Compilation de ressources critiques sur la psychogénéalogie

La psychogénéalogie et les secrets de familleVoici une petite compilation de ressources critiques concernant la psychogénéalogie à l’usage des curieux qui souhaitent creuser les fondements de cette discipline pseudo-scientifique. Cette page ouverte est évidement non-exhaustive et mérite d’être alimentée : vous avez lu/vu/entendu une référence critique, solide et pertinente sur ce sujet ? N’hésitez pas à la partager à l’adresse contact[at]cortecs[.]org.


La psychogénéalogie est une pratique développée dans les années 1970, qui affirme que les événements, traumatismes et conflits vécus par les ascendants d’un sujet conditionnent ses comportements, ses troubles psychologiques et ses maladies. Dévoiler cette « histoire cachée » d’un sujet en séance de thérapie permettrait de s’en libérer.

  • Conférence « La psychogénéalogie, un mythe » de Nicolas Gaillard

2012 (54min)

Dans le cadre du cycle de conférences de psychologie « 1 heure de psy par mois » proposé par Le Laboratoire Inter-universitaire de Psychologie, Personnalité, Cognition, Changement Social (PC2S) et programmé par la bibliothèque Kateb Yacine de Grenoble. Cette conférence rend compte de l’application de l’outillage d’esprit critique du CorteX à la psychogénéalogie, préparée conjointement avec Géraldine Fabre.

  • Entrevue Géraldine Fabre et Nicolas Gaillard « La psychogénéalogie : promesse tenue ? »

Émission Remue-méninges d’Élise Chardonnet sur RCF Isère, novembre 2011, Géraldine Fabre (membre fondatrice du CorteX) et Nicolas Gaillard à l’occasion de la présentation d’une conférence intitulée La psychogénéalogie : promesse tenue ?.

2012 (40 min)

  • Articles de Géraldine Fabre « Psychogénéalogie : les dossiers de l’OZ »

Deux articles fondateurs de notre démarche critique vis-à-vis de la psychogénéalogie qui proposent une étude rigoureuse des concepts-phares pour en éprouver les limites.

  1. Aïe, mes aïeux !
  2. Le syndrome du Gisant
  • Reportage « Psychogénéalogie : Nos Mémoires Secrètes », « Infrarouge », France 2, avril 2008.

Attention ! C’est un reportage nullement critique (bien au contraire) mais utile pour comprendre le concept de la psychogénéalogie tel qu’il est présenté par Anne Ancelin Schützenberger et d’autres après elle. C’est aussi l’occasion de découvrir de réelles séances de thérapie et d’en mesurer la teneur. « Psychogénéalogie : Nos Mémoires Secretes« 

  • Matériel CorteX – analyse d’un reportage sur la psychogénéalogie.

Voici un travail pratique qui propose une analyse critique d’un reportage sur la psychogénéalogie d’une émission de France Culture, Sur les docks : Psychologie – TP « Psychogénéalogie sur France Culture« , par Richard Monvoisin. Les psychologues, travailleurs sociaux ou simples curieux trouveront ici quelques éléments de discours-type, dont nous retranscrivons quelques extraits archétypaux, tous tirés de l’émission: Secrets de famille : une conversation qui n’a pas eu lieu.

  • Les Ateliers de l’information, conférence « La psychogénéalogie et ses dérives », par Nicolas Gaillard

Les Ateliers de l’information de la bibliothèque des sciences de l’université de Grenoble (appelée aussi SICD1, pour Service Inter-établissement de Coopération Documentaire) proposent d’agiter son auditorium avec plusieurs conférences thématiques critiques, d’un format très court (30 minutes + questions), disponibles sur la page Une bonne poignée de mini-conférences CORTECS et sur le site des Ateliers de l’information.

Avril 2013, 52 min Atelier n°30 – Zététique : la psychogénéalogie et ses dérives (vidéo)

  • Article « La médecine et ses « alternatives », Quelques outils d’autodéfense pour militant-es… » par Richard Monvoisin

La médecine et ses « alternatives », Quelques outils d’autodéfense pour militant-es… S’y trouve une réponse à la question suivante : quelles sont les raisons qui font que nous-mêmes, et nos proches, dont la santé est essentielle, nous détournons du système de soin classique pour recourir à des thérapies dites alternatives, quitte parfois à ce que l’efficacité du soin ne soit pas au rendez-vous ? On y trouve des références à la psychogénéalogie mais surtout une compréhension plus large des caractéristiques des thérapies pseudo-scientifique.

Par extension, et parce que la psychogénéalogie trouve son terreaux dans les concepts psychanalytique, on peut consulter l’article Impacts de la psycho-pop, par Brigitte Axelrad ainsi que l’ensemble des articles du CorteX portant sur la critique de la psychanalyse pour aller encore plus loin.

N’oubliez pas : si vous avez lu/vu/entendu une référence critique, solide et pertinente sur ce sujet, n’hésitez pas à la partager sur contact[at]cortecs[.]org.

Bandes dessinées et esprit critique

Il n’y a pas de mauvais support à la transmission de l’esprit critique : radios par exemple, films, fictions… et la bande dessinée (BD). Longtemps considérée comme un art mineur, la BD est pourtant une manière facile et ludique d’amener à la lecture quelqu’un qui lit peu ou pas. Dans cet article, nous allons recenser lentement les BD qui à notre connaissance peuvent être utilisées comme ressources pour l’esprit critique.

Vous en connaissez ? Écrivez-nous !

RM : Richard Monvoisin NG : Nicolas Gaillard EC : Elsa Caboche A V-R : Agnès Vandevelde-Rougale GD : Gwladys Demazure AG : Albin Guillaud ND : Nelly Darbois AB : Alice Bousquet.


Physique

  • Les mystères du monde quantique, de Thibault CorteX_mystere-du-monde-quantique_2016Damour et Burniat

Explorer les « mystères » quantiques avec Bob, son chien, Rick, Thibault Damour qui gère la crèmerie en terme de physique théorique, et le dessin sympathique de Burniat. On croisera dans cette épopée Planck, Einstein, de Broglie, Heisenberg, Schrödinger, Bohr, Born, Everett, et tout le bestiaire du domaine.

RM

  • Universal war 1, de Denis Bajram

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Hexalogie (c’est-à-dire série de 6 volumes) tout à fait remarquable : l’histoire de la troisième flotte fédérale veillant sur la périphérie du système solaire au milieu du XXIe siècle nous fait traverser le problème des « trous de ver » en physique, des multivers et de quelques illustrations de « paradoxes temporels », ainsi qu’un petit festival de questionnements éthiques et politiques stimulants. Cette série de Denis Bajram, éditée entre 1998 et 2006 chez Soleil Productions avant d’être reprise dans la collection Quadrant Solaire, compte six tomes de 48 pages, ornés de commentaires OFF à la fin, avec des « bulles ratées », et quelques techniques de réalisation captivantes. Regret personnel, des ravins intellectuels proposés par le scénario jouxtent quelques ficelles un peu grossières, et il y a un ou deux personnages vraiment malmenés. Mais c’est une goutte critique dans un océan que j’ai englouti d’une traite. 

RM

Biologie

  • Genetiks

La trilogie Genetiks (2007, 2008, 2010), de Richard Marazano et Jean-Michel Ponzio, nous entraîne dans le monde de Thomas Hale, chargé de recherche pour le Laboratoire Genetiks. Au fil des pages et de ses cauchemars se dévoile le projet de la privatisation du génome humain et un monde où le corps prend la valeur de pièces détachées, ce qui n’est pas sans rappeler celui de Vanilla Sky (film de Cameron Crowe, 2001) ou de Matrix (film de Larry et Andy Wachowsky, 1999). A une époque où la brevetabilité du vivant devient possible, la lecture de Genetiks est un signal d’alarme.

A-VR.

Psychologie

  • Ann Sullivan et Helen Keller, de Joseph Lambert (2013)

    CorteX_BD_Sullivan_Helen_keller

J’ai déjà évoqué l’histoire d’Helen Keller et de sa professeur Ann Sullivan dans « Les vies radicales d’Helen Keller, sourde, aveugle et rebelle ». (ici).

Là, cette BD, dont le titre d’origine est Annie Sullivan and the trials of Helen Keller m’a tordu d’émotion dès la première page (que je reproduis plus bas). Le dessin de Joseph Lambert est touchant, et cette histoire est aussi peu connue que ne sont connus les sourds, aveugles et autres « handicapés », qui frayent dans des sphères ignorées des « normaux ». Une très bonne amie m’avait expliqué que pour que son père sourd ne voie pas sur ses lèvres les causeries avec sa sœur, elle avait pour méthode de signer (faire les signes de la langue des signes) dans la main de celle-ci. J’en étais resté pantois. Là, c’est tout l’itinéraire d’une fille aveugle et sourde, qui va devenir écrivain et militante féministe, par l’opiniâtreté de sa professeur à l’histoire tout aussi mal embarquée. Une leçon humaine, militante, et une mise en lumière sur l’une des luttes des « non-normaux » dont on parle si peu… alors qu’à tout bien peser, entre être handicapé ou non, il n’y a parfois qu’une rue, un tram, un vélo renversé. Nous devrions adapter le monde au dénominateur le plus vulnérable, et non l’inverse. Editions ça et là. Téléchargez un extrait  (1.4 Mo)

RM

Première page BD Sullivan et Keller

  • Mon ami Dahmer, de Derf Backderf (2013)  CorteX_Mon_ami_Dahmer

Voilà une BD peu joyeuse, et peu complaisante, sur l’enfance et la genèse de celui que l’histoire appellera désormais le cannibale de Milwaukee.

Derf Backderf a passé son enfance à Richfield, petite ville de l’Ohio située non loin de Cleveland. En 1972, il entre au collège, où il fait la connaissance de Jeffrey Dahmer, un enfant étrange et solitaire. Les deux ados se lient d’amitié et font leur scolarité ensemble jusqu’à la fin du lycée. Jeffrey Dahmer deviendra par la suite l’un des pires tueurs en série de l’histoire des États-Unis. Son premier crime a lieu à l’été 1978, tout juste deux mois après la fin de leur année de terminale. Il sera suivi d’une série de seize meurtres commis entre 1987 et 1991. Arrêté en 1991, puis condamné à 957 ans de prison, Dahmer finira assassiné dans sa cellule en 1994. Mon Ami Dahmer estCorteX_Mon_ami_Dahmer_page

l’histoire de la jeunesse de ce tueur, à travers les yeux de l’un de ses camarades de classe. Précis et très documenté, le récit de Derf Backderf, journaliste, décrit la personnalité décalée de Dahmer qui amuse les autres ados de cette banlieue déshumanisée typique de l’Amérique des années 1970. Dahmer enfant vit dans un monde à part, ses parent le délaissent, il est submergé par des pulsions morbides, fasciné par les animaux morts et mortifié par son attirance pour les hommes. J’aurais bien aimé que l’auteur aille plus loin que cette première partie, car l’histoire de Dahmer n’est pas très connue hors-USA. Mais Backderf pointe un aspect très lourd à méditer : comment se fait-il que jamais, quoi qu’il put faire durant sa scolarité, les services scolaires ou sociaux ne se sont alertés une seule fois sur son cas ?

Éditions ça et là. Téléchargez un extrait  (4.2 Mo)

Merci à Sandra Giupponi et Yannick Siegel pour cette découverte.

RM

  • La rebouteuse,de Benoît Springer et Séverine CorteX_la_rebouteuseLambour

« Médecines et destins parallèles dans un village sous tension… Saint-Simon, un petit bourg écrasé de soleil, et de secrets. Alors qu’Olivier y revient après cinq ans d’absence enterrer son père, la Mamé – une toute-puissante rebouteuse – est absente du village depuis plusieurs jours, laissant ses ouailles dans une détresse malsaine. Les villageois s’inquiètent et les conversations au bar s’enveniment entre les sceptiques et les habitués de ses plantes médicinales. C’est quand tous les villageois se retrouvent lors de la fête enivrante du 14 juillet que les esprits s’enflamment et que se règlent les comptes. Et si la Mamé était morte, que deviendrait le village sans elle ? Manque-t-elle vraiment tous les villageois ? Et le père d’Olivier, de quoi est-il mort ?… » (résumé de bedetheque.com)

Dérives sectaires

Les mécaniques d’emprise sectaire sont assez peu intuitifs, et lorsque nous abordons ces sujets, qui viennent vite dans nos enseignements, il nous faut d’abord balayer quelques idées reçues ; il faut ensuite détailler les techniques classiques utilisées consciemment ou non par les mouvements pour capter un individu, et progressivement le soumettre à un système aliénant. Nous utilisons pour cela de très bons travaux pour sourcer et illustrer, comme ceux de Prevensectes, parfois ceux du GEMPPI, ainsi que les travaux ministériels de la MIVILUDES (même s’ils sont parfois un tantinet moralistes et bien-pensants). Nous utilisons aussi des témoignages directs, comme celui de Roger Gonnet, ancien membre de l’Église de la Scientologie, qui nous a accordé des entrevues pour le CorteX (et dont le site s’appelle Antisectes).  Deux bandes dessinées permettent de facilement introduire la discussion sur ces questions.

  • Dans la secte

CorteX_Dans_La_secte_boite_a_bullesL’histoire…

« Dans la nuit, une jeune fille court pour attraper son train. Elle désire partir au plus vite. Mettre des kilomètres entre elle et cette secte où elle vient de passer plusieurs mois, éprouvants, éreintants. Dans la tranquillité du train qui file vers Paris, Marion se souvient de l’itinéraire qui l’a amenée jusqu’ici : publicitaire aux soirées aussi remplies que les jours, en rupture amoureuse et familiale, elle suit les conseils d’un ami qui lui propose de venir se ressourcer, s’épanouir grâce à des techniques scientifiques parfaitement éprouvées. Marion met, avec espoir, le doigt dans un engrenage dont il lui faudra des années pour s’extirper entièrement. L’itinéraire de Marion n’a rien d’extra-ordinaire. Il est malheureusement banal et ne pourrait faire la Une des journaux. C’est ce qui le rend exemplaire : Marion ressemble à n’importe quel adepte de sectes, son endoctrinement a été progressif, sans violence. Mais il l’a laissée durablement meurtrie. Et elle a dû prendre sur elle pour confier dans le détail son histoire à Louis Alloing, son ami dessinateur de BD, et à Pierre Henri, le scénariste de cet album. Un témoignage poignant réalisé en coopération avec l’union des Associations de Défense de la Famille et de l’Individu, une des plus importantes associations de lutte contre les sectes. »

Ce n’est pas une « immense » BD à mes yeux, mais elle est très pédagogique sans être simpliste.

Pour voir quelques planches, c’est ici, chez La boîte à bulles. Dessin : L. Alloing Scénario : P. Guillon (alias Pierre Henri) Coloriste : P. Guillon (alias Pierre Henri) Préface : C. Picard  – 88 pages brochée Prix : 13.9 € Collection : Contre-coeur

RM

 

www.antisectes.net/
  • L’Ascension du Haut Mal, de David B.

C’est une histoire passionnante qui témoigne de l’engagement d’une famille dans une communauté macrobiotique.

Cortex_AscensionduhautmalL’histoire…

« L’Ascension du Haut Mal est l’histoire d’une famille au milieu des années soixante, la famille Beauchard, frappée en 1964 par l’épilepsie qui atteint Jean-Christophe, l’aîné des frères, à l’âge de sept ans. Cet ouvrage retrace son quotidien, des prémisses de la maladie à la vie de David B., l’auteur, aujourd’hui.

A l’époque, l’épilepsie est encore méconnue et les remèdes le sont encore plus. Les parents, désarçonnés et réticents face à la proposition de l’intervention chirurgicale sur leur fils, feront de multiples tentatives pour soigner celui-ci et faire reculer sa maladie… Macrobiotique, vie communautaire, médiums etc. Toutes les solutions, même les plus douteuses seront envisagées. Ils iront de déception en déception en oscillant entre périodes de doutes et d’espoir.« 

L’Ascension du haut mal, David B., Edition L’Association, 384 pages noir et blanc, Hors Collection, 35 euros pour la version intégrale des 6 tomes

NG

Mathématiques, logique

 

  • Logicomix

Quel choc ! Mon camarade Simon, de l’association Antigone, me donne rendez-vous sur le campus et me prête une bande-dessinée pesant un bon kilogramme. « Tu vas voir », me dit-il…

 …Et j’ai effectivement vu, lu, jusqu’à me casser les yeux sur les 300 pages de cet ouvrage. En suivant le philosophe, logicien et activiste Bertrand Russell dans son histoire, on croise Frege, Whithead, Poincaré et tous les enjeux logiques du début du XXe siècle, tout ceci sans connaissance mathématique préalable. Une véritable prouesse réalisée par Apostolos Doxiadis et Christos Papadimitriou, dessinée par Alecos Papadatos et colorée par Annie Di Donna.

Il s’agissait d’une version en anglais, mais bonne nouvelle pour les non anglophones, cette version existe en français !

CorteX_logicomix Cortex_Logicomix_fr
En anglais Logicomix: An Epic Search for Truth
by Apostolos Doxiadis, Christos Papadimitriou
Publisher : Bloomsbury, USA 2009 – 352 Pages –
ISBN : 1596914521 Dimensions : 23.50 x 17.50 x 2.50
En français Logicomix
par Apostolos Doxiadis, Christos Papadimitriou
Editeur : Vuibert, 2010 – 348 Pages –
Dimensions : 23.50 x 17.50 x 2.50

L’histoire :

Angleterre, 1884 – Dans la solitude d’un vieux manoir anglais, le petit Bertie Russell découvre, fasciné, la puissance de la Logique. Cette découverte va guider son existence…

Sur un campus américain, 1939 – Alors que les troupes nazies envahissent le Vieux Continent, le Professeur Russell raconte à un parterre d’étudiants une histoire fascinante, celle des plus grands esprits de son temps : Poincaré, Hilbert, Wittgenstein, etc., celle de leur quête acharnée – mais, semble-t-il, perdue d’avance – des fondements de la vérité scientifique. Et comment ces penseurs obstinés, ces esthètes assoiffés d’absolu et de vérité, toujours guettés par la folie et en butte à la violence de leur époque, tentèrent de refonder les mathématiques et la science contemporaine.

Athènes, aujourd’hui – Trois hommes, deux femmes et un chien s’interrogent sur la destinée de ces hommes d’exception, leurs extraordinaires découvertes et la persistance de leur héritage dans notre vie quotidienne…

Concept, récit et scénario : après des études de mathématiques, Apostolos Doxiadis s’est repenti pour devenir écrivain. Son roman Oncle Petros et la conjecture de Goldbach (Christian Bourgois, 2000) est généralement considéré comme le livre phare de la  » fiction mathématique « .

Concept et récit : le jour, Christos Papadimitriou est professeur et chercheur en informatique théorique à l’University of California, Berkeley. Le soir, il devient auteur de romans comme Turing, publié en 2003 (MIT Press), ou joueur de clavier dans un orchestre de rock,  » Positive Eigenvalues « .

Dessins : après avoir travaillé dans l’animation pendant vingt ans, Alecos Papadatos est passé des images mobiles aux images fixes de son amour d’enfance : la bande dessinée. Après une longue journée de travail, il aime se délasser en jouant du bouzouki.

Couleur : Annie Di Donna a étudié la peinture en France. Elle a travaillé dans l’animation pendant vingt ans avant de passer à la bande dessinée. Quand elle ne dessine pas, assure-t-elle, elle aime  » danser jusqu’à l’aube « .

Mini-critique
Il me semble qu’un parallèle un peu simpliste sert de refrain dans toute la BD : l’intrication entre la logique et la folie. De même que les fondements des mathématiques étaient flous selon Russell, les fondements de la folie – si tant est que ce terme soit assez précis – sont trop diffus pour servir la métaphore (même si un certain nombre de logiciens ont pété les plombs, comme Cantor ou Gödel).

RM

Épistémologie, pseudo-sciences, mythes scientifiques

  • Fables scientifiques, de Darryl Cunningham

altTitre original : scientific tales

« Fables Scientifiques est une bande dessinée documentaire dans laquelle Darry Cunningham déconstruit minutieusement certains des mythes qui entourent la science, souvent propagés par des conspirationnistes ou bien des média peu scrupuleux responsables de la vitalité de ces théories fumeuses. Darryl Cunningham décode les fables qui ont façonné certains des thèmes les plus âprement débattus de ces cinquante dernières années. Il questionne dans le détail ces théories et se penche sur les controverses entourant la changement climatique, l’atterrissage sur la lune, le vaccin ROR (Rougeole, oreillons et rubéole), l’homéopathie, la théorie de l’évolution, la chiropractie et plus largement toute forme de négationnisme de la science, le dénialisme scientifique... » Lire la suite de la présentation, avec un chapitre en lecture ici.

Fables scientifiques, de Darryl Cunningham, Editions ça et là, 160 pages, 18 euros.

A lire. C’est une excellente BD, moins sur l’aspect graphique que sur le contenu qui est très habilement traité, avec une démarche de recherche rigoureuse.

Idem avec son 2d ouvrage: fables psychiatriques.

BD fables psychiatriques

NG

  • Les céréales du dimanche matin

« Les céréales du dimanche matin » est la traduction en français, par Philip, des « Saturday morning breakfast cereals » de Zach Weiner. C’est « un comic strip en couleurs qui porte un discours décalé sur les sciences, la physique, la science fiction, toutes les sciences académiques, mais aussi la vie, la mort, la famille, la religion, le sexe et un tas d’autres choses. Uncomic strip incisif, pertinent, … ». Il y en a plus de 2300 ! (merci à Alain Le Métayer)

En voici quelques-uns :

A propos du statut épistémologique de la théorie de l’évolution Créationnistes et scientifiques mal aimés

1theorie-evolution

13creationnisme-et-correlation
Juste une théorie ? 
  
Pour enfin comprendre la théologie naturelle de William Paley Où l’on comprend la perfection de la création
3william-paley-dieu 2religion-tremblement-terre
   
Vive la vulgarisation scientifique… Un grand moment de l’histoire
11retour-chat-schroedinger 12microscope-a-effet-tunnel
   

Les céréales du dimanche matin : http://cereales.lapin.org/index.php

Saturday morning breakfast cereals : http://www.smbc-comics.com/

NG

Histoire

  • Ni dieu ni maître : Auguste Blanqui, l’enfermé, de Loïc Locatelli Kournwsky et Maximilien Le Roy

    Ni dieu ni maître : Auguste Blanqui, l'enfermé par Locatelli Kournwsky

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Remarquable plongée dans la vie dramatique d’Auguste Blanqui, figure du socialisme radical français au XIXe siècle, qui paya au prix fort ses idées.

  • La Pasionara, de Michèle Gazer et Barnard CiccolniCorteX_La_pasionaria

C’est la version BD de la vie stupéfiante de Dolorès Ibarruri, plus connue sous le sobriquet de « la pasionaria », qui fut  dirigeante du Parti communiste espagnol durant la guerre civile et que l’Histoire garde en mémoire comme autrice du célèbre slogan « No Pasaran » (Ils [les franquistes] ne passeront pas), devenu mot d’ordre du camp républicain. Cette BD est une belle introduction, même si en tant que tel, ce n’est à mon goût pas une BD très réussie.

RM

  • Cher pays de notre enfance, d’Étienne CorteX_cher_pays_de_notre_enfanceDavodeau et Benoît Collombat (2015).

C’est la mort du juge Renaud, à Lyon, le 3 juillet 1975, premier haut magistrat assassiné depuis la Libération. Ce sont des braquages de banques, notamment par le fameux gang des Lyonnais, pour financer les campagnes électorales du parti gaulliste au pouvoir. Ce sont les nombreuses exactions impunies du SAC (le Service d’Action Civique), la milice du parti gaulliste, dont la plus sanglante fut la tuerie du chef du SAC marseillais et de toute sa famille à Auriol en 1981 (ce massacre aura bouleversé la France entière, et aura entraîné la dissolution du SAC par le parlement en août 1982). C’est l’assassinat présumé de Robert Boulin, ministre du Travail du gouvernement de Raymond Barre, semble-t’il maquillé en suicide grossier dès la découverte du corps dans cinquante centimètres d’eau, le 30 octobre 1979, dans un étang de la forêt de Rambouillet. Ce sont 47 assassinats politiques en France sous les présidences de Georges Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing ! Avec, en arrière plan, le rôle actif joué par le SAC, la milice gaulliste engagée alors dans une dérive sanglante. C’est une page noire de notre histoire soigneusement occultée, aujourd’hui encore. En nous faisant visiter les archives sur le SAC, enfin ouvertes, en partant à la rencontre des témoins directs des événements de cette époque – députés, journalistes, syndicalistes, magistrats, policiers, ou encore malfrats repentis –, en menant une enquête approfondie et palpitante, Étienne Davodeau et Benoît Collombat  font pénétrer de plain-pied dans les coulisses sanglantes de ces années troubles dont les surgeons sont encore sensibles.

RM

Économie, politique

  • SOS Bonheur, de Griffo et Van Hamme

Cette bande-dessinée (trilogie) explore différents aspects « utopiques » de notre société : le CorteX_sos_bonheurtravail (où travailler est ce qui compte, pas le sens du travail), l’argent (avec une carte bancaire universelle), la protection sociale et le principe de précaution (où on risque une amende si on ne se couvre pas suffisamment par temps humide), les vacances (où la destination est notamment « choisie » par les besoins ou non d’iode ou autre et où il est impératif de « s’amuser »)… Et tout finit par une révolution qui dévoile le cynisme des corporations au pouvoir (elles sont 7, dont l’argent).

A V-R.

  • SOS Bonheur, saison 2, de Griffo et Desberg

« Méfiez-vous ce tout ce qui est compliqué. Vivez heureux. Laissez-nous nous en charger » clame un téléviseur… Le lendemain de la révolution faite au nom de la liberté à l’issue de SOS Bonheur n’est pas un lendemain qui chante. Trente ans après, les dérives dystopiques de notre société anticipées dans la trilogie initiale (SOS Bonheur de Griffo et Van Hamme) se poursuivent, autour de la marchandisation de l’humain et du déni de l’histoire, au nom d’un « bonheur » marchand où la « prévention » fait figure de nouveau tyran et justifie l’exclusion sociale. Un petit regret par rapport à la première saison : l’absence de titre des différents chapitres et d’extraits de la communication institutionnelle, qui permettaient de souligner davantage l’influence d’un discours dominant sur le cadrage des expériences individuelles et collectives.

A-VR.

  • Thoreau, la vie sublime, de A. Dan et Leroy

Mars 1845. Henri David Thoreau est revenu à Concord, Massachusetts, son villageCorteX_vie-sublime-Thoreau natal. Endeuillé par la mort de son frère, lassé des grandes villes et d’une société trop rigoriste pour le laisser pratiquer un enseignement libre et non violent, le philosophe anarchiste a choisi de revenir à une vie simple, proche de la nature, dans une cabane, et de mener une résistance active, notamment dans le paiement de l’impôt. C’est là qu’il écrira le fameux Walden, ainsi que le non moins célèbre La désobéissance civile, qui inspira des générations de résistants ; deux ouvrages qui m’ont d’ailleurs marqué fortement quand j’étais adolescent (et que j’avais découvert dans Le cercle des poètes disparus, de Peter Weir (1989) car les jeunes y récitent des passages de Walden). La fin de cette BD est un peu molle, mais le tout est accompagné de textes de recontextualisation qui sont captivants. Aux éditions Lombard. Paru en 2012.

RM

  • Plogoff, de Delphine Le Lay et Alexis Horellou

PLOGOFF - C1C4.indd CorteX_Plogoff_ExtraitAprès le choc pétrolier de 1973, le discours nucléariste est écrasant en France. Plogoff, commune du Finistère, à l’extrémité du Cap Sizun (canton de Pont-Croix) est retenue pour l’établissement d’une centrale. De la non consultation des habitants naît la contestation puis une résistance sévère qui est entrée dans la légende. Cette oeuvre est très agréable à lire, et touchante. Paru en 2013 aux éditions Delcourt. Note : elle fait le pont avec une émission à ce sujet dans l’article Luttes désobéissantes – Projet Histoire des luttes sociales.

RM

  • L’affaire des affaires, tomes 1,2,3, de Denis Robert, Yan Lindingre et Laurent Astier

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CorteX_Affaire_des_affaires2CorteX_Affaire_des_affaires3CorteX_Affaire_affaires_extrait Remarquable série portant sur l’affaire Clearstream, et l’opiniâtreté d’un journaliste de talent, Denis Robert, à faire connaître les mécanismes délétères du clearing financier. Une œuvre qui donne envie de lutter.

 

  • Le Capital de Marx & Engels

CorteX_Capital_Marx_Manga1Jolie découverte que cette adaptation du Capital de Marx & Engels en… manga ! Deux tomes, sortis début 2011.

On doit ce beau travail de vulgarisation à l’éditeur japonais East Press, qui a adapté l’œuvre maîtresse de Marx à la fin 2008 pour la vulgariser, en l’illustrant avec l’histoire de Robin, vendeur de fromages sur un marché, qui rencontre un investisseur et entre avec lui dans l’engrenage de l’industrie capitalistique. Plus-value, capital, monnaie et crise sont expliqués de manière simple et claire.
CorteX_Capital_Marx_extrait

Le Capital, Karl Marx, Soleil Manga, 6,95 euros le tome.

A commander bien sûr chez votre petit libraire préféré, plutôt qu’aux grandes centrales d’achat.

Et pour une autre introduction « douce » à la critique de la théorie économique capitaliste, voir « La parabole du réservoir d’eau« , d’Edward Bellamy.

RM

  • Le Prince de MachiavelMachiavel-Le-Prince-manga-209x300

La col­lec­tion « Clas­sique » de Soleil Manga propose également Le Prince de Machiavel dans la ligne droite du Capital. Ce n’est pas une adaptation BD de l’œuvre originale mais plutôt une biographie de Machiavel éclairée par la géopolitique de l’Italie du XVème siècle. L’effort pour rendre le propos abordable est réussi, passionnant et jamais condescendant. Ça donne envie de lire l’original. Voilà une véritable démarche pédagogique d’esprit critique.

Freud mangaNéanmoins, l’esprit critique est atomisé dans le manga sur Freud ! C’est simplement une nouvelle hagiographie, voire une mythologie, mais surtout… fausse et qui continue de véhiculer les mêmes images d’Épinal freudiennes d’un soi-disant génie seul contre tous. On en parle ici entre autre.

Pas (encore) lu dans la même collection : Entretiens de Confucius, Le Manifeste du parti communiste, La Bible, Les Mots de Bouddha , Les Misérables, Le Rouge et le noir , etc.

NG

  • Pendant que la planète flambe, 50 gestes simples pour continuer à nier l’évidence

de D. Jensen, S. McMillancouv_planete_grande

Sous des aspects simplets, tant dans le graphisme que l’histoire, cette BD est en réalité une superbe trouvaille, avec de vrais morceaux d’esprit critique : des sophismes politiques dévoilés, des idées reçues explosées, des manipulations décryptées. C’est grinçant, parfois raide mais particulièrement efficace pour prendre du recul sur le discours écolo-individualiste en vogue et surtout tellement drôle. Cela participe à mon sens à rendre abordable une véritable critique du libéralisme économique avec rigueur.

La présentation de l’éditeur :

Le président américain est contacté par des martiens qui veulent manger leur planète. Celui-ci accepte contre remise d’or. Mais ceci finit par inquiéter les grandes entreprises : n’est-ce pas leur privilège exclusif de faire des profits en mettant à mal la planète ?
Deux jeunes filles dissertent sur la manière d’endiguer la destruction de la planète. L’une pense qu’il faut appliquer les préceptes des livres et émissions de télé tandis que l’autre pense que toutes ces conseils sont juste faits pour endormir les gens et leur donner bonne conscience. Pendant ce temps, un lapin borgne décide de passer à l’attaque et fait sauter un barrage, détruit un centre d’expérimentation sur les animaux…
Une fable burlesque, irrespectueuse et totalement déjantée qui force à réfléchir sur le devenir de notre planète et sur les solutions mises en avant.

NG

 Médias

  • La machine à influencer, Brooke Gladstone et Josh Neufeld

cortex_machine_a_influencerPourquoi le chiffre de 50 000 victimes revient-il aussi souvent dans les médias aux USA ? Les journalistes devraient-ils annoncer leurs intentions de vote ? Internet radicalise t-il nos opinions ? Ce sont quelques-unes des questions soulevées par Brooke Gladstone, journaliste spécialiste des médias pour la radio publique américaine NPR. Avec l’aide du dessinateur de bande dessinée documentaire Josh Neufeld, elle retrace dans La Machine à influencer l’évolution des médias d’information et des pratiques journalistiques à travers les différentes périodes. Des premières dérives de l’information sous l’empire romain jusqu’aux mensonges de la guerre de Sécession et errements des médias « embedded »  au moment de l’entrée en guerre contre l’Irak, Brooke Gladstone s’interroge en revisitant des grands noms du journalisme, de Pulitzer à Murrow en passant par Cronkite. Le livre recense les stratégies des politiques pour s’accommoder du quatrième pouvoir, décortique les différents biais qui affectent les journalistes, décrit le circuit des sondages et statistiques qui parviennent jusqu’à nous et explique comment nous en venons à croire ou rejeter certaines informations. Quelques phrases mal tournées gênent de temps en temps la lecture, mais je pense qu’il s’agit de la traduction qui a alourdi un peu.

Titre original : The Influencing Machine (États-Unis), traduit de l’anglais par Fanny Soubiran. Préface de Daniel Schneidermann. Éditions ça et là. 22 euros. Lien ici. Extrait à télécharger.

www.antisectes.net/
  • La Revue dessinée

En prenant le temps de l’analyse et du dessin, la revue dessinée nous invite chaque trimestre depuis 2013 à une lecture réflexive et critique de certains thèmes d’actualité, CorteX_la_revue_dessineeen appui sur des enquêtes et reportages journalistiques. Le projet éditorial est généraliste, passant au fil des numéros de la science politique et de l’éducation au sport, en passant par la médecine et l’économie ou encore la justice (les rubriques variant d’un numéro à l’autre). L’usage de la bande-dessinée se prête particulièrement bien au documentaire, avec par exemple, dans le numéro 16 (été 2017), la présentation d’une approche alternative de la relation enseignants-élèves dans une école ciblant des élèves dits « décrocheurs ». Il est aussi bien adapté au partage synthétique d’analyses, comme le montre dans le même numéro l’article consacré à l’imaginaire de la guerre, dont la mise en perspective historique et en images permet de questionner ce que recouvre aujourd’hui la référence à la guerre, convoquée aussi bien dans le champ politique que dans le champ économique ou encore social.

A-VR.

Genre et sexualités

  • Le vrai sexe de la vraie vie, Cy

Le vrai sexe de la vraie vie (1)

En matière de comportements sexuels, il n’existe aucune preuve en faveur de l’existence de normes transcendantes que l’on devrait respecter. Et quand bien même ces normes existeraient, la bonne nouvelle est que rien ne nous oblige à nous y conformer 1.

C’est en d’autres mots ce qui est écrit dans la préface de la BD Le vrai sexe de la vrai vie de Cy, chroniqueuse sur le site Mademoizelle.com2 : « Les sexualités c’est pas quatre ou cinq variétés, c’est mille, dix mille, cent mille, des milliards de possibilités. Va falloir laisser tomber tout ce que t’as pu étiqueter : c’est dépassé, périmé, jamais été. J’espère que tu auras jeté les « ça, ça se fait, ça ça se fait pas ». Bannis, les « il faut ». »

Cet extrait résume bien le contenu de cette BD qui se dévore avec plaisir. Cy (qui prend parfois le surnom de Cy.prine) aborde sans tabous, mais avec légèreté, différents aspects des sexualités tels que le libertinage, les loupés, les relations homosexuelles, le handicap, les femmes enceintes ou les sex toys.

Une BD idéale pour passer le paravent des idées reçues en matière de sexualité, et peut-être même fantasmer des expériences nouvelles !

On pourra retrouver d’autres dessins de Cy sur le web, toujours dans ce même esprit libéré et féministe : La masturbation féminine, ce tabou foutrement tenace, Libérons les tétons!, Jouir… à tout prix?.

Le vrai sexe de la vrai vie (2)

Aux éditions lapin, paru en 2016, 18€.

GD & AG

  • Un autre regard, Emma

CorteX-emma-regardAlice Bousquet nous a fait (re)découvrir cette bande-dessinée : « Drôle, engagé, féministe, politique, grinçant, dérangeant, osé, humaniste… Autant de qualificatifs pour décrire ce que nous propose Emma au travers des deux tomes d’Un autre regard. Emma, au travers de son regard précis, parfois caustique sur notre société individualiste et encore bien trop patriarcale, nous livre, en images et en beauté, son avis sur quelques scènes de vie qui parleront à bon nombre d’entre nous. »

Nous avions déjà remarqué Emma pour sa BD Un peu de sucre où elle revenait sur l’histoire de l’homéopathie, ses fondements physico-chimiques, l’absence de preuve de son efficacité spécifique, les effets dits « placebo », en faisant l’hypothèse que l’adhésion des gens à ces petites billes était liée notamment aux problèmes relationnels entre médecins et patient·es. Elle a publié depuis deux albums qui abordent des sujets aussi divers que l’utilisation du terme « violence » dans les médias pour décrire des actions menées par des personnes qui ont réclamé ou réclament des droits et son euphémisation quand il s’agit de violences policières, les inégalités dans la répartition des tâches dans les foyers encore importantes de nos jours et non consenties, les représentations idéalisées et erronées de la vie de jeunes parents etc. Elle n’hésite pas à recourir aux données factuelles et à remettre en question le traitement médiatique réservé à divers sujets d’actualité.

Emma, Un autre regard, tome 1 et 2, éditions Massot. La plupart de ses planches sont accessibles sur son site internet ici.

AB et ND

  • Rosa la rouge, Kate Evans

CorteX_rosaKate Evans retrace dans cette bande dessinée la biographie de Rosa Luxembourg, essayiste, journaliste, membre de divers collectifs et partis politique, assassinée en 1919 par des militaires allemands en Allemagne. L’accent est mis au travers de cet ouvrage sur le parcours de vie, notamment intellectuel, de Rosa Luxembourg, qui l’a mené à s’investir dans divers luttes, quitte à y risquer sa vie. Plus que les longs passages extraits des ouvrages de Karl Max exposés de manière descriptive et avec peu de recul critique, je retiens surtout de cet ouvrage l’itinéraire de cette personne. Née de sexe féminin, dans une famille de confession juive, souffrant d’un handicap moteur, elle a évolué et s’est imposée par ses idées et son engagement dans des milieux où les réticences devaient être nombreuses. Elle s’est volontairement affranchie du « poids » d’une famille en n’ayant pas voulu d’enfants et en n’hésitant pas à prendre des distances avec ses parents et sa fratrie, parce qu’elle attribuait plus d’importance à ses engagements politique. Elle critiqua les actions entreprises par les États et les personnalités de son temps, ce qui l’a emmené en prison à plusieurs reprises.

L’immersion en format BD dans la vie de Rosa Luxembourg et plus généralement dans l’histoire de ces années là vu à travers son prisme est assez captivante et peut susciter moult questionnements sur nos propres engagements.

Rosa la rouge, une biographie graphique de Rosa Luxembourg, Kate Evans, éditions Amsterdam, 2017. Merci à la formidable librairie Jean-Jacques Rousseau de Chambéry pour la recommandation de lecture.

ND

 Divers

  • Tu mourras moins bête, Marion Montaigne

CorteX_MMontaigne_mourras_1

Quel est le minimum nécessaire pour exciter un dindon ? Peut-on s’inoculer la fièvre jaune en se versant du vomi de malade dans les yeux ? Qu’est-ce qui se passe si on greffe ma tête sur le corps de Scarlett Johansson ? Est-ce que quelqu’un va un jour expliquer à Dr House qu’on n’entre pas sans protections sanitaires dans un bloc opératoire ? Quels animaux peuvent prendre des cuites avec des fruits pourris ? Pourquoi les voitures ne volent-elles toujours pas ?

CorteX_MMontaigne_mourras_2Ce sont quelques-unes des questions fondamentales auxquelles répond le Professeur Moustache sous la plume de Marion Montaigne, dessinatrice passionnée de science. De la physiognomonie appliquée à la criminologie aux voyages dans le temps, en passant par la pygomancie (la divination par la lecture des lignes des fesses), le Professeur Moustache s’intéresse à tous les sujets. Le blog de Marion Montaigne, intitulé « Tu mourras moins bête (mais tu mourras quand même) », est une référence de la vulgarisation trash. Avec son trait grouillant à la Reiser et ses gags épicés, Marion Montaigne donne une forme drôle et décalée à une érudition soigneusement encadrée par sa collaboration avec des scientifiques qui l’accueillent volontiers dans leurs laboratoires. Le blog a déjà fait l’objet de deux adaptations papier chez Ankama, Tu mourras moins bête… 1. La science, c’est pas du cinéma (2011) et 2. Quoi de neuf, docteur Moustache ? (2012), dont la dernière a reçu le prix du public Cultura au festival d’Angoulême 2013.  Le troisième tome sort le 17 septembre 2014.

Marion Montaigne a également publié Panique organique (Sarbacane, 2007), La vie des très bêtes (Bayard, 2008) et Riche, pourquoi pas toi ? avec Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot (Dargaud, 2013) (NdRM : sur lequel nous reviendrons bientôt car il vaut le détour).

EC

  • Glacial Period, de Nicolas de CrécyCorteX_Glacial_period_de_crecy CorteX_de_crecy

Je ne dis pas un mot de cette fresque étrange et futuriste, qui regarde d’un oeil mi-désabusé mi-goguenard nos arts à l’œil des générations futures. Spécial dédicace à Denis Caroti, pour qui l’Olympique de Marseille est le seul sujet qui ne se soumet pas aux mêmes standards de scientificité que le reste de l’Univers.

  • Les funérailles de Luce, de Benoît SpringerCorteX_funerailles-luce_couv

CorteX_funerailles-luce_bulleLuce a six ans. L’histoire est celle d’une petite fille débrouillarde qui passe de paisibles vacances à la campagne chez son Papi, garagiste à la retraite, et qui est confrontée au problème philosophique fondamental des humains : la mort d’un être cher. Cette BD m’a fendu l’âme (donc de fait mon âme ne pèse plus que 11,5 grammes).

RM

Audio

Cycle Histoire de la BD, dans La fabrique de l’histoire, sur France Culture.

La fabrique de l’histoire d’Emmanuel Laurentin a abordé en octobre 2016 un cycle sur l’histoire de la bande dessinée.

La première émission traite de l’histoire complexe, retorse et difficilement datable de cet art.

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Le scénariste Kris

On y entend l’excellent scénariste Kris, pour lequel nous avons une affection particulière – et qui d’ailleurs a travaillé avec notre copain drômois le génial illustrateur Martin alias Maël.

CorteX_738_piloteLa deuxième émission est un documentaire de Victor Macé de Lépinay et Séverine Cassar traitant du journal Pilote

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La troisième est une visite d’exposition sur Hergé (dont nous utilisons quelques planches dans nos cours critiques, notamment sur les stéréotypes sociaux, sur les Juifs, sur les Africains, sur les Américains (voir ici). Ici Benoît Mouchart, historien de la bande dessinée, directeur éditorial de Casterman revient (avec un tout petit peu trop de complaisance à notre avis) sur les opinions très conservatrices et rexistes 3 de Hergé. On y apprend par ailleurs que Tchang (personnage historique) aurait été un agent communiste infiltré, et aurait laissé des slogans maoïstes et anti-Japon.

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Sur le panneau est écrit « Boycottez les marchandises japonaises ».

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Profitons-en pour indiquer l’article de Thet Motou, Cours de chinois illustré, et surtout Tintin, la Chine du Lotus bleu décryptée en six points. par Patrick Mérand.

La quatrième émission est quant à elle un débat historiographique : apprend-on l’histoire dans les BD historiques ? A quoi servent-elles ? Ne devrait-on pas reconsidérer les rapports entre ces deux modes de récit du passé ? Comment les dessinatrices, dessinateurs et historien·nes pourraient collaborer différemment ?

Psychologie – « Mensonges lacaniens » par Jacques Van Rillaer

CorteX_Jacques-van-RillaerDes mensonges dès le départ du freudisme aux fausses citations pour noircir les TCC*, en passant par la création de l’École freudienne de Paris par Lacan, Jacques Van Rillaer revient sur une partie méconnue de la construction de la psychanalyse dans ce texte qu’il met à disposition.


On appréciera les passages autobiographiques de Jacques Van Rillaer sur sa rencontre avec la psychanalyse, et son parcours, qui éclairent remarquablement sa démarche critique. C’est une lecture à ne pas manquer.
« Le fondement essentiel des pratiques de ceux qui se nomment « psychanalystes » sont des textes de Freud et de quelques disciples. Il est donc crucial de connaître le degré de fiabilité des affirmations contenues dans ces publications. Des milliers de personnes croient que Freud, Bettelheim ou Lacan sont des savants parfaitement intègres, qui ont observé méthodiquement des faits, qu’ils ont ensuite mis par écrit sans les déformer. Ces personnes ignorent ou refusent d’admettre les inévitables processus de distorsion du traitement des informations et la pratique du mensonge chez une large proportion des êtres humains, y compris chez les hommes de science. »
Lire la suite

* Thérapie cognitivo-comportementale

Pour approfondir

Vous avez lu les ouvrages de la page « Pour démarrer » ; ou bien vous êtes déjà un-e habitué-e de la lecture critique. Voici une liste évolutive des ouvrages que le CorteX conseille pour approfondir certains thèmes. Les ouvrages transdisciplinaires ne seront pas notés deux fois, aussi nous vous enjoignons à flâner sur tous les sujets.

Thèmes :


Philosophie, épistémologie

  • Histoire des philosophies matérialistes, Pascal Charbonnat

CorteX_Charbonnat_materialistesRéédition ajoutée de cette somme magistrale, parue en 2007 chez Syllepse (avec une préface de G. Lecointre) et agrémentée chez Kimé en 2013, c’est une coupe sagittale de l’une des pensées les plus craintes par les pouvoirs de toute nature. Travail unique et salutaire.
Présentation des éditions Kimé :
Le matérialisme est sans doute le courant philosophique qui a suscité le plus de controverses, ce qui lui a valu d’être malmené et caricaturé à de nombreuses reprises. Cet ouvrage se propose de montrer le contenu réel de ses concepts, d’en fournir une définition nouvelle et de le relier à ses racines historiques et sociales. Dans chaque période, il est au cœur d’enjeux idéologiques de premier plan parce qu’il est à l’intersection des progrès de la connaissance et des préoccupations métaphysiques. Jusqu’à présent, il n’existait pas d’histoire complète et synthétique de ce courant de pensée, alors qu’il a joué un rôle fondamental dans la vie scientifique et culturelle du monde occidental. La seule entreprise de ce genre fut l’ouvrage de F.-A. Lange (1866), devenu largement incomplet. Le livre de Pascal Charbonnat se veut le panorama d’un champ conceptuel en constante agitation, uni par l’idée que les mythes et le sacré ne sont pas les seuls horizons pour penser la place de l’homme dans l’Univers.
D’Épicure aux matérialistes contemporains anticréationnistes en passant par Marx, une même exigence émancipatrice traverse l’œuvre de ces penseurs. Il s’agit d’en rendre compte tout en indiquant où passent les lignes de fracture. L’enseignement de l’histoire des idées en France néglige cet héritage intellectuel, en le confinant à un cercle restreint de spécialistes. Cet ouvrage voudrait indiquer que les interrogations soulevées par le matérialisme s’adressent à tous. Il est en effet indispensable que cette philosophie soit mieux représentée dans les programmes et les manuels, qui semblent oublier qu’une part importante de la population ne se réfère pas à la transcendance pour donner un sens au monde. L’histoire du matérialisme est également incontournable pour saisir les enjeux du travail des sciences de notre temps. En dévoilant comment les savoirs d’aujourd’hui sont les fruits de luttes contre des traditions conservatrices, elle invite à ne verser ni dans un positivisme naïf, ni dans une défiance figée à l’égard des résultats scientifiques. Être matérialiste consiste moins à désenchanter le monde qu’à en restituer le libre cours.
Pascal Charbonnat est enseignant et docteur en épistémologie et histoire des sciences. Il est l’auteur de Quand les sciences dialoguent avec la métaphysique (Vuibert, 2011). Il a participé à l’ouvrage Les mondes darwiniens (Matériologiques, 2011) et a édité avec François Pépin Le déterminisme entre sciences et philosophie (Matériologiques, 2012). Il est membre du comité de rédaction de la revue d’épistémologie Matière première. Ses travaux développent une approche phylogénique des concepts scientifiques et philosophiques, cherchant à articuler leur analyse logique et leur environnement social et politique.

  • Impostures intellectuelles, Alan Sokal et Jean Bricmont

Impostures_intellectuellesDans ce livre, les auteurs se livrent à une présentation et un décorticage des abus de certains intellectuels et philosophes usant et mésusant de termes précis et propres à un contexte scientifique très pointu, pour les travestir en métaphores soi-disant éclairantes pour le lecteur.
Avec cet ouvrage, Sokal et Bricmont ont ainsi un jeté un pavé dans la marre du relativisme cognitif et autre postmodernisme. À lire sans modération…

Et aussi

  • Les matérialismes (et leurs détracteurs), sous la direction de Jean materialismes_et_detracteursDUBESSY, Guillaume LECOINTRE et Marc SILBERSTEIN

Un ouvrage de référence pour disposer d’outils philosophiques et épistémologiques indispensables dans les questionnements liés à la défense de la démarche scientifique.

  • Pseudosciences et postmodernisme, Alan Sokal

pseudosciences_et_postmodernismeLa pensée postmoderne (alias le courant intellectuel caractérisé par un relativisme cognitif et culturel qui traite les sciences comme des « narrations » ou des constructions sociales parmi d’autres) est présentée puis analysée de façon critique par Alan Sokal qui, après sa participation à l’écriture de Impostures intellectuelles, centre son propos sur les dérives de ce courant intellectuel qui sévit de façon insidieuse dans la construction de nos connaissances.

Et aussi

  • Prodiges et vertiges de l’analogie, Jacques Bouveresse

prodiges_vertiges_analogiePour continuer sur la critique du relativisme cognitif, cet essai nous entraîne dans la découverte d’une forme de « littérarisme » qui consiste à croire que ce que dit la science ne devient intéressant et profond qu’une fois retranscrit dans un langage littéraire et utilisé de façon « métaphorique ». L’exemple des détournements du fameux théorème de Gödel est bien entendu traité dans cet ouvrage.

et aussi

  • Une imposture française, Nicolas Beau et Olivier Toscer

CorteX_Imposture_francaiseDans une période où les imposteurs scientifiques commencent à être dénoncés, tout comme les économistes et les historiens de « garde », rares sont les ouvrages qui dégonflent des baudruches philosophiques. Ce livre survole tous les aspects de carton-pâte de ce philosophe public qui n’est enseigné nulle part mais dont le réseau médiatique est tellement ramifié qu’il lui permet de venir incarner sur les plateaux le penseur, le diplomate, l’exégète, l’enquêteur qu’il n’est pas. Bien sûr, les auteurs ne sont pas les premiers à avoir fait ces critiques : de Vidal-Naquet à Desproges, de Noël Godin l’entarteur au Monde Diplomatique, de Castoriadis à Bourdieu, ils sont nombreux à avoir dénoncé la cuistrerie du personnage, par divers moyens, même de tartes à la crème (sept au compteur). Sans résultat. Le plus extraordinaire chez Bernard-Henri Lévy est qu’on continue encore à l’encenser, le lire dans le Point, le regarder chez Ardisson. Rappelons-nous qu’une imposture se fait à deux : celui qui pérore, et celui qui écoute sans broncher.
On pourra écouter les auteurs dans l’émission de France Inter Là-bas si j’y suis du 31 mars 2006 (télécharger ici)


Sociologie, ethnologie, anthropologie

  • Propos sur les sciences, Yves Gingras

propos_sur_les_sciencesQuelques notions d’épistémologie à travers cet ouvrage présenté sous forme d’entretiens. La préface résume parfaitement son contenu : […] Au-delà des clichés sur le génie et l’excentricité des scientifiques, que sait-on vraiment de la science ? Ou plutôt des sciences ? De la méthode scientifique et de ses transformations ? Du rôle des instruments en sciences ? Des nombreuses controverses qui ont marqué son histoire du XVIIe siècle à nos jours ? La science fait-elle partie de la culture ? Les scientifiques peuvent-ils croire en Dieu ? Que penser des mouvements créationnistes ? Quels sont les liens entre la science et l’économie ? Comment fonctionnent les communautés scientifiques ?

  • Et l’homme créa les dieux, Pascal Boyer

et_l_homme_crea_les_dieuxPourquoi les dieux, les sorciers, les démons, les esprits, etc. sont-ils présents partout où l’Homme se trouve ? En d’autres termes : pourquoi les religions existent-elles ? Est-ce la peur de la mort ? Le besoin de croire ? À travers une triple approche (ethnographie, sciences du cerveau, évolution), l’auteur bat en brèche certaines de nos idées reçues et apporte une réflexion neuve et passionnante sur ces questions.

Et aussi

  • L’empire des croyances, Gérald Bronner

empire_des_croyancesLes connaissances sur le monde ne cessent d’augmenter et pourtant, il ne semble pas que « l’empire des croyances » soit en train de disparaître. Comment expliquer que certaines allégations se diffusent plus rapidement que d’autres ? Quels sont les contextes qui favorisent leur émergence ? L’auteur propose plusieurs réponses  en s’appuyant sur de nombreux exemples avec pour objectif de décrire les logiques qui sous-tendent nos adhésions.

Et aussi

  • Vie et mort des croyances collectives, Gérald Bronner

CorteX_Bronner_vie_et_mort_des_croyances_collectivesMalgré de constants progrès techniques et scientifiques, nos sociétés restent des sociétés de croyances. Les rumeurs, les idéologies, les superstitions restent intimement ancrées dans notre vie quotidienne, alors même que la diffusion des connaissances scientifiques gagne chaque jour en importance. Comment résoudre ce paradoxe : nous accordons de plus en plus notre confiance à la science, tout en laissant aisément se développer des croyances parfois irrationnelles ?
Cet essai se propose d’examiner ce paradoxe, propre à nos sociétés modernes, en mobilisant des exemples aussi divers que le mythe du Père Noël, les légendes du 11 Septembre 2001, une psychose collective qui gagna la ville de Seattle dans les années 50, le processus d’adhésion à une secte… Quoique sensiblement hétéroclites, toutes ces illustrations peuvent être ramenées à la question de l’émergence et de la disparition des croyances collectives. Quels processus mènent à leur avènement ou à leur abandon ? Gérald Bronner nous fournit une première approche de ces questions épineuses sur la base d’expérimentations inédites en sciences sociales.

On trouvera une critique d’Agnès Lenoire publiée dans Sciences & Pseudosciences N°273, juillet/août 2006.

On retrouvera quelques ressources audio ici : Matériel audiophonique de Gérald Bronner et là : Conférence Principe de précaution ou décisions raisonnées ?

  • Sur l’état. Cours au Collège de France, Pierre Bourdieu

CorteX_Sur_l_etatHormis le directeur adjoint du Figaro qui, le 7 janvier 2012, s’est fendu d’un article initulé « Au secours, Bourdieu revient ! »,(1) la planète de la sociologie critique revibre en ce début d’année avec la publication, dix ans après sa mort, des cours au Collège de France du sociologue Pierre Bourdieu. Ce recueil des années 1989-1992 s’intitule Sur l’Etat, et a été publié aux éditions Raisons d’Agir, Seuil, sous les soins vigoureux entre autres de Franck Poupeau et de Patrick Champagne. Je (RM) n’ai lu que le premier cours (j’avais sous-tiré son exemplaire à Julien Lévy). J’ai par contre eu l’occasion d’écouter descriptions et recensions sur la radio. En voici deux.La première est issue de l’émission La suite dans les idées, sur France Culture. Le linguiste Pierre Encrevé y commente élégamment l’ouvrage.(2)

Ecouter :
La seconde, tirée de la Fabrique de l’Histoire sur France Culture du 25 janvier 2012, donne entrevues, extraits de film et commentaires de P. Champagne et F. Poupeau. Ecouter :

J’indique par ailleurs que sur le site pierrebourdieuunhommage.blogspot.com se trouvent un grand nombre d’autres émissions permettant de s’initier aux concepts de champ ou d’habitus. En attendant une analyse du CorteX, voici ci-dessous la description de l’éditeur :
Transversale à l’œuvre de Pierre Bourdieu, la question de l’État n’a pu faire l’objet du livre qui devait en unifier la théorie. Or celle-ci, à laquelle il consacra trois années de son enseignement au Collège de France, fournit à bien des égards la clé d’intégration de l’ensemble de ses recherches : cette « fiction collective » aux effets bien réels est à la fois le produit, l’enjeu et le fondement de toutes les luttes d’intérêts.
Ce texte, qui inaugure la publication des cours et séminaires du sociologue, donne aussi à lire un « autre Bourdieu », d’autant plus concret et pédagogue qu’il livre sa pensée en cours d’élaboration. Dévoilant les illusions de la « pensée d’État », vouée à entretenir la croyance en un principe de gouvernement orienté vers le bien commun, il se montre tout autant critique à l’égard de l’« humeur anti-institutionnelle », prompte à résumer la construction d’un appareil bureaucratique à une fonction de maintien de l’ordre social.
À l’heure où la crise financière permet de précipiter, au mépris de toute souveraineté populaire, le démantèlement des services publics, cet ouvrage apporte les instruments critiques nécessaires à une compréhension plus lucide des ressorts de la domination.
(1) La plume de Henri Maler pique à ce propos dans Au palmarès des détestations du Figaro : Pierre Bourdieu, ACRIMED, 23 janvier 2012.

(2) On pardonnera probablement à P. Encrevé de mettre Michel Foucault sur le même plan que Bourdieu (ce dont personnellement je doute, voir par exemple le livre Longévité d’une imposture : Michel Foucault, suivi de Foucaultphiles et foucaulâtres, de Jean-Marc Mandosio), mais ça nous sera plus difficile avec Jacques Lacan.


 
Biologie, Sciences de la Vie et de la Terre

  •  Guide critique de l’évolution, sous la direction de Guillaume Lecointre

altUn manuel à destination de tout enseignant ou formateur désirant mieux comprendre la théorie de l’évolution. Il expose très concrètement les bases philosophiques et épistémologiques permettant de répondre aux dérives créationnistes et autres scénarios du dessin intelligent. Une véritable base de données complète sur ce thème.

Voir également le commentaire de Cyrille Barrette : [youtube=http://www.youtube.com/watch?v=XfsSWU8yxYM]

  • L’effet Darwin. Sélection naturelle et naissance de la civilisation, Patrick Tort

effet_darwinL’évolution par la sélection naturelle. On associe souvent sélection naturelle avec « loi du plus fort qui sévit dans la « Nature » ? On extrapole parfois en pensant que le futur appartient aux espèces qui laissent derrière elles les plus faibles de leurs congénères voire que ceux qui s’adaptent le moins ne survivent pas… Et d’en déduire logiquement que l’être humain, en aidant les plus en difficulté, agit « contre nature ».
Ce livre est indispensable pour battre en brèche ces idées erronées sur la réalité de la sélection naturelle et éclairer une théorie scientifique souvent mal comprise, parfois volontairement mal interprétée dans le seul but de soutenir de graves dérives racistes et discriminantes.

  • Enquête sur les créationnismes, Réseaux, stratégies et objectifs politiques, Cyrille BAUDOUIN & Olivier BROSSEAU, 2013

5795_couv_crea.inddNouveau livre, sur le même sujet que le magnifique opuscule « Les créationnismes » publié en 2008 que nous proposent Cyrille Baudouin et Olivier Brosseau. Trois ans de travail pour cette enquête fouillée, minutieuse, méthodique sur les ressorts épistémologiques et politiques des courants créationnistes, effectuée par deux opiniâtres chercheurs que nous avons le plaisir de connaître personnellement. Cliquez sur les liens suivants pour télécharger : la table des matières / l’introduction. Et pour suivre leur actualité, consultez le site www.tazius.fr/les-creationnismes/
Commentaire de Belin :
Au-delà de leur diversité, tous les créationnismes se caractérisent par leur volonté d’instrumentaliser la science pour justifier une vision du monde conforme à certains dogmes religieux. Leur démarche est donc politique. Fruit d’une enquête minutieuse et riche d’interviews de spécialistes reconnus (biologistes, cosmologistes, sociologues, philosophes, etc.), cet ouvrage est à la fois un recueil d’informations sur les créationnismes et un outil indispensable pour exercer son esprit critique dès lors que la science est convoquée pour justifier des positions politiques.
Après avoir rappelé les spécificités de la démarche scientifique, Cyrille Baudouin et Olivier Brosseau explorent la diversité des mouvements créationnistes et les ressorts de leur mondialisation, en livrant une analyse inédite de leurs réseaux, de leurs stratégies et des contextes politiques dans lesquels ils émergent, y compris en France. Ils montrent ainsi combien le créationnisme est à la croisée de questions sociétales majeures, comme le rôle politique des religions, la privatisation de l’enseignement et la place de la science dans une démocratie.
Olivier Brosseau et Cyrille Baudouin, respectivement docteur en biologie et ingénieur en physique, se sont spécialisés dans la diffusion de la culture scientifique. Ils enquêtent sur les créationnismes depuis plusieurs années et sont les auteurs de divers travaux sur le sujet.
Guillaume Lecointre (préfacier) est systématicien, professeur au Muséum national d’histoire naturelle, directeur du département Systématique et évolution.

  • Le gène égoïste, Richard Dawkins

Commentaire : [youtube=http://www.youtube.com/watch?v=CRg19C_rdzM]

  • La malmesure de l’Homme, Stephen Jay Gould

Commentaire : [youtube=http://www.youtube.com/watch?v=6bJthIhuC7g]
Livre édifiant par la documentation qu’il fournit, et le travail développé par Gould pour montrer comment les influences idéologiques de la fin du XIXe et du XXe en terme de racisme et d’ordre naturel ont amené d’éminents scientifiques à trier les données, à frauder, ou à lisser les résultats dans le sens de l’hypothèse de départ. On comprend les mécanismes plus ou moins conscients qui peuvent mouvoir un savant lorsqu’il nourrit une hypothèse a priori irréfutable en soi. Gould s’est astreint à vérifier un grand nombre des expériences des plus importants théoriciens du racialisme. C’est un ouvrage majeur, à ce bémol près : on nous indique que Gould lui-même aurait peut être légèrement infléchi son jugement dans ce livre.
Nous vous encourageons à vous faire une idée par vous-même en lisant Vices et vertus de S. J. Gould, de Serge Larivée, de l’université de Montréal, Revue québécoise de psychologie, vol. 23, n°3, 2002, pp 7 – 23).

  • Les harmonies de la nautre à l’épreuve de la biologie, Pierre-Henri Gouyon

CorteX_Gouyon_HarmonieLa croyance dans une Nature harmonieuse qui prédominait au XVIIIe siècle a progressivement été mise à mal par les avancées de la biologie. Au travers de plusieurs exemples, l’auteur bat en brèche avec concision la notion d’harmonie, en utilisant les acquis du programme néo-darwinien. Un livre court, dense, qui amènera un non-spécialiste à rester en suspend de longues minutes sur la même page tant certaines idées sont puissantes, mais qui réserve de belles surprises et de grandes stimulations intellectuelles sur des sujets à cheval entre science et idéologies.
INRA-Quae 2002. Commander ici

  • Le Fabrique de l’homme. Pourquoi le clonage humain est irréversible…, Laurent Ségalat

CorteX_la-fabrique-de-l-homme-laurent-segalatPlus de dix ans après la naissance de la brebis Dolly, le clonage reproductif reste un foyer sans fond de débats éruptifs, aussi bien pour des raisons cohérentes qu’à causes de scénarios fantasmagoriques. L. Ségalat reprend ici l’analyse de ce que d’aucuns perçoivent comme un « mal absolu ». La recherche sur le clonage, que le législateur conditionne à une peine de prison de trente ans, et sa promotion, elle aussi punie par la loi, mérite pourtant un décorticage approfondi, ne serait-ce que pour anticiper le pire. Ségalat, comme dans son ouvrage précédent  La science à bout de souffle ?, allie plume, clarté et honnêteté intellectuelle. A mettre entre ses oreilles pour faire fumer son cerveau.  Bourin éditeur, 2008.


Histoire

  • Les historiens de garde – De Lorànt Deutsch à Patrick Buisson, la résurgence du roman national, William Blanc, Aurore Chéry, Christophe Naudin, Inculte Essai, 2013.

Psychologie

  • Le génie de l’intuition, Gerd Gigerenzer

CorteX_Gigerenzer_intuitionAu CorteX, grâce à Denis Caroti, nous connaissions Penser le risque de Gerd Gigerenzer, excellent livre approchant la question des appréciations des risques et du mésusage des statistiques. Quand nous sommes tombés sur le titre de ce livre du même auteur, nous avons pris peur : Le génie de l’intuition : Intelligence et pouvoirs de l’inconscient. L’inconscient ? Ouyouyouïlle… serait-ce une éternelle resucée de l’inconscient freudien ? Nous avons tout de même osé l’acheter et c’est une très bonne surprise.
Il s’agit moins de flatter l’intuition, que de montrer comment il arrive que celles et ceux qui connaissent moins un sujet utilisent le « pif », l’intuition avec un succès supérieur aux plus fins connaisseurs. Quelques expériences sont montrées qui sont tout à fait stimulantes. J’y ai (RM) senti parfois une sorte d’éloge de l’ignorance et un encouragement récurrent à l’intuition qui gênera probablement ceux qui comme moi sont témoins des Charbyde et des Scylla vers lesquels l’intuition pousse parfois. Au vu du contenu pertinent, j’ai l’impression que le titre est plus volontiers un coup marketing.


Pédagogie

  • Francisco Ferrer, une éducation libertaire en héritage, de Sylvain Wagnon

CorteX_Wagnon-Francisco-Ferrer-une-education-libertaire-en-heritagePour des rationalistes pédagogues comme nous, quelle gifle que de redécouvrir l’histoire et les combats de Francisco Ferrer (1859-1909), l’anarchiste, le pédagogue, le franc-maçon et le rationaliste, qui lutta pour l’ouverture d’une école libre penseuse et rationaliste, et laissa la vie dans ce combat. Sylvain Wagnon, enseignant-chercheur à l’Université de Montpellier 2, nous emmène dans son livre au croisement de plusieurs histoires : celle de l’anarchisme, de l’éducation libertaire mais aussi de l’éducation nouvelle. En effet, cet anarchiste « éducationniste » s’engage dans l’élaboration d’un projet éducatif global, dans la lignée de celui de Paul Robin, mais avec ses propres convictions et sans limiter son action à la création d’une école rationaliste. On y trouve la traduction française en intégral de son ouvrage l’École moderne. En 1909, suite aux événements sociaux de « la semaine tragique » à Barcelone, Ferrer est accusé, notamment par le clergé catholique, d’en être l’un des instigateurs. Un tribunal militaire conduit, à l’issue d’une parodie de procès, à sa condamnation à mort. Il sera fusillé le 13 octobre.
Atelier Création libertaire 30 mars 2013. Commander ici.

Économie critique, conseil d'ouvrages par Claire Barraud

Notre amie Claire Barraud, doctorante au Centre de Recherche en Économie de Grenoble* (que vous avez déjà pu lire ici) nous conseille son top 4 des ouvrages accessibles sur l’économie et sa critique. Dans sa grande bonté, elle nous a épargné les livres pompeux et complexe. Bonne lecture.

*Centre de Recherche en Économie de Grenoble
Adresse : 1241 rue des résidences
Domaine universitaire
38400 Saint Martin d’Hères


André Orléan, Le pouvoir de la finance, Odile Jacob (1999).CorteX_Orlean_finance

Une des plus grandes qualités d’André Orléan est sûrement sa pédagogie. Ce livre est donc relativement facile d’accès. Il y explique les rouages de la finance, ou plutôt la psychologie des foules appliquée aux marchés financiers. L’ouvrage s’appuie sur deux thèses fondamentales qui viennent balayer les idées reçues en la matière. D’abord, l’idée est de réfuter la thèse d’une psychologie de l’intervenant sur le marché, pour mettre l’accent sur les « conventions » dominantes qui « font » les prix. À ce titre, les mouvements de prix sur les marchés, notamment sur les marchés spéculatifs, ne sont pas issus de la somme des comportements de plusieurs intervenants, mais bien du comportement de la foule, laquelle est définie en tant que groupe distinct des individus qui la composent. Deuxièmement, le fonctionnement de cette foule, testée dès les années 1970 en laboratoire par des psychologues, est loin d’être « irrationnelle », au contraire. L’idée largement répandue sur le fonctionnement des marchés fait appel aux notions de comportements passionnels et déraisonnés, inclus dans le champ de l’irrationalité, pour aborder les phénomènes de bulles et de crashs. Orléan rappelle alors que compte tenu des conventions existantes et de la formation des prix sur les marchés, le comportement du groupe, à chaque étape de l’évolution des prix, est bel et bien rationnel. Il s’agit juste d’une rationalité différente des autres, une rationalité dite « cognitive »…

John K. Galbraith, Brève histoire de l’euphorie financière, Seuil (1992).

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Sûrement mon auteur favori. Un économiste, mais pas « que ». Or, comme le pensait Keynes et l’affirmait Hayek, l’économiste qui n’est qu’économiste est potentiellement dangereux ! Galbraith ne raisonne pas comme l’économiste lambda (chiffres, taux, évolution, économétrie, modèles, formalisation etc.), mais bénéficie en sus d’une vision d’homme d’État, d’historien, de sociologue et de psychologue à ses heures, d’où la richesse de tous ses ouvrages. Dans cet essai, court, passionnant et très facile d’accès, il réfute la thèse du « cette fois-ci c’est différent », pour au contraire démontrer que toutes les crises financières ont le même type de source, le même déroulement, et le même type de fin. Si le livre d’Orléan défend cette idée sous un angle surtout théorique, on peut dire que Galbraith la démontre grâce aux faits historiques… Et quelle démonstration !

Liêm Hoang-Ngoc, 10+1 questions sur la dette, Michalon (2007).CorteX_Hoang-Ngoc_dette

L’auteur de « Vive l’impôt » (2007) infirme ici la plupart des idées véhiculées pour démanteler l’État social en tant que mauvais gestionnaire. Hoang-Ngoc rappelle que, contrairement à ce que laissent penser les médias, tous les économistes ne sont pas d’accord sur les causes de l’accroissement de la dette publique depuis une trentaine d’années, ni sur ses conséquences et encore moins sur les remèdes possibles. Quelques exemples pour attiser la curiosité : l’auteur montre que la dette ne pénalise pas les générations futures à cause des dépenses de la génération présente, qu’il n’existe aucune corrélation entre le taux de prélèvements obligatoires et les performances économiques d’un pays, ou encore qu’une réforme efficace et équitable du système de retraite n’implique aucunement une privatisation, mais bien un renforcement de l’action publique.

Joseph E. Stiglitz, Un autre monde. Contre le fanatisme du marché, Fayard (2006).

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Stiglitz n’a pas toujours été ce qu’il représente aujourd’hui. Et malgré les nombreux reproches qui peuvent lui être faits, il n’en reste pas moins qu’après « La grande désillusion » et « Quand le capitalisme perd la tête », « Un autre monde » vient enfoncer le clou dans la liste des dégâts causés par la mondialisation telle qu’elle a été conçue. Tout y passe, du commerce à la finance, en passant par le développement social, l’écologie et le maintien sous pression des pays du Tiers-Monde grâce au plus puissant des instruments de domination depuis que la monnaie existe,  j’ai nommé la dette. Un livre pédagogique, clair et, malgré ses 400 pages, synthétique, compte tenu du nombre de problèmes à énoncer publiquement et à résoudre. Car oui, malgré ce que l’on pense souvent, la situation actuelle n’est pas immuable. Le politique a construit cette mondialisation, il peut la réguler s’il le veut vraiment. Stiglitz rappelle donc que d’autres modèles de cette sacro-sainte croissance sont envisageables, à l’instar ce qui a été pratiqué dans les pays nordiques, voire aussi dans une partie de l’Asie. C’est donc un livre qui réitère la gravité de la situation internationale actuelle, mais qui rassure en proposant également des solutions.

Claire Barraud