La Kinésiologie Appliquée à l'épreuve du CorteX

La Kinésiologie Appliquée à l’épreuve du CorteX


La Kinésiologie Appliquée (Applied kinesiology ou AK) est une méthode prétendument diagnostique et thérapeutique créée par George J. Goodheart en 1964. Cette méthode est basée sur un mélange de principes empruntés entre autres à la chiropraxie (manipulation de l’appareil locomoteur) dont l’efficacité est discutée (1) et de concepts énergétiques empruntés à la médecine traditionnelle chinoise (particulièrement les supposés méridiens et la notion de Qi). Le postulat de départ est un des grands classiques vitalistes : le corps serait en permanence traversé d’un flux d’énergie curative, et ce seraient les blocages lors du passage de ce flux qui seraient cause des maladies. Ces blocages proviendraient essentiellement de traumatismes physiques, psychologiques, ou les deux, s’engrammant dans toutes les cellules de notre corps et créant en quelque sorte une mémoire. Une palpation des diverses chaînes musculaires permettrait non seulement de mettre en évidence ces blocages, mais également de les résoudre.

En 2007, les étudiants de l’UE Esprit Critique du Master de l’UFR Pharmacie de Grenoble ont établi un protocole sous les directives de R. Monvoisin et C. Routaboul visant à vérifier la capacité diagnostique du Test Musculaire (TM). Celui-ci serait un outil capable de déterminer l’intensité du stress dans le corps. Il est la base de l’essentiel de la Kinésiologie Appliquée. Par manque de temps, cette expérience n’avait pas pu être mise en place (cf. annexes).

En 2011, A. Madelon, A, Mourier, A. Pelloux & J. Tournier, étudiants de l’UE Zététique & autodéfense intellectuelle de R. Monvoisin ont ressorti le « Dossier K » dans le but de réaliser l’expérience, avec l’aide de N. Pinsault, enseignant-chercheur de l’Ecole de Kinésithérapie de Grenoble.

Elle consistait à tester la capacité d’un expert kinésiologue retrouver une substance « nuisible » pour le patient selon le principe suivant : selon la CorteX_Protocole_schema_merid« théorie », cette substance empalmée affaiblirait le tonus musculaire du deltoïde controlatéral, tandis qu’une substance « neutre » n’aurait aucun effet sur ledit tonus musculaire.

L’hypothèse que nous avons testée est la suivante : un kinésiologue confirmé peut-il retrouver par le TM une substance certifiée comme mauvaise pour le patient (allergène, acide sulfurique…) parmi 9 fioles au contenu explicitement neutre pour l’organisme (du sucre par exemple) lors d’un protocole avec « test en blanc », randomisation et double-aveugle ? Pour réaliser cette expérience, nous avons fait appel à l’un des deux plus importants formateurs en Kinésiologie Appliquée de France (qui tint à garder l’anonymat, et sera appelé « Monsieur K« ), qui valida les conditions expérimentales et les critères d’évaluation. La patiente, quant à elle, avait une allergie attestée scientifiquement par un médecin allergologue. Avant de débuter l’expérience, le kinésiologue indiquait qu’il ressentait bien l’allergène, avec des fioles au contenu connu.

 

 

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TM positif : Monsieur « K » durant l’expérience, 15 avril 2011

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TM négatif : Monsieur « K » durant l’expérience, 15 avril 2011

En prenant pour seuil de significativité p <0,01, 15 essais auraient nécessité un nombre de réussites de 5 (2).

Sur 15 essais, le kinésiologue n’a retrouvé aucune des fioles allergènes.

Dans le cadre de cette expérience, le Test Musculaire utilisé pour trouver une substance allergène pourtant avérée par l’expert kinésiologue, ne s’est pas présenté plus efficace que le hasard dans le cadre d’une expérimentation randomisée et en stricte double aveugle.

Chose étrange mais prévisible : l’échec patent n’a pas entraîné chez le thérapeute de changement dans sa pratique. Il reste néanmoins ouvert pour tenter des protocoles différents, en changeant de substance placebo, de substance allergène, et en multipliant les patients comme les thérapeutes. En attendant, le TM, socle de la thérapie, attend toujours et depuis longtemps de faire ses preuves.

Affaire à suivre…

A. Madelon, R. Monvoisin, N. Pinsault, J. Tournier

Annexes

Merci à Guillemette REVIRON, Denis CAROTI, Christel ROUTABOUL & Victor FORMUSO.

(1)   Ernst E.,  Canter PH., A systematic review of systematic reviews of spinal  manipulation, J R Soc Med. 2006 Apr;99(4) pp. 192-6. .

(2) Voir l’excellent logiciel Prozstat, réalisé par Stanislas Antczak et Florent Tournus, de l’Observatoire Zététique.