Luttes paysannes et populaires – Projet Histoire des luttes sociales

Vous avez lu les bases du Projet Histoire des luttes sociales, paysannes, populaires, féminines… Vous voici dans l’onglet Luttes paysannes et populaires. Vous avez vu / entendu quelque-chose de ce genre ? Écrivez-nous.

 

L’affaire Durand, 1910

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J’ai (RM) découvert l’affaire Durand sur le catalogue des éditions Rouge et Noir, il y a quelques temps. Ouvrant le livre de Patrice Rannou, qui se lit d’une traite, j’ai été particulièrement stupéfait par cette histoire, qui nous amène au Havre, chez les Charbonniers, et montre comment les grosses compagnies étaient capables d’instrumentaliser ce qui était un fait divers tragique (une rixe entre types ivres menant à la mort l’un d’entre eux, Louis Dongé, notoirement ‘jaune », ou « renard », c’est-à-dire anti-gréviste) en un combat anti-syndical. C’est ainsi que Jules Durand fut accusé sans preuve d’avoir prémédité et commandité l’assassinat de Dongé, et fut condamné à la peine capitale, provoquant ce que d’aucun.es ont appelé l’affaire Dreyfus du pauvre. Les militant.es ouvrier.es, anarchistes et socialistes levèrent des campagnes, dans la lignée des dénonciations des violences patronales fréquentes envers des grévistes (Fourmies 1891, Draveil 1908, etc.) et annonçant la formidable campagne de Louis Lecoin sur Sacco & Vanzetti dix ans plus tard. Jules Durand fut libéré neuf mois plus tard, seul homme condamné à mort au cours du XXe siècle, dont l’innocence sera finalement reconnue par la Cour de Cassation. Mais la prison lui aura volé sa santé mentale, et Durand ne recouvrera jamais la raison, finissant ses jours dix ans plus tard à l’hôpital Sainte-Anne, seul comme un menhir.

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La fabrique de l’histoire du 11 mars 2014 sur France Culture traita du sujet, dans un documentaire d’Anaïs Kien, réalisé par Françoise Camar : Mort d’un Renard – Enquête sur l’affaire Jules Durand.

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Un site lui est consacré, julesdurand.fr, ainsi qu’une bande-dessinée, Les docks assassinés, signée Roger Martin et Mako (2016, L’atelier). Il existe également une association des amis de Jules Durand.

Farrebique et Biquefarre, de Georges Rouquier

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Laure Adler est en entretien sur France Culture avec Georges Rouquier (1909-1989) à propos de ses films Biquefarre et Farrebique, témoignages quasi-documentaires de la vie d’un village de l’Aveyron, au sortir de la guerre d’abord puis 40 ans plus tard. Cette émission, qui remonte à 1984, a été rediffusée le 5 mars 2017. Je (RM) ne peux pas évoquer ces films sans faire mention de mon attachement ancien et « tripesque » à ces œuvres.

L’émission est ici :

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Les bandes-annonces des films sont là :

Farrebique (1946)

Biquefarre (1983)

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Howard Zinn, une histoire populaire américaine, volet 1, Du pain et des roses

Ce travail salutaire, attendu de longue date, les Mutins de Pangée l’ont mené à bien. Il s’agit d’un retour sur les luttes sociales et populaires oubliées, qui ont émaillé les États-Unis aux XIXe et XXe siècles, et qu’a étudié Howard Zinn durant sa vie. Le film, réalisé par Olivier Azam & Daniel Mermet est produit par Les Mutins de Pangée et distribué au cinéma par Les Films des Deux Rives. Le DVD est désormais disponible. Le film, lui, est sorti en salle le 29 avril 2015.

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L’émotion nous étreint, car Howard Zinn a été une personne fortement inspirante pour nous et notre matériel pédagogique. Je (RM) dois ma première rencontre avec ce personnage au film Good Will Hunting de Gus van Sant (1997) – Téléchargez l’extrait ici (en français). Dès lors, j’ai lu son travail, depuis ses livres et son autobiographie jusqu’à ses pièces de théâtres, dont le fameux En attendant Emma sur Emma Goldman. J’ai retrouvé des traces de ses citations favorites chez des musiciens, comme System of a down (on entend « we can’t afford to be neutral on a moving train » dans Deer dance, ou « There is no flag that is large enough to hide the shame of a man in cuffs » dans la chanson A.D.D), mais aussi chez Pearl Jam, NOFX, Bruce Springsteen et bien d’autres. Enfin, on pourra se régaler et regardant et lisant Des voix rebelles- Récits populaires des États-Unis , un livre-dvd édité par les Mutins de Pangée et les éditions Agone dans la collection Mémoire populaire, autour du film THE PEOPLE SPEAK inédit en France, de Howard Zinn, Antony Arnove et Chris Moore.

Les grandes grèves automobiles

Émission de Jean Lebrun La marche de l’histoire, sur France Inter, diffusée le 10 février 2015.

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« C’était l’époque des lois sur l’expression des travailleurs, que défendait Jean Auroux : on parlait de printemps de la dignité. L’industrie automobile française entrait dans son automne mais n’en avait pas vraiment conscience. PSA perdait de l’argent depuis 1980 mais comptait encore 180 000 salariés dans 8 usines Peugeot, 8 usines Talbot, 18 usines Citroën. Trois grandes grèves secouent successivement le groupe : à l’atelier de carrosserie de Peugeot Sochaux en octobre 1981, dans l’ensemble de l’usine de Citroën Aulnay en mai 1982, à Talbot Poissy le mois suivant. Ces  mouvements qui connaissent un grand écho font de l’O.S qui travaille à la chaîne une figure de proue. Le médiateur que nomme le gouvernement affirme qu’il faut lui ouvrir des « filières de libération ». Or il se trouve que les OS sont de plus en plus des immigrés. Mais, en 1982, ils ne sont pas encore présentés de manière systématique comme tels. C’est progressivement qu’ils vont l’être, à la faveur notamment du changement d’axe qui se produit  peu après. Les difficultés économiques manquent d’abattre le groupe PSA qui va couper la branche Talbot. À Poissy, le nouveau conflit qui s’ensuit en décembre 1983 est marqué par des traits très différents. Les ateliers sont plus divisés, il arrive qu’on y crie : « Les arabes à la Seine »…Les ouvriers immigrés avaient commencé à s’imaginer un avenir en France, leurs enfants organisaient cette année-là la Marche des Beurs : bientôt,  le rendez-vous serait manqué ».

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Ambroise Croizat et la sécurité sociale

Bien des rues portent son nom, et bien peu savent qu’il y eut près d’un million de petites gens à ses obsèques en 1951. Surnommé le « ministre des travailleurs », ce Savoyard est l’un des fondateurs des lois relatives à la sécurité sociale, de l’organisation administrative des caisses aux régimes et conventions collectives. C’est un de ces personnages qui ont fondé à la force du poignet une part de notre bien-être actuel.

« Jamais nous ne tolérerons que ne soit renié un seul des avantages de la sécurité sociale. Nous défendrons à en mourir et avec la dernière énergie, cette loi humaine et de progrès... »

Dernier discours d’Ambroise Croizat à la tribune de l’Assemblée Nationale, en octobre 1950.

Émission de Là-bas si j’y suis, sur France Inter (23 décembre 2011) Télécharger ici. Écouter :

Émission 2 : télécharger (44 Mo) – Écouter :

Émission 3 : télécharger (39Mo) – Écouter :

Émission 4 : télécharger (41Mo) – Écouter :

Quand les céréaliers s’unissent : naissance des coopératives agricoles dans les années 30

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Documentaire d’Emmanuel Laurentin, réalisé par Christine Robert pour La fabrique de l’histoire, sur France Culture (26 avril 2004).

Depuis la fin du XIXème siècle, la forme coopérative s’était développée dans les milieux ouvriers et dans certaines activités agricoles. Cependant les petits et gros cultivateurs céréaliers étaient restés en dehors de ce type d’organisation, continuant à vendre leur blé aux petits négociants éparpillés sur tout le territoire. La crise des années 30 se double dans les milieux ruraux d’une chute des prix du blé sur plusieurs années. Les agriculteurs saisissent alors la nouvelle loi sur la coopération, votée une dizaine d’années plus tôt, pour s’unir face à la chute des cours. En quelques années, la France va se peupler de centaines de petites coopératives cantonales ou départementales qui pour beaucoup vont transformer le paysage rural en construisant de grands silos de béton, cathédrales de la nouvelle organisation agricole. Ce documentaire plonge dans les milieux coopératifs du Loir-et-Cher et des agriculteurs de la Vienne, à la recherche des derniers témoins vivants de cette aventure de la coopération.

Écouter ici.

Tous au Larzac, de Christian Rouaud (2011)

Christian Rouaud avait déjà fait le magistral documentaire « Lip, l’imagination au pouvoir » en 2007. Il récidive ici avec ce documentaire, en ce moment sur les écrans.

En octobre 1970 est divulgué le projet d’extension du camp militaire du Larzac, construit en 1902 et installé sur la commune de La Cavalerie sur une superficie confortable de 3 000 hectares. Cet agrandissement prévoit pourtant de porter sa surface à 17 000 hectares et d’empiéter sur douze communes environnantes. Le projet se heurte d’emblée à une levée de boucliers de la part des paysans de la région, qu’ils soient natifs de cette terre ou nouveaux arrivants. Pour en savoir plus.

Destruction massive, géopolitique de la faim

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Jean Ziegler

Avec Jean Ziegler, extrait de Là-bas si j’y suis, France Inter, 3 février 2012.

Il y est question  de l’article signé Ziegler « Quand le riz devient un produit financier », Le Monde Diplomatique, février 2012

Télécharger– Écouter :

La complainte d’un paysan ardéchois

Les pieds sur Terre, France Culture, 22 février 2011

Une journée avec Roland, paysan du plateau ardéchois, en zone de montagne trop basse pour les sports d’hiver et trop haute pour l’agriculture.

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Luttes contre l’aéroport de Notre-Dame des Landes

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Émission du 7 mai 2011 de Terre à terre, France Culture. Reportage autour du projet d’aéroport du Grand-Ouest à Notre-Dame des Landes, et des luttes populaires qui s’y opposent – narrées sur ce blog-ci.

Merci à Jean-Noël Plauchu.

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Luttes contre le puçage électronique des troupeaux

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Terre à terre, France Culture émission du 14 mai 2011.

Avec l’appel du collectif Faut pas pucer, ainsi qu’un article du journal CQFD, La puce à l’oreille (n°87 mars 2011) par Marie Ghis Malfilatre.

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Les Hommes et le loup

Avec Jean-Marc Moriceau, La marche de l’Histoire, sur France Inter, 18 mai 2011.

Conflagration entre divers intérêts, différents champs scientifiques autour de la question du loup à travers les âges.

Télécharger – Écouter :

À lire : Jean-Marc Moriceau et Philippe Madeline, Repenser le sauvage grâce au retour du loup. Les sciences humaines réinterrogées, Presses universitaires de Caen (2010).

Vous avez des émissions à proposer ? Écrivez à contact [at] cortecs.org.

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Matériel pédagogique sur la normalité

Qu’est-ce qui est « normal » ? Normal par rapport à quelle norme ? Vis-à-vis de quelle pathologie ? De quelle folie ? Normal par rapport à quel « para-normal » ?
Le mot norme est assez complexe à appréhender. Il m’arrive d’interroger les étudiants sur ce qui est « normal », afin de bousculer les normes enfouies ou non avouées, les leurs ou les miennes. Hétérosexualité, vie de couple, travail, labeur, logement, papiers, emploi, santé mentale, etc. du côté de la norme. Homosexualité, transsexualisme, refus du travail, sans logement, sans papier, chômeur, et folie, etc. du côté hors-norme.
Je regrouperai ici avec mes collègues quelques documents pouvant aider l’enseignant à questionner ces normes.

Normalité & folie

Emission passionnante que Histoire de l’Hygiène volet 3, de la Fabrique de l’histoire du 5 octobre 2011. Débat historiographique sur les débuts de la psychiatrie au 19ème siècle, avec Laure Murat (professeure au département d’études françaises et francophones de l’Université de Californie-Los Angeles) et Aude Fauvel (docteure en histoire, Institut Max Planck d’Histoire des Sciences de Berlin).

Ce document est intéressant à plus d’un titre. Il écorne un brin Michel Foucault sur sa méthodologie, ses « manipulations d’archives », sur le caractère français de son histoire de la folie, différente par exemple de la belge ou de l’anglaise. et  ce qui est rare (voir une critique de M. Foucault ici). On y aborde la question des techniques employées envers les « fous », la ruse, la violence, les bains froids, les sangsues, ainsi que l’organicisme naissant, c’est-à-dire la recherche d’un organe ou d’une zone propre au génie et à son pendant soi-disant négatif, la folie.

Je (RM) sais à quel point les modes, notamment technologiques, jouent un rôle dans la composition des « délires » courants d’une époque (pensons aux actuelles abductions, ou enlèvements par des soucoupes volantes). Je ne savais pourtant pas du tout que se prendre pour Napoléon avait pu être aussi répandu dès le retour des cendres en France (1840), et j’ai appris que le magnétisme animal, curatif, avait eu un rôle géopolitique, les Anglais ayant semble-t-il cru que les Français leur nuisaient à distance. L’émission est émaillée d’archives écrites de la clinique du Docteur Blanche.

Chose remarquable, Laure Murat, contrairement à d’autres tout aussi cléments qu’elle avec la psychanalyse, n’en fait pas des tonnes. Certes,CorteX_Laure_Murat_Napoleon un ou deux termes typiques (comme délire) lui échappent parfois. Alors gageons que son livre appartiendra, comme ses interventions, plus volontiers à l’histoire qu’à la verbiate psychanalytique.

Laure Murat, L’homme qui se prenait pour Napoléon : pour une histoire politique de la folie, Gallimard, 2011. Nous le lirons bientôt.

Normalité & habitat

Le Diogène des Baronnies – documentaire de Mehdi Ahoudig et Vincent Abouchar – Sur les Docks, France Culture, 26 avril 2011.

Écoutez ici :

Téléchargez là.

Description :

« Le village de Buis-les-Baronnies est situé en Drôme provençale. Christian Guienne y vivait depuis plus de cinquante ans. Il n’était pas rare de croiser cet homme, à la nuit tombée, tirant un chariot dans lequel il ramassait toutes sortes d’objets et d’ordures qu’il récupérait dans les poubelles. Atteint du Syndrome de Diogène, qui se traduit par la manie d’entasser jusqu’à réduire son espace de vie à presque rien, il possédait une maison dans le village et des terres sur lesquelles il entreposait ses trouvailles.
Dans le village, il était accepté par le reste de la population et  était même considéré comme une figure de Buis-les-Baronnies, jusqu’à ce que cette manie rende ses conditions de vie critiques, et que sa tutelle et la municipalité le placent d’office à l’hôpital psychiatrique de Montélimar, fin octobre 2009.
Le 30 décembre de cette même année, il décède là-bas d’un arrêt cardiaque. Le village est choqué par cette nouvelle. Certains dénoncent le refus de la mairie d’accepter la différence, d’autres considèrent que Christian Guienne vivait dans l’insalubrité. Les habitants sont divisés, la polémique grandit.
Quelles relations cet homme entretenait-il avec le reste de la population ? A quel moment sa marginalité est-elle devenue intolérable, pathologique ? Comment les villageois, les proches, les institutions, la médecine abordent-ils la question des frontières entre la norme, la marge, la pathologie ? »

 

Entraînez-vous ! Effectifs, polices municipales, les questions qui fâchent (Figaro)

Le 7 Juillet 2011, la Cour des Comptes rend public un rapport intitulé L’organisation et la gestion des forces de sécurité publique. Le lendemain, le Figaro.fr publie l’article qui suit. Une belle occasion de tester l’outillage critique sur des sujets politiques !
Mon analyse est à votre entière disposition ici.

Guillemette Reviron

Effectifs, polices municipales, des questions qui fâchent (LE FIGARO.fr)

Un certain nombre de points, évoqués dans le rapport de la Cour des comptes, agacent la Place Beauvau. Revue de détail.

La baisse de la délinquance résulterait de «l’amélioration par les constructeurs autos des dispositifs contre les vols»
«Raccourci trompeur, d’autant plus qu’une telle affirmation ne fait l’objet d’aucune démonstration sérieuse…», rétorque Claude Guéant. «Contrairement aux allégations des rapporteurs», le ministre de l’Intérieur défend ses troupes en expliquant le repli des crimes et délits par «les efforts de mobilisation des services et l’efficacité des services d’enquêtes». Entre 2002 et 2009, le nombre des infractions révélées par l’activité des services est passé d’environ 200.000 à 290.000, soit un bond de 46 %.
L’essor des polices municipales serait lié à une «forme de recul» des missions de surveillance générale par l’État
«Manifestement, tout en prenant acte de la place prise par les polices municipales en France, la Cour semble mésestimer leur rôle et leur importance», insiste Claude Guéant. «Je conteste vigoureusement l’interprétation que font les rapporteurs», lance le ministre qui rappelle que ses instructions visent plutôt à une reconquête du terrain. Par ailleurs, il précise que «le principe de coordination repose sur une logique de complémentarité et non de substitution».
La participation de l’Intérieur à l’effort de réduction des emplois publics annulerait les recrutements antérieurs
Selon Beauvau, «la Cour confond meilleur usage des deniers publics et contrainte sur les moyens». «Il est regrettable que la Cour ne prête nullement attention aux efforts continus depuis 2002 pour moderniser les forces de sécurité, lâche-t-on à l’Intérieur. En recentrant les forces de sécurité sur leur cœur de métier, les réductions des charges indues (transfèrements, garde des dépôts, sécurisation de salles d’audience) ou de missions périphériques (convois exceptionnels, gardes statiques) permettent ainsi à la police d’offrir le même niveau de service à la population.»
L’efficacité de la vidéo mise en doute
Rappelant que c’est depuis les attentats de Londres en 2005 que la France mise sur la vidéoprotection, Claude Guéant rappelle qu’un rapport de l’Inspection générale de l’administration a conclu la même année à «un développement insuffisant» et à une «implantation aléatoire des dispositifs les rendant mal adaptés à l’évolution des risques encourus par les citoyens». Environ 60.000 caméras devraient couvrir le pays d’ici à 2012.

Je vous propose mon analyse ici. N’hésitez pas à nous écrire pour nous faire part de vos suggestions ou remarques !

Guillemette Reviron

Luttes désobéissantes – Projet Histoire des luttes sociales

Vous avez lu les bases du Projet Histoire des luttes sociales, paysannes, populaires, féminines… Vous voici dans l’onglet Luttes désobéissantes.
L’ordre chronologique dépend de nos découvertes, il n’y a pas d’autre classement.

  • Les LIP, l’imagination au pouvoir

CorteX_LIPL’épopée des LIP à Besançon en 1973, c’est l’une des mobilisations ouvrières les plus importantes et les plus populaires de la Cinquième République. Leur slogan : « on fabrique, on vend, on se paie » et un acronyme : SCOP (société coopérative ouvrière de production). Affaires sensibles, sur France Inter rappelle le 30 mai 2017 les grandes lignes de ce combat. Pour aller plus loin, nous vous recommandons deux documentaires : Les Lip, l’imagination au pouvoir, de Christian Rouaud (2007)  et Fils de Lip, de Thomas Faverjon (2007), ainsi que l’émission Là-bas si j’y suis du 11 octobre 2004.

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  • Histoire des anarchies

Il s’agit d’un cycle de quatre émissions sur France Culture, dans La fabrique de l’histoire, s’étirant du 28 au 31 août 2017;

CorteX_Bakounine et Charles Perron à Bâle au congrès de l'Association internationale des travailleurs en 1869
Bakounine et Charles Perron à Bâle au congrès de l’Association internationale des travailleurs en 1869

La première émission porte sur l’histoire des anarchies au XIXe siècle, la naissance du mouvement anarchiste, depuis le Congrès de Saint-Imier, en cheminant de Proudhon à Marx et de Marx à Bakounine,  en nous penchant sur les organisations internationales de travailleurs en compagnie de Marianne Enckell, du CIRA (Centre International de Recherches sur l’Anarchisme) et Mathieu Léonard.

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La deuxième émission est un documentaire de Séverine Liatard, réalisé par Véronique CorteX_germaine_berton_1823Samouiloff : « Ce n’est pas rien de tuer un homme » ou le crime politique de Germaine Berton.

France Culture :

Ce 22 janvier 1923, une jeune femme de 20 ans, mineure, abat à bout portant le chef des Camelots du roi, Marius Plateau. Germaine Berton est anarchiste. Elle assassine ce membre important de l’Action française parce qu’elle juge la Ligue royaliste responsable de l’assassinat de Jaurès et du journaliste Miguel Almereyda et responsable aussi d’un incessant climat de violence. L’itinéraire politique de Germaine Berton est fulgurant et emblématique d’une ultra gauche antimilitariste, exaltée par la Révolution bolchevique et en quête d’une société nouvelle au lendemain de la [Grande guerre]. Durant les onze mois qui séparent le crime du procès, l’affaire connaît une importante médiatisation qui met alors en jeu les différentes composantes politiques de la société française de cette époque. Germaine Berton a tué pour des idées et revendique son crime dans une France qui rechigne à accorder l’égalité politique aux femmes.

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Dans la troisième émission, co-animée par Séverine Liatard, il est question des anarchistes espagnols.

Ojo por ojo contre le pistolérisme dans les années 1920
Ojo por ojo contre le pistolérisme dans les années 1920

France Culture :

De cette histoire nous connaissons surtout la fin, celle qui fait des anarchistes une des composantes essentielles de la Guerre civile espagnole. Or, le mouvement anarchiste fait ses premiers pas en Espagne dès 1868 quand Giuseppe Fanelli arrive à Barcelone. Voici ce qu’ Anselmo Lorenzo, qui deviendra un des leaders du mouvement anarchiste espagnol dit de lui : « Fanelli était grand. Il avait l’air bon et sérieux, portait une épaisse barbe brune et ses grands yeux noirs et expressifs lançaient des éclairs ou reflétaient la plus grande commisération, selon les sentiments qui l’animaient. Sa voix, qui avait une sonorité métallique, était capable de prendre toutes les inflexions qui convenaient à son propos, passant rapidement de la colère et de la menace, quand il fulminait contre les tyrans et les oppresseurs, aux accents de pitié, du regret, de la consolation, pour évoquer les souffrances opprimés, soit qu’il les comprît sans les avoir subies, soit qu’en véritable altruiste, il prît plaisir à présenter un idéal ultra-révolutionnaire de paix et de fraternité. Il parlait en français et en italien, mais nous comprenions sa mimique expressive et nous suivions son exposé ». Anselmo Lorenzo (1842 – 1914) El Prolteriado militante, 1913.

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Manifestation contre la loi travail à Paris le 26 mai 2016
Manifestation contre la loi travail à Paris le 26 mai 2016

Enfin, dernière émission,  co-animée par Séverine Liatard, dans laquelle est discuté si l’onpeut parler ou non d’une internationale anarchiste. Le débat sur ce thème est vif, en particulier depuis la publication, à la fin des années 2000, de la thèse de Vivien Bouhey, qui, à partir d’archives de police, revenait sur l’idée développée par Jean Maitron, pionnier de l’histoire de l’anarchisme, d’une organisation minimale des anarchistes français. Faut-il prendre au pied de la lettre les accusations de « complot anarchiste » développées par les gouvernements de la fin du XIXème siècle ? Ou, au contraire, considérer qu’il y avait dans le développement de la « propagande par le fait » une multitude d’acteurs sans lien organique entre eux ?

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  • Le Maloya comme courroie

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Danyel Waro, le légendaire

Venu de l’Afrique par Madagascar, le maloya est un style de musique contestataire réunionnais qui se murmure la nuit contre les colons, les Gros Blancs, qui l’interdisent. Dans les années 1950, le maloya est prohibé par l’administration coloniale qui voit grandir la revendication indépendantiste. Au cours de l’histoire métisse de La Réunion, le Malbar comme le Ti’blanc s’accaparent le maloya, à l’instar de Danyel Waro, son plus célèbre ambassadeur, qui s’en sert pour narrer des luttes sociales souvent oubliées. Ci-dessous, un reportage d’Antoine Chao pour Là-bas si j’y suis, sur France Inter, le 14 mai 2014.

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  • Ni Dieu ni maître – Une histoire de CorteX_Ni_dieu_ni_maitrel’anarchisme, de Tancrède Ramonet (2017)

    Du manifeste fondateur de Proudhon (1840) à la chute de Barcelone (1939), cette fresque documentaire fait revivre la richesse foisonnante d’un mouvement multiforme, montrant combien l’anarchisme continue d’irriguer tout le champ des luttes sociales et politiques.

    Premier volet : la volupté de la destruction (1840-1914).

    Né du capitalisme, frère ennemi du communisme d’État, l’anarchisme n’a eu pourtant de cesse de souffler son vent de liberté et de révolte sur le monde. Depuis la Commune de Paris jusqu’à l’émergence des premières grandes organisations syndicales, de l’apparition de milieux libres avec leurs pratiques de vie alternatives jusqu’à la mise en place d’écoles libertaires, le mouvement anarchiste a été à l’origine des premières révolutions et, sur les cinq continents, l’un des principaux promoteurs des grandes avancées sociales.

    Mais d’où vient donc l’odeur de souffre qui précède chacun de ces sombres cortèges ? Est-ce parce que ces révolutionnaires ont justifié la violence insurrectionnelle et à l’occasion, à l’instar de Ravachol ou Bonnot, été parmi les premiers à jouer du couteau ou du revolver et à faire parler la poudre ? Ou ne s’agit-il là que d’un triste malentendu, une noire légende, voire un simple fantasme médiatique et policier, qui aurait dessiné le portrait de ces utopistes savants en apôtre de la destruction ? De France au Japon et de Chicago à Buenos Aires, la Volupté de la destruction révèle les origines de cette pensée et dresse le portrait de ceux qui furent les pères fondateurs du mouvement libertaire. Mais, en revenant aussi sur les principaux événements de l’histoire ouvrière de la fin du 19ème et du début du 20ème (la création de l’internationale, fête du premier mai, attentats à la Belle époque, bataille pour la journée de huit heures), il dévoile surtout le rôle fondamental joué par les anarchistes dans le mouvement social au 19ème siècle et au début du 20ème.

    2. La mémoire des vaincus (1911-1945)

    Insurrectionnaliste, individualiste, illégaliste, végétarien.nes, anarcha-féministe, anarchiste chrétien ou encore anarcho-primitiviste, l’anarchisme a presque autant de sensibilités qu’il n’a de figure et s’il semble aujourd’hui minoritaire, on oublie trop souvent qu’il fut un temps où il domina le monde.Et pourtant au sortir de la première guerre mondiale, en Europe, l’anarchisme semblait avoir perdu presque toute son influence.Ce n’étaient pas seulement les attentats des propagandistes par le fait, ni même la proclamation à cors et à cris des lois scélérates, qui l’avaient rendu inaudible, mais bien plutôt les bombes qui, de Verdun à la Somme, en passant par le Chemin des dames, en assassinant dans certains pays près du tiers des travailleurs, avaient réduit au silence la masse des militants. Sans parler de ces millions d’amputés, de traumatisés et de gueules cassées pour lesquels la révolution n’étaient plus une priorité. Mais à la périphérie des grands pays industrialisés, au pourtour du monde occidental, les anarchistes ont survécu. Ils s’organisent, se rassemblent aux marges des empires, reprennent les armes et essaient partout de faire triompher leur idéal. Or pour l’emporter, face à une Réaction, qui elle aussi a de nombreux visages, les libertaires ne peuvent plus seulement imaginer de douces utopies et inventer de généreuses pratiques.  Dans cet entre-deux guerres fécond, où le capitalisme enfante ses deux bêtes immondes, stalinisme et fascisme, face à l’hydre totalitaire qui, généralise un peu plus le vol et industrialise la mort, ils doivent mener une guerre sur tous les fronts et plus que jamais prouver dans les faits l’efficacité de leur pensée. C’est ainsi, qu’au Mexique, en Russie ou en Espagne notamment, que les anarchistes vont conduire, au nom de la justice et de la liberté, certaines des plus grandes révolutions du 20ème siècle et écrire en lettre rouges et noires une nouvelle page de notre histoire.

    Sur France Culture le 11 avril 2017, la grande table d’Olivia Giesbert invite Tancrède Ramonet le réalisateur – qui prépare un volet 3 – et Irène Pereira, sociologue.

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    Petite correction : Olivia Giesbert classe dans un même sac les pédagogies de type Freinet, Montessori et Steiner. Si l’école Freinet est effectivement libertaire, il y a plus de problèmes avec Montessori, dont la proximité avec le mouvement mussolinien mérite réflexion. Surtout, Steiner et le mouvement Steiner-Waldorf n’a rien d’anarchiste du tout : Steiner, en plus de défendre des thèses pseudoscientifiques, enseigne la révérence à des cycles mystiques, à une destinée, en plus d’être racialiste. Rudolf Steiner était avec son anthroposophie aux antipodes des mouvements libertaires.

     
  • La désobéissance civile

Cette émission du 5 juin 2013, de Jean Lebrun La marche de l’histoire, sur France Inter, a pour invitéCorteX_Arendt_desobeir_aux_lois

La désobéissance civile – Hannah Arendt © cc – 2013 / François Jourde

  Yves Charles Zarka.

« Les maires de France qui veulent refuser de célébrer des mariages entre couples du même sexe s’en vont généralement chercher leur justification dans une incise sur l’objection de conscience glissée par François Hollande dans un discours prononcé devant leur association, il y a seulement quelques mois. Quant aux branches les plus radicales du mouvement de la Manif pour tous, elles se prévalent de la Résistance: elle n’est pas finie, disent-elles, c’est nous qui la prolongeons… Dans une autre couleur du spectre politique, José Bové, quand il démontait son Mac Do à Millau, affichait une référence à peine peu plus ancienne: l’américain Henry David Thoreau, qui vivait au milieu du XIXe et servit de modèle au Gandhi sud africain du début du XXe. Certes le mot de désobéissance civile proprement dit n’a qu’un siècle et demi d’âge mais, en réalité, la liberté de dire non s’est exercée depuis la plus haute Antiquité, comme dirait Alexandre Vialatte. Sous d’autres appellations, dans d’autres contextes. Le présent vient souvent de plus loin qu’il ne le croit ».

  • « Anarchistes » et « écologie »

CorteX_ecole_BonaventureL’émission de Jean Lebrun La marche de l’histoire sur France Inter revient sur Roybon, Sivens, Notre-Dame-des-Landes, et aborde avec Gaetano Manfredonia quelques luttes « écologistes ». Il y a un bon passage sur l’école alternative libertaire de la Bonaventure, sur l’île d’Oléron, en 1993.

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  • L’école moderne de Célestin Freinet en 1958

 CorteX Celestin FreinetDocumentaire de Séverine Liatard et Séverine Cassar, réalisé dans le cadre de l’émission du 8 janvier 2013 de La fabrique de l’histoire, sur France Culture.

« Célestin Freinet est un pédagogue français né à la fin du XIXème siècle. Issu d’un milieu rural, sa jeunesse se déroule au sein de la communauté paysanne dans une région pauvre des Alpes maritimes. L’expérience pastorale sera pour Freinet le leitmotiv de son expérience éducative. Il entre à l’école normale d’instituteur de Nice.  Lorsque la guerre éclate, il est mobilisé. Grièvement blessé au Chemin des Dames, il ne se remet pas complètement de ses blessures et gardera toute sa vie le souffle court auquel il attribue lui-même, pour partie, la nature de ses innovations en matière d’enseignement. Sa pédagogie est fondée sur différentes techniques : classe-atelier, classe-promenade et observation du milieu naturel ; production de textes libres ; imprimerie et édition d’un journal ; correspondances interscolaires ; individualisation du travail et coopération dans l’apprentissage ; suppression de la notation …

Lors de cette séance publique qui se déroule à Neuchâtel en 1958, Célestin Freinet présente à des parents et à des enseignants les lignes directrices de son enseignement.  Dès les années 1920, il met en pratique avec sa femme Elise, l’essentiel de ses méthodes qui ne sont pas toujours bien comprises. Célestin Freinet va d’ailleurs quitter l’Education nationale pour fonder sa propre école à Vence en 1935 : une école privée, laïque et prolétarienne.

Le mouvement Freinet prend forme peu à peu avec la mise en commun des expériences de chacun et la tenue de congrès réguliers,  la publication de revues pédagogiques comme La Bibliothèque du travail, les Brochures d’éducation nouvelle populaire ou Techniques de vie ou la création après la seconde guerre mondiale, de l’Institut coopératif de l’Ecole moderne (ICEM)  et en 1957, de la Fédération internationale des Mouvements de l’Ecole moderne (FIMEM).

Avec les témoignages et les analyses de Guy Goupil et Michel Barré (anciens instituteurs du mouvement Freinet) et Philippe Meirieu (professeur de sciences et pratiques de l’éducation à Lyon II)« .

  • Utopies pirates – la communauté Libertalia, XVIIe siècle.

Reportage d’Antoine Chao, émission Là-bas si j’y suis, sur France Inter, 28 janvier 2011.

Libertalia est le nom d’une colonie fondée par des pirates sur l’île de Madagascar, qui aurait existé – mais rien n’est certain- pendant environ vingt-cinq ans à la fin du XVIIe siècle.

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  • Les désobéissants du service publique

Les pieds sur terre, France Inter, 24 mai 2011. Agents Pôle Emploi, gardes forestier, agents ERDF, professeurs des écoles, agents territoriaux… Aujourd’hui ils ne reconnaissent plus les valeurs pour lesquelles ils ont choisi d’exercer leur métier. Dans l’ombre ou publiquement, ils préfèrent désobéir plutôt que démissionner. Reportage : Pauline Maucort.

Richard Monvoisin

ftp://cortecsftp@cortecs.org/cortecs.org/archives/images/stories/audio/histluttes/CorteX_Travestissement_Paul_Grappe-FrCult_07.06.2011.mp3

La démocratie participative, par Amélie Audibert

Amélie Audibert, animatrice socioculturelle depuis plusieurs années, fait un Master 2 professionnel « Politiques publiques et changement social » à l’Institut d’Etudes Politiques de Grenoble. Son mémoire porte sur la question : « comment l’offre publique de participation permet d’éviter le débordement démocratique en orientant les débats vers des objets prédéfinis ?« . De ce fait, elle s’imposa comme l’intervenante-phare du Midi critique N°4 saison 4 sur la démocratie participative, en avril 2011.
Nous avions déjà détaillé notre manière de faire et donné nos outils ici, mais un complément de l’intervention d’Amélie nous semblait salutaire.
Le voici.

Avant de parler de démocratie participative, commençons par définir ce qu’est le concept central de démocratie.

 

La démocratie : un effet paillasson

La définition courante de la démocratie est « le pouvoir du peuple ». C’est une définition vague revendiquée par des gouvernements dont les valeurs et les institutions sont différentes, voire contradictoires comme par exemple la République Algérienne Démocratique et Populaire, la République fédérale d’Allemagne, la Principauté d’Andorre, le Royaume de Belgique, la République Populaire Démocratique de Corée, la République Française, etc.

Il est difficile de trouver une définition précise et consensuelle de la démocratie. Les divergences autour de cette notion ne viennent pas de l’idéal démocratique de « gouvernement du peuple », mais des moyens mis en œuvre pour le réaliser. En observant les instruments qui servent sa mise en oeuvre, des définitions presque opposées peuvent être données, faisant l’impasse sur le suffrage universel, les droits individuels ou au contraire ne considérant que la question des élections.

En tout état de cause, aucune définition claire et universelle n’est à ce jour partagée par l’ensemble des acteurs y faisant référence (voir effet paillasson).

 

En France : éléction = démocratie

En France, l’article 2 de la Constitution de 1958 tente de clarifier les choses en superposant l’idée de gouvernement du peuple à celle de gouvernement par et pour le peuple.

Cependant, cette définition ne donne pas un éclairage fin de la notion de démocratie. Il est donc indispensable de refaire un petit détour vers les idées philosophiques qui ont fondé la légitimité démocratique au moment de la Révolution française : les théories de Rousseau et de Montesquieu.

 

Les fondements idéologiques de la démocratie

Lors de la Révolution de 1789, des débats ont conduit à élaborer la démocratie française. Ils ont mis en lumière deux manières d’appréhender la représentation et la souveraineté, qui ont pour socle commun de reconnaître le peuple comme source légitime du pouvoir : celle de Montesquieu, et celle de Rousseau.

Pour Montesquieu, le peuple est apte à choisir des représentants capables de définir l’intérêt général mais il n’est pas capable de gouverner.

« le grand avantage des représentants c’est qu’ils sont capables de discuter les affaires. Le peuple lui n’y est pas du tout préparé […] il n’est pas nécessaire que les représentants, qui ont reçu de ceux qui les ont choisis une instruction générale, en reçoivent une particulière sur chaque affaire […] il y avait un grand vice dans la plupart des anciennes républiques : c’est que le peuple avait le droit d’y prendre des résolutions actives, chose dont il est entièrement incapable. Il ne doit entrer dans le gouvernement que pour choisir ses représentants, ce qui est très à sa portée ». Charles de Secondat de Montesquieu, L’esprit des lois, livre XI, chap. 6.

Des représentants sont élus et ils sont reconnus légitimes pour définir l’intérêt général et prendre des décisions au nom de l’ensemble de la population. La compétence reconnue aux citoyens est celle de choisir les personnes les plus à même d’occuper ces fonctions.

Rousseau développe quant à lui l’idée d’une démocratie directe dans laquelle le peuple doit être responsable .

« Je dis donc que la souveraineté n’étant que l’exercice de la volonté générale ne peut jamais s’aliéner et que le souverain qui n’est qu’un être collectif ne peut être représenté que par lui-même […] par la même raison que la souveraineté est inaliénable, elle est indivisible. Car la volonté est celle du corps du peuple ou seulement d’une partie. Dans le premier cas cette volonté déclarée est un acte de souveraineté, dans le second ce n’est qu’une volonté particulière». Jean-Jacques Rousseau, Le Contrat social, livre II, chap. 1 et 2.

Il est donc nécessaire d’élire des députés car il est impossible que le peuple dans son ensemble siège en assemblée, mais ces députés ne sont pas des représentants, ils sont des commissaires. Ils doivent se conformer aux instructions des électeurs sous peine d’être sanctionnés ou révoqués. Ils ne peuvent rien conclure sans le consulter. Le peuple dans son ensemble est reconnu légitime pour définir l’intérêt général. Les députés sont ici appréhendés comme des instruments permettant le lien entre l’ensemble de la population et la prise de décision.

Ces théories opposent deux conceptions de la légitimité démocratique. Si elle émane toujours du peuple dans son ensemble , la capacité à définir l’intérêt général et à prendre des décisions est la compétence soit d’une minorité de la population, soit de l’ensemble de la population. Ce sont les thèses de Montesquieu qui ont fortement influencé l’instrumentation démocratique.

Note : la définition de « peuple » prête également à débat, notamment autour de la place des femmes et plus récemment des étrangers et des jeunes. Le peuple dans son ensemble représente à la fin du XVIIIème siècle uniquement les hommes majeurs de nationalité française. Aujourd’hui, le peuple est parfois entendu comme les citoyens français hommes et femmes (élections nationales), les citoyens européens (élections locales), les habitants d’un territoire sans notion de nationalité ou d’âge (certains dispositifs participatifs).

 

Pierre Rosanvallon (2008) fait émerger trois principes qui ont été le socle du système démocratique français :

  • la nature d’un régime s’identifie à ses conditions d’établissement
  • l’unanimité est la meilleure expression de la généralité sociale, de la volonté générale
  • l’autorité se légitime par la volonté librement exprimée de tous.

Le suffrage universel est utilisé comme instrument démocratique dans le but d’élire des représentants capables de s’extraire de leurs intérêts particuliers pour définir l’intérêt général. Le Parlement est vu comme l’enceinte de la raison publique où est débattue à haute voie la définition de l’intérêt général. Il est généralement admis    que le vote de la majorité permet d’établir la légitimité d’un pouvoir, et cette procédure est identifiée comme l’essence même de la démocratie :

« La loi de majorité est une de ces idées simples qui se font accepter d’emblée ; elle présente ce caractère que d’avance elle ne favorise personne et met tous les votants sur le même rang ». (Louis Blanc, Réforme électorale, Revue du Progrès, t. II, 15 octobre 1839, p. 308).

L’instrument de l’élection comme procédure de choix a été assimilée à un principe politique instaurant la démocratie. L’instrument et le principe sont devenus indissociables, alors qu’ils sont contradictoires. Si l’on envisage l’électiorat dans une dimension sociologique, celle-ci désigne une fraction, même dominante, du peuple. Or le paradoxe démocratique vient de l’hypothèse que les urnes renvoient à l’idée d’une volonté générale. On considère alors que le plus grand nombre vaut pour la totalité.

« La partie valant pour le tout, et le moment électoral pour la durée du mandat : tels ont été les deux pré-supposés sur lesquels a été assise la légitimité démocratique » (Rosanvallon, ouv.cit., p. 11).

 

 Les limites du système représentatif poussent à développer des outils participatifs

 

Le développement de la participation fait suite à plusieurs “évènements” qui débutent à la fin des années 60 et se prolongent jusque dans les années 2000.

  • La légitimité traditionnelle des élus est mise à mal par la hausse de l’absention, la non-inscription sur les listes électorales et la proportion parfois importante d’étrangers. Par exemple, en 2008, le maire de Clichy-sous-bois est réélu dès le 1er tour avec 66% des voix. Ceci représente en réalité 2792 voix sur les 28000 habitants de la commune. De manière plus globale, on note une hausse de l’absention dans tous les scrutins entre 1965 et aujourd’hui.

  • Les fonctionnaires étaient pensés jusqu’alors comme neutres. Ils agissaient pour l’intérêt général, dégagés de toute tentation et d’intérêt partisants : ce positionnement leur donne la légitimité d’être des experts ; ils sont censés analyser sans parti pris les situations pour aider les élus à prendre des décisions, et ce dans l’intérêt de tous. Mais la catastrophe de Tcherobyl et la gestion étatique de la crise, l’affaire dite « du sang contaminé » [1]   ou encore l’affaire de « la vache folle » [2]    remettent en cause leur positionnement. Comment alors prendre de bonnes décisions sur des rapports d’experts qui ne sont plus crédibles?

  • Au niveau local, les lois de décentralisation de 1982 libèrent les communes de la tutelle administrative du préfet. Ceci donne lieu à de nouveaux rapports entre l’équipe municipale et les administrés : c’est en priorité aux citoyens que s’adressent les Maires et sur eux qu’ils s’appuient pour légitimer leur action. Les élus sont mis dans une position de face à face direct avec les citoyens. Les conseils municipaux ont tendance à vouloir rendre plus visible le lien représentatif et à présenter leurs choix comme étant ceux de la population (voir sur ce point Sous la direction de Loïc Blondiaux, La démocratie locale – Représentation, participation et espace public, PUF, 1999).  

  • En même temps, les lois de décentralisation font émerger la figure du Maire comme personnage central de la vie locale. Il concentre les pouvoirs législatifs et exécutifs : il a le monopole de l’interprétation de l’avis des habitants. En effet, l’opposition au sein d’un conseil municipal a peu de pouvoir sur les délibérations et une faible capacité de communication. De plus, entre deux élections, l’équipe municipale rencontre peu d’opposition (alors qu’au niveau national, les résultats des élections locales ont un impact sur la politique du gouvernement).   Enfin, le Maire n’est souvent pas concurencé dans son monopole d’interprétation de la volonté générale par la presse locale qui est souvent neutre ou bienveillante envers l’équipe municipale. Il n’existe souvent qu’un seul titre qui ne représente pas un contre pouvoir. Il y a donc une certaine indépendance possible de l’équipe municipale vis-à-vis des électeurs durant la durée du mandat, qui est souvent dénoncée.

  • Dans les années 1994-1995, les maires expriment dans leur revue leur difficulté à avoir l’adhésion des habitants [3]. Ils observent un engagement concrêt et limité des habitants contre certaines de leurs actions. La gouvernabilité devient un enjeu local. Les élections de 1995 sont caractérisées par le retrait des élus sortants dans 40% des cas. Le manque de reconnaissance et l’incivisme des citoyens sont évoqués comme motif de départ pour 60% des maires sortants (cf. Enquête auprès des maires sortant du département effectuée par l’association des Maires de France du Doubs – Département et communes – mai 1995).

 

Parrallèlement à ces phénomènes, la participation des habitants s’installe doucement dans le paysage politique français. Elle est toujours pensée comme complément à la démocratie représentative.

  • 22 mars 1965 : Le Monde fait sa Une sur la victoire des Groupes d’Action Municipaux (GAM) et l’élection d’Hubert Dubedout à Grenoble. La vitrine grenobloise provoque la multiplication des GAM, qui ont pour objectif d’écouter les besoins des citoyens pour trouver les meilleures solutions pour y répondre concrètement. Ils se développent dans toute la France jusque dans le début des années 80. L’objectif des GAM est de rendre plus efficace l’action publique. En même temps, se développe dans d’autres communes des mouvements pronant l’autogestion des habitants : “ la démocratie locale réelle n’a qu’un seul nom : l’autogestion ! » (Roux, 2011) . Des expériences locales émergent : à Louvier (Haute-Normandie), de 1965 à 1969 puis de 1976 à 1983, la municipalité se déclare radicalement autogestionnaire et en rupture avec le fonctionnement de “père de la cité” des GAM. L’équipe municipale tient des conseils municipaux en dehors de la mairie et associe largement des associations locales aux décisions. Il en découle des décisions audacieuses (gratuité des transports en municipaux pour les enfants et les jeunes, de la piscine, des musées, de l’école de musique, d’aides ménagères pour le troisième âge, etc.) financé par un nouveau mode calcul des impôts locaux taxant plus les résidences des quartiers aisés et détaxant les zones populaires. Cependant, ces initiatives autogestionnaires restent marginales. La vision de la participation comme outil d’aide à une bonne gestion reste celle qui s’est imposée.

  • Dans les années 80, peu d’actions signifiantes sont mises en avant. Les lois de décentralisation, pouvant être vues comme redonnant du pouvoir au local, et donc aux citoyens, transfèrent des compétences aux élus locaux mais pas aux habitants.

  • Un petit “renouveau” dans les années 90 : les lois de 1992 s’attaquent au vide législatif sur le sujet. Le droit des citoyens à être informés et à être consultés est mis en avant. Dans d’autres pays, au Brésil notamment avec l’expérience du budget participatif de Porto Allegre, les démarches participatives n’ont pas pour objectif de rendre plus efficace l’action publique mais de “démocratiser radicalement la démocratie”, de “rendre le pouvoir au peuple”.

  • A partir des années 2000, en France, la participation est institutionnalisée : chaque mairie, chaque département et chaque Région a son dispositif participatif. L’ensemble de la classe politique s’accorde pour dire que la participation, c’est bien. Tout le monde prétend en faire. Mais de quoi s’agit-il ?

 

 

La démocratie participative

 

La démocratie participative, c’est quoi ?

La démocratie participative est une notion floue aux réalités variées. Selon Rasera (2011), on peut distinguer quatre niveaux de participation.

  • L’information
  • La consultation : le résultat d’une consultation est un avis, il n’y a aucun recours possible sur la procédure, il n’a pas de portée juridique. Un avis est une aide à la décision, les conseils délibératifs restent libres de leurs choix.
  • La concertation : elle associe à la résolution d’un problème les personnes concernées. Les collectivités territoriales présentent un projet à la population qui a la possibilité de le modifier en partie après une phase de négogiation.
  • L’implication : la participation impose une implication des habitants en amont et en aval de la décision. Ils doivent être associés à l’élaboration et au suivi d’un projet. Si la décision finale reste au niveau des élus locaux, nous sommes alors dans de la concertation. On retrouve dans cette catégorie les modes dits d’auto-gestion.

Ces définitions restant bien larges, de nombreuses actions peuvent donc être considérées comme de la participation.

 

Pourquoi faire de la participation ?

Plusieurs enjeux pour une collectivité territoriale / un Etat à faire de la participation :

  • « bien gérer, c’est gérer avec ». La participation permet d’ajuster les politiques publiques pour être au plus près des besoins des habitants ;

  • profiter de l’expertise d’usage des habitant / des usagers et structurer le diagnostic en y invitant des « profanes » (c’est-à-dire des non-experts) et des experts ;

  • rendre compte de l’opinion publique. La participation permet de mesurer le taux d’acceptabilité / de confrontation auquel va se frotter une décision publique ;

  • créer un consensus minimum / fabriquer   l’acceptabilité. La décision n’est plus le seul fait des élus, elle est partagée et discutée avec les citoyens. Ceci permet de la faire accepter plus facilement

  • gérer la contestation en amont et légitimer les décisions prises.

 

Trois exemples d’instruments participatifs mis en place pour légitimer des décisions publiques

  • La commission nationale du débat public
  • Le référendum local
  • Les conseils de quartiers

 

La commission nationale du débat public

Dans les années 80, la SNCF développe le projet du TGV Méditerranée reliant Paris à Marseille. Le premier tronçon Paris/Lyon avait été construit dans les années 70 sans fortes contestations. En 1989, la SNCF rend public les premiers tracés du tronçon Lyon/Marseille : le trajet retenu est le plus court possible. La SNCF ne souhaite engager la discussion qu’avec quelques grands élus. Les critiques sont vives et nombreuses, les contestataires se fédèrent et se regroupent en plusieurs coordinations. Celles-ci rassemblent les contestataires jugés comme oublieux de l’intérêt général (Argument Nimby Not in my backyard, pas dans mon jardin) mais également des agriculteurs inquiets de l’évolution du foncier, des élus ruraux et des grands élus qui jugent les gares trop éloignées des centres villes. En 1991, nous sommes à la veille d’élections nationales. La contestation est forte et prend de l’ampleur. Le projet est bloqué pendant un an. La SNCF engage alors une procédure de conciliation officielle. Un « collège des experts » est créé. Il regroupe huit personnes : des hauts fonctionnaires du ministère de l’équipement, des élus et des universitaires. Leurs conclusions prônent la mise en place d’un nouveau couloir spécifique à cette ligne et une meilleure inscription dans les territoires traversés. C’est la première fois que l’expertise d’un grand projet de transport est ouverte à différents points de vue. On passe d’un diagnostic technique et financier fait par des économistes sur un calcul de rentabilité à un diagnostic intégrant une évaluation socio-économique.

L’important conflit suscité par le projet du TGV Méditerranée montre les limites de l’enquête publique telle qu’elle a été pensée en 1983 [4]. Une nouvelle institution est créée en 1995 : la Commission Nationale du Débat Public (CNPD) [5], qui deviendra une autorité administrative indépendante en 2002. Le monopole et le contrôle des experts ne sont plus alloués au seul porteur de projet, un débat public est imposé pour tout projet susceptible de porter atteinte à l’environnement. La quarantaine de débats publics menés par le CNPD entre 1997 et 2007 ont porté essentiellement sur des projets autoroutiers, de transports d’électricité, de lignes à grande vitesse et dans le domaine du nucléaire. Chaque débat est organisé par cinq à six membres du CNPD sur une période de  quatre mois. Chaque citoyen, association ou collectif peut faire entendre son opinion à travers différents moyens : réunions publiques, expositions, Internet… etc. Les points de vue ne sont pas hiérarchisés et tous sont considérés comme bons à entendre. Le CNPD rend ensuite un rapport qui rend compte du déroulement des débats. Ce n’est pas un avis favorable ou défavorable au projet, le rapport illustre l’ensemble des points de vue exprimés. Le maître d’ouvrage a ensuite deux mois pour rendre sa décision publique.

Trois principes sont mis en avant pour justifier cette méthode : un principe d’argumentation, un principe d’équité et un principe de transparence. Or, le déroulement des débats ne se passe pas toujours dans cet idéal démocratique. Le niveau de participation varie fortement selon l’intensité du conflit généré par le projet, les groupements les mieux organisés sont ceux qui ont le plus de chance de faire valoir leur point de vue, l’impact sur la décision est très variable. Loïc Blondiaux (Blondiaux 2008, p.57) note que rares sont les cas de renoncement au projet suite à un débat public et que dans la majorité des débats l’influence de la discussion est marginale et difficilement perceptible.

 

Le référendum local

Le référendum local est un dispositif mis en place par l’assemblée délibérante d’une collectivité territoriale. Ce dispositif a été révisé en 2003 (article 72-1 introduit dans la Constitution par la loi n° 2003-705 du 28 mars 2003) lui conférant ainsi un pouvoir décisionnel et non simplement consultatif. Il est clairement encadré par la loi et requiert des conditions de mise en oeuvre strictes et précises. Une assemblée délibérante peut organiser un référendum décisionnel local sur un sujet relevant de ses compétences. Elle en définit les modalités, le projet de délibération et la date. Seuls les électeurs de la collectivité sont conviés au vote et non l’ensemble des habitants [6]3. Le projet est adopté s’il obtient la majorité des voix et réunit au moins la moitié des inscrits.

Cet instrument est peu utilisé par les collectivités locales. Quinze référendums locaux ont été organisés entre 2005 et 2007 et 6 en 2008 et 2009. En effet, l’issue étant incertaine, les maires lui préfèrent généralement d’autres types de dispositifs à portée consultative.

Le référendum décisionnel local porte sur des thématiques dont les compétences appartiennent à ces collectivités. Entre 1995 et 2004, 37,8% ont eu pour objet l’aménagement urbain ; 20,6% l’équipement public et les services publics ; 28,9% la vie communale (changement de nom, adhésion à un EPCI…) et 12,7% étaient des consultations illégales. En effet, l’assemblée délibérante doit transmettre au préfet deux mois avant le jour du scrutin le texte sur lequel portera le vote. Les référendums décisionnels locaux sont annulés par les tribunaux administratifs lorsque les conditions fixées par la loi ne sont pas appliquées.

En cas d’annulation administrative, les maires maintiennent généralement ce dispositif, qui n’a pas alors de valeur légale. Il devient un instrument pour accompagner une mobilisation locale contre une décision de l’Etat : les référendums décisionnels locaux illégaux ont porté sur des tracés de ligne de TGV ou d’autoroute, l’enfouissement de déchets radioactifs, la circulation des poids lourds sous le tunnel du Mont-Blanc. Dans ces situations, on peut se demander si ce dispositif est un outil de démocratie participative ou une manière efficace pour un maire de communiquer sur son engagement et de le rendre participatif. Il légitime la position du maire qui se positionne comme porte-parole de la contestation des habitants.

 

Les conseils de quartiers

Ils ont été mis en place suite à la loi de 2002 sur la démocratie de proximité qui « institutionnalise à l’échelle nationale la participation locale des habitants » (Gaudin, 2007, p. 37). Dans les communes de plus de 80000 habitants, le conseil municipal fixe « la dénomination, la composition et les modalités de fonctionnement » de ces instances qui « peuvent être consulté[e]s par le maire et peuvent lui faire des propositions sur toute question concernant le quartier ou la ville » (loi n°2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, Journal Officiel, 28 février 2002). La convocation, l’ordre du jour et la présidence des débats appartiennent aux élus locaux, les délibérations ont une valeur consultative.

Les participants des comités de quartier sont nommés « habitants ». On peut plus globalement noter l’omniprésence de la catégorie des « habitants » dès que l’enjeu porte sur le local, sur les liens de proximité, au détriment de la catégorie des « citoyens » dont l’utilisation fait plutôt référence à des dispositifs nationaux. L’ « habitant » est valorisé dès que l’on s’intéresse à des enjeux et des concepts palpables et que l’on fait référence à l’expertise d’usage. A l’inverse, le « citoyen » est appelé sur des enjeux plus globaux, plus abstraits. Le terme habitant permet-il de mettre en place un processus de dépolitisation? Pour C. Neveu, c’est également un processus de re-politisation au sens où il y a une redéfinition des enjeux [7].

Cette idée de re-politisation doit cependant être nuancée. Les conseils de quartier inscrivent la participation à l’échelle micro-locale (non celle de la ville, mais celle du quartier). Les délibérations portent généralement sur des problèmes d’environnement immédiat (trottoirs, usages des lieux publics… etc.). La participation prend ici la forme d’un relais des plaintes, des demandes des habitants, ce qui permet aux élus de développer le lien de proximité tout en gardant la maîtrise des conditions de politisation de ces problèmes. La restriction de la participation à l’échelle du quartier borne l’horizon de la discussion aux problèmes de proximité, à une vision centrée sur des problèmes individuels, c’est l’expertise d’usage. Faute d’étendre cette participation à une échelle plus large, celle de la ville ou de l’agglomération, les habitants restent dans la défense des intérêts de leur quartier à défaut d’une vision globale leur permettant de faire un arbitrage entre différentes demandes, différents points de vue et ainsi produire une décision politique. Les élus gardent le monopole de la définition de l’intérêt général.

Par cet instrument, l’objectif est de produire un lien de proximité, des espaces d’échanges et de rencontre sont mis en place entre les habitants et les élus. Ces derniers restent maîtres du dispositif : dans la procédure, dans l’objet de la participation, dans les effets qu’auront les avis produits. La légitimité est recherchée dans la proximité : c’est parce qu’ils sont proches des habitants, qu’ils connaissent leur manière de vivre, leurs besoins que les élus locaux sont légitimes à les représenter. Ce genre d’instrument se trouve généralement sur de petites échelles (les communes).

 

Qu’observer d’un instrument participatif ?

Si la loi impose peu le recours aux instruments participatifs, de nombreux dispositifs se sont développés dans les communes et les collectivités territoriales. La participation des habitants est aujourd’hui un instrument de politique publique.

Si l’on souhaite observer/analyser ces dispositifs, il me semble important d’être vigilant à plusieurs critères pour mesurer leur “degré” de participation :

  • la possibilité de s’auto-saisir
  • la possibilité de remettre en cause la définition de la situation imposée par l’autorité de tutelle
  • la marge d’indépendance à l’égard de cette dernière
  • la possibilité ou non de produire des connaissances sous la forme de contre-expertise
  • la médiatisation de l’avis émis
  • l’impact sur la décision politique

 

Amélie Audibert

NOTES

[1] En 1991, une journaliste publie un article dans l’Evènement du Jeudi prouvant que le centre national de transfusion sanguine (CNTS) a sciemment distribué à des hémophiles des produits sanguins dont certains étaient contaminés par le virus du SIDA en 1984 et 1985. Les 4 médecins dont le directeur du CNTS sont condamnés pour tromperie et non-assistance à personnes en danger en 1992. 3 personnes politiques comparaissent en 1999 pour homicides involontaires.
[2] En 1996, l’affaire de la vache folle éclate : une possible transmission de ce virus à l’humain génère la mise en place de fortes mesures sanitaires. 
[3] Jacques Chevallier, dir., la gouvernabilité, CURAPP, Paris, PUF, 1996
[4]  La loi Bouchardeau, en 1983 sur la démocratisation de l’enquête publique fixait pour objectif « d’informer le public, de recueillir ses appréciations, sugs, contre-propositions, afin de permettre à l’autorité compétente de disposer de tous les éléments nécessaires à son information ».

[5] La loi Barnier, en 1995, va plus loin que la loi Bouchardeau. Elle énonce un « principe de participation » pour les grands projets d’aménagement ou d’équipement et crée la commission nationale du débat public : « chacun a accès aux informations relatives à l’environnement […] et le public est associé à l’élaboration des décisions ayant une incidence importante sur l’environnement ou l’aménagement du territoire ».

[6] Pour les référendums décisionnels locaux organisés par une commune, les ressortissants de l’Union Européenne peuvent prendre part au vote.

[7] Dossier réalisé par Yves Sintomer, La démocratie participative, problèmes politiques et sociaux, La Documentation française, avril 2009.

 


Pour en savoir plus

Sur la démocratie participative

  • Adrien ROUX, 50 ans de démocratie locale, Comment la participation s’est laissée endormir, pourquoi elle doit reprendre le combat, ADELS, Yves Michel, 2011.
  • Jean-Pierre GAUDIN, La démocratie participative, Armand Colin, 2007.
  • Loïc BLONDIAUX, Le nouvel esprit de la démocratie, La République des idées, Seuil, 2008.
  • Michel RASERA , La démocratie locale, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 2002.

Sur la démocratie

  • Pierre ROSANVALLON, La légitimité démocratique, Paris, Seuil, 2008.
peut distinguer quatre niveaux de participation.
CorteX_Rapport_Cour_comptes_homme_en_colere

Décortiqué – Effectifs, polices municipales, les questions qui fâchent (Figaro)

Au fur et à mesure de mes discussions avec les personnes détenues à la maison d’arrêt où j’interviens, j’ai réalisé que certaines d’entre elles avaient complètement intégré le discours médiatique sur la délinquance. Puisque cela les concernait de plein fouet, je me suis penchée sur la question pour m’en servir de levier lors de séances d’initiation à l’esprit critique et depuis, je guette ce qui se dit sur le sujet. Alors, lorsque la Cour des Comptes a publié le 7 juillet 2011 un rapport intitulé L’organisation et la gestion des forces de sécurité publique, j’ai tendu l’oreille et ce jusqu’à ce que Richard Monvoisin m’envoie cet article (LEFIGARO.fr), le 8 juillet, article tellement fourni en sophismes et autres effets qu’il était tout à fait adapté à notre proposition estivale de cahier de vacances. Si vous ne l’avez pas encore lu et/ou si vous souhaitez d’abord vous essayer à son décortiquage, vous pouvez retourner ici. Sinon, je vous livre mon analyse de certains passages.

Cet article est une véritable mine de sophismes et d’effets en tout genre. J’ai tenté de le décortiquer ligne à ligne, paragraphe par paragraphe, mais j’ai rapidement renoncé à tout analyser : cela devenait vraiment trop long ! J’ai finalement choisi de ne me consacrer qu’à certains passages : le titre, le premier paragraphe et le dernier. Le principe est simple : sur fond bleu, les extraits de l’article et en dessous, mes commentaires.

I. Un titre polémique

 Effectifs, polices municipales, des questions qui fâchent
 Un certain nombre de points, évoqués dans le rapport de la Cour des comptes, agacent la Place Beauvau. Revue de détail.

CorteX_Rapport_Cour_comptes_homme_en_colereJe vous disais en préambule que l’article était particulièrement fourni en effets. Rien que dans les titre et sous-titre, j’en ai repéré quatre :

  • une technique du carpaccio version « polémique »
    La platitude d’un titre tel que Effectifs, polices municipales ne susciterait chez le lecteur que peu d’intérêt ; en ajoutant des questions qui fâchent, le journaliste rend attractif le contenu de son article en suscitant l’envie d’aller voir ce qui se trame et de se fâcher à son tour.
  •  un effet peau de chagrin (à créer)
    L’expression qui fâchent laisse entendre que les points abordés fâcheront tout le monde. Je m’attends donc à ce que l’article pointe des motifs sérieux, voire universels, d’indignation et de colère : les dysfonctionnements que le journaliste révèle doivent être de taille. Mais j’apprends dès la lecture du sous-titre que ces questions fâchent… Claude Guéant : c’est nettement moins sensationnel tout d’un coup.
  • un effet paillasson
    Evoquer des questions qui fâchent, c’est suggérer que la commission de la Cour des Comptes ne fait que soulever des interrogations alors que le rapport est le résultat d’une enquête dont l’objectif était de dresser un bilan de la situation. A la lecture de l’article, on comprend que ce sont les conclusions et la méthodologie utilisée qui déplaisent fortement au ministre.
  • un effet chiffon rouge (à créer)
    Contrairement à ce que suggère le début du titre, il ne s’agit pas ici de discuter des possibles dysfonctionnements des polices municipales, mais de nous informer que Claude Guéant voit rouge : le vrai débat, celui de savoir si oui ou non il y a des problèmes d’effectifs dans les polices municipales, c’est-à-dire le débat qui nous concerne, est mis sur la touche pour laisser libre court à l’expression de la colère d’un ministre.

II. La délinquance : un poncif du discours sécuritaire 

La baisse de la délinquance résulterait de « l’amélioration par les constructeurs autos des dispositifs contre les vols »
Avant de lister les effets, vous avez remarqué le conditionnel ? Il est systématiquement utilisé dans les en-têtes de chacun des paragraphes présentant une conclusion du rapport mais il disparaît mystérieusement lorsque la parole est au ministre. Est-ce à dire que les propos de C. Guéant sont plus fiables que le rapport ?   

Allez, c’est parti pour le décortiquage ! Dans cette phrase, j’ai trouvé :

  • un double-effet paillasson
    Nous avons ici un très bel exemple d’effet paillasson sur le mot délinquance, voire de double-effet paillasson, malheureusement très courant, plutôt subtil, avec des conséquences importantes sur notre compréhension du phénomène.
    CorteX_Rapport_Cour_comptes_Hortefeux_baisse_de_la_delinquance_JT_TF1_20_01_2011Le premier provient de la multitude d’acceptions du mot : vol, arnaques, violence physique, meurtre, délits financiers, harcèlement, outrages à agents, viols, vente ou détention de stupéfiants, etc. Autant de catégories, 107 exactement (*), qui n’ont rien à voir les unes avec les autres et qui sont toutes comptabilisées dans l’agrégat «  délinquance « , qui ne représente de ce fait plus grand-chose.

J’ai découvert le deuxième effet paillasson en ouvrant un rapport sur les chiffres de la « délinquance » produit par le ministère de l’Intérieur : en fait de délinquance, il n’y était question que de délinquance constatée. La suppression quasi-systématique de ce petit mot est pourtant loin d’être anodine : imaginons que l’on ferme tous les commissariats, qu’on envoie tous les agents de police en vacances et qu’il ne soit plus possible de porter plainte ; il est fort probable qu’alors, la délinquance constatée sera proche de zéro. En concluerons-nous pour autant qu’il n’y a plus de vols ou de crimes ? Le problème, c’est que les chiffres de la délinquance constatée en disent au moins aussi long sur la manière dont on oriente le télescope que sur la planète qu’on observe : ils reflètent aussi, de manière intrinsèque, l’activité policière et ses priorités. Que conclure alors d’une baisse de ces chiffres ? Si vous souhaitez approfondir cette question, vous pouvez lire le TP Analyse de chiffres sur la délinquance.

  • un (faux ?) effet cigogne
    La baisse de la délinquance et l’amélioration par les constructeurs automobiles des dispositifs contre les vols sont deux événements qui ont lieu en même temps : ils sont corrélés. Pourtant, comme le fait remarquer Claude Guéant par la suite, cela n’implique pas nécessairement qu’il existe une relation causale entre ces deux faits. Avant de me faire un avis, je suis allée voir ce que disait le rapport sur ce sujet  :

p. 29 – Toutefois, selon la plupart des analystes et la direction générale de la police nationale elle-même, [le recul spectaculaire de ces deux seules grandes catégories d’infractions, les vols liés à l’automobile et les destructions et dégradations de biens privés] a été dû principalement à l’amélioration par les constructeurs automobiles des dispositifs techniques de protection contre les vols et les effractions, et au renforcement des dispositifs de protection des espaces publics et privés (parkings, gares, etc.).

Malheureusement, aucune référence précise n’est donnée (si un lecteur ou une lectrice les a, qu’il ou elle n’hésite pas à nous contacter). Alors, effet cigogne ou non ? Il faudrait en savoir davantage sur lesdites études.

  

« Raccourci trompeur, d’autant plus qu’une telle affirmation ne fait l’objet d’aucune démonstration sérieuse… », rétorque Claude Guéant.

Claude Guéant a raison : la charge de la preuve incombe à celui qui prétend c’est-à-dire, ici, à la Cour des Comptes.
 

« Contrairement aux allégations des rapporteurs », le ministre de l’Intérieur défend ses troupes en expliquant le repli des crimes et délits par « les efforts de mobilisation des services et l’efficacité des services d’enquêtes ».

J’ai bien l’impression qu’on assiste ici à un joli tour de passe-passe : Claude Guéant transforme en direct un effet cigogne en… un autre effet cigogne. On pourrait lui retourner sa remarque : « raccourci trompeur, d’autant plus qu’une telle affirmation ne fait l’objet d’aucune démonstration sérieuse… »

Entre 2002 et 2009, le nombre des infractions révélées par l’activité des services est passé d’environ 200.000 à 290.000, soit un bond de 46 %.

CorteX_Rapport_Cour_comptes_perplexeLà, j’avoue que j’ai dû relire ce passage plusieurs fois : on nous parle de baisse de la délinquance depuis le début et, tout d’un coup, on cite des chiffres qui augmentent. Le journalise s’est-il tiré une balle dans le pied ? Et bien non, la relecture du passage m’a fait réaliser qu’on ne parlait plus d’infractions tout-court mais d’infractions révélées par l’activité des services, les IRAS. Effectivement, une hausse de ce chiffre va bien dans le sens d’une certaine augmentation de l’efficacité des services d’enquêtes ; notons tout de même, en anticipant un peu sur la suite, qu’il faudrait néanmoins préciser ce qu’on entend par efficacité. Comme je n’avais jamais entendu parler des IRAS je suis allée lire dans le rapport ce qu’il en était dit :

p. 28 – Enfin, le suivi séparé, plus qualitatif et diversifié, des IRAS (Infractions Révélées par l’Activité des Services), composées essentiellement des infractions à la législation sur les stupéfiants et à la législation sur les étrangers, constitue aussi un progrès.

  • un effet paillasson
    Ce petit passage permet de relever un autre effet paillasson. L’avez-vous vu ?
    Au début du paragraphe : délinquance = vol.
    Dans la réponse de Guéant : délinquance = IRAS
    ≈ infractions sur les stupéfiants + infractions sur la législation des étrangers.
    Mais de quoi parle-t-on au juste ?
  • un effet paillasson + un non sequitur
    Partons du raisonnement tenu par le journaliste – ou peut-être par C. Guéant, ce n’est pas très clair – et résumons-le ainsi :

les IRAS augmentent = efficacité policière => les vols diminuent.

Cette chaîne induit alors la suivante :

les IRAS augmentent => les vols diminuent.

En français, cela se traduirait par : « les services de police révèlent plus d’infractions donc le nombre de vols diminue », ce qui est pour le moins troublant. Comment en est-on arrivé là ? CorteX_Rapport_Cour_comptes_idee_lumineuseEn glissant subrepticement d’un sens du mot efficacité à un autre :

– sens 1 : efficacité signifie  » les services révèlent des infractions « 
– sens 2 : efficacité signifie  » les services préviennent des infractions « 

Avec ces précisions, on reconstruit deux chaînes, distinctes mais justes. D’une part, on a

les IRAS augmentent = preuve de l’efficacité policière au sens 1

et d’autre part,

l’efficacité policière au sens 2 => les vols diminuent

Afin d’obtenir l’affirmation « les IRAS augmentent => les vols diminuent », il faudrait raccrocher ces deux maillons, mais voilà bien le problème, c’est impossible sans recourir à l’effet paillasson. Et le raisonnement tel qu’il est présenté n’explique en rien la baisse des chiffres de la délinquance.

III. Souriez, vous serez de plus en plus filmés !

L’efficacité de la vidéo mise en doute
  • un mot valise (à créer)
    CorteX_Rapport_Cour_comptes_videosurveillance_imageDe quelle efficacité s’agit-il ? Comme nous venons de le voir, ce mot est équivoque : dans le paragraphe précédent, il revêtait deux sens différents, ici il en recouvre toute une floppée : efficacité pour identifier les auteurs de vol de voiture, efficacité pour identifier les auteurs de violence conjugales, efficacité pour prévenir les braquages ou les attentats, efficacité pour protéger la population, efficacité pour enregistrer les faits et gestes de tout un chacun, efficacité pour éloigner la prostitution des centres-villes, efficacité pour analyser les flux de circulation, etc. ? Quelle efficacité a été mise en doute ? Et par qui ? Nous n’en saurons pas plus ici. Pourtant la question de l’évaluation des ces dispositfs me semble primordiale.

 

Rappelant que c’est depuis les attentats de Londres en 2005 que la France mise sur la vidéoprotection,
  • un appel à la peur
    Le rapprochement tendancieux des attentats de Londres d’une part, et du développement de la vidéoprotection en France d’autre part, constitue un appel à la peur qui facilite l’acceptation du lecteur : difficile de refuser la vidéoprotection si elle est liée, d’une manière ou d’une autre, à la lutte contre les attentats.
    Ce rapprochement est d’autant plus étonnant que le développement de la vidéosurveillance en France dans les espaces publics a débuté avant le mois de juillet 2005, comme en atteste par exemple les sources suivantes :- une enquête réalisée en Mars 2004 par l’Institut d’aménagement et d’urbanisme intitulée Évaluation de l’impact de la vidéosurveillance sur la sécurisation des transports en commun en région Ile-de-France :

Les élus régionaux, le Syndicat des transports d’Ile-de-France (STIF) et les transporteurs ont développé conjointement des programmes de sécurisation axés sur la vidéosurveillance qui a des objectifs croisés de prévention, de dissuasion et de répression.
Sur les deux derniers programmes de sécurisation des réseaux de transport, l’Etat et la région ont consacré 25 millions d’euros à l’installation d’équipements de videosurveillance dans les autobus, stations de metro RER et gare SNCF. Ce qui porte à 15  % du budget total. Le dispositif de videosurveillance représente 73 % du budget consacré à la sécurité.

– le site de la ville de Lyon :
 

Soucieuse d’aller au delà des garanties prévues par le législateur afin de concilier la sécurité des citoyens avec le respect des libertés publiques et privées, la Ville de Lyon a créé un organisme original à cet effet : le Collège d’éthique de la vidéosurveillance.
Crée par délibération du Conseil Municipal le 14 avril 2003, le Collège est une commission extra-municipale dont la présidence déléguée est confiée à Monsieur Daniel Chabanol, ancien Président de la Cour Administrative d’Appel de Lyon
. 

une allocution de Dominique de Villepin, alors ministre de l’Intérieur, le 24 Mars 2005 sur le plan-pilote  » 25 quartiers  » (partie 2.B.)

J’ai demandé aux préfets d’élaborer, en coordination avec les maires, des plans de mises en sécurité des lieux les plus exposés. J’ai recommandé deux types de mesures : l’amélioration de la surveillance humaine par la police municipale, et le recours plus systématique à la vidéosurveillance.
[…]
Je vais demander aux préfets un état des lieux de la prévention dans les transports, afin de la renforcer là où c’est nécessaire par les moyens les plus modernes : localisation des bus par GPS, caméras de vidéosurveillance embarquées dans les bus, les trains et les gares.

  • une généralisation hâtive

    La France mise sur la vidéoprotection ? Belle généralisation hâtive qui consiste à transformer une décision prise par quelques hommes et femmes politiques en une décision prise par l’ensemble de la population française à l’unanimité.
  • un effet impact (à créer)
    Si le choix des mots est toujours important, il est dans ce contexte primordial : souvenons-nous qu’il y a encore peu de temps, on utilisait le mot vidéosurveillance, mot très connoté négativement qui pouvait susciter la méfiance et soulever de nombreuses questions : pour surveiller qui ? Pourquoi ? N’est-on pas en train de s’attaquer aux libertés individuelles ? etc.

    Tandis qu’il est bien plus difficile de remettre en cause la vidéoprotection : pourquoi refuser de protéger ?
    La vidéosurveillance peut être source d’inquiétude, la vidéoprotection est rassurante ; pourtant, ces deux mots désignent exactement la même chose.

  • un non sequitur + une pétition de principe
    Si l’implication   » il y a eu un attentat à Londres => il faut plus de caméras en France  » n’est pas explicitement formulée – on doit bien cette précision au journaliste -, la forme de la phrase pourrait la suggérer. Et comme nous sommes là pour nous entraîner, je vous propose de l’analyser quand même.

    L’unique lien logique que je vois entre ces deux assertions est le suivant : si un attentat s’est produit à Londres, cela pourrait arriver en France, il faut donc se protéger en installant des caméras. Ce raisonnement nécessite d’avoir préalablement admis que les caméras protègent des attentats, et donc qu’elles sont « efficaces ». Démarrer une preuve de l’efficacité des caméras en supposant qu’elles sont efficaces, voilà une pétition de principe.
    Par ailleurs, citer l’attentat de Londres est particulièrement mal choisi, puisque loin de confirmer la thèse de l’efficacité de la vidéo, il l’infirme : un attentat a eu lieu à Londres malgré le fait qu’elle était déjà très équipée en caméras ; en effet, depuis les années 90 et l’attentat de Bishopgate revendiqué par l’IRA, il a été décidé de miser sur la vidéo à Londres. Dans un rapport du Centre of Criminology and Criminal Justice réalisé dans le cadre d’un programme de recherche européen intitulé « Urbaneye », il est dit dès 2002 que le réseau des transports londoniens est équipé de milliers de caméras ; l’implication « il y a eu un attentat à Londres => il faut plus de caméras en France » n’est donc pas logique : nous avons affaire ici à un non sequitur (**).

Claude Guéant rappelle qu’un rapport de l’Inspection générale de l’administration a conclu la même année à «un développement insuffisant» et à une «implantation aléatoire des dispositifs les rendant mal adaptés à l’évolution des risques encourus par les citoyens». Environ 60.000 caméras devraient couvrir le pays d’ici à 2012
  • un plurium affirmatum (ou effet gigogne) (à créer)
    L’affirmation de Claude Guéant, lorsqu’il cite le rapport de l’Inspection générale de l’administration, CorteX_Rapport_Cour_comptes_Videosurveillance_image_Rapport_efficacite_07_2009en contient une autre : il admet sans le dire que la vidéo permet de réduire les risques encourus par les citoyens. Sauf que… la méthodologie ayant permis d’établir le rapport est très critiquable et que la preuve de cette efficacité ne semble pas faite aujourd’hui. Au niveau international, peu d’études ont été réalisées et celles qui existent ne sont pas toujours fiables, ni concluantes ; en France, l’évaluation est quasiment inexistante. C’est ce que souligne le rapport de la Cour des Comptes :

    p.145 – Diverses études ont été réalisées à l’étranger, notamment au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et en Australie, selon une démarche d’évaluation reposant sur l’analyse globale des tendances dégagées par une pluralité d’enquêtes  [ref citée : “What Criminologists and Others Studying Cameras Have Found”, Noam Biale, Advocacy Coordinator, ACLU Technology and Liberty Program, 2008 ]… Si ces études ont, dans l’ensemble, conclu à l’absence d’impact statistiquement significatif de la vidéosurveillance sur l’évolution de la délinquance, certaines ont toutefois fait apparaître que les résultats sont plus encourageants dans des espaces clos (parkings) avec un nombre limité d’accès. D’autres ont montré que la vidéosurveillance peut être efficace pour repérer les délits violents (atteintes à la personne) mais inopérante pour prévenir la commission de ces déli. Aucune étude d’impact, réalisée selon une méthode scientifiquement reconnue, n’a encore été publiée. Contrairement au Royaume-Uni, la France n’a pas encore engagé un programme de recherche destiné à mesurer l’apport de la vidéosurveillance dans les politiques de sécurité publique

Sur quels éléments tangibles s’appuie alors le ministre pour affirmer qu’il faut plus de caméras ? Sur la base de quels éléments  devrions-nous adhérer à sa thèse ?

Qu’en conclure ?

Je suis assez perplexe devant autant d’imprécisions, d’approximations, d’erreurs, de parti pris sur un sujet complexe qui mériterait pourtant une analyse de qualité. Ce texte ne nous apprend rien, on n’y comprend pas grand-chose, il donne une tribune immense à des idées reçues voire fausses et il contribue à rendre le sujet rébarbatif. A l’instar de mes collègues de CorteX, je crois qu’il serait grand temps de mener une réflexion collective sur les mécanismes structurels des médias qui conduisent à produire de l’information de mauvaise qualité, voire de la désinformation, et qui font oublier le but premier du journalisme : transmettre des informations aussi fiables que possibles sur le monde afin que chacun puisse faire ses choix en connaissance de cause.
Guillemette Reviron

(*) Observatoire National de la Délinquance et des Réponses Pénales, Bulletin pour l’année 2009, janvier 2010, cité par le Rapport de la Cour des Comptes pp. 27
(**) Notons que si Londres avait été une ville vierge de vidéos, le raisonnement ne tenait pas plus ; en effet, il s’énoncerait de la manière suivante : « il faut des caméras en France parce qu’à Londres il n’y en avait pas et il y a eu un attentat ». On y aurait trouvé
– un effet cigogne : « attentat » et « pas de vidéo » sont corrélés
– un biais de confirmation : il ne suffit pas de vérifier une thèse sur un exemple pour la prouver, la thèse étant « s’il n’y a pas de caméras, il y a des attentats ». 

CorteX_Bellamy-Equality

Economie – La parabole du réservoir d’eau de Bellamy

Il était une fois un pays très sec, dont les habitants manquaient cruellement d’eau. Et ils ne faisaient rien d’autre que de chercher de l’eau, du matin au soir. Beaucoup mouraient parce qu’ils n’en trouvaient pas.

Cependant, certains hommes, dans ce pays, étaient plus rusés et diligents que les autres. Et ils s’étaient procuré des quantités d’eau là où d’autres n’en avaient pas trouvé. Et on appelait ces hommes les capitalistes. Il advint que les habitants de ce pays s’en furent trouver les capitalistes et les prièrent de leur donner un peu de l’eau qu’ils s’étaient procurée, pour qu’il puissent boire, puisqu’ils mouraient de soif. Mais les capitalistes leur répondirent :

« Allez-vous-en, gens stupides! Pourquoi devrions-nous vous donner de l’eau que nous avons, et devenir comme vous êtes, et mourir avec vous. Mais voici ce que nous allons faire pour vous. Soyez nos serviteurs, et vous aurez de l’eau.  »

Et les habitants dirent :

« Donnez nous donc à boire, et nous serons vos serviteurs, nous et nos enfants. »

Et il en fut ainsi.

Les capitalistes étaient des hommes intelligents et avisés. Ils organisèrent ceux qui les servaient en brigades, avec des chefs et des contremaitres, affectés, pour certains, à sonder les sources, d’autres à transporter l’eau, d’autres enfin à chercher de nouvelles sources. Et toute l’eau fut rassemblée en un seul endroit. Les capitalistes construisirent un grand réservoir pour la contenir, et le réservoir fut appelé Le Marché, car c’est là que les gens, y compris les serviteurs des capitalistes, venaient s’approvisionner en eau. Et les capitalistes dirent au gens :

 « Pour chaque seau d’eau que vous nous apporterez, pour le verser dans le réservoir, qui est Le Marché, voici que nous vous donnerons un sou, mais pour chaque seau que nous en retirerons pour vous donner à boire, à vous, à vos femmes et à vos enfants, vous nous donnerez deux sous, et la différence sera notre bénéfice, car sans cela nous ne le ferions pas pour vous et vous devriez tous mourir.  »

 

Et c’était bien ainsi, aux yeux du peuple, car il manquait de discernement. Et les gens s’activèrent à remplir le réservoir jour après jour, et pour chaque seau, les capitalistes payaient à chacun un sou, alors que pour chaque seau fourni au peuple, deux sous revenaient aux capitalistes.

Et après plusieurs jours le réservoir d’eau, dit Le Marché, déborda, du fait que pour chaque seau versé, les gens ne recevaient que de quoi acheter un demi seau. Et à cause de l’excédent laissé à chaque seau, le réservoir d’eau débordait car les gens étaient nombreux, alors que les capitalistes étaient rares et ne pouvaient pas boire plus que les autres. En conséquence de quoi le réservoir d’eau débordait.


Et quand les capitalistes virent l’eau
déborder, ils dirent aux gens :

« Ne voyez-vous pas que le réservoir d’eau, qui est Le Marché, déborde ? Asseyez-vous donc, et soyez patients. Cessez d’apporter de l’eau jusqu’à ce que le réservoir soit vide. »

Mais quand les gens ne reçurent plus les sous des capitalistes pour l’eau qu’ils apportaient, ils ne purent plus acheter de l’eau aux capitalistes, n’ayant pas de quoi acheter. Et quand les capitalistes virent qu’ils ne faisaient plus de bénéfice, car plus personne n’achetait de l’eau, ils furent troublés. Et ils envoyèrent des hommes sur les routes, les chemins et les haies, en criant :

« Si quelqu’un a soif, qu’il vienne au réservoir d’eau nous acheter de l’eau, sinon elle va déborder »

Et ils se dirent :

« Voici que les temps sont durs, il faut faire de la publicité ».

Mais le peuple répondit, en disant :

« Comment pouvons-nous acheter si vous ne nous employez pas, sinon comment allons-nous avoir de quoi acheter? Employez-nous donc comme avant et nous serons heureux d’acheter de l’eau, car nous avons soif, et vous n’aurez pas besoin de faire de la publicité.« 

Mais les capitalistes dirent au peuple :

« Allons-nous vous embaucher pour apporter de l’eau, alors que le réservoir, qui est Le Marché, déborde déjà ? Achetez-nous donc d’abord de l’eau, et quand vous aurez vidé le réservoir avec vos achats, nous vous embaucherons à nouveau. »

Et ainsi, du fait que les capitalistes ne les employaient plus pour apporter de l’eau, les gens ne pouvaient pas acheter l’eau qu’ils avaient déjà apporté, et du fait que les gens ne pouvaient acheter l’eau qu’ils avaient déjà apporté, les capitalistes ne pouvaient plus les employer à apporter l’eau . Et on se mit à dire partout : « C’est la crise. »

Le peuple mourait de soif. Il n’en allait plus maintenant comme du temps de leurs pères, quand les terrains étaient libres et quand chacun pouvait librement chercher de l’eau pour lui-même. Là, les capitalistes avaient pris toutes les sources, et les puits, et les roues à eau, et les récipients, et les seaux, de sorte que personne ne pouvait se procurer de l’eau du réservoir d’eau, qui était Le Marché. Alors le peuple murmura contre les capitalistes et dit :

« Voici que le réservoir est à sec, et que nous mourons de soif . Donnez-nous donc de l’eau, pour que nous ne périssions pas. »

Mais les capitalistes répondirent :

« Que nenni. L’eau est à nous. Vous ne boirez pas, à moins que vous n’achetiez à boire avec vos sous. »

Et ils le confirmèrent par serment, disant, à leur manière : « Les affaires sont les affaires. »

Mais les capitalistes étaient inquiets de ce que les gens n’achetaient plus d’eau, dont il résultait qu’ils ne faisaient plus de profit, et ils parlaient entre eux en disant :
« Il semble que nos bénéfices ont bloqué nos bénéfices, et du fait des bénéfices que nous avons faits, nous ne pouvons plus faire de bénéfices. Comment se fait-il que nos profits ne soient plus profitables pour nous, et que nos gains nous rendent pauvres ? Allons interroger les devins, pour qu’ils nous éclaircissent sur ce mystère. »
Et ils les envoyèrent chercher.

Les devins étaient gens experts en énonciations sibyllines. Ils s’associèrent aux capitalistes pour profiter de leur eau, et survivre, eux et leurs enfants. Et ils parlaient au peuple au nom des capitalistes, et se faisaient leurs ambassadeurs, voyant que les capitalistes n’étaient pas gens à comprendre vite ni à parler volontiers.

Et les capitalistes exigèrent des devins qu’ils leur expliquent comment il se faisait que les gens ne leur achetaient plus d’eau bien que le réservoir fut plein. Et certains des devins répondit et dirent : « C’est en raison de la surproduction. » Et les uns disaient : « C’est la surabondance. » Mais la signification des deux mots est la même. Et d’autres disaient : « Non, mais c’est le résultat des taches sur le soleil. » Et d’autres encore répondaient, en disant : « Ce n’est ni en raison de surabondance, ni encore des taches sur le soleil, que le mal est arrivé, mais en raison du manque de confiance. « 

Et tandis que les devins confrontaient leurs interprétations, les hommes de profit étaient saisi de somnolence et s’endormaient, et quand ils se réveillèrent, ils dirent aux devins :

« C’est assez. Vous vous êtes exprimés à votre aise. Maintenant, allez et parlez à votre aise au peuple, afin qu’ils se calment et nous laissent aussi en paix . »

Mais les devins, hommes à la science funeste, comme on les appelait aussi, furent réticents à aller vers le peuple de peur d’être lapidés, car les gens ne les aimaient pas. Et ils dirent aux capitalistes :

« Maîtres, c’est un mystère de notre métier que si les hommes sont repus, désaltérés et paisibles, alors ils trouvent du réconfort dans notre discours, comme vous. Mais s’ils ont soif et faim, ils n’y trouvent aucun réconfort, mais plutôt des raisons de se moquer, car il semble que si un homme n’est pas repu, notre sagesse n’est pour lui que du vide ».

Mais les capitalistes dirent : « Hardi, en avant. N’êtes-vous pas nos hommes désignés pour être nos ambassadeurs?

Et les devins se dirigèrent vers le peuple et leur expliquèrent le mystère de la surproduction, et comment il se faisait qu’ils devaient périr de soif parce qu’il y avait trop d’eau, et comment il ne pouvait pas y en avoir assez parce qu’il y en avait trop. Et ils leurs parlèrent aussi des taches du soleil, et leur expliquèrent comment tout ce qui leur était arrivé venait de leur manque de confiance. Mais tout se passa comme les devins avaient dit, car pour le peuple leur sagesse n’était que du vide. Et le peuple les maudit, en leur disant :

« Allez vous faire voir, têtes d’œufs ! Est ce que vous vous moquez de nous ? Est-ce que l’abondance produit la famine ? Est-ce que beaucoup ne donne rien ? »

Et ils prirent des pierres pour les lapider.

Les capitalistes, voyant que les gens du peuple murmuraient encore, et n’écoutaient pas les devins, et craignant qu’ils n’attaquent le réservoir pour s’emparer de l’eau, leur envoyèrent de saints hommes (en fait de faux prêtres), qui les exhortèrent au calme et leur demandèrent de ne pas s’en prendre aux capitalistes parce qu’il avaient soif. Et ces saints hommes, qui étaient de faux prêtres, assurèrent au peuple que ce fléau leur avait été envoyé par Dieu pour le salut de leur âme, et que s’ils l’enduraient avec patience, sans convoiter l’eau, ni s’en prendre aux capitalistes, il adviendrait qu’après avoir rendu l’âme, ils arriveraient dans un pays sans capitalistes, où l’eau serait abondante. Cependant, il y avait aussi de vrais prophètes de Dieu, qui ne prophétisaient pas pour le compte des capitalistes, mais plutôt contre eux.

Les capitalistes virent que le peuple murmurait encore et s’attroupait sans être calmé par les gouttes dont ils les aspergeaient du bout de leurs doigts trempés dans l’eau qui débordaient du réservoir, et le nom des gouttes d’eau était La Charité, et elles étaient très amères.

Et quand les capitalistes virent que ni les paroles des devins, ni celles des saints hommes qui étaient faux prêtres, ni les gouttes appelées La Charité ne calmaient le peuple, qui était de plus en plus en colère et se pressait autour du réservoir comme pour s’en emparer, ils réunirent un conseil et dépêchèrent des émissaires auprès du peuple et aussi tous ceux qui étaient de bons guerriers, ils les prirent à part et leur dirent habilement :

 » Et si vous rejoigniez les capitalistes? Si vous vous mettez à leur service contre le peuple pour qu’ils ne s’emparent pas du réservoir, vous aurez de l’eau en abondance et ne périrez pas, vous et vos enfants. « 

Et les hommes forts et les guerriers aguerris furent convaincus par ce ce discours, se laissèrent persuader, poussés par la soif, se mirent au service des capitalistes, devinrent leurs hommes, furent équipés en bâtons et épées, se firent les défenseurs des capitalistes, et frappèrent les gens qui s’approchaient du réservoir.

Au bout de plusieurs jours le niveau de l’eau avait baissé dans le réservoir, car les capitalistes utilisaient l’eau pour des fontaines et des bassins où ils se baignaient avec femme et enfants et ils gaspillaient l’eau pour leur plaisir.

Quand les capitalistes virent que le réservoir était vide, ils dirent : « La crise est terminée » et ils allèrent embaucher des gens pour apporter de l’eau et le remplir de nouveau. Et pour chaque seau qu’ils apportaient ils recevaient un sou, mais pour le seau que les capitalistes tiraient du réservoir pour le redonner aux gens, ils recevaient deux sous, pour faire leur bénéfice. Au bout d’un certain temps, le réservoir débordait à nouveau comme avant.

Alors, lorsque le peuple eut rempli le réservoir jusqu’à ce qu’il déborde, et se retrouva assoiffé jusqu’à ce que l’eau contenue ait été gaspillée par les capitalistes, il advint que surgirent dans ce pays des hommes qu’on appela des agitateurs car ils soulevèrent le peuple. Et ils s’adressèrent au peuple, en disant qu’ils devraient s’associer, et qu’ainsi ils n’auraient plus besoin d’être des serviteurs des capitalistes, et ne mourraient plus de soif. Aux yeux des capitalistes les agitateurs étaient des individus néfastes, qu’ils auraient bien vus crucifiés, sans oser le faire par peur du peuple.

Et les agitateurs, lorsqu’ils parlaient au peuple, leur disaient ceci :

« Peuple stupide, combien de temps te laisseras-tu tromper par un mensonge et croiras-tu, pour ton malheur, ce qui n’est pas ? Car toutes ces choses qui t’ont été dites par les capitalistes et les devins sont des fables habilement conçues. Et de même, les saints hommes, qui disent que c’est la volonté de Dieu que vous devez toujours être pauvres, misérables et assoiffés, ils blasphèment Dieu et sont des menteurs. Il les jugera sévèrement et Il pardonnera à tous les autres. Comment se fait-il que vous ne puissiez vous procurer de l’eau dans le réservoir ? N’est-ce pas parce que vous n’avez pas d’argent ? Et pourquoi n’avez-vous pas d’argent ? N’est-ce pas parce que vous ne recevez qu’un seul sou à chaque seau que vous porter au réservoir, qui est Le Marché, mais que vous devez rendre deux sous pour chaque seau que vous retirez, pour que les capitalistes puissent toucher leur bénéfice ? Ne voyez-vous pas, comment le réservoir doit ainsi nécessairement déborder, rempli à la mesure de ce dont vous manquez, abondé de votre manque ? Ne voyez vous pas également que plus durement vous travaillerez, plus diligemment vous rechercherez et apporterez l’eau, plus les choses iront de mal en pis et non de mieux en mieux, tout cela à cause du profit, et cela pour toujours ? »

C’est ainsi que les agitateurs parlèrent pendant plusieurs jours au peuple sans être entendus, mais il vint un temps où le peuple écouta. Et il répondit aux agitateurs :

« Vous dites la vérité. C’est à cause des capitalistes et de leurs bénéfices que nous sommes dans le besoin, vu que en raison de leur profit, on ne peut en aucun cas retrouver les fruits de notre travail, de sorte que notre travail est vain, et plus nous peinons à remplir le réservoir, plus vite il déborde, et l’on peut ne rien recevoir, car il y a trop, selon les mots des devins. Les capitalistes sont des hommes durs, et leurs compassions sont cruelles. Dîtes-nous si vous savez comment nous pouvons nous délivrer de notre servitude. Mais si vous ne connaissez pas de moyen certain de nous délivrer, nous vous prions de vous tenir en paix, et nous laisser seuls, pour que nous puissions oublier notre misère. »

Et les agitateurs répondirent en disant : « Nous connaissons un moyen ».
Et le peuple dit :

« Ne nous trompez pas, comme il en a été depuis le début, et personne n’a trouvé de moyen de nous délivrer jusqu’à présent, bien que beaucoup aient essayé désespérément. Mais si vous connaissez un moyen, dîtes-le-nous ».

Alors, les agitateurs leur dirent le moyen :

«A la vérité, quel besoin avez-vous de tous ces capitalistes, à qui vous devez céder les bénéfices pris sur votre travail ? Pour quels grands faits leur payez-vous ce tribut ? Eh bien ! Ce n’est que parce qu’ils vous commandent en équipes et vous font aller et venir, fixent vos tâches, et puis vous donnent un peu de cette eau que vous, et non pas eux, avez apporté. Or, voici le moyen de sortir de cette servitude ! Faites pour vous-mêmes ce qui est fait par les capitalistes, à savoir l’organisation de votre travail, le commandement de vos équipes, et la division de vos tâches. Ainsi vous n’aurez aucun besoin des capitalistes, ni de leur rétrocéder le moindre profit, mais tout le fruit de votre travail doit vous revenir entre frères, chacun ayant la même part. Et ainsi le réservoir ne débordera plus jamais jusqu’à ce que chaque homme soit rassasié, sans avoir besoin de remuer la langue pour réclamer plus, et ensuite le débordement fera fontaines agréables et étangs pour votre plaisir, comme le firent pour eux les capitalistes, mais cette fois pour le plaisir de tous ».

Et le peuple répondit : « Comment allons-nous faire cela, qui nous semble excellent pour nous? »
Et les agitateurs répondirent :

« Choisissez-vous des hommes modestes pour aller et venir, pour commandez vos équipes et organiser votre travail, et ces hommes seront les capitalistes, mais attention, ils ne doivent pas être vos maîtres comme les capitalistes le sont, mais vos frères et vos officiers qui feront votre volonté, et ils ne prendront pas de bénéfices, mais chaque Homme aura sa part comme les autres, de sorte qu’il n’y ait pas de maîtres et de serviteurs parmi vous, mais seulement des frères. Et, de temps en temps, comme bon vous semblera, vous choisirez d’autres hommes modestes à la place des premiers pour organiser le travail. »

Et le peuple écouta, et cela lui paraissait bon. En plus, cela ne semblait pas difficile. Et d’une seule voix ils crièrent : « Alors, qu’il en soit comme vous l’avez dit, nous le ferons! »

Et les capitalistes entendirent des clameurs, et ce que les gens disaient. De même les devins l’entendirent aussi, de même que les faux prêtres et les puissants hommes de guerre, qui servaient à la défense des capitalistes. Et quand ils entendirent, ils tremblèrent de tous leurs membres, de sorte que leurs genoux se heurtèrent, et ils se dirent les uns aux autres, « C’est la fin ! »

Cependant, il y avait de vrais prêtres du Dieu vivant qui ne prophétisaient plus pour le compte des capitalistes, mais qui furent pris de compassion pour ces gens, et quand ils entendirent les cris du peuple et ce qu’il avait dit, ils se réjouirent grandement et rendirent grâce à Dieu de cette délivrance.

Et le peuple s’en fut et tout se passa comme les agitateurs l’avaient annoncé. Et il arriva ce que les agitateurs avaient dit qu’il arriverait, comme ils l’avaient prédit. Et il n’y eut plus aucun assoiffé dans ce pays, non plus que d’affamé, de sans habit, de grelottant, ou de nécessiteux. Et chaque homme dit à son compagnon : « Mon frère », et chaque femme dit à sa compagne « Ma sœur », c’est ainsi qu’ils furent, les uns aux autres, comme frères et sœurs à jamais unis. Et la bénédiction de Dieu s’étendit sur cette terre à jamais. « 


CorteX_Edward_BellamyEdward Bellamy, Equality, 1897.

La version en anglais est disponible en ligne, chapitre XXIII

Richard Monvoisin

qui se demande si Dieu et sa bénédiction, finalement, sont vraiment nécessaires à la parabole…

Le Monde – Sexisme : ils se lâchent, les femmes trinquent

Sexisme : ils se lâchent, les femmes trinquent

LEMONDE.FR | 21.05.11

Depuis le début de l’affaire DSK, « nous sommes abasourdies par le déferlement quotidien de propos misogynes tenus par des personnalités publiques », dénoncent les signataires d’une pétition initiée par les associations Osez le féminisme, La Barbe et Paroles de femmes.

Depuis une semaine, nous sommes abasourdies par le déferlement quotidien de propos misogynes tenus par des personnalités publiques, largement relayés sur nos écrans, postes de radios, lieux de travail comme sur les réseaux sociaux. Nous avons eu droit à un florilège de remarques sexistes, du « il n’y a pas mort d’homme » au « troussage de domestique » en passant par « c’est un tort d’aimer les femmes ? » ou les commentaires établissant un lien entre l’apparence physique des femmes, leur tenue vestimentaire et le comportement des hommes qu’elles croisent.

Nous sommes en colère, révoltées et révoltés, indignées et indignés.

Nous ne savons pas ce qui s’est passé à New York samedi 14 mai mais nous savons ce qui se passe en France depuis une semaine. Nous assistons à une fulgurante remontée à la surface de réflexes sexistes et réactionnaires, si prompts à surgir chez une partie des élites françaises.

Ces propos illustrent l’impunité qui règne dans notre pays quant à l’expression publique d’un sexisme décomplexé. Autant de tolérance ne serait acceptée dans nul autre cas de discrimination.

Ces propos tendent à minimiser la gravité du viol, tendent à en faire une situation aux frontières floues, plus ou moins acceptable, une sorte de dérapage. Ils envoient un message simple aux victimes présentes et futures : « ne portez pas plainte ». Nous le rappelons : le viol et la tentative de viol sont des crimes.

Ces propos prouvent à quel point la réalité des violences faites aux femmes est méconnue. De la part d’élites qui prétendent diriger notre société, c’est particulièrement inquiétant. 75 000 femmes sont violées chaque année dans notre pays, de toutes catégories sociales, de tous âges. Leur seul point commun est d’être des femmes. Le seul point commun des agresseurs, c’est d’être des hommes.

Enfin, ces propos font apparaître une confusion intolérable entre liberté sexuelle et violence faite aux femmes. Les actes violents, viol, tentative de viol, harcèlement sont la marque d’une volonté de domination des hommes sur le corps des femmes. Faire ce parallèle est dangereux et malhonnête : ils ouvrent la voix aux partisans d’un retour à l’ordre moral qui freine l’émancipation des femmes et des hommes.

Les personnalités publiques qui véhiculent des stéréotypes qu’on croyait d’un autre siècle insultent toutes les femmes ainsi que toutes celles et ceux qui tiennent à la dignité humaine et luttent au quotidien pour faire avancer l’égalité femmes – hommes.


Cet appel contre le sexisme est initié par les associations Osez le féminisme, La Barbe et Paroles de femmes. Il regroupe une dizaine d’associations et plus de 1 000 signataires dont : Audrey Pulvar, Clémentine Autain, Florence Montreynaud, Annick Coupé, Annie Ernaux, Agnès Bihl, Marie-Françoise Colombani, Florence Foresti, Patric Jean (réalisateur), Julien Bayou (membre du collectif Jeudi Noir) ou encore Geneviève Fraisse.

 

CorteX_DSK_France Soir

Journalisme – Lacunes de rationalité dans le traitement de l’affaire DSK

A moins d’être ummite (voir le dossier Ummo d’Erick Maillot), impossible de n’avoir pas entendu parler de l’affaire DSK, ce scandale impliquant l’ancien président du Fonds Monétaire International.
En une dizaine de jours se sont amoncelés des procédés journalistiques tout à fait surprenants. Au Cortecs, nous nous avons pensé qu’un petit Travail Pratique sur ce sujet pourrait animer vos longues soirées d’été. C’est un TP évolutif, c’est-à-dire qu’à chaque nouvelle trouvaille, nous viendrons compléter le dossier.

Il va de soi que ce TP ne dépend pas de la culpabilité ou non de Dominique Strauss-Kahn, qui n’est pas le propos de cet article.

Exercice à faire

Reprendre une manchette / un journal TV sur DSK, et une manchette / journal TV sur un obscur « délinquant » accusé de viol (appelons-le ODAV, comme Obscur Délinquant Accusé de Viol).

Exemples d’ODAV :

[dailymotion id=xizyzy]

JT de TF1 du 8 août 2010 (le ton de ce JT est moins « à charge » que celui de la veille, on y parle même de présomption d’innocence… jusqu’à la dernière phrase)

[dailymotion id=xizyzl] 

Exemple de reportage sur DSK : TF1, JT du 22 Mai /2011

[dailymotion id=xj065x]

L’effet à mettre en évidence est l’effet bi-standard : le traitement réservé à DSK est bien plus sympathique / atténué que ne l’est celui d’un violeur présumé moyen.

Indicateurs de l’effet bi-standard :

  • présumé : généralement, le complément « présumé » saute pour ODAV, aggravant la tonalité du traitement, alors qu’il est martelé pour DSK. 
  • images choquantes : il est certes interdit de montrer en France quelqu’un menotté depuis la loi Guigou de 2000. Mais alors que les cas où ODAV fut montré menotté n’a pas choqué grand monde (exemple le plus frappant : Michaël Jackson, pourtant lui même loin d’être un Obscur Délinquant), montrer DSK menotté est considéré par de nombreuses personnalités comme « choquant », et les images présentées comme « terribles ».

On pourra se servir de la Revue de presse du Zoom de la Rédaction sur France Inter, 16 mai 2011

 

  • Occultation de la victime : pour ODAV, la gravité est accrue en parlant immanquablement de la victime. Pour DSK, la victime n’est que « présumée », et encore, quand elle est citée – ce qui vaut une levée de critiques féministes, en particulier cette chronique dans Le Monde  du 21 mai intitulée « Sexisme : ils se lâchent, les femmes trinquent » à laquelle il va de soi que nous nous associons.
  • Circonstances : on ne cherche pas de circonstances atténuantes pour ODAV, contrairement à DSK.
Sur ce point, plusieurs méthodes ont été développées
 
1. Confondre violence sexuelle et libertinage, avec des arguments fallacieux du type : 
Ce n’est pas sa faute, il est comme ça, il a une sexualité débordante
C’est un french lover (heureusement que tous les french lovers ne sont pas comme ce qu’on dit de lui)
C’est un mélange français d’amour et de politique, qui témoigne de notre tempérament national (essentialisme)
 
C’est ce que pointe Julie Clarini dans sa chronique sur France Culture du 18 mai 2011

2. Parler de méprise avec une prostituée / femme de chambre

– une prostituée – ce qui laisse présumer de ce qu’on considère comme normal dans le traitement des prostitué-es.

– avec une femme de chambre, qui plus est africaine. Notons en passant que « africaine » = racisme ordinaire. On apprendra plus tard qu’elle est guinéenne, ce qui ne nécessitait pas de grandes recherches, mais que la plupart des journalistes ne firent pas – Diallo étant un nom poular, et son prénom étant typique des filles peuls du Fouta Djallon.

Clarini encore, dans sa chronique du 17 mai, le dit bien mieux que nous.

3. Invoquer des problèmes psychanalytiques dans l’enfance (?) qui expliqueraient ses frasques sexuelles / le viol présumé, ce qui ferait de DSK une victime de ses pulsions
On pourra lire à ce sujet l’article de Brigitte Axelrad sur le site de l’Afis : Affaire Strauss-Kahn : les psychanalystes « se défoulent »

4. Invoquer des problèmes psychanalytiques qui expliqueraient son envie irrépressible de se saborder – de se suicider politiquement – alors qu’il avait course gagnée

Questions d’experts sur France inter pendant les informations du 7-9
  • le 15 mai :
  • le 19 mai :
(DSK a mangé du poisson le 19, ndr)

L’hypothèse d’un acte manqué inconscient est très ennuyeuse car

– elle nécessite un inconscient (ce qui est scientifiqement discuté)

– duquel émergerait des actes manqués contre la volonté du sujet (ce qui est scientifiquement discuté)

– l’hypothèse est irréfutable (au sens de Popper).

Cela pose également la question du recours quasi-systématique au champ psychanalytique dans les médias pour éclairer un point d’actualité. Finalement, en terme de qualité d’information, le « scénario inconscient » ne vaut gère plus que l’intérêt de savoir que DSK a mangé en prison des macaronis au fromage le 18 mai et du poisson le 19.

Allons plus loin : on peut mettre en évidence un effet Pangloss. Maintenant que l’accession à la présidence n’est plus envisageable pour DSK, on ne parle que d’une immanquable victoire s’il avait pu se présenter.

« Un destin exceptionnel », « il avait tout pour réussir », « les socialistes perdent le seul candidat qui avait, dans toutes les configurations possibles, la faveur des sondages. » , « le directeur général du Fonds monétaire international était le favori pour la présidentielle de 2012 » et « favori de la primaire socialiste en vue de la présidentielle française de 2012 », etc. (la mise en gras est de notre fait).

L’effet Pangloss consiste à raisonner à rebours. Ici l’arrestation de DSK pointe l’anéantissement du destin exceptionnel qui l’attendait, un continuum inéluctable DSK= Présidence. On parle désormais d’une vie politique brisée, comme un long couloir qui devait incontestablement conduire DSK à l’Elysée. C’est l’athlète blessé qui, s’il avait participé, aurait remporté toutes les épreuves ou le chercheur qui devait indubitablement aboutir à une découverte scientifique majeure.

Pourtant rien ne garantissait réellement cette possibilité. Rien ne permet donc de mettre en avant ce qui n’était qu’une éventualité, pas même les sondages évoqués récemment, compte tenu des expériences antérieures sur ce genre de pronostiques.

« Depuis l’élection de Nicolas Sarkozy en 2007, les commentateurs politiques les plus médiatiques jouent – jusqu’à l’excès – aux petits chevaux de la présidentielle et reproduisent les égarements du passé. Rappelons-nous qu’Édouard Balladur était en tête des sondages jusqu’en février 1995, et qu’il ne fut même pas présent au second tour en mai 1995. Souvenons-nous que Lionel Jospin était donné gagnant en 2002, puis qu’il ne fut même pas présent au second tour. Enfin, si le duel Royal-Sarkozy était dans les bouches de tous les éditorialistes plus d’un an avant le second tour de l’élection de 2007, précisons que la candidate socialiste ne l’a été que parce que des sondages l’annonçaient comme la mieux placée pour l’emporter face au candidat de l’UMP. Le choix ne s’étant pas fait sur le fond, mais simplement sur des anticipations, Ségolène Royal, et les sondologues, ont perdu. » Mathias Reymond, Affaire DSK (1) : des médias orphelins. Voir suite de l’article d’Acrimed

La probabilité de voir DSK élu président s’il avait pu se présenter, devient, par effet Pangloss, l’inévitabilité de sa victoire fictive maintenant qu’il ne pourra pas le faire.

5. La théorie du complot : c’est tellement improbable qu’un monsieur aussi respectable que lui fasse cela, donc il y a complot. Cela tend en outre à faire disparaître le fait que justement, des gens tout à fait respectables commettent des viols, et que le viol est un drame traversant les classes sociales.

6. Raisonnement en faux dilemme : « il aime les femmes, certes, mais c’est quand même mieux que d’aimer les petites filles »

 

Suite de l’exercice : rechercher des sophismes dans les extraits suivants.

  • Répondeur N°1 de D. Mermet, France Inter, 16 mai 2011
  • Répondeur N°2 de D. Mermet, France Inter, 16 mai 2011
  • Journal de midi trente, sur France Culture 15 mai 2011

  • Journal de midi trente, sur France Culture 16 mai 2011

Enfin, pour rire un peu, voici le billet de l’humoriste Sophia Aram sur le traitement médiatique engendré par « L’affaire » DSK et la légèreté de certains journalistes. France Inter – 06/06/2011

Article co-écrit par l’équipe du CorteX

 

Hypothèse de RM : j‘ai la sensation que tout est fait pour éviter de penser qu’un individu aussi « respectable » socialement, politiquement et économiquement puisse se rendre coupable – ou simplement être suspect – d’un crime de viol. Il y a une résolution de dissonance cognitive tout à fait typique : on tend à alléger la balance de l’accusé, et il est très probable qu’on tende à charger la barque de la victime. De la même façon que la reconnaissance du viol conjugal a mis très longtemps à être reconnu, il semble que ce soit difficile de reconnaître que l’abominable, même présumé, puisse être potentiellement en nous. Ça me fait penser à toutes ces fabrications médiatiques du Monstrueux, de Hitler à Ben Laden, qui nous évite, à l’instar de ce qu’écrivait Soljenitsyne, à analyser la part du diable qu’il y a en chacun de nous. Ça me fait également songer à la mauvaise réception des travaux de Milgram lorsqu’il montra qu’une fraction importante de gens normaux seraient capables, à l’état agentique sous autorité, de torturer et tuer un individu qui ne leur a rien fait.