Les médias utilisent l’intérêt du public pour les questions psy, ce qui leur permet de faire de l’audience et des ventes importantes. Le représentant de Psychologies Magazine ne se cache pas pour dire que le mal être des gens, et plus particulièrement des femmes, constitue son fond de « commerce » !
Ces émissions et ces revues abordent les sujets psy de façon superficielle et souvent réductrice. Elles font entrer dans le langage populaire des concepts empruntés à la psychanalyse et dont tout le monde croit connaître le sens.
La vigilance critique devrait, à mon sens, guider l’écoute et la lecture de cette presse psycho-pop. Notamment apprenons à détecter le « rapt des concepts », en particulier ceux qui sont issus de la psychanalyse : complexe d’Œdipe, refoulement, lapsus révélateurs, actes manqués, etc. et surtout l’inconscient, comme la clé d’interprétation de toutes les manifestations d’ordre « psychique ».
Ces médias propagent par ailleurs des approches pseudo-scientifiques telles que celles de Jacques Salomé, la psychogénéalogie, les thérapies de la « mémoire retrouvée » et toute la vague des thérapies « New Age », et des méthodes contestables et contestées, telles que la PNL (Programmation Neuro-Linguistique), l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing), l’hypnose, l’imagerie guidée, la communication facilitée (CF), la canalisation, etc. Quand on entend ou lit des termes issus du vocabulaire scientifique et utilisés hors de leur contexte, tels que « quantique », « énergie », « hologramme », une méfiance redoublée serait de mise.
La place privilégiée de la psychanalyse dans la société française.
L’une des raisons qui donne à la psychanalyse cette première place dans l’interprétation des comportements et des troubles psychologiques est peut-être le fait qu’elle a été enseignée dans les classes terminales des lycées et a constitué le socle des cursus universitaires de philosophie et de psychologie.
Une autre raison est, de mon point de vue, l’icône de Sigmund Freud, considéré dans son domaine à l’égal de Copernic en astronomie, d’Einstein en physique ou de Darwin en biologie, comme Freud lui-même se plaisait à le dire, en qualifiant la psychanalyse de « troisième révolution » dans le monde des idées.
Contester l’image ou les théories de Freud est en France un sujet relativement tabou. Les tentatives récentes des auteurs du Livre Noir de la psychanalyse, de Jacques Bénesteau ou de Michel Onfray, ont du mal à s’imposer dans l’opinion. Contester Freud est encore chez nous un sacrilège et souvent taxé d’antisémitisme.
Ceci n’est plus le cas dans le reste du monde, à l’exception notable de l’Argentine.
Vous pouvez remarquer qu’à chaque accident grave : attentat, catastrophe naturelle ou phénomène social, les médias font appel au psychanalyste de service et non à un psychologue, pour commenter et préconiser des solutions d’aide psychologique aux victimes.
La prétention de la psychanalyse à tout expliquer a conduit depuis qu’elle existe à n’attribuer qu’une seule cause à toutes sortes de pathologies, dont on n’a pas encore l’explication scientifique. C’est le cas en particulier de l’autisme, dont la responsabilité a été attribuée, depuis les pseudo-travaux de Bruno Bettelheim, à la « mère-réfrigérateur », concept dû à Léo Kanner et aussi sexiste que… faux. Fort heureusement aujourd’hui, les progrès de la génétique, des moyens d’investigation comme l’IRM (Imagerie par Résonance Magnétique), ont envoyé ce concept à la poubelle. Mais ces théories fumeuses guident encore les psychiatres adeptes du packing, cette sorte de camisole glacée utilisée pour des enfants, et empêchent le développement des thérapies comportementales comme le traitement ABA (Applied Behavioral Analysis).
La psychanalyse s’est attribué une place de choix en psychothérapie, malgré les preuves apportées aujourd’hui que Freud a falsifié ses résultats et dissimulé ses échecs thérapeutiques, comme celui de l’homme aux loups, par exemple. La psychanalyse prétend donner aux troubles psychologiques une seule explication : les traumatismes sexuels, qui auraient été subis dans l’enfance. Elle incite les patients à creuser dans le passé pour retrouver la cause de leurs difficultés actuelles. Une cure psychanalytique peut durer des années. À l’inverse, les thérapies cognitivo-comportementales (TCC), dites brèves, sont fondées sur les connaissances issues de la psychologie scientifique. Le thérapeute intervient sur les processus mentaux ou cognitifs, conscients ou non, considérés comme à l’origine des émotions et de leurs désordres, pour changer le comportement du patient. Comme l’a dit Jacques Van Rillaer, lorsque le patient est au fond du trou, mieux vaut lui donner une échelle pour en sortir qu’une pelle pour le creuser !
Les thérapies cognitivo-comportementales ont du mal à être reconnues malgré leur efficacité supérieure à celle de la psychanalyse. Le rapport de l’INSERM, publié en 2004, en a apporté la preuve, mais il a été retiré du site du Ministère de la Santé sous la pression des écoles psychanalytiques (1). Depuis 2004, l’encadrement de la profession de psychothérapeute a fait l’objet d’un projet de loi, finalement publié en 2010 avec des amendements, pour protéger surtout la pratique des psychanalystes, qui sont dispensés du cursus universitaire. Richard Monvoisin a fait remarquer que, pour devenir psychanalyste, il suffit en gros d’avoir fait soi-même une psychanalyse. Comme si de s’être fait soigner les dents chez un dentiste procurait la connaissance et le droit d’exercer le métier de dentiste !
Les thérapies de la « mémoire retrouvée »
Elles sont fondées sur la théorie de la séduction de Freud, qui a précédé celle du complexe d’Œdipe. Les thérapeutes adeptes de la « mémoire retrouvée » n’ont qu’une seule théorie : les difficultés existentielles du patient n’ont qu’une seule cause, un abus sexuel subi dans l’enfance, que l’inconscient aurait « refoulé » pour protéger la « victime ». Retrouver le souvenir de l’abus permettrait seul la « guérison ». Dans ce contexte, le thérapeute exerce sur le patient une pression psychologique pour lui faire accepter cette cause. Une partie de ces patients finit par accepter cette explication à son mal être et retrouver des « souvenirs enfouis » d’abus sexuel.
Comment être sûr que ces souvenirs sont vrais ou faux ? Quels indices permettent de faire la différence entre vrais souvenirs et faux souvenirs ? Sans corroboration extérieure, vous ne pouvez pas faire la différence. Les vrais souvenirs comme les faux peuvent comporter les mêmes détails et être exprimés avec confiance et émotion. Elizabeth Loftus a montré que la mémoire est malléable et ne fonctionne pas comme une bande magnétique ou le disque dur d’un ordinateur, elle reconstruit en permanence les souvenirs. Plusieurs expériences, menées par elle et son équipe de chercheurs, en apportent la preuve : « Bugs Bunny à Disneyland », « Perdu dans un centre commercial », etc. La mémoire est donc sujette à manipulation par des thérapeutes convaincus du bien-fondé de leur théorie. Richard McNally, professeur à Harvard, a montré que la théorie du refoulement n’a jamais pu être prouvée, Daniel Schacter, professeur à Harvard lui aussi, fait remarquer et que les traumatismes violents subis dans les camps de concentration ou dans les conflits ne sont pas oubliés.
Quand un patient consulte un psychothérapeute, il est fragilisé, a besoin d’aide, et espère guérir de son mal être. Il lui sera difficile de se rendre compte qu’il est manipulé, si c’est le cas. La théorie de l’engagement l’incite toujours à continuer sa thérapie avec le même thérapeute, dans l’espoir que l’effort commencé portera ses fruits.
Il est quasiment impossible de différencier d’entrée de jeu un psychothérapeute des « faux souvenirs » d’un autre. Il peut être psychiatre, médecin, psychanalyste, psychothérapeute reconnu ou auto-proclamé. Les psys qui dénoncent chez les autres la méthode des faux souvenirs, alors qu’ils la pratiquent eux-mêmes, prétendent que les souvenirs qu’ils amènent leurs patients à retrouver sont vrais.
En conclusion, s’informer et garder son esprit critique sont les principales armes pour déjouer les pièges des psycho-pop.
Brigitte Axelrad
(1) Complément : lien vers l’article d’Esteve Freixa, qui se trouve également dans le hors-série Psychanalyse de Science & Pseudosciences N°293, décembre 2010. Et pour se rappeler de la génèse de la vindicte contre le rapport Inserm, on pourra lire cet article d’E. Faverau dans Libération de 22 février 2005.
Note : Brigitte Axelrad, parmi moult productions disponibles sur Sciences & pseudosciences ou sur le site de l’Observatoire Zététique, a écrit chez book-e-book.com l’ouvrage « Les ravages des faux souvenirs, ou la mémoire manipulée » (2010).