Publication sur l'ostéopathie viscérale dans BMC Complementary and Alternative Medicine

Depuis plusieurs années, nous analysons de manière approfondie l’historique, les fondements physio-pathologiques, les outils diagnostics et l’efficacité spécifique de diverses thérapies ou méthodes, pratiquées notamment par les kinésithérapeutes : fasciathérapie méthode Danis Bois, biokinergie ou encore ostéopathie crânienne. En décembre 2016, nous vous annoncions notre publication, non sans encombre, d’une partie de nos travaux sur l’ostéopathie crânienne dans Plos One. Nous nous sommes à nouveau soumis·es au processus de relecture par les pairs pour publication dans une revue scientifique indexée. Cet article porte cette fois sur l’ostéopathie viscérale. Se trouve ci-dessous la référence de la publication (en accès libre), son résumé, ainsi qu’une petite note à l’intention de nos lectrices et lecteurs qui attendent avec impatience la mise à disposition de notre rapport complet sur l’ostéopathie viscérale.

Référence de l’article

Albin Guillaud, Nelly Darbois, Richard Monvoisin, Nicolas Pinsault. Reliability of diagnosis and clinical efficacy of visceral osteopathy: a systematic review. BMC Complementary and Alternative Medicine. 2018 18:65

Lire ou télécharger la publication en PDF ici.

Résumé (en anglo-américain)

Il est possible d’utiliser Deep-L pour traduire ce texte.

Background

In 2010, the World Health Organization published benchmarks for training in osteopathy in which osteopathic visceral techniques are included. The purpose of this study was to identify and critically appraise the scientific literature concerning the reliability of diagnosis and the clinical efficacy of techniques used in visceral osteopathy.

Methods

Databases MEDLINE, OSTMED.DR, the Cochrane Library, Osteopathic Research Web, Google Scholar, Journal of American Osteopathic Association (JAOA) website, International Journal of Osteopathic Medicine (IJOM) website, and the catalog of Académie d’ostéopathie de France website were searched through December 2017. Only inter-rater reliability studies including at least two raters or the intra-rater reliability studies including at least two assessments by the same rater were included. For efficacy studies, only randomized-controlled-trials (RCT) or crossover studies on unhealthy subjects (any condition, duration and outcome) were included. Risk of bias was determined using a modified version of the quality appraisal tool for studies of diagnostic reliability (QAREL) in reliability studies. For the efficacy studies, the Cochrane risk of bias tool was used to assess their methodological design. Two authors performed data extraction and analysis.

Results

Eight reliability studies and six efficacy studies were included. The analysis of reliability studies shows that the diagnostic techniques used in visceral osteopathy are unreliable. Regarding efficacy studies, the least biased study shows no significant difference for the main outcome. The main risks of bias found in the included studies were due to the absence of blinding of the examiners, an unsuitable statistical method or an absence of primary study outcome.

Conclusions

The results of the systematic review lead us to conclude that well-conducted and sound evidence on the reliability and the efficacy of techniques in visceral osteopathy is absent.

Plus d’informations

Cet article est tiré d’un rapport que nous avons réalisé à la demande du Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes (CNOMK). En plus du contenu de la publication dans BMC Complementary and Alternative Medicine, sont présentés dans ce rapport les résultats d’une enquête exhaustive sur l’histoire de l’ostéopathie viscérale, la description précise de ses fondements théoriques, et l’analyse de la validité scientifique de ces mêmes fondements1. Ce rapport est élaboré à partir d’une méthodologie similaire à celle employée dans le rapport sur l’ostéopathie crânienne, mais améliorée par notre expérience, nos erreurs et l’aide des outils de la collaboration Cochrane en constante évolution. Nous avons terminé et rendu le rapport au CNOMK en octobre 2016. Ce travail n’a pas encore été rendu public.

Publication du CorteX dans Plos One – Les affres de la publication scientifique

Si vous suivez régulièrement les travaux du collectif, le rapport sur l’ostéopathie crânienne réalisé à la demande du Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes (CNOMK) et les réponses portées aux réactions suivant sa parution ne vous auront pas échappés. Après un an de labeurs, nous venons tout juste de publier Reliability of Diagnosis and Clinical Efficacy of Cranial Osteopathy : A Systematic Review dans Plos One. Nous vous livrons ici le dessous des cartes, une illustration de plus des limites et des avantages du processus de publication scientifique actuel. Pour nous, accepter de se plier aux règles du jeu imposées n’a de sens qu’en les explicitant, pour que chacun puisse affiner son regard critique sur ce système.

Première étape : affrontement de considérations éthiques et économiques – Le choix de la revue

Logo Boycott Elsevier (parmi d’autres créé par Michael Leisen)Le vieux sage se tourne cette fois vers la planète de PLoS, Public Library of Science, pour un accès libre, et laisse l’arbre mort seul.
Logo Boycott Elsevier (parmi d’autres créé par Michael Leisen). Le vieux sage se tourne cette fois vers la planète de PLoS, Public Library of Science, pour un accès libre, et laisse l’arbre mort seul.

Le choix de la revue ne s’est pas fait sans mal. En 2013, nous signalions notre boycott d’Elsevier1. Nous manifestions notre refus de publier chez des éditeurs qui privatisent et rendent lucrative la connaissance alors que celle-ci est souvent le fruit de l’argent public investit dans la formation et le financement des chercheur/ses. Seulement, les alternatives sont coûteuses et demandent de faire des concessions. Nous pouvions faire le choix de ne pas publier dans une revue avec relecture par les pairs, mais nous aurions alors perdu en qualité scientifique et en visibilité internationale. Une autre alternative est de publier dans une revue en accès libre avec relecture par les pairs. Cette option présente l’inconvénient de générer un coût financier substantiel pour une petite équipe comme la nôtre. C’est pourtant le choix que nous avons fait. La rétribution octroyée par le CNOMK au CorteX pour son rapport sur l’ostéopathie crânienne, que nous destinons au financement de stages de master 2, a ainsi été amputée des 1400 euros réclamés par Plos One. C’est semble-t-il le prix à payer pour garantir un accès libre et gratuit au compte-rendu d’un travail de recherche relu par les pairs.

Deuxième étape : le problème linguistique – La nécessité de recourir à un anglais « natif »

Impérialisme culturel et linguistique

Une fois la revue choisie, une étape cruciale s’est présentée : celle de la traduction. La question ne se pose pas lorsque l’on souhaite publier dans une revue de bonne qualité scientifique dans le champ de la santé : il faut écrire en anglais, bien que nous le déplorons2. Nicolas Pinsault est le plus affûté d’entre nous avec la langue de Shakespeare et le vocabulaire scientifique, c’est donc lui qui a écrit l’essentiel de l’article. Nous avons ensuite tou-tes relu son manuscrit, puis nous l’avons soumis aux gracieuses relectures de nos ami-es Maguendra Codandamourty, Phillipe Prouvost, Catherine Wilcox et Edward Ando, qui ont respectivement vécu et travaillé dans un pays anglophone, enseigné l’anglais toute une carrière ou sont carrément anglophone de naissance. Qu’ils et elle en soient chaleureusement remercié-es. Assez confiant-es après toutes ces précautions, nous soumettons notre manuscrit à Plos One. Advient alors notre première déconvenue. Notre manuscrit ne passe même pas à l’étape de l’attribution d’un éditeur à cause de fautes de grammaire et de lisibilité globale du texte. Plos One nous suggère de nous tourner vers quelqu’un qui parle anglais de manière fluide, et si possible un natif. Aucune précision supplémentaire sur les passages concernés n’est amenée, ce qui nous a mis dans l’impossibilité de reprendre nous-même l’article. Notre ultime solution est alors de nous tourner vers une traductrice scientifique professionnelle, le Dr Alison Foote de l’Université Grenoble-Alpes, qui a accepté de modifier notre manuscrit dans des délais très courts imposés par la revue. À nouveau, notre cagnotte réservée initialement aux futurs stagiaires de Master se voit amputée de quelques centaines d’euros.

Après la correction d’éternelles coquilles et « vices de forme » dans les tableaux et figures, qui nous ont valu de perdre quelques cheveux – qui s’obstine à utiliser des logiciels sous licence libre comprendra, nous avions enfin un manuscrit linguistiquement acceptable pour Plos One.

Troisième étape : la relecture par les pairs − Intérêt réel du système de publication

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À ce stade, plusieurs mois se sont déjà écoulés, alors que la qualité scientifique de notre manuscrit n’a pas encore été étudié. Qui plus est, alors que nous avons déjà passé tant d’heures à reprendre le contenu, Plos One nous informe que le processus est bloqué car la revue n’arrive pas à trouver un éditeur3. Heureusement, quelques semaines plus tard, nous recevons enfin un message nous informant que notre article a été attribué à un éditeur, le Dr. Fleckenstein. Il a confié la relecture à trois relecteurs/trices anonymes. Leurs retours nous imposent de reprendre l’article et d’y apporter des « révisions majeures ». Soit. Nous acceptons bien évidemment les critiques, certaines étant très pertinentes. Nous est demandé d’affiner l’analyse, de préciser la méthode et d’approfondir les discussions. Finalement, après avoir tenu compte des relectures, l’article est d’une qualité sans commune mesure avec le premier jet. Ceci nous conforte dans l’intérêt de se soumettre à la relecture par les pairs, car nous améliorerons ainsi la fiabilité de nos revues systématiques à venir – bien que nous ne remboursons pas notre dette de sommeil, tant s’accumulent de nouvelles heures de travail de fond, de forme et de traduction, l’exigence de l’anglais natif étant toujours là.

Quatrième étape : affrontement de considérations épistémologiques

"Les preuves sont comme les poires : de ux poires médiocres ne font pas une  bonne poire (à la rigueur une compote)" - Tirée de la thèse de Richard Monvoisin
« Les preuves sont comme les poires : de
ux poires médiocres ne font pas une
bonne poire (à la rigueur une compote) » – Tirée de la thèse de Richard Monvoisin

Nous soumettons alors la nouvelle mouture une énième fois à Plos One. La réponse qui nous parvient quelques semaines plus tard nous laisse cette fois-ci complètement abasourdi-es : le manuscrit doit à nouveau subir une révision majeure. Alors que deux relecteurs/trices jugent nos modifications très adéquates et sont heureux de recommander la publication de l’article, le/la troisième relecteur/trice est « disagree with the approach of only highlighting the better quality studies », alors qu’il n’avait rien dit à ce sujet lors de sa première relecture. Autrement dit, le reproche que nous faisait ce relecteur était de ne pas accorder assez de place dans la discussion aux études de mauvaise facture méthodologique. Si cela peut s’avérer justifié s’il s’agit d’élaborer des conseils et recommandations aux futur-es chercheurs-ses pour concevoir de meilleures études (ce que nous avons déjà fait sur conseil d’un-e autre relecteur-trice), ce que nous demande le présent relecteur n’est ni plus ni moins que de considérer les mauvaises études comme des preuves : « The authors should strive to discuss all of the included studies in their paper. Otherwise, they put the spotlight on a subset of articles and do not report the totality of the evidence. » Nous sommes à ce stade tou-tes dépitées et l’envie de tout abandonner est bien là. Notre volonté de rigueur épistémologique et nos futurs projets nous motivent cependant à continuer – avec un soupçon d’escalade d’engagement.

Nous reprenons alors une énième fois le manuscrit en prenant en compte les quelques remarques de forme restantes. En revanche, nous refusons de modifier le manuscrit en fonction de la principale critique du troisième relecteur (ici). Nous avons argumenté ce point . Le tout se fait toujours laborieusement en anglais, et repasse à chaque fois par la case traduction professionnelle.

Cette fois, enfin, nos efforts paient (notre cagnotte aussi), notre manuscrit est accepté et sera publié dans les semaines qui viennent.

Trois questions restent en suspens :

primo, où vont ces 1400 euros ? A quoi servent-ils, et à qui ?

Secundo, les structures sans financement comme la nôtre n’ont aucune chance de publier tant le processus est cher. Il y a une sorte de gentrification de la publication, qui de fait exclut les petits, les chercheurs de pays pauvres, les hors-grosses structures4.

Tertio, n’aurions-nous pas dû avec le même investissement écrire deux livres grand public bon marché, faire 25 conférences gratuites, ou encore faire des conférences de méthode critique dans des universités d’Afrique de l’Ouest ? C’est l’éternel dilemme moral de toute personne ou collectif qui souhaite avoir le meilleur impact sur son monde : sommes-nous sûrs de devoir faire ceci plutôt que cela ? Avant de nous lancer dans cette publication, nous avons fait sciemment certains paris stratégiques. Espérons que ceux-ci porteront leurs fruits car leur coût est, comme prévu, élevé.

Albin Guillaud, Nelly Darbois, Nicolas Pinsault et Richard Monvoisin.

Esprit critique & kinésithérapie : le nouveau cru est arrivé !

Comme chaque année, depuis 18 ans maintenant, l’école de kinésithérapie du CHU de Grenoble organisait sa journée de recherche (voir le programme et les résumés dans le livret journée recherche 2013). Cette année le CorteX (Richard Monvoisin et Nicolas Pinsault) a participé à l’encadrement de deux mémoires de recherche en lien avec ses thématiques critiques. Ces travaux, menés le plus rigoureusement et impartialement possible, ne manqueront pas d’alimenter les réflexions et discussions autour des thérapeutiques manuelles.
Bonne lecture

Le premier mémoire, fruit du travail de Philippe-Antoine David, porte sur le positionnement des kinésithérapeutes par rapport aux thérapies dites « alternatives » et s’intitule Kinésithérapeutes et thérapies alternatives : entre culture professionnelle et flou identitaire. On note le concours de Julien Lévy1, un sociologue contributeur du CorteX, aux manettes de la méthodologie de ce travail de recherche.

  • Le mémoire (en pdf actualisé le 22/07/2013 : DAVID. P)
  • Le poster (le pdf : Poster PA-DAVID)
  • La présentation orale (à venir)

Le second mémoire est signé Yannick Ponséro et s’intitule Effet de la stimulation des points réflexes neurolymphatiques sur l’extensibilité des ischio-jambiers. Ce mémoire est l’occasion d’examiner plus en détail les fameux points réflexes du Dr Franck Chapman.

  • Le mémoire (en pdf actualisé le 22/07/2013 : PONSERO. Y)
  • Le poster (à venir)
  • La présentation orale (à venir)

Pour tout détail, complément ou remarque :

  •  P.A. David ou Y. Ponséro via

R. Monvoisin – Collectif de Recherche Transdisciplinaire Esprit Critique & Sciences (CORTECS) Bureau des Enseignements Transversaux – Département des Licences Sciences & Techniques  480 avenue Centrale Domaine Universitaire BP 53 – 38041 Grenoble cedex 9 – Monvoisin@cortecs.org.

ou N. Pinsault – Ecole de Kinésithérapie du CHU de Grenoble 19 avenue de Kimberley – BP 158 38431 Echirolles Cedex Tel : 04.76.76.89.41 NPinsault@chu-grenoble.fr

Nicolas Pinsault

1. Voir les contributions de Julien Lévy ici ou

La kinésithérapie sabordée

Alors que la réforme de formation semblait bien engagée pour nos amis kinésithérapeutes, les dernières nouvelles issues d’un courrier des ministres de la santé et de l’enseignement supérieur ne sont pas rassurantes quant au niveau de sortie des étudiants de cette filière. En effet, le grade universitaire de licence proposé ne devrait qu’accroître la faiblesse épistémologique des futurs professionnels et faire la part belle à toute les pseudo-thérapies.


Le Masseur-kinésithérapeute est un professionnel de santé connu et reconnu depuis plus d’un demi-siècle en France. On s’imagine le Masseur-kinésithérapeute (MK) garçon ou fille, sympathique, le teint hâlé, d’allure sportive dans sa blouse blanche et mobilisant nos membres avec bienveillance. On lui confierait le bon dieu et la santé de nos proches sans confession, convaincu de la qualité et de la quantité de la formation médicale théorique et pratique qu’il a reçue. Notre méconnaissance des hiérarchies médicales nous ferait parfois l’appeler Docteur, ce qu’il n’est pas, mais témoigne de la confiance qu’on lui accorde. Si les cinquante dernières années ont permis à cette profession, née quasiment en même temps que notre sécurité sociale, de s’affermir parfois au prix de luttes acharnées, c’est au cours de la dernière décennie que son statut a réellement évolué.

Vers le cap alléchant de l’autonomie

Les dispositions réglementaires de l’hiver 2000[1], ont visé à responsabiliser les praticiens, les élevant d’un statut d’exécutant de techniques à un statut de décideur/prescripteur, responsable vis-à-vis non seulement du patient, mais aussi des médecins/prescripteurs et de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie. Réclamée de longue date par la profession, cette responsabilité plus grande dans la planification thérapeutique devait logiquement s’accompagner de modifications de la formation et de l’exercice professionnel. Un conseil national de l’ordre veillant au maintien des principes de moralité, de probité et de compétence indispensables à l’exercice professionnel était créé en même temps qu’une réflexion sur les contenus de formation et la réingénierie du diplôme, à intégrer dans un cursus Licence-Master-Doctorat.

Débordée des deux cotés

Le besoin de réforme de la formation initiale est d’autant plus crucial et urgent que la kinésithérapie est une discipline chargée du poids du devenir fonctionnel des patients. Pourtant, son socle repose sur des sables mouvants. Responsabiliser les praticiens dans leurs stratégies thérapeutiques n’a de sens que s’ils sont aptes à faire des choix éclairés parmi l’offre des techniques disponibles, dont la profusion peut étonner. Or le développement des technologies de l’information et de la communication s’est traduit par une augmentation spectaculaire de la diffusion d’informations de santé, au point de rendre cette offre pléthorique et d’y – potentiellement – noyer le « gentil kiné » qui est désormais bien en peine d’exercer une sélection critique dans ce marécage. Il se retrouve vite débordé de toute part dans sa légitimité, d’un côté, par les instituts de soin et de bien-être, de l’autre,  par les thérapeutes auto-proclamés usant de techniques sans fondement scientifique. On comprend donc l’impérieuse nécessité qu’il y a de permettre aux kinésithérapeutes de disposer d’outils pour faire un tri des éléments constitutifs de leur profession autant que de savoir les appliquer. Cette nécessité est d’autant plus grande que le secteur du bien-être et des thérapies dites “alternatives” est en pleine expansion, avec son cortège de techniques non éprouvées fleuretant avec l’étrangeté et l’exotisme en guise de lettres de noblesses, et qui revendiquent tous les oripeaux de la rééducation.

Le sabordage organisé

Sans formation initiale suffisante, point de salut pour cette profession bringuebalée.L’acquisition des connaissances méthodologiques, théoriques et techniques permettant aux professionnels de faire des choix éclairés, d’appliquer des techniques adaptées à chaque patient considéré avec bienveillance et humanité, prend du temps. N’en déplaise à certains responsables politiques, les kinésithérapeutes sont prêts à assumer leurs nouvelles responsabilités pour peu qu’on leur en laisse l’opportunité et qu’on leur en donne les moyens. Ces moyens passent par une formation initiale des kinésithérapeutes dans un cursus universitaire menant au minimum au grade de Master car seule l’acquisition de ce grade permettrait aux étudiants d’avoir un volume d’heures d’enseignements suffisants pour développer leur esprit critique. Il faut notamment du temps pour une formation « par » et « à » la recherche scientifique, reconnue comme l’école de l’acuité et de la rigueur intellectuelle exigeant de dépasser les efforts de ses pairs et permettant d’acquérir les qualités indispensables aux professions de santé. Le grade de Doctorat, qui serait à créer pour cette discipline, pourrait quant à lui ouvrir aux Masseur-kinésithérapeutes l’accès à des postes d’enseignant-chercheur connus pour dispenser un enseignement nourri par la recherche, donc fondé sur l’« evidence based practice », garante de la qualité des soins offerts au patient. Cela ferait de l’art kinésithérapique une science à part entière, et non une demi-science. Mais foin d’emballement ! Ces propositions d’évolution, pourtant logiques, ne semblent pas retenir l’attention des ministères en charge de la santé et de l’enseignement supérieur. Selon un courrier du 25 janvier, co-signé par les ministres des Affaires sociales et de la Santé et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, les kinésithérapeutes sortiront par la petite porte avec un niveau de licence, ouvrant un peu plus large les brèches ouvertes aux prises en charges fantaisistes et aux techniques sans efficacité. Puisse cet article faire perfuser une pensée politique asséchée et contribuer à réanimer les droits des professionnels et des patients afin que leur demande d’une formation des professionnels digne de notre système de soin soit (enfin) entendue par les ministres de tutelle.

Nicolas Pinsault


[1] Arrêté du 22 février 2000 modifiant l’article 4 de l’arrêté du 6 janvier 1962.