alt

Impacts de la psycho-pop, par Brigitte Axelrad

Les médias utilisent l’intérêt du public pour les questions psy, ce qui leur permet de faire de l’audience et des ventes importantes. Le représentant de Psychologies Magazine ne se cache pas pour dire que le mal être des gens, et plus particulièrement des femmes, constitue son fond de « commerce » !
Ces émissions et ces revues abordent les sujets psy de façon superficielle et souvent réductrice. Elles font entrer dans le langage populaire des concepts empruntés à la psychanalyse et dont tout le monde croit connaître le sens.

La vigilance critique devrait, à mon sens, guider l’écoute et la lecture de cette presse psycho-pop. Notamment apprenons à détecter le « rapt des concepts », en particulier ceux qui sont issus de la psychanalyse : complexe d’Œdipe, refoulement, lapsus révélateurs, actes manqués, etc. et surtout l’inconscient, comme la clé d’interprétation de toutes les manifestations d’ordre « psychique ».
Ces médias propagent par ailleurs des approches pseudo-scientifiques telles que celles de Jacques Salomé, la psychogénéalogie, les thérapies de la « mémoire retrouvée » et toute la vague des thérapies « New Age », et des méthodes contestables et contestées, telles que la PNL (Programmation Neuro-Linguistique), l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing), l’hypnose, l’imagerie guidée, la communication facilitée (CF), la canalisation, etc. Quand on entend ou lit des termes issus du vocabulaire scientifique et utilisés hors de leur contexte, tels que « quantique », « énergie », « hologramme », une méfiance redoublée serait de mise.

La place privilégiée de la psychanalyse dans la société française.

L’une des raisons qui donne à la psychanalyse cette première place dans l’interprétation des comportements et des troubles psychologiques est peut-être le fait qu’elle a été enseignée dans les classes terminales des lycées et a constitué le socle des cursus universitaires de philosophie et de psychologie.

Une autre raison est, de mon point de vue, l’icône de Sigmund Freud, considéré dans son domaine à l’égal de Copernic en astronomie, d’Einstein en physique ou de Darwin en biologie, comme Freud lui-même se plaisait à le dire, en qualifiant la psychanalyse de « troisième révolution » dans le monde des idées.

Contester l’image ou les théories de Freud est en France un sujet relativement tabou. Les tentatives récentes des auteurs du Livre Noir de la psychanalyse, de Jacques Bénesteau ou de Michel Onfray, ont du mal à s’imposer dans l’opinion. Contester Freud est encore chez nous un sacrilège et souvent taxé d’antisémitisme.

Ceci n’est plus le cas dans le reste du monde, à l’exception notable de l’Argentine.

Vous pouvez remarquer qu’à chaque accident grave : attentat, catastrophe naturelle ou phénomène social, les médias font appel au psychanalyste de service et non à un psychologue, pour commenter et préconiser des solutions d’aide psychologique aux victimes.

La prétention de la psychanalyse à tout expliquer a conduit depuis qu’elle existe à n’attribuer qu’une seule cause à toutes sortes de pathologies, dont on n’a pas encore l’explication scientifique. C’est le cas en particulier de l’autisme, dont la responsabilité a été attribuée, depuis les pseudo-travaux de Bruno Bettelheim, à la « mère-réfrigérateur », concept dû à Léo Kanner et aussi sexiste que… faux. Fort heureusement aujourd’hui, les progrès de la génétique, des moyens d’investigation comme l’IRM (Imagerie par Résonance Magnétique), ont envoyé ce concept à la poubelle. Mais ces théories fumeuses guident encore les psychiatres adeptes du packing, cette sorte de camisole glacée utilisée pour des enfants, et empêchent le développement des thérapies comportementales comme le traitement ABA (Applied Behavioral Analysis).

La psychanalyse s’est attribué une place de choix en psychothérapie, malgré les preuves apportées aujourd’hui que Freud a falsifié ses résultats et dissimulé ses échecs thérapeutiques, comme celui de l’homme aux loups, par exemple. La psychanalyse prétend donner aux troubles psychologiques une seule explication : les traumatismes sexuels, qui auraient été subis dans l’enfance. Elle incite les patients à creuser dans le passé pour retrouver la cause de leurs difficultés actuelles. Une cure psychanalytique peut durer des années. À l’inverse, les thérapies cognitivo-comportementales (TCC), dites brèves, sont fondées sur les connaissances issues de la psychologie scientifique. Le thérapeute intervient sur les processus mentaux ou cognitifs, conscients ou non, considérés comme à l’origine des émotions et de leurs désordres, pour changer le comportement du patient. Comme l’a dit Jacques Van Rillaer, lorsque le patient est au fond du trou, mieux vaut lui donner une échelle pour en sortir qu’une pelle pour le creuser !

Les thérapies cognitivo-comportementales ont du mal à être reconnues malgré leur efficacité supérieure à celle de la psychanalyse. Le rapport de l’INSERM, publié en 2004, en a apporté la preuve, mais il a été retiré du site du Ministère de la Santé sous la pression des écoles psychanalytiques (1). Depuis 2004, l’encadrement de la profession de psychothérapeute a fait l’objet d’un projet de loi, finalement publié en 2010 avec des amendements, pour protéger surtout la pratique des psychanalystes, qui sont dispensés du cursus universitaire. Richard Monvoisin a fait remarquer que, pour devenir psychanalyste, il suffit en gros d’avoir fait soi-même une psychanalyse. Comme si de s’être fait soigner les dents chez un dentiste procurait la connaissance et le droit d’exercer le métier de dentiste !

Les thérapies de la « mémoire retrouvée »

Elles sont fondées sur la théorie de la séduction de Freud, qui a précédé celle du complexe d’Œdipe. Les thérapeutes adeptes de la « mémoire retrouvée » n’ont qu’une seule théorie : les difficultés existentielles du patient n’ont qu’une seule cause, un abus sexuel subi dans l’enfance, que l’inconscient aurait « refoulé » pour protéger la « victime ». Retrouver le souvenir de l’abus permettrait seul la « guérison ». Dans ce contexte, le thérapeute exerce sur le patient une pression psychologique pour lui faire accepter cette cause. Une partie de ces patients finit par accepter cette explication à son mal être et retrouver des « souvenirs enfouis » d’abus sexuel.

Comment être sûr que ces souvenirs sont vrais ou faux ? Quels indices permettent de faire la différence entre vrais souvenirs et faux souvenirs ? Sans corroboration extérieure, vous ne pouvez pas faire la différence. Les vrais souvenirs comme les faux peuvent comporter les mêmes détails et être exprimés avec confiance et émotion. Elizabeth Loftus a montré que la mémoire est malléable et ne fonctionne pas comme une bande magnétique ou le disque dur d’un ordinateur, elle reconstruit en permanence les souvenirs. Plusieurs expériences, menées par elle et son équipe de chercheurs, en apportent la preuve : « Bugs Bunny à Disneyland », « Perdu dans un centre commercial », etc. La mémoire est donc sujette à manipulation par des thérapeutes convaincus du bien-fondé de leur théorie. Richard McNally, professeur à Harvard, a montré que la théorie du refoulement n’a jamais pu être prouvée, Daniel Schacter, professeur à Harvard lui aussi, fait remarquer et que les traumatismes violents subis dans les camps de concentration ou dans les conflits ne sont pas oubliés.

Quand un patient consulte un psychothérapeute, il est fragilisé, a besoin d’aide, et espère guérir de son mal être. Il lui sera difficile de se rendre compte qu’il est manipulé, si c’est le cas. La théorie de l’engagement l’incite toujours à continuer sa thérapie avec le même thérapeute, dans l’espoir que l’effort commencé portera ses fruits.

Il est quasiment impossible de différencier d’entrée de jeu un psychothérapeute des « faux souvenirs » d’un autre. Il peut être psychiatre, médecin, psychanalyste, psychothérapeute reconnu ou auto-proclamé. Les psys qui dénoncent chez les autres la méthode des faux souvenirs, alors qu’ils la pratiquent eux-mêmes, prétendent que les souvenirs qu’ils amènent leurs patients à retrouver sont vrais.

En conclusion, s’informer et garder son esprit critique sont les principales armes pour déjouer les pièges des psycho-pop.

Brigitte Axelrad

CorteX_SPS_HS_Psycha(1) Complément : lien vers l’article d’Esteve Freixa, qui se trouve également dans le hors-série Psychanalyse de Science & Pseudosciences N°293, décembre 2010. Et pour se rappeler de la génèse de la vindicte contre le rapport Inserm, on pourra lire cet article d’E. Faverau dans Libération de  22 février 2005.

CorteX_Axelrad

Note : Brigitte Axelrad, parmi moult productions disponibles sur Sciences & pseudosciences ou sur le site de l’Observatoire Zététique, a écrit chez book-e-book.com l’ouvrage « Les ravages des faux souvenirs, ou la mémoire manipulée » (2010).

 

Évolution, biologie et concepts psychanalytiques sur France Inter

Les émissions radio dites de vulgarisation scientifique laissent parfois une large tribune aux idées et concepts pseudo-scientifiques. L’évolution est un thème sensible dans lequel ce discours peut trouver une expression parfois difficile à déceler, notamment quand il s’adresse à un public jeune. L’argumentation est alors construite sur des sophismes que l’on peut apprendre à repérer.

Cet atelier propose une introduction à :

  • L’identification de concepts pseudo-scientifiques dans un discours;
  • Le repérage de sophismes dans l’argumentation ;

1ère phase

Séquence audio

Montage 3’46 –  Les p’tits bateaux,  France Inter, Dimanche 19 septembre 2010. (Emission de Noëlle Breham, Michel-Alain Barjou, Marjorie Devoucoux, de découverte scientifique à partir de questions d’enfants.)
Questions n°5 de l’émission : Je voudrais savoir si les êtres humains sont des animaux ? Et ; Quelle est la différence entre l’homme et l’animal ? Réponse de Charles PÉPIN, Philosophe et écrivain.

  • Proposer de repérer le propos central et l’argumentation

Aiguillage possible : retranscription de passages clefs :
01 :16 « Mais toutes ces pistes on peut les entendre par référence à une idée plus précise qui est qu’en fait on est des animaux, mais on est des animaux avec une particularité qu’aucun autre animal ne connaît c’est que nous, une partie de notre nature n’a pas le droit de s’exprimer dans notre civilisation ; ça s’appelle le refoulement, ça s’appelle la censure et cela vient constituer l’inconscient »
01 :37 « Autrement dit, on est des animaux dénaturés et on est des animaux refoulés, et cette animalité refoulée constitue notre humanité »
02 :41 « Autrement dit, on a des pulsion agressives, sexuelles, possessives, naturelles mais on a pas le droit de les satisfaire dans la civilisation humaine, ce qu’aucun autre animal ne vit »
02 :58 « On a une victoire sur la sauvagerie, un victoire sur l’animalité, qui est en même temps notre grande fragilité. Elle est notre fierté, elle est aussi notre faille. De là, effectivement, toutes les manifestations de la spiritualité, de l’art, de la religion, qui nous distinguent des bêtes, parce qu’elle sont en fait des sublimations de tout ce qui été refoulé dans la petite enfance »
  

2ème phase

  • Proposer de repérer le concept central et les arguments s’y rattachant

Aiguillage possible : repérage du champ lexical psychanalytique (angoisse, refoulement, inconscient, pulsions).

  • Discuter de la terminologie psychanalytique de ces termes

Aiguillage possible : rechercher la définition de ces termes et évaluer leurs pertinences dans ce propos : Sur quoi se base l’auteur pour étayer ses affirmations ? Sur quels arguments ? Peut-on douter de leur validité ? Le parti pris conceptuel est-il présenté clairement ?

3ème phase

  • Repérer parmi les arguments utilisés, ceux appartenant au registre du sophisme

Aiguillage nécessaire : définition de quelques figures sophistiques et leur présence dans l’argumentaire de l’émission. Par exemple:
Sophisme de l’homme de paille (travestir d’abord la position de son interlocuteur de façon volontairement erronée et facile à réfuter puis détruire l’épouvantail en prétendant avoir réfuté la position de l’interlocuteur. Détails)
00:27 « la plupart des philosophes qu’on appelle des sceptiques qui ont voulu faire douter les hommes de leur prétendues certitudes parlent de ça, de cette frontière introuvable. Sachez que tout ce qui a été présenté dans l’histoire de la philosophie a toujours été critiqué par l’éthologie : la raison, le rire, l’angoisse, l’altruisme, la morale, les éthologues ont toujours trouvé une espèce animale, incarnant le prétendu propre de l’Homme. »
01 :06 «[…] Donc difficile frontière, évidemment il y a des pistes qui résistent mieux comme : la représentation, la religion, l’art, l’angoisse, des choses comme ça. »
Sophisme de la pétition de principe (faire une démonstration qui contient déjà l’acceptation de la conclusion, ou qui n’a de sens que lorsque l’on croit déjà en cette conclusion. Détails)
01 :16 « […] toutes ces pistes on peut les entendre par référence à une idée plus précise qui est qu’en fait on est des animaux, mais on est des animaux avec une particularité qu’aucun autre animal ne connaît c’est que nous, une partie de notre nature n’a pas le droit de s’exprimer dans notre civilisation ; ça s’appelle le refoulement, ça s’appelle la censure et cela vient constituer l’inconscient. Autrement dit, on est des animaux dénaturés et on est des animaux refoulés, et cette animalité refoulée constitue notre humanité. Pour le die plus simplement, ce qui nous distingue des animaux c’est la petite enfance, une petite enfance tellement plus dur que celle des animaux. » 
Raisonnement panglossien (raisonner à rebours, vers une cause possible parmi d’autres, vers un scénario préconçu ou vers la position que l’on souhaite prouver. Exemple)
02 :14 « On est des animaux prématurés : il faudrait 12 mois pour que les cellules du fétus arrivent à maturation et on naît au bout de 9 mois et c’est de là que tout vient : l’angoisse mais aussi le rattrapage par l’intelligence, la représentation. Et on peut tout interpréter : les religions, l’art, le rapport à l’autre, le rapport au temps, comme venant de cette petite enfance, de cette naissance prématurée et de cet interdit qui est porté à notre nature par la civilisation sur certaines pulsions. Autrement dit, on a des pulsions agressives, sexuelles, possessives, naturelles mais on n’a pas le droit de les satisfaire dans la civilisation humaine, ce qu’aucun autre animal ne vit »
Sophisme de la pente savonneuse (infirmer un argument en montrant que si on accepte cet argument, alors quelque chose de néfaste, de catastrophique, de nauséabond risque d’en découler. Détails)
02 :58 « On a une victoire sur la sauvagerie, une victoire sur l’animalité, qui est en même temps notre grande fragilité. Elle est notre fierté, elle est aussi notre faille. De là, effectivement, toutes les manifestations de la spiritualité, de l’art, de la religion, qui nous distinguent des bêtes, parce qu’elles sont en fait des sublimations de tout ce qui a été refoulé dans la petite enfance.»