En 1988, Jacques Chancel interrogeait l’ethnologue Claude Lévi-Strauss au micro de France Inter. Le chercheur venait de fêter ses 80 ans, et ne se doutait probablement pas qu’il vivrait jusqu’à pratiquement 101 ans. L’homme, humble, est décédé en octobre 2009, soit plus de 20 ans après cet entretien de la série Radioscopie dont nous reproduisons ici de petits morceaux choisis qui stimulent la réflexion critique, que l’on soit féru d’ethno-anthropologie ou non. A déguster comme des petits Bretzel intellectuels !
Attention : ce sont les « à-côtés » de son travail qui nous intéressent ici. Pour resituer son œuvre, on lira avec intérêt la très courte description « Claude Lévi-Strauss : un parcours dans le siècle« , par Philippe Descola au Collège de France en 2008.
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Dans ce premier extrait, Claude Lévi-Strauss avoue « ne jamais avoir eu de préoccupations religieuses« , mais avoir appris à être tolérant, par la fréquentation des diverses croyances du monde (*).
- Dans ce passage, Lévi-Strauss prend bien soin de délimiter son champ de compétence, ce qui est suffisamment rare pour être souligné. « avez-vous eu un maître spirituel », la réponse est manifestement… non. Il répond de ses filiations intellectuelles, notamment Marx. Ni dieu, ni maître, donc mais une influence marxiste très nette et un certain militantisme. L’ethnologue est pourtant assez critique sur un engagement politique, pris dans un dilemme intéressant.
- Anecdote croustillante, en sortant de l’agrégation de philosophie, Lévi-Strauss s’est acheté un livre d’…. astrologie ! Pourquoi ? réponse ci-dessous.
- Petite recension des ouvrages du savant.
- A propos du bazar que la sortie du livre Tristes tropiques créa.
- Seconde anecdote, qui témoigne plus de la bêtise du journaliste, qui voit de la perfidie là où il n’y a que constat. Parlant de Simone de Beauvoir, on notera que C. Lévi-Strauss ne verse absolument pas dans le sexisme, mal pourtant répandu dans sa génération intellectuelle (*).
Commentaire de Guillemette Reviron : »dans « La plus belle histoire des femmes » (p. 245), Sylviane Agacinski cite un passage de C. Lévi-strauss dans Tristes tropiques : « Le village entier partit le lendemain dans une trentaine de pirogues, nous laissant seuls avec les femmes et les enfants dans les maisons abandonnées « . Très bel exemple de sexisme ordinaire, dans lequel nous tombons toutes et tous – en quoi rester avec les femmes et les enfants revient à rester « seuls » ?
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Morceau d’anthologie : Lévi-Strauss parle de psychanalyse, et son analyse est sous un certain nombre d’aspects proches de la nôtre – nous serions toutefois moins cléments que lui sur l’apport de la méthodologie psychanalytique, tant l’histoire en particulier du freudisme est entachée de fraudes diverses (pour en savoir plus, voir Psychologie, philosophie – L’illusion freudienne, par Michel Onfray).
- Il parle d’une sorte de misanthropie qui l’atteint désormais.
- Pour finir, cet extrait parlant de la reconnaissance, et du fait que la réputation dont il jouissait n’était pas basée sur ce qu’il aurait lui-même gardé. Cet extrait est d’une modestie tout à fait rare dans des temps où les feux de la rampe éclairent et font chauffer même les crânes les plus remplis.
Les coupes faites dans l’émission sont bien sûr arbitraires. Nous gardons à disposition l’émission pour permettre des comparaisons.
RM
* Hormis ce passage final où C.L-Strauss avance qu’il est « naturel » de respecter les croyances, tombant dans l’argumentaire naturalisant tel que décortiqué ici. Bien sûr, il s’agit d’une façon de parler. Mais les façons de parler sont comme certains gaz toxiques : sournois car inodores ou insipides.