Masaru Emoto était un chercheur autodidacte japonais, diplômé en « médecine alternative » par l’Open International University for Alternative Medicined’Inde, qui affirmait l’existence d’effets de la pensée et des émotions sur l’eau. Au moyen d’études pour le moins étranges, qu’il n’a ni reproduit sous contrôle, ni publié dans une revue scientifique à comité de lecture, il avançait (car il est décédé en 2014) e qu’on peut changer la structure de l’eau, et créer des cristaux particuliers, simplement en écrivant sur la bouteille des émotions, comme amour, haine, etc. Hélas, la notoriété de ses travaux dépasse largement leur qualité. Il aura été jusqu’au bout président de l’institut de recherche d’IHM Corporation, ainsi que président du Project of Love and Thanks to Water, et son mouvement prend des contours de plus en plus nébuleux.
Au printemps 2012, à l’Université de Grenoble, nous avons tenté avec un groupe d’étudiantes de reproduire avec rigueur ses affirmations.
Rappel
Cela faisait un certain temps que cette « théorie » revenait comme un refrain, à plus forte raison lors de l’écriture de Quantox. J’avais en mémoire l’extrait de What the [bleep] do we know, ce documentaire New Age retentissant, où l’on voit présentés Emoto et ses messages d’amour, au travers d’une exposition de photographies de cristaux d’eau et un commentaire déclamant en substance :
« Si une telle action est possible sur l’eau (sachant que notre corps est composé de 95% d’eau) imaginez l’action possible que cela pourrait représenter sur nous-mêmes. »
Avec des si, on peut dire beaucoup de choses. Et c’est le physicien mystique Amit Goswami, connu pour ses tentatives de réconciliation de la science avec l’Advaita Vedanta1 et la Théosophie2, qui vient conclure ainsi :
« Mais si la réalité est constituée par les possibilités de ma conscience (…) je peux créer moi-même la réalité. Cela peut sembler une théorie nébuleuse d’un adepte du New Age qui ne comprend rien à la physique. Mais c’est ce que nous enseigne la mécanique quantique ».
Avec des si, on mettrait l’eau d’Emoto en bouteille.
Dans mon unité d’enseignement Zététique & autodéfense intellectuelle de l’Université de Grenoble (ici), les étudiants ont pour tâche d’étudier les théories controversées. En mai 2012, quatre étudiantes, Emmanuelle Baffert, Samantha El Hamaoui, Manon Frances et Coline Verluise ont retroussé leurs manches et se sont attelées à la besogne : retrouver les détails de protocole de Masaru Emoto, et tester son affirmation centrale avec tout le soin requis.
La première phase fut éminemment complexe, puisque M. Emoto n’a donné aucun détail précis, et n’a pas publié ses recherches ailleurs que dans ses livres grand public, en particulier Le message de l’eau (1999). La seconde a nécessité patience et circonspection. Le tout fait l’objet d’un article en cours de publication. En attendant, un document vidéo a été réalisé qui donne quelques détails pertinents.
Gardons bien à l’esprit que les affirmations d’Emoto sont reprises partout, tant dans la gamme des médecines « quantiques » que dans certaines théories pour le moins problématiques, comme la galvanoplastie spirituelle de la Fraternité Blanche Universelle : selon certains, les images mentales se transmettraient au fœtus par l’eau selon la théorie de l’eau-cristal, justement de Masaru Emoto3.
Gageons qu’ils sauront revenir sur leurs propos si la théorie se révèle fausse.
Richard Monvoisin
PS : Masaru Emoto est décédé, en octobre 2014, après ce travail.
1C’est l’une des six écoles de la philosophie hindoue orthodoxe.
2La théosophie est une branche métaphysique relancée vers 1875, basée sur la communication avec les Esprits Invisibles et fondée sur un syncrétisme à base de traditions de l’hindouisme et du bouddhisme. Pour en savoir plus, on lira R. Mahric & E. Besnier, Le New Age, son histoire, ses pratiques, ses arnaques, Castor Astral (1999).
3Dans Bertin M-A., La prévention la plus fondamentale, l’éducation prénatale créatrice, journée » Pédiatrie » du Centre d’Études Homéopathiques de France, Paris, 12 janvier 2002. Pour en savoir plus, j’avais écrit ici Petite histoire fraternelle, blanche et universelle, Publication de l’Observatoire Zététique (POZ) N°36.