L’effet bi-standard consiste à raisonner selon deux standards différents selon les circonstances, en gros changer les règles en cours du jeu. L’exemple le plus simple concerne les clubs de sport : s’ils veulent de moi au club, c’est un bon club. S’ils ne veulent pas de moi, c’est de toute façon un club de « nazes ».
Cet effet est assez fréquent dans les discours « relativistes », qui usent d’arguments scientifiques quand ils servent leur cause, mais dénèguent la valeur de la science quand elle infirme une de leurs croyances.
Nous allons tenir ici un catalogue des effets bi-standards les plus spectaculaires que nous pourrons trouver.
- Bi-standard de l’AFSSAPS. Exemple tout frais donné le 2 décembre 2010 sur France Culture, dans l’émission Du grain à moudre. Le médecin Philippe Even parle du médicament Médiator, qui vient d’être retiré avec fracas du marché en novembre 2009, et illustre l’effet bi-standart de l’AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) en terme de mise sur le marché et de retrait du marché.
- Bi-standard sur l’Académie de médecine.
On fait couramment (par exemple sur meridiens.org ) de la caution de l’Académie de médecine un argument de poids à l’appui d’une médecine alternative :
« L’acupuncture [est] reconnue comme pratique médicale par l’Académie Nationale de médecine depuis les années 1950″
On fait aussi couramment (par exemple sur colortherapie.eu) du refus de l’Académie de médecine un argument de poids à l’appui aussi d’une médecine alternative :
« Le Docteur Agrappart (…) revendique la paternité de la chromatothérapie (…) Sa technique est d’ailleurs condamnée par l’académie de médecine, ce qui peut apparaître paradoxalement comme un critère d’efficacité, sinon, cette instance ne s’en serait pas mêlée. Le docteur Agrappart devait commencer à déranger…«
(Exemple fourni par Lucie Duret, Boina Houzaïra, Samuel Duband et Colin Picart, étudiants de l’UE Zététique & autodéfense intellectuelle, décembre 2010, dossier Colorothérapie).
- Bi-standard du bus. Exemple sous forme de blague
Emy : tu vas en cours demain ?
Max : non, y a pas de bus
Emy : tu prends le bus d’habitude toi ?
Max : Non, mais demain exceptionnellement je le prendrai.
(Merci à Florent Martin, de l’Observatoire Zététique, pour cet exemple qu’il a déniché semble-t-il ici – 13 décembre 2010)
- Bi-standard en politique
L’emploi du bi-standard est répandu en politique et se dévoile particulièrement dans les périodes d’alternance gouvernementale. Ainsi un groupe politique au gouvernement écartera l’utilisation du referendum qu’il avait pourtant ardemment défendu quand il était dans l’opposition.
Les manifestations
Voici un exemple dégoté par notre ami Franck Villard : « Quand Copé (ne) soutient (pas) les manifestations » selon s’il est au gouvernement ou dans l’opposition.
N’y voyez pas d’acharnement spécifique sur ce personnage politique ! Mais effectivement, Jean-François Copé est fournisseur officiel d’effet bi-standard. Merci encore à Franck Villard.
Enfouissement de déchets nucléaires
Dès la primaire pour la présidentielle en 2006, Ségolène Royal s’est déclarée « farouchement opposée » à l’enfouissement de déchets nucléaires sur le site de Bure » (Meuse). Rebelote lors de la primaire de 2011 : interrogée par Greenpeace, S. Royal avait persisté et signé « pour l’abandon » de Bure : « Nous réorienterons la recherche vers des solutions d’élimination et de retraitement. Lors des premiers enfouissements, je me souviens d’avoir été la seule députée socialiste à voter contre, tout le groupe votant pour de pseudo-« laboratoires souterrains ». Plus loin : « J’ai de la constance dans le domaine« .
Interrogée sur la poursuite du chantier de Bure par le député UDI (Union des démocrates et indépendants) de la Meuse Bertrand Pancher, Ségolène Royal s’est fait représenter, le 27 mai 2014, par la sous-ministre de l’Economie numérique, Axelle Lemaire, qui a répondu : « Mme Royal réaffirme l’attachement du gouvernement au respect des principes établis par la loi de 2006 sur les déchets radioactifs ; cet attachement concerne aussi la concrétisation du projet de stockage réversible en couche géologique profonde« .
Sources : Canard enchaîné, 4 juin 2014, et L’affranchi, 14 avril 2014.
Traitement des deux parties du conflit israélo-palestinien
Voir l’article de Serge Halimi Une question d' »équilibre » (ici).
Traitement différencié d’attentats similaires
Les événements tragiques du 13 novembre ont remplis de pleines pages dans une majorité de pays. Facebook active la fonction « safety check » qui permet en un clic, de signaler à ses proches que l’on est en sécurité. Pourtant, la veille, à Beyrouth, Daech perpétrait l’attentat le plus meurtrier au Liban depuis la guerre civile. Comme à Paris, des kamikazes bourrés d’explosifs sont entrés à Bourj el-Barajneh, dans la banlieu sud de la capitale. Dans ce fief du Hezbollah, au milieu de la population chiite, un premier terroriste actionne sa bombe : explosion, panique, reflux. Puis les habitants reviennent secourir les victimes. C’est alors que le deuxième tueur déclenche la sienne : 43 morts, plus de 230 blessés. Et compassion minimum du reste du monde. De Beyrouth, la correspondante du New York Times regrette que Facebook n’ait pas proposé aux Libanais la fonction « safety check » que le réseau social avait offerte aux Français dès le lendemain. « Quand mon peuple meurt, aucun pays ne se colore de notre drapeau. Quand mon peuple meurt, le monde n’est pas en deuil », note amèrement sur son blog un médecin libanais, cité par le quotien étasunien (15/11/15). « Facebook n’a pas demandé non plus aux internautes de mettre le drapeau libanais sur leur photo, alors que Mark Zuckerberg a coloré son profil en bleu-blanc-rouge« , remarque une internaute. « Mais où sont les « #prayForBeyrouth »?« , se demande un autre. Merci au Canard enchaîné du 18 novembre 2015. Voir notre article Troque ceinture d’explosifs à grenaille contre boite à outils critiques.
Enfin, d’autres ressources pour s’entraîner sont disponibles dans l’article de G. Reviron « Exemples d’effet bi-standard – La laïcité et la défense des droits des femmes« .
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