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Economie – le Capital de Marx et Engels en Manga

Jolie découverte que cette adaptation du Capital de Marx & Engels en… Manga ! Deux tomes, sortis début 2011.

On doit ce beau travail de vulgarisation à l’éditeur japonais East Press, qui a adapté l’œuvre maîtresse de Marx à la fin 2008 pour la vulgariser, en l’illustrant avec l’histoire de Robin, vendeur de fromages sur un marché, qui rencontre un investisseur et entre avec lui dans l’engrenage de l’industrie capitalistique. Plus-value, capital, monnaie et crise sont expliqués de manière simple et claire.
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Le Capital, Karl Marx, Soleil Manga, 6,95 euros le tome.

À commander bien sûr chez votre petit libraire préféré, plutôt qu’aux grandes centrales d’achat.

Et pour une autre introduction « douce » à la critique de la théorie économique capitaliste, voir « La parabole du réservoir d’eau« , d’Edward Bellamy.

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Economie – La parabole du réservoir d’eau de Bellamy

Il était une fois un pays très sec, dont les habitants manquaient cruellement d’eau. Et ils ne faisaient rien d’autre que de chercher de l’eau, du matin au soir. Beaucoup mouraient parce qu’ils n’en trouvaient pas.

Cependant, certains hommes, dans ce pays, étaient plus rusés et diligents que les autres. Et ils s’étaient procuré des quantités d’eau là où d’autres n’en avaient pas trouvé. Et on appelait ces hommes les capitalistes. Il advint que les habitants de ce pays s’en furent trouver les capitalistes et les prièrent de leur donner un peu de l’eau qu’ils s’étaient procurée, pour qu’il puissent boire, puisqu’ils mouraient de soif. Mais les capitalistes leur répondirent :

« Allez-vous-en, gens stupides! Pourquoi devrions-nous vous donner de l’eau que nous avons, et devenir comme vous êtes, et mourir avec vous. Mais voici ce que nous allons faire pour vous. Soyez nos serviteurs, et vous aurez de l’eau.  »

Et les habitants dirent :

« Donnez nous donc à boire, et nous serons vos serviteurs, nous et nos enfants. »

Et il en fut ainsi.

Les capitalistes étaient des hommes intelligents et avisés. Ils organisèrent ceux qui les servaient en brigades, avec des chefs et des contremaitres, affectés, pour certains, à sonder les sources, d’autres à transporter l’eau, d’autres enfin à chercher de nouvelles sources. Et toute l’eau fut rassemblée en un seul endroit. Les capitalistes construisirent un grand réservoir pour la contenir, et le réservoir fut appelé Le Marché, car c’est là que les gens, y compris les serviteurs des capitalistes, venaient s’approvisionner en eau. Et les capitalistes dirent au gens :

 « Pour chaque seau d’eau que vous nous apporterez, pour le verser dans le réservoir, qui est Le Marché, voici que nous vous donnerons un sou, mais pour chaque seau que nous en retirerons pour vous donner à boire, à vous, à vos femmes et à vos enfants, vous nous donnerez deux sous, et la différence sera notre bénéfice, car sans cela nous ne le ferions pas pour vous et vous devriez tous mourir.  »

 

Et c’était bien ainsi, aux yeux du peuple, car il manquait de discernement. Et les gens s’activèrent à remplir le réservoir jour après jour, et pour chaque seau, les capitalistes payaient à chacun un sou, alors que pour chaque seau fourni au peuple, deux sous revenaient aux capitalistes.

Et après plusieurs jours le réservoir d’eau, dit Le Marché, déborda, du fait que pour chaque seau versé, les gens ne recevaient que de quoi acheter un demi seau. Et à cause de l’excédent laissé à chaque seau, le réservoir d’eau débordait car les gens étaient nombreux, alors que les capitalistes étaient rares et ne pouvaient pas boire plus que les autres. En conséquence de quoi le réservoir d’eau débordait.


Et quand les capitalistes virent l’eau
déborder, ils dirent aux gens :

« Ne voyez-vous pas que le réservoir d’eau, qui est Le Marché, déborde ? Asseyez-vous donc, et soyez patients. Cessez d’apporter de l’eau jusqu’à ce que le réservoir soit vide. »

Mais quand les gens ne reçurent plus les sous des capitalistes pour l’eau qu’ils apportaient, ils ne purent plus acheter de l’eau aux capitalistes, n’ayant pas de quoi acheter. Et quand les capitalistes virent qu’ils ne faisaient plus de bénéfice, car plus personne n’achetait de l’eau, ils furent troublés. Et ils envoyèrent des hommes sur les routes, les chemins et les haies, en criant :

« Si quelqu’un a soif, qu’il vienne au réservoir d’eau nous acheter de l’eau, sinon elle va déborder »

Et ils se dirent :

« Voici que les temps sont durs, il faut faire de la publicité ».

Mais le peuple répondit, en disant :

« Comment pouvons-nous acheter si vous ne nous employez pas, sinon comment allons-nous avoir de quoi acheter? Employez-nous donc comme avant et nous serons heureux d’acheter de l’eau, car nous avons soif, et vous n’aurez pas besoin de faire de la publicité.« 

Mais les capitalistes dirent au peuple :

« Allons-nous vous embaucher pour apporter de l’eau, alors que le réservoir, qui est Le Marché, déborde déjà ? Achetez-nous donc d’abord de l’eau, et quand vous aurez vidé le réservoir avec vos achats, nous vous embaucherons à nouveau. »

Et ainsi, du fait que les capitalistes ne les employaient plus pour apporter de l’eau, les gens ne pouvaient pas acheter l’eau qu’ils avaient déjà apporté, et du fait que les gens ne pouvaient acheter l’eau qu’ils avaient déjà apporté, les capitalistes ne pouvaient plus les employer à apporter l’eau . Et on se mit à dire partout : « C’est la crise. »

Le peuple mourait de soif. Il n’en allait plus maintenant comme du temps de leurs pères, quand les terrains étaient libres et quand chacun pouvait librement chercher de l’eau pour lui-même. Là, les capitalistes avaient pris toutes les sources, et les puits, et les roues à eau, et les récipients, et les seaux, de sorte que personne ne pouvait se procurer de l’eau du réservoir d’eau, qui était Le Marché. Alors le peuple murmura contre les capitalistes et dit :

« Voici que le réservoir est à sec, et que nous mourons de soif . Donnez-nous donc de l’eau, pour que nous ne périssions pas. »

Mais les capitalistes répondirent :

« Que nenni. L’eau est à nous. Vous ne boirez pas, à moins que vous n’achetiez à boire avec vos sous. »

Et ils le confirmèrent par serment, disant, à leur manière : « Les affaires sont les affaires. »

Mais les capitalistes étaient inquiets de ce que les gens n’achetaient plus d’eau, dont il résultait qu’ils ne faisaient plus de profit, et ils parlaient entre eux en disant :
« Il semble que nos bénéfices ont bloqué nos bénéfices, et du fait des bénéfices que nous avons faits, nous ne pouvons plus faire de bénéfices. Comment se fait-il que nos profits ne soient plus profitables pour nous, et que nos gains nous rendent pauvres ? Allons interroger les devins, pour qu’ils nous éclaircissent sur ce mystère. »
Et ils les envoyèrent chercher.

Les devins étaient gens experts en énonciations sibyllines. Ils s’associèrent aux capitalistes pour profiter de leur eau, et survivre, eux et leurs enfants. Et ils parlaient au peuple au nom des capitalistes, et se faisaient leurs ambassadeurs, voyant que les capitalistes n’étaient pas gens à comprendre vite ni à parler volontiers.

Et les capitalistes exigèrent des devins qu’ils leur expliquent comment il se faisait que les gens ne leur achetaient plus d’eau bien que le réservoir fut plein. Et certains des devins répondit et dirent : « C’est en raison de la surproduction. » Et les uns disaient : « C’est la surabondance. » Mais la signification des deux mots est la même. Et d’autres disaient : « Non, mais c’est le résultat des taches sur le soleil. » Et d’autres encore répondaient, en disant : « Ce n’est ni en raison de surabondance, ni encore des taches sur le soleil, que le mal est arrivé, mais en raison du manque de confiance. « 

Et tandis que les devins confrontaient leurs interprétations, les hommes de profit étaient saisi de somnolence et s’endormaient, et quand ils se réveillèrent, ils dirent aux devins :

« C’est assez. Vous vous êtes exprimés à votre aise. Maintenant, allez et parlez à votre aise au peuple, afin qu’ils se calment et nous laissent aussi en paix . »

Mais les devins, hommes à la science funeste, comme on les appelait aussi, furent réticents à aller vers le peuple de peur d’être lapidés, car les gens ne les aimaient pas. Et ils dirent aux capitalistes :

« Maîtres, c’est un mystère de notre métier que si les hommes sont repus, désaltérés et paisibles, alors ils trouvent du réconfort dans notre discours, comme vous. Mais s’ils ont soif et faim, ils n’y trouvent aucun réconfort, mais plutôt des raisons de se moquer, car il semble que si un homme n’est pas repu, notre sagesse n’est pour lui que du vide ».

Mais les capitalistes dirent : « Hardi, en avant. N’êtes-vous pas nos hommes désignés pour être nos ambassadeurs?

Et les devins se dirigèrent vers le peuple et leur expliquèrent le mystère de la surproduction, et comment il se faisait qu’ils devaient périr de soif parce qu’il y avait trop d’eau, et comment il ne pouvait pas y en avoir assez parce qu’il y en avait trop. Et ils leurs parlèrent aussi des taches du soleil, et leur expliquèrent comment tout ce qui leur était arrivé venait de leur manque de confiance. Mais tout se passa comme les devins avaient dit, car pour le peuple leur sagesse n’était que du vide. Et le peuple les maudit, en leur disant :

« Allez vous faire voir, têtes d’œufs ! Est ce que vous vous moquez de nous ? Est-ce que l’abondance produit la famine ? Est-ce que beaucoup ne donne rien ? »

Et ils prirent des pierres pour les lapider.

Les capitalistes, voyant que les gens du peuple murmuraient encore, et n’écoutaient pas les devins, et craignant qu’ils n’attaquent le réservoir pour s’emparer de l’eau, leur envoyèrent de saints hommes (en fait de faux prêtres), qui les exhortèrent au calme et leur demandèrent de ne pas s’en prendre aux capitalistes parce qu’il avaient soif. Et ces saints hommes, qui étaient de faux prêtres, assurèrent au peuple que ce fléau leur avait été envoyé par Dieu pour le salut de leur âme, et que s’ils l’enduraient avec patience, sans convoiter l’eau, ni s’en prendre aux capitalistes, il adviendrait qu’après avoir rendu l’âme, ils arriveraient dans un pays sans capitalistes, où l’eau serait abondante. Cependant, il y avait aussi de vrais prophètes de Dieu, qui ne prophétisaient pas pour le compte des capitalistes, mais plutôt contre eux.

Les capitalistes virent que le peuple murmurait encore et s’attroupait sans être calmé par les gouttes dont ils les aspergeaient du bout de leurs doigts trempés dans l’eau qui débordaient du réservoir, et le nom des gouttes d’eau était La Charité, et elles étaient très amères.

Et quand les capitalistes virent que ni les paroles des devins, ni celles des saints hommes qui étaient faux prêtres, ni les gouttes appelées La Charité ne calmaient le peuple, qui était de plus en plus en colère et se pressait autour du réservoir comme pour s’en emparer, ils réunirent un conseil et dépêchèrent des émissaires auprès du peuple et aussi tous ceux qui étaient de bons guerriers, ils les prirent à part et leur dirent habilement :

 » Et si vous rejoigniez les capitalistes? Si vous vous mettez à leur service contre le peuple pour qu’ils ne s’emparent pas du réservoir, vous aurez de l’eau en abondance et ne périrez pas, vous et vos enfants. « 

Et les hommes forts et les guerriers aguerris furent convaincus par ce ce discours, se laissèrent persuader, poussés par la soif, se mirent au service des capitalistes, devinrent leurs hommes, furent équipés en bâtons et épées, se firent les défenseurs des capitalistes, et frappèrent les gens qui s’approchaient du réservoir.

Au bout de plusieurs jours le niveau de l’eau avait baissé dans le réservoir, car les capitalistes utilisaient l’eau pour des fontaines et des bassins où ils se baignaient avec femme et enfants et ils gaspillaient l’eau pour leur plaisir.

Quand les capitalistes virent que le réservoir était vide, ils dirent : « La crise est terminée » et ils allèrent embaucher des gens pour apporter de l’eau et le remplir de nouveau. Et pour chaque seau qu’ils apportaient ils recevaient un sou, mais pour le seau que les capitalistes tiraient du réservoir pour le redonner aux gens, ils recevaient deux sous, pour faire leur bénéfice. Au bout d’un certain temps, le réservoir débordait à nouveau comme avant.

Alors, lorsque le peuple eut rempli le réservoir jusqu’à ce qu’il déborde, et se retrouva assoiffé jusqu’à ce que l’eau contenue ait été gaspillée par les capitalistes, il advint que surgirent dans ce pays des hommes qu’on appela des agitateurs car ils soulevèrent le peuple. Et ils s’adressèrent au peuple, en disant qu’ils devraient s’associer, et qu’ainsi ils n’auraient plus besoin d’être des serviteurs des capitalistes, et ne mourraient plus de soif. Aux yeux des capitalistes les agitateurs étaient des individus néfastes, qu’ils auraient bien vus crucifiés, sans oser le faire par peur du peuple.

Et les agitateurs, lorsqu’ils parlaient au peuple, leur disaient ceci :

« Peuple stupide, combien de temps te laisseras-tu tromper par un mensonge et croiras-tu, pour ton malheur, ce qui n’est pas ? Car toutes ces choses qui t’ont été dites par les capitalistes et les devins sont des fables habilement conçues. Et de même, les saints hommes, qui disent que c’est la volonté de Dieu que vous devez toujours être pauvres, misérables et assoiffés, ils blasphèment Dieu et sont des menteurs. Il les jugera sévèrement et Il pardonnera à tous les autres. Comment se fait-il que vous ne puissiez vous procurer de l’eau dans le réservoir ? N’est-ce pas parce que vous n’avez pas d’argent ? Et pourquoi n’avez-vous pas d’argent ? N’est-ce pas parce que vous ne recevez qu’un seul sou à chaque seau que vous porter au réservoir, qui est Le Marché, mais que vous devez rendre deux sous pour chaque seau que vous retirez, pour que les capitalistes puissent toucher leur bénéfice ? Ne voyez-vous pas, comment le réservoir doit ainsi nécessairement déborder, rempli à la mesure de ce dont vous manquez, abondé de votre manque ? Ne voyez vous pas également que plus durement vous travaillerez, plus diligemment vous rechercherez et apporterez l’eau, plus les choses iront de mal en pis et non de mieux en mieux, tout cela à cause du profit, et cela pour toujours ? »

C’est ainsi que les agitateurs parlèrent pendant plusieurs jours au peuple sans être entendus, mais il vint un temps où le peuple écouta. Et il répondit aux agitateurs :

« Vous dites la vérité. C’est à cause des capitalistes et de leurs bénéfices que nous sommes dans le besoin, vu que en raison de leur profit, on ne peut en aucun cas retrouver les fruits de notre travail, de sorte que notre travail est vain, et plus nous peinons à remplir le réservoir, plus vite il déborde, et l’on peut ne rien recevoir, car il y a trop, selon les mots des devins. Les capitalistes sont des hommes durs, et leurs compassions sont cruelles. Dîtes-nous si vous savez comment nous pouvons nous délivrer de notre servitude. Mais si vous ne connaissez pas de moyen certain de nous délivrer, nous vous prions de vous tenir en paix, et nous laisser seuls, pour que nous puissions oublier notre misère. »

Et les agitateurs répondirent en disant : « Nous connaissons un moyen ».
Et le peuple dit :

« Ne nous trompez pas, comme il en a été depuis le début, et personne n’a trouvé de moyen de nous délivrer jusqu’à présent, bien que beaucoup aient essayé désespérément. Mais si vous connaissez un moyen, dîtes-le-nous ».

Alors, les agitateurs leur dirent le moyen :

«A la vérité, quel besoin avez-vous de tous ces capitalistes, à qui vous devez céder les bénéfices pris sur votre travail ? Pour quels grands faits leur payez-vous ce tribut ? Eh bien ! Ce n’est que parce qu’ils vous commandent en équipes et vous font aller et venir, fixent vos tâches, et puis vous donnent un peu de cette eau que vous, et non pas eux, avez apporté. Or, voici le moyen de sortir de cette servitude ! Faites pour vous-mêmes ce qui est fait par les capitalistes, à savoir l’organisation de votre travail, le commandement de vos équipes, et la division de vos tâches. Ainsi vous n’aurez aucun besoin des capitalistes, ni de leur rétrocéder le moindre profit, mais tout le fruit de votre travail doit vous revenir entre frères, chacun ayant la même part. Et ainsi le réservoir ne débordera plus jamais jusqu’à ce que chaque homme soit rassasié, sans avoir besoin de remuer la langue pour réclamer plus, et ensuite le débordement fera fontaines agréables et étangs pour votre plaisir, comme le firent pour eux les capitalistes, mais cette fois pour le plaisir de tous ».

Et le peuple répondit : « Comment allons-nous faire cela, qui nous semble excellent pour nous? »
Et les agitateurs répondirent :

« Choisissez-vous des hommes modestes pour aller et venir, pour commandez vos équipes et organiser votre travail, et ces hommes seront les capitalistes, mais attention, ils ne doivent pas être vos maîtres comme les capitalistes le sont, mais vos frères et vos officiers qui feront votre volonté, et ils ne prendront pas de bénéfices, mais chaque Homme aura sa part comme les autres, de sorte qu’il n’y ait pas de maîtres et de serviteurs parmi vous, mais seulement des frères. Et, de temps en temps, comme bon vous semblera, vous choisirez d’autres hommes modestes à la place des premiers pour organiser le travail. »

Et le peuple écouta, et cela lui paraissait bon. En plus, cela ne semblait pas difficile. Et d’une seule voix ils crièrent : « Alors, qu’il en soit comme vous l’avez dit, nous le ferons! »

Et les capitalistes entendirent des clameurs, et ce que les gens disaient. De même les devins l’entendirent aussi, de même que les faux prêtres et les puissants hommes de guerre, qui servaient à la défense des capitalistes. Et quand ils entendirent, ils tremblèrent de tous leurs membres, de sorte que leurs genoux se heurtèrent, et ils se dirent les uns aux autres, « C’est la fin ! »

Cependant, il y avait de vrais prêtres du Dieu vivant qui ne prophétisaient plus pour le compte des capitalistes, mais qui furent pris de compassion pour ces gens, et quand ils entendirent les cris du peuple et ce qu’il avait dit, ils se réjouirent grandement et rendirent grâce à Dieu de cette délivrance.

Et le peuple s’en fut et tout se passa comme les agitateurs l’avaient annoncé. Et il arriva ce que les agitateurs avaient dit qu’il arriverait, comme ils l’avaient prédit. Et il n’y eut plus aucun assoiffé dans ce pays, non plus que d’affamé, de sans habit, de grelottant, ou de nécessiteux. Et chaque homme dit à son compagnon : « Mon frère », et chaque femme dit à sa compagne « Ma sœur », c’est ainsi qu’ils furent, les uns aux autres, comme frères et sœurs à jamais unis. Et la bénédiction de Dieu s’étendit sur cette terre à jamais. « 


CorteX_Edward_BellamyEdward Bellamy, Equality, 1897.

La version en anglais est disponible en ligne, chapitre XXIII

Richard Monvoisin

qui se demande si Dieu et sa bénédiction, finalement, sont vraiment nécessaires à la parabole…

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Mode d’emploi – Atelier / débat & démocratie participative

L’objectif de cet atelier/débat est de définir « scientifiquement » la notion de démocratie et de montrer que la participation des citoyens, qui est normalement la définition même du concept de démocratie, est présentée comme une avancée – ce qui semble un peu paradoxal.
Ayant la chance d’avoir une intervenante qualifiée, j’ai pu utiliser des ressources pointues, sachant que nous reviendrions ensuite sur les définitions.

Introduction « douce »

J’ai d’abord commencé par cette image tirée d’Astérix en Corse, qui m’avait beaucoup marqué étant plus jeune, et qui se passe de commentaire.

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Puis, pour poser un cadre agréable, j’ai utilisé un extrait de Enfermé dehors, d’Albert Dupontel (2006).

Ensuite, nous sommes allés directement sur la démocratie proprement dite, sous un angle général, en tournant autour.

Nous avons passé une rafale de trois documents :

  • Alain Badiou, extrait audio sur la liberté, la démocratie et le vote – France Inter, Là-bas si j’y suis, 15 septembre 2009.
  • Nuance démocratie / oligarchie, par Hervé Kempf, dans Ce soir où jamais, de janvier 2011

  • Noam Chomsky : reflexion sur la démocratie, extrait de Chomsky : les Médias et les Illusions Nécessaires (1993)

S’ensuivit une présentation rapide par Amélie de la démocratie au cours des trois derniers siècles, en particulier avec les courants « Rousseau » et « Montesquieu ». Puis vinrent une première série de questions, qui nous permirent d’arriver à la notion de démocratie participative proprement dite.

Nous avons alors pioché dans les documents ci-dessous.

  • Démocratie participative : nouveau créneau politique ? JT, TV8 Mont Blanc, juin 2010

  • Démocratie participative à Grigny (69), extrait de HumaTV

  • Démocratie participative à Grenoble : les faux débats de la CNDP sur les nanotechnologies, extraits des JT de France 3 Grenoble, 1er et 2 décembre 2009

  • Démocratie en science : Jacques Testard, Pierre-Henri Tavoillot sur France Inter (3 septembre 2010)
  • Serge Halimi, extrait de L’encerclement – La démocratie dans les rêts du néolibéralisme, extrait du documentaire de Richard Brouillette

Pour finir, voici un petit lien vers une sympathique brochure des Renseignements Généreux

Sommes-nous en démocratie ? A télécharger ici, ou à imprimer en format livret .

Richard Monvoisin

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Effet Pangloss, ou les dangers des raisonnements à rebours

Dans la Traverse N°2, revue des Renseignements Généreux parue en mars 2011, a été publié un article de Richard Monvoisin initulé L’effet Pangloss, ou les dangers des raisonnements à rebours..En voici le pdf ! Merci aux Renseignements Généreux et à la graphiste Clara Chambon.
Et pour s’entraîner, on pourra aller vite fait ici.
Note : en 2010, des doctorants-moniteurs ont réalisé un excellent Zétéclip sur le raisonnement panglossien. Voir ici.

Effet Pangloss : les dangers des raisonnements à rebours

Aujourd’hui je vous propose de regarder de près un raisonnement qui a l’air tout à fait anodin mais qui peut se révéler terrifiant. Ce raisonnement consiste à penser à rebours. À la manière de ces poils qui poussent à l’envers et s’enkystent dans la peau, il est agaçant et difficile à éliminer, quelle que soit la dose de crème dont on l’enduit. Il est bien plus répandu qu’on ne le pense, et nous allons essayer de le débusquer au travers de quelques exemples.

Le Loto

Je vais partir de la loterie nationale française, ledit Loto. Ayant pour objectif de nous soutirer jusqu’à nos derniers sous en nous faisant miroiter une lointaine et peu probable carotte, ce jeu, nous allons le voir, ressemble à une forme élaborée de soumission librement consentie. Si nous avons un élève de terminale scientifique à portée de main, demandons-lui d’évaluer nos chances de nous faire détrousser, c’est à son programme de maths. Sinon, nous allons le faire ensemble, ce n’est pas très compliqué.

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« Le loto, c’est facile, c’est pas cher, et ça peut rapporter gros ». Slogan de 1984.

Depuis 2008, le nouveau Loto (qui est plus difficile à remporter que l’ancien si l’on compare) demande d’obtenir 5 numéros parmi 49, ainsi que le numéro « chance » tiré parmi 10. Le nombre de tirages possibles se calcule ainsi : frac{ 49 times 48 times 47 times 46 times 45 }{ 1 times 2 times 3 times 4 times 5} times frac{10}{1}= 19068840

Sachant qu’il y a trois tirages par semaine (le lundi, le mercredi et le samedi), une personne dotée d’une espérance de vie à la naissance de 2010 en France (moyenne Femmes-Hommes : environ 82 ans) et qui, chose invraisemblable, jouerait dès le berceau à tous les tirages aura rempli le jour de sa mort 82 (ans) x 52 (semaines) x 3 (tirages) soit quelque chose comme 13000 grilles, en voyant large. Ça lui donne un peu moins d’une chance sur mille de gagner une fois la cagnotte. C’est peu.

Pour avoir un autre ordre d’idée, nous pouvons prendre le taux annuel moyen de mortalité d’un individu garçon de 33 ans vivant en France comme moi, qui est de 119 sur 100 000 (soit 1 sur 840) – qui signifie qu’un type en France a une chance sur 840 de mourir dans l’année de ses 34 ans. Partons du principe que la probabilité de mourir est uniforme tout le long de l’année. Lorsque j’achète un billet de loto j’ai autant de « chances » de mourir dans les 24 minutes qui suivent que de gagner le gros lot. Si j’avais 90 ans, j’aurais autant de chance de gagner le gros lot que de ne pas survivre 9 secondes à l’achat du billet1.

En clair, un individu guidé par sa seule raison refuserait de claquer ses étrennes comme ça. Mais l’humain n’est pas toujours rationnel, loin de là. Et à l’orée du bois, les tire-laine guettent.

altMonique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, deux sociologues ont décrypté le comportement des vainqueurs du Loto dans Les millionnaires de la chance (Payot, Paris, 2010). Ils expliquent que certains individus jouent au Loto en sachant bien que les chances de gagner sont minces, mais… moins minces que celles de changer de classe sociale. En d’autre terme, il serait plus probable pour les classes pauvres de devenir riche en cochant les cases qu’en travaillant d’arrache-pied – ce qui fait réflechir sur le  « mérite » et les encouragements à travailler plus.

Où est le raisonnement à rebours ? Il arrive.

Et les 100% de perdants ?

L’argument massue qui a été employé pour nous faire jouer pendant des années était, rappelons-nous : « 100% des gagnants auront tenté leur chance ».

Ce slogan, à bien y regarder, ne veut pas dire autre chose que ceci : « tous ceux qui ont gagné ont joué », ce qui ne nous apprend rien : on ne gagne pas au loto, au football ou au poker à l’insu de son plein gré – quoi que, lors des matchs nationaux de football, on en voie certains hurler en ville « on a ga-gné » alors qu’ils n’ont pas joué, que voulez-vous, c’est le charme chauvin du sport.

Le séduisant de l’affaire est qu’on nous édicte une règle sur les gagnants. Et comme vous et moi voudrions tous gagner, on se dit tiens, comment ont-ils fait ? Ont-il trituré un trèfle, un fer à cheval ? Eh bien non, ils se sont contenté de jouer. Ils ont tenté leur chance. Voilà. Mais si on y pense, la même chose est valable pour les perdants. Car, c’est ce que la Française des jeux ne nous dit pas : « 100% des perdants ont eu aussi tenté leur chance ! ». Et comble des choses, le 100% des perdants est vachement plus nombreux que le 100% des gagnants. Il n’y a pas beaucoup de gagnants, alors qu’il y a plein de perdants. Mathématiquement, ça se calcule, on a une chance de gagner le gros lot sur 19 millions et quelques (voir le tout premier calcul).

Chercher des raisons

Examinons maintenant ce qui se passe dans la tête d’un joueur lambda.

Quand il perd, il a une forte tendance à se dire quelque chose comme « la chance n’était pas là », puis à shooter dans une boîte de conserve qui traîne. C’était la normalité, qu’il ne gagne pas, il n’était pas dupe, il conclut parfois d’un l’air las « je ne gagne jamais, de toute façon » ou « de toutes les manières je n’ai jamais eu de chance au jeu ». Mais là où le perdant a somme toute un côté assez pragmatique, le gagnant lui, pas du tout ! Il en est même agaçant : il commence déjà par être content de lui, ce qui est une réelle faute de goût. Puis il se trouve plein de bonnes « raisons », comme « je le méritais », ou alors « j’ai joué les bons numéros », « je le sentais », etc.

C’est là que commence le raisonnement à rebours.

Les psychologues sociaux mettent des mots à cela, et c’est bien pratique : le perdant aura un « locus de contrôle » externe (la cause de son échec est le manque de chance, extérieur à lui), tandis que le gagnant aura un « locus de contrôle » interne (il attribue sa réussite à ses qualités propres, ce qui est horripilant). Depuis les travaux de Miller & Ross en 1975, on parle de biais d’autocomplaisance.

Rebours, rebours et ratatam

À chercher une raison pour avoir gagné, la tendance est forte à aller la trouver dans son mérite personnel, comme si le Hasard personnalisé se souciait d’évaluer nos mérites respectifs. Ou dans un coup du sort, comme une espèce d’ange gardien qui veille sur nous. Cela rejoint, vous vous rappelez peut être, le biais du monde juste (cf. Traverse N°1).

C’est effectivement le hasard (sans H majuscule) qui fait la différence entre le gagnant et le perdant. Si les 19 millions et quelques combinaisons possibles sont jouées, la probabilité que quelqu’un gagne est de 1 (on dit 1, mais ça veut dire 100%, tout comme une proba de 0,5 veut dire 50%).

Qu’il y ait un gagnant dans ces cas-là n’est pas une surprise. C’était même quasi-certain. L’incertain, c’est sur qui ça va tomber. Que ça tombe sur moi ou un inconnu, au fond, ce n’est qu’un aléa : il n’y a logiquement aucune conclusion à tirer, ni sur la beauté du monde, ni sur les numéros joués. Pourtant, c’est trop dur : devant la rareté statistique, on cherche une raison à rebours. Alors on se dit au choix

  • qu’on a de la veine,
  • qu’on s’est levé du pied droit,
  • qu’on avait touché sa patte de lapin,
  • que Dieu est bon,
  • que malheureux en amour, heureux au jeu,
  • que le hasard est gentil,

On se dit que quelque part (où ?) quelque chose (immatériel ?) comme la Chance lui a souri (avec quelles dents ?).

Mais le hasard n’est pas gentil. Ni méchant. En tant que volonté, il n’ « est » pas. Il n’obéit à rien, il se contrefout royalement de vous et de moi. Il ne se « contrefout » même pas.

Le sentiment d’avoir déjoué la volonté du Destin est d’ailleurs telle que bien peu veulent rejouer la semaine suivante la combinaison qui a déjà gagné, comme si elle était usée – ce qui n’a pas de sens, les tirages étant indépendants les uns des autres (on appelle ça le sophisme du joueur, je le dis pour l’anecdote).

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Raisonnement à rebours sur la bière, selon frère Joseph (extrait de Jean Van Hamme, Francis Vallès, Les maîtres de l’orge, vol. 1 1854, Charles).

Un balcon sur la tête de Tante Olga

Ce raisonnement à rebours nous arrive aussi en cas de coup dur. On a tous une histoire tragique en stock, comme un balcon qui se décroche juste au dessus de la tête d’une Tante Olga. Alors que la « normalité » est de ne pas se prendre le balcon sur la face (tout comme perdre au Loto), là, on se dit qu’il a « manqué » quelque chose à Tante Olga, du pot, de la veine, de la baraka, du cul bordé de nouilles. On se hasarde même à penser que les desseins du Seigneur sont impénétrables, ou que rien n’arrive par hasard, ou que c’était son karma, et qu’elle paye des vies antérieures plutôt fautives. Il se trouvera bien un vieux voisin un peu aigri, une vieille voisine grincheuse pour dire qu’au fond, entre nous, elle ne l’a pas volé2. Mais l’erreur est toujours la même : on se retrouve à raisonner à rebours sur ce cas seulement, et on oublie de replacer le cas dans la statistique de toutes les tantes (ou oncles) du monde qui se sont promenées un jour en passant sous un balcon et à qui il n’est rien arrivé, surtout pas un balcon.

Le TSD (tri sélectif des données)

Allons plus loin. Imaginons qu’à la terrasse d’une taverne, seul-e comme un menhir, vous jouez à pile ou face. Quelle est la probabilité d’obtenir cinq fois pile d’affilée ? Facile. 1 chance sur 2 au premier lancer (soit 0,5), pareil pour le deuxième, etc. Ça donne : 0,5×0,5×0,5×0,5×0,5 = 0,0312 environ, ça veut dire environ 3 chances sur 100.

Imaginons maintenant que dans 64 autres tavernes, 64 autres comme vous s’emmerdent à mourir et fassent la même chose. Là, la probabilité que vous fassiez 5 fois pile est toujours la même, mais la probabilité que l’un d’entre vous fasse 5 fois pile est, quant à elle, immense : il est quasiment certain que l’un des joueurs fera ce résultat. Et s’il est tout seul et ne regarde que sa lorgnette, il va conclure qu’il est quand même sacrément doué.

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On a envie de sourire, tellement c’est simple, et pourtant, cette erreur qui consiste à extraire le résultat extraordinaire de sa souche statistique et de le brandir comme un étendard est à la base de tout un tas de « miracles ». En voici quelques-uns.

Ötzi la momie

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Prenons la malédiction de la momie Ötzi : ce chasseur vieux de cinq milles ans retrouvé congelé en 1991 dans les alpes italo-autrichiennes aurait causé la mort de six personnages l’ayant approché de près, trois scientifiques, un journaliste, un guide de haute montagne, etc. Sachant le nombre conséquent de gens qui ont gravité autour du corps, depuis les expertises lors de sa découverte jusqu’aux visiteurs du musée italien de Bozen-Bolzano où il réside désormais, est-il si extraordinaire que six d’entre elles meurent, surtout lorsqu’elles sont soit pas spécialement jeunes (cinq sur six avaient plus de 50 ans) soit une profession à risque (guide de haute montagne, tué par une avalanche) ? Si l’on compare le nombre de morts rapporté au nombre de personnes qui ont approché Ötzi et sont restées vivantes, l’hypothèse de la malédiction, tout comme les dents de la momie, se déchausse.

Paul le poulpe

Il était une fois une pieuvre qui, durant la coupe d’Europe 2008 et la coupe du Monde 2010 de football masculin, a su déterminer douze des quatorze résultats d’épreuve qui lui ont été demandés. Certaines mauvaises langues disent que la pieuvre aurait actuellement moins d’un an (fin 2010), ce qui implique soit que le poulpe remonte le temps, soit qu’il y a eu deux poulpes, mais enfin peu importe.

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Ce poulpe mâle, appelé Paul a mérité son surnom d’oracle d’Oberhausen en choisissant, soit disant avec une chance sur deux l’une des deux boîtes affublées des couleurs de chaque équipe (voir l’illustration) En évaluant ce que représentent 12 bonnes réponses sur 14, et en partant du principe qu’il ne pronostique pas les matchs nuls, la probabilité de réussite du poulpe par hasard était de 0,56 %, en gros une chance sur 200. A priori balèze, donc, l’octopode ! Mais bien peu ont enquêté sur le nombre de céphalopodes, de poissons, oiseaux ou autres bestioles de part le monde à qui on s’amuse à poser la question. Si un allemand sur 400 000 fait le coup avec un animal quelconque, on est assuré d’avoir au moins un labrador, un iguane ou un canard cendré qui aura un tel résultat par pur hasard. Suffit de placer ensuite le projecteur des médias sur l’œil humide du vainqueur, en évinçant tous ceux qui ont échoué, et le scénario de l’animal extraordinaire au tentacule malicieux peut se dérouler dans notre vitreux petit écran.

Est-ce risqué d’aller à Lourdes ?

C’est sensiblement le même processus pour les miracles de guérison de Lourdes. On ne peut que s’extasier des 67 miracles revendiqués par l’Église catholique sur le lieu saint depuis les visions de Bernadette Soubirous en 1858, mais posons-nous la question : y-a-t-il réellement plus de guérisons extraordinaires là-bas qu’ailleurs ?

Comme les chiffres sont assez imprécis, nous allons faire une simple estimation.

La principale étude de guérisons considérées comme miraculeuses en milieu hospitalier, là où on trouve un grand nombre de malades, a été réalisée dans le titanesque travail d’archives de O’Regan et Hirshberg3. Leurs résultats sur 128 ans indiquent que, le « taux de miracle » en hôpital est d’environ un cas sur 100 000. Comme la Commission médicale internationale de Lourdes ne prend pas en compte les 70 % de rémissions liées au cancer (car elles sont généralement précédées d’une thérapie, ce qui dilue la part du miracle), il nous reste quelque chose comme un cas de rémission pour 333 000 personnes dans les hôpitaux. Autrement dit, il y a dans les hôpitaux un cas « comme à Lourdes » sur 333 000.

Puisqu’une bonne partie des miracles eut lieu avant de véritables expertises scientifiques, et sont peu fiables même de l’avis de médecins de la Commission d’expertise, nous allons raisonner sur les cinquante dernières années, lors desquelles 5 miracles eurent lieu. Pour se donner une idée, pensons que le dernier en date, reconnu en 2005, porte sur une dame appelée Anna Santaniello, miraculeusement guérie en … 1952. Gardons tout de même ces 5 derniers cas.

Le secrétariat général des sanctuaires estime à plus de 6 millions le nombre de visiteurs de Lourdes par an – dont 1% sont malades. Sur les 50 dernières années, cela donne 300 000 000 visiteurs. Parmi eux, 1%, donc 3 millions de malades plein d’espoir. Retirons comme le fait la Commission de Lourdes les non-atteints de cancer, cela fait 30% des 3 millions, soit environ un million de personnes malades sans cancer, donc susceptibles de vivre un miracle pouvant être homologué.

Cinq miracles sur un million, c’est à peine supérieur à la moyenne des miracles en hôpitaux. La moyenne des hôpitaux étant une moyenne, on comprend bien qu’il y en a affichant des scores meilleurs, d’autres des scores moins bons, et que cela forme une sorte de résultat en cloche autour de la moyenne. Le résultat de Lourdes tombe dans les résultats de cette cloche, et les matheux avec leur langage diraient que son résultat n’est pas significatif. Il semble donc que Lourdes ne soit pas un endroit plus propice aux miracles que l’hôpital près de chez nous, et que si nous en avons l’impression, c’est parce que chaque cas Lourdais est fortement médiatisé.

Certaines mauvaises langues ajoutent que si l’on compte le nombre de gens qui se sont tués sur la route pour aller à Lourdes, alors il semble en fin de compte plutôt risqué d’y faire pèlerinage.

Une pente panglossienne

Quel est le lien entre le « chanceux » au Loto et les frères Bogdanoff ?

Quel est le trait commun entre Paul le poulpe et les créationnistes « scientifiques » ?

Quel est le fil conducteur entre le « miraculé » de Lourdes et la fameuse main invisible du marché ?

Il s’appelle Pangloss. C’est, peut être vous rappelez-vous, le precepteur de Candide, dans le conte de Voltaire. Il enseigne la métaphysico-théologo-cosmolonigologie, et répète à qui mieux-mieux qu’ admirablement qu’il n’y a point d’effet sans cause, et que, dans ce monde qui est le meilleur des mondes possibles, le château de monseigneur le baron était le plus beau des châteaux et madame la meilleure des baronnes possibles.

Pangloss dit surtout :

« Il est démontré (…) que les choses ne peuvent être autrement : car, tout étant fait pour une fin, tout est nécessairement pour la meilleure fin. Remarquez bien que les nez ont été faits pour porter des lunettes, aussi avons-nous des lunettes. Les jambes sont visiblement instituées pour être chaussées, et nous avons des chausses. Les pierres ont été formées pour être taillées, et pour en faire des châteaux, aussi monseigneur a un très beau château ; le plus grand baron de la province doit être le mieux logé ; et, les cochons étant faits pour être mangés, nous mangeons du porc toute l’année : par conséquent, ceux qui ont avancé que tout est bien ont dit une sottise ; il fallait dire que tout est au mieux. »….4.

Il s’agit d’une resucée de ce que le XIXe siècle a appelé la métaphore de l’horloger, que l’on doit au philosophe William Paley, et qui dit ceci

  1. Si l’on regarde une montre, on comprend très vite que la finesse de cette fabrication a nécessité quelqu’un pour la penser, — en l’occurrence un horloger.
  2. Si l’on regarde un phénomène naturel incroyablement fin / complexe / beau / rare / étrange / miraculeux on est contraint (au nom de l’horloger) de penser que la finesse / complexité / beauté / rareté / étrangeté de ce phénomène a nécessité quelque-chose pour la penser, pour la vouloir, c’est-à-dire un créateur intelligent ou un dessein cosmique.
  3. Donc un créateur ou un dessein existe.

Le melon, le schtroumpf, les Bogdanoff

Les exemples de cette dérive panglossienne se comptent par centaines. Cela démarre par des trucs rigolos, comme le melon, qui, selon Jacques-Henri Bernardin de Saint Pierre « a été divisé en tranches par la nature afin d’être mangé en famille. La citrouille étant plus grosse peut-être mangée avec les voisins.» 5

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Cela fait tout de suite moins rire quand des créationnistes chrétiens, juifs, ou plus récemment musulmans comme Harun Yayah viennent expliquer dans certaines écoles que l’œil humain, la synthèse des protéines, ou l’apparition de la conscience ne sont pas le produit d’une évolution mais d’un créateur et que l’Humanité a été créée par la volonté de Dieu. Cela fait vite frémir quand, de la même manière que le gagnant du Loto croit qu’il est élu par la Chance, Igor et Grishka Bogdanoff, ou Trinh Xuan Thuan le physicien bouddhiste croient l’univers trop finement réglé pour être le fruit du hasard physique (ce qu’ils appellent le fine-tuning, ce que d’autres appellent l’irréductible complexité).

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On vient par cette occasion implanter une lecture finaliste des choses, l’idée qu’avant que toute chose démarre il y a comme un plan, une idée préconçue, une main invisible qui guide le processus et qui, implacablement, place chaque élément à sa juste place. C’est beau, c’est frais, c’est rassurant… mais c’est la fin de la connaissance, et c’est l’entrée des explications simples. Car finalement, dans quelque univers que l’on vive, même différent, on pourrait conclure la même chose : que tout est bien dans le meilleur des mondes, et que madame la baronne est la meilleure des baronnes possibles. Tout être vivant, qu’il soit Paul le poulpe, une bactérie ou un martien, pourrait conclure lui-aussi qu’il est le but ultime du Dessein Intelligent, d’une volonté cosmique. C’est irréfutable.

Dans un épisode des Schtroumpfs, on voit un des personnages décocher une flèche avec son arc les yeux fermés, puis chercher sa flèche. Une fois trouvée, il s’applique à peindre une cible autour du lieu de l’impact et… repart tout fier.

Pangloss et la fin des « possibles »

On trouve également Pangloss caché derrière l’idée que si le capitalisme s’est imposé, c’est qu’il le fallait, inexorablement, et que la main invisible du marché veille au grain. Pangloss passe par la porte quand les anciens rapports coloniaux affirmaient que puisque les Noirs étaient corvéables un peu partout, c’est qu’il devait y avoir un ordre naturel des choses. Pangloss se glisse dans la cuisine en instillant que si les femmes s’occupent des enfants et font le ménage, c’est qu’elles sont « faites » pour ça. Pangloss revient par la fenêtre quand il nous murmure à l’oreille que c’est dans l’ordre des choses que nous torturions d’autres animaux. Pangloss se tortille dans nos postes de télévision quand, on conclue parmi tous les possibles que tout est de la faute de la CIA, de la maffia russe, du lobby gay et lesbien, de la Mondialisation, des Francs-Maçons, des Sages de Sion… Éloge du scénario simple pré-écrit par des groupes supérieurs inaccessibles.

Le raisonnement des Bogdanoff des défenseurs du fine-tuning, des créationnistes, d’une bonne part des scénarios capitalistes, des théories racistes, sexistes et spécistes6 est le même : il vient essentialiser l’état actuel du monde comme une nécessité, comme une sorte de destin. Pangloss, que ce soit en jouant sur un tri des données ou sur un tri des « possibles », vient troquer la connaissance contre une croyance. C’est en cela qu’il est trompeur et séduisant : en faisant miroiter un finalisme facile, il évince notre capacité à repenser notre vie, nos actes et nos préjugés. Il nous gèle intellectuellement et nous nourrit de scénarios implacables, de karma, de mektoub, autant de chapes de plomb contre lesquelles on nous fait croire qu’on ne peut pas se révolter.

Richard Monvoisin

1 Statistiques disponibles ici.

2 Eh oui, vous l’aviez reconnu, c’est encore le biais du monde juste ! (cf Traverse N°1).

3 Ils ont recensé 1574 cas dans le laps 1864 – 1992. O’Regan, Hirshberg, Spontaneous Remission: An Annotated Bibliography (1993).

4 Voltaire, Candide et autres contes V (1758).

5 J-H. Bernardin de Saint-Pierre, Etude de la nature XI (1784).

6 Spéciste : qui vise à poser que l’humain est fondamentalement différent de l’animal, avec un ordre moral.

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Roger Gonnet, 10 ans de scientologie, 30 ans de lutte

  • Dans le premier document, Roger Gonnet raconte sa rentrée dans la scientologie, avec des détails sur la « théorie sous-jacente », inspirée d’un mélange de freudisme et de science-fiction.

  • Dans le deuxième extrait, Roger aborde les mécanismes de l’adhésion, et la manière dont lui-même a pu se sortir de la nasse. Il énonce quelques paramètres de détection des dérives très simples à enseigner ou à transmettre au grand public.

  • Dans ce troisième document, Roger aborde la question de la liberté de culte, et le mot secte.

  • Quatrième partie, Roger Gonnet discute ici la liberté de la conviction de l’individu et la liberté de critique de la croyance.

  • Cinquième partie : Roger indique quelles sont les ressources que l’on peut consulter lorsqu’on cherche des informations sur les dérives sectaires.

Le site Antisectes, qu’il gère.

Le site Prevensectes.

La Miviludes (Mission Interministérielle de Vigilance et de LUttes contre des Dérives Sectaires)

  • Dans la sixième et dernière partie, Roger Gonnet encourage à former l’esprit critique dès le plus jeune âge, et recommande quelques lectures.

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Russell Miller, Ron Hubbard le gourou démasqué, par Russel Miller, Plon, 1994.

Nicolas Jacquette, 25 ans, Ma vie chez les Témoins de altJéhovah, Balland, 2007.

altEmmanuel Fansten, Scientologie: autopsie d’une secte d’État, Robert Laffont, 2010.

Et son propre livre sur la Scientologie, La secte, secte armée pour la altguerre – chronique d’une « religion » commerciale avec irreponsabilité illimitée, Alban, 2004.

 

Merci pour ce témoignage, ces conseils et cet extraordinaire combat, Monsieur Gonnet !

Richard Monvoisin

Documents filmés le dimanche 13 mars 2011

Hoax – L’arrêt programmé de la vente des plantes médicinales

Depuis quelques jours, les boîtes mail de certains membres du CorteX sont envahies par un message annonçant  l’interdiction imminente des plantes médicinales en Europe : « C’est quasiment fait. Nous allons voir disparaître les préparations à base de plantes, ainsi que la possibilité pour les herboristes de les prescrire ».
Une petite enquête nous a révélé que cette information était fausse.

Tous les mails nous renvoient vers ce site, où l’on peut visionner cette vidéo :

[dailymotion id=xhpjqs]

Notre position vis-à-vis du débat

D’une manière générale, il nous paraît important de savoir d’où les gens parlent. Alors commençons par nous appliquer cette règle.

  • Nous n’avons aucun intérêt dans l’industrie pharmaceutique, ni dans l’industrie des compléments alimentaires, ni dans la fabrication de plantes médicinales.
  • Nous souhaitons que chacun puisse effectuer ses choix en connaissance de cause, en particulier dans le domaine de la santé, et nous nous battons pour que les intérêts de chacun dans ce domaine passent avant les intérêts de l’industrie pharmaceutique.
  • Cependant, nous pensons que le débat présenté ici est mal posé : s’agit-il de défendre des pratiques uniquement parce qu’elles sont naturelles ? Il nous semble qu’en matière de santé, il serait préférable de défendre des pratiques efficaces. Je ne prétends certainement pas que naturelle signifie inefficace, mais je préfère savoir que le citron n’est pas efficace  contre le cancer de l’estomac – on pourra lire sur ce sujet cet article sur le site de Hoaxbuster – que de conseiller aux gens que j’aime de remplacer leur chimiothérapie par une cure de jus de citrons. Le fait que le citron est « naturel » n’est pas un gage de son efficacité.Et rappelons-nous une facette Z indispensable : un témoignage, mille témoignages ne font pas une preuve.  Cela permet tout au plus de formuler l’hypothèse que « ça marche ». Il faut ensuite vérifier que cette hypothèse est valide. Le processus coûte cher ? Alors battons-nous pour qu’il soit financé  par le public.
    Certes, les laboratoires pharmaceutiques n’ont pas intérêt à ce que tout le monde se soigne naturellement, mais la question importante pour nous est :  » avons-nous intérêt à nous soigner naturellement ? ».
    S’opposer aux pratiques de laboratoires pharmaceutiques ne devrait pas nous faire renoncer à la seule méthode efficace pour décider ce qui est bon ou mauvais pour nous : la démarche scientifique (comparaison à un échantillon test, tests en double aveugle…) 

Validité de l’information

Nous avons trouvé un texte intitulé Démenti de Thierry Thévenin relatif à la rumeur d’interdiction des plantes médicinales au sein de l’Union Européenne qui répond aux informations données dans la vidéo. D’où parle cette personne ? Il produit des herbes et plantes aromates médicinales et est membre du syndicat des Simples. Vous pouvez le vérifier sur son site.
Si nous ne sommes pas en total accord sur l’intégralité de ses propos, nous le remercions pour le travail d’enquête qu’il a réalisé sur la fameuse directive européenne et pour avoir pris le temps de l’expliquer. Nous reproduisons ici la seconde moitié de son texte, vous pouvez télécharger l’intégralité ici

TEXTE ORIGINAL – 2ème partie : T. Thévenin répond à l’auteur du texte à l’origine de la vidéo. Heidi Stevenson, samedi 25 septembre 2010. Les commentaires de Thierry Thévenin à la suite.

« Grande victoire pour l’industrie pharmaceutique : Les plantes médicinales bientôt interdites dans L’UE »

C’est faux ! C’est la vente d’une plante en tant que médicinale (c’est à dire délivrée avec des indications thérapeutiques) qui sera interdite tant qu’on aura pas obtenu une AMM (autorisation de commercialisation) auprès de The Committee on Herbal Medicinal Products (HMPC). Il s’agit d’ailleurs de l’aboutissement effectif de la Directive N° 2004/24/CE du 31 mars 2004 relative aux savoirs traditionnels (plantes médicinales traditionnelles), directive citée plus bas par Mme Stevenson.

« C’est quasiment fait. Nous allons voir disparaître les préparations à base de plantes, ainsi que la possibilité pour les herboristes de les prescrire. »

Pure désinformation. Il me semble que cela est juste destiné à susciter de l’émotion chez le lecteur.

« L’industrie pharmaceutique, qui depuis quelques décennies tente d’éliminer toute concurrence, a presque atteint son but. Le 1er avril 2011 – dans moins de huit mois – pratiquement toutes les plantes médicinales seront illégales dans l’Union Européenne. »

Non et non ! C’est un raccourci. Cette directive est censée permettre une procédure d’autorisation de mise sur le marché « simplifiée » pour l’enregistrement des médicaments traditionnels à base de plantes sans exiger les renseignements et les documents classiques des tests et essais sur la sécurité et l’efficacité, à condition qu’il existe suffisamment de preuves d’une l’utilisation médicinale du produit – éléments bibliographiques ou rapports d’experts – pendant une période d’au moins 30 ans, dont au moins 15 ans dans la Communauté Européenne.

Toutefois, cette procédure même « simplifiée » par rapport à celle qui est prévue pour les médicaments classiques, reste trop lourde et coûteuse pour des petites structures artisanales, surtout si elles ont une grande gamme de remèdes à faire valider. Ce sont donc les petits acteurs de la filière qui seront poussés vers l’illégalité le 1er avril 2011.

« L’approche adoptée aux Etats-Unis est un peu différente, mais a le même effet dévastateur. Les gens sont devenus des réceptacles pour toutes les cochonneries que l’industrie pharmaceutique et l’agrobusiness choisit de déposer, et nous n’avons d’autre choix que de payer le prix qu’ils demandent. L’industrie pharmaceutique et l’agrobusinesss sont presque arrivés à contrôler chaque aspect de notre santé, depuis la nourriture que nous mangeons jusqu’à la façon dont nous nous soignons quand nous sommes malades. Soyez-en sûrs : cette prise de contrôle prendra tout ce qu’il reste de notre santé. Dès le 1er avril prochain Dans l’un des pires poissons d’avril de tous les temps, la directive européenne pour les produits à base de plantes médicinales traditionnelles (THMPD) a été décrétée le 31 mars 2004. Elle réglemente l’usage des produits à base de plantes qui étaient auparavant librement échangés. »

Librement échangés!? Certainement pas : en France, en tout cas, le libre échange des plantes n’existe plus légalement depuis le début du XIIIè siècle, époque de l’institution des corporations des professions de santé (apothicaires, herboristes, médecins, épiciers…).

De même, dans le plus grand nombre – la totalité ? – des autres pays de l’Union, des dispositions réglementaires légifèrent depuis très longtemps sur la question de l’échange des plantes médicinales.

A mon avis, dans ce texte, ce sont les gros distributeurs de compléments alimentaires qui « crient au loup » car ils sont en guerre médiatique contre leur « ennemi naturel »: les gros distributeurs de l’industrie pharmaceutique.

Les producteurs du syndicat Simples ainsi que tous les petits acteurs indépendants de l’herboristerie européenne se trouvent quelque part dans un espèce de no-man’s land au beau milieu du front de la bataille et dans l’ombre de ces deux géants.

« Cette directive demande à ce que toutes les préparations à base de plante soit soumises au même type de procédure que les médicaments. Peu importe si une plante est d’un usage courant depuis des milliers d’années. »

Cette affirmation est encore fausse. En fait les exigences pour ces plantes sont réduites par rapport à celles d’un médicament classique. Une étude bibliographique scientifique détaillée et des rapports argumentés d’experts doivent apporter des éléments sur le recul d’usage traditionnel pour faire apparaître plausible l’efficacité du produit et réduire la nécessité de réaliser des essais précliniques et cliniques si l’usage traditionnel montre l’innocuité de ce produit dans des conditions spécifiées. Alors, l’autorité pourra conclure à un niveau satisfaisant de sécurité et d’efficacité du produit. En l’absence de données suffisamment documentées pour pouvoir bénéficier d’un classement en usage médical bien établi (dix années de recul), le recul d’utilisation est, pour relever d’un classement en usage traditionnel, d’au moins trente années, dont au moins quinze dans la communauté.

Ce dernier point génère de fait une discrimination culturelle injuste en faveur de la culture européenne et plus généralement bibliographique.

« Peu importe si une plante utilisée depuis des milliers d’années est sans danger et efficace. Elle sera considérée comme un médicament. »

Même raccourci que précédemment.

« Bien sûr, les plantes sont loin d’être des médicaments. »

Je ne suis pas forcément d’accord avec cette affirmation. Cela dépend de la définition entendue pour le terme médicament. Si médicament signifie produit pharmaceutique standardisé, je suis d’accord : les plantes ne sont pas des médicaments ; mais si « médicament » signifie remède alors je ne suis pas d’accord. Il est indéniable que les plantes médicinales peuvent être des remèdes thérapeutiques même si elles ont le plus souvent d’autres usages.

C’est d’ailleurs pourquoi je plaide depuis plusieurs années pour le retour officiel d’herboristes formés et reconnus qui puissent aider le public à utiliser sereinement les plantes médicinales pour le bien de leur santé au quotidien.

« Ce sont des préparations faites à partir de sources biologiques. Elles ne sont pas nécessairement purifiées, car cela peut modifier leur nature et leur efficacité, comme pour tout aliment. C’est une distorsion de leur nature et de la nature de l’herboriste de les prendre pour des médicaments. »

Pas pour moi : les plantes médicinales peuvent soigner ou soulager des maladies et sont donc des médicaments. Il est toutefois évident que leur variabilité et leur recul d’usage souvent extrêmement important doit permettre de les différencier des médicaments de synthèse et de ne pas leur faire subir les mêmes obligations de contrôle et d’évaluation que ces derniers ; obligations qui seraient en l’occurrence abusives et inadaptées.

« Cela, bien sûr, ne compte pas pour le monde pharmaceutique européen contrôlé par Big Pharma, qui a gravé le corporatisme dans le marbre de sa constitution. Le Dr. Robert Verkerk de l’Alliance for Natural Health, International (ANH) décrit le problème qui se pose si l’on demande à ce que les préparations à base de plantes répondent aux mêmes normes de conformité que les médicaments : Faire passer un remède classique à base de plante provenant d’une culture médicale traditionnelle non-européenne au travers du système d’Autorisation de Mise sur le Marché de l’UE s’apparente à faire passer une cheville carrée dans un trou rond. Le système de régulation ignore les traditions spécifiques et n’est donc pas adapté. Une adaptation est requise de toute urgence si la directive est discriminatoire à l’égard des cultures non-européennes et viole par conséquent les droits de l’homme.»

C’est vrai, ce système est discriminatoire ; il favorise les remèdes issus des cultures dominantes. Il relègue à terme en dehors du circuit légal les cultures minoritaires et/ou orales.Cela relance d’ailleurs l’idée souvent abordée dans les réunions du syndicat de créer des ponts et de la solidarité entre les producteurs Simples et d’autres producteurs et herboristes du monde.

« Droit commercial. Pour mieux comprendre comment cela peut se produire, il faut savoir que les lois du commerce ont été au centre des initiatives visant à mettre tous les aspects de l’alimentation et la médecine sous le contrôle de l’industrie pharmaceutique et de l’agrobusiness. C’est le modèle hypocrite, hégémonique et faussement libéral des multinationales qui gagne du terrain dans toutes les institutions politiques. Si vous avez suivi ce qu’il s’est passé aux Etats-Unis concernant le lait cru et la Food and Drug Administration (FDA) qui déclare que les aliments se transforment par magie en médicaments quand on affirme qu’ils sont bons pour la santé, vous avez pu remarquer que la Federal Trade Commission (FTC) a pris part au processus. »

Dans notre pays, ce principe de l’allégation thérapeutique qui « fait » le médicament est inscrit depuis longtemps dans le Code de la santé publique. A ce sujet, en France, La définition du médicament s’est considérablement étendue au cours du XXème siècle. A l’origine, pour simplifier, c’est une substance qui prévient ou traite les maladies, ainsi que l’avait d’ailleurs établi l’ordonnance du 4 février 1959 (JORF du 8/02/1959). Ensuite elle va également s’appliquer à toutes les substances qui peuvent restaurer, corriger ou modifier les fonctions organiques selon l’ordonnance n°827-67 parue au JORF du 28 septembre 1967, (ceci pour principalement répondre à l’apparition de la pilule contraceptive). En fait cette nouvelle définition, beaucoup plus floue, va permettre de justifier l’extension du monopole de la pharmacie à de très nombreux produits hygiéniques ou diététiques.

« Les aliments et les médecines traditionnelles sont considérés comme des questions commerciales plutôt que comme une question de droits de l’homme. Cela place les désirs des grandes corporations, plutôt que les besoins et désirs des gens, au centre des lois sur les aliments et les plantes. C’est cette distorsion qui transparaît dans les déclarations outrageusement absurdes de la FDA, affirmant par exemple que les Cheerios (des céréales de petit-déjeuner) et les noix sont presque des médicaments simplement parce qu’on dit que c’est bon pour la santé. »

En France, à ce jour, il faut que la plante (ou plutôt la drogue) n’ait pas d’autres usage que thérapeutique pour être considérée comme une plante médicinale. (« Une plante médicinale est une plante présentant des propriétés médicamenteuses, sans avoir ni ne pouvant avoir aucune utilisation alimentaire, condimentaire et hygiénique » article L. 512, CODE DE LA SANTE PUBLIQUE). La directive N° 2004/24/CE ne semble pas remettre ce principe en cause.

« Le but de tout cela est de sécuriser le monde pour le libre-échange des méga-corporations. Les besoins et la santé des gens ne rentrent tout simplement pas en considération.

Comment combattre cette intrusion sur notre santé et notre bien-être Ce n’est pas chose faite, du moins, pas tout à fait. Si vous tenez aux plantes, et si vous vous souciez des vitamines et autres suppléments, agissez s’il vous plait. Même si ces questions vous semblent sans importance, pensez aux gens pour qui ça l’est. Doit-on leur interdire le droit au traitement médical et aux soins de santé de leur choix ?

L’ANH lutte activement contre ces intrusions. Ils vont actuellement devant les tribunaux pour tenter de stopper la mise en application de la THMPD. Nous ne pouvons qu’espérer qu’ils réussiront, mais l’histoire récente montre qu’aucune manoeuvre légale ne peut s’opposer à ce rouleau compresseur. Nous ne pouvons pas nous asseoir et attendre les résultats de leurs efforts. Nous devons voir leurs efforts comme faisant partie d’un tout, dans lequel chacun de nous joue un rôle.

C’est à nous -à chacun d’entre nous- d’agir. Si vous vivez en Europe, envoyez s’il vous plait une lettre ou un message à votre Membre du Parlement Européen. Consultez cette page pour trouver qui c’est et comment le contacter. Puis, envoyez une lettre déclarant, en termes non équivoques, que vous soutenez fortement l’action de l’ANH pour stopper la mise en application de la THMPD et que vous espérez qu’ils vont aussi prendre position pour les droits des gens à choisir les remèdes médicinaux.

Imaginez-vous devant vos enfants ou petits-enfants vous demandant pourquoi vous ne l’avez pas fait. Comment allez-vous leur dire que leur bien-être ne vous intéressait pas ? Comment allez-vous leur dire que regarder la dernière émission de téléréalité importait plus que de consacrer quelques instants à écrire une simple lettre ?

C’est seulement en luttant activement que cette farce contre notre bien-être peut être stoppée. Si nous restons dans l’apathie, alors ça arrivera. Notre droit à protéger notre santé et celle de nos enfants est dans la balance. Si vous vous souciez du bien-être de vos enfants et petits-enfants, vous devez agir. Exprimez-vous, car maintenant, c’est le moment de vérité. Vous pouvez rester assis et ne rien faire, ou vous pouvez vous exprimer.

Et après l’avoir fait, parlez-en à toutes les personnes que vous connaissez. Dites-leur qu’il est temps d’agir. Il n’y a vraiment pas de temps à perdre. »

Je le redis, je ne souscrirai pas à l’appel de Mme Stevenson car il est erroné, subjectif et présente, à mon avis, un ton manipulateur qui dessert la cause qu’il veut soutenir.

Il existe en France et dans bien d’autres pays d’Europe des herboristes, des usagers, des producteurs, des enseignants, des scientifiques, universitaires, thérapeutes, médecins et même des politiques qui croient à l’avenir de la médecine traditionnelle des plantes et oeuvrent pour sa reconnaissance objective et indépendante à l’échelle européenne. Puissent-ils se rencontrer et se fédérer pour aboutir le plus rapidement possible.

Thierry Thevenin, 18 octobre 2010

Guillemette Reviron          

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Outils d’autodéfense intellectuelle de la Traverse – équipons-nous en rigolant

La Traverse, revue du collectif Les Renseignements Généreux, publie une rubrique « Outils d’autodéfense intellectuelle – équipons-nous en rigolant » écrite par Richard Monvoisin.

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Dans le n°1 (août 2010) que l’on peut télécharger ici, on trouve entre autres choses Le culbuto, l’effet bof et autres ni-ni. L’article lui-même est accessible dans notre Outillage critique.

alt Dans le n°2 (mars 2011), que l’on peut télécharger là, on peut lire entre plein d’autres choses Effet Pangloss, les dangers du raisonnement à rebours.
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En ce début octobre 2012 paraît la revue La Traverse N°3, éditée par les  Renseignements Généreux. Vous aviez probablement déjà consulté les numéros précédents et leur stimulant contenu (mis en page par  Clara Chambon).

Directement en lien avec des problématiques science & critique, on retrouvera

et bien d’autres choses encore à voir ici


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Appel à la peur – Collection d’exemples

Vous trouverez ici une collection de documents, images ou vidéos, dans laquelle vous pouvez piocher à votre guise pour illustrer le sophisme de l’appel à la peur

Comment faire travailler un groupe avec ce matériel ? Proposition de Richard Monvoisin :

  • leur montrer quelques couvertures de la même catégorie « simple » (insectes, astrophysique), et les laisser formuler le point commun
  • dispatcher quelques couvertures faisant appel à la peur dans une dizaine d’autres, à eux de les retrouver
  • faire la même chose avec une catégorie « plus complexe » (science politique)
  • débattre de l’intérêt de cette scénarisation
  • et enfin leur demander d’essayer de présenter les mêmes situations/phénomènes sans faire appel à la peur

Créer / entretenir la peur de menaces extra-terrestres

Ogres stellaires, bolides de l’espace…
Les nouveaux monstres du cosmos 

Special FIN DU MONDE
Quand le ciel nous tombera sur la tête

> Astéroïdes : un jour c’est sûr…
> Galaxies : Andromède fonce sur nous
> Soleil : Il embrasera la Terre

Le soleil en panne !
Sommes-nous à l’aube d’une nouvelle
perturbation climatique ?

Notons que sur France Inter, le 22 Octobre 2007, La tête au carré et Science et Vie ont proposé une émission intitulée La fin du monde.

On peut lire dans le sous-titre de cette émission :

Quand le ciel nous tombera sur la tête : astéroîdes, galaxies et soleil… les scientifiques en sont désormais sûrs mais ce n’est pas pour demain ! Nous voici rassurés.

Créer / entretenir la peur d’invasions

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  • Grèce, Portugal, Espagne : l’offensive de Pékin
  • Entreprises : la stratégie des prédateurs
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L’économie européenne gangrénée

Créer / entretenir la peur dans les campagnes de prévention

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Créer / entretenir la peur des médicaments

Ce type d’appel à la peur peut avoir des conséquences graves : détournement des thérapies efficaces et reconnues comme telles.

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Créer / entretenir la peur d’un ennemi intérieur 

L’ultra-gauche – les anarcho-autonomes

Petit montage trouvé sur le net* à l’époque de l’affaire Tarnac, sur l’arrestation le 11 Novembre 2008, de personnes accusées d’avoir posé des fers à béton sur les caténaires de TGV.

Médiatisation des émeutes de 2005 dans les banlieues

Dans cet extrait de Banlieue sous le feu des médias, que l’on peut regarder gratuitement dans son intégralité sur le site de Clap 36, les journalistes français s’étonnent des appels à la peur des journalistes étrangers. Il est toujours plus facile de repérer ce genre de choses chez les autres que dans sa propre édition.

Créer / entretenir la peur de l’islamisme

En France et en Europe

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Affiche suisse créée à l’époque de la votation sur les minarets
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Reprise de l’affiche suisse par le Front National
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Image trouvée sur le Web
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  • Plus de porc dans les cantines
  • Absentéisme au cours de gym
  • Contestation du Darwinisme
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  • Le retour de la menace terroriste
  • La poussée des fondamentalistes
  • L’échec de l’intégration
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Révolutions Tunisienne et Egyptienne

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  • La peur de l’islamisme
  • Le Moyen-Orient destabilisé
  • Comment sauver la paix
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  • La contagion est-elle possible ?
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  • Ce que la France risque
  • La vérité sur les Frères musulmans

Dans ce montage réalisé par Arrêt Sur Image, l’animateur de l’émission Mots croisés de 07/02/2011 ne cesse de questionner ses invités sur le thème : « Faut-il avoir peur des frères musulmans ? »

Toutes les images suivantes concernant la « contagion » ont été recueillies dans l’article intitulé La presse contaminée par la contagion sur le site d’Arrêt sur Image. Elles illustrent particulièrement bien comment le simple choix d’un champ lexical (ici celui de la maladie ou de l’épidémie) peut susciter la peur.

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Actu-Match du 24/01/2011
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20minutes.fr du 24/01/2011
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Le Monde.fr du 19/01/2011
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Libération.fr du 24/01/2011
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Le Point.fr du 20/01/2011
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Le Figaro.fr du 21/01/2011

Créer / entretenir la peur des récidivistes 

Rappelons une fois encore, sur ce sujet sensible, que désigner un appel à la peur n’est en rien une manière de dire qu’on accorde trop d’importance à un sujet ; cela met simplement en évidence le fait qu’on nous pousse dans un état dans lequel il est plus difficile de réfléchir rationnellement et sereinement.

  • Vidéo : le 10 Février 2011, sur le plateau de TF1, lors de l’émission Paroles de Français, N. Sarkozy répond en particulier aux questions d’une pharmacienne sur le thème de l’insécurité. Il y évoque le meurtre de Laetitia. Vous ne pouvez plus visionner la vidéo sur le site de l’Elysée mais voici le passage retranscrit ci-dessous commence à la minute 18’27.
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« Pour moi, ce qui fait déborder le vase, c’est cette jeune Laëtitia, violée par un récidiviste, assassinée par un récidiviste, découpée en morceaux par ce même récidiviste, s’il s’avère que c’est bien lui, les charges pesant sur lui étant très lourdes. Vous voyez, moi je suis plus choqué par ça que par toute autre chose. […]Je veux d’abord aller à l’essentiel. Qu’est-ce qui s’est passé avec Laëtitia ? Ça intéresse les gens de savoir ça. C’est pas rien. Un monsieur, qui avait déjà violé, qui avait passé onze années en prison, est relâché, après sa peine, ce qui est normal, sans que personne ne le suive ! Et ne s’occupe de lui ! Personne ! Ce même monsieur, au même moment où sa compagne dépose au commissariat de police une plainte pour tentative de meurtre et viol, on ne le recherche pas. […] Soit l’enquête conclut que tout s’est bien passé (circulez, y a rien à voir).
C’est la fatalité ? Je peux pas l’accepter ! Je peux parfaitement comprendre la fatalité d’un homme qui n’a jamais violé et jamais tué et qui tout d’un coup commet l’irréparable. Ça, qui pouvait prévoir ? Mais il avait déjà violé, il avait déjà un passé judiciaire ! Donc je ne peux pas accepter qu’on me dise… [changement d’idée en cours d’énoncé] »

 

Voir l'extrait

Oui, Tony Meilhon est un récidiviste. Oui, il a été condamné pour un viol commis en 1997, à cinq ans de prison dont deux avec sursis. Il avait alors 16 ans. Tel que Nicolas Sarkozy le raconte, on peut croire que le violeur mis en examen dans l’affaire Laëtitia est donc un délinquant sexuel qui s’est déjà attaqué à des femmes par le passé.

Or, les faits pour lesquels il a été condamné n’ont rien à voir avec cette association d’idées induite par le propos de Nicolas Sarkozy. Dans un foyer pour mineurs, en compagnie de deux codétenus, ils ont introduit un manche à balai dans l’anus d’un quatrième détenu mineur afin de le punir d’être ce que l’argot des prisons nomme un « pointeur » (des détenus inculpés pour des affaires de mœurs, pédophilie notamment).
Cet acte de torture est une punition contre des délinquants sexuels pédophiles qui sont victimes de l’opprobre en prison depuis très longtemps, comme Jean Genet par exemple a su le décrire. Car même les taulards se considèrent comme régis par un certain code de l’honneur, dans lequel figure le droit de martyriser ceux qui se sont sexuellement attaqués à des enfants, jugés des êtres faibles et incapables de se défendre.

« Il avait passé onze années en prison. » Dans le contexte énonciatif, on peut penser qu’il s’agit de onze années pour des faits de viol. Or, il n’a purgé pour cette affaire que trois ans, et les autres années sont liées à divers délits, essentiellement des attaques à main armée et une agressivité vis-à-vis des autorités de police et de justice (« rébellion », « outrage »…).

Toujours dans le même contexte, le propos de Nicolas Sarkozy, par contiguïté des énoncés, laisse croire que, après ces onze années de prison pour délinquance sexuelle supposée, il a été mis en liberté sans suivi pour être soigné de ses pulsions.
Or, les faits ont été commis il y a plus de douze ans, la peine purgée pour cela il y a bientôt dix années. La justice a manifestement affaire à un être violent, pas à un délinquant sexuel récidiviste.

Quant à la plainte déposée par son ex-petite amie, elle date du 26 décembre 2010, et la disparition de Laëtitia date du 18 janvier. Si l’enquête concluait à l’absence totale de toute tentative de le retrouver, suite à cette plainte, il faut quand même noter qu’il ne s’est écoulé qu’une vingtaine de jours et qu’il est courant de voir des enquêtes et recherches s’enclencher en plus de temps.

Enfin, le motif de la plainte n’est pas celui énoncé par Nicolas Sarkozy, qui charge la barque pour renforcer sa démonstration : « Une plainte pour tentative de meurtre et viol. » Il s’agit en réalité d’une plainte pour « menace de mort » et « agressions sexuelles ». Très agressif avec sa compagne et encore après qu’elle soit devenue son ex-compagne, Tony Meilhon n’a pas accepté la rupture et lui a annoncé : « Je vais te tuer ! Je vais tuer ton fils ! Et j’irai tuer ta mère à Fougères [Ille-et-Vilaine] et je vais me tuer après » et « Il a répété ces menaces une dizaine de fois en quinze jours », ajoute-elle dans une interview au Parisien.

Elle n’a donc pas porté plainte pour tentative de meurtre, comme l’affirme Nicolas Sarkozy, mais pour des menaces. Ça ne le rend pas plus sympathique, mais cela relativise la gravité de la faute que Nicolas Sarkozy impute aux juges et aux policiers. Ce n’était pas un violeur récidiviste ni un assassin recherché suite à une plainte pour tentative de meurtre. En matière d’homicide, il n’était encore jamais passé à l’acte. Il est donc tout à fait dans le cadre « d’un homme qui n’a jamais tué et qui tout d’un coup commet l’irréparable », ce que Nicolas Sarkozy « peut parfaitement comprendre » selon ses propres dires…

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Sociologie, anthropologie – Atelier sur le racisme ordinaire et la discrimination

Voici du matériel simple pour animer un atelier sur le « racisme ordinaire » avec des étudiants, des élèves ou du grand public. Il est possible de passer les documents, puis de débattre, ou bien d’ajuster chaque document à un savoir-être bien précis.

Introduction au préjugé

Ci-dessous, quelques documents permettant d’introduire la question du préjugé raciste, même avec un public jeune.

  • Le Noir et le ballon (vous avez la référence de cette vidéo ? Nous la cherchons. Édit du 27 septembre 2017 : merci à Anaïs De Winter qui a trouvé la source : il s’agit d’une pub Thaï de 1980 pour du dentifrice à pâte noire aux herbes du groupe Twin Lotus Company)

Télécharger là

  • Le nageur Moussambani, aux Jeux Olympiques de Sydney (1996)

Ou ici en meilleure qualité :

https://sport.francetvinfo.fr/les-jeux-olympiques/video-natation-un-athlete-ethiopien-fait-le-buzz

Télécharger

Dans le cas présent, il s’agit de Stéphane Caron & Eric Besnard, riant de la mauvaise technique d’un nageur équato-guinéen, en gommant la génèse du problème.

Il est conseillé de regarder cette vidéo avant, et après avoir appris qu’Eric Moussambani n’avait appris à nager que depuis huit mois, n’avait jamais nagé 100 m d’affilée de sa vie, n’avait jamais vu de piscine de 50 m, car son entraînement ayant eu lieu dans une piscine d’hôtel de 20 m, seule piscine dans son pays. Sa fédération disposant de moyens inexistants, son maillot et ses lunettes lui ont été prêtés une heure avant l’épreuve par deux athlètes.

Note : il arrive parfois que cette seule vidéo amène le public à « essentialiser » le problème, en arguant du fait que « bien sûr, les Noirs ne flottent pas très bien, paraît que c’est à cause de leur mélanine », occultant du revers de la main avec un argument non-sourcé tout ce qui fait la génèse du fait que les Noirs Africains ont peu accès aux piscines. 

  • Nina Simone, la chanteuse noire

Dans son autobiographie Ne me quittez pas, Nina Simone raconte :

« A cause de Porgy, on me comparait souvent à Billy Holliday, ce que je détestais. Ce n’était qu’un morceau parmi tant d’autres à mon répertoire, et il suffisait de m’entendre l’interpréter pour comprendre qu’il n’y avait aucun rapport. Ce qui me rendait furieuse, c’est que visiblement les gens s’appuyaient sur la simple constatation que nous étions toutes les deux noires : si j’avais eu la peau blanche, personne n’aurait fait le rapprochement. (…) Me qualifier de chanteuse de jazz était une manière de dédaigner mon bagage classique, parce que je ne répondais pas à l’image de l’artiste noir que se faisaient les Blancs. Une forme de racisme : « puisqu’elle est noire, c’est forcément une chanteuse de jazz ». Un point de vue qui me rabaissait, tout comme Langston Hughes quand on le qualifiait de « grand poète noir ». Langston était un grand poète, un point c’est tout ; à lui, et à lui seul, revenait le droit de dire en quoi jouait la couleur de sa peau ». (Ne me quittez pas, Presses de la renaissance, 1992, p. 107).

Discrimination raciale dans les institutions

Le racisme ordinaire naissant sur du terreau « ordinaire », il est nécessaire de passer par des témoignages réels et actuels pour montrer la discrimination non seulement dans la vie, mais dans les institutions. Voici quelques exemples :

  • Injure raciale, France 3 Grenoble, 16 mars 2010

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  • Discrimination raciale de Jean-Marie, français d’origine béninoise à la Caisse Régionale d’Île-de-France, France Culture, Les pieds sur Terre 9 février 2011

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  • Discrimination d’un français d’origine maghrébine à la Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris, France Culture, Les pieds sur Terre 9 février 2011

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Matériel plus poussé

Il est possible ensuite d’incrémenter un peu le sujet, avec le matériel suivant, dans un ordre de complexité croissant.

  • Racisme ordinaire et début d’analyse socio-économique – Daniel Balavoine chez P. Gildas, Canal + (1985)

Comment le chanteur Daniel Balavoine et le présentateur Philippe Gildas ramènent sur le plan socio-économique la question du racisme ordinaire et bousculent des effets cigogne (confusions corrélation/causalité). Date présumée du document : 6 novembre1985.

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  • Moustafa Kessous, journaliste du Monde, balaye quelques cas de racisme ordinaire dans la vie de tous les jours France Inter, Zapping, 26 septembre 2009)

  • Bi-standard pour le Rwanda – Clip de campagne I hate you, de Hands for hope

Attention ! Cette vidéo peut choquer un jeune public !

Ce clip introduit la différence de traitement médiatique selon la proximité du public avec le sujet qui souffre, en vertu de cette « loi » journalistique qui veut qu’un demi-mort local vaut mille morts lointains*. Il balaye aussi une représentation souvent primitiviste des « noirs qui s’entre-tuent »**, en transposant de manière plausible une scène dans un monde blanc (merci à Eric Bévillard, de l’Observatoire Zététique, de nous l’avoir transmis).

Note : ne sachant pas exactement ce qu’est l’objet social de l’association australienne Hands for hopes, j’utilise en public une version de la vidéo sans la mention de cet organisme.

  • Les propos de Nicolas Sarkozy, prélevés par Désentubages cathodiques (2007)

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Discours prélevés chez N. Sarkozy, avec les amalgames essentialistes suivants.

– Jeune des banlieues = pas de formation qualifiante = oisiveté = trafic

– Jeune des banlieues = non-blanc

– Musulman = faciès particulier (« ça n’a rien à voir avec la religion, quand on est musulman ça se lit sur sa figure »)

Passage incontournable : « Zinedine c’est formidable ! Mais les musulmans de France, ils sont capables aussi d’avoir des hauts fonctionnaires, des chercheurs, des médecins, des professeurs et si on ne donne pas à tous ces jeunes de banlieues des exemples positifs de réussir, comment ils vont croire en la République ? »

Racines de la discrimination

Le moment est tout indiqué pour réfléchir aux racines de la discrimination, sa genèse et la manière dont elle s’installe dans un groupe.

La leçon de discrimination, est un documentaire de 43 minutes tiré de l’émission Enjeux (Société Radio-Canada production) de Pasquale Turbide et Lucie Payeur (2006).

C’est une remarquable expérience lors de laquelle Annie Leblanc, enseignante dans une école primaire de Saint-Valérien-de-Milton, en Montérégie fait vivre à ses élèves du primaire la réalité des personnes qui subissent la discrimination en divisant sa classe en deux groupes sur un critère arbitraire – la taille -, un groupe étant valorisé et l’autre dévalorisé par l’enseignante. Ainsi la discrimination est subie par les grands la première journée, puis par les petits le jour suivant…

Le documentaire La leçon de discrimination est vendu en DVD aux professionnels de l’éducation. Pour plus deAnnie Leblanc indiquant la limite de taille renseignements, communiquez avec les Services éducatifs de Radio-Canada.

Notons que ce type d’expérience, aussi bouleversante soit-elle, n’est pas une première : il y eut entre autres celle de Jane Elliott (1968), discriminant à l’époque sa classe sur la base de la couleur des yeux.

Pour voir A class divided, (Frontline, PBS1), c’est ici (en version originale). Madame Elliott remit d’ailleurs une « dose » en 2010 avec une expérience intitulée How racist are you ? (Combien êtes-vous raciste?) que l’on peut regarder (version originale également).

Il est loisible ensuite de donner une sorte de recul historique, et de cadre théorique pour « penser » les origines de ce racisme ordinaire.

  • Nénuphar, chanson officielle de l’Exposition coloniale de 1931 à Paris (extrait INA prélevé dans 2000 ans d’Histoire, de Patrice Gélinet sur France Inter, 19 août 2010).

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  • Fabrication de l’éthnicité chez les mineurs d’Afrique du Sud – Extrait d’interview du géographe Philippe Gervais-altLambony dans l’Afrique enchantée, France Inter, 17 juillet 2011 (émission « le chant des mineurs »).
 
On comprend ainsi qu’un critère prétendument scientifique prend sa source directement dans une oppresion socio-économique mâtinée de préjugés moraux.
Pour en savoir plus : Philippe Gervais-Lambony, L’Afrique du Sud, Le Cavalier Bleu, collection Idées Reçues (2009).
  • Fabrication de l’ethnicité chez les Rwandais. Le cas fut pratiquement similaire ans le Rwanda belge, dont l’ethnicité Hutu/Tutsi est une construction coloniale réinterprétant en terme raciste/ethniciste ce qui relève d’anciens clivages socio-économiques. Les cartes d’identité « ethniques », instituées par le colonisateur belge en 1931, décrètent des critères biométriques qui n’ont pas de pertinence scientifique.
On pourra alors utiliser l’excellent documentaire Rwanda, l’histoire qui mène au génocide, de R. Genoud (1995), en particulier les passage de Claudine Vidal. 
  
Pour en savoir plus :
CorteX_Gouteux_nuit_rwandaisecouvJean-Paul Gouteux, La nuit rwandaise, Esprit frappeur (2002) CorteX_Franche_Rwanda
Dominique Franche, Généalogie du génocide rwandais, Tribord (2004)

  

 
 
  • Race, chaînon manquant : la science au service de la politique – extrait du documentaire Zoos Humains, de Pascal Blanchard et Éric Deroo (2002).
 

Analyse de la construction de la différenciation des races. Dévoiement des concepts darwiniens, et entreprise de hiérarchisation. Le biologiste André Langaney explique comment placer le « nègre » comme chaînon manquant au XIXe, permet « d’expliquer » à rebours du même coup le rabaissement de l’esclavage et la théorie de l’évolution.

Et le narrateur explique comment en essentialisant ainsi une infériorité, on justifie ainsi une politique coloniale sans merci.

Des éléments de cette compilation ont été déroulé par Richard Monvoisin :

Vous voulez aller plus loin ? Nous vous enjoignons à lire ce monument de la littérature scientifique qu’est « La malmesure de l’Homme », de Stephen Jay Gould (1983) qui compile toutes les (pseudo-)théories ayant tenté d’accréditer scientifiquement le racisme, le sexisme et le criminalisme.

Vous voulez aller…. encore plus loin ? Vous pouvez lire une analyse critique de La malmesure de l’Homme  écrite par Serge Larivée, de l’université de Montréal, dans Vices et vertus de S. J. Gould, Revue québécoise de psychologie, vol. 23, n°3, 2002, pp 7 – 23).

* Lire à ce propos Aubenas & Benasayag, La fabrication de l’information, les journalistes et l’idéologie de la communication, la Découverte (2007).

** Représentation battue en brêche entre autres dans B.Diop, O.Tobner-Biyidi, F-X. Verschave, Négrophobie, éditions Les Arènes (2005).

Richard Monvoisin

Le racisme au quotidien 3/3 : Racisme au quotidien