Sociologie des parasciences : la preuve par l’absurde ? Lecture critique de la thèse de Pierre Lagrange

Voici un compte rendu de lecture critique de la thèse du sociologue Pierre Lagrange, figure de l’ufologie et de sa sociologie. L’analyse de « Une ethnographie de l’Ufologie : la question du partage entre science et croyance », soutenue en 2009, est effectuée par David Rossoni, co-auteur avec Erik Maillot et Eric Déguillaume de « Les OVNI du CNES – 30 ans d’études officielles« , aux éditions Book-e-Book, et par Jean-Michel Abrassart, bien connu par son podcast balado Scepticisme scientifique [1]. Gageons qu’elle ouvrira des réflexions épistémologiques fécondes.
L’équipe du CorteX

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Sociologie des parasciences : la preuve par l’absurde ?

À propos de Pierre LAGRANGE (2009) – Une ethnographie de l’ufologie : la question du partage entre science et croyance. Thèse de doctorat en sociologie, École des hautes études en sciences sociales.

Dans sa thèse de doctorat consacrée à Une ethnographie de l’ufologie (Lagrange, 2009), Pierre Lagrange ambitionne de réaliser une vraie sociologie des parasciences. Ce que sociologues, anthropologues et historiens auraient jusqu’ici quasiment tous échoués à faire, en raison selon l’auteur de leur incapacité à se séparer de l’idéologie du Grand Partage, c’est-à-dire de « l’idée qu’il existerait une différence intellectuelle entre les façons scientifique et magique de penser » (p. 10), et de leur besoin de la réalité définie par la science, puisqu’ils postuleraient, à tort, « que la science parvient parfois à saisir ce qu’est la réalité, tout simplement, alors que les autres processus, religion, croyance, parasciences, etc., croient juste saisir la réalité mais en fait construisent quelque chose qui n’est pas la réalité » (p. 35).

Lagrange se propose concrètement de mener une étude symétrique, d’une part, des sceptiques critiquant l’hypothèse extraterrestre et, d’autre part, des ufologues qui pensent que les ovnis témoignent de visites extraterrestres (ou du moins ne sont pas réductibles à des phénomènes connus). Nonobstant les idées reçues, le comportement des premiers n’aurait rien de scientifique, car ils ne construiraient point de réseaux pour produire des faits, ne chercheraient pas à s’allier avec des sociologues professionnels et ne feraient qu’envenimer la controverse sur l’existence des ovnis, alors que les seconds auraient mis en place des réseaux visant à produire des faits indiscernables du type de fait que produisent les scientifiques « normaux ». Les ufologues se comporteraient en scientifiques nomades (un concept original de l’auteur), contrairement aux sceptiques qui en définitive seraient les seuls authentiques parascientifiques (p. 378).

À l’inverse d’autres sociologues ayant étudié le soucoupisme, c’est-à-dire l’adhésion à l’explication extraterrestre du phénomène ovni (Renard, 1988 ; François et Kreis, 2010), l’auteur prétend que son analyse de l’ufologie invaliderait cet argument du Grand Partage et toutes les explications en termes de croyances. Pour lui, « le discours opposant science et parascience, savoir et croyance, ne tient pas devant les faits » (p. 11). Son travail présente malheureusement nombre de biais et faiblesses argumentatives, caractéristiques d’une certaine dérive de la mouvance postmoderne (Sokal et Bricmont, 1997 ; Raynaud, 2003 ; Boudon, 2008).

I. Double contrainte pour le lecteur

On retrouve chez Lagrange la thèse d’une science d’origine occidentale ne se distinguant pas fondamentalement des autres formes de connaissances alléguées, sans séparation claire entre ce qui relève de la prémisse méthodologique (étudier les savoirs comme s’ils ne différaient pas) et ce qui relève de la conclusion (déduire des résultats des travaux menés qu’ils ne diffèrent pas foncièrement).

Tout au long de l’étude, le lecteur se trouve confronté à cet étrange paradoxe : d’un côté, le sociologue le prévient qu’il ne faut pas « sombrer dans un relativisme où toute forme de connaissance est considérée comme également vraie » (p. 26) mais, de l’autre, lui affirme qu’existent seulement « différentes façons de construire la réalité », différents « régimes d’existence » (p. 339).

Lu attentivement, l’auteur se révèle adhérer à la forme la plus extrême de relativisme cognitif, celle de la simultanéité d’existence de réalités multiples. Il assure par exemple que « les sciences ne sont pas moins construites que les revenants. […] Le résultat est différent non parce qu’il y aurait d’un côté la réalité et de l’autre la fiction ou les mentalités, mais parce qu’il y a des deux côtés des réalités différentes, construites différemment. » (p. 37) L’approche symétrique de Claverie (2004) entre les apparitions de la Vierge et les faits scientifiques montrerait que les « faits construits dans le cadre de ces apparitions […] sont vrais, tout simplement vrais […]. Certes la Vierge n’est pas construite comme un fait scientifique de laboratoire, c’est le moins que l’on puisse dire, mais elle n’en est pas moins réelle et présente. » (p. 89)

Il n’explique cependant pas comment promouvoir un « monde à choix de réalité multiple » (p. 108) sans pour autant « sombrer dans une utopie où tout le monde a également raison » (p. 26). Or il s’agit là d’une question clé. En effet, si les savoirs ne sont pas équivalents, cela implique d’une façon ou d’une autre de les hiérarchiser. Mais sur quel fondement ? Le relativisme cognitif nie de facto l’existence de la fausseté. Or, si le faux n’existe pas, le vrai non plus. Dès lors, il n’est plus possible de légitimement critiquer quoi que ce soit. Dans ce contexte, il est inéluctable, comme l’a justement remarqué Sokal (2005), que le postmodernisme devienne le compagnon de route des pseudosciences.

Le principal effet pervers de ce relativisme cognitif est en effet de conduire à substituer aux critères cognitifs pour l’évaluation des théories des considérations personnelles. En pratique, le chercheur tend à considérer avec bienveillance les théories qui semblent soutenir ses buts idéologiques, ou dont les partisans, d’une manière ou d’une autre, lui sont sympathiques et à réserver les arguments postmodernes, pourtant universels d’un point de vue logique, pour les théories antipathiques.

Ce travail laisse de fait ressortir un pan ufologique (prendre parti pour ou contre un modèle explicatif du phénomène ovni), qui tend d’emblée à invalider le programme sociologique annoncé (étudier symétriquement ufologie sceptique et ufologie croyante).

L’auteur y entretient en filigrane un débat proprement ufologique (ce qu’il affirme pourtant refuser) en stigmatisant sans cesse l’un des acteurs de la controverse. Dans ses travaux antérieurs, en plus d’inciter les sociologues à adopter une approche dite irréductionniste (Lagrange, 2000), c’est-à-dire s’interdisant de réduire le phénomène ovni à du connu, il était allé jusqu’à prétendre avoir réfuté le modèle explicatif sceptique (Lagrange, 2007). Dans la présente thèse, il continue de dénoncer ce modèle, et lui seul, comme étant irréfutable (sous-entendant par-là sa nature pseudoscientifique) et la remise en question par ses partisans de l’existence de cas inexpliqués.

Le falsificationnisme naïf a déjà été largement critiqué en épistémologie. Kuhn (1962), par exemple, a introduit le concept de paradigme pour cette raison. Plus aucun épistémologue aujourd’hui ne défend l’idée que le critère de réfutabilité permette à lui seul de distinguer sciences et pseudosciences. La démarche sceptique ne se résume cependant pas à « imaginer tel ou tel facteur psychologique pour rendre compte d’observations » (p. 155), mais repose bien sur des hypothèses testables, confirmées ou exclues au fil de vérifications successives, au cas par cas. Elle permet même parfois de faire des prédictions ensuite corroborées. L’existence d’un résidu de cas restés sans explication n’y est aucunement niée, mais il est en revanche montré que ceux-ci ne se distinguent pas de la masse des cas déjà élucidés. Remarquablement, les positions sceptiques sont présentées de façon plus exacte, fine et nuancée par l’un des anciens informateurs de Lagrange (Scornaux, 2012).

Bien que défendant en réalité un parti-pris fort dans le débat ufologique (Maugé, 2001), qui relève plus du dédoublement statutaire (Olivier de Sardan, 2008) que de l’observation participante classique, l’auteur tient néanmoins à se présenter comme rigoureusement symétrique. Ce qui ne l’empêche pas d’indiquer toujours aussi paradoxalement ne pas être parvenu à conserver une position neutre face aux ufologues et à leurs contradicteurs rationalistes (p. 123, p. 156), avoir sa propre vision ufologique (p. 129) ou avoir eu du mal à concilier sa position d’ethnographe et celle d’ufologue occupée « par la force des choses » [sic] (p. 128).

Son hostilité vis-à-vis de certains acteurs de la controverse tranche avec l’affinité manifestée envers d’autres. Il cite ainsi régulièrement de façon positive voire élogieuse Aimé Michel ou Bertrand Méheust, tous deux promoteurs d’hypothèses ufologiques exotiques. Héritier intellectuel en ce domaine de Jung (1958), Méheust (1978) considère par exemple le phénomène ovni comme étant une réalité mythico-physique, qui comprendrait un aspect physique inédit et une composante paranormale. Nous sommes ici effectivement loin du modèle sociopsychologique, qui propose de l’expliquer de manière prosaïque.

Sceptiques et rationalistes seraient d’ailleurs responsables de l’existence même de l’ufologie, en tant que discipline autonome marginalisée, en refusant aux gens le droit de tenter de se comporter de façon scientifique, en leur imposant des séries d’épreuves (non précisées) destinées à les décourager (p. 334). Ils seraient aussi seuls coupables de la persistance de la controverse sur les ovnis en n’acceptant pas la solution trouvée par les ufologues pour prouver l’existence des ovnis (p. 345). Néanmoins, juge Lagrange, « malgré la critique rationaliste qui trouve cela inacceptable, ce travail finit par porter ses fruits puisque ce qui était au départ une croyance marginale et irrationnelle [sic] a fini par convaincre de plus en plus de gens de son efficacité. L’ovni est devenu un fait pour de plus en plus de personnes. » (p. 346)

S’il ne visait qu’à renforcer l’approche symétrique en sociologie, l’auteur ne multiplierait pas les attaques contradictoires envers une partie de ses informateurs, qu’il perçoit manifestement comme faisant obstacle à ce « que l’ovni devienne un sujet de recherche normal » (p. 178).

II. Pas de « régime d’existence » pour les rationalistes

Lagrange reprend également la critique radicale postmoderne du rationalisme hérité de la modernité occidentale. Le partage instauré entre vraies et fausses sciences ne serait selon lui nullement lié à l’invention des sciences modernes mais seulement à l’idée d’être moderne et à la volonté de séparer les sciences du reste de la société, et notamment du populaire.

Les chercheurs « asymétriques » ne sont que des « chiens de garde du rationalisme » (p. 14) se livrant à de primaires discours de dénonciation des croyances :« irrémédiablement rationalistes », « les sociologues partent du principe que les ovnis et autres phénomènes paranormaux sont des croyances. Or comme on le sait depuis longtemps, « si c’est une croyance ça n’est pas vrai ». » (p. 113). A contrario, lui-même soutient que « le problème de l’ufologie n’a […] rien à voir avec l’incapacité de se comporter de façon scientifique mais avec la nécessité de se comporter autrement en raison (c’est notre hypothèse) de la nature des faits, des caractéristiques de l’objet construit par l’ufologie » (p. 203).

Lagrange retourne contre les rationalistes (constamment présentés comme un bloc indifférencié) les arguments dont ils sont censés se servir, les accusant de crédulité et superstition. Croyant au Grand Partage, à la science en tant que discours vrai sur la réalité extérieure, à l’existence d’une seule réalité possible, ils imposeraient l’idée fallacieuse que « la connaissance scientifique serait le seul savoir qui s’imposerait à tous, quel que soit son origine culturelle ou ethnique » (p. 18). Ils s’arrogeraient ensuite le droit de séparer sciences et parasciences et, partant de là, d’exclure des disciplines comme l’hypnose ou la psychanalyse, de résister à des médecines parallèles, voire d’aller jusqu’à se méfier de certaines sciences sociales… Ils auraient ainsi déclenché une guerre des sciences en se permettant de critiquer des travaux issus des science studies ou de demander des comptes au jury de la thèse d’Élizabeth Teissier, célèbre astrologue française promue à cette occasion docteur en sociologie (Lahire, Cibois, Desjeux et al., 2001). Inacceptable pour l’auteur qui préconise que « ces résistances du rationalisme » deviennent désormais l’« objet d’interrogation pour le sociologue » (p. 338).

Pourtant, les rationalistes actuels ne prétendent en général pas qu’il soit possible d’établir une ligne de démarcation nette entre sciences et pseudosciences, et moins encore une démarcation fondée sur l’unique critère de réfutabilité de Popper. Sokal (2005) parle ainsi d’un continuum avec des stades successifs, partant de la science solidement établie, passant par la science d’avant-garde, la science spéculative et la science controuvée, puis atteignant la pseudoscience, sans que l’on puisse fixer de démarcation à un endroit précis.Les méthodes employées et les confirmations empiriques demeurent pour lui les plus pertinents critères de classification. Pigliucci (2010) utilise plutôt la métaphore d’un paysage avec ses pics et ses vallées. L’épistémologie bayésienne a par ailleurs fait l’objet ces dernières années de nombreuses études dans les milieux rationalistes (Wagenmakers, Wetzels, Borsboom & van der Maas, 2011 ;Carrier, 2012). Leurs réflexions épistémologiques apparaissent plus élaborées et nuancées que la présentation qu’en fait Lagrange. Les lecteurs intéressés par l’état actuel des débats sur la question de la démarcation entre sciences et pseudosciences pourront utilement se reporter à Philosophy of pseudoscience: Reconsidering the Demarcation Problem (Pigliucci & Boudry, 2013).

III. Une démarche axiomatique

Pour Lagrange, la réalité ne s’étudie pas, elle se construit socialement et la science n’est qu’une façon parmi d’autres de le faire. Il entend donc d’abord faire partager une autre vision du monde, héritée d’Ernesto De Martino, dans laquelle « il n’y a pas le monde social et le monde naturel, mais une nature « culturellement conditionnée ». La réalité est indissociable du contexte dans lequel elle est discutée et elle varie donc en fonction de ces contextes. Ce n’est pas juste notre perception qui varie, mais bien la réalité elle-même. » (p. 76) Appliqué aux ovnis, cet axiome lui fait déduire que « ce n’est pas à la base qu’il y a des hallucinations ou des erreurs de perception puis des croyances qui rendraient artificiellement le tout matériel [?], c’est bien plutôt à la suite du travail des rationalistes que les soucoupes disparaissent et c’est à la suite du travail des ufologues qu’elles prennent forme, rentrent dans des catégories, etc. » (p. 94) Il suffit en effet pour lui que des gens se mettent à discuter ou à écrire sur le sujet d’une façon ou d’une autre pour rendre les soucoupes volantes soit réelles, soit irréelles.

Force est de constater ici que l’adhésion de l’auteur au relativisme n’est pas simplement méthodologique, mais constitue bien une affirmation de nature ontologique. Ce ne sont pas nos savoirs sur la réalité qui fluctuent, mais la réalité elle-même. On peut naturellement se demander si le projet scientifique même reste alors possible. Une réalité foncièrement instable rend caduque la répétabilité, qui est au cœur de la démarche scientifique : en toute logique, l’expérimentateur obtiendra en effet systématiquement des résultats consistants avec la réalité qu’il s’est choisie…

IV. Une approche parcellaire

Loin d’intégrer l’ensemble des acteurs de l’ufologie francophone, et alors même qu’il estime impossible de traiter ce sujet si tous ne sont pas inclus dans l’analyse (p. 116), l’auteur les trie sélectivement pour ne retenir que ceux susceptibles de conforter ce qu’il entend démontrer dès le départ. L’ufologie n’est présentée qu’à travers les quelques groupes de recherche et d’enquête amateurs en apparence à peu près sérieux (Hill, 2012), en particulier la Société belge pour l’étude des phénomènes spatiaux (Sobeps). En quoi la défunte Sobeps est-elle plus représentative de cette ufologie « croyante » que, par exemple, ce qui est surnommé la frange lunatique dans la littérature ? L’auteur ne dit rien non plus de la « web-ufologie » née avec internet, pourtant depuis le tournant du siècle siège essentiel des controverses ufologiques.

L’approche sceptique du phénomène est quant à elle circonscrite à quatre de ses amis (cinq autres individus sont simplement mentionnés ou très brièvement décrits). De surcroît, l’un des quatre, Méheust ne peut, nous l’avons vu, que difficilement en être considéré un représentant . Comment tirer des conclusions aussi définitives à partir d’un échantillon si réduit ? Lagrange ignore délibérément l’approche sceptique lorsqu’elle teste la pertinence de ses hypothèses avec la méthodologie expérimentale (voir notamment la thèse de doctorat en psychologie de la perception de Jimenez, 1994) ou quasi-expérimentale, à travers par exemple la reproduction d’observations en tirant parti du saros (Cnegu, 1994). Sans cela, il ne pourrait affirmer que « l’ufologue qui réalise une enquête ne peut pas profiter des résultats obtenus sur cette enquête pour l’enquête suivante [et] doit recommencer à zéro la fois suivante » (p. 273), constat sur lequel repose le concept de « scientifique nomade ». Or, pour les observations de masse de rentrées atmosphériques ou de bolides, qui représentent somme toute une fraction significative des rapports d’ovnis allégués, les données d’enquêtes antérieures (répartition géographique des témoins, évaluations angulaires, enregistrements photographiques ou vidéos, etc.) permettent justement de définir des caractéristiques communes, nécessaires pour comprendre des méprises ou clore des pistes, et parvenir à la connaissance des faits réels.

Le plus étonnant reste que l’auteur ne discute pas de la façon dont le Centre national d’études spatiales (Cnes), à travers le Groupe d’étude des phénomènes aérospatiaux non-identifiés (Gepan) et ses avatars ultérieurs (Sepra, Geipan), étudie le phénomène ovni continûment depuis 1977. Il ne dit rien des protocoles mis en place, des enquêtes de terrain réalisées, de ce qui les distinguerait le cas échéant de celles menées par les groupes amateurs, ni des controverses qu’elles ont déclenchées (pour une critique sceptique des travaux du Cnes en ce domaine, voir Rossoni, Maillot & Déguillaume, 2007). On ne sait donc où cet organisme officiel se place dans le cadre de son analyse. Les parcours des membres du Geipan et de son comité d’experts le Copeipan, dont il a pourtant lui-même fait partie, ne présenteraient-ils curieusement aucun intérêt dans une étude centrée sur « la question du partage entre science et croyance » ?

V. Ethnographie de l’ufologie ou étude d’un cas singulier ?

Une bonne partie de la thèse est de nature autobiographique. Lagrange explique l’ensemble de ses activités ufologiques (écrire des articles et entrer dans le comité de rédaction de revues ufologiques, participer à des congrès d’ufologie, contribuer aux recherches de ses amis/informateurs ufologues) uniquement par son intérêt pour l’étude ethnographique de ce micromilieu. Rien pourtant dans son travail n’indique au cours de ces années quelque préparation d’enquête que ce soit, de stratégie(s) définie(s), pas même d’objet d’étude clairement circonscrit. Ce n’est que rétroactivement qu’il revêtira l’habit du sociologue en situation d’observation participante (« à cette époque l’idée d’étudier en ethnographe ce milieu ne me vient pas à l’esprit », p. 156). Avant que le sociologue des sciences relativiste Bruno Latour ne l’accueille et le forme, il n’avait simplement « aucun sujet de recherche précis » (p. 2).

De fait, l’auteur ne s’embarrasse point d’études statistiques, d’enquêtes par entretiens ou de questionnaires afin d’étayer la compréhension sociologique de son objet d’étude. Il se focalise en pratique sur un unique sujet, Thierry Pinvidic, dont il dit pourtant que « l’attitude qu’il défendait n’était pas liée à ses idées sceptiques » (p. 196). Le mouvement sceptique apparaît en réalité assez divers et ne peut certainement pas être appréhendé à partir d’un seul cas, aussi intéressant soit-il. Après un livre de jeunesse où il soutenait encore l’hypothèse extraterrestre (Pinvidic, 1979), Pinvidic a été l’éditeur scientifique d’un ouvrage collectif, OVNI, vers une anthropologie d’un mythe contemporain (Pinvidic, 1993). Seul parmi ses informateurs à avoir privilégié l’approche sociologique du phénomène, il se trouve par ailleurs en désaccord théorique avec son ami ethnographe : « Pour [Pinvidic] qui tente de sortir l’ufologie de la croyance aux extraterrestres il est impensable d’en faire une sociologie qui ne soit pas l’étude d’une erreur. Pour moi au contraire l’erreur est précisément de vouloir entreprendre une sociologie de l’erreur. » (p. 197)

Les sceptiques se réfèrent généralement davantage à des travaux relevant de la psychologie que de la sociologie (voir par exemple Spanos, Cross, Dickson et Dubreuil, 1993 ; Jimenez, 1994). La psychologie anomalistique, domaine en plein développement à l’heure actuelle, se penche pour sa part plus particulièrement sur les récits d’enlèvements par des extraterrestres (Clancy, 2005 ; Holt, Simmonds-Moore, Luke, & French, 2012 ; Cardena, Lynn & Krippner, 2013 ; French & Stone, 2013). Par principe, Lagrange ne veut pas entendre parler de psychologie en matière de rapports d’ovni, et encore moins tenir compte des résultats expérimentaux obtenus par cette discipline.

L’auteur fait donc reposer l’essentiel de sa double démonstration sur l’observation approfondie d’un même sujet. Pinvidic est ainsi convoqué à la fois pour montrer le caractère pseudoscientifique du sceptique (car rechignant à s’associer à des sociologues, tels que l’auteur), puis, en compagnie de Monnerie (1977, 1979), pour démontrer cette fois le caractère scientifique du défenseur de l’hypothèse extraterrestre (car apte à monter des réseaux sociotechniques, comme par exemple un réseau de surveillance photographique du ciel). En fait, les quelques ufologues à s’être comportés « dignement en tant qu’amateurs » (p. 218) dans les années 1970 sont « les mêmes que l’on retrouve sceptiques au début des années 1980 » (p. 220).

Seulement, bien qu’ayant eu la possibilité de nouer des alliances avec des réseaux de sociologues, ses anciens amis continuent de s’intéresser plus à l’ufologie qu’à la sociologie des sciences relativiste. Du coup, Lagrange leur reproche d’avoir opté pour la sociologie qui dénonce les illusions et les croyances (« un mélange entre la sociologie critique et le statut d’ancien stalinien », p. 178), de se prendre pour des sociologues en discutant le sujet (p. 126), d’avoir la volonté de ne surtout pas transformer les ovnis en objet de science (p. 146), de prolonger les disputes sur leur existence de telle façon qu’aucun fait ne serait jamais produit (p. 331) et ne donne pas tort aux ufologues défendant l’hypothèse extraterrestre qui explique être les véritables sceptiques (p. 132).L’auteur semble au bout du compte, et d’une façon hautement subjective, simplement inverser ce discours de dénonciation dont il affirmait pourtant vouloir se démarquer.

VI. Des démonstrations problématiques

Lagrange use couramment dans ses démonstrations de sophismes ou de paralogismes (comme cela a déjà été souligné dans Maugé, 2001), enchaînant analogies boiteuses (cf. p. 34), faux dilemmes (cf. p. 37), implications infondées (non sequitur) (cf. p. 307-308), raisonnements circulaires (cf. p. 308) et autres principes d’explosion (ex contradictione sequitur quodlibet) (cf. p. 346). Pour lui, par exemple, soit on croit soi-même naïvement à la pensée magique, soit on doit renoncer illico au concept de croyance. Or, différents chercheurs ont depuis longtemps proposé des définitions élargies de la notion de rationalité ou distingué plusieurs types ou niveaux de rationalité, sans par conséquent faire appel pour expliquer des idées non fondées objectivement ni à des théories explicatives irrationnelles (au sens cognitif) du type pensée magique, mentalité prélogique, besoins psychologiques inconscients, etc. ni à la théorie exotique des réalités multiples chère à l’auteur. En fait, ce dernier prétend souvent avoir démontré ce qu’il s’est en réalité contenté d’affirmer.

De plus, nombre de ses affirmations successives paraissent logiquement incompatibles. Le discours qu’il déploie lui permet, au coup par coup, d’affirmer une chose puis son contraire, en fonction de ses besoins argumentatifs immédiats :

– L’ufologie est une science normale : « nous allons voir, comme Collins et Pinch l’ont montré à propos de la parapsychologie, qu’ »en ufologie, rien ne se passe qui ne soit scientifique » » (p. 203) ; « l’ufologie […] est une « science » qui produit un nouveau type d’objet et sa normalité est démontrée par le fait que le programme Seti se retrouve exactement dans la même situation » (p. 335). Remarquons que le programme de recherche d’intelligence extraterrestre Seti ne relève lui-même pas de la science normale pour un épistémologue comme Pigliucci (2010), ce qui invaliderait l’argument.

– L’ufologie n’est pas une science normale : « nous proposerons de rendre compte de l’ufologie en opposant le travail de la science, décrit comme un effort pour domestiquer et sédentariser les faits, et le travail de l’ufologie, décrit comme une science nomade, qui oblige sans cesse à recommencer l’analyse. […] Alors que la science « normale » (ou sédentaire) consiste à toujours plus étendre le réseau scientifique pour englober et produire toujours plus de faits scientifiques, la science « nomade » consiste à construire les dispositifs de production de faits les plus légers possibles et au lieu d’enrôler toujours plus de faits, se déplacer de faits en faits en remettant en place le dispositif ufologique. » (p. 205)

– L’ufologie n’est pas une science : « je n’ai pas dit ni voulu montrer que l’ufologie est une science comme Seti » (p. 327) ; « l’ufologie […] n’est sans doute pas non plus une science » (p. 333).

– L’ufologie redéfinit la notion même de science : « cette ufologie, loin de chercher à être une science, redéfinit en fait la notion de science dans sa façon de produire des faits » (p. 238).

L’auteur a encore besoin en vérité de redéfinir lui-même, ou à défaut de rendre plurivoque, des notions fondamentales pour atteindre son objectif. Il retient de son ancien maître Bruno Latour que la science consiste en la production de faits pouvant devenir des acteurs sociaux : « le plus important n’est pas la « découverte de la vérité », mais la capacité à transformer les faits en acteurs sociaux », « de participer à la construction de la société en sociabilisant les non humains » (p. 327). La démarche scientifique se caractérise alors pour lui uniquement en termes sociaux : appartenance à un certain milieu social, intégration au monde académique, souci de calmer les controverses et volonté de les limiter aux acteurs compétents (ce qui ne l’empêche pas de se prononcer parallèlement, faisant fi de toute logique argumentative, pour la négociation des contenus scientifiques par l’opinion). Le rôle des contenus cognitifs, des méthodologies et confirmations empiriques dans la fabrication des connaissances scientifiques est sciemment négligé.

Il devient dès lors possible de conclure que l’approche des sceptiques n’a rien de scientifique (« leur pratique n’avait rien à voir avec la pratique scientifique, non pas du point de vue du contenu qui aurait pu paraître dans des revues académiques, mais du point de vue de leur fonctionnement, de leur trajectoire »), de les désigner comme « ceux qui avaient définitivement ruiné la possibilité de domestiquer les soucoupes, d’en faire des êtres sociaux » et de trouver in fine « plus de science » chez les apologistes des hypothèses extraordinaires (p. 142).

Le mot « fait » revêt quant à lui une signification variable. Concernant l’existence possible d’extraterrestres proches, « Seti se retrouve devant des faits qui présentent le même type de caractéristique que l’ovni » (p. 205). Mais l’ufologue « ne produit pas de fait puisque rien de ce qu’il recueille ne tient, n’est capable de résister à la critique » (p. 274). Il n’en conclut pas moins que « Seti a un réseau et pas de faits, alors que l’ufologie a des faits mais pas de réseau » (p. 327-328)… Cependant, « la distinction entre les faits et les non-faits, cela revient à réintroduire le jugement de notre époque, cette doctrine des choses actuelles dont parlait Bergson ». Impossible par conséquent de « distinguer entre des non-faits alchimiques ou astrologiques et des faits expérimentaux chimiques ou astronomiques » (p. 29).

Enfin, pour présenter un dernier exemple d’incohérences, si l’auteur plaide abstraitement pour une négociation et une cohabitation entre les savoirs (p. 108), il n’admet pas en pratique que diverses manières d’envisager sa discipline puissent coexister : « On ne peut pas avoir en même temps une sociologie des sciences […] et de l’autre une sociologie de la croyance […]. Impossible d’avoir ces deux sociologies en même temps. C’est comme d’imaginer que le système de Ptolémée et celui de Copernic soient vrais en même temps. » (p. 102) Étrangement, il ne semble alors plus considérer que plusieurs façons de construire le réel ou que des pratiques scientifiques diversifiées (p. 18) soient possibles.

Conclusion

« Le vrai débat, ce n’est pas : « est-ce que c’est des fumistes ou pas ? ». Le vrai débat, c’est que longtemps on a pensé qu’il y avait véritablement l’opinion, le public, les non-experts et puis le domaine de l’expertise qui nécessitait des outils très précis, très particuliers. Et qu’est-ce que nous apprend l’affaire Bogdanoff ? Si on regarde l’histoire, ils n’ont pas triché – je veux dire ils n’ont pas recopié la thèse de quelqu’un d’autre –, ils ont fait chacun une thèse et ils l’ont obtenu devant un jury. Cela nous enseigne une leçon : ce n’est peut-être pas si compliqué d’être expert. » Pierre Lagrange, « Le changement climatique : science ou pseudoscience ? », Université de Lausanne, 5 mars 2012.

La distinction opérée entre une ufologie « croyante » qui posséderait un caractère scientifique et une ufologie « sceptique » qui ne le serait pas du tout demeure à l’issue de cette étude très problématique. Si les ufologues ont inventé « un type de science différent », que l’auteur appelle donc science nomade, grâce aux enquêtes de terrain (p. 205), pour quel motif refuse-t-il ce statut de scientifiques nomades aux sceptiques qui réalisent également des (contre-)enquêtes ? Si une telle activité permet d’engranger des faits, pourquoi les enquêtes menées par ces derniers ne le permettraient-elles pas ? Quid, par exemple, des méprises avérées avec des objets au final bien identifiés (astres, rentrées atmosphériques, etc.) ? Ne peut-on les considérer comme des faits scientifiquement établis ? Leurs pratiques ne se rapprocheraient-elles alors pas davantage d’activités scientifiques normales, contrairement à ce que tente de soutenir l’auteur ?

Au final, on ne peut qu’être déçu à la lecture de cette étude au long cours de Pierre Lagrange, qui nous semble plus obscurcir qu’éclairer le débat sur la nature du phénomène. Les sciences humaines et sociales peuvent, et doivent à nos yeux, étudier aussi bien le phénomène ovni stricto sensu que les croyances censées l’expliquer. Elles sont aptes à engager le débat ontologique sur la nature des expériences inhabituelles que sont les observations d’ovnis ou les « abductions » extraterrestres (voir sur ce sujet Abrassart, 2013).

Certains auteurs aux penchants relativistes nous objecteront vraisemblablement que les incohérences, paradoxes et contradictions décelés ne sont qu’apparents et que nous avons échoué à appréhender la profondeur des arguments exposés. Pour notre part, nous ne considérons pas être tenus de faire une herméneutique de textes présentés comme étant de nature scientifique, c’est-à-dire en l’occurrence de spéculer sur ce que le sociologue des sciences a peut-être réellement voulu exprimer sous son discours de surface. La pratique scientifique exige une écriture claire et non pas volontairement ambiguë. Dans ce cadre, ce n’est certainement pas aux lecteurs d’y projeter le sens que leur auteur a potentiellement cherché à y mettre, mais à ce dernier d’expliciter son argumentation de la manière la plus limpide et la plus logique possibles.

David Rossoni et Jean-Michel Abrassart

[1] Jean-Michel Abrassart réalise actuellement un doctorat en psychologie à l’Université Catholique de Louvain (Louvain-la-Neuve, Belgique) sur le soucoupisme, c’est-à-dire la croyance dans l’hypothèse extraterrestre pour expliquer le phénomène ovni. David Rossoni, historien de formation, a publié sur le même sujet un livre (Les OVNI du CNES : 30 ans d’études officielles (1977-2007), pour la collection zététique dirigée par Henri Broch) et plusieurs articles (Pour la science, Skeptical Inquirer…).

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