Entrevue avec Nicolas Gauvrit

A l’occasion d’une conférence donnée à Marseille, Nicolas Gauvrit, Maître de Conférences à l’Université d’Artois et chercheur au laboratoire de didactique de l’Université Paris VII, a accepté de répondre à quelques-unes de nos questions. Nous partageons ici ses réflexions sur le thème de la psychanalyse notamment mais également sur des sujets plus généraux comme le rationalisme, la prise en charge de l’autisme, etc. (La prise de son annexe n’a pas fonctionné, désolé).

Denis Caroti


  1. Zététicien, rationaliste, sceptique ? Comment Nicolas se définit-il ?
  2. Agir de façon rationnelle ? Peut-on croire de façon rationnelle ?
  3. L’inconscient comme fondement des psychanalyses
  4. Les psychanalyses sont-elles « scientifiques » ?
  5. Quels sont les critères pour dire qu’une pratique est « scientifique » ?
  6. Peut-on tester certaines hypothèses psychanalytiques ?
  7. Des hypothèses psychanalytiques ont-elles été validées ?
  8. Psychanalyse et idées reçues
  9. Le refoulement : une idée reçue ?
  10. Le lapsus : idée reçue ?
  11. Lacan et les mathématiques : imposture intellectuelle ?
  12. Psychanalyse et autisme : sophisme « du juste milieu »
  13. Psychanalyse : traiter les causes de l’autisme ?
  14. Les livres qui ont compté
  15. Développer science et esprit critique : un outil de transformation sociale ?
  16. Bibliographie
[dailymotion id=xr55xb] Zététicien, rationaliste, sceptique ? Comment Nicolas se définit-il ?Pourquoi ? Quel est le terme qui convient le mieux pour parler de ses travaux ?
   
[dailymotion id=xr56j2] Agir de façon rationnelle ? Peut-on croire de façon rationnelle ?
   
[dailymotion id=xr5dz0] L’inconscient comme fondement des psychanalyses
   
[dailymotion id=xr56jo] Les psychanalyses sont-elles « scientifiques » ?
   
[dailymotion id=xr56jv] Quels sont les critères pour dire qu’une pratique est « scientifique » ?
   
[dailymotion id=xr56k4] Peut-on tester certaines hypothèses psychanalytiques ?
   
[dailymotion id=xr5f6o] Des hypothèses psychanalytiques ont-elles été validées ?
   
[dailymotion id=xr5fei] Psychanalyse et idées reçues
   
[dailymotion id=xr5fv9] Le refoulement : une idée reçue ?
   
[dailymotion id=xr5g75] Le lapsus : idée reçue ?
   
[dailymotion id=xr5gfc] Lacan et les mathématiques : imposture intellectuelle ?
   
[dailymotion id=xr5hcm] Psychanalyse et autisme : sophisme « du juste milieu »
   
[dailymotion id=xr5i2g] Psychanalyse : traiter les causes de l’autisme ?
   
[dailymotion id=xr5isp] Les livres qui ont compté
   
[dailymotion id=xr5iut] Développer science et esprit critique : un outil de transformation sociale ?
mensonges_freudiens le_singe_en_nous
Impostures_intellectuelles

Bibliographie :
– Le singe en nous, Frans de Waal, Fayard (2006).
– Mensonges freudiens, Jacques Bénesteau, Pierre Mardaga éditeur (2002).
– Impostures intellectuelles, A.Sokal & J.Bricmont, Odile Jacob (1997).

Sophismes – une petite collection

Vous vous rappelez du Petit recueil de 18 moisissures argumentatives pour concours de mauvaise foi ? (ici) Alors vous allez aimer cette compilation, dénichée par Julien Peccoud. Elle provient du site informationisbeautiful.net, et a été écrite et illustrée par David Mc Candless en avril 2012. Elle est élégante, assez complète, et une fois imprimée équipera délicieusement tous les bureaux, tables de chevet, salles d’attente de médecins, et décorera tous les sapins de Noël.
Richard Monvoisin  


Edit du 20/02/18 : Il existe maintenant une version interactive avec système de tri que vous pouvez voir à cette adresse

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Psychologie sociale, dérives sectaires – utilisation de célèbres expériences de psychologie sociale

Pour l’UE Zététique & autodéfense intellectuelle de l’Université Joseph Fourier, ainsi que pour mes ateliers Esprit Critique pour collège-lycée, j’ai monté un cours consacré aux dérives sectaires et aux techniques d’engagement. Mon objectif est de montrer que les techniques d’embrigadement sectaires et les aliénations en temps de guerre n’ont rien de très différent des techniques de manipulation classiques dans la vie de tous les jours. Aussi j’utilise des exemples tirés du quotidien, du marketing en particulier, pour les illustrer (j’en donnerai dans un prochaine article). 
Je me concentrerai ici sur les trois expériences majeures de psychologie sociale auxquelles je fais référence presqu’à chaque fois.

1/ L’expérience de Solomon Asch (1951) sur le conformisme et la soumission au groupe.

2/ L‘expérience dite de Milgram (1967), menée par Stanley Milgram et son équipe sur la soumission à l’autorité.

Je ne vais donner que quelques lignes de description pour ces deux expériences.

L’expérience de l’influence majoritaire d’Asch 

Cette expérience simple est tout à fait adéquate pour questionner les étudiants sur les cas où ils ressentent une soumission au groupe, notamment dans les cas d’injustice : de l’injustice d’évaluation dans les notes au harcèlement sexuel, les exemples fleurissent dans les discussions où les étudiants s’accordent à dire que seuls, ils dénonceraient probablement plus volontiers l’injustice auprès de leurs représentants étudiants, élus syndicaux, ou auprès des enseignants, que lorsqu’ils sont noyés dans la masse.

CorteX_Solomon_AschSolomon E. Asch (1907 – 1996) amena un groupe d’étudiants de 17 à 25 ans à participer à un prétendu test de vision. Tous les participants étaient complices avec l’expérimentateur, sauf un, dont on observait l’indépendance vis-à-vis du comportement des autres. On demandait aux participants de juger la longueur de plusieurs lignes tracées sur une série d’affiches.  

À gauche, une ligne modèle, et à droite, 3 autres lignes.

CorteX_Segments_Asch

Alors que la réponse est évidente, les complices donnent à l’unanimité la même fausse réponse : le sujet testé allait-il être capable de dire sa vraie observation malgré la pression des réponses différentes du groupe ?

Beaucoup vécurent assez mal la chose et furent perturbés, et plus d’un tiers (37%) préférèrent se conformer aux mauvaises réponses soutenues à l’unanimité par les complices, alors que dans les groupes contrôles (lorsque le sujet n’avait pas la pression d’un groupe) les réponses étaient toujours bonnes.

Chose cocasse pour nous, moins pour les sujets : après l’annonce des résultats, les sujets tendaient à attribuer leur mauvaise performance à leur « mauvaise vue » (ce qu’on appelle résoudre sa dissonance cognitive à peu de frais !).

On peut :

– lire avec plaisir Asch S., « Studies on independance and conformity : a minority of one against an unanimous majority », Psychological Monographs, 1956, 70, p. 416 (en anglais).

– voir un film de cette expérience (en anglais, sous-titrée) :

Anecdote : Asch fut le directeur de thèse de Milgram, dont je parle ensuite.

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=7AyM2PH3_Qk]

L’expérience de soumission à l’autorité de Milgram

CorteX_expe_milgramTrès connue mais souvent mal racontée, elle crée un double choc : d’abord sur le fait de se rendre compte qu’une bonne proportion de gens « normaux » placés dans une situation agentique peuvent se soumettre à une autorité qui les intime à faire des choses révoltantes, comme faire souffrir un parfait inconnu. Ensuite sur la question éthique que soulève ce genre d’expérience, heureusement non reproductible aujourd’hui au vu des souffrances morales qu’elle engendre. Je donne quelques détails sur les différentes variantes de l’expérience (vue ou non du sujet soumis aux chocs électriques, toucher pour raccrocher l’électrode, présence ou non des représentants de l’autorité dans la salle, etc.) et je m’outille pour cela du livre de Milgram lui-même, Soumission à l’autorité. Il est également intéressant de rappeler le contexte de cette expérience, post-2ème guerre mondiale où la soumission à l’autorité aux fascistes italiens, et surtout au IIIe Reich donna les résultats que l’on sait. La question du procès d’Adolf Eichmann se posait alors crument, et les débats allaient bon train chez les psychologues US : des états-uniens auraient-ils pu eux aussi faire des choses aussi atroces ? Fallait-il faire de ce type d’individu des monstres de cruauté, ou au contraire, des humains somme toute assez ordinaires placés dans un contexte qui ne l’était pas ?CorteX_Stanley_Milgram

Je ne rentre pas dans le détail des variantes de cette expérience menée par Milgram (1933-1984) – mais il est bon de les connaître, ou de venir avec le livre. Il suffit de savoir qu’en 1961, date de l’expérience standard, 62,5% des sujets testés furent capables de mettre des décharges mortelles à une personne qui ne leur avait rien fait.

Je profite par contre d’avoir eu une réalisation filmique par Henri Verneuil mettant en scène l’essentiel des aspects de cette expérience dans I comme Icare, dont un extrait reproduit ici (et validé par Milgram lui-même) évite de nombreuses explications.

En 2010 eu lieu une reproduction télévisuelle très controversée appelée Zône extrême, réalisée par Christophe Nick. Elle ne remplit pas les standards méthodologiques mais met en scène une « expérience » du même genre. La participation de notre collègue Jean-Léon Beauvois (qui est déjà intervenu dans mon cours le 28 mars 2007 – conférence filmée ici) à ce coup médiatique nous a quelque peu laissés perplexe. Une critique (à télécharger ici) a été faite par notre autre collègue Laurent Bègue, du Laboratoire Interdisciplinaire de Psychologie de Grenoble.

Pour débattre avec des élèves, j’essaye de mener le débat en le rapportant à une perspective de non-reproduction des horreurs nazi, et en comparant démarche essentialisante et démarche psychologique. Diaboliser une catégorie d’individus, en l’essentialisant ne résout rien en soi, et permet de traiter les choses à court terme (comme condamner les auteurs des crimes) ; en revanche regarder les mécaniques de soumission de face, « l’ordinarité du mal », oblige à regarder la part de soumission à l’autorité qu’il y a en nous, et à réfléchir à la meilleure prévention pour les générations à avenir. (l’esprit critique faisant pour moi partie de cette prévention)

Pour aller plus loin, on pourra :

  • lire cet article gracieusement transmis par L. Bègue : Beauvois, Bègue, Courbet & Oberlé, Psychologie de la soumission à l’autorité
  • Voir les vraies images de cette expérience (en anglais, sur BBC4 – avec l’un des rares survivants de l’expérience)
[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=XpIzju84v24]
  • Regarder un Zapping de Zone Extrême.
[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=CobaPLs9H10]

Merci à mon collègue Nicolas Gaillard, qui vient parfois faire ce cours avec moi, ainsi qu’à Franck Villlard de l’Observatoire zététique, ancien président de l’Association de Défense de la Famille et de l’Individu 2 Savoie Isère, qui est souvent venu compléter mes propos d’exemples sur les dérives sectaires qu’il connait bien.

Merci également à Laurent Bègue, ainsi qu’à notre amie psychologue Virginie Bagneux.

Vous aussi, vous utilisez ces ressources ? Racontez-nous, partagez votre expérience et prodiguez vos conseils.

Richard Monvoisin

CorteX_normalite

Matériel pédagogique sur la normalité

Qu’est-ce qui est « normal » ? Normal par rapport à quelle norme ? Vis-à-vis de quelle pathologie ? De quelle folie ? Normal par rapport à quel « para-normal » ?
Le mot norme est assez complexe à appréhender. Il m’arrive d’interroger les étudiants sur ce qui est « normal », afin de bousculer les normes enfouies ou non avouées, les leurs ou les miennes. Hétérosexualité, vie de couple, travail, labeur, logement, papiers, emploi, santé mentale, etc. du côté de la norme. Homosexualité, transsexualisme, refus du travail, sans logement, sans papier, chômeur, et folie, etc. du côté hors-norme.
Je regrouperai ici avec mes collègues quelques documents pouvant aider l’enseignant à questionner ces normes.

Normalité & folie

Emission passionnante que Histoire de l’Hygiène volet 3, de la Fabrique de l’histoire du 5 octobre 2011. Débat historiographique sur les débuts de la psychiatrie au 19ème siècle, avec Laure Murat (professeure au département d’études françaises et francophones de l’Université de Californie-Los Angeles) et Aude Fauvel (docteure en histoire, Institut Max Planck d’Histoire des Sciences de Berlin).

Ce document est intéressant à plus d’un titre. Il écorne un brin Michel Foucault sur sa méthodologie, ses « manipulations d’archives », sur le caractère français de son histoire de la folie, différente par exemple de la belge ou de l’anglaise. et  ce qui est rare (voir une critique de M. Foucault ici). On y aborde la question des techniques employées envers les « fous », la ruse, la violence, les bains froids, les sangsues, ainsi que l’organicisme naissant, c’est-à-dire la recherche d’un organe ou d’une zone propre au génie et à son pendant soi-disant négatif, la folie.

Je (RM) sais à quel point les modes, notamment technologiques, jouent un rôle dans la composition des « délires » courants d’une époque (pensons aux actuelles abductions, ou enlèvements par des soucoupes volantes). Je ne savais pourtant pas du tout que se prendre pour Napoléon avait pu être aussi répandu dès le retour des cendres en France (1840), et j’ai appris que le magnétisme animal, curatif, avait eu un rôle géopolitique, les Anglais ayant semble-t-il cru que les Français leur nuisaient à distance. L’émission est émaillée d’archives écrites de la clinique du Docteur Blanche.

Chose remarquable, Laure Murat, contrairement à d’autres tout aussi cléments qu’elle avec la psychanalyse, n’en fait pas des tonnes. Certes,CorteX_Laure_Murat_Napoleon un ou deux termes typiques (comme délire) lui échappent parfois. Alors gageons que son livre appartiendra, comme ses interventions, plus volontiers à l’histoire qu’à la verbiate psychanalytique.

Laure Murat, L’homme qui se prenait pour Napoléon : pour une histoire politique de la folie, Gallimard, 2011. Nous le lirons bientôt.

Normalité & habitat

Le Diogène des Baronnies – documentaire de Mehdi Ahoudig et Vincent Abouchar – Sur les Docks, France Culture, 26 avril 2011.

Écoutez ici :

Téléchargez là.

Description :

« Le village de Buis-les-Baronnies est situé en Drôme provençale. Christian Guienne y vivait depuis plus de cinquante ans. Il n’était pas rare de croiser cet homme, à la nuit tombée, tirant un chariot dans lequel il ramassait toutes sortes d’objets et d’ordures qu’il récupérait dans les poubelles. Atteint du Syndrome de Diogène, qui se traduit par la manie d’entasser jusqu’à réduire son espace de vie à presque rien, il possédait une maison dans le village et des terres sur lesquelles il entreposait ses trouvailles.
Dans le village, il était accepté par le reste de la population et  était même considéré comme une figure de Buis-les-Baronnies, jusqu’à ce que cette manie rende ses conditions de vie critiques, et que sa tutelle et la municipalité le placent d’office à l’hôpital psychiatrique de Montélimar, fin octobre 2009.
Le 30 décembre de cette même année, il décède là-bas d’un arrêt cardiaque. Le village est choqué par cette nouvelle. Certains dénoncent le refus de la mairie d’accepter la différence, d’autres considèrent que Christian Guienne vivait dans l’insalubrité. Les habitants sont divisés, la polémique grandit.
Quelles relations cet homme entretenait-il avec le reste de la population ? A quel moment sa marginalité est-elle devenue intolérable, pathologique ? Comment les villageois, les proches, les institutions, la médecine abordent-ils la question des frontières entre la norme, la marge, la pathologie ? »

 
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Le Mur ou la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme

La question de l’autisme et des surinterprétations de cette gamme de syndromes est l’objet de nos préoccupations et de nos enseignements (1). Contre toute attente, notre matériel pédagogique sur le sujet vient de s’étoffer d’un seul coup, avec un travail tout à fait majeur : « Le Mur, ou la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme« , de Sophie Robert.


Et tout aussi vite, il a été retiré par décision de justice !
Ne vous étonnez pas de ne pas voir les vidéos en ligne, c’est indépendant de notre volonté.
Quelle que soit la décision de justice finale,
1) la controverse sur l’hégémonie de techniques psychanalytiques pseudoscientifiques dans le soin de l’autisme (et ailleurs) n’est pas éteinte, et
2) nous souhaitons continuer à utiliser ce documentaire car il est une véritable sonde dans le vécu des autistes et proches d’autistes.

Pour toute question sur ce sujet, écrivez-nous : contact@cortecs.org


Sophie Robert a travaillé pour le collectif Autisme sans Frontières en réalisant le documentaire « Le Mur ou la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme » avec Océan Invisible Production. Une trentaine de pédopsychiatres et psychanalystes français ont été rencontré, pour qui « il y a beaucoup à voir entre autisme et psychose ». Pour les psychanalystes interrogés, l’autisme pourrait être la conséquence d’une dépression maternelle, d’une mauvaise relation avec l’enfant, voire d’un refus de l’apport masculin pour la conception (2). Certains parlent de mère « psychogène »,CorteX_Autisme_LeMur_Danon_Boileau de « stade de folie transitoire » de la mère, voire de « désir incestueux »…Que font les psychanalystes devant un enfant autiste ? « J’en fais très peu, j’attends qu’il se passe quelque-chose », dit l’un. « J’essaie d’apprivoiser l’enfant, je me tiens en retrait », dit un autre.
Ce documentaire laisse la parole à des psychanalystes très connus, notamment les Pr. Delion ou Golse, responsables et chefs de service dans de grands hôpitaux de France et met en lumière l’extraordinaire imposture de l’approche psychanalytique de l’autisme, pourtant archi-présente dans les milieux de la psychiatrie, du soin et du travail social.

Le voici. Même les habitué-es risquent de tomber de leur chaise.

Partie 1 : [vimeo 28297548]

Partie 2 : [vimeo 28304221]

Partie 3 : [vimeo 28312069]

Bonus : interview de Monica Zilbovicius, psychiatre, directeur de recherche à l’INSERM.

Bonus 1 : [vimeo 28396329]

Bonus 2 : [vimeo 28403514]

Nous l’avons vu fin septembre 2011, et nous avons déjà exploité un extrait (3) avec D. Laumet et N. Gaillard lors de la formation Travail Social & Esprit Critique.

Nous ne pouvons qu’encourager toute personne touchée de près ou de loin par le problème de l’autisme à regarder ce documentaire. Bien sûr, il y a des critiques de montage à faire, des coupes, des plans musicaux sur les enfants, l’utilisation d’un seul sujet pour soutenir la thérapie comportementale et ses différentes méthodes, mais cette plongée dans l’idéologie gomme ces quelques défauts, et fait de ce reportage un véritable outil critique pour l’enseignement.
Nous avons proposé à Sophie Robert (dont on écoutera une excellente interview ici) de venir présenter son film à l’université de Grenoble, puisqu’aucune chaîne ne souhaite diffuser son documentaire. Elle viendra le 30 novembre 2011. Préparez vos calepins.
Accessoirement, se prépare semble-t-il une demande d’interdiction :
Selon Rue89 (4 novembre 2011)

« (…) Face caméra, les psys assument le côté « politiquement incorrect » de leur discours. Mais une fois qu’ils voient le film, trois d’entre eux s’étranglent. Ils saisissent le tribunal de grande instance de Lille, qui nomme un huissier aux fins de faire saisir les rushes.

Leur but n’est toujours pas clair, Me Christian Charrière-Bournazel, leur avocat, n’ayant pas répondu à nos sollicitations. Mais, selon l’ordonnance sur requête que Rue89 a pu consulter, ils semblent préparer une demande d’interdiction :

  • « les rushes confirmeront que leurs propos ont été dénaturés », est-il écrit. Les saisir empêchera la réalisatrice de les « détruire afin d’échapper à toute interdiction judiciaire dont pourrait être frappée son film et plus généralement à toute action en responsabilité » ;
  • ils reprochent à Sophie Robert de s’être « présentée comme journaliste alors qu’elle est gérante de société de production » : ils oublient qu’il n’est pas besoin d’avoir la carte de presse pour réaliser un documentaire en qualité d’auteur ;
  • ils « ont découvert avec stupéfaction que leurs interviews avaient été coupées et défigurées aux fins d’un film partisan » : les coupes font partie du travail normal de documentariste, et leur choix relève de la liberté d’expression ; il n’est pas rare qu’un film d’auteur assume un parti pris ;
  • ils estiment que « la pensée et les propos des intervenants sont réduits et déformés par le sens des commentaires » : rien n’interdit le commentaire de porter sur des interviews, voire de prendre leur contrepied ;
  • ils se disent « piégés » dans un film qui ne serait pas, à leurs yeux, un documentaire mais « une entreprise polémique destinée à ridiculiser la psychanalyse au profit des traitements cognitivo-comportementalistes (TCC) ».

« A​tteinte au secret des sources des journalistes »

La réalisatrice, qui ne veut pas que les plaignants croient qu’elle a « quelque chose à cacher », a retranscrit les trois heures d’interviews avec les trois psychanalystes qui la poursuivent (Esthela Solano Suarez, Eric Laurent et Alexandre Stevens, membres de l’Ecole de la cause freudienne).

Elle vient de transmettre à l’huissier un DVD avec des images originales, brutes, des interviews avec les timecodes (marquage temporel) « afin qu’ils voient bien que, techniquement, il n’y a pas de coupe inopinée dans les séquences ».

Selon son avocat Me Benoît Tritan, demander les rushes est une « atteinte au secret des sources des journalistes » protégé par la loi du 4 janvier 2010.

L’avocat a saisi le juge en référé afin de faire annuler l’ordonnance initiale ; une audience est prévue le 15 novembre au TGI de Lille. Pour Me Titran :

« Le travail a été réalisé de façon loyale, comme en attestent les autorisations de tournage, leurs propos ont été parfaitement respectés et il n’y a aucune atteinte à la probité, sinon ils auraient poursuivi en diffamation. »

Sophie Robert met à disposition le document de son assignation en justice demandée par l’Ecole de la cause freudienne ainsi que l’appel à souscription pour la création d’une série documentaire en 3 volets sur la psychanalyse.
Brigitte Axelrad a également écrit sur ce film un article, qui sera publié dans le prochain numéro (299) de la revue SPS (Science et pseudo-sciences) avec une mise à jour rapportant l’issue du procès.altSur les antennes de la RTBF Jaques Van Rillaer évoque l’assignation en justice ainsi que les procédés douteux de l’école de la cause freudienne.

Voici l’interview de Sophie Robert dans le magazine de la santé sur France 5, le 20/11/2011.
[dailymotion id=xmmck9]
Merci à Carole Contaut, du collectif Autisme Infantile de nous avoir informés.

Vous souhaitez nous faire part de vos impressions ? Ecrivez-nous.
Richard Monvoisin


(1) N. Gaillard a fait plusieurs conférences portant sur l’imposture Bettelheim (voir note 2). J’ai pour ma part introduit dans mes cours d’autodéfense intellectuelle la notion de « mère-frigidaire » comme cause de l’autisme comme exemple d’élaboration de pseudo-science idéologique à consonance sexiste. N. Gaillard, G. Reviron et moi avons eu maintes fois l’occasion de pointer les dérives psychologiques et sexistes autour du freudisme, entre autres avec nos collaborateurs J-L. Racca, B. Axelrad, J. Van Rillaer. En 2007, j’avais également planché avec un groupe d’étudiants (Cécile Pinsart, Cédric Rios et Mathilde Daumas) sur la « théorie » des enfants Indigo et leur utilisation de l’autisme (voir les notes de Prevensectes sur le mouvement Kryeon).

(2) Bruno Bettelheim était convaincu, alors même que les preuves s’accumulaient contre sa théorie, que l’autisme n’avait pas de bases organiques mais était dû à un environnement affectif et familial pathologique. (…) Voir Bettelheim B., La forteresse vide, l’autisme des enfants et la naissance du moi, Gallimard, 1969. Pour un début de critique, voir Ian Hacking, Philosophie et histoire des concepts scientifiques, sur le site du Collège de France, p. 391 et pour aller plus loin, on lira Richard Pollack, Bruno Bettelheim ou la fabrication d’un mythe, les Empêcheurs de penser en rond (2003). Un autre trop rare livre critique de Bettelheim est également paru sous la plume de Peeters, La forteresse éclatée (1998) ».

CorteX_Autisme_LeMur_Loison_crocodile(3) Il s’agit de l’incroyable série d’extraits de la pédopsychiatre Geneviève Loison, tellement frappante que des parents d’enfants autistes ont lancé une campagne « Un crocodile pour Geneviève ».

(4) Petite mise au point de Mikael Molet de l’Université de Lille :

La thérapie comportementale repose sur les principes du conditionnement classique et du conditionnement opérant. On parle alors d’analyse appliquée du comportement. Celle-ci repose sur l’analyse fonctionnelle qui peut se résumer par la formule « quelle est la fonction du comportement ? » Les méthodes TEACCH et PECS, par exemple, sont des techniques d’apprentissage qui peuvent être utilisées dans l’analyse appliquée du comportement, selon les besoins de l’enfant et les objectifs fixés.

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Le piège de l'arbre des possibles

L’arbre des possibles est un moyen commode pour expliquer comment notre cerveau, en plus d’affectionner  la validation subjective, peut s’exposer à un biais d’échantillonnage pas évident à débusquer. Prenons un cas de prédiction de voyance, ou d’une quelconque mancie. Le voyant vous dit : « méfiez-vous de la route, des accidents de la route ». Examinons ensemble l’arbre des possibles qui s’offre à vous.


Avec « méfiez-vous de la route, des accidents de la route », vous avez 2 possibilités :

  • Soit vous ferez très attention (car vous prêtez une grande capacité au voyant, ou parce que vous êtes suggestible et réceptif à ce type d’injonction).
  • Soit vous n’y penserez plus (car vous vous en fichez).

S’ensuivent 4 configurations.

  • Si vous avez fait attention et qu’il vous arrive ne serait-ce qu’un simple accrochage, la conclusion risque d’être immédiate : le voyant avait raison.
  • Si vous n’avez pas fait attention et qu’il vous arrive ne serait-ce qu’un simple accrochage, la conclusion risque d’être immédiate : le voyant avait raison (et vous auriez dû l’écouter)
  • Si vous avez fait attention et qu’il ne vous arrive rien, la conclusion a de fortes chances d’être : heureusement que le voyant m’avait prévenu.
  • Si vous n’y avez plus pensé et qu’il ne vous arrive rien… vous n’y penserez plus ! Et il y a peu de chance que vous racontiez à quelqu’un ce qui est, au fond, un échec prévisionnel.

Quatre situations : trois qui valident subjectivement la prédiction et qui ont de fortes chances d’être racontées comme un fait incroyable, et une qui a toutes les chances de sombrer dans l’oubli. 100% des cas dont nous nous rappellerons seront des voyances positives.

Voici le schéma de l’arbre des possibles sur la voyance.

altIl est somme toute très facile d’en créer d’autres : à l’école de kinésithérapie de Grenoble par exemple, Nicolas Pinsault et moi avons coutume de présenter un arbre similaire avec des phrases typique du thérapeute manuel, comme « Attention aux escaliers », ou « Allez-y mollo sur votre genou », ou « prenez soin de votre dos », etc. Efficacité illusoire mais garantie de la recommandation*.

Alors méfions-nous : ne nous laissons pas pendre aux branches de cet arbre.

Richard Monvoisin

* Pour les puristes : ce type de recommandation est un exemple de phrase « puits » (voir Effet puits) qui mobilise l’effet Barnum, décrit par le psychologue Forer dans Bertram R. Forer, « The fallacy of personal validation: A classroom demonstration of gullibility » in Journal of Abnormal and Social Psychology, 44, 118-123. (1949) téléchargeable ici.

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Dérives sectaires – Entrevue avec Didier Pachoud

CorteX_Didier_Pachoud_Didier Pachoud est le président du Gemppi (Groupe d’Etude des Mouvements de Pensée en vue de la Prévention des Individus), association qui fait un travail plus que salutaire dans l’information et la prévention touchant aux dérives sectaires.
Il a très gentiment accepté de répondre à quelques-unes de nos questions, et nous en avons profité pour le filmer : Didier apporte un certain nombre de réponses, toutes concises et claires permettant de donner quelques pistes de réflexions concernant les sectes, l’emprise mentale, l’engagement dans ces dérives ou bien encore les solutions que le Gemppi tente d’apporter aux personnes.


Dans cette première vidéo, Didier revient sur certaines définitions, notamment concernant la différence entre sectes et dérives sectaires :

Dans cette deuxième vidéo, Didier rappelle que toute personne peut être une victime possible de ces dérives, et il précise dans quelle mesure :

On pourra apprécier l’analogie faite par Didier pour parler de l’engagement et des étapes qui sont au coeur de toute emprise mentale à caractère sectaire. C’est en effet une question qui revient souvent : mais comment peut-on aller si loin ?

Dans cette quatrième intervention, il est question des médecines non conventionnelles et de leurs liens avec les dérives sectaires, notamment en tant que porte d’entrée privilégiée :

Didier nous donne quelques conseils pour aider des personnes qui seraient soumises à une influence mentale de type groupe sectaire :
[dailymotion id=xj87vk]

Une vidéo dans laquelle il est question d’indices permettant de repérer certaines pratiques pouvant amener à une dérive sectaire :
[dailymotion id=xj87zg]

En 2008, le Gemppi lançait la charte des « praticiens et acteurs du corps et de l’esprit« . Quel en est son but et pourquoi la mettre en place :
[dailymotion id=xj882g]

Toujours question de la charte dans cette vidéo : Didier revient sur le « risque » de validation des pratiques de certaines thérapies par cet engagement :
[dailymotion id=xj886k]

Pour terminer, des conseils de lectures de Didier, à consulter ici.


Merci à encore à Didier pour son temps et sa disponibilité !

Denis Caroti

Documents filmés le 7 juin 2011

CorteX_Licorne

Le double sens du mot croyance

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Voici de mon point de vue le point central sur lequel il faut insister lors de n’importe quel cours portant sur l’esprit critique     : le double sens du mot croyance.  Je cherchais dans mes cours à m’affranchir d’emblée du champ des non-théories, des points de vue, des goûts, et des arguments pseudo-démocratiques du type « il faut respecter toutes les croyances » car il est, hélas, des croyances qui ne sont pas très respectables – prenons par exemple les « vertus prétendues de l’excision », ou la croyance en l’ordonnancement des « races » humaines.
J’ai consacré un bref passage de ma thèse de doctorat sur ce point (pp. 61-63), passage reproduit ici. Je me suis rendu compte que si prendre cette précaution de distinction fait l’objet de débats chez les philosophes (cf. Bouveresse, à propos de la controverse Wittgenstein – Russel), pédagogiquement parlant,  je la trouve incontournable. Je ne connais aucun intérêt à ne pas la faire. Cela permet de se centrer sur les énoncés de type scientifique, juste ou faux, et de ranger Dieu dans les actes de foi, qui ne se discutent pas scientifiquement, donc ne peuvent s’imposer aux autres selon des moyens logiques et par conséquent se cantonnent dans la sphère privée. Un objet de foi n’est analysable que dans la mesure où il énonce une affirmation de type scientifique, vérifiable ou réfutable. Chaque fois que j’ai testé de ne pas commencer mon cours par ce point, j’ai eu une avalanche de questions du type respect des religions. Alors qu’en le faisant, je pose mon respect de la foi en tant qu’acte de foi, de même que je respecte les goûts des autres sauf s’ils portent atteinte à l’intégrité du voisin (quelqu’un qui aimerait la chair fraîche par exemple).

Mes collègues Nicolas Gaillard, Guillemette Reviron et Denis Caroti ont eux aussi repris ce point de départ.
Essayez, et donnez-nous  vos impressions.
Richard Monvoisin

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Croyance : entre  acte de foi et « remport d’adhésion »

Dans notre démarche zététique, nous devons nous consacrer au monde des croyances, à la manière de les appréhender et à quelques moyens de s’en servir à des fins pédagogiques. Pour cela, employer une lexicologie précise s’avère incontournable. Pourtant, première constatation : la langue française ne permet pas de faire la distinction entre la croyance comme acte de foi (faith) et la croyance de type adhésion (belief). Le recouvrement des deux acceptions du même terme crée ce que les zététiciens appellent un effet paillasson. Pour sortir de ce glissement sémantique, nous avons proposé la notion de remport d’adhésion, qui se rapproche de la définition anglo-saxonne de rationnal belief, c’est-à-dire d’une croyance produite par une démarche d’énonciation de vérité susceptible d’être infléchie par le raisonnement ou l’expérience.

Alors que la croyance en tant qu’acte de foi relève du choix personnel, ne cherche pas les caractéristiques d’une construction scientifique, et n’a pas vertu à s’imposer factuellement, nous appelons remport d’adhésion le mécanisme complexe et multifactoriel qui amène un individu à penser que son adhésion à une thèse, une hypothèse ou à une théorie est mue par une chaîne de raisonnements rationnels étayés par des faits.

Toutefois une adhésion peut être remportée à tort, par exemple lorsqu’elle est de type simili-rationnelle, lorsqu’elle repose sur des critères non suffisants ou non réfutables, lorsque le raisonnement est entaché de biais, soutenu par des idées reçues ou motivée par des options idéologiques ou métaphysiques, etc.

Lorsque cette croyance persiste chez un individu, malgré la démonstration des défauts théoriques de ladite croyance, alors on a tendance à parler de croyance pseudoscientifique (de pseudês, en grec : mensonger).  Ainsi, croire en une théorie fausse est une croyance non-scientifique. Persister à croire malgré une démonstration en règle peut être qualifiée de pseudo-scientifique (même si la personne est sincère dans sa persistance).

Résumons : la croyance comme adhésion remportée relève des théories de la connaissance, de la psychologie cognitive, de l’ethnologie,  des sciences de l’Humain ; la croyance comme acte de foi, elle, fait intervenir une transcendance et de ce fait se situe sur un magistère totalement disjoint des sciences – et de ce fait ne peut prétendre à une quelconque validité hors de la sphère personnelle.

Chose pratique, cette distinction est également revendiquée par un bon nombre d’experts de la foi (par exemple Erny 1995).

Si ces deux types de croyance peuvent potentiellement être objets d’analyse critique, la méthode scientifique, redoutablement efficace pour les secondes, ne l’est que dans certaines conséquences ou interprétations corollaires de la première. En effet, l’acte de foi ne nécessitant ni raisonnement, ni preuve — puisque basé sur des concepts transcendantaux —, son objet sort du matérialisme et la science prise au sens méthodologique n’a aucune prise sur lui : un regard scientifique critique pourra éventuellement s’exercer sur l’historicité et les fondements des dogmes forgeant l’acte de foi (l’existence historique de Jésus, par exemple, ou le caractère sacré des textes scripturaires), ou sur certaines prescriptions scientifiques ou médicales effectués au nom de cet acte de foi (la maladie comme punition divine, par exemple, ou la négation de l’existence du SIDA). Mais l’analyse de l’acte de foi en lui-même ne peut se faire pratiquement qu’aux plans moral et politique. À l’opposé, étayer un acte de foi sur des faits — stigmates, traces, signes, suaires, miracles — devient un non-sens. Nous simplifions à outrance un des plus vastes champs de réflexion de la philosophie classique en écrivant :

 
Une différence fondamentale [entre les deux acceptions du terme croyance] est à opérer pour un zététicien : là où la première est un remport d’adhésion souvent hâtif, la seconde acception, elle, de facture religieuse, repose sur un acte de foi. En d’autres termes, si l’adhésion à une théorie peut être critiquée zététiquement, un acte de foi n’est pas discutable puisqu’il ne se base sur rien de tangible. Les deux acceptions buttent sur ce que Bricmont appelle un irréductible antagonisme. La zététique ne peut traiter la question de dieu ; celle du suaire de son fils, si !

Nous avons pris le parti pédagogique de toujours commencer les enseignements  zététique/esprit critique/rapports sciences et pseudosciences par ce distinguo, ceci non seulement pour épargner (momentanément ? À eux de voir) les choix moraux personnels des interlocuteurs/étudiants — et ne pas soulever de réactions « épidermiques » pouvant interférer avec notre enseignement -, mais aussi pour conserver à la science son assise. C’est loin de n’être qu’une précaution oratoire lorsque, comme nous l’entreverrons, les sollicitations « spiritualistes » sont nombreuses.

Dans un contexte médiatique où le mélange des genres est récurrent, nous donnons préférentiellement trois exemples aux étudiants.
 

  • Le créationnisme

La revendication de l’enseignement conjoint de la théorie de l’évolution et du créationnisme dans un certain nombre d’états américains et océaniens. Manifestement, la série d’arguments apportés en guise de « preuve » d’un dessein cosmique a suffit, dans une certaine mesure (1), pour faire valoir une équivalence factice entre l’enseignement de la théorie de l’évolution, scientifique, et celui du créationnisme, ou de son avatar pseudoscientifique, l’ID — cela sur un fond démagogique de libéralisme intellectuel propre à la laïcité au sens états-unien (voir 4.4.5 Le mode politique).

  • Le « Suaire » de Turin

Le prétendu « suaire » de Turin, présenté comme une preuve de la qualité divine de Jésus dont la toile de lin aurait  enseveli le corps. Le non-sens est manifeste puisque si la qualité divine se prouvait — et avait attendu les études sur la toile de lin pour l’être — alors la croyance au divin serait une question scientifique.

  • La physique quantique et son utilisation pour étayer la possible existence d’une autre réalité

Les exemples sont pléthore (voir à ce propos le cours de Denis Caroti « La vie serait quantique ? »). Le dernier en date au moment de rédiger date du 1er juin 2007, dans le Figaro :

(…) la physique quantique ne prouve en rien l’existence de Dieu. Elle élargit le « champ des possibles ». La physique démontre l’existence d’un niveau de réalité dont on ne peut rien préjuger. Rien de cet autre niveau de réalité ne nous amène à l’idée qu’il existe un Dieu plein d’amour pour nous. Mais l’existence de cet autre niveau de réalité, avec lequel l’homme peut sans doute être en contact, rappelle les intuitions majeures de toutes les grandes religions — y compris les religions sans dieu comme le bouddhisme ou le taoïsme — fondées sur deux principes : l’existence, précisément, d’un autre niveau de réalité et la possibilité d’un lien entre l’esprit humain et cette autre instance. Ces principes deviennent beaucoup plus crédibles qu’ils ne l’étaient avant les découvertes de la mécanique quantique (…) (Staune & Comte-Sponville, 2 juin 2007).
 

Même s’il ne s’agit pas de « prouver Dieu » comme les titres le résument régulièrement, postuler qu’il existe une autre réalité corroborant une intuition religieuse précipite derechef dans l’acte de foi. Relevons au passage le non-sens d’une telle assertion, aussi stimulante que paradoxalement non testable : si on montre scientifiquement (avec la mécanique quantique ou autre) que quelque-chose existe, alors ce quelque-chose fait partie de la réalité, puisqu’il existe. Prouver réellement qu’il existe une autre réalité participe de l’oxymore.

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(1) Fin 2005, fort heureusement, le juge Jones a tranché en défaveur de l’Intelligent Design. Goodstein L., Judge Rejects Teaching Intelligent Design, New York Times, 21 déc. 2005. (Mais est-ce à la justice de trancher sur la  pseudoscientificité (🙂) d’une théorie ?).

 

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Roger Gonnet, 10 ans de scientologie, 30 ans de lutte

  • Dans le premier document, Roger Gonnet raconte sa rentrée dans la scientologie, avec des détails sur la « théorie sous-jacente », inspirée d’un mélange de freudisme et de science-fiction.

  • Dans le deuxième extrait, Roger aborde les mécanismes de l’adhésion, et la manière dont lui-même a pu se sortir de la nasse. Il énonce quelques paramètres de détection des dérives très simples à enseigner ou à transmettre au grand public.

  • Dans ce troisième document, Roger aborde la question de la liberté de culte, et le mot secte.

  • Quatrième partie, Roger Gonnet discute ici la liberté de la conviction de l’individu et la liberté de critique de la croyance.

  • Cinquième partie : Roger indique quelles sont les ressources que l’on peut consulter lorsqu’on cherche des informations sur les dérives sectaires.

Le site Antisectes, qu’il gère.

Le site Prevensectes.

La Miviludes (Mission Interministérielle de Vigilance et de LUttes contre des Dérives Sectaires)

  • Dans la sixième et dernière partie, Roger Gonnet encourage à former l’esprit critique dès le plus jeune âge, et recommande quelques lectures.

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Russell Miller, Ron Hubbard le gourou démasqué, par Russel Miller, Plon, 1994.

Nicolas Jacquette, 25 ans, Ma vie chez les Témoins de altJéhovah, Balland, 2007.

altEmmanuel Fansten, Scientologie: autopsie d’une secte d’État, Robert Laffont, 2010.

Et son propre livre sur la Scientologie, La secte, secte armée pour la altguerre – chronique d’une « religion » commerciale avec irreponsabilité illimitée, Alban, 2004.

 

Merci pour ce témoignage, ces conseils et cet extraordinaire combat, Monsieur Gonnet !

Richard Monvoisin

Documents filmés le dimanche 13 mars 2011

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Impacts de la psycho-pop, par Brigitte Axelrad

Les médias utilisent l’intérêt du public pour les questions psy, ce qui leur permet de faire de l’audience et des ventes importantes. Le représentant de Psychologies Magazine ne se cache pas pour dire que le mal être des gens, et plus particulièrement des femmes, constitue son fond de « commerce » !
Ces émissions et ces revues abordent les sujets psy de façon superficielle et souvent réductrice. Elles font entrer dans le langage populaire des concepts empruntés à la psychanalyse et dont tout le monde croit connaître le sens.

La vigilance critique devrait, à mon sens, guider l’écoute et la lecture de cette presse psycho-pop. Notamment apprenons à détecter le « rapt des concepts », en particulier ceux qui sont issus de la psychanalyse : complexe d’Œdipe, refoulement, lapsus révélateurs, actes manqués, etc. et surtout l’inconscient, comme la clé d’interprétation de toutes les manifestations d’ordre « psychique ».
Ces médias propagent par ailleurs des approches pseudo-scientifiques telles que celles de Jacques Salomé, la psychogénéalogie, les thérapies de la « mémoire retrouvée » et toute la vague des thérapies « New Age », et des méthodes contestables et contestées, telles que la PNL (Programmation Neuro-Linguistique), l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing), l’hypnose, l’imagerie guidée, la communication facilitée (CF), la canalisation, etc. Quand on entend ou lit des termes issus du vocabulaire scientifique et utilisés hors de leur contexte, tels que « quantique », « énergie », « hologramme », une méfiance redoublée serait de mise.

La place privilégiée de la psychanalyse dans la société française.

L’une des raisons qui donne à la psychanalyse cette première place dans l’interprétation des comportements et des troubles psychologiques est peut-être le fait qu’elle a été enseignée dans les classes terminales des lycées et a constitué le socle des cursus universitaires de philosophie et de psychologie.

Une autre raison est, de mon point de vue, l’icône de Sigmund Freud, considéré dans son domaine à l’égal de Copernic en astronomie, d’Einstein en physique ou de Darwin en biologie, comme Freud lui-même se plaisait à le dire, en qualifiant la psychanalyse de « troisième révolution » dans le monde des idées.

Contester l’image ou les théories de Freud est en France un sujet relativement tabou. Les tentatives récentes des auteurs du Livre Noir de la psychanalyse, de Jacques Bénesteau ou de Michel Onfray, ont du mal à s’imposer dans l’opinion. Contester Freud est encore chez nous un sacrilège et souvent taxé d’antisémitisme.

Ceci n’est plus le cas dans le reste du monde, à l’exception notable de l’Argentine.

Vous pouvez remarquer qu’à chaque accident grave : attentat, catastrophe naturelle ou phénomène social, les médias font appel au psychanalyste de service et non à un psychologue, pour commenter et préconiser des solutions d’aide psychologique aux victimes.

La prétention de la psychanalyse à tout expliquer a conduit depuis qu’elle existe à n’attribuer qu’une seule cause à toutes sortes de pathologies, dont on n’a pas encore l’explication scientifique. C’est le cas en particulier de l’autisme, dont la responsabilité a été attribuée, depuis les pseudo-travaux de Bruno Bettelheim, à la « mère-réfrigérateur », concept dû à Léo Kanner et aussi sexiste que… faux. Fort heureusement aujourd’hui, les progrès de la génétique, des moyens d’investigation comme l’IRM (Imagerie par Résonance Magnétique), ont envoyé ce concept à la poubelle. Mais ces théories fumeuses guident encore les psychiatres adeptes du packing, cette sorte de camisole glacée utilisée pour des enfants, et empêchent le développement des thérapies comportementales comme le traitement ABA (Applied Behavioral Analysis).

La psychanalyse s’est attribué une place de choix en psychothérapie, malgré les preuves apportées aujourd’hui que Freud a falsifié ses résultats et dissimulé ses échecs thérapeutiques, comme celui de l’homme aux loups, par exemple. La psychanalyse prétend donner aux troubles psychologiques une seule explication : les traumatismes sexuels, qui auraient été subis dans l’enfance. Elle incite les patients à creuser dans le passé pour retrouver la cause de leurs difficultés actuelles. Une cure psychanalytique peut durer des années. À l’inverse, les thérapies cognitivo-comportementales (TCC), dites brèves, sont fondées sur les connaissances issues de la psychologie scientifique. Le thérapeute intervient sur les processus mentaux ou cognitifs, conscients ou non, considérés comme à l’origine des émotions et de leurs désordres, pour changer le comportement du patient. Comme l’a dit Jacques Van Rillaer, lorsque le patient est au fond du trou, mieux vaut lui donner une échelle pour en sortir qu’une pelle pour le creuser !

Les thérapies cognitivo-comportementales ont du mal à être reconnues malgré leur efficacité supérieure à celle de la psychanalyse. Le rapport de l’INSERM, publié en 2004, en a apporté la preuve, mais il a été retiré du site du Ministère de la Santé sous la pression des écoles psychanalytiques (1). Depuis 2004, l’encadrement de la profession de psychothérapeute a fait l’objet d’un projet de loi, finalement publié en 2010 avec des amendements, pour protéger surtout la pratique des psychanalystes, qui sont dispensés du cursus universitaire. Richard Monvoisin a fait remarquer que, pour devenir psychanalyste, il suffit en gros d’avoir fait soi-même une psychanalyse. Comme si de s’être fait soigner les dents chez un dentiste procurait la connaissance et le droit d’exercer le métier de dentiste !

Les thérapies de la « mémoire retrouvée »

Elles sont fondées sur la théorie de la séduction de Freud, qui a précédé celle du complexe d’Œdipe. Les thérapeutes adeptes de la « mémoire retrouvée » n’ont qu’une seule théorie : les difficultés existentielles du patient n’ont qu’une seule cause, un abus sexuel subi dans l’enfance, que l’inconscient aurait « refoulé » pour protéger la « victime ». Retrouver le souvenir de l’abus permettrait seul la « guérison ». Dans ce contexte, le thérapeute exerce sur le patient une pression psychologique pour lui faire accepter cette cause. Une partie de ces patients finit par accepter cette explication à son mal être et retrouver des « souvenirs enfouis » d’abus sexuel.

Comment être sûr que ces souvenirs sont vrais ou faux ? Quels indices permettent de faire la différence entre vrais souvenirs et faux souvenirs ? Sans corroboration extérieure, vous ne pouvez pas faire la différence. Les vrais souvenirs comme les faux peuvent comporter les mêmes détails et être exprimés avec confiance et émotion. Elizabeth Loftus a montré que la mémoire est malléable et ne fonctionne pas comme une bande magnétique ou le disque dur d’un ordinateur, elle reconstruit en permanence les souvenirs. Plusieurs expériences, menées par elle et son équipe de chercheurs, en apportent la preuve : « Bugs Bunny à Disneyland », « Perdu dans un centre commercial », etc. La mémoire est donc sujette à manipulation par des thérapeutes convaincus du bien-fondé de leur théorie. Richard McNally, professeur à Harvard, a montré que la théorie du refoulement n’a jamais pu être prouvée, Daniel Schacter, professeur à Harvard lui aussi, fait remarquer et que les traumatismes violents subis dans les camps de concentration ou dans les conflits ne sont pas oubliés.

Quand un patient consulte un psychothérapeute, il est fragilisé, a besoin d’aide, et espère guérir de son mal être. Il lui sera difficile de se rendre compte qu’il est manipulé, si c’est le cas. La théorie de l’engagement l’incite toujours à continuer sa thérapie avec le même thérapeute, dans l’espoir que l’effort commencé portera ses fruits.

Il est quasiment impossible de différencier d’entrée de jeu un psychothérapeute des « faux souvenirs » d’un autre. Il peut être psychiatre, médecin, psychanalyste, psychothérapeute reconnu ou auto-proclamé. Les psys qui dénoncent chez les autres la méthode des faux souvenirs, alors qu’ils la pratiquent eux-mêmes, prétendent que les souvenirs qu’ils amènent leurs patients à retrouver sont vrais.

En conclusion, s’informer et garder son esprit critique sont les principales armes pour déjouer les pièges des psycho-pop.

Brigitte Axelrad

CorteX_SPS_HS_Psycha(1) Complément : lien vers l’article d’Esteve Freixa, qui se trouve également dans le hors-série Psychanalyse de Science & Pseudosciences N°293, décembre 2010. Et pour se rappeler de la génèse de la vindicte contre le rapport Inserm, on pourra lire cet article d’E. Faverau dans Libération de  22 février 2005.

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Note : Brigitte Axelrad, parmi moult productions disponibles sur Sciences & pseudosciences ou sur le site de l’Observatoire Zététique, a écrit chez book-e-book.com l’ouvrage « Les ravages des faux souvenirs, ou la mémoire manipulée » (2010).