Matériel – le phénomène Amma et ses câlins

Erratum : si vous vous retrouvez sur cette page après avoir ouvert un lien dans notre newsletter, alors l’article original auquel on faisait référence à propos des chats est ici.

CorteX_AmmaHonorée par les Nations unies, invitée par le pape François, célébrée par les médias du monde entier, la gourou indienne Amma attire les foules, inspire les artistes et côtoie les plus grands dirigeants de la planète grâce à ses câlins prodigués à la chaîne lors d’événements de masse. Elle a fait escale en France en novembre 2016. Elle a fait l’objet d’un article, Amma, l’empire du câlin, dans le Monde diplomatique (nov. 2016 pp. 10-11), signé de Jean-Baptiste Malet , que nous reproduisons ci-dessous. J-B. Malet a également répondu aux questions de Daniel Mermet sur Là-bas si j’y suis, qui suit l’article. Ce culte-spiritualisme-marché, qui séduit un certain nombre de gens, cache pourtant des principes et des fonctionnements très conservateurs, et une machinerie financière imposante. Il y a là de quoi donner ce sujet de recherche à un-e étudiant-e qui lorgnerait les formes modernes de spiritualismes dits « orientaux ».

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De l’encens se dissipe dans l’atmosphère. Des musiciens entonnent des chants spirituels indiens hypnotiques. Et, au-dessus des têtes, tel un slogan, s’impose une immense inscription en lettres majuscules : « Étreindre le monde » — la traduction du nom de l’organisation internationale Embracing the World (ETW), personnifiée par sa cheffe religieuse, Mme Mata Amritanandamayi, plus connue sous le nom d’Amma (« maman » en hindi). Sous l’œil vigilant de ses gardes du corps patibulaires, Amma, vêtue d’un sari immaculé, est assise en tailleur sur un petit trône autour duquel se serrent, extasiés, ses dévots. Au cœur du Zénith Oméga de Toulon, plusieurs milliers de personnes patientent afin de se traîner, à genoux sur les derniers mètres, contre la poitrine de cette gourou indienne originaire de l’État du Kerala. Toutes sont venues recevoir le darshan, l’étreinte d’Amma devenue le symbole de son organisation. Celle-ci revendique plus de trente-six millions de personnes enlacées dans le monde.

La scène se passe en novembre 2015, en France, où la « mère divine » se rend tous les ans1 depuis 1987 dans le cadre de sa tournée mondiale. Mais les foules sont tout aussi denses en Espagne, en Allemagne, en Suisse, aux Pays-Bas, en Finlande, en Italie, au Royaume-Uni, en Israël ou en Amérique du Nord. De juin à juillet 2016, l’« Amma Tour » a fait étape à Seattle, San Ramon, Los Angeles, Santa Fe, Dallas, Chicago, New York, Boston et Washington, avant Toronto et Tokyo.

Multinationale du câlin, ETW impressionne par sa rigueur logistique. Partout où passe la caravane d’Amma, de gigantesques cuisines industrielles mobiles, dignes d’une intendance militaire, entrent en action. Des centaines de bénévoles travaillent aux fourneaux ; d’autres servent et vendent des repas indiens végétariens par milliers, tandis qu’Amma, sur son trône, reproduit inlassablement le même geste : elle enlace tous ceux qui détiennent un bon, délivré gratuitement, permettant de recevoir le darshan après plusieurs heures d’attente. Des volontaires de l’organisation sont chargés de gérer la foule considérable, aux origines sociales hétéroclites, venue se faire câliner. Passant leur main au niveau de la nuque de celle ou celui dont c’est le tour, les bénévoles fluidifient la chaîne continue de câlins et interviennent immédiatement si une erreur vient enrayer le flux tendu de tendresse.

Amma, qui ne parle que le malayalam (langue dravidienne parlée notamment dans le Kerala), susurre néanmoins à chaque individu enlacé un « Mon chéri », mot doux dont les traductions se déclinent en fonction des espaces linguistiques qu’elle visite. Sur toute la Terre, Amma usine son câlin standard avec une rigueur dans l’exécution des tâches que n’aurait pas reniée Frederick W. Taylor : ouverture des bras ; enveloppement de l’inconnu ; bercement de dix secondes ; remise à chaque être câliné d’un pétale de rose, d’une pomme ou d’un bonbon. Ces séances d’étreintes de masse se prolongent plusieurs heures durant.

Au sein de l’immense espace de spectacle consacré au rituel, où chacun déambule pieds nus après l’étreinte, il est aisé d’observer que certains sont soudainement pris d’une forte émotion, sanglotent et parfois s’effondrent en larmes. « Ce que je ressens est indescriptible. Amma, c’est l’amour pur », témoigne une jeune secrétaire célibataire au chômage dont les joues luisent. « Amma m’a donné plus d’amour que mes propres parents », ajoute un ingénieur informatique. « Dans ce monde de fous, cela fait du bien de couper, de se retrouver avec Amma et de se recentrer sur soi », commente encore une mère, auxiliaire puéricultrice, venue avec sa fille. Toutes deux ont attendu trois heures et demie afin de pouvoir venir s’agenouiller contre Amma.

« Beaucoup d’individus de nos sociétés modernes, profondément narcissiques, sont en quête permanente d’eux-mêmes. À l’approche d’Amma, un véritable processus d’idéalisation se met en place, observe, à quelques mètres de la gourou, la psychologue Élodie Bonetto. Amma, le “leader”, peut alors incarner l’idéal de l’individu, dont la dévotion s’explique le plus souvent par son désir d’être reconnu comme exceptionnel. Trois profils types se dégagent : l’adepte socioaffectif, en quête de réconfort et de sociabilité ; l’adepte utilitariste, en quête de réalisation de soi ; et l’adepte flexible, qui se situe entre les deux. »

Si ETW fait office de fédération des filiales qui se consacrent aux tournées d’Amma, la maison mère s’appelle Mata Amritanandamayi Math (M. A. Math). Cette entité a reçu en juillet 2005 le statut d’organisation non gouvernementale (ONG) consultative auprès du Conseil économique et social de l’Organisation des Nations unies (ONU). Trois ans auparavant, l’ONU avait décerné à Amma son prix Gandhi-King pour la paix et la non-violence, qu’elle avait auparavant attribué à M. Kofi Annan, son ancien secrétaire général, ou à Nelson Mandela. Depuis, Amma s’est régulièrement exprimée à la tribune des Nations unies. En décembre 2014, assise à la gauche du pape François, elle signait à la cité du Vatican une Déclaration universelle des chefs religieux contre l’esclavage.

En 2015, dans le cadre de la préparation de la 21e conférence des Nations unies sur le climat (COP 21), l’écologiste Nicolas Hulot, envoyé spécial du président de la République, fut chargé de réunir cinquante autorités morales et spirituelles ; Amma fut solennellement invitée à participer aux échanges à l’Élysée. La « mère divine » a envoyé un message vidéo et dépêché son bras droit, le swami (religieux) Amritaswarupananda, vice-président de l’organisation, qui a ainsi pu poser pour une photographie-souvenir en compagnie de M. François Hollande. Amma est allée jusqu’au Congrès des États-Unis pour y câliner des figures du Parti démocrate.

Les vedettes Marion Cotillard, Sharon Stone, Jim Carrey ou Russell Brand ont déjà reçu le darshan. « Elle m’a pris dans ses bras et on est restés comme ça. On régresse, il y a quelque de chose de fœtal. La dernière fois qu’on a eu ça, c’est dans les bras de sa mère. C’est comme un très joli bain chaud », témoigne l’acteur Jean Dujardin2, qui a joué aux côtés d’Amma dans une récente fiction cinématographique intitulée Un plus une. La gourou, dans son propre rôle de « déesse », y accomplit des miracles. « Mes cinquante premiers films ont simplement servi à préparer [celui-ci]3  », considère le réalisateur, Claude Lelouch. « Amma est peut-être la personne qui m’a le plus épaté dans ma vie et qui m’a donné encore plus de plaisir que mes oscars et ma Palme d’or4.  »

Reconnaissance internationale, invitations prestigieuses, florilège de personnalités enlacées en quête d’exotisme ou de réconfort… Amma peut compter sur un très fort capital symbolique doublé d’un vaste réseau diplomatique. Elle apparaît ainsi au-dessus de tout soupçon aux yeux des médias, qui la qualifient fréquemment de « grande figure humanitaire » ou de « sainte indienne ». Selon la prolixe littérature d’ETW, Mme Amritanandamayi aurait eu la peau bleue à sa naissance, comme celle du dieu Krishna. Lors de sa mise au monde, Amma n’aurait ni pleuré ni crié, et se serait contentée d’un sourire. Capable de parler à l’âge de 6 mois, elle aurait également accompli plusieurs miracles, notamment en embrassant un cobra qui terrorisait son village natal. Face à des incrédules rationalistes, Amma aurait transformé de l’eau en lait. En léchant les plaies d’un lépreux, elle l’aurait guéri. Ces miracles, qui la mettent en concurrence avec d’autres figures des principales religions pratiquées à la surface du globe, sont tous consignés au sein d’ouvrages édités au Kerala par ETW. La liste des actes extraordinaires accomplis par Amma fluctue en fonction des années d’impression, des langues de traduction ou des initiatives de réécriture par les cadres de l’organisation.

Sachets de basilic ou de poudre de santal « sacrés » bénits par Amma, tee-shirts d’ETW, posters de la gourou, livres pour enfants, guides de médecine ayurvédique proposant de soigner le cancer, disques de chants, DVD de prière, guirlandes, arbustes, grigris, cristaux « générant l’abondance », cailloux « énergétiques », colliers en laiton, huiles essentielles, cierges… Dans la salle du darshan où la foule se presse, d’innombrables produits dérivés sont proposés à la vente. Les tiroirs-caisses s’y remplissent à rythme soutenu. La poupée à l’effigie d’Amma coûte 90 euros. « Si vous souhaitez recevoir un darshan, mais que vous êtes loin d’Amma, vous pouvez câliner la poupée », explique très sérieusement une vendeuse. Ce poupon est notamment utilisé par les dévots les plus fidèles, ceux qui travaillent bénévolement aux tournées d’Amma et pour qui la réception du darshan est limitée par des quotas, afin qu’ils n’abusent pas des câlins gratuits. Sur Internet, le « Amma Shop » propose également des cosmétiques biologiques,des compléments alimentaires de « désintoxication purifiante », les œuvres complètes d’Amma, des statues ou étoffes de décoration d’intérieur, des autocollants, des porte-clés, des Thermos… autant de marchandises qui seraient des fétiches parés de l’amour d’Amma. Et ce parce qu’ils permettraient, selon les attachés de presse d’ETW, le financement d’« œuvres humanitaires ». En plus de ses activités de restauration et de négoce, l’organisation recueille des dons grâce aux nombreux troncs disséminés lors des événements internationaux. « L’amour d’Amma est gratuit, inconditionnel. C’est donc à chacun de décider de ce qu’il veut donner en fonction de ce qu’il a reçu d’Amma », précise une de ses représentantes.

Travailleurs bénévoles et gros profits

Les bénéfices cumulés sont réalisés grâce à une main-d’œuvre gratuite de plusieurs centaines de travailleurs. Un passage d’Amma dans une localité entraîne la réservation complète de son parc hôtelier, parfois plusieurs semaines avant l’arrivée de la gourou. Chaque déplacement de la « mère divine » engendre celui des « enfants d’Amma ». Ces centaines de dévots de toutes nationalités suivent, à leurs frais, celle qu’ils nomment « la déesse » afin de pouvoir travailler bénévolement aux multiples tâches qu’implique une tournée internationale digne des plus grandes vedettes de l’industrie culturelle. Parmi eux, une surreprésentation de femmes célibataires sans emploi, prêtes à dormir à même le sol si leurs économies ou leurs minima sociaux ne leur permettent pas de s’offrir un hébergement. C’est le cas à Toulon, où, au mépris des règlements de sécurité incendie, de très nombreux adeptes couchent chaque année dans des couloirs ou des coins dérobés du Zénith Oméga.

Rejoindre la tournée européenne coûte près de 1 500 euros aux volontaires qui souhaitent emprunter les autocars de l’organisation ; certains s’endettent pour pouvoir les payer. Ils sont alors vêtus intégralement de blanc, identifiés par un badge et considérés comme des membres à part entière d’ETW. Les repas végétariens et l’hébergement restent à leur charge. Les bénévoles les plus pauvres mangent avec parcimonie. « Beaucoup s’épuisent et s’appauvrissent, témoigne Mme Amah Ozou-Mathis, ancienne adepte qui a participé aux tournées européennes durant cinq ans. Les journées débutent très tôt par des mantras et la récitation des cent huit noms d’Amma. Elles continuent par un travail considérable et s’achèvent par des cérémonies rituelles où beaucoup entrent en transe, qui finissent très tard. Le plus souvent, on ne dort que trois ou quatre heures par nuit. »

Des outils de communication d’excellente facture graphique, parmi lesquels d’immenses cubes en carton où figurent des photographies d’hôpitaux, d’écoles ou d’enfants des rues, ne cessent d’asséner aux badauds que tous les bénéfices réalisés permettent le financement d’actions caritatives en Inde. Le luxueux kit de presse remis aux journalistes soigne une image de paisible ONG bienfaitrice de l’humanité. Ces éléments de langage sont ensuite relayés sans discernement par des centaines de supports d’information du monde entier, dont les reportages évoquent, depuis plus de trente ans, l’ambiance des tournées d’Amma ainsi que les « émotions » ressenties par le journaliste ayant reçu le darshan — un classique du genre.

En France, où Amma et son organisation font l’objet d’une vénération de la part des médias, le coup d’envoi a été donné en 1994 par Libération, avec un article intitulé « Amma, Mère divine aux 500 câlins quotidiens ». Après quoi les recensions se sont multipliées de manière exponentielle. « D’une simple étreinte, Amma console des milliers d’adeptes » (Le Figaro, 5 novembre 2014) ; « Amma, la mère de tous les câlins » (Le Nouvel Obs, 2 novembre 2013) ; « Amma, la gourou indienne qui répand l’amour par ses étreintes » (20 minutes, 1er novembre 2012) ; « Les miracles d’Amma » (Figaro TV, 6 novembre 2013) ; « J’ai reçu l’étreinte d’Amma, prêtresse de l’amour » (Femme actuelle, 5 novembre 2014) ; « J’ai reçu le “darshan” » (Le Figaro Madame, 24 octobre 2012) ; « Amma : la prêtresse de l’amour » (M6, 6 novembre 2006) ; « Cinq raisons d’aller se faire câliner par Amma » (Var Matin, 3 novembre 2015). Les évocations louangeuses, qu’elles proviennent de médias en ligne, du Parisien, de Direct Matin, de Psychologies, du Monde des religions, de chaînes telles que LCI ou France 2, des ondes de Radio France ou de stations privées, pourraient toutes être résumées par ce propos de la journaliste Elisabeth Assayag sur Europe 1 : « Amma, c’est une sorte de grande sage, une grande âme comme on dit en Inde, qui passe sa vie à réconforter et inonde de compassion ceux qu’elle approche » (22 octobre 2015).

Ce n’est toutefois que l’un des innombrables mantras médiatiques qui s’élèvent sur tous les continents afin de chanter la gourou. Du Liban à la Jamaïque, du Japon au Canada, de la télévision italienne aux centaines d’articles de presse en Amérique du Nord, les préceptes singuliers d’Amma sont présentés avec bienveillance, et ce d’autant plus qu’ils émaneraient d’une « figure religieuse hindoue ». Amma conteste dans ses ouvrages la prétention de l’individu à comprendre le monde et à le changer : « Jusqu’à ce que vous compreniez que vous êtes impuissant, que votre ego ne peut pas vous sauver et que toutes vos acquisitions ne sont que néant, Dieu ou le gourou créera les circonstances nécessaires pour vous faire comprendre cette vérité5.  » Elle prône le retrait intérieur, somme toute classique, estimant que « si Dieu fait partie de notre vie, le monde suivra. Mais si nous faisons passer le monde en premier, Dieu ne suivra pas. Si nous embrassons le monde, Dieu ne nous embrassera pas ». Il importe de ne pas s’encombrer l’esprit d’un entendement trop remuant : « Efforçons-nous de vider l’intellect des pensées inutiles et de remplir notre cœur d’amour. » Et ce afin de soutenir Amma dans l’accomplissement de sa tâche de dirigeante d’ONG : « La mission d’Amma en cette vie est d’éveiller l’énergie divine infinie, innée, présente en chacun de nous, et de guider l’humanité sur le juste chemin du service et de l’amour désintéressés. » Cette vision messianique sature l’espace médiatique international depuis près de trois décennies. Darshan. L’étreinte, film « documentaire » hagiographique consacré à Amma, réalisé par Jan Kounen, présenté hors compétition au Festival de Cannes en 2005, fut diffusé la même année en première partie de soirée sur Arte.

Des milliers d’articles et de reportages assènent sans relâche qu’ETW serait une « ONG caritative ». Et ses sites Internet proposent bien des photographies de « réalisations humanitaires », ainsi que des clichés où l’on aperçoit l’ancien président américain William Clinton tenant un chèque de 1 million de dollars signé Amma afin de venir en aide aux victimes de l’ouragan Katrina, qui avait frappé la Louisiane en 2005. Mais l’organisation n’a jamais jugé pertinent de publier son budget global détaillé, et ce qu’il s’agisse de ses recettes, de ses dépenses ou de ses frais de fonctionnement. Une fois amortie la location des gigantesques salles, les bénéfices des journées d’exploitation de la tournée mondiale se chiffrent quotidiennement en dizaines de milliers d’euros — la prodigalité des individus ayant reçu le darshan étant d’autant plus grande qu’ils ont une confiance aveugle dans les œuvres d’Amma.

Liens avec le nationalisme hindou

« Non, l’empire d’Amma n’a rien d’une ONG caritative, affirme M. Sanal Edamaruku, qui vit en exil en Finlande, où il préside l’Association des rationalistes indiens. Amma, c’est une entreprise, un “business” sale. On peut ajouter Amma à la longue liste des charlatans qui sévissent en Inde. La plus parfaite opacité règne quant à la destination exacte des fonds collectés lors de ses tournées. » Nous avons pu consulter des documents officiels émanant du ministère de l’intérieur indien, ainsi que des déclarations fiscales d’une branche américaine de l’organisation d’Amma. Le recoupement des déclarations officielles des deux entités juridiques, rassemblées sur plusieurs années, montre qu’elles ne coïncident absolument pas : les sommes que la maison mère déclare avoir reçues s’avèrent très largement inférieures aux sommes que la filiale américaine déclare lui avoir versées. Où est passée la différence ? Plus surprenant encore : pour l’année 2012-2013, M. A. Math aurait touché 219 millions de roupies d’intérêts bancaires, soit près de 2,9 millions d’euros. Une « organisation humanitaire » remplissant des cassettes afin de faire travailler son argent ? Les attachés de presse d’ETW se refusent à tout commentaire.

Le personnage d’Amma clive la société indienne depuis 1998, année où M. T. K. Hamza, dirigeant communiste de l’État du Kerala, a tenu publiquement des propos critiques à l’égard de la gourou. Ceux-ci ont déclenché les foudres du Bharatiya Janata Party (BJP), la grande formation nationaliste hindoue, qui a répliqué par des protestations de masse. L’Australienne Gail Tredwell, ancienne disciple et secrétaire particulière d’Amma pendant plus de vingt ans, a quant à elle publié un livre6 en octobre 2013. Elle y raconte comment Amma est passée, en trente ans, du statut de gourou locale au rang de vedette internationale. Dénonçant des « malversations » et des violences, parmi lesquelles des viols, au sein de l’organisation, elle souligne les liens étroits existant entre Amma et le pouvoir politique nationaliste hindou. La multinationale du câlin est parvenue à obtenir l’interdiction pour « blasphème » de ce livre dans l’État du Kerala. Dès 1985, l’ouvrage de l’ex-policier Sreeni Pattathanam, qui évoquait des morts suspectes survenues dans l’ashram d’Amma, avait été lui aussi censuré pour « blasphème » — son auteur est aujourd’hui le secrétaire régional pour le Kerala de l’Association des rationalistes indiens. Plus récemment, une librairie indienne ayant édité un livre d’entretiens avec Mme Tredwell a été vandalisée par des disciples d’Amma, qui ont laissé sur place une banderole appelant à l’arrêt des critiques contre leur gourou.

Cela n’empêche pas l’essor de l’influence d’Amma en Inde, où l’anniversaire de la « mère divine » est devenu un événement de la vie politique. Tous les 27 septembre, cette célébration peut rassembler jusqu’à plusieurs dizaines de milliers de personnes. Elle s’accompagne d’une cérémonie évoquant l’ouverture des Jeux olympiques : les dévots de tous les pays sont conviés à venir parader vêtus de costumes traditionnels de leurs pays respectifs ; les délégations arborent les drapeaux de toutes les nations du monde. En 2003, lors du cinquantième anniversaire d’Amma, célébré au stade Nehru de Kochi (Kerala), la multinationale a mobilisé plus de 2 500 autocars et réservé la totalité des chambres d’hôtel dans un rayon de quinze kilomètres autour du stade, décoré pour l’occasion en ashram, et ce afin d’accueillir plus d’une centaine de milliers de personnes. Le 27 septembre 2015, ce fut à l’ambassadeur de France en Inde, M. François Richier, d’être convié aux festivités : « C’est un grand honneur d’être parmi vous aujourd’hui à l’occasion de l’anniversaire de notre Amma bien-aimée, a-t-il déclaré en présence du premier ministre indien Narendra Modi et du président du BJP Amit Shah. Les pensées et la sagesse d’Amma nous éclairent sur des problèmes-clés d’aujourd’hui, par exemple sur le moyen de construire la paix entre les pays ou les peuples, mais aussi sur des questions qui nous concernent tous, telles que l’éducation ou le changement climatique. »

« Attention ! Si Amma construit bel et bien en Inde des infrastructures — hôpitaux, écoles, universités — dont on retrouve des photographies dans sa propagande, il ne faut pas se leurrer, avertit M. Edamaruku. Le plus souvent, ce sont des établissements privés, destinés à générer du profit, qui permettent à son organisation de s’institutionnaliser et d’asseoir un peu plus son pouvoir. » Vantée lors des tournées comme l’initiatrice de grandes réalisations caritatives, ETW est aujourd’hui à la tête d’un réseau d’universités et d’un hôpital universitaire, regroupés sous le label « Amrita », qui comptent plus de 18 000 élèves. Le clip de présentation de ce réseau s’enorgueillit de ses 23 centres de recherche scientifique, à l’origine de 51 brevets. L’institution présidée par Amma figure en tête de multiples classements internationaux et noue de nombreuses collaborations avec des universités européennes et nord-américaines. Formation en aérospatiale, chimie, génie civil, informatique, électronique, mécanique, médecine, biotechnologies : les bras d’Amma enlacent toutes les disciplines où la concurrence globalisée fait rage.

Financée grâce aux oboles des dévots du monde entier, l’université s’avère très prisée de la bourgeoisie indienne. Le cursus permettant de devenir médecin coûte 144 000 dollars. Certes, les étudiants les plus pauvres peuvent y avoir accès, mais à condition de souscrire un emprunt. Servant de supports publicitaires lors des tournées d’Amma, ces multiples réalisations permettraient également, selon Mme Tredwell, d’offrir des soins médicaux et des formations universitaires gratuites aux familles de dirigeants politiques nationalistes hindous.

En juillet 2014, au Parlement européen, la branche jeunesse de l’organisation, Amrita Yuva Dharma Dhara (Ayudh), a réuni autour d’elle les députés Frank Engel (Luxembourg), Deirdre Clune (Irlande), Miltiadis Kyrkos (Grèce) et Jani Toivola (Finlande). À la pointe de la défense des intérêts d’Amma en Europe, Ayudh participe à la campagne de la jeunesse du Conseil de l’Europe « contre le discours de haine en ligne » par « l’éducation pour les droits de l’homme » et a déjà reçu des financements du Fonds européen pour la jeunesse. La Commission européenne, quant à elle, soutient financièrement les événements religieux d’Ayudh, dont les programmes se divisent en temps de prière et d’initiation à l’art-thérapie ou à la permaculture, tous placés sous l’égide de la gourou du Kerala.

La ferveur d’une commissaire européenne

Amma peut d’ailleurs compter sur un relais politique majeur en la personne de Mme Martine Reicherts, l’actuelle directrice générale pour l’éducation et la culture de la Commission européenne, professeure de yoga au Luxembourg, qui n’a cessé ces dernières années de la louer publiquement. Sur le site Internet d’Ayudh, elle pose, joviale, parmi de jeunes dévots, et elle figure sur les brochures de l’organisation de jeunesse que la Commission subventionne.

Le 21 octobre 2014, alors qu’elle était commissaire européenne à la justice, elle est même venue à la rencontre d’Amma à Pontoise (Val-d’Oise) durant le rassemblement de masse annuel. Sur la vidéo de l’événement, on voit la gourou indienne lancer des pétales à la tête de la commissaire. Celle-ci s’approche alors du trône où elle siège et, lui passant un collier de fleurs autour du cou, l’enlace, très émue, puis s’agenouille devant elle. Elle joint ensuite ses mains en signe de révérence et incline totalement sa tête afin que son front touche les genoux d’Amma. Quand elle se lève enfin, c’est pour prendre la parole à la tribune et s’adresser solennellement aux milliers de personnes présentes : « J’exerce les fonctions de commissaire, c’est-à-dire l’équivalent de la fonction de ministre européenne de la justice, et je tenais, dans ce monde désacralisé, à venir témoigner de mon attachement, pas en tant que disciple, pas en tant qu’élève (…). Nous vivons dans un monde où nous avons besoin de spirituel, où nous avons besoin de valeurs, et nous avons aussi besoin d’oser. Grâce à Amma, je me suis rendu compte que le concret, le quotidien, le politique, pouvait mener au spirituel. Nous l’avons trop souvent oublié dans notre société, et notamment en Europe. »

Dans le cadre du programme « Jeunesse en action », plus de 243 000 euros de subventions ont déjà été versés par la Commission européenne à des organisations de jeunesse d’Amma. Un soutien financier auquel s’ajoutent de profonds sentiments d’affection, comme l’atteste la conclusion de la représentante des citoyens de l’Union européenne ce soir-là : « Amma, je vous aime. »

Jean-Baptiste Malet, journaliste.

 

Le géocentrisme comme intrusion spiritualiste dans la cosmographie moderne – dossier de Timothée Gallen

Timothée Gallen est en troisième année de licence d’histoire à l’Université de Grenoble-Alpes. Il a travaillé de conserve avec Guillaume Guidon (histoire), Richard Monvoisin (épistémologie) et Clara Egger (mouvements religieux) sur un sujet étonnant : le géocentrisme, théorie contestée au moins depuis Copernic et qui consiste à poser la Terre est au centre de l’Univers, et son retour en force dans certains travaux religieux musulmans et catholiques, et en particulier dans un documentaire intitulé The Principle.

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Timothée Gallen, en pleine réflexion

Ce travail est le fruit d’un stage court, par un jeune étudiant, sur un sujet dont les sources sont difficiles. A ce titre, nous diffusons son travail, certes non exempt de coquilles ou d’imprécisions, mais qui motivera probablement des recherches ultérieures sur cette nouvelle forme d’intrusion spiritualiste en science.

 Le dossier en pdf – Télécharger ici.

Le géocentrisme comme intrusion spiritualiste dans la cosmographie moderne.

Sous la direction de Richard Monvoisin et Clara Egger, CORTECS, Université Grenoble-Alpes.

Introduction

    Le géocentrisme est la théorisation antique selon laquelle la Terre serrait au centre de l’univers, toute autre objet céleste tournant autour d’elle. Cette représentation cosmologique fut très répandue dans l’Antiquité, cela depuis au moins le Timée (env. 360 av. EC) de Platon (428/427-348/347 av. EC) 1. Héraclide du Pont (v 388-v 310 av. EC) est la plus ancienne source dont nous disposons qui admette la rotation de la Terre autour d’elle même, suivi d’ Aristarque de Samos (env. 310-230 av. EC) qui ajoute à celui de Héraclite une rotation autour du Soleil 2. Le modèle géocentrique fut discuté plusieurs fois jusqu’à ce que, 1800 ans plus tard, Copernic (1473-1543) commence à la remettre réellement en cause dans ses travaux publiés en 1543 (« De la révolution des orbes célestes ») , puis que Galilée (1564-1642) y apporte son soutien de par ses observations. Ce n’est cependant qu’en 1727, à la suite de la publication des travaux de James Bradley sur le problème dit d’ « aberration de la lumière »3, qu’est apportée la première preuve expérimentale du mouvement de la Terre autour du Soleil, suivi en 1851 par l’expérience de Foucault et de son pendule. Aujourd’hui, l’observation pragmatique de l’univers par nos télescopes et satellites nous donne une carte relativement précise de l’univers observable. Dans le monde scientifique actuel, aucun débat n’a lieu sur le modèle cosmographique régissant notre galaxie. La science actuelle a dés-anthropocentré notre vision et compréhension du monde en changeant progressivement de paradigmes, certes, mais en abandonnant progressivement les lectures théistes, téléologiques ou concordistes. .

     Après avoir progressivement remplacé le géocentrisme chez les savants post-coperniciens, le modèle héliocentrique a continué de rencontrer chez les autorités religieuses du XVIe au XVIIIe siècle, des obstacles épistémologiques et des résistances de deux types, que nous retrouvons encore aujourd’hui dans certaines communautés religieuses fondamentalistes ayant une lecture littérale des textes :   

 – celle d’ordre théologique qui tient à celui de l’image de l’univers apporté par la Bible, la Torah ou le Coran. Les autorités catholiques condamnèrent les héliocentristes tels que Galilée ou Bruno, ainsi que leurs propos jusqu’à ce que le Pape Benoît XIV autorise en 1741 puis 1757 l’édition des œuvres de Galilée auparavant censurées et les autres travaux héliocentriques. Les théologiens protestants ayant une lecture littérale de la Bible tel que Martin Luther 4 (1483-1546) ou encore Philipp Melanchthon 5 (1497-1560) condamnèrent eux aussi de manière plus ou moins soutenu ce modèle dans leurs écrits.

– celui de l’expérience physique intuitive d’une terre immobile et d’un soleil en mouvement. Le philosophe et théoricien politique Jean Bodin (1529-1596) disait déjà des thèses de Copernic, qu’aucun homme ne pourra jamais croire au mouvement de la Terre 6.
    Il ne sera pas ici question de déconstruire les arguments pseudo-scientifiques des néo-géocentristes, ce travail ayant déjà été fait entre autres par David Palm et le Dr. Alec MacAndrew 7 sur le site www.geocentrismdebunked.org 8, mais de pointer les structures épistémologiques du géocentrisme. Une série de vidéos est aussi disponible sur youtube analysant les arguments géocentristes face aux connaissances scientifiques actuelles 9.

Qu’est ce qu’une intrusion spiritualiste en science ? Définition 

   Afin de comprendre ce qu’est une intrusion spiritualiste en science, il est important dans un premier temps, de définir ce que nous entendons par science, et par la même occasion de rappeler les fondements épistémologiques et les outils méthodologiques de cette dernière. Dans un second temps, nous verrons donc en quoi la démarche scientifique diverge du spiritualisme et de l’acte de foi.

Science :

    Pour notre propos, nous prendrons la définition de la science au tant que démarche intellectuelle contraignante visant à une compréhension rationnelle du monde naturel et social. La démarche scientifique, sous peine de se saborder, souscrit à un contrat matérialiste en méthode 10. Le matérialisme scientifique n’est pas ontologique et ne dit pas que tout est matière, mais que ce avec quoi nous pouvons travailler rationnellement est matière ou résulte d’elle-même. Le matérialisme méthodologique impose donc un contrat laïc à la science. Le scientifique ne peut donc pas ajouter sans aucune preuve ou réelle nécessitée une entité inconnue à ses travaux. Le tronc commun des méthodes scientifiques contient aussi le principe de parcimonie, aussi appelé rasoir d’Occam. Ce raisonnement nous indique qu’il est plus raisonnable, de ne pas multiplier les entités au-delà du nécessaire afin d’expliquer un phénomène. Si plusieurs hypothèses sont en compétition, notre choix doit, dans un premier lieu, préférer l’hypothèse la moins coûteuse cognitivement 11. La science nous apporte donc, dans sa démarche, mais aussi dans ses apports historiques, un message essentiel d’humilité. En effet, la science essaie de comprendre le monde qui nous entoure, malgré nos contingences matérielles et intellectuelles, et en s’imposant des contraintes rigoureuses afin de les pallier. La science ne s’est pas proclamée meilleure méthode d’investigation du réel, mais elle a été modelée, sur un temps long, pour l’être.

Spiritualisme :

    Le spiritualisme 12 quant à lui, postule des entités non matérielles, non appréhendables par la science et qui agissent sur le monde tangible. Le spiritualisme fait entrer des entités in-démontrées dans son raisonnement et ses prétentions explicatives du monde matériel.

    « Le spiritualisme nie le recours exclusif à la matière pour expliquer les phénomènes du monde réel (…) et dans ce but convoque l’Esprit » 13.
Comme le spiritualisme procède d’un acte de foi, il devient de fait incompatible avec la démarche scientifique. Notons que les croyances se veulent régionales et n’ont pas la prétention universelle de la démarche scientifique qui transcende les cultures et les idéologies. Le spiritualisme et le matérialisme méthodologique de la science sont donc deux démarches probablement compatibles dans un cerveau humain, mais incompatibles dans une démarche de description du monde, le spiritualisme niant un des fondements de la méthode scientifique. Certaines personnes ou institutions, comme la fondation John Templeton, ou l’Université Interdisciplinaire de Paris, présentent science et spiritualité/foi/religion sur le même plan, comme conciliable, en compétition, convergente. Voici comment le site www.scienceetfoi.com  présente cette convergence :
     « Loin de s’opposer, la Science et la Foi chrétienne contribuent chacune à nous donner une vision complémentaire et harmonieuse de l’univers qui nous entoure ».
Ces différents discours sont cependant biaisés et nous font accepter, sans raison légitime, le fait de mettre science et foi sur un même plan. Comme le dit Guillaume Lecointre :
    « les deux n’ont rien à se dire. En plus de sophismes, forçant Science et Foi à cohabiter, ces positions mettent une équivalence quantitative entre Science et Foi en sous-entendant que vérité scientifique et vérité spirituelle se vaudrait.»14.
    De plus, il m’est rationnellement possible d’expliquer pourquoi je soutiens telle ou telle théorie face à une autre, mais je n’ai aucun moyen de savoir comment ou même pourquoi privilégier la genèse de la Bible à la cosmogonie grecque antique.

Structure épistémologique du géocentrisme dans le monde chrétien et musulman

    Pour faire ma recherche sur les représentants modernes du géocentrisme, j’ai fait comme suit : après avoir pris connaissance que le film géocentriste « The Principle » allait sortir aux États-Unis, j’ai recherché qui étaient les producteurs et réalisateurs ainsi que les travaux sur lesquels ils s’appuyaient. En élargissant ma recherche sur le mouvement néo-géocentrisme chrétien actuel, j’ai pu constater qu’il n’était pas un fait nouveau, mais qu’il avait commencé au moins avec Walter van der Kamp et l’« Association for Biblical Astronomy », originellement appelé la «Tychonian Society» à sa création en 1971 15. J’ai ensuite cherché à connaître les différents néo-géocentristes actuels afin de comprendre quels sont leurs propos et le contexte dans lequel ils évoluent. Comme le détaille très bien le site www.geocentrismdebunked.org, les néo-géocentristes chrétiens actuels adhèrent généralement en lot à de nombreux scénarios complotistes et alternatives sur les thèmes du 11 septembre, de la NASA, du peuple Juif, ainsi que des scénarios simili-créationnistes : par exemple que l’humain et les dinosaures auraient co-existé 16. Nous étudierons plus bas de quelle manière ces croyances s’inscrivent et influent dans leur adhésion au néo-géocentrisme. A la sortie de la bande annonce de The Principle, j’ai pu constater qu’une controverse était née, suite aux réactions des différents scientifiques entrevus dans le film. Par conséquent, j’ai recherché les différentes réactions non seulement des scientifiques, mais aussi celles des réalisateurs et producteurs du film. Après avoir constaté et eu la confirmation par courriel de David Palm 17 que les producteurs de The Principle, et surtout Robert Sungenis, sont actuellement les principaux promoteurs du néo-géocentrisme, j’ai choisi de focaliser mon étude sur eux. J’ai ainsi recherché dans différents articles, dans leurs sites ou dans des entrevues leurs propos afin d’analyser leurs structures épistémologiques. Dans mes recherches sur le géocentrisme, je suis en outre tombé sur la vidéo d’un cheikh saoudien, Al-Bandar Khaibar, soutenant que la terre était stationnaire. Après avoir visionné la vidéo, j’ai décidé de rechercher si le néo-géocentrisme musulman était comparable au néo-géocentrisme chrétien. Après avoir utilisé les options de recherche de Google et avoir demandé à un arabophone de m’aider dans mes recherches, il s’est avéré que le cheikh n’avait jamais fait parler de lui avant cette vidéo. J’ai donc décidé de rechercher quelles sont les raisons pouvant amenant un cheikh saoudien à soutenir le géocentrisme dans une conférence universitaire. N’ayant pas pu connaître l’obédience exacte du cheikh Al-Bandar Khaibar, j’ai recherché les spécificités historico-politiques et religieuses de l’Arabie- Saoudite dont il est originaire. Après avoir pris connaissance que le wahhabisme était la religion officielle de l’Arabie Saoudite, ainsi que du pays organisant la conférence, je suis parti du postulat que le cheikh était wahhabite.
    Dans mes recherches, je n’ai pu trouver aucun néo-geocentriste militant ne revendiquant pas son interprétation par rapport à un texte sacré. Les biais d’interprétations, sophismes et manipulations des mouvements religieux sur le géocentrisme sont, dans les grandes lignes, les mêmes que l’on retrouve le plus souvent dans les mouvements voulant concilier science et religion comme le créationnisme et le dessein intelligent . Au même titre que le créationnisme n’accepte pas le dés-anthropocentrisme de l’évolution, le géocentrisme n’accepte pas le dés-anthropocentrisme de la cosmographie moderne. Le fait que l’humain ne soit plus au centre de l’univers et au centre de la création divine n’est pas accepté par les néo-géocentristes. Ils développent donc une vision téléologique de la science, ainsi que des raisonnements à rebours, interprétant des données dans le but de servir un résultat déjà prédéfini. Les tenants du géocentrisme dans le monde chrétien sont, comme nous l’avons dit en introduction, majoritairement présents aux États-Unis. Le promoteur du néo-géocentrisme le plus actif est Robert Sungenis qui, avec Rick Delano a réalisé le film The Principle (2014), basé sur le livre de Robert Sungenis et Robert Bennett « Galileo was wrong the church was wright ». Ce film est présenté comme un documentaire mettant en lumière de nouvelles observations scientifiques stupéfiantes défiant le principe copernicien, postulant qu’il n’y a aucun point de vue privilégié dans l’univers. Robert Sungenis est le fondateur et président de la Catholic Apologetics International Publishing. Le but de sa fondation et de son œuvre a donc une visée apologétique, à savoir, faire la promotion et la défense de la foi chrétienne, et non la recherche scientifique. Dans une entrevue, nous pouvons entendre Sungenis et Delano déclarer que les scientifiques de l’époque moderne 18 tel que Johannes Kepler (1571-1630), faisaient leurs recherches afin de connaître la pensée de Dieu 19.Ils poursuivent leur constat en déclarant «This days, if you talk like that, you’re crazy». Cette réflexion est anachronique et ne prend pas en compte le contexte historique dans lequel les scientifiques de l’époque modernes évoluaient. La science actuelle s’est en effet construite sur les erreurs et corrections de ce que la lecture la plus réaliste possible renvoyait. La pensée scientifique actuelle est bien loin de la pensée scientifique moderne, le plus souvent emprunte d’herméneutique, d’alchimie et d’autres croyances. Il est vrai que les qualités d’historien des deux protagonistes ne se sont pas non plus ressenties quand dans une entrevue, traitant du concile de Vatican II, convoqué en majeure partie à cause de l’affaire Galilée, l’Église devait trouver un nouveau moyen de parler au monde de cette l’affaire et de s’excuser : « Comment l’Église a-t- elle pu se tromper sur l’affaire Galilée, alors qu’elle avait raison sur tout le reste ? » 20. L’impasse est vite faite sur les échecs et erreurs consécutifs qu’a connu l’Église à propos de son récit pseudo-historique, la condamnation à mort de Giordano Bruno, la nécessité de la chasse aux sorcières, l’authenticité du suaire de Turin, celui du « miracle » du « sang » de Saint Janvier… Sungenis & Delano, tout en réduisant et maltraitant la science et ses méthodes dans un premier temps, affirment ensuite, que ce sont en fait les données scientifiques elles-mêmes qui prouvent que la Terre est au centre de l’univers. Cet effet bi-standard 21 crédite donc la science quand elle peut servir les intérêts de l’idéologie de Sungenis & Delano, mais la discrédite quand elle va à son encontre. Dans la même lignée, les deux protagonistes affirment que les données qui démontrent le géocentrisme ne sont pas les leurs, mais celles des scientifiques reconnus, comme ceux du Massachusetts Institute of Technology en partie interviewés dans leur film. D’après leurs propos, le modèle géocentrique serait donc le résultat de la science actuelle. Afin de convaincre leurs lecteurs et auditeurs, ils font ici appel à un argument d’autorité, mélangé à une technique de l’épouvantail et un reductio ad absurdum. Effectivement, le fait qu’un scientifique soit professeur dans une université réputée ne justifie pas que ses théories soient véridiques. En même temps, la position actuelle de la science est déguisée afin de nous faire accepter la position des géocentristes au détriment de celle des autres. Dans une autre entrevue dans le Chicago Tribune en 2011, nous pouvions aussi lire :
« But Sungenis said the renewed interest in geocentrism is
due, in part, to the efforts of Christians entering the scientific domain previously dominated by secularists. These Christian scientists, he said, showed modern science is without scientific foundation or even good evidence.
 »22
montrant une fois de plus, l’effet bi-standard et ou l’ignorance des propos de Sungenis à propos de la science. Enfin, nous pouvons entendre les deux protagonistes dirent que ce serait Satan qui mettrait dans la pensée des scientifiques le fait que l’on soit insignifiant (à l’échelle de l’univers)[23]. Le géocentrisme ne s’inscrit donc pas seulement dans une vision téléologique de la science mais aussi dans un contexte complotiste. Le rasoir d’Occam a donc ici bien à couper, et le contrat laïc de la science est totalement oublié. Plus que de manipuler les données scientifiques, c’est donc tout un scénario qui se met en place et enlève la possibilité à l’ensemble d’être réfuté, ne respectant plus le critère de Popper 23.
    Comme le montre une vidéo 24 filmée lors d’une conférence universitaire organisée dans l’émirat de Charjah, aux Émirats Arabes Unis, le modèle géocentrique perdure encore dans une partie des mentalités musulmanes « fondamentalistes » ayant une lecture littéraliste du Coran (« fondamental » dans le sens où est revendiqué la religion musulmane dénuée de toute Bid’a : «  innovation » condamnable du point de vue du dogme religieux 25. Dans cette vidéo nous pouvons entendre le cheikh saoudien Al-Bandar Khaibar répondre à la question de savoir si la terre est mobile ou immobile, par les arguments suivants :
    « Nous partons de l’aéroport afin de rejoindre la Chine. Si la terre tourne sur elle-même, si l’avion s’arrête sur lui-même dans les airs, la Chine devrait venir sous l’avion toute seule. Par contre, si la terre tourne dans l’autre sens, l’avion serait incapable de rejoindre la Chine, par ce que la Chine tournerait en même temps que l’avion. »
    Mes hypothèses à propos du géocentrisme wahhabite sont, en conclusion, que le géocentrisme peut encore perdurer à cause de deux principaux facteurs : d’un coté, la religion conservatrice qui caractérise l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis, joue un rôle important dans le rejet de pensées ne se conformant pas à leur idéal religieux. La science et ses apports ne sont globalement pas pas rejetés. Quand les innovations vont à l’encontre de l’interprétation qu’ils ont des textes sacrés, elles peuvent alors se voir discréditées au profit d’un attachement à la pensée des « pieux ancêtres »26. D’un autre coté, le contexte politique de tension avec les États-Unis, et de volonté d’affirmation de l’Arabie Saoudite comme leader de l’islam sunnite, crée un climat aussi propice au rejet d’idées perçues comme celles des infidèles. Mes hypothèses découlent de mon analyse, ainsi que des données que j’ai pu récolter. Je n’ai cependant pas pu tester, ni avoir la preuve de mes hypothèses qui sont difficilement expérimentables.
    Les raisons pouvant ramener le modèle géocentrique dans les mentalités fondamentalistes musulmanes s’inscrivent dans un contexte historique, religieux et politique complexe qu’il parait important de restituer.
    L’Arabie Saoudite est une monarchie absolue, dont le droit est basée sur le Coran et la Sunna selon la compréhension des compagnons de Muhammad, contemporains du prophète l’ayant rencontré qui sont de fait les premiers Musulmans. Le Coran est le livre sacré de l’islam considéré par les musulmans comme la parole d’Allah, transmise par l’archange Gabriel au prophète Muhammad. La Sunna : la « coutume » dont tout fidèle doit s’inspirer est « l’ensemble des paroles du Prophète, de ses actions et de ses jugements tels qu’ils sont fixés dans les hadith », « Théorie et pratique religieuse des musulmans réputés orthodoxes, ou sunnites 27» . La politique saoudienne est inscrite dans le mouvement wahhabite prônant une lecture littéraliste du Coran et des hadiths. Le wahhabisme est la religion officielle de l’Arabie Saoudite, du Qatar et de l’émirat de Charjah, membre des Émirats Arabes Unis. Ce mouvement salafiste idéalise les premiers siècles de l’islam comme l’âge d’or 28 de la civilisation islamique 29. La science et les savoirs acquis aux cours des siècles précédents la vie des compagnons de Muhammad, sont donc pour les musulmans wahhabites non légitimes, et seules les connaissances apportées par le Coran et les premiers Musulmans sont légitimes à leurs yeux. Les innovations d’interprétations des textes sacrés (bid’a) sont rejetées de façon radicale. Toute chose qui n’est pas explicitement autorisée par le Coran risque, dans le doute, d’être interdite. A ce titre, le chef religieux Ibn Abd al-Wahhab déconseillait d’ériger des minarets, ces derniers étant inconnus au temps du Prophète et pouvant distraire les croyants 30. En Arabie Saoudite, l’éducation publique, du primaire jusqu’à l’université n’est jamais totalement séparée de l’islam, la politique en éducation imposant parmi ses objectifs, la promotion de « la croyance en Dieu », en « l’islam en tant que mode de vie» et en « Mahomet comme messager de Dieu »31. Si l’Arabie Saoudite voit sa politique intrinsèquement liée à l’idéologie wahhabite, c’est que le royaume saoudien s’est construit sur une alliance théologico-politique entre les chefs politiques de la famille Al Saoud, et la famille du chef religieux Muhammad Ibn Abd al-Wahhab (1703-1792). La famille Al Saoud s’engageait à éradiquer les autres pensées étrangère au wahhabisme dans le royaume, en échange de quoi, l’établissement du wahhabisme sur le territoire assurerait la soumission des fidèles à la couronne saoudienne 32. Venant de plus renforcer le radicalisme des positions saoudiennes, l’Arabie Saoudite joue, dans le contexte politique international actuel, un rôle de défenseur du sunnisme, face à la crainte de l’affirmation de l’Iran chiite dans la région du moyen-orient 33.
    À cette religion caractérisée par un ultra-conservatisme, s’ajoute un autre aspect idéologique que traduit le cheikh dans sa conférence.
    Comme on le constate dans la vidéo, un anti-étasunianisme est présent dans le discours de Al-Bandar Khaibar. Officiellement, l’Arabie saoudite et les États-Unis sont alliés par le pacte Quincy depuis 1945. On constate malgré tout un rejet résultant en grande partie des conflits impérialistes tels que la guerre en Irak ou la guerre en Afghanistan, dans lesquels les États-Unis ont notamment, cherché à s’assurer un contrôle des ressources pétrolières. La politique menée par les États-Unis dans les pays arabo-musulman, ainsi que son soutien à Israël est sans nul doute , un des principaux vecteurs de l’amertume des civilisation musulmane envers les Etats-Unis 34. Dans la conférence 35, Al-Bandar Khaibar illustre cet anti-étasuinianisme lorsqu’il explique qu’il pense que l’alunissage, n’est qu’une tromperie des étasuniens et de Hollywood, afin de détourner les Musulmans de leur religion. Pour information, ce cheikh n’est pas le premier à défendre le géocentrisme en Arabie Saoudite : Dans les années 1980, un cheikh saoudien, grand mufti et président du Conseil des grands oulémas d’Arabie Saoudite du nom de Abd al-Aziz ibn Baz, défendait lui aussi le géocentrisme 36 et que la terre était plate 37. Il changea cependant d’avis lorsqu’un membre de la famille royale saoudienne ayant participé à une mission Discovery, lui explique qu’il avait vu la terre tourner. Il est important de voir qu’ici, contrairement aux principaux tenants du géocentrisme chrétien, les cheikhs ne font pas passer leur croyance sous le couvert de la science. Leurs enseignements n’ont ordinairement pas de visée scientifique. Cependa
nt, comme les textes parlent parfois de la création de l’univers, il est possible de les entendre s’exprimer sur ces sujets, en tirant leur compréhension du monde non pas de l’expérience et des savoirs universels mais des « vérités révélées », sorties du Coran. La pensée wahhabite s’attache non seulement à une lecture littéraliste des textes sacrés en rejetant les innovations d’interprétations apparues au fil des siècles, mais semble aussi vouloir s’inscrire dans la pensée des premiers musulmans. Le cheikh qualifie péjorativement de « rationaliste » 38 le physicien Mohammad al-Massari 39, à qui l’on ne doit pas donner de crédit car il défend que la terre est mobile. Il justifie sa position et ses croyances en se référant aux chiekh Abd alAziz ibn Baz et Saleh Al-Fawzan, ainsi et qu’aux textes sacrées et « à la raison » 40 Le Coran évoque les trajectoires du soleil et de la lune dans la sourate 36 :
    « et le soleil court vers un gîte qui lui est assigné; telle est la détermination du Tout-Puissant, de l’Omniscient. Et la lune, Nous lui avons déterminé des phases jusqu’à ce qu’elle devienne comme la palme vieillie. Le soleil ne peut rattraper la lune, ni la nuit devancer le jour; et chacun vogue dans une orbite. » (Ya-Sin, 38-40)
    Sans être entièrement explicite, nous pouvons comprendre que ce texte est d’inspiration géocentriste, comme l’était le paradigme général lors de son écriture. Cela justifierait donc le raisonnement pré-copernicien du cheikh, voyant la vérité dans les textes et la compréhensions qu’en avaient les premiers musulmans.    

La genèse du documentaire

    Alors que le livre « Galileo was wrong the Church was right » s’accapare des figures telles qu’Albert Einstein, le film quant à lui, recherche sa crédibilité scientifique en faisant apparaître des figures telles que le Dr Laurence Krauss (docteur en physique, professeur de physique et fondateur de la School of Earth and Space Exploration) , le Dr Michio Kaku (physicien théoricien, professeur de physique au City College of New York) et Max Tegmark (cosmologiste, professeur de physique au Massachusetts Institute of Technology).
    Une controverse est apparue après la sortie de la première bande-annonce quand les scientifiques et la voix off (Kate Mulgrew, ancienne actrice dans Star Trek Voyager) se sont exprimés sur leurs étonnement et incompréhension d’apparaître dans un documentaire « géocentrique ». Sur le site www.popsci.com, nous pouvons entendre Max Tegmark dire :
« They cleverly tricked a whole bunch of us scientists into thinking that they were independent filmmakers doing an ordinary cosmology documentary, without mentioning anything about their hidden agenda or that people like Sungenis were involved. » 41
    L’attitude générale des principaux intéressés a été de témoigner leur méconnaissance du contexte dans lequel les réalisateurs comptaient détourner leurs propos, et ont appelé l’audience à ne pas polémiquer sur le film afin de ne pas leur faire de la publicité 42. Sungenis et Delano ont répondu aux accusations en disant que personne n’avait encore vu le film et ne connaissait le propos, mais que tout le monde l’avait déjà calomnié. Pourtant, les propos géocentriques tenus par Sungenis et Delano avec les journalistes, sont souvent plus modérés et leur projet est présenté comme un simple film posant la question de la pertinence du modèle géocentrique. Sommes-nous insignifiants, ou spéciaux, au centre de l’univers ? Notre existence est-elle le fruit du hasard, ou d’une volonté divine ? Voila les questions auxquelles tente de répondre le documentaire. Tout le documentaire est donc articulé sur une question qui n’est pas d’ordre scientifique mais métaphysique, et pour lesquels des arguments scientifiques sont apportés comme réponses et arguments. La science ne répond pas à la question de pourquoi, mais de comment, ce que ne semblent pas comprendre ou savoir les personnes engagées dans ce projet. J’ai tenté d’écrire plusieurs fois à Robert Sungenis et Rick Delano par le truchement de leur site web mais ils n’ont jamais répondu à propos de leurs films ou de leurs propos et positions. Cependant, les scientifiques à qui j’ai pu écrire ne m’ont pas répondu non plus. Il a été impossible pour moi d’obtenir le film, celui-ci n’étant présenté que dans très peu de cinémas étasuniens. D’après le responsable du site www.geocentrismdebunked.org, le film connaît un faible succès et a comme but de préparer le public aux croyances de Sungenis. Cela corrobore les dires des producteurs, annonçant que ce film n’est qu’une introduction pour un prochain projet cinématographique. Analyser chacun des discours donnée par les géocentristes pourrait constituer une étude à part entière : vous en trouvez ici une liste non exhaustive, mais suffisamment explicite à la compréhension des biais majeurs que l’on retrouve dans les propos tenus par les néo-géocentristes.

Conclusion

    Le principal enseignement que nous apprend la science est l’humilité intellectuelle. Nous savons maintenant que nos sens, notre logique, notre expérience du quotidien ou nos croyances sont souvent biaisées. Comme nous l’avons vu, la science s’efforce de nous soustraire, au maximum, de notre condition d’humain et de nos limites afin d’obtenir une vision objective et universelle du monde. Même si les aspects théoriques ne sont pas dans mon propos, il est important de souligner que la science est aussi faite pour être remise en cause et que nos théories et modèles les plus solides, le sont grâce à leurs résistances face à ces remises en question. Pouvoir critiquer les théories est la meilleure façon de prouver leurs crédibilités. Cependant, les acteurs majeurs du néo-géocentrisme ne critiquent quasiment jamais la théorie, mais orientent et manipulent les données à des fins idéologiques tout en donnant un sens finaliste à la science. Enfin si cela n’avait pas encore était clair, je tiens à préciser que la croyance au géocentrisme ne touche qu’une partie marginale du monde musulman et chrétien. Le modèle néo-géocentrique se place de plus, contre l’observatoire du Vatican, et certains sites chrétiens créationnismes, ou partisans de l’intelligent design déconstruisent eux aussi leurs arguments comme pseudo-science. Le néo-géocentrisme soutenu par les chrétiens fondamentalistes est cependant largement plus préjudiciable que le géocentrisme soutenu par une partie de l’islam, en cela qu’il se présente comme compétant en la matière et agit le plus souvent sous le couvert de la science qu’ils instrumentalisent. De plus, ils sont foncièrement engagés dans leurs prêches et n’hésitent pas à faire des conférences et financer des films, alors que les cheikhs saoudiens ne s’expriment qu’aléatoirement sur ces sujets. L’adhésion aux différentes croyances reste un choix personnel, et le préjudice à croire que la Terre occupe une place ayant un sens dans l’univers peut en effet être relativisé. Cependant, il est important pour la communauté scientifique de dénoncer, et de ne pas accepter les discours pseudo-scientifiques mêlant science et religion, qui pourrait laisser croire aux gens une équivalence entre les deux discours sur le plan explicatif, et réduirait grandement sa liberté.

Bibliographie

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Webographie

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