évidentes par elles-mêmes que leur rôle social est plus omniprésent, et qui permettent, au sein d’une société donnée, de classer des individus et de les remiser en divers paquets, avec des conséquences tout à fait concrètes.

Ces catégories sont bien plus conventionnelles et arbitraires qu’il n’y paraît spontanément : ainsi, il y a cinquante ans, « blonde » ou « brune » (pour les individus remisés dans le groupe femmes) étaient des catégories signifiantes (les « brunes » étaient censées être « de tempérament volcanique », etc.), comme l’indiquent les chansons de l’époque, mais qui n’existent plus guère aujourd’hui.

Toujours est-il que les insultes sont des expressions abouties, et même souvent caricaturales, de l’omniprésence de ces catégories et des liens de hiérarchie qu’elles entretiennent, et qu’elles permettent donc dans un premier temps de s’en faire une idée (même si on peut perdre un peu alors le sens de la nuance).

Comme en fait je n’ai pas du tout l’intention d’entreprendre un inventaire exhaustif de tous les types d’insultes, et que je ne veux m’attacher qu’aux catégories existantes qui conditionnent le plus la vie des humains, ne vont m’intéresser ici que certaines d’entre elles, qui sont tout de même, et de loin, les plus fréquentes : les insultes racistes, sexistes, homophobes ou… spécistes.

Les insultes racistes

Les injures racistes traitent un Juif de youpin (ou sale Juif), un Noir de nègre (ou sale nègre), un Arabe de bougnoul (sale Arabe)… On a une bonne idée du statut de ces humains lorsqu’on remarque que pour les attaquer on ne les compare pas à « quelque chose d’autre », mais qu’au contraire on insiste simplement sur « ce qu’ils sont » : youpin signifie Juif, nègre Noir, etc., ces mots étant seulement plus explicitement péjoratifs. De même, « sale » n’est introduit que pour expliciter ce caractère péjoratif, « sale Juif » par exemple ne signifiant pas « Juif de la variété sale », mais « Juif, donc sale ».

Dans la civilisation « blanche », tout Blanc (non Juif, du moins) sera en grande mesure épargné par les insultes racistes : car « blanc » n’est pas dévalorisant. Et je ne serai jamais traité ni de bougnoule ni de nègre, parce que me manquent les signes fondamentaux de cette « différence » qui collent à la peau d’autres et les distinguent négativement2.

Les insultes sexistes

Les injures sexistes qui s’adressent aux humains, elles, ont trait directement à l’appartenance de sexe (la catégorisation de sexe, en homme ou femme) ou prennent pour cible la sexualité (la catégorisation en fonction des préférences sexuelles).

Eh bien, lorsqu’on attaque les hommes directement en tant qu’hommes, on les traite… de femmes : gonzesse, femmelette, sans-couilles… Par ailleurs on les traite aussi, ce qui est plus ou moins censé revenir au même, de « faux » hommes, d’hommes passifs, d’« hommes-femmes » en quelque sorte, en les assimilant à ceux qui n’ont pas la bonne sexualité (celle, masculine standard, qui fait un « vrai homme ») : pédé, enculé, tapette, tante…

Ainsi, bien que j’aie de façon indéniable un pénis, du poil au menton, etc., je peux encore être nié dans ma qualité d’homme : mes caractères physiques ne sont que des présomptions de mâlitude, insuffisantes pour me remiser ad vitam aeternam dans la catégorie « homme ». Il y faut aussi les attitudes dont la société estime qu’elles leur correspondent : virilité, hétérosexualité, courage, dynamisme (caractère actif et individuel), etc. Le fait d’être « un homme » ne semble pas aller autant de soi que celui d’être « un Noir ». Finalement, « homme » n’est pas du tout un attribut aussi « naturel » qu’il semblerait de prime abord …

Par contre, le fait d’être femme l’est clairement plus, « naturel », puisque pour attaquer une femme en tant que telle on ne la traite pas d’homme, mais au contraire, on marque sa non-virilité, c’est-à-dire qu’on la traite en toute bonne logique de… vraie femme (putain, salope, gouine, connasse, pétasse, serpillère). De « vraie » femme, puisque, comme on sait, dans la représentation courante les femmes restent essentiellement mères ou putains, comme l’exprime la caricature machiste : « Toutes des salopes, sauf ma mère ! ». C’est le fait que l’on puisse injurier une femme en la traitant dans le fond simplement de femme3 qui donne le plus clairement la mesure du mépris dans lequel sont tenus la moitié des humains.

De plus, contrairement à celle des « hommes », et comme celle des « Noirs », la catégorie « femme » est censée être « naturelle » : on n’en échappe pas (malgré quelques dérogations limitées, du type « elle a plus de couilles que beaucoup de mecs ») ; nul besoin d’un comportement particulier pour être une femme, le sexe biologique suffit (« on naît femme, on devient un homme »).

Les insultes spécistes

Et, enfin, on peut encore attaquer un humain quel qu’il soit dans son humanité : en le traitant d’inhumain (monstre), d’humain raté (avorton, taré, mongol), ou d’un nom d’animal quelconque : soit chien, porc, âne, cochon… soit chienne, truie, dinde… (ici aussi le sexe reste trop déterminant pour être oublié). Ou bien encore on l’attaquera sur les attributs présumés de l’humanité, principalement la raison (fou), l’intelligence (âne, idiot, bête, imbécile, stupide, débile) ou… l’« humanité » (salaud, monstre, sans cœur).

Là aussi mon humanité, pourtant censée être fondée sur des signes biologiques évidents, peut m’être retirée, notamment si je ne satisfais pas aux critères de comportement requis. Elle n’est pas très « naturelle » non plus, et n’est pas acquise d’emblée…

J’appelle cette dernière classe d’insultes « spécistes », d’une part parce qu’elles s’attaquent à notre identité d’espèce, et d’autre part (mais cela est bien sûr directement lié), parce qu’elles font référence de façon péjorative à d’autres animaux qui sont, eux, dévalués parce que n’appartenant pas à la bonne espèce, celle de référence, l’humaine. L’adjectif « spéciste » est évidemment construit sur le modèle de « raciste » et « sexiste », et l’analogie faite ici est bien pertinente : bien que les humains sachent que les animaux ne parlent pas, les « sale bête ! » ponctuent volontiers les coups de pied d’un « maître » à son chien.

Voilà clos ce rapide tour d’horizon4. Les insultes qui jouent sur les identités sociales sans pour autant reprendre les schémas que l’on vient de voir sont peu nombreuses et visent généralement plus à se moquer (plus ou moins) gentiment qu’à réellement blesser. À peine peut-on encore parler d’insultes : ainsi, les seules qui traitent un humain mâle de mâle (par une référence au signe de mâlitude qu’est le pénis) sont bon-enfant et souvent affectueuses : couillon, cornichon, andouille. Ce sont en fait des variations humoristiques sur le thème de l’injure, qui ne sauraient se prendre véritablement au sérieux.

Insultes et appartenances

Ces différents types d’injures ont en commun d’attaquer l’individu, identifié à une catégorie sociale, dans cette appartenance même ; soit en la niant si son groupe est dominant, soit en insistant dessus dans le cas contraire. Elles l’attaquent donc non en tant qu’individu singulier, mais en niant sa singularité pour ne plus se référer qu’à son appartenance, fictive ou non, reconnue par lui ou non. C’est à travers la catégorie toute entière qui lui est attribuée que l’individu est censé être dévalorisé, et l’insulte ne l’atteint que si (ou parce que) lui-même adhère à cette catégorisation, c’est-à-dire accepte le jeu. Et il faut convenir que… ça marche ! (en notant par ailleurs que la haine, le mépris, la volonté de détruire dont l’insulte est vecteur sont aussi en soi déstabilisants, terroristes.)

Les insultes ont pour effet de verrouiller l’appartenance d’un individu, lorsqu’il s’agit d’un groupe dominé. Cette catégorie (noir, femme, bête…), identifiée à l’aide de « signes » anatomiques, est perçue comme « naturelle » ; l’individu ne peut donc en changer, et les insultes le remettront toujours à sa place. À l’inverse, les critères d’appartenance à un groupe dominant sont ressentis comme moins purement naturels, biologiques ; doivent s’y ajouter des critères de comportement obligatoires sous peine de déchoir et d’être remisé dans une catégorie dominée. Les dominants se perçoivent donc comme une catégorie naturelle et sociale, ou plutôt, comme une catégorie naturellement sociale, les catégories dominées étant, elles, vues comme purement naturelles5.

Paradoxalement cependant, l’appartenance à la catégorie dominante est conçue comme la norme ; puisque le mot « homme » désigne aussi tous les humains, un homme est un homme tout court, et une femme est un homme plus, ou plutôt moins, sa féminitude. L’appartenance à une catégorie dominée est perçue comme faisant relief négativement sur la « bonne » communauté, la normale, celle de référence. Le fait d’être « un Blanc » par exemple est généralement un implicite, non formulé : il correspond directement à l’appartenance à la société, à la civilisation (la vraie !), à l’humanité typique…

Quand l’individu fait partie du groupe dominant, les insultes peuvent remettre en cause cette appartenance. Cela se fait peu pour la race (on traitera rarement un Français bon teint de bougnoul ; les nazis avaient cependant l’expression « enjuivé ») ; s’adressant à un membre de la catégorie la plus « normale » (un humain mâle bon teint), les insultes de loin les plus nombreuses sont celles qui contestent, à travers le comportement, l’identité sexuelle et celle d’espèce. La représentation que nous avons de nous-mêmes semble ainsi construite d’abord sur ces deux identités sociales fondamentales, dans une certaine mesure liées : l’identité sexuée et l’identité humaine, modes de représentation de nous-mêmes socialement imposés, correspondant à des statuts sociaux.

Cela se retrouve également dans nos vêtements et nos aménagements corporels (coupe de cheveux, etc.), uniformes bel et bien obligatoires en pratiquement toutes circonstances. Être vêtu est en soi symbole de notre humanité (obligatoire au moins en public), tout comme l’est la civilisation de notre corps (qu’on arrache à la « pure naturalité » en passant chez le coiffeur, par exemple). Les vêtements doivent en outre obéir à des critères plus ou moins stricts, ceux d’une époque et d’une civilisation, marquant ainsi l’appartenance à une culture donnée, et de façon indirecte encore à l’humanité. Enfin, last but not least, ils doivent être féminins ou masculins, et cela aussi est pour une grande part obligatoire6.

Identités et statuts sociaux

J’entends par identité sociale une image de nous-mêmes qui nous est donnée par notre environnement social à la fois comme nature et comme modèle, à laquelle nous sommes tenus de nous conformer dès la naissance, et à partir de laquelle nous nous construisons : elle façonne notre attitude générale face au monde, face à nous-mêmes comme face aux autres, et nous pourvoit en valeur. Bien qu’elle ne nous détermine pas entièrement et que nous puissions prendre quelques libertés avec elle, il s’agit d’une image sur laquelle nous comptons trop en toutes choses et à laquelle nous sommes trop souvent ramenés par les autres pour pouvoir nous en débarrasser ou simplement en faire abstraction.

L’identité sera l’aspect subjectif du rôle social, et le rôle social l’expression dans les actes (objective) de l’identité. Tout individu a une identité d’espèce, de sexe et de race (et beaucoup d’autres encore, moins fondamentales, moins perçues comme « naturelles »), correspondant chacune à divers rôles sociaux, eux-mêmes liés à divers statuts sociaux. Dire à quelqu’un qu’il est peu humain (« complètement taré ! ») ou qu’il est un animal, qu’il est une femme, qu’il n’est pas de bonne race, peut le blesser sérieusement, et est couramment pratiqué dans ce but. Le fait même que celui qui se fait ainsi verbalement traiter le ressente mal est le signe de son mépris pour les non-humains, pour les individus qui ont un sexe femelle, pour ceux qui sont d’ailleurs.

C’est aussi par contre le signe de son grand respect pour son appartenance à l’humanité, à son propre sexe, à sa propre communauté : quelle mine il fait, si on cherche à remettre en cause cette appartenance ! Et ce genre de pratique qui semble si dénué de sens, si absurde, qui consiste à traiter quelqu’un soit de « ce qu’il est », ou au contraire de « ce qu’il n’est pas », est en fait pris au sérieux par tous, ou peu s’en faut ! Qui, homme ou femme, blanc ou non, homo ou hétérosexuel…, aurait le réflexe d’éclater de rire, et de bon coeur, à s’entendre traiter d’enculé, de pétasse, de sale nègre, de porc ? Non, par-delà le simple fait d’être haï ou méprisé, il s’agit bien en soi d’un mauvais traitement, face auquel l’âme fière pâlira et l’âme moins bien trempée s’empourprera. Une partie de la misère des humains ne se niche-t-elle pas là, dans cette difficulté à prendre une distance par rapport à ces images de soi-même ? Des images qui ne sont d’ailleurs même pas directement de soi, mais seulement du groupe auquel on est socialement identifié ! Quelle rigolade !

En fait, non, ce n’est certainement pas drôle, et ce n’est pas une simple histoire de mots. Rares sont ceux qui peuvent ne pas se sentir concernés ; car derrière les mots se cachent des différences de statut fondamentales, et selon celui qui nous est assigné nous pouvons être propriétaire ou esclave, bon vivant ou bien mort. Homme ou femme, je lirai le journal et rapporterai une paye plus élevée de moitié, ou ferai la vaisselle et torcherai la marmaille. Mâle homo ou hétérosexuel, on me crachera au visage ou je serai l’enseigne de la respectabilité. Humain ou animal (non humain), je jouirai de droits élaborés et ma vie sera sacrée, ou l’on pourra me faire ce que l’on voudra pour n’importe quel motif (comme me plonger vivant dans l’eau bouillante, si je suis classé truite ou homard !). Les mots désignent des réalités, des statuts qui ont une telle incidence sur notre vie et sa qualité, qu’il ne peut être indifférent à quiconque que l’on cherche à rabaisser la catégorie à laquelle il appartient.

Car toujours, dans un conflit, les injures sont potentiellement un premier pas. En assignant verbalement à un adversaire une position de dominé dans le système hiérarchique social (en lui rappelant sa position sociale réelle lorsqu’il s’agit déjà d’un dominé, ou en le ravalant à une catégorie inférieure dans le cas contraire), on le met en demeure de se soumettre ou de se préparer à être traité physiquement comme un dominé, récalcitrant de surcroît : c’est-à-dire, fort mal.

Les insultes, en nous renvoyant brutalement à nos identifications de groupe, renforcent celles-ci (et la hiérarchie entre elles), et ceci tant pour l’insulteur que pour l’insulté. Attaquer par exemple un humain dans son humanité, cela revient en fin de compte à renforcer l’obligation à laquelle je suis moi-même aussi soumis de me conformer à « mon » humanité, qui plus est au détriment des idiots, des handicapés ou des non-humains. Non merci.

Car les identités sociales font référence à des groupes (que j’appelle groupes d’appartenance) auxquels je suis censé appartenir et qui ont de ce fait des droits sur moi, sur mes agissements, etc. C’est pourquoi les insultes ne sont pas un problème en soi, ne sont pas le problème : elles n’en sont qu’une expression. J’aurais pu tout aussi bien parler du ridicule et de la peur qu’on en a si souvent. Les insultes ou la peur du ridicule sont un bon révélateur de notre enfermement à tous dans différentes catégories sociales, qui déterminent notre vie à tous les niveaux, et dont il est très difficile de sortir.

Être blanc, homme, et humain, c’est être inscrit comme dominant sur une échelle hiérarchique qui comprend, donc, aussi des dominés. C’est bénéficier de privilèges, matériels et identitaires…, dont de dominer d’autres, sans soi-même risquer de l’être. Mais c’est aussi toujours avoir sous les yeux l’exemple des dominés, de la façon dont ils sont traités, en sachant que si l’on cesse d’avoir les comportements requis par son groupe d’appartenance, on en sera exclu, et alors éventuellement passible des mêmes mauvais traitements.

Aspects communs des formes de domination

Toujours, les dominations présentent deux aspects, que l’on peut théoriquement isoler l’un de l’autre, mais qui dans la pratique sont souvent indissociables : un que j’appelle matériel (on pourrait aussi dire objectif), et un que j’appelle identitaire (on pourrait dire subjectif). Le premier consiste en une exploitation, une mise à son service du dominé par le dominant, qui vise à en retirer des avantages matériels, par l’utilisation de son corps, de sa force de travail, de son affection, etc. Le second aspect consiste pour le dominant à s’octroyer une valeur positive, supérieure, au moyen d’une dévalorisation du dominé : on ne peut se poser comme supérieur que relativement à autre chose, qu’il faut donc inférioriser, mépriser. Cette valorisation est en soi jouissive, source de plaisir.

Ces deux finalités de la domination sont généralement indissociables : pour plier quelqu’un à sa volonté, l’exploiter, et ceci sans problèmes de conscience graves, il faut l’avoir dévalorisé, avoir cessé de le considérer comme son égal. Mais inversement le fait d’utiliser quelqu’un, de le faire obéir à sa volonté, de l’obliger à devenir un instrument de nos propres besoins (quels qu’ils soient), indépendamment des siens, est une façon très efficace de le dévaloriser, de l’inférioriser, de l’humilier : donc de poser sa propre supériorité. Dans certains cas l’usage de la violence n’aura pas pour but l’exploitation matérielle, mais uniquement la dévalorisation : c’est ainsi que j’explique la consommation de la viande (où c’est l’exploitation matérielle qui a alors pour but la valorisation), et le sadisme des relations de pouvoir en général. De toute façon, que le but soit matériel ou identitaire, la domination s’exercera par la violence, effective ou simple menace explicite voire implicite ; et elle s’appuiera sur une idéologie justificatrice, forme sociale du mépris.

La domination, c’est la valorisation

Dans toutes les sociétés, la supériorité (dominance) sociale s’affirme symboliquement par le monopole, d’une part de l’usage légitime de la violence, et d’autre part, de la possession de biens. L’usage de la violence, et la possession de biens sont des annexes des individus dominants, ils leur sont constitutifs. C’est-à-dire que ce ne sont pas simplement des marques extérieures de leur qualité de dominants, mais des attributs inhérents, qui en font partie intégrante.

Les individus ne sont jamais appréhendés seuls, isolés de tout contexte : ils sont au contraire perçus à travers ce qu’ils ont, qui exprime ce qu’ils sont (ou ce qu’ils sont socialement censés être). C’est que je suis effectivement ce que je possède, ce qui, à des degrés divers, me constitue : mon corps, mes vêtements et autres objets, mais aussi mon caractère, mes projets, mes intérêts, mes sentiments, mon passé, mes relations, etc.7.

La possession de biens, c’est-à-dire, de choses qui sont perçues comme m’étant originellement extérieures, non propres, me permet, par leur annexion, leur appropriation, leur incorporation à mon individualité, de me poser relativement aux autres comme plus ou moins gros, plus ou moins puissant, plus ou moins riche en valeur(s) : ma valeur dépend de ce que je possède (au sens large) et peux faire valoir.

Ce sont bien sûr les biens les plus prestigieux qui confèrent le plus de valeur à leur propriétaire. Dans de nombreuses sociétés, lorsque les conditions s’y prêtent, les biens les plus prestigieux sont d’autres êtres vivants qui sont appropriés, annexés à leur propriétaire : animaux, enfants, femmes, esclaves. Propriétés d’un autre, ces individus n’ont pas eux-mêmes dans les cas les plus extrêmes de propriété du tout, y compris celle de leur corps ou de leurs traits de caractère, et n’existent pas socialement en tant qu’individus, que propriétaires.

Instrumentalisés, les dominés reçoivent des attributs d’instruments. Un tournevis est fait pour visser, fait par le fabricant. Une femme de même est faite pour faire des enfants, etc. : mais par qui ? Sa fonction procréatrice n’est pas façonnée par un humain ; c’est donc un troisième partenaire qu’on introduira, un partenaire complice, qui fait les femmes pour les hommes comme il pourrait aussi faire pour eux, mais ne fait pas, des tournevis : ce partenaire, c’est la Nature. Ainsi les dominés en général sont-ils naturalisés, faits par nature pour faire ou subir ce qu’ils sont obligés de faire ou subir8.

L’autre versant de l’idéologie, qui en est l’exact contrepoint, concerne alors les dominants : ceux-ci se retrouvent valorisés, investis d’une valeur égale à celle dont sont dépossédés les dominés, individualisés à la mesure même de la dés-individualisation que subissent les appropriés, et enfin se posent, eux, comme étant leur propre fin : ils existent pour eux-mêmes, par eux-mêmes, etc.

La valorisation à travers les appartenances

Je n’ai jusqu’à présent parlé de la domination que sous un angle individuel (la domination d’un individu par un autre, visant à une exploitation matérielle et à une annexion identitaire). Mais, même si ce point de vue individuel n’est pas incompatible avec l’angle social, il reste insuffisant si l’on ne recourt pas à une analyse des rapports de l’individu à sa société, à son groupe d’appartenance.

Les rapports d’appartenance des individus sont contraints socialement, c’est-à-dire que, même si nous y trouvons plus ou moins notre compte, il existe une très forte pression sociale à nous conformer aux comportements correspondant au groupe auquel nous sommes censés appartenir. Mais nous trouvons aussi des avantages à cette socialisation : les diverses appartenances qui nous sont imputées nous donnent une sorte de contenu (on est homme, femme, humain… : c’est notre identité), assorti d’une valeur qui sera plus ou moins grande selon les appartenances en question, mais aussi selon la façon dont nous gérons le rôle (avec plus ou moins de brio et de conviction…).

Or, schématiquement, les groupes d’appartenance s’opposent deux à deux, selon un modèle dominant/dominé : blanc/non-blanc, homme/femme, humains/animaux ; ce modèle dominant/dominé correspond également grosso-modo aux dichotomies valorisé/dévalorisé, social/naturel, libre/déterminé…

C’est que la domination d’un groupe, d’une catégorie sociale, d’une classe, sur un-e autre, lui permet de procurer une identité, fonctionnelle socialement bien sûr, mais également valorisante, à ses membres : et elle lui permet de fonder sa cohésion, car cette identité et sa valeur, qui sont pour les dominants un privilège, leur sont communes et doivent être conquises et défendues contre ceux à l’encontre desquels elles s’établissent. Ce sont donc en grande partie leurs intérêts communs qui fondent la cohésion du groupe des dominants, qui assurent qu’ils se soumettront à leur fonction-statut social, étant entendu que pour ceux d’entre eux qui refuseraient de s’y soumettre, par exemple en remettant en cause la domination de leur groupe, il y a la réprobation-répression-pression sociale, qui peut être ouvertement contraignante, et aller jusqu’à la mort, l’exclusion ou la rétrogradation au statut de dominé, en passant par la ridiculisation. C’est ainsi que je m’explique que les insultes qui attaquent des dominants dans leur identité d’hommes ou d’humains se baseront volontiers sur leur non-adéquation aux comportements imposés par leur propre groupe.

Pour les dominés, il n’y a pas besoin du tout (ou moins besoin, c’est selon les cas) d’une cohésion de groupe (qui pourrait se révéler dangereuse pour les dominants) : c’est directement la contrainte exercée par les dominants qui jouera le plus grand rôle dans le fait que les dominés restent à leur place inférieure et exploitée9 : c’est ce qui c’est passé pour les esclaves ou les indigènes des colonies, pour lesquels c’est la terreur plus que la propagande (dont faisait tout de même partie la christianisation) qui assurait la sujétion. C’est aussi la terreur plus que la propagande qui a assuré tant bien que mal la soumission du prolétariat aux conditions atroces des débuts de la révolution industrielle10.

Toujours est-il que c’est la domination sur un autre groupe qui crée subjectivement le groupe dominant en tant que tel (et également le plus souvent matériellement, parce que c’est l’exploitation des dominés qui fonde très concrètement les conditions de vie des dominants). Ses membres se considèrent comme égaux (les aristocrates anglais s’appellent des « Pairs », par exemple), c’est ce qui les distingue des autres ; ils sont égaux : cela signifie qu’ils sont investis, à peu de choses près, de valeurs égales ; qu’ils ont accès aux mêmes privilèges (relativement aux dominés), dont le plus important consiste sans doute justement à se traiter les uns les autres de façon égale. La meilleure façon de se rendre palpable le caractère distinctif de cette égalité consiste logiquement à la mettre en contraste avec l’inégalité de traitement qui est l’essence des rapports de domination, et qui est réservée aux dominés11.

Se livrer, donc, à des pratiques collectives humiliantes, dégradantes, dévalorisantes envers les dominés sera une bonne façon de resserrer les liens des dominants, de mettre en relief et leur rappeler les privilèges qu’ils partagent aux dépens des autres. Les pratiques en question sont celles qui vont instrumentaliser les dominés, et elles seront d’autant meilleures si elles font appel plus explicitement à la violence

L’analyse des insultes, de la logique qui leur est sous-jacente, nous montre que lorsqu’un homme insulte une femme en tant que femme, il se pose en contrepoint comme homme, comme « appartenant » à la catégorie des hommes, qui est alors clairement exprimée comme valorisée-valorisante. Lorsqu’un homme en insulte un autre en lui refusant sa qualité d’homme (en refusant de reconnaître son « appartenance » à cette catégorie), il se pose lui-même encore comme homme en valorisant cette « appartenance ». Quand un humain en traite un autre de non-humain (animal, sous-humain, etc.), il se renforce lui-même dans cette « appartenance », etc.

Or, il se passe la même chose lorsqu’on quitte le niveau verbal pour gagner celui des actes : lorsqu’on maltraite quelqu’un, on le dévalorise aussi en se valorisant soi ; s’il s’agit d’un dominé, c’est alors une façon de bien inscrire son « appartenance » à lui à un groupe dominé, de la lui rappeler tout en se « prouvant » ainsi son « appartenance » à soi à un groupe dominant. Et si c’est un égal que nous maltraitons, nous lui faisons ainsi quitter la sphère des égaux, et nous assurons par contre que nous, nous en faisons bien encore partie.

À ce niveau, on peut mettre sur un plan d’équivalence des pratiques aussi diverses que le fait pour des garçons de siffler des filles, que les viols collectifs ou individuels, les ratonnades (d’homos ou d’immigrés…), les spectacles où des animaux vont être tués à coups de pierre ou autres (corridas…), ou encore le fait de manger de la viande12.

… Les premières confortent les hommes dans leur « appartenance » à la classe des hommes, et confortent la valeur qui est associée à cette appartenance, les secondes confortent les humains en général (et plus encore, parmi eux, les hommes) dans leur appartenance à l’Humanité, en confortant simultanément la valeur qui lui est associée.

Mon propos est que la lutte contre les dominations passe donc aussi par la lutte contre les appartenances et les identités, puisque les dominations jouent un rôle de valorisation des identités et des appartenances des dominants, et que c’est là une de leurs raisons d’être.

Une loi récente par exemple interdit toute atteinte à la « dignité humaine » : je pense qu’un tel « attentat » (non pas à la dignité d’un individu, bien sûr, mais à celle de l’Humanité) est nécessaire, qu’il est un des axes que doit prendre la lutte pour l’égalité de tous les animaux ; car, une dignité humaine n’a de sens qu’en tant qu’elle est exclusive, qu’elle est dignité des seuls humains. Je ne vois pas sur quoi se base une telle valorisation de notre humanité… ou plutôt, malheureusement, je ne le vois que trop bien.

Yves Bonnardel

Ce texte a été publié initialement dans Les cahiers antispécistes n°12 (avril 1995). Merci à Yves Bonnardel pour l’autorisation de la reproduction. 

Tous les travaux de l’auteur sont disponibles ici.

Les animaux dénaturés, de Vercors

cortex_animaux_denatures Découverte remarquable que m’a fait faire l’ami biologiste Cyrille Barrette : un conte philosophique, sous la forme d’un procès « anthropologique » digne de la controverse de Valladolid, avec tous les dilemmes moraux possibles gravitant autour du leitmotiv central de l’ouvrage, que je vous livre sans en déflorer le contenu : y a-t-il une définition de la nature de l’Humain ?

Je ne connaissais de Vercors (pseudonyme de résistant de Jean Bruller) que Le silence de la mer, souvenir vague de mon adolescence. Mais cet ouvrage, « les animaux dénaturés » est un incontournable de la réflexion critique. Il aurait pu être écrit aujourd’hui, tant les questions posées sont solides, épaisses, coriaces. Tout y passe, des origines communes aux simiens, de la différenciation psychologique, physiologique, anthropologique, métaphysique : Vercors fait montre d’une maîtrise rare des enjeux de la théorie de la sélection naturelle de Darwin qu’on trouve chez bien peu de nos contemporains, alors que lui traite de ça en 1952.

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Jean Bruller, alias Vercors

Ayant lu le livre annoté de Cyrille, j’ai eu le plaisir de découvrir ses coups de cœur et ses quelques bémols, rares – et pourtant, Cyrille a passé sa vie à l’étude comparée des mammifères. Je me suis retrouvé en lisant l’histoire de ce roman-procès un peu comme devant le film de Stanley Kramer Inherit the wind (le procès du singe) (1960), avec Spencer Tracy, ce qui me reste de cheveux balayé par le souffle violent de l’histoire des sciences biologiques.

Une phrase m’a marquée, page 130 de l’édition de poche, valable aussi bien pour les camarades qui bossent sur l’éthique animale que sur l’éthique extraterrestre ou sur l’Intelligence artificielle :

[Entre humains et non humains,] où fera-t-on passer la limite ? Où les plus forts le voudront. 

Parution de "60 questions étonnantes sur le paranormal", de Jean-Michel Abrassart

cortex_abrassart_mardagaSacré personnage que ce Jean-Michel Abrassart, à tous points de vue ! Outre être professeur de japonais, il est un sceptique de très bon niveau, capable de décrypter la littérature anglo-saxonne comme personne. Féru de balladodiffusion, il a décidé il y a quelques années de créer un podcast sceptique intitulé Scepticisme scientique, qu’il faut recommander à tou.te étudiant.e et tout.e curieu.se du domaine tant les émissions sont de haute tenue. Il s’est récemment entouré de gens compétents, comme Jérémy Royaux entre autres pour l’épauler dans cette entreprise, qui compte plus de 350 épisodes (voir ici). Quelle est la nouvelle ? Il vient de rejoindre, à l’automne 2016 et en grandes pompes, les frères Bogdanoff et Mme Teissier dans la nébuleuse des docteurs ès quelque chose !  Pour fêter ça, son livre « 60 questions étonnantes sur le paranormal et les réponses qu’y apporte la science » vient de paraître aux éditions Mardaga, collection in psycho veritas.

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Voici en avant-première quelques feuilles de ce livre : ici

Nous ne l’avons pas encore lu, mais gageons que ça ne saura tarder.

  • octobre 2016, 13,5X19, broché, 144 pages
  • ISBN : 9782804703219
  • 14.90 €

Par contre, Jacques van Rillaer, lui, l’a lu ! Il en a fait une recension dans Sciences et pseudosciences, la revue de l’AFIS, qu’il nous a transmise.

La majorité des gens pensent avoir vécu au moins une fois une expérience paranormale. Actuellement (décembre 2016) il y a plus de 1.600.000 entrées dans Google pour « parapsychology » et près de 31.000 dans Google scholar. La « guerre » entre les croyants en l’existence de phénomènes paranormaux et les sceptiques est loin de se terminer. C’est dire tout l’intérêt du livre de Jean-Michel Abrassart.

L’auteur est docteur en psychologie (titre obtenu après la publication de l’ouvrage). Sa thèse est une étude psychosociologique du phénomène OVNI. Abrassart est bien connu dans le monde des sceptiques francophones, notamment pour sa création du remarquable podcast « Scepticisme scientifique » dans lequel on retrouve plusieurs membres de l’AFIS.
L’ouvrage fait partie d’une collection dont un ouvrage (60 questions étonnantes sur l’amitié) a été présenté par Martin Brunschwig dans le n° 317 de « Science et pseudo-sciences ».
Pour répondre à une série de questions pertinentes et parfois drôles, l’auteur a choisi chaque fois une recherche scientifique représentative, publié dans un revue de haut niveau. Quelquefois il s’agit d’une méta-analyse. Chaque présentation s’articule en quatre parties : une introduction situant la problématique, la méthode utilisée, les résultats, une conclusion qui porte notamment sur la validité de la recherche et sur le degré de généralité des observations. L’auteur a sélectionné les recherches parmi une large diversité de pays et de publications. Il a pris soin d’en donner les références précises.
De nombreux chapitres sont consacrés à des caractéristiques de personnes qui croient facilement à des phénomènes paranormaux tels que fantômes, enlèvement par des extraterrestres, etc. : des traits de personnalité (par exemple la recherche de sensations), des modes de perception (ainsi les croyants donnent plus facilement que les sceptiques un sens à des formes aléatoires) et des façons de raisonner (par exemple les croyants sont davantage sensibles à des coïncidences). Parmi les autres questions abordées, citons à titre d’exemple l’explication neurophysiologique des expériences de décorporation et de mort imminente, les stratégies des médiums, la validité de techniques psychologiques comme l’hypnose et la PNL (programmation neurolinguistique), les faux souvenirs, l’astrologie, la télépathie, l’impression d’être épié.
L’auteur écrit de façon soignée, élégante et avec une bonne dose d’humour. On peut seulement regretter qu’il faille de bons yeux ou de bonnes lunettes pour lire cet ouvrage au format de poche.

Jacques Van Rillaer

 

 

Région PACA : cycle de conférences Science Culture en lycées

Depuis 2012, le Cortecs, en collaboration avec l’association ASTS-PACA, gère et organise des conférences à destination des lycées de la région Provence Alpes Côte d’Azur. Dans le cadre du dispositif Science Culture, ces conférences sont proposées aux établissements qui en font la demande. Deux interventions, au choix parmi les sujets ci-dessous, entièrement financées, sont préparées en concertation avec les enseignants et personnels de direction des lycées retenus. Cette page est notamment à destination des collègues souhaitant trouver des informations concernant chaque thématique : description, public visé, ressources. Denis Caroti et Cyrille Baudouin répondent à vos questions si besoin (contacts : carotiatcortecs.org et baudouinatcortecs.org)

Manipulation et influence : du quotidien aux dérives sectaires

Présentation

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L’objectif est de montrer que les techniques d’embrigadement sectaires et les aliénations en temps de guerre n’ont rien de très différent des techniques de manipulation classiques dans la vie de tous les jours, que ce soit dans la publicité, les relations au travail ou dans nos interactions quotidiennes personnelles. Pourquoi et comment sommes-nous amenés à faire des choses contre notre gré ? Comment éviter de tomber dans les pièges abscons, effet de gel ou autres tentatives de manipulation ? Comment pouvons-nous comprendre les comportements d’engagement de type sectaire ? Nous aborderons quelques outils d’autodéfense intellectuelle utiles pour maintenir notre vigilance critique dans ce domaine.

Public concerné

De la seconde à la terminale, toutes sections, que ce soit en voie professionnelle ou générale et technologique. La pertinence étant maximale avec les élèves sensibilisés à la philosophie.

Préparation

– On peut commencer par questionner les élèves sur le sens des mots mais également : comment peut-on accepter de faire certaines choses qui semblent, de l’extérieur, totalement irrationnelles et incompréhensibles ? Est-on réellement libre de faire ce que l’on veut ? N’y a-t-il pas des contraintes sociales, culturelles ou génétiques qui pèsent sur nos choix et influences nos décisions ? Proposer aux élèves de définir les termes manipulation, influence, dérive sectaire.

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Vidéos et articles

Un article sur l’utilisation de célèbres expériences de psychologie sociale

– Une vidéo de Lazarus sur la manipulation des images

Sciences, esprit critique et autodéfense intellectuelle

Présentation

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Les connaissances scientifiques garantissent-elles un esprit critique affûté ? En l’absence d’enseignements spécifiques, pas si sûr… L’outillage critique est nécessaire aussi bien pour distinguer les contenus scientifiques des contenus pseudoscientifiques, critiquer les médias, qu’évaluer les thérapies efficaces, déceler les mensonges à but commercial ou politique, ou prévenir l’intrusion des idéologies en science, comme dans le cas du créationnisme. Il ne nécessite pas de bagage scientifique important, et confère pourtant les moyens de se défendre intellectuellement face aux idées reçues, aux préjugés, aux arguments fallacieux avec des outils simples. Cet apprentissage prend son sens non seulement en classe, mais également dans la vie de tout citoyen qui, soumis à des flots incessants d’informations, devrait être en mesure de faire ses choix en connaissance de cause…

Public concerné

Tous niveaux, toutes sections. Adapté en fonction des classes. 

Préparation

– On peut proposer aux élèves de définir, en quelques minutes, et par groupe, les mots suivants : « paranormal », « surnaturel », croyance, « esprit critique » et « science ». Inviter également les élèves à débattre de l’intérêt de développer ou pas l’esprit critique, comment y parvenir ?

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Vidéos et articles

Sur le rasoir d’Occam

Sur les illusions et paréidolies

Sur l’effet puits

Sur la notion de croyance

Science et astrologie : l’astrologie raconte-t-elle des histoires ?

Présentation

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L’astrologie est omniprésente dans notre quotidien : radio, télé, magazines, internet, difficile de passer une journée sans entendre parler de son horoscope. Faut-il s’en soucier ? La question devient intéressante et commence à nous interpeler lorsque l’on sait que des entreprises louent les services d’astrologues pour leurs recrutements, qu’une astrologue prétend soigner grâce à un thème astral, ou bien encore qu’un député affirme publiquement consulter le signe de ses collaborateurs. Nous pouvons alors légitimement nous interroger sur la validité et l’efficacité de cette pratique. Quelles différences entre astronomie et astrologie ? Entre science et astrologie ? Dans cette conférence, nous présenterons quelques bases pour mieux comprendre la démarche scientifique et en tirer les outils nécessaires à une critique argumentée et sans détour des revendications scientifiques de l’astrologie.

Public concerné

Tous niveaux, toutes sections. Adapté en fonction des classes.

Préparation

– On peut proposer aux élèves, par groupe de 4 ou 5, de proposer une définition des termes « astronomie », « astrologie », « science », « pseudosciences ». On peut aussi lancer le débat sur la présence importante des horoscopes dans les médias. Comment expliquer un tel succès ?

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Vidéos et articles

Sur l’effet Barnum/Forer

Sur la critique et l’histoire de l’astrologie

Physique et pseudosciences : quelques outils pour s’y retrouver

Présentation

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Si en sciences, et notamment en physique, il est possible de donner sous certaines conditions un sens précis aux mots énergie, ondes, dualité, attraction, etc., l’utilisation et même la « réalité » de ces concepts n’ont de sens que sous les conditions et les limites strictes dans lesquelles elles ont été définies. Pourtant, ces termes sont réutilisés et réinterprétés (ce qui n’est pas un mal en soi) dans de nombreuses pratiques ou thérapies : non pour enrichir les savoirs, la connaissance et l’interdisciplinarité (processus normal de l’activité intellectuelle) mais bien plus pour donner un vernis scientifique et tromper l’esprit au son du mésusage de la langue, du dévoiement des concepts et faire obtenir l’adhésion à une kyrielle de pratiques dont les fondements et les preuves sont loin d’être assurés. Comment trier alors dans ce flot d’informations et d’affirmations sans être spécialiste ? On donnera quelques outils et pistes de réflexion pour faire ses choix en connaissance de cause.

Public concerné

Tous niveaux, toutes sections. Adapté en fonction des classes.

Préparation

– On peut demander aux élèves, en groupe de 3-4, de proposer une définition des termes suivants : « science », « pseudosciences », « croyance », « paranormal », « surnaturel ». On peut aussi lancer le débat sur la diffusion de ces phénomènes dans les médias et sur les risques/avantages liés à une telle présence.

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Vidéos et articles

Des « pouvoirs » du corps expliqués par des effets physiques

Sur l’utilisation du mot « énergie »

Sur l’effet impact

Sur l’effet paillasson

Utilisation et distorsion des chiffres : méfiance !

Présentation

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Chiffres de la délinquance, du chômage, de la fraude aux allocations, de l’immigration, des dépenses publiques, de la croissance, du moral des ménages, du CAC 40, de la consommation : pas un seul journal télévisé, pas un seul quotidien qui n’étale multitude de chiffres et de graphiques. Pas un seul politicien, quelles que soient ses idées, qui n’ait pas recours à une avalanche de pourcentages. Comment se prémunir de ce matraquage de données chiffrées ? Comment lutter contre la « mathophobie » qui nous rend si vulnérables ? Nous essaierons de répondre à toutes ces questions et celles que vous ne manquerez pas de poser !

Public concerné

Tous niveaux, toutes sections. Adapté en fonction des classes.

Préparation

– On peut commencer par lancer un débat sur l’utilité des mathématiques dans la vie de tous les jours. Revenir aussi sur l’utilisation des chiffres et statistiques dans les médias en questionnement les élèves sur des exemples qui leur sont familiers (JT, documentaires, publicité)

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Vidéos et articles

Vidéos : comment tromper avec des graphiques et effet cigogne

Le football et les mathématiques

Loi binomiale et échantillonnage

Sur la « prédiction » des crimes et l’outil statistique

La « Nature » : un pilier des argumentaires pseudoscientifiques

Présentation

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Bien que le sens du mot naturel puisse paraître évident, quand on prend un stylo et qu’on essaie d’en donner une définition, on en arrive assez rapidement à se tordre les neurones. Sur quelles idées reposent les différentes définitions de la Nature que l’on rencontre régulièrement dans les médias grand public ou les publicités ? Quelles sont les représentations qu’elles créent dans nos esprits ? Nous verrons que, loin d’être anodines, ces idées peuvent induire non seulement certaines adhésions pseudo-scientifiques, mais surtout des catégorisations sociales dites essentialistes, où l’on postule la nature d’un individu pour le classer selon des critères racialistes ou sexistes.
Des thérapies naturelles au retour vers la nature, de la nature de l’espèce humaine à l’essence de la féminité, nous verrons ainsi en quoi les concepts naturels sont des vecteurs de certaines idéologies et systèmes de domination qu’on penserait disparus.

Public concerné

Elèves de première ou terminale uniquement

Préparation

– On peut demander aux élèves, en petits groupes de 3-4, de s’entendre sur une définition commune du mot « nature ». Ensuite, proposer aux élèves de trouver des exemples où l’on utilise ce mot dans la publicité (« c’est naturel ») ou dans des expressions communes en insistant sur l’aspect moral du jugement qui en découle (c’est bien ou mal d’être naturel ou pas)

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Ressources

Un article développant le contenu de la conférence

Science et médecines alternatives : faire ses choix en connaissance de cause

Présentation

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Les médecines non conventionnelles rencontrent aujourd’hui un succès grandissant auprès du public. Rejet de la médecine « officielle » et « scientifique » ? Peur d’anciens et nouveaux scandales sanitaires ? Attirance pour des thérapies « naturelles », « alternatives » ou « douces » ? Les raisons sont multiples. Mais ce succès est-il pour autant le signe d’une efficacité spécifique réelle ? Les enjeux sont grands et nous concernent tous et toutes car à la santé se greffent bien souvent des questions financières et de choix technopolitiques (pharmaceutiques et/ou thérapeutiques). Les dérives régulièrement recensées, comme les diverses aliénations mentales, nous poussent à nous interroger sur ces pratiques de plus en plus à la mode. La démarche scientifique peut-elle nous aider à répondre à ces questions ? Quels outils critiques peut-on utiliser pour faire des choix en connaissance de cause ?

Public concerné

Élèves de terminale de préférence

Préparation

– On peut demander aux élèves de se réunir par groupes de 3-4 pour définir ensemble les mots « médecine », « science », et, selon le niveau, « placebo ». Puis lancer le débat sur la différence entre science et médecine, sur la notion de placebo et sur les critères qui nous font adhérer à une thérapie donnée. L’idée étant de différencier les types de registres : scientifique, moral, politique, économique.

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Ressources

Un article sur les médecines « alternatives »

Science et créationnismes : un état des lieux

Présentation

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De nombreux enjeux politiques, économiques, technologiques et sociétaux, auxquels sont confrontées nos sociétés contemporaines ne peuvent être appréhendés sans connaissance scientifique : changement climatique, OGM, genres, transhumanisme, nouvelles énergies, etc. Dans la mesure où chaque citoyen ne peut être expert dans tous les domaines, sa capacité à distinguer un discours scientifique d’autres types de discours (idéologiques, religieux) est indispensable pour une démocratie. Or, depuis environ 20 ans, des courants d’inspiration religieuse tentent d’infiltrer les systèmes éducatifs de nombreux pays européens pour promouvoir une vision religieuse du monde en instrumentalisant la science : il s’agit de mouvements créationnistes. Cette intrusion spiritualiste pose le problème de la démarcation entre science et croyances. Comment faire la distinction entre ces différents discours ? En quoi l’instrumentalisation du discours scientifique est-elle un enjeu politique ? Les questions soulevées par ces thématiques sont au cœur des pratiques scientifique, citoyenne et politique actuelles.

Public concerné

Terminales de préférence, premières selon le contexte.

Préparation

– Demander aux élèves de définir, par petits groupes de 3-4, les mots « religion », « science », « croyance » et « créationnisme ». Lancer le débat en questionnant les élèves sur les liens entre science et religion, entre scientifiques et croyances.

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Ressources

Une conférence filmée de Julien Peccoud

Une autre conférence filmée de Julien Peccoud

Quantoc : l’art d’accommoder le mot quantique à toutes les sauces

Présentation

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Théorie fascinante, toujours en élaboration, la physique quantique est devenue un véritable marronnier de la vulgarisation des sciences, à grands coups de mises en scène nimbées de mystère. Cela serait sans réelle conséquence s’il n’était tout un marché naissant, poussant telle une mousse sur le travail d’Einstein, Heisenberg et leurs continuateurs : techniques de bien-être quantique, thérapies et médecines quantiques soignant les cancers, quand il ne s’agit pas de justifier n’importe quel scénario surnaturel au moyen d’une mécanique quantique revisitée qui n’a plus grand chose à voir avec l’originale. Le quantique a bon dos. Or, comprendre cette physique nécessite un temps d’apprentissage que le public n’a probablement pas. On présentera donc un guide de première nécessité, un modeste guide de survie épistémologique pour tenter d’éventer les baudruches que certains affairistes «quantiques» n’hésitent pas à agiter comme des lanternes. Une mélopée rationnelle parmi les cantiques quantiques. Une mince chandelle dans la physique de l’infiniment petit.

Public concerné

Uniquement terminales ou premières scientifiques

Préparation

– On peut demander aux élèves de définir, en petits groupes de 4-5, le terme « quantique » et de différencier sa définition et sa connotation. Lancer le débat sur la présence de ce terme dans les médias avec des exemples de couverture de Science et Vie par exemple.

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Ressources

Un article sur une couverture de Science et Vie

Un article reprenant la conférence

Sur les implications philosophiques

Zététique : esprit critique es-tu là ?

Présentation

Pyrrhondelis

Le terme zététique (du grec zétèin signifiant chercher) remonte à quelque deux mille trois cents ans. Désignant une attitude de refus envers toute affirmation de type dogmatique, Pyrrhon d’Élis fut le premier des zététiciens : remise en question permanente et doute radical étaient ses marques de fabrique. La zététique aujourd’hui, c’est la méthode scientifique d’investigation des phénomènes « surnaturels », étranges, des théories bizarres : balayant un spectre allant des monstres mystérieux en passant par les poltergeists, les ovnis, ou même la radiesthésie, la télékinésie, la télépathie, jusqu’aux thérapies non conventionnelles, le cœur de la zététique réside dans une méthode d’analyse commune à tous ces phénomènes et appropriable par tout un chacun : la démarche scientifique. Pour mettre en pratique cette démarche, des protocoles expérimentaux sont élaborés pour tester concrètement les affirmations contenues dans ces phénomènes.
La base de la zététique est donc le doute, mais un doute fertile, permettant d’examiner et d’aller vérifier les affirmations produites, les faits soi-disant avérés, de trier parmi les hypothèses pour, in fine, faire ses choix en connaissance de cause. Plus qu’une simple démarche, c’est une pédagogie à l’esprit critique : savoir discerner le bon grain de l’ivraie, le vrai du faux, savoir construire son opinion personnelle et pouvoir la remettre en question par la prise de conscience de la part d’affectivité et de l’influence de préjugés ou de stéréotypes sur nos croyances et nos adhésions.

Public concerné

Tous niveaux, toutes sections.

Préparation

– On peut demander aux élèves, en groupe de 3-4, de proposer une définition des termes suivants : « science », « pseudosciences », « croyance », « paranormal », « surnaturel ». On peut aussi lancer le débat sur la diffusion de ces phénomènes dans les médias et sur les risques/avantages liés à une telle présence.

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Ressources

Une page entièrement dédiée à la zététique

La chaîne youtube « La tronche en biais »