Best of – Les meilleurs dossiers Z du semestre 24, mai 2017

Depuis douze ans, les étudiant-es qui suivent le cours Zététique & autodéfense intellectuelle à l’Université Grenoble-Alpes rendent des dossiers. Certains sont vraiment très bons, et méritent d’être diffusés. D’autres sont certes moins bons, mais valent le détour par une certaine forme d’audace. Ce semestre, il y a de la psychologie (modèle Walt Disney de Dilts, test de Wason, affaire d’Outreau), de la parapsychologie (avec deux dossiers sur le Ganzfeld), de l’histoire (Jésus de Nazareth, Vercingétorix), de la lune, des médiums, et du bizarre comme à Kilteasheen ou dans le Minnesota avec l’homo pongoïdes. Il y aussi des sujets plus complexes, sur les argumentaires pédophiles et sur le pseudo-syndrome post-abortif cher aux anti-avortement. Merci à vous, collègues étudiant-es ! Je me régale à vous lire.

Je précise que pour des étudiant-es de 1ère et 2ème année, ce type de travail d’enquête est souvent une première pour elles-eux, aussi la forme est-elle parfois décousue, et les fautes sont parfois la forme de vraies constellations. Peu importe : ce qui compte est la qualité de la recherche, et la curiosité.

La Programmation Neurolinguistique : étude du modèle Walt Disney de R. Dilts – Laurene DEPIERREUX, Quentin PICCOLI, Lisa PAILLUSSIERE, Elsa BROCHIER, Elisa DECOURCELLE, Rayan HACINI

Y a-t-il une influence de la lune sur les naissances / sur les crimes et délits (effet transylvanien) ?  – Shaan PREVOST, Noémie JULITA, Iris PAPAIANNOU, Alysée DIJOUX, Marion BLAIN

L’efficacité des médiums lors d’enquêtes policières est-elle prouvée ?  – Francis DEVAUX, Rémi CHAMPON, Tristan CHAPUS, Céline CHARLES

Homo Pongoïdes, l’homme congelé du Minnesota – Hugo VALDENAIRE, Félicien MARGUERETTAZ-MAIRESSE, Alexia BENDRIS, Mathilde CHAMEL

Mémoire des enfants. Étude de cas : l’affaire d’Outreau – Morganne ARNAUD, Léa LISI, Anastasia LESNE, Romain BALDUCCI

Les sépultures déviantes de Kilteasheen – Arthur SERBAT, Roman CHARVIER, Carla CorteX_KilteasheenDAMIRON, Mélodie DUPRE, Yoshua PINERA, Pierre Vincent BARBON

L’existence de Jésus Christ est-elle plausible ? – Gabriel ROGER-MARGUERITAT, Amelle ZITOUNI, Angélina COQUELIN, Yannis VECCHIALI, Marie DANTONNEL

Les raisons de censure peuvent-elles être similaires dans les pays du Maghreb et en France ? – Wissem MHANI, Hanan MOUNTAZIH, Majdouline MERRI, Nora JAAFAR, Simon MARSEILLE

Test de Wason, biais de confirmation, d’appariement, influence sociologique – Martial DAMAISIN, Anthony PRUDENT, Mohamed LAALIAOUI, Arnaud TUPIN

Le protocole Ganzfeld permet-il de mettre en évidence l’existence de la télépathie ?

Head of "Mind Control" Jack Gariss
Head of « Mind Control » Jack Gariss

Émilie COUTIER, Mathilde CHAPELAY, Camille TRIBOUT, Anaïs DANIEL, Antoine ROTIVAL, Antoine DROBECQ, Thomas GUEVARA, Marion CARRE, Jules GUTTIERREZ, Rayan HACINI, Dylan GILLIOZ, Maxime VALENTIN, Thomas GARDON, Mathieu SAVIN, Benjamin METHE, Sylvain BUSCOZ, Marion CARRÉ, Antoine ROUX

L’expérience de Ganzfeld prouve-t-elle l’existence d’un paramètre de nature télépathique entre deux individus ? – Bastien SAVIN, Noélie GANIVET, Timothée MUNSCH, Esteban GARCIA

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Les arguments de la NAMBLA et de la René Guyon Society sont-ils valables au regard de la science et de l’analyse rhétorique ? – Charlotte MARTIN, Noémie MALOSSANE, Childeric DEZIER, David MIMRAN

La statue de Vercingétorix d’Alise-Sainte-Reine est-elle réaliste ? – Solène DELEGLISE, Caroline FACCHINI, Arsène MARQUIAND, Théo MAZOYER, Antoine PICAROUGNE, Adrien RASATA

Les arguments anti-avortements sur le syndrome post-abortif sont-ils valables ?  – Salomé BURGET, Deborah TORRES PEREIRA, Isadora MATHEVET, Mélanie MILLIOZ, Priscilla FREYDIER, Dorine LAMPASONA, Aurore CHATELLET, Sarah BALDIN-BRESSOT COIMBRA, Valentine LAIZEAU

Biais de publication et effet tiroir (qui certes, n’est pas commode)

Un biais de publication désigne le fait que les chercheurs (pour leurs CV) et les revues scientifiques (pour leur marketing)1 ont bien plus tendance à publier des expériences ayant obtenu un résultat positif que des expériences ayant obtenu un résultat négatif. Ce biais de publication entraîne un effet tiroir, les résultats négatifs restant « au fond du tiroir ». Cela crée une perception des résultats scientifiques un peu plus « belle » qu’elle ne l’est réellement, et crée parfois ce que l’on appelle des faux positifs.

Même lorsqu’elle ne cherche pas à tout prix le scoop, une revue est dans tous les cas peu encline à publier des résultats non significatifs d’un point de vue statistique 2. Que la revue, malgré une méthodologie irréprochable, ne publie pas les résultats contredisant l’hypothèse initiale (hypothèse qui postule généralement que le traitement testé a un effet) s’appelle le biais de publication 3. Compte tenu des efforts et du temps nécessaire à la publication d’un article par un scientifique, ce dernier peut, devant le biais de  publication, s’autocensurer, et préférer laisser ses recherches au fond du tiroir, sans chercher à les publier. C’est ce biais de pré-publication qu’on appelle l’effet tiroir, ou file drawer effect, nom donné par le psychologue Robert Rosenthal en 1979 4

Cet effet, fort peu documenté, tient sa première étude de Brian Martinson et ses collègues, chercheurs à la Health Partners Research Foundation, qui menèrent en juin 2005 une étude pour le journal scientifique Nature. L’équipe de Martinson envoya une enquête anonyme à des milliers de scientifiques financés par les National Institutes of Health : 6% des répondants reconnurent avoir « rejeté des données parce qu’elles contredisaient leur recherche antérieure », et plus de 15 % ont reconnu avoir fait fi d’observations parce qu’ils avaient « la conviction profonde » qu’elles étaient inexactes, ce qui fit conclure aux auteurs :

« Notre approche permet certainement de songer à l’existence d’un biais de non-réponse. Les scientifiques qui s’en sont montrés coupables étaient peut-être susceptibles de répondre moins souvent que les autres à notre enquête, sans doute parce qu’ils craignaient d’être découverts et sanctionnés. Ce fait, combiné avec celui qu’il y a probablement eu sous-déclaration des écarts de conduite parmi les répondants, tend à montrer que nos estimations des comportements délinquants demeurent prudentes »5

L’effet tiroir est particulièrement sensible dans le cadre de la médecine en général et de la rééducation en particulier puisque les professionnels, n’ayant que peu de temps à consacrer à la consultation des données scientifiques, concentrent généralement leurs efforts sur la lecture des revues systématiques ou des méta-analyses de la littérature (c’est-à-dire un article faisant la synthèse du sujet). Le problème réside dans le fait que ces articles se basent sur les données disponibles, donc publiées, donc plutôt orientées dans le sens d’un effet significatif. Rappelons par acquit de conscience que la significativité statistique ne dit absolument rien de la validité méthodologique d’une étude.

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Extrait de Pinsault N., Monvoisin R., Tout ce que vous n’avez jamais voulu savoir sur les thérapies manuelles, PUG, 2014

Illustration : dans la Tête au carré sur France Inter du 17 juin 2014, une chroniqueuse revient sur la fameuse étude suisse de Cajochen et al.6 liant causalement pleine lune et sommeil, montrant que non seulement l’étude n’est pas reproduite, mais surtout que plusieurs études non publiées ont montré des résultats négatifs.

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On entend bien le pauvre Mathieu Vidard, pas très au point en épistémologie, (voir par exemple ici) y voir « tout et son contraire », alors qu’il s’agit justement d’un biais de publication dans lequel la plupart (pas tous) de ses chroniqueurs tombent, sous prétexte de scoops. La chroniqueuse, qui un an plus tôt avait annoncé le résultat fracassant sans l’ombre d’un doute, ne prend certes pas la peine de s’excuser, mais elle fait tout de même un correctif que bien peu de journalistes concèdent.

RM, NP