Révélation – La véritable identité des chats

Quels sont les mécanismes à l’œuvre dans les vidéos conspirationnistes ? Comment ces dernières manipulent-elles les procédés logiqCorteX_chat_ETues ? Comment faire pour soulever le doute par l’association de l’image, du texte et du son ?
Les élèves de 2nde Gestion Administration du lycée Madeleine Vionnet de Bondy ont répondu à ces questions par un minutieux travail de décryptage de vidéos conspirationnistes trouvées sur internet. Après avoir identifié leurs mécanismes récurrents, les élèves ont écrit le scénario d’une vidéo qui vise à semer le doute sur l’origine… des chats.

Merci à Timothée Gallen et à Valentin Vanier pour cette trouvaille.

Lien d’origine.

Le but de cette démarche était de transmettre aux élèves les outils de vérification des données, et ainsi éclairer leurs usages numériques. La vidéo présentée ici est composée de deux parties : une première qui restitue le film réalisé pendant l’atelier et qui vise à semer le doute sur l’origine des chats ; et une deuxième qui met en lumière les dix techniques utilisées pour que ce doute s’installe chez celui qui regarde.

Les élèves de Seconde Gestion Administration du lycée Madeleine Vionnet de Bondy étaient Yassin Adjim, Abran Claude Marlène Agnini, Imane Bekkal, Wilmaile Blaise, Henrique Francisco Chaves Batista, Aida Chougui, Mohamed Debbouza, Daouda Diawara, Anaïs Fenniche, Julien Fernandes Teixeira, Feirielle Fitouri, Ayicha Mbaraka, Diana Montrond de Pina, Maria-Adelina Pop, Andrinirina Rafiakarana, Jessy Rosbif, Akshana Sathiyaruban, Diaba Siby, Mariana Tatar, Sylvain Thill, Marianna Zaccardelli, avec William Laboury à la direction d’atelier, comme enseignante référente Sakina Benazzouz, enseignante de lettres et d’histoire-géographie et professeure principale de la classe, et à la direction de projet Marie Doyon, Hugo Fonseca pour Le BAL / La Fabrique du Regard. Ce film a été réalisé dans le cadre du programme « Mon Œil ! ».

En lien avec l’équipe enseignante et sur le temps scolaire, quatre ateliers de découverte et de réflexion permettent aux lycéens d’interroger les enjeux de création, diffusion, réception des images fixes et en mouvement autour d’une thématique, « Repenser l’histoire ». Dernier temps du programme, l’atelier de recherche et de création propose aux jeunes de participer collectivement à la conception et réalisation d’un projet avec un artiste invité.
« Mon Œil ! » est un des programmes pilotes menés par la Fabrique du Regard – plateforme pédagogique du BAL, lieu dédié aux enjeux de la représentation du monde par l’image. Il est mené en partenariat avec le Ministère de l’Éducation Nationale, la Région Île-de-France, la Préfecture de Paris et d’Île-de-France – Direction régionale des affaires culturelles, la Préfecture de Paris et d’Île-de-France – Direction départementale de la cohésion sociale, ainsi que le Cinéma des Cinéastes, le Louxor et la Fémis et en collaboration avec les DAAC (délégations académiques à l’action culturelle) des rectorats des académies de Paris, Créteil, Versailles, Amiens et Rouen1.

Ateliers "Médias" avec des écoliers chambériens

Tudy Guyonvarch est assistant d’éducation en Maurienne. L’année dernière, il a mené en parallèle de son activité principale des ateliers « Médias » auprès d’enfants d’une école primaire chambérienne. En plus de se livrer avec intérêt à cet exercice, il a bien voulu partager avec nous son expérience, qui devrait être renouvelée cette année au second semestre avec des ateliers de zététique.

Contexte

La mise en place de la réforme des rythmes scolaires à Chambéry a permis à la Maison de l’enfance de proposer des ateliers périscolaires. A un tarif plus que modique, les enfants des écoles du Biollay (un quartier classé zone urbaine sensible (ZUS) de Chambéry) peuvent s’inscrire à des cycles de 5 à 7 séances, de 16h à 17h30. L’idée de l’atelier « Médias » était de reprendre une animation déjà menée sur les vacances d’été, à savoir réutiliser des techniques de tournage et de montage similaires à celles utilisées dans Enquêtes Exclusives pour monter un reportage bidon sur le Biollay et comprendre comment les spectateurs peuvent être manipulés.

Modalités

Durée : 6 séances d’1h30

Matériel : un appareil photo numérique, un ordinateur

Lieux : Maison de l’enfance et quartier du Biollay, Chambéry, 73000

Public : enfants de 8 à 9 ans

1er atelier : cas d’école

Après avoir discuté des différents médias, de leur rôle dans la vie quotidienne et sur la société (en plein post-Charlie-Hebdo, la question revient évidemment), nous avons visionné certaines scènes choisies de Villeneuve ; le rêve brisé 1 : le suivi des forces de l’ordre menant une « guerre de territoire », la présentation de la journaliste, l’interview des jeunes, la démonstration de tir, l’interview des « anciens », plus quelques travellings à travers la cité.

Je lance, un peu imprudemment, l’idée qu’il a pu y avoir des manipulations. Certains enfants remettent aussitôt l’ensemble du documentaire en question, estimant que tout n’est qu’effets spéciaux. Puis un débat démarre sur la voiture brulée : vraie ou truquée ? Quelles sont les chances de tomber sur une voiture en flamme en suivant la police durant plusieurs semaines ? De même, certains remarquent les coupures durant l’interview de l' »ancien » qui se plaint de son agression et formulent la question « qu’est-ce qui a été enlevé ». Enfin, ils estiment que l’attitude des « jeunes » interviewés est grossière et trop caricaturale.

2ème atelier : téléphone taïwanais

On rediscute un moment de ce que les élèves ont vu à la télé récemment. Peu d’entre eux ont regardé attentivement la télé dans la semaine, peu se souviennent de ce qu’ils ont vu.

On discute sur le témoignage et la qualité des on-dits. Puis, à partir d’une vidéo de quelques secondes sur des passants qui tombent dans un trou en Corée (voir vidéo ci-dessous), nous faisons l’expérience du téléphone arabe. Mohammed s’isole et regarde la vidéo tandis que les autres sont dans une autre pièce. Puis, Liam a quelques minutes pour entendre son témoigage et poser quelques questions complémentaires. Ensuite, c’est au tour de Wassim d’interviewer Liam, puis Nassime interview Wassim. Quand enfin Jérémie interviewe Nassime puis restitue ce qu’il a entendu à Gaspard, la version finale n’a absolument rien à voir avec le contenu de la vidéo (voir vidéo ci-dessous).

Extrait d’un reportage télévisuel rapportant un évènement s’étant déroulé dans une ville coréenne, suivi d’une expérience de téléphone arabe avec les écoliers. La vidéo est diffusée avec l’autorisation des personnes y figurant.

On constate en regardant ensemble la vidéo d’origine que le témoignage de base est déjà bancal, mais que chaque maillon de la chaîne ajoute des approximations, inventions ou erreurs qui changent complètement l’histoire.

3ème atelier : l’attention

Après une énième discussion sur ce que les enfants ont vu dans les médias cette semaine, toujours relativement stérile, on se met au boulot. Après avoir visionné deux ou trois expériences de mémoire sélective (comme celle du gorille 2), nous décidons de faire notre propre expérience. On met au point un protocole et on se rend vite compte que les seuls sur lesquels on peut tester cet effet sont les parents. Quand ceux-ci arrivent à l’accueil, ce sont 5 enfants qui vont se cacher sous le bureau de l’agent d’accueil ou dans le bureau de la direction pour appeller les parents, tendre un papier à remplir, aller chercher un stylo, puis dire au revoir.

Après un débrief avec chaque parents, il apparaît que tou.te.s ont détecté une surpercherie, mais qu’ils ont seulement vu 2 ou 3 changements, mais pas 5. Même dans des conditions peu optimales, il apparaît donc que l’expérience fonctionne.

4ème atelier : « coupez »

Le temps de discussion sur les médias de la semaine apporte peu, encore une fois, et on disgresse sur de nombreux sujets. Ensuite, on attaque le corps du sujet : la sélection des données par le montage vidéo.

Après avoir regardé quelques exploits (paniers au basket, lancer de canette dans des poubelles), on décide de faire notre propre vidéo. On élabore notre mise en scène. Pour optimiser le nombre de lancers, donner le même nombre de chance à chacun, tous les enfants tentent de lancer un papier froissé dans une poubelle derrière eux. Assis en rond autour de la table, ils font semblant de dessiner et, chacun son tour, l’un d’eux tente le panier. Je filme en continu, prêt à couper en cas de problème.

C’est très laborieux. Ils visent mal et, après 20 minutes et sans doute une bonne cinquantaine de tirs, aucun n’a réussi de façon visuellement impressionante. Finalement, un des tirs reste pour la postérité.

On tente alors une seconde approche, le montage pur et dur. En faisant deux plans différents, un du lancer et un du papier arrivant dans la poubelle, on donne l’impression d’un très beau lancer. On fait avec les enfants une première approche du montage.

5ème et 6ème atelier : au coeur de l’action

Pas de discussions sur les médias lors de ces ateliers car on a du boulot : tourner sur le Biollay et réaliser le « rush ». Lors du premier atelier, on filme un match de foot sur l’espace multisports et on ne sélectionne que les moments les plus violents (insultes, bousculade et tacle).

Lors du second atelier, on marche en groupe en se faisant tourner l’appareil photo et, dès que quelqu’un a une idée à filmer, la personne qui a l’appareil tente un plan. On en profite pour voir comment la façon de filmer donne des impressions différentes (la contre plongée pour rendre les immeubles écrasants), pour travailler l’élipse, et pour filmer des crottes de chien. On filme aussi les éléments positifs, au cas où on voudrait un jour faire un film de pub sur le quartier pour contre-balancer celui-ci.

Au cours du 6ème atelier, on prend quelques minutes sur la fin pour envisager le montage, mais ce temps est largement insuffisant. Aussi, durant les vacances, nous allons prendre deux heures pour réaliser le montage et ajouter des musiques. Les enfants regorgent d’idées diaboliques (ralenti sur des jeunes avec des capuches, zoom, gangsta rap en fond sonore) pour manipuler le spectateur !

Film réalisé par les écoliers à l’issue des ateliers

Tudy Guyonvarch