Journalisme – atelier titres de presse

Depuis septembre 2012, je donne un cours « Esprit critique & autodéfense intellectuelle » à l’Université Inter-Âge du Dauphiné. L’une de mes « étudiantes », Yolande Vallon, anime elle-même un atelier « Revue de presse » et m’a demandé un exposé participatif sur la question des titres d’articles. C’était le 15 mai 2013. Voici comment je m’y suis pris. Puisse ceci faciliter la tâche de toutes celles et ceux qui voudraient faire de même.


Je savais que j’allais avoir pendant une heure et demie une quinzaine d’habitué-es (qui s’avérèrent près d’une trentaine) majoritairement retraités. Un public retraité qui vient se former est généralement un public déjà pointu, et il faut bien intégrer le fait que nous n’avons pas affaire à des « perdreaux de l’année tombés de la dernière pluie ». Les exemples que j’ai choisis étaient donc assez pointus, volontairement. Pour un public jeune (pré-bac), je déconseille donc le matériel de presse employé ici, et enjoins à en choisir du plus facile.

Une heure et demie, avec le temps d’installation, est un temps court. Aussi ai-je opté pour l’efficacité.
J’avais la possibilité de projeter, aussi ai-je concocté un diaporama sous Libre office.
Voici la trame que j’ai employé.

Introduction

J’ai expliqué la notion de fabrique du consentement (E. S. Hermann et N. Chomsky 2008) et j’ai précisé que la manufacture de l’opinion commence dès le choix d’un titre, souvent percutant, court, de manière à être « apéritif », mais truffé de non-dits et d’implicite.

1ère partie : introduction des notions de base

J’ai exposé l’effet paillasson, puis l‘effet impact, en montrant pour chacun des exemples simples, puis plus complexes, et en parlant des risques inhérents à ces effets.
Pour l’effet paillasson : des tautologies, des définitions peu claires et l’encouragement au raisonnement « à la hache », par gros paquets stéréotypaux. Dans mon illustration sur la délinquance, j’ai repris un TP de G. Reviron (ici) ainsi que des articles de Laurent Mucchielli (entre autres ).
Plus de détails ici : effet paillasson.

Pour l’effet impact : l’appel à l’émotion plus qu’à la raison. J’ai entre autre repris ce remaniement de la langue suggéré dans un amendement de la loi Loppsi 2 transformant vidéosurveillance en vidéoprotection, moins « anxiogène ».
Plus de détails là : effet impact.
J’ai ensuite introduit la notion de Mots fouines (voir Baillargeon 2005), ainsi que l’exposé sur les mots à effet puits et la langue de bois de Franck Lepage, de la SCOP d’éducation populaire Le Pavé.
[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=oNJo-E4MEk8]
Vinrent les carpaccios journalistiques ou arts de mettre en scénario préfabriqué l’information qui passe (appel à la peur, à l’espoir, et fabrication du scoop), avec quelques exemples appuyés.
J’ai terminé par la notion de plurium interrogationum, ou effet gigogne, art de cacher dans une question une prémisse non négociée.

2ème partie : discussion sur quelques titres de presse du jour

J’ai misé sur la fraîcheur de mes exemples et je ne voulais pas être suspecté d’avoir fait un biais de sélection des exemples les plus pertinents. Par conséquent, j’ai attendu le matin même, et ai choisi trois quotidiens célèbres, de subjectivité politique évidente pour deux d’entre eux : Libération, socio-démocrate assez mou, et le Figaro, gaulliste-conservateur libéral. Le troisième, Le Monde, est célèbre pour un certain opportunisme politique, et une ligne éditoriale fluctuante et assez peu lisible.
J’ai alors prélevé trois informations, et leurs traitements respectifs dans chaque journal. J’ai fait les copies d’écran que voici, classée dans l’ordre précité Libération, Figaro, Le Monde. 

  15 mai 2013 Récession – Libération, Figaro, Le Monde
CorteX_France_recession_Libe_15.5.2013
CorteX_France_recession_Figaro_15.5.2013
CorteX_France_recession_Monde_15.5.2013
 15 mai 2013 PSG / Trocadéro – Libération, Figaro, Le Monde
 CorteX_emeutes_PSG_Libe_15.05.2013
CorteX_emeutes_PSG_Figaro_15.5.2013
CorteX_emeutes_PSG_Monde_15.5.2013
15 mai 2013 Cours d’anglais à l’Université – Libération, Figaro, Le Monde.
CorteX_Anglais_libe_15.05.2013
CorteX_Anglais_Figaro_15.05.2013
CorteX_Anglais_Monde_15.05.2013

Je ne rentrerai pas dans le détail du commentaire de ces titres, puisque c’est le public qui l’a produit. On peut toutefois dire que la ligne politique est assez simple à décrypter pour qui connaît le contexte politique en cette fin de première année de mandat de président du PS François Hollande – les articles de Libération sont plus complaisants, ceux du Figaro plus vindicatifs, et ceux du Monde plus modérés.

Je ne peux qu’encourager l’enseignant à faire sa propre moisson de captures d’écran. Je hasarde toutefois un conseil : dans un TP comme celui-ci, il faut bien garder la barre et n’analyser que les titres et non le sujet de l’article en tant que tel. Peu importe notre avis sur la « récession » par exemple, il s’agit de voir la différence de traitement pour une même information. Le risque est grand chez un public politisé de voir un débat hors-sujet démarrer comme un feu de broussailles.
Voici mon diaporama complet.
N’hésitez pas à partager ici-même vos propres ressources.

Richard Monvoisin

Brève bibliographie :
E. S. Herman & N. Chomsky, La fabrication du consentement – De la propagande médiatique en démocratie, Agone (2008)
F. Aubenas & M. Benasayag, La fabrication de l’information, Les journalistes et l’idéologie de la communication, La découverte (1999)
N. Baillargeon, Petit cours d’autodéfense intellectuelle, Lux (2005)
R. Monvoisin, Pour une didactique de l’esprit critique, thèse, Univ. Grenoble (2007)
Crédit image N°1: Fotolia

Le Métronome de Lorànt Deutsch : un exemple de pseudo-histoire

Doctorant en histoire, j’ai réalisé une relecture critique et cette petite synthèse des polémiques autour du Métronome de Lorànt Deutsch lors d’un cours de présentation et d’initiation à la zététique (dans un stage doctoral, à Grenoble). Ce travail se veut aussi une invitation aux chercheurs et historiens, au-delà de ce cas précis, à une réflexion autour de ce que l’on pourrait qualifier « d’impostures intellectuelles » et de falsifications historiques, qui sont en passe de supplanter les recherches scientifiques grâce à leur puissance médiatique et à leurs réseaux de diffusion.

Par Guillaume Guidon, Centre de Recherche en Histoire et histoire de l’Art à l’Université Pierre-Mendès France (Grenoble)

Note du CorteX – Ce travail fait suite à l’appel lancé ici : Histoire – Peut-on critiquer le Métronome de Lorànt Deutsch ?


Contexte de l’histoire et de la polémique

Le Métronome, livre écrit par Lorànt Deutsch, est sorti en 2009. Plus de deux millions d’exemplaires ont été vendus jusqu’à présent. Il a, entre autres, obtenu le soutien de la Mairie de Paris, tandis qu’une adaptation télévisuelle a été faite et diffusée l’été dernier sur le mode de la série sur France 5 qui a coûté plus d’un million d’euros, financée avec de l’argent public. Chaque épisode a été suivi par près d’un million de personnes.

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=CoOaKxutniE]

Jusque là, peu de médias ont été critiques, autant à l’égard du livre que de la série télévisée :

  • « Un pavé d’une science impressionnante » selon BibliObs ;CorteX_scene_metronome

  • « Un récit enlevé de l’histoire de France vue de Paris, entre vulgarisation et effluves d’une réelle érudition » selon Libération ;

  • « Cette série donne envie de chausser ses meilleures baskets pour parcourir la ville » selon Le Monde.

  • « Une prouesse technique et ultra pédagogique » selon Télérama.

Pourtant, une polémique éclate en 2012, suite à la diffusion des épisodes télés. Des historiens critiquent l’histoire de Paris telle qu’elle est présentée par Lorànt Deutsch (LD). L’affaire prend de l’ampleur quand le Front de Gauche demande à la mairie de Paris de retirer son soutien au livre de l’écrivain. La réponse de ce dernier ne tarde pas : il essaye de circonscrire la polémique en disant que les critiques ne sont que le fait d’une jalousie. Ce faisant, il détourne le sujet en évitant de répondre aux critiques sur le fond et la méthode de travail qu’il a employé.

William Blanc, historien, accuse LD de livrer une vision « extrêmement royaliste de l’histoire » au point de donner « une vision très positive des rois et une vision par exemple extrêmement négative du peuple parisien ». Pour Alexis Corbière, du Front de Gauche :
« il y a un problème majeur, ce livre « contient de très nombreuses erreurs, affabulations et inventions historiques ». De plus, « il propose une vision orientée répondant à une lecture idéologique assumée, pétrie de convictions religieuses de l’auteur (…) qui ne se cache pas d’être hostile à la République, particulièrement à la Révolution française et se dit nostalgique de la monarchie ». »
La presse de droite comme Nouvelles de France s’empare aussi de la polémique en s’attaquant au personnage de William Blanc pour le discréditer. Dans une tribune libre datée du 16 juillet, Frédéric Laurent s’attaque à une campagne de presse faite « dans la plus pure tradition des tentatives de manipulation de l’opinion dont la gauche s’est fait une spécialité ». La présentation est assez caricaturale :
« Ce gros garçon était tout simplement l’un des leaders des mouvements d’extrême-gauche, qui ont fait du lieu leurs quartiers généraux dans le monde universitaire parisien. Violent (accusé notamment par une opposante de lui avoir cassé le bras au sein même de l’université) et quelque peu fanatisé (impossible de discuter avec lui), il était resté de longues années à Tolbiac, où l’on n’était censé – à l’époque – ne passer que les deux années de Deug. C’est à se demander où il trouvait son argent pour vivre. Pour tout dire, le garçon faisait penser à ces hommes de main payés par l’extrême-gauche pour maintenir son contrôle du système éducatif en fomentant des mouvements pseudo-révolutionnaires et étouffer toute opposition. »

… Une attaque qui ne dit encore pas grand chose des critiques de fond et de forme portées à l’encontre du Métronome.

Lorànt Deutsch a riposté, se défendant d’être « un idéologue » ou « un faussaire historique » et affirmant être un « amoureux de l’histoire ».

« J’ai dit que j’étais royaliste mais je ne suis pas un militant politique. Je suis un enfant de la République, j’aime mon pays » (…) « Je veux bien débattre de mon livre avec des historiens mais pas avec des militants politiques ». 

Pourtant, il s’y est toujours refusé jusqu’à présent, préférant débattre dans les médias avec des non-spécialistes.

 

Méthode Deutsch vs. Esprit critique

CorteX_lorant-deutschQuels sont les éléments qui ont amené à une telle polémique, alors que le livre donne l’image d’un flâneur sympathique, amoureux de Paris, qui veut nous faire découvrir sa ville au rythme des stations de métro ?

  • Un livre idéologique qui se heurte à la réalité et aux recherches scientifiques

En premier lieu, la « méthode Deutsch » repose sur des sources anciennes et connotées, prises sans aucun recul critique. Le tout pour aller dans un sens qui, au contraire de ce qu’il dit, est bien plus idéologique que les critiques qui lui sont faites. Car Lorànt Deutsch estime que l’histoire de France, c’est avant tout la monarchie et l’Église, et que l’on doit rendre hommage à cet héritage presqu’éternel, en opposition à une révolution violente et synonyme de chaos. Ce faisant, il rejette alors les nombreux travaux scientifiques déjà existants : il prétend faire une histoire personnelle, mais tout de même basée sur des sources écrites, et ne rien inventer. Lors d’une rencontre avec ses lecteurs à la FNAC à Paris le 21 avril, il déclare que « l’histoire de France est une matière subjective ». Une citation résume cette « méthode Deutsch » :

« L’idéologie ne doit pas être détruite au nom du fait scientifique […] si on peut tendre vers le fait scientifique, tant mieux, surtout si ça accrédite ma chapelle, et ce que je pense, mon éclairage de l’histoire » (Les Affranchis, France Inter, 18 avril 2012).

Tout est là : Lorànt Deutsch choisit certains travaux et sélectionne des faits qui vont dans son sens idéologique, ne les étudie pas avec recul critique, et va même jusqu’à tordre les faits. Mieux, sans que l’on sache si c’est volontaire ou non, le comédien parvient à interpréter de façon erronée les sources ou les travaux qu’il prétend avoir utilisés. En procédant ainsi, il opère des choix significatifs ; des faits essentiels de l’histoire de France sont ainsi passés sous silence, ou bien évoqués de façon plus qu’allusive. C’est le cas pour la Seconde Guerre mondiale par exemple, et notamment pour tout ce qui touche à la Collaboration. Seules quelques lignes y sont consacrées qui ne disent pas grand chose (p. 360). Ces choix significatifs peuvent s’expliquer de la bouche même de Lorànt Deutsch quand il déclare au Figaro en mars 2011  :

« Pour moi, l’histoire de notre pays s’est arrêtée en 1793, à la mort de Louis XVI. Cet événement a marqué la fin de notre civilisation, on a coupé la tête à nos racines et depuis on les cherche […]. C’est comme avec la religion, on essaie de faire triompher la laïcité, je ne sais pas ce que cela veut dire. Sans religion et sans foi, on se prive de quelque chose dont on va avoir besoin dans les années à venir. Il faut réintroduire la religion en France, il faut un concordat. »

Une histoire faite par les (grands) hommes

L’histoire, pour l’auteur, est avant tout l’histoire des rois et des saints, c’est eux qui sont le moteur de l’histoire. Ils sont constamment glorifiés, mis en valeur. En voici un exemple sur Philippe Auguste (p. 218) :

« Comme sa muraille, Philippe Auguste est fascinant ! Il a tout fait, tout imaginé, tout réinventé. Il a imposé l’autorité royale, agrandi le pays, renouvelé Paris. »

Quand on en sort, cela relève de l’anecdotique ; les femmes n’ont pas grand droit de cité : elles sont au mieux des reines et des princesses, au pire des intrigantes dévergondées…

L’exemple page 84 de Honoria, sœur de l’empereur d’occident Valentinien, est éclairant :

« La dame aux yeux de velours est bien malheureuse car son frère, personnage aussi austère qu’intransigeant, veille avec suspicion et méticulosité sur la virginité sororale. Làs, la gourgandine a pris un amant ! L’empereur, hors de lui, fait exécuter le gaillard, mais cela ne suffit pas car la drôlesse attend un bébé. »

… des roturières, ou des prostituées, plus intéressées par le « shopping » et ce dès l’antiquité.

Page 41 :

« Et les lutéciennes, qui n’ont pas changé, viennent « faire les magasins » pour se fournir en onguents délicats, en huile d’olive ou en fibules plus fines et plus brillantes que celles de la voisine ».

Comme le dit un article du mensuel CQFD paru en avril 2012 :

« Chez Lorànt Deutsch, l’histoire est marquée par les grands hommes. Pour les grandes femmes, on repassera ! Seule sainte Geneviève trouve grâce à ses yeux pendant que les autres, les Lutéciennes puis les Parisiennes, font du shopping. Une vision somme toute classique, développée tout au long des XIXe et XXe siècles, quand l’histoire était écrite pour célébrer les chefs de guerres, les rois, les saints… ».

Une histoire des vainqueurs 

L. Deutsch a fait un choix plus que problématique en centrant son livre uniquement sur l’histoire des rois. La légende de Saint-Denis occupe huit pages ; la manifestation du 6 février 1934, qui est quasiment la seule manifestation citée pour le XXe siècle, est vue comme une manifestation populaire alors que la réalité est beaucoup plus complexe (on se réferrera entre autres à Serge Bernstein, Le 6 février 1934, Gallimard (1975).

Mais la réalité, l’écrivain semble ne pas s’en soucier énormément, préférant nous offrir une vision caricaturale, à l’instar de celle véhiculée sur les femmes, du « peuple » parisien. Ce dernier serait « violent, sanglant » (4ème de couverture), et ne pense qu’à grogner et se soulever. À Lorànt de lui réserver un traitement tout deutschien. Alors qu’il consacre huit pages à saint Denis, treize à sainte Geneviève, quinze à Pépin le Bref, la Commune de Paris et ses vingt mille morts sont résumés en un seul petit paragraphe ! En quelques lignes, il n’est pas question d’expliquer pourquoi le peuple parisien s’est soulevé en 1871. Tout au plus l’acteur évoque-t-il une « fureur populaire » venue d’on ne sait où, et des soldats rompant les rangs parce que « fatigués, démoralisés, déboussolés » (p. 353). Mais il est vrai que le peuple a toujours été un peu bourrin : lorsque Geneviève, animée d’une « foi parfaite » (p. 86), lance un appel contre les Huns – « l’envahisseur asiatique » (p. 89) –, « les plus excités des Parisiens parlent […] de [la] jeter dans un puits, manière radicale de la faire taire » (p. 87).

Une sainte horreur des révolutionnaires

Enfin, avec Lorànt Deutsch, il ne fait pas bon être révolutionnaire et défier l’ordre, la monarchie ou la royauté. Car avant même que la Révolution de 1789 ne soit évoquée par l’écrivain, les acteurs en prennent pour leur grade. L’écrivain parle, dans un premier temps, de « fureur révolutionnaire » (p. 98) ; des « déprédations révolutionnaires »(p. 118), de la « fureur populaire » et des « nouveaux persécuteurs » qui « saccagèrent » une abbaye bénédictine. Et lorsqu’il évoque le roi Dagobert, au sujet de sa mauvaise réputation et de sa fameuse « culotte à l’envers », la faute en revient à « la brutalité révolutionnaire ». Il précise :

« La Révolution, qui se moque bien de la vérité historique, a produit cette rengaine pour railler les rois et les saints. » (p. 128)

Pour l’auteur, la colère ne peut être qu’irrationnelle, des causes politiques ou économiques par exemple ne lui semblent pas particulièrement légitimes. On en voit un exemple page 327 à propos de la Révolution française :

« Cette population miséreuse, qui appartient au paysage quotidien du faubourg tout en venant de l’extérieur, se montre toujours prompte à exprimer sa colère ! C’est elle qui, pour une épidémie de trop, une mauvaise récolte ou une taxe additionnelle, entraîne les artisans sur la route dangereuse de la protestation et de la rébellion ».

Mourir de faim ne semble donc pas une raison légitime, et la rébellion ne serait qu’une « route dangereuse »… Mais c’est vrai, pour Deutsch, c’est le début de la fin pour la monarchie et le 14 juillet 1789 nous est donc présenté comme un « jour de guerre civile, d’affrontements et de violences » (p. 335). Matthieu Lépine, professeur d’histoire, résume bien la situation quand il parle en ces termes de l’adaptation télévisuelle dans un article consacré à la série :

« Cette émission, présentée comme un outil d’éducation populaire n’est en réalité qu’une arme de propagande, faisant à la fois l’éloge de la monarchie, la glorification de la chrétienté et le réquisitoire de la Révolution française. ».

Les sources, la méthodologie, les erreurs historiques

Il y a en outre une question de méthode qui est aux antipodes de ce qu’il faut enseigner aux étudiants, quel que soit le niveau de scolarité. Citer ses sources, disposer d’un appareil de notes et d’une bibliographie qui permettent de discuter des thèses qui sont avancées et des interprétations qui sont faites, sont une des bases d’un travail sérieux. Les coquilles sont une chose, avancer des faits sans « étayer », en est une autre :

« Lorànt Deutsch affirme mais ne livre aucune vision critique. Par exemple, sa théorie comme quoi Jeanne d’Arc serait la demi-sœur du roi Charles VII […]. Avancer des hypothèses, c’est le b.a.-ba de tout livre d’histoire. Mais on ne peut pas se contenter de lancer un pavé dans la mare en quelques mots, sans rien justifier, et passer ensuite au paragraphe suivant. » (histoire-pour-tous.fr, J. Perrin)

Le système narratif pose également de gros problèmes. Il se fait en effet systématiquement au présent, ce qui permet de mettre sur un même plan histoire et légendes (les exemples sont évidemment multiples mais on peut entre autres relever ceux de Saint Denis, (p. 52) [1] et de Saint Martin (p. 77) [2], et l’exemple vidéo de Biscornet et de la porte de la cathédrale Notre-Dame). Ces affirmations sont très souvent accompagnées d’un « effectivement », qui par sa force rhétorique est censé mettre fin à tout débat (p. 203). Il y a toutefois quelque-chose d’assez vicieux dans le fait que, épisodiquement, Deutsch précise pour certaines histoires farfelues qu’il cite, qu’il s’agit d’une légende (l’évêque Marcel qui affronte un dragon page 82 : « il assène deux bons coups de crosse sur la tête de cette bête, qui devient alors pour la légende pieuse un authentique dragon »). Pour le reste, il se contente de répondre aux critiques que « C’eût été faire peu de cas du bon sens et de l’intelligence du lecteur » [3] s’il avait mis ses affirmations au conditionnel. Au-delà des cas légendaires et mythologiques présentés de façon douteuse, il y a aussi des reconstitutions de scènes « banales » qui sont largement discutables, surtout en l’absence de sources (p. 69 [4]).

Quand il est interviewé, L. Deutsch ne fait que s’enfoncer : par exemple au Journal Télévisé de 20h sur TF1, en septembre 2011, il raconte que Charlemagne a régné autour de l’an mil. Raté, c’était plus de 200 ans plus tôt. Des erreurs, il en fait des tonnes, que ce soit sur des plateaux télévisuels ou dans son livre. Il affirme par exemple que l’art gothique est l’œuvre des Goths : encore raté, le terme gothique dans le domaine de l’art a été inventé au XVIè siècle par Giorgio Vasari. Rien à voir avec ce peuple de langue germanique actif entre le IIIe et le VIIIe siècle.

Il y a d’un côté des erreurs historiques non négligeables qu’il ne faut pas sous-estimer, mais il y a surtout un parti pris politique assez nauséabond qu’il convient de souligner. Citons notamment les exemples du Louvre ou de la Commune, pour lesquels il a une fois de plus recours à des sources datées et relativement discutables. Son récit de la fondation du Louvre en est une bonne illustration ; sa « théorie » est contredite par de nombreux travaux scientifiques sur le sujet, de même que par les fouilles archéologiques (voir Geneviève Bresc-Bautier, Mémoires du Louvre, Paris, Gallimard, « Découvertes », 1998). Lorànt Deutsch nous dit que le Louvre a été construit par le père de Clovis ; en réalité c’est l’œuvre de Philippe Auguste, sept siècles plus tard. En d’autres termes, il n’a pas mené une démarche de chercheur; ce qui semble pourtant essentiel lorsque l’on écrit des ouvrages historiques. Autre exemple lors de son interview sur RMC par Eric Brunet le 10 juillet : les Communards qui auraient tiré sur la colonne de Juillet depuis Montmartre (« Métronome », p. 336). Là, l »écrivain affirme avoir utilisé Eugène Hennebert, « qui reprend des témoignages directs de la Commune« . Le choix de cette source est intéressant, le Hennebert en question, contemporain des faits, en était un acteur en tant qu’officier supérieur de l’armée de Versailles ! Mieux, M. Deutsch dit s’être appuyé sur lui pour évoquer la fameuse canonnade. Or, Hennebert parle bien d’une canonnade sur la Bastille, mais depuis le Panthéon, pas Montmartre et surtout, des tirs venus de canons versaillais, et pas communards (Guerre des Communeux, p. 258) !

Un non-historien peut tout à fait écrire un livre d’histoire, mais à condition qu’il se soumette aux principes de base du travail historique, ce que Deutsch n’a pas fait avec « Métronome ». Il ne respecte pas la démarche de l’historien. En effet, il n’y a aucun travail sur les sources, et celles-ci sont complètement absentes de son ouvrage. Ce n’est pas un travail de chercheur mais un point de vue empreint d’a priori sur l’histoire de France et de Paris. La vulgarisation n’équivaut pas à la falsification. La recherche consiste à faire tomber ses propres préjugés sur le sujet en question. Deutsch fait exactement l’inverse: il part de ses opinions pour aller aux faits (ce qui ressemble beaucoup au raisonnement panglossien – cf. ici Effet Pangloss, ou les dangers du raisonnement à rebours).

L’ouvrage a été présenté comme de la vulgarisation historique, mais il n’en est rien puisqu’il n’offre pas au grand public l’accès aux plus récentes recherches scientifiques. Au contraire, il réactualise CorteX_metronome_Bloc_identitaireune histoire partisane et réactionnaire, fantasmée et mythifiée. Plutôt que de mettre en avant les polémiques entre historiens autour de certains faits problématiques, ce qui, de son avis, « serait d’un ennui mortel », il préfère raconter la version qui lui plaît le plus. Mais le problème s’amplifie puisque le comédien « a même été invité dans des écoles parisiennes (par exemple au lycée Turgot) où il a proposé des conférences basées sur ses travaux » et le maire PS Bertrand Delanoë l’a décoré de la médaille Vermeille de la Ville. Son livre devient donc un outil pédagogique, et Deutsch en vient à prendre la place des professeurs.

Il convient toutefois de relever dans cette histoire le rôle joué par la puissance médiatique et les nombreux canaux dont dispose le monsieur pour la diffusion de son livre. Le même genre de bouquin écrit par un illustre inconnu n’aurait jamais dépassé les 2000 ventes. Au contraire, il joue sur son image d’acteur jeune et comique, grand public. Le succès du livre s’explique donc par une construction médiatique.

Conclusion

À travers la publication du Métronome, ses promoteurs ont reproduit la coupure savant/populaire. Aux savants (dont eux), la culture d’élite, l’accès au savoir critique, et aux masses, et bien le rebut, la pensée light, l’histoire « bling-bling » dont parle Nicolas Offenstadt qui permet tout, sauf de réfléchir. Lorànt Deutsch n’est pas un phénomène isolé. Aujourd’hui, les livres d’histoire les plus vendus ne sont pas des livres d’histoire. Max Gallo et ses « romans-histoire », Alain Minc et sa pitoyable histoire de France (un proche de Nicolas Sarkozy qui comme comme Jacques Attali, incarne la figure française de l’analyste-essayiste à tendance polémico-prophétique qui croit penser son époque quand il ne fait que travestir des lieux communs) voient leurs œuvres tirées à des milliers d’exemplaires non pas parce qu’ils produisent de la qualité, mais parce qu’ils ont accès aux médias, et surtout parce qu’ils ne dérangent pas, car leurs écrits cadrent parfaitement avec les préjugés contemporains.

Et dire qu’il paraît que Lorànt Deutsch nous prépare une histoire de France…

Guillaume Guidon

 

Notes

 

[1] « On dresse une croix sur laquelle on noue Denis, et on lui tranche la tête. Mais le corps sans vie est transfiguré par l’apparition du Sauveur, et le corps s’anime, et le corps se libère de ses liens, et le corps se met en marche… Denis prend sa tête entre ses mains, va la laver à une fontaine et redescend la colline de son martyre. Il marche deux lieues et demie et, enfin, confia sa tête à une bonne romaine nommée Catulla. Là, il s’écroule. Respectueuse, Catulla enterre le pieux évêque à l’endroit même où il s’est effondré. Et sur cette sépulture un blé d’un blond unique pousse bientôt, comme un dernier miracle. »

[2] « L’évêque marche le long de la voie romaine du nord, et les fidèles se pressent pour embrasser sa robe. Mais le prélat ne voit pas la foule, il fixe de son regard un misérable lépreux adossé contre les remparts non loin de la porte nord de la ville, le visage défiguré, les bras lacérés et les jambes flageolantes… Il s’approche du malheureux, chacun retient son souffle. Martin se penche sur le malade et dépose sur sa joue scrofuleuse un baiser fraternel, puis il porte ses mains sur la tête du pauvre homme et le bénit… Le lendemain matin, le lépreux entre à l’église, et chacun peut voir le miracle accompli : ce visage hier encore ravagé est à présent lisse et doux. On le sait maintenant, Martin peut provoquer des guérisons. »

[3] L. Deutsch, « Polémique sur « Métronome » : fausses erreurs et vraies affabulations sur mon livre », 20 juillet 2007. Nouvel Observateur.

[4] Promenade de l’empereur Julien dans les rues de Paris : « Il aime Paris quand il se balade comme un simple légionnaire à travers ses ruelles de boue, quand les échoppes largement ouvertes laissent déborder leurs grappes de jambons, de boudins, de têtes de porcs […]. Il aime Paris quand il hèle joyeusement le marchand : – Patron, as-tu du vin relevé au poivre ? – J’en ai. – Alors donne et remplis ma gourde ! ».

 

Bibliographie utilisée pour construire ce travail

« Polémique « Métronome » : réponse aux contre-vérités de Lorànt Deutsch », Leplus.nouvelobs.com, article de Christophe Naudin, enseignant en histoire, 17 juillet 2012

«Lorànt Deutsch a une vision biaisée de l’histoire», In bibliobs.nouvelobs.com, 10 juillet 2012

« La gauche parisienne demande à la Ville l’arrêt de la promotion du « Métronome » », In tempsreel.nouvelobs.com, 5 juillet 2012

« Polémique autour du « Métronome » de Lorànt Deutsch », In LeMonde blog, 10 juillet 2012
« Polémique Métronome : Lorant Deutsch réplique », Arrêt sur images, 24 juillet 2012

« Qui est donc William Blanc, l’ « historien » critique du Métronome ? », In Nouvelles de France, 16 juillet 2012, tribune libre de Frédéric Laurent

CorteX_historiens_gardeEt pour aller plus loin, un livre à lire : William Blanc, Aurore Chéry, Christophe Naudin, Les historiens de garde – De Lorànt Deutsch à Patrick Buisson, la résurgence du roman national, Inculte Essai, 2013, ainsi qu’une entrevue avec William Blanc (voir AudioteX).

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Histoire et luttes des femmes – Projet Histoire des luttes sociales

Vous avez lu les bases du Projet Histoire des luttes sociales, paysannes, populaires, féminines... Vous voici dans l’onglet Histoire et luttes des femmes. Dans quelle mesure se sont orchestrées les luttes contre les discriminations liées au sexe biologique féminin ou apparenté ?
 
Attention – Il ne s’agit pas de la place des femmes dans l’histoire des sciences, qui fait l’objet d’un autre article : Histoire alternative des sciences.

 

Madeleine Pelletier

Une vie, une œuvre, sur France Culture, le 30 septembre 2017 porte sur Madeleine CorteX_Madeleine_PelletierPelletier, première femme médecin diplômée en psychiatrie en France, mais surtout figure féministe de premier plan. Autrice de nombreux articles, essais, romans et pièces de théâtre, elle est rendue hémiplégique en 1937 par un accident vasculaire cérébral, puis se fait interner de force en asile psychiatrique en 1939, inculpée pour avoir pratiqué un avortement.

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Les féministes en Inde : deux siècles de combats

CorteX_manifestation_viols_Calcutta_3.01.2014« Les Français qui s’intéressent de près à l’évolution de l’Inde sont moins nombreux que les Britanniques, en conséquence très directe de la colonisation. Il n’empêche que l’essor économique et scientifique de ce pays a tourné vers lui les regards, chez nous, bien davantage depuis quelques temps. Et qu’en conséquence directe a grandi l’intérêt pour les équilibres et les déséquilibres de cette société qui nous paraît à tant d’égards si lointaine en dépit de la mondialisation. La situation qui y est faite aux femmes suscite en particulier sous l’effet de cette curiosité renouvelée une attention qui est ranimée de loin en loin par des nouvelles impressionnantes pour ne pas dire terrifiantes. Voici un peu plus d’un an, le viol collectif et les tortures qui ont causé la mort d’une jeune femme dans un autobus de New Dehli, ont frappé d’autant plus les esprits qu’ils ont provoqué une formidable vague de protestation et de solidarité parmi la classe urbaine moyenne. Le procès des criminels a été retentissant. La chaîne de télévision NDTV a affiché en boucle sur l’écran : « En Inde une femme est violée toutes les 22 minutes ». Si bien que l’on a vu surgir ici en France un intérêt inédit non seulement pour l’histoire dans ce pays d’une subordination atavique d’un sexe à l’autre, mais pour la vaillance, l’énergie, les stratégies de celles qui depuis deux siècles ont conduit à tous risques un combat contre l’oppression. Le passé du féminisme en Inde, fort méconnu en France, est propre à éclairer ses avancées et ses faiblesses contemporaines. Martine van Woerkens, de l’École pratique des hautes études, s’est penchée sur ce sujet avec une compétence reconnue, et je l’ai priée de venir en traiter pour nous aider à restituer la profondeur temporelle sans laquelle la tragédie dont il s’agit risquerait de nous apparaître comme un fait divers difficile à déchiffrer ». Jean-Noël Jeanneney . L’émission a été diffusée le 18 janvier 2014 sur France Culture.

Bibliographie :

– Martine VAN WOERKENS, Nous ne sommes pas des fleurs : deux siècles de combats féministes en Inde, Albin Michel, 2010.

– Catherine WEINBERGER-THOMAS, Cendres d’immortalité. La crémation des veuves en Inde, Seuil, 1996.

– Bénédicte MANIER, Quand les femmes auront disparu. L’élimination des filles en Inde et en Asie, la Découverte, 2006.

– VIRAMMA et Josiane et Jean-Luc RACINE, Une vie paria. Le rire des asservis en Inde du Sud, Plon-Éd. de l’Unesco, « Terre Humaine », 1994.

Moi, Phoolan Devi

Phoolan Devi, femme indienne au chemin politique exceptionnel, a été assassinée le CorteX_Phoolan_Devi25 juillet 2001 à Dehli.  Ce documentaire en deux parties, enregistré en janvier 2015 dans l’état de l’Uttar Pradesh, raconte  le parcours de cette  femme, issue d’une basse caste, insoumise, hors la loi, puis élue députée de son état. Au-delà du mythe, c’est son combat profondément féministe, et son héritage, que nous interrogeons quatorze ans après.  Un documentaire de Julie et Jean-Philippe Navarre, prise de son en studio et mixage d’Alain Joubert, diffusé les 9 et 10 mars 2015 dans Sur les docks, sur France Culture. Merci à Yannick Siegel pour cette trouvaille.

Partie 1 : du village aux ravines. Télécharger

Partie 2 : de la geôle au Parlement. Télécharger

Gamal Abdel Nasser et le voile

Extrait de discours de Gamal Abdel Nasser, président d’Égypte, 1953, à propos du voile.

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Filles et garçons à l’école depuis Jules Ferry

CorteX_filles_ecoleVoici peu de semaines, une rumeur s’est répandue sur la Toile avec la vélocité que celle-ci peut offrir aux extravagances les plus débridées. Une vaste opération aurait été en cours, dans toute l’école publique du pays destinée à déformer le cerveau des jeunes enfants des écoles élémentaires en brouillant leur identité sexuelle. Il s’agirait d’imposer une théorie du genre, formulation venue des États-Unis, selon laquelle, à en croire ses détracteurs, la différence entre les garçons et les filles seraient exclusivement de l’ordre de l’acquis et nullement de la nature. Cette prétendue entreprise était évidemment un fantasme. À l’origine on trouve une expérimentation d’ateliers destinés à lutter dès le plus jeune âge contre un certain nombre de stéréotypes sur les filles et les garçons et la répartition de leurs rôles, expérimentation intitulée ABCD de l’égalité. La rumeur, reprise par divers politiques de l’opposition de droite, fut assez efficace pour appuyer un appel au boycott à l’initiative de parents, d’une journée de classe, JRE, c’est-à-dire Journée de Retrait de l’école. Non sans un certain succès. À la fin de janvier dernier, le directeur de l’Enseignement scolaire a dénombré publiquement cent établissements touchés dans quatorze académies. Cette émotion artificielle devrait retomber assez vite, mais elle invite impérieusement à un examen, à ce micro, de la question plus sérieuse des relations entre les filles et les garçons à l’école depuis le XIXe siècle, et en particulier depuis les réformes de Jules Ferry : éclairage utile sur les équilibres successifs d’une société au primordial d’elle-même. Rebecca Rogers, professeur à l’Université Paris Descartes, spécialiste appréciée de ce sujet, est l’invitée de Jean-Noël Jeanneney ce 12 avril 2014 sur France Culture.

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Les « remarques », cartes à jouer fixées sur les couffins abandonnés

Chronique de Perrine Kervran, La Fabrique de l’histoire, sur France Culture le 16 mai 2014. Cet extrait revient sur les modalités d’abandon des bébés du XVIIIe siècle à maintenant, avec les dilemmes classiques du type : l’invention du tour d’abandon (sorte de cavité en bois qui tourne) pour placer les bébés afin d’éviter les chiens errants, les roues de carrosse et les intempéries, permet aussi l’anonymat. Or vaut-il mieux ne rien organiser, ou encadrer l’abandon pour protéger les enfants, quitte à voir le nombre d’abandons augmenter ?

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Ordonnance interdisant aux femmes de porter des vêtements d’homme

Ordonnance du préfet de police de porter des habits que la coutume attribue à l’autre SONY DSCsexe, 16 brumaire an 9, 16 novembre 1800, jamais abrogée depuis.

C’est chose faite depuis… 2013 – voir Abrogation de l’interdiction du port du pantalon pour les femmes. Référence est faite au livre de Christine Bard, Une histoire politique du pantalon,Paris, Seuil, 2010, 392 p.

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Publications et organes génitaux

Dans PlOS1, une suédoise et deux australiens ont étudié 400 publications parues entre 1989 et 2013 sur les organes génitaux toutes espèces confondues. 42 % portent sur les deux sexes, 50 % ont porté sur le pénis, 8 % sur le vagin. Est-ce du sexisme ? Ca dépend. Explication de Tatiana Giraud, et contre-avis d’Elisabeth Gimenez. Extrait de la tête au carré sur France Inter le 12 mai 2014

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Loi sur l’avortement de 1920

par Amélie Meffre, Fabrique de l’histoire, France Culture,28 novembre 2014

Chronique « Un saut dans la loi« , diffusée dans La Fabrique de l’histoire, sur France Culture, le 29 novembre 2014.

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Mercredi, les députés ont adopté une résolution réaffirmant le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), quarante ans après l’ouverture des débats de la loi Veil instaurant le droit à l’avortement. Une loi qui, après celle de 1967 sur la contraception, abolissait le texte de 1920 qui condamnait la provocation à l’avortement. C’est l’occasion de revenir sur ce texte.

En fait, cette loi du 31 juillet 1920, elle vise avant tout à s’attaquer aux néo-malthusiens qui prônent une restriction des naissances, parce que l’avortement est déjà réprimé par l’article 317 du Code pénal de 1810. Ce dernier prévoit que « Quiconque par aliments, breuvages, médicaments, violences, ou par tout autre moyen, aura procuré l’avortement d’une femme enceinte, sera puni de réclusion ». La même peine sera appliquée à l’avortée. Tout au long du 19e siècle, les débats vont portés sur cet article 317, certains réclamant son abrogation, d’autres son renforcement. Alors qu’on assiste à une généralisation de l’avortement due notamment à un assouplissement de la tutelle religieuse sur les mœurs et à de nouveaux moyens comme les sondes intra-utérines, une bataille s’ouvre entre les néo-malthusiens et les natalistes. Celle-ci devient plus âpre à la fin du 19e siècle, au lendemain de la guerre franco-prussienne de 1870, quand on constate un fléchissement des naissances en France et une hausse en Allemagne. Dès lors, comme l’expliquent fort bien Jean-Yves Le Naour et Catherine Valenti dans leur « Histoire de l’avortement », ce dernier devient un problème politique et pas seulement moral.

Sous le slogan : « Assez de chair à plaisir ! De chair à travail ! De chair à canon ! Femmes, faisons la grève des mères ! », les néo-malthusiens prônent une restriction des naissances au sein du prolétariat. Celle-ci améliorera les conditions de vie, augmentera les salaires, du fait d’une baisse du nombre des travailleurs, et à plus long terme, ébranlera la société bourgeoise. Ils organisent davantage une propagande sur les moyens anticonceptionnels que sur l’avortement, même si ce dernier est un moyen de tuer dans l’œuf la misère. Leurs thèses s’étalent dans les journaux, les tracts et lors de conférences publiques. En 1896, le pédagogue libertaire Paul Robin fonde la Ligue pour la Régénération humaine. La légalisation de l’avortement fait encore son chemin chez certains médecins qui ont montré qu’au premier stade de la gestation, l’embryon n’est pas encore un être humain. Pour le docteur Madeleine Pelletier, féministe et socialiste radicale : « La femme enceinte n’est pas deux personnes, elle n’en est qu’une et elle a le droit de se couper les cheveux, les ongles, de se faire maigrir ou engraisser. » Elle déclare : « Sur notre corps, notre droit est absolu puisqu’il va jusqu’au suicide.»
Au nom de l’eugénisme ou de la défense de la dignité de la mère, certains défendent aussi le droit à l’avortement. Ainsi, le docteur Klotz-Forest déclare : «En punissant l’avortement, la société force la femme à faire naître un enfant, elle ne s’inquiète pas des tares héréditaires auxquelles cet enfant peut être condamné, elle ne protège même pas la femme contre une maternité particulièrement odieuse: celle du viol. […] »
En face, les natalistes crient au crime antipatriotique et créent l’Alliance nationale contre la dépopulation. « Comment maintenir sur la terre la race française ?» s’alarme le docteur Bertillon qui voit dans l’avortement un péril national. Les repopulateurs comme on les nomme réclament un renforcement des sanctions contre les femmes qui avortent. Il faut dire que l’article 317 du Code de 1810 est peu appliqué, les jurys d’assises sont cléments envers les avortées. Le total des condamnations annuelles ne dépasse qu’exceptionnellement la trentaine. En guerre contre les néo-malthusiens, les natalistes s’emparent de certains procès retentissants pour mener bataille. Ainsi, en 1891, éclate l’affaire Thomas qui fait grand bruit. Clémence Thomas avoue avoir pratiqué des dizaines d’avortements depuis 20 ans. Lors de son procès, 49 femmes avortées comparaissent. Si la faiseuse d’anges écope de 12 ans de travaux forcés, les 49 prévenues sont acquittées. Le 17 décembre 1891, le député Georges Trouillot avec 11 de ses collègues déposent un projet de loi pour que les affaires d’avortement soient jugées en correctionnelle, afin d’éviter la clémence des jurys d’assises. En 1910, le garde des Sceaux Louis Barthou et le sénateur Odilon Lannelongue font de même, demandant aussi une répression accrue de la propagande néo-malthusienne. La Première Guerre mondiale interrompt les discussions qui ne reprennent qu’en 1919. Par souci de faire passer le texte rapidement, on extrait les mesures les plus consensuelles du projet de loi, à savoir la provocation à l’avortement et la propagande anticonceptionnelle. L’avortement reste un crime. La loi est adoptée le 31 juillet 1920 à une très large majorité. Le conflit de 14-18 est passé par là, pour beaucoup, il y a urgence à repeupler la France. Emprisonnement de six mois à trois ans et amende de 100 à 3000 francs pour quiconque aura fait campagne contre l’avortement ou aura vendu des moyens abortifs. Un mois à six mois de prison et une amende de 100 à 5000 francs envers ceux qui ont mené une propagande anticonceptionnelle. En fait, la loi de 1920 entrave toute forme d’information sexuelle et veut réduire au silence les néo-malthusiens. Malgré la loi, le nombre des avortements ne fléchit pas. En 1923, une autre loi va tenter de renforcer la répression, en abaissant les peines et en faisant passer l’avortement du statut de crime à celui de délit, afin d’éviter les jurys populaires. Mais là encore, rien n’y fait, les avortements sont aussi nombreux et la baisse de la natalité continue. Les théories anglo-saxonnes sur le contrôle des naissances vont se répandre dans les années 1930, la fameuse méthode Ogino a le vent en poupe, comme quoi la répression ne sert pas à grand chose.
Il faudra attendre les lois Neuwirth de 1967 et Veil de 1975 pour que les textes de 1920 et 1923 soient abolis. Enfin, sur le territoire français, car elles restent applicables dans les anciennes colonies comme actuellement au Burkina Fasso et jusqu’en 2006, au Togo.
On peut lire sur le sujet de Jean-Yves Le Naour et Catherine Valenti, « Histoire de l’avortement, XIXe-XXe siècle », paru chez Aubier en 2003.

1974 : le débat autour de la loi Veil sur l’interruption volontaire de grossesse

CorteX_Simone_VeilCeux qui avaient voté Mitterrand au second tour de la présidentielle de 1974 n’attendaient pas de grands changements de la part de Valéry Giscard d’Estaing, mais pas non plus ceux qui avaient voté pour lui. Qui prévoyait que les mots prononcés pendant la campagne auraient un contenu ? Et voilà soudain que s’ouvrent des pistes qui paraissent inouïes. Par exemple, dans le domaine dit aujourd’hui « sociétal » : la majorité à 18 ans, le divorce par consentement mutuel, l’allocation au parent isolé, la suppression du registre dans les hôtels qui permettait de repérer les couples illégitimes…

Le débat sur l’avortement s’inscrit dans ce climat de réforme. A l’époque, la loi de 1920 était encore en vigueur et il suffisait d’un juge d’instruction vindicatif pour la réveiller. Des cars partaient chaque week-end pour Amsterdam, remplis de candidates à l’avortement. Michel Poniatowski, le premier conseiller de VGE, jugeait qu’il fallait agir vite, d’autant qu’une minorité de catholiques fondamentalistes chauffait les feux pour transformer la question en un enjeu politique de première grandeur.

Plus que des autorités religieuses, la difficulté allait venir des parlementaires de droite. VGE n’avait pas osé convoquer de législatives après la présidentielle. Sa toute neuve ministre de la Santé, Simone Veil, venue de la magistrature entra donc pour la première fois dans l’arène face à une majorité, en principe la sienne, mais déterminée à dire non comme elle l’avait déjà fait l’année d’avant pour une réforme de l’avortement bien moins libérale.

La sincérité n’allait pas suffire à Simone Veil. Il allait lui falloir le soutien personnel du Premier ministre Jacques Chirac, celui du président de l’Assemblée Edgar Faure et celui de la gauche.

Cette émission de La marche de l’Histoire a été diffusée sur France Inter le 14 mai 2014.

Écouter ici : 

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Joëlle Brunerie-Kauffmann et le Planning familial

CorteX_Joëlle_Brunerie-KauffmannJoëlle Brunerie-Kauffmann a été formée par le Planning familial. Avec elle, c’est l’histoire  de ce mouvement que nous allons retrouver. Les médecins et les hommes y jouaient un rôle éminent au départ. Et puis il y eut dissémination des savoirs, démocratisation des conduites. Nous étions dans l’après-68, à l’époque des Lip de Besançon. En parallèle se constituait un nouveau féminisme qui faisait du corps et de la sexualité des objets politiques. Le congrès de 1973 marque une coupure dans l’histoire du Planning avec l’avènement au premier rôle d’une génération de militantes qui ne craignaient pas la convergence avec ces mouvements.

Cette émission a été diffusée sur France Inter le 8 novembre 2013.

Écouter ici : 

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Grossesse pour autrui

Émission Questions d’éthique, sur France Culture du 28 février 2013. Télécharger
(même si Madame Canto-Sperber a tout un tas de propos empreints de moralisme).

Sexisme chez les Geeks

Émission Sur la toile, sur France Culture du 6 avril 2013. Télécharger.

Le procès de Bobigny

Émission Les coulisses du condamné, sur France Culture du 17 avril 2013. Télécharger.

Féministes, et vous ?

Émission Sur les docks sur France Culture du 23 février 2012. Télécharger.

Femmes et pantalons

Émission Concordance des temps, de Jean-Noël Jeanneney sur France Culture du 17 novembre 2012. Télécharger

Filles et garçons à l’école

Émission Concordance des temps, de Jean-Noël Jeanneney sur France Culture du 12 avril 2014. Télécharger.

Histoire du viol et procès du viol

Émission Concordance des temps, de Jean-Noël Jeanneney sur France Culture du 12 janvier 2013. Télécharger.

La silhouette

Émission Concordance des temps, de Jean-Noël Jeanneney sur France Culture du 13 octobre 2012. Télécharger

Manifeste des 343 salopes

Émission Au fil de l’histoire, de Patrice Liegibel sur France Inter du 11 septembre 2013. Télécharger.

Loi Neuwirth

Émission Au fil de l’histoire, de Patrice Liegibel sur France Inter du 13 mai 2012. Télécharger

Mini-jupe

Émission Au fil de l’histoire, de Patrice Liegibel sur France Inter du 10 octobre 2012. Télécharger.

CorteX_Jane_ShrintonCorteX_Cathy_McgowanCorteX_Noele_Noblecourt

Anecdote : Noële Noblecourt (au téléphone) présentait l’émission Télé Dimanche en 1964 mais fit scandale, le port de sa jupe laissant apparaître ses genoux. Elle fut alors convoquée et licenciée par la chaîne, signe d’un puritanisme encore vivace dans les années 1960. Le magazine Télérama a mentionne « deux cents lettres de protestation » reçues par la RTF. C’est seulement une trentaine d’années après, dans une entrevue avec Vincent Perrot, qu’elle explique avoir été en réalité renvoyée pour avoir refusé les avances discrètes de Raymond Marcillac, alors directeur de l’information de la première chaîne.

Fermeture des maisons closes

Émission Au fil de l’histoire, de Patrice Liegibel sur France Inter du 21 mai 2014. Télécharger.

Émilie Carles, institutrice libertaire du briançonnais

CorteX_Emilie-CarlesC’est un remarquable ouvrage-témoignage que le livre de la vieille Emilie Carles, Une soupe aux herbes sauvages.

Survol de la vie d’une femme du briançonnais engoncée dans de rudes montagnes, cette autobiographie sans complaisance narre l’histoire de cette institutrice, qui épousa un ouvrier anarchiste pacifiste, en épousa également les idées, et affronta les affres de son temps : 14-18, l’affaire Sacco & Vanzetti, 39-45, pétainisme, guerre d’Algérie et même, sur la fin, des revendications écologistes sur sa vallée, la vallée de la Clarée. Cet ouvrage court est un excellent support à offrir ou prêter, pour montrer que le vent de la contestation libertaire et des principes de justice ne naît pas forcément de la haute instruction et des bancs de l’université, et émerge parfois des terreaux les plus arides. La dureté de son existence, mis en rapport avec la solidité de ses engagements m’ont fait monter plus d’une fois les larmes aux yeux. Vous me direz, dans tout rationaliste il y a un sensible qui se cache et ne fait pas le malin.

Grand merci à Gilbert Charles pour m’avoir fait découvrir ce petit trésor. Emilie Carles, Une soupe aux herbes sauvages (1977) Pocket.CorteX_Carles_Soupe

Lucie Baud, syndicaliste soyeuse du Dauphiné

Petit entretien avec Michelle Perrot, à propos d’une syndicaliste oubliée et meneuse de grève en Dauphiné, Lucie Baud (1870-1913). Extrait de l’émission 26 octobre 2012 du La fabrique de l’histoire, sur France Culture.

CorteX_Lucie_Baud_Greve_Soierie

Michelle Perrot tente dans son nouvel ouvrage de reconstituer l’histoire d’un article « Les tisseuses de soie dans la région de Vizille » paru dans Le Mouvement socialiste, de Hubert Lagardelle en juin 1908 (pp. 418-425) et republié dans Le Mouvement Social dans le numéro d’oct-déc. 1978 (ici).

Michelle Perrot, Mélancolie ouvrière, Éditions Grasset, Paris 2012, 187 pages, 11 euros

On pourra lire également :

  • Ouvrières de la soie, d’Andrée Gautier, (en pdf ici)
  • Les syndicats féminins libres de l’Isère 1906-1936, de Martine Rattier et Andrée Gautier, CLIO. Histoire, femmes et sociétés, 3 | 1996 ().

Anecdote : depuis le 27 août 2012, un square portant le nom de Lucie Baud a été inauguré à Voiron.

Simone de Beauvoir

Émission Une vie une œuvre sur France Culture du 10 mai 2014 (rediffusion).

Nounous d’Afrique en France, le combat syndical des auxiliaires parentales

CorteX_Sylvie_Fofana_nounousCoup d’œil sur une lutte actuelle, dans ce reportage d’Aude-Emilie Judaique, pour l’Afrique enchantée, sur France Inter (diffusé le 20 mai 2012). « Elles sont nombreuses, ces femmes africaines qui en France gardent les enfants des Français. A croire qu’il n’y a qu’elles pour accepter ce travail pas reconnu, mal défini et source de bien des abus. Qui sont ces femmes qui s’occupent des enfants de la patrie ? » Avec Sylvie Fofana (en photo), Caroline Ibos et Oumou.

Écouter ici.

Pour en savoir plus sur la formation de L’ANIF (Association des nounous d’Ile-de-France) et du  SYNN (Syndicat National des Nounous) créées « pour apprendre aux nounous à ne plus se faire exploiter par des employeurs peu scrupuleux », on pourra consulter ceci ou cela.

Combat militant de la médecin féministe athée Taslima Nasree

Taslima NasreenEntrevue avec la médecin et femme de lettre féministe athée bangladaise Taslima Nasreen, tirée de l’émission de Stéphanie Duncan Les femmes, toute une histoire sur France Inter, enregistrée lors des Rendez-vous de l’Histoire de Blois le 16 octobre 2011. Sont abordés ses combats, l’exil forcé dans lequel elle se trouve depuis 17 ans, ses valeurs sécularistes humanistes et laïques ainsi son appel à l’athéisme et à la rationalité.

Sont montés dans le même document sonore l’introduction de S. Duncan et la suite de l’entrevue. Écouter :

Pour le site de Mme Nasreen, cliquez là.

La grève des ouvrières d’Herstal en 1966, un tournant pour l’histoire des femmes

Documentaire de CorteX_Femmes-Machine_HerstalSéverine Liatard et Christine Robert, La Fabrique de l’histoire, France Culture, 14 juin 2011, rediffusion du 13 décembre 2005.  

Écouter :

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« En février 1966, les 3000 ouvrières de la Fabrique nationale d’arme d’Herstal (la FN) près de Liège en Belgique partent en grève, sans préavis, pour que soit appliqué l’article 119 du Traité de Rome visant à réduire les écarts salariaux entre hommes et femmes. Dans cette Fabrique (la FN) qui date de la fin du XIXème siècle, les ouvrières sont ponceuses, colleuses, monteuses d’armes, laveuses, emballeuses, contrôleuses, dégraisseuses. On les appelle les femmes-machines. Leurs tâches sont répétitives, leurs conditions de travail déplorables et elles n’ont pas accès à la formation professionnelle interne à l’entreprise. Elles ne disposent donc d’aucune possibilité de promotion dans l’entreprise et leur salaire est inférieur à celui d’un manœuvre masculin débutant. Des pourparlers sont en cours entre les syndicats et les entreprises mais la mise en application du principe toujours retardée. Les ouvrières décident spontanément d’arrêter le travail le 9 février. Elles demandent 5 francs d’augmentation. Une dizaine de jours plus tard, les syndicats reconnaissent la grève, un comité de grève est mis en place pour venir en aide aux grévistes. Bientôt l’usine est paralysée puisque les hommes de la FN sont mis au chômage. La direction de la FN résiste et ne propose que 50 centimes d’augmentation alors que d’autres usines du bassin liégeois sont également paralysées par des grèves. Au terme de négociations qui durent trois mois entre les syndicats (CSC et FGTB), la direction de la FN, et un délégué du Ministre de l’emploi et du travail, on aboutit à un accord : une augmentation de 2,5 francs. Lors de l’assemblée générale extraordinaire des grévistes, le 5 mai, le débat est houleux entre les ouvrières et les représentants syndicaux. On en vient finalement au vote par bulletin secret. C’est la reprise du tavail qui l’emporte. La déception est grande, pourtant ce mouvement a une réelle portée européenne : des délégations syndicales françaises, italiennes sont venues soutenir le mouvement ; la grève remet en débat la question de l’égalité des rémunérations à la Commission européenne et dans chacun des États membres ; elle marque aussi l’entrée plus massive des femmes dans l’action syndicale et oblige la société à s’interroger sur les problèmes posés aux travailleuses et la condition des femmes en général. Avec les témoignages de Charlotte Hauglustaine, Rita Jeusette, Jenny Magnée (toutes anciennes ouvrières grévistes) ; de Claude Gaier (cadre à la FN et historien), Annie Massay (déléguée syndicale) et Elyane Vogel-Polsky (juriste).
 

Une histoire des femmes, de Michelle Perrot

France Culture (octobrealt et novembre 2006)

Énorme et élégant travail de Michelle Perrot sur une histoire transversale des Femmes comme groupe social et anthropologique. C’est grâce à Myriam Benguérine que j’ai eu accès à cette œuvre (également hébergée sur le site L’agitation dans la boîte à outils).
 
 
 
 

1. Mon histoire des femmes

A télécharger ici.

2. Le silence rompu

A télécharger ici.

3. Les femmes représentées, discours et images

A télécharger ici.

4. Sources femmes dans les archives

A télécharger ici.

5. Voix de femmes, bibliothèque

A télécharger ici.

6. Les âges de la vie d’une femme

A télécharger ici.

7. Les apparences les cheveux des femmes

A télécharger ici.

8. Le sexe des femmes

A télécharger ici.

9. La maternité

A télécharger ici.

10. Le corps assujetti

A télécharger ici.

11.  Femmes et religions

A télécharger ici.

12. Hérétiques et sorcières

A télécharger ici.

13. L’accès au savoir

A télécharger ici.

14. Femmes et création, écrire

A télécharger ici.

15. La vie d’artiste

A télécharger ici.

16. Paysannes

A télécharger ici.

17. Le travail domestique

A télécharger ici.

18. Ouvrières

A télécharger ici.

19. Employées, institutrices, infirmières

A télécharger ici.

20. Comédiennes et danseuses

A télécharger ici.

21. Femmes en mouvement migrations et voyages

A télécharger ici.

22. Les femmes dans le temps de l’Histoire

A télécharger ici.

23. Les formes de l’action collective

A télécharger ici.

24. Féminismes

A télécharger ici.

25. Et maintenant ?

A télécharger ici.

Pour aller plus loin, on pourra regarder cette entrevue de fin 2010 et consulter :

CorteX_Perrot_Mon_histoire_des_femmesMon histoire des femmes, Éditions du Seuil, Paris, 2006, 251 p., que Michelle Perrot présente ici le 19 mai 2006 en quelques trop courtes minutes.

CorteX_Perrot_Duby_Histoire_des_femmesGeorges Duby et Michelle Perrot (dir.), Histoire des femmes en Occident, Plon, Paris, 1990-1991 (5 volumes).

Combat de la Begum Hazrat Mahal contre l’Empire Anglais dans l’Uttar Pradesh en 1856

CorteX_Begum_Hazrat_MahalVoici une histoire pratiquement oubliée, narrée par la journaliste et romancière Kénizé Mourad dans l’émission de Stéphanie Duncan Les femmes, toute une histoire, sur France Inter, enregistrée lors des Rendez-vous de l’Histoire de Blois le 16 octobre 2011. L’histoire porte sur une femme, Hazrat Mahal, qui faillit bouter les anglais hors des Indes en prenant la tête de la révolte des cipayes vers 1856-1857 à Lucknow, et en tenant tête à l’armée britannique pendant presque deux ans.

CorteX_Hazrat_Mahal_Dans_la_ville_dor_et_d_argent

Sont collés dans l’extrait l’introduction par S. Duncan et l’histoire de Mme Mourad (6mn45).

Quitte à être critique, on regrettera dans la fin de l’extrait un exemple involontaire de racisme ordinaire, que nous avons laissé : dire que les Indiens sont « d’une tolérance remarquable » (ou non) est du même tonneau que de dire que les Africains sont sympas, les Asiatiques sages et les Auvergnats radins (cf. Racisme ordinaire).

Le roman de K. Mourad, basé sur les faits politiques réels, s’appelle Dans la ville d’or et d’argent (R. Laffont).

Les vies radicales d’Helen Keller, sourde, aveugle et rebelle

CorteX_helen_KellerDocumentaire d’Inès Leraud, en deux parties sur la vie d’Helen Keller (1880-1968,) atteinte de surdi-cécité à l’âge de dix-neuf mois.

« Grâce aux soins d’Ann Sullivan, elle réussit à communiquer, à lire, à écrire, à parler. Elle fut diplômée de l’université et devint un des personnages les plus célèbres des États-Unis, reçue aussi bien par Eisenhower que Kennedy. Mais ses engagements de femme progressiste sont aujourd’hui gommés des mémoires. Socialiste, féministe, militante, Helen Keller fut de tous les combats« .

Diffusé dans les émissions du 13 et 14 septembre 2011 de Là-bas si j’y suis de Daniel Mermet, sur France Inter.

Écouter l’émission 1 :

Le second épisode poursuit le reportage, et donne la parole à Annie Van Espen, présidente du CRESAM (Centre de Ressource Expérimental pour enfants et adultes Sourds-Aveugles et sourds-Malvoyants).

Écouter l’émission 2 (avec quelques messages du répondeur en lien avec l’émission 1) :

 

 

Pour aller plus loin ? On regardera également ces deux documents d’époque.

Anne Sullivan expliquant comment Helen Keller apprit à parler (1930 Newsreel Footage)

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=Gv1uLfF35Uw]

Et Helen Keller s’exprimant.

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=8ch_H8pt9M8]

Filmographie :

  • Miracle en Alabama (The miracle worker) d’Arthur Penn (1962)
  • Black, de Sanjay Leela Bhansali (2005)

Bibliographie :

  • Helen Adams Keller, Sourde, muette, aveugle (autobiographie) (rééd. 2001).
  • Margery Weiner, Helen Keller (1971).
  • Margaret Davidson, La métamorphose d’helen Keller (2001).
  • Lorena A. Hickok, L’histoire d’Helen Keller (2005).

Nous avons également parlé de la BD portant sur sa vie et celle de son professeur Ann Sullivan ici.

Le National Woman’s Party et le droit de vote des femmes aux Etats-Unis

Voici des extraits de la série Boardwalk Empire, de Martin Scorsese et Terence Winter, 2011.

[dailymotion id=xmmgsu]

[dailymotion id=xmmgvb]

Ces passages font référence au National Woman’s Party (NWP) créé en 1915 qui militera pour le droit de vote des femmes aux États-Unis. C’est en août 1920 que le dix-neuvième amendement de la Constitution va concéder le droit de vote aux femmes en ces termes :alt

« Le droit de vote des citoyens des États-Unis ne pourra être dénié ou restreint pour cause de sexe par les États-Unis ni l’un quelconque des États. Le Congrès aura le pouvoir de donner effet au présent article par une législation appropriée. »

Vous voulez voir d’autres représentations des sciences dans les fictions TV ou cinéma ? C’est là.

Vous avez vu / entendu quelque-chose au sujet des luttes des femmes ? Ecrivez-nous.

Collection gérée par Richard Monvoisin & Nicolas Gaillard

documentaire de Séverine Liatard et Christine Robert
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Divers outils critiques dans Prison Break

En regardant la saison 1 de Prison Break, de Paul Scheuring j’ai fait 3 trouvailles exploitables à des fins critiques.


  •  1ère trouvaille, Darwin dans l’épisode 10 

Une mauvaise référence est faite à Darwin en ces termes :

« C’est Darwin qui gagne entre ces murs, pas Einstein… Darwin« . Puis « On dirait que c’est Darwin qui a gagné au finish, hein, Gueule d’ange« .

[dailymotion id=xm75mo]

Il s’agit bien entendu d’une mauvaise interprétation de la théorie darwinienne, qui ne postule pas que les plus forts gagnent, mais seulement que les plus adaptés à leur milieu engendrent une plus grande descendance. On retrouve ici la confusion avec ce qui est à tort appelé le « darwinisme social », théorisé par Spencer, et qui n’a finalement qu’un rapport très lointain avec le darwinisme.

  • 2ème trouvaille,  même épisode
C’est une anecdote journalistique : le héros utilise une méthode de recherche d’information quasi-zététique.

[dailymotion id=xm6ic2]
 
 
  • 3ème trouvaille, racisme ordinaire et moralisme politique dans l’épisode 11

Cet extrait est propice à l’analyse de ce qu’on appelle le racisme ordinaire : confusion mexicain et porto-ricain, amalgame latino, ensuivie d’une discussion moraliste sur les « fainéants de chômeurs » qui peut servir d’outil de discussion en sociopolitique :

[dailymotion id=xm6igo]
 

Vous voulez voir d’autres représentations fantaisistes des sciences dans les fictions TV ou cinéma ? C’est là.

Vous voulez en partager avec nous et traquer la pseudoscience à la télé ? Ecrivez-nous 

Richard Monvoisin

Paul Scheuring
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Matériel pédagogique sur la normalité

Qu’est-ce qui est « normal » ? Normal par rapport à quelle norme ? Vis-à-vis de quelle pathologie ? De quelle folie ? Normal par rapport à quel « para-normal » ?
Le mot norme est assez complexe à appréhender. Il m’arrive d’interroger les étudiants sur ce qui est « normal », afin de bousculer les normes enfouies ou non avouées, les leurs ou les miennes. Hétérosexualité, vie de couple, travail, labeur, logement, papiers, emploi, santé mentale, etc. du côté de la norme. Homosexualité, transsexualisme, refus du travail, sans logement, sans papier, chômeur, et folie, etc. du côté hors-norme.
Je regrouperai ici avec mes collègues quelques documents pouvant aider l’enseignant à questionner ces normes.

Normalité & folie

Emission passionnante que Histoire de l’Hygiène volet 3, de la Fabrique de l’histoire du 5 octobre 2011. Débat historiographique sur les débuts de la psychiatrie au 19ème siècle, avec Laure Murat (professeure au département d’études françaises et francophones de l’Université de Californie-Los Angeles) et Aude Fauvel (docteure en histoire, Institut Max Planck d’Histoire des Sciences de Berlin).

Ce document est intéressant à plus d’un titre. Il écorne un brin Michel Foucault sur sa méthodologie, ses « manipulations d’archives », sur le caractère français de son histoire de la folie, différente par exemple de la belge ou de l’anglaise. et  ce qui est rare (voir une critique de M. Foucault ici). On y aborde la question des techniques employées envers les « fous », la ruse, la violence, les bains froids, les sangsues, ainsi que l’organicisme naissant, c’est-à-dire la recherche d’un organe ou d’une zone propre au génie et à son pendant soi-disant négatif, la folie.

Je (RM) sais à quel point les modes, notamment technologiques, jouent un rôle dans la composition des « délires » courants d’une époque (pensons aux actuelles abductions, ou enlèvements par des soucoupes volantes). Je ne savais pourtant pas du tout que se prendre pour Napoléon avait pu être aussi répandu dès le retour des cendres en France (1840), et j’ai appris que le magnétisme animal, curatif, avait eu un rôle géopolitique, les Anglais ayant semble-t-il cru que les Français leur nuisaient à distance. L’émission est émaillée d’archives écrites de la clinique du Docteur Blanche.

Chose remarquable, Laure Murat, contrairement à d’autres tout aussi cléments qu’elle avec la psychanalyse, n’en fait pas des tonnes. Certes,CorteX_Laure_Murat_Napoleon un ou deux termes typiques (comme délire) lui échappent parfois. Alors gageons que son livre appartiendra, comme ses interventions, plus volontiers à l’histoire qu’à la verbiate psychanalytique.

Laure Murat, L’homme qui se prenait pour Napoléon : pour une histoire politique de la folie, Gallimard, 2011. Nous le lirons bientôt.

Normalité & habitat

Le Diogène des Baronnies – documentaire de Mehdi Ahoudig et Vincent Abouchar – Sur les Docks, France Culture, 26 avril 2011.

Écoutez ici :

Téléchargez là.

Description :

« Le village de Buis-les-Baronnies est situé en Drôme provençale. Christian Guienne y vivait depuis plus de cinquante ans. Il n’était pas rare de croiser cet homme, à la nuit tombée, tirant un chariot dans lequel il ramassait toutes sortes d’objets et d’ordures qu’il récupérait dans les poubelles. Atteint du Syndrome de Diogène, qui se traduit par la manie d’entasser jusqu’à réduire son espace de vie à presque rien, il possédait une maison dans le village et des terres sur lesquelles il entreposait ses trouvailles.
Dans le village, il était accepté par le reste de la population et  était même considéré comme une figure de Buis-les-Baronnies, jusqu’à ce que cette manie rende ses conditions de vie critiques, et que sa tutelle et la municipalité le placent d’office à l’hôpital psychiatrique de Montélimar, fin octobre 2009.
Le 30 décembre de cette même année, il décède là-bas d’un arrêt cardiaque. Le village est choqué par cette nouvelle. Certains dénoncent le refus de la mairie d’accepter la différence, d’autres considèrent que Christian Guienne vivait dans l’insalubrité. Les habitants sont divisés, la polémique grandit.
Quelles relations cet homme entretenait-il avec le reste de la population ? A quel moment sa marginalité est-elle devenue intolérable, pathologique ? Comment les villageois, les proches, les institutions, la médecine abordent-ils la question des frontières entre la norme, la marge, la pathologie ? »

 
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Le Mur ou la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme

La question de l’autisme et des surinterprétations de cette gamme de syndromes est l’objet de nos préoccupations et de nos enseignements (1). Contre toute attente, notre matériel pédagogique sur le sujet vient de s’étoffer d’un seul coup, avec un travail tout à fait majeur : « Le Mur, ou la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme« , de Sophie Robert.


Et tout aussi vite, il a été retiré par décision de justice !
Ne vous étonnez pas de ne pas voir les vidéos en ligne, c’est indépendant de notre volonté.
Quelle que soit la décision de justice finale,
1) la controverse sur l’hégémonie de techniques psychanalytiques pseudoscientifiques dans le soin de l’autisme (et ailleurs) n’est pas éteinte, et
2) nous souhaitons continuer à utiliser ce documentaire car il est une véritable sonde dans le vécu des autistes et proches d’autistes.

Pour toute question sur ce sujet, écrivez-nous : contact@cortecs.org


Sophie Robert a travaillé pour le collectif Autisme sans Frontières en réalisant le documentaire « Le Mur ou la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme » avec Océan Invisible Production. Une trentaine de pédopsychiatres et psychanalystes français ont été rencontré, pour qui « il y a beaucoup à voir entre autisme et psychose ». Pour les psychanalystes interrogés, l’autisme pourrait être la conséquence d’une dépression maternelle, d’une mauvaise relation avec l’enfant, voire d’un refus de l’apport masculin pour la conception (2). Certains parlent de mère « psychogène »,CorteX_Autisme_LeMur_Danon_Boileau de « stade de folie transitoire » de la mère, voire de « désir incestueux »…Que font les psychanalystes devant un enfant autiste ? « J’en fais très peu, j’attends qu’il se passe quelque-chose », dit l’un. « J’essaie d’apprivoiser l’enfant, je me tiens en retrait », dit un autre.
Ce documentaire laisse la parole à des psychanalystes très connus, notamment les Pr. Delion ou Golse, responsables et chefs de service dans de grands hôpitaux de France et met en lumière l’extraordinaire imposture de l’approche psychanalytique de l’autisme, pourtant archi-présente dans les milieux de la psychiatrie, du soin et du travail social.

Le voici. Même les habitué-es risquent de tomber de leur chaise.

Partie 1 : [vimeo 28297548]

Partie 2 : [vimeo 28304221]

Partie 3 : [vimeo 28312069]

Bonus : interview de Monica Zilbovicius, psychiatre, directeur de recherche à l’INSERM.

Bonus 1 : [vimeo 28396329]

Bonus 2 : [vimeo 28403514]

Nous l’avons vu fin septembre 2011, et nous avons déjà exploité un extrait (3) avec D. Laumet et N. Gaillard lors de la formation Travail Social & Esprit Critique.

Nous ne pouvons qu’encourager toute personne touchée de près ou de loin par le problème de l’autisme à regarder ce documentaire. Bien sûr, il y a des critiques de montage à faire, des coupes, des plans musicaux sur les enfants, l’utilisation d’un seul sujet pour soutenir la thérapie comportementale et ses différentes méthodes, mais cette plongée dans l’idéologie gomme ces quelques défauts, et fait de ce reportage un véritable outil critique pour l’enseignement.
Nous avons proposé à Sophie Robert (dont on écoutera une excellente interview ici) de venir présenter son film à l’université de Grenoble, puisqu’aucune chaîne ne souhaite diffuser son documentaire. Elle viendra le 30 novembre 2011. Préparez vos calepins.
Accessoirement, se prépare semble-t-il une demande d’interdiction :
Selon Rue89 (4 novembre 2011)

« (…) Face caméra, les psys assument le côté « politiquement incorrect » de leur discours. Mais une fois qu’ils voient le film, trois d’entre eux s’étranglent. Ils saisissent le tribunal de grande instance de Lille, qui nomme un huissier aux fins de faire saisir les rushes.

Leur but n’est toujours pas clair, Me Christian Charrière-Bournazel, leur avocat, n’ayant pas répondu à nos sollicitations. Mais, selon l’ordonnance sur requête que Rue89 a pu consulter, ils semblent préparer une demande d’interdiction :

  • « les rushes confirmeront que leurs propos ont été dénaturés », est-il écrit. Les saisir empêchera la réalisatrice de les « détruire afin d’échapper à toute interdiction judiciaire dont pourrait être frappée son film et plus généralement à toute action en responsabilité » ;
  • ils reprochent à Sophie Robert de s’être « présentée comme journaliste alors qu’elle est gérante de société de production » : ils oublient qu’il n’est pas besoin d’avoir la carte de presse pour réaliser un documentaire en qualité d’auteur ;
  • ils « ont découvert avec stupéfaction que leurs interviews avaient été coupées et défigurées aux fins d’un film partisan » : les coupes font partie du travail normal de documentariste, et leur choix relève de la liberté d’expression ; il n’est pas rare qu’un film d’auteur assume un parti pris ;
  • ils estiment que « la pensée et les propos des intervenants sont réduits et déformés par le sens des commentaires » : rien n’interdit le commentaire de porter sur des interviews, voire de prendre leur contrepied ;
  • ils se disent « piégés » dans un film qui ne serait pas, à leurs yeux, un documentaire mais « une entreprise polémique destinée à ridiculiser la psychanalyse au profit des traitements cognitivo-comportementalistes (TCC) ».

« A​tteinte au secret des sources des journalistes »

La réalisatrice, qui ne veut pas que les plaignants croient qu’elle a « quelque chose à cacher », a retranscrit les trois heures d’interviews avec les trois psychanalystes qui la poursuivent (Esthela Solano Suarez, Eric Laurent et Alexandre Stevens, membres de l’Ecole de la cause freudienne).

Elle vient de transmettre à l’huissier un DVD avec des images originales, brutes, des interviews avec les timecodes (marquage temporel) « afin qu’ils voient bien que, techniquement, il n’y a pas de coupe inopinée dans les séquences ».

Selon son avocat Me Benoît Tritan, demander les rushes est une « atteinte au secret des sources des journalistes » protégé par la loi du 4 janvier 2010.

L’avocat a saisi le juge en référé afin de faire annuler l’ordonnance initiale ; une audience est prévue le 15 novembre au TGI de Lille. Pour Me Titran :

« Le travail a été réalisé de façon loyale, comme en attestent les autorisations de tournage, leurs propos ont été parfaitement respectés et il n’y a aucune atteinte à la probité, sinon ils auraient poursuivi en diffamation. »

Sophie Robert met à disposition le document de son assignation en justice demandée par l’Ecole de la cause freudienne ainsi que l’appel à souscription pour la création d’une série documentaire en 3 volets sur la psychanalyse.
Brigitte Axelrad a également écrit sur ce film un article, qui sera publié dans le prochain numéro (299) de la revue SPS (Science et pseudo-sciences) avec une mise à jour rapportant l’issue du procès.altSur les antennes de la RTBF Jaques Van Rillaer évoque l’assignation en justice ainsi que les procédés douteux de l’école de la cause freudienne.

Voici l’interview de Sophie Robert dans le magazine de la santé sur France 5, le 20/11/2011.
[dailymotion id=xmmck9]
Merci à Carole Contaut, du collectif Autisme Infantile de nous avoir informés.

Vous souhaitez nous faire part de vos impressions ? Ecrivez-nous.
Richard Monvoisin


(1) N. Gaillard a fait plusieurs conférences portant sur l’imposture Bettelheim (voir note 2). J’ai pour ma part introduit dans mes cours d’autodéfense intellectuelle la notion de « mère-frigidaire » comme cause de l’autisme comme exemple d’élaboration de pseudo-science idéologique à consonance sexiste. N. Gaillard, G. Reviron et moi avons eu maintes fois l’occasion de pointer les dérives psychologiques et sexistes autour du freudisme, entre autres avec nos collaborateurs J-L. Racca, B. Axelrad, J. Van Rillaer. En 2007, j’avais également planché avec un groupe d’étudiants (Cécile Pinsart, Cédric Rios et Mathilde Daumas) sur la « théorie » des enfants Indigo et leur utilisation de l’autisme (voir les notes de Prevensectes sur le mouvement Kryeon).

(2) Bruno Bettelheim était convaincu, alors même que les preuves s’accumulaient contre sa théorie, que l’autisme n’avait pas de bases organiques mais était dû à un environnement affectif et familial pathologique. (…) Voir Bettelheim B., La forteresse vide, l’autisme des enfants et la naissance du moi, Gallimard, 1969. Pour un début de critique, voir Ian Hacking, Philosophie et histoire des concepts scientifiques, sur le site du Collège de France, p. 391 et pour aller plus loin, on lira Richard Pollack, Bruno Bettelheim ou la fabrication d’un mythe, les Empêcheurs de penser en rond (2003). Un autre trop rare livre critique de Bettelheim est également paru sous la plume de Peeters, La forteresse éclatée (1998) ».

CorteX_Autisme_LeMur_Loison_crocodile(3) Il s’agit de l’incroyable série d’extraits de la pédopsychiatre Geneviève Loison, tellement frappante que des parents d’enfants autistes ont lancé une campagne « Un crocodile pour Geneviève ».

(4) Petite mise au point de Mikael Molet de l’Université de Lille :

La thérapie comportementale repose sur les principes du conditionnement classique et du conditionnement opérant. On parle alors d’analyse appliquée du comportement. Celle-ci repose sur l’analyse fonctionnelle qui peut se résumer par la formule « quelle est la fonction du comportement ? » Les méthodes TEACCH et PECS, par exemple, sont des techniques d’apprentissage qui peuvent être utilisées dans l’analyse appliquée du comportement, selon les besoins de l’enfant et les objectifs fixés.

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Sélection commentée de ressources sur la notion de genre

La notion de genre* fait son apparition dans les programmes de Première dès la rentrée 2011. On pourra trouver de très nombreux documents de qualité sur Internet, mais un peu éparpillés. Alors, pour faciliter un peu la tâche aux enseignants de lycée qui souhaiteraient en savoir plus, mais aussi à tous ceux et celles qui aimeraient pouvoir se faire un avis sur ce qu’ils entendent à ce sujet depuis quelques temps, voici une sélection de ressources simples d’accès. J’ai fait un petit mélange de références théoriques et de documents plus concrets, pouvant donner des pistes de réflexion ou des idées de travaux pratiques.

* Ces derniers temps, les médias se sont emparés de cette notion et en ont souvent donné des définitions au mieux imprécises, au pire fantaisistes. Une petite précision sur le sens de ce mot peut donc s’avérer utile pour éviter tout malentendu. Voici une définition du genre donnée par l’historienne Irène Jami (extrait de l’émission La Fabrique de l’Histoire du 9 septembre 2011) :


Typographie

Dans tout le texte, Femmes et Hommes désigneront les groupes sociaux, tandis que femmes et hommes désigneront les personnes à l’identité sexuelle marquée.

CorteX_Image_pourquoi_je_suis_feministe_par_un_garsAvant-propos

Je m’intéresse au genre et j’essaie de comprendre comment il se construit parce qu’il est à l’origine de la discrimination séculaire des Femmes. Je tiens cependant à préciser que ce qui suit n’est pas un réquisitoire contre les hommes : il s’agit seulement de mettre en évidence les rouages d’un système qui mène à l’oppression de la moitié de l’humanité. D’ailleurs, les études réalisées  sur ce sujet démontrent que les Femmes comme les Hommes sont susceptibles d’avoir des comportements genrés, en tant que parents, enseignant-e-s, publicitaires, auteur-e-s, etc. (voir les ressources de la partie Comment se construit le genre).
Les références qui suivent sont presque toutes produites par des femmes qui se revendiquent féministes. Ceci suffit hélas trop souvent à les discréditer avant même de les avoir lues ou écoutées, tant les féministes ont la réputation d’être agressives. Je ne condamne pas cette agressivité, car je comprends l’agacement du groupe social Femme (dont je fais partie) à vivre ces discriminations au quotidien. Je pense par contre que dans un contexte éducatif, il est préférable d’éviter l’agressivité et de garder la virulence tout en privilégiant un ton doux. Cela évite les résolutions hâtives de dissonance cognitive. Je n’ai donc choisi ici que des ressources dont le ton est doux, sauf mention contraire.
Ceci dit, si les Femmes sont les plus touchées par une construction sociale genrée, le genre masculin n’est pas non plus de tout repos : naître avec un pénis contraint souvent à assumer la responsabilité financière de son foyer, à passer plus de temps avec ses collègues de travail qu’avec ses enfants, à toujours se montrer fort, à prendre des risques pour montrer qu’on n’a pas peur, etc. C’est ce que décrit l’auteur de la BD Pourquoi je suis féministe, par un gars, en libre accès sur le site des Renseignements généreux. Cette brochure est parfois un peu caricaturale, mais elle est particulièrement facile d’accès.
Les documents sont répartis de la manière suivante.

Ressources théoriques – Les Hommes et les Femmes sont-ils naturellement différents ?

Notion de sexe biologique

Du point de vue biologique, le sexe désigne le sexe femelle ou le sexe mâle. Il est désigné administrativement dès la naissance et permet de diviser la population en deux groupes : les filles et les garçons. Tout le monde sait ou semble savoir ce qu’est biologiquement une fille ou un garçon et cette notion est très rarement questionnée. CorteX_jaquette_ni_homme_ni_femmePourtant, cette catégorisation n’est pas universelle : certaines personnes naissent avec ce qu’on peut appeler des « variations du développement sexuel », certains individus possédant à la fois des organes génitaux mâles et femelles, d’autres ayant un pénis et de la poitrine, d’autres naissant avec un vagin mais se « virilisant » à la puberté, etc. Les estimations varient mais, pour donner un ordre de grandeur, environ 1 personne sur 4500 est dite intersexe. L’ouvrage Ni homme, ni femme de Julien Picquart, destiné à un large public, fait le point sur de nombreuses questions autour de l’intersexualité. Au passage, il vient bousculer nos représentations et nos certitudes sur la notion de sexe biologique : s’agit-il du sexe chromosomique (un individu mâle possède deux chromosomes XY et un individu femelle deux chromosomes XX), du sexe gonadique (un individu mâle possède des testicules et un individu femelle des ovaires) ou du sexe phénotypique (un individu mâle possède une verge, un individu femelle un vagin, un clitoris et un utérus) ? La plupart du temps, comme ces trois définitions coïncident, il est possible de définir le sexe biologique d’un individu, mais cette définition ne tient plus pour les personnes intersexes. Une anecdote tirée de Ni homme, ni femme (p. 185) pointe du doigt la difficulté d’établir un critère scientifique précis et universellement valable  permettant de faire la distinction homme/femme :

Dans la grèce antique, les athlètes concouraient nus pour que l’on soit bien sûr de leur sexe*. Encore au XXème siècle, les choses n’avaient que peu évolué et jusqu’à la fin des années 1960, l’on se contentait d’examens visuels ou manuels. C’est l’affaire Erika Schinegger qui a changé la donne. En 1966, cette skieuse était sacrée championne du monde. Mais l’année suivante, un test réalisé par le Comité International Olympique (CIO) en vue des JO de Grenoble de 1968 indiquait qu’elle était chromosomiquement mâle : XY et non XX. Erika Schinegger était disqualifiée […] tandis que le CIO décidait de systématiser les tests chromosomiques pour que seules les « vraies femmes » puissent concourir dans la catégorie « femmes ». On signalera au passage que l’on n’a pas fait de test chez les hommes pour démasquer les « faux hommes » […][V]oilà donc le test chromosomique dit « de Barr » généralisé chez les femmes. Mais la technique posa de nombreux problèmes, le moindre n’étant pas qu’une femme peut être XY, qui plus est sans que cela ne change quoi que ce soit à ses capacités sportives. Un nouveau test fut donc mis en place en 1992, un test qui ne se basait plus sur les chromosomes mais sur les gènes. Las ! Le test n’était toujours pas jugé suffisant. Les médecins responsables de sa mise en place n’en étaient pas satisfaits et lors des JO de Sydney en 2000, le CIO décida de suspendre la pratique systématique des tests, jusqu’à ce que l’on en trouve un fiable. Ainsi, le monde sportif est passé, suivant en cela les études médicales, de simples examens anatomiques à des tests chromosomiques, puis génétiques, avant de renoncer devant ce constat qu’établir un test qui détermine rapidement et définitivement le sexe d’une personne s’avère actuellement impossible.

(*) Les athlètes de la Grèce antique concouraient nus, mais il est peu probable que ce soit pour prouver qu’ils sont de sexe masculin. R. Monvoisin et moi en discutons dans une note à la fin de l’article.

Notion de genre

L’existence de personnes intersexes questionne non seulement la notion de sexe biologique, mais aussi l’attitude que nous sommes censés avoir à leur égard. En effet, lorsqu’il est impossible de catégoriser un enfant dans une des cases « mâle » ou « femelle », nos petits réflexes du quotidien peuvent être perturbés : lui offrira-t-on par exemple une poupée ou une voiture télécommandée ? Un vélo rose ou un vélo bleu ? L’imaginera-t-on devenir plutôt infirmière ou plutôt médecin ? Usuellement, nos attitudes et nos attentes dépendent du sexe biologique de la personne à qui on s’adresse et contribuent à une construction sociale d’une « féminité » et d’une « masculinité » qui varie en fonction des époques et des lieux géographiques. Etudier le genre, c’est décrire les rôles et les comportements qui sont attendus des individus en fonction de leur sexe et les mécanismes qui instaurent et propagent cet état de fait.
CorteX_jaquette_cerveau_sexe_pouvoirLa plupart du temps les individus peuvent être classés dans une case « mâle » ou « femelle », quitte à inventer des notions comme « femmelette » ou « garçon manqué » pour incorporer les récalcitrants. On observe alors que certains comportements sont plus adoptés par un sexe que par l’autre : les Garçons sont plus turbulents, les Filles sont plus câlines, les Hommes se repèrent mieux dans l’espace, les Femmes savent s’occuper des enfants, etc. S’il est faux que toutes les femmes sont douces et que tous les hommes sont ambitieux, il existe bien certaines tendances, plus ou moins marquées, spécifiques à chaque sexe. Est-ce le fruit direct de la biologie ? Il semble plutôt que ce soit le fruit d’une habituation lente dès le plus jeune âge, d’une construction sociale : ce qu’on appelle le genre.

Des explications naturelles aux différences entre les Hommes et les Femmes ?

Il est coutume d’opposer des arguments tirés de la préhistoire pour justifier les différences de comportements entre les Hommes et les Femmes. D’autres fois, ce sont les différences entre les cerveaux des Hommes et des Femmes. Le livre Cerveau, sexe et pouvoir de Catherine Vidal et Dorothée Benoit-Browaeys passe en revue de nombreux arguments invoquant la « nature » et s’appuie sur les dernières études scientifiques parues sur le sujet pour démontrer que presque tous ces arguments sont basés sur des idées reçues et… fausses. D’une part, il n’existe pas de points communs significatifs à l’ensemble des cerveaux de femmes (ou d’hommes), et d’autre part, le développement du cerveau est extrêmement conditionné, en permanence, par ses interactions avec l’entourage, ce qui minimise toute explication de type naturaliste. Voici un extrait de La tête au carré (France Inter, 20 septembre 2011, 16’42 à 18’34) où Catherine Vidal explique comment la découverte de la plasticité cérébrale a remis en cause la vision déterministe que l’on pouvait avoir il y a vingt ans encore :

Commentaire ajouté le 6 septembre 2012 – Tout individu est plongé dès sa naissance dans un environnement social, ce qui rend sinon impossible du moins très difficile la distinction entre le rôle des processus biologiques et celui d’une construction sociale dans la différenciation entre les sexes. Nous avions envie d’en savoir plus sur les connaissances actuelles dans ce domaine, nous avons donc mandaté C. Brandner, chercheure  au Laboratoire de Recherche Expérimentale sur le Comportement (Lausanne), pour faire le point sur les connaissances actuelles sur le sujet. Le résultat est .

Autres ressources de Catherine Vidal :

Hommes, femmes : avons-nous le même cerveau ? , Editions Le Pommier, 2007 (Petit ouvrage très accessible à un grand public)
Le cerveau évolue-t-il au cours de la vie ? , Ed. Le Pommier, 2009 (Petit ouvrage grand public sur le plasticité cérébrale, notion clef contre le déterminisme biologique)
Cerveau, sexe et liberté , Ed. Gallimard/ CNRS, 2007 (DVD également très accessible)

Suggestions pédagogiques du CorteX

Le CorteX propose trois démarches pédagogiques pour aborder le sujet :

– le cours Biologie, idéologies, racisme, sexisme – comment monter un cours de biologie à partir des pseudo-sciences, où R. Monvoisin construit un cours sur les pseudo-sciences en biologie et en arrive progressivement à la question du genre ;

– le cours Biologie, essentialisme – Nature, écologisme, sexisme, racisme, spécisme où je déconstruis certaines rhétoriques invoquant « la nature », en particulier les rhétoriques dites essentialistes : ce sont celles qui s’appuient sur les différences physiologiques « naturelles » entre les Hommes et les Femmes pour en déduire l’existence d’une « nature » ou d’une essence différente, c’est-à-dire un ensemble de caractéristiques intellectuelles, affectives ou comportementales qui sont immuables et universelles.

– l’atelier-débat sur la « théorie » du genre, ludique et destiné à un large public, où R. Monvoisin introduit les questions soulevées par les notions de féminin et masculin en partant de matériel essentiellement tiré des médias.

Pourquoi s’échiner à comprendre ce qu’est le genre ?

Cette construction sociale, en assignant arbitrairement des rôles aux individus en fonction de leur sexe, contribue à perpétuer les inégalités Hommes/Femmes. Le texte d’ Yves Bonnardel intitulé De l’appropriation… à l’idée de Nature paru dans les cahiers spécistes n°11 (1994) démontre comment les arguments essentialistes servent à légitimer la domination des Femmes par les Hommes et comment la construction d’un genre féminin et d’un genre masculin assoit cette oppression. Repérer les différences de droits et décrire les mécanismes qui les instaurent et/ou les perpétuent constituent le premier pas pour les faire disparaître.

Comment se construit le genre ?Quelques outils pour (faire) prendre conscience qu’une vigilance permanente est nécessaire.

La construction du genre se fait et se propage dans toute situation où les comportements attendus diffèrent pour les Hommes et les Femmes. Si certaines ressources insistent surtout sur la construction du genre féminin, la société façonne aussi bien les garçons que les filles, en diffusant des modèles genrés dans les manuels scolaires ou la publicité, mais aussi dans le cadre familial ou professionnel.

Outils pédagogiques – Jouets

CorteX_jouets_sexistesMadeleine Labie, institutrice, analyse ses propres pratiques sous l’angle du genre et propose des pistes de réflexion dans la vidéo intitulée Une instit raconte – Pratiques langagières sexuées (sur Télédebout). Elle explique en particulier comment quelques habitudes de langage permettent de tordre le cou à la fameuse règle de grammaire française qui stipule que « le masculin l’emporte sur le féminin ».Catherine Giard, psychologue scolaire, analyse la pratique des enseignant-e-s dans la vidéo La différenciation sexuée en classe (sur Télédebout) et révèle qu’il suffit souvent d’avoir pris conscience de cette différenciation de nos comportements pour y remédier.

Les livres scolaires, la littérature jeunesse, les spectacles jeune public sont également des vecteurs de la construction du genre. Dans la plupart des albums jeunesse, les rôles et les attitudes des personnages féminins et masculins sont très différenciés : activité, extérieur, public pour les garçons ; passivité, intérieur, privé pour les filles. De la même manière, le code couleur rose et bleu dans les magasins de jouets oriente les petites filles vers le maquillage, les robes de princesses, les poupées et les activités ménagères tandis que les garçons sont invités à jouer aux voitures, aux soldats, au ballon, aux pirates etc. C’est le sujet du livre Contre les jouets sexistes, introduction pour non-spécialistes à la question du genre dans les jouets et la littérature jeunesse. On y trouvera des descriptions de séances sur le genre menées en école primaire.
Sylvie Cromer, cofondatrice de l’association Du côté des filles, présente le 7 décembre 2009 les résultats des dernières études lors du colloque « Filles, garçons : une même école ? » et fait le même constat en ce qui concerne les outils pédagogiques :

[dailymotion id=xkxw98]

Un extrait du film The Yes Men de C. Smith, S. Price et D.Ollman (2005) qui relate deux initiatives pleine d’humour :

[dailymotion id=xky3ti]
 
Pour finir, voici un comparatif des catégories proposées aux garçons et au filles sur des sites de jeux en ligne « Les rubriques du genre« .

Musique pour enfants

Les chansons pour enfants peuvent porter un message non-sexiste. Voici la vidéo de jeunes amateur-trice-s du groupe pour enfants ZUT. Merci à Nicolas Gaillard.

[dailymotion id=x1oksy].
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Famille

CorteX_Illustration_drole_de_genreIl existe de nombreuses études sur la répartition des tâches ménagères entre les Hommes et les Femmes. Pour alléger la présentation et pour ouvrir le débat sur la répartition des tâches selon les sexes, je préfère utiliser des extraits du film Drôle de genre de J-M. Carré (à venir) dans lequel les Hommes s’occupent des enfants, de la maison et des problèmes de crêche pendant que les Femmes mènent une vie professionnelle exténuante, sont députées et offrent des sous-vêtements sexy à leurs maris..
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Métier

CorteX_infirmiereLa construction du genre oriente a priori le choix des Hommes ou des Femmes vers des types de métiersCorteX_pompier différents. Isabelle Collet a déjà contribué au CorteX en analysant la situation des métiers de l’informatique dans sa conférence Opératrices de saisie ou hackeuses : la place des femmes dans les métiers des technologies de l’information, ou dans son intervention L’informatique a-t-elle un sexe ?

Publicité

La publicité diffuse une vision très genrée du monde. Dans ces deux publicités de Zalando.fr, les Femmes sont transformées en acheteuses obsessionnelles de chaussure :

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Pour vendre une voiture ou de la lessive, certaines publicités cantonnent la Femme à son rôle de séductrice ou bien l’enferment dans son rôle de ménagère. C’est le sujet de l’exposition de Sylvie Travaglianti, Paysage du sexisme ordinaire.

CorteX_Sylvie_Travaglianti_Paysage_sexisme_ordinaire_DunePlaceLiberteTexte de l’autocollant : « on vous rêve rampante »

 

On pourra voir d’autres photos issues de l’exposition ici et écouter l’analyse de la photographe dans ce reportage de  Télédebout. On aura probablement le plus grand désarroi à trouver ces représentations genrées jusque dans les campagnes de recrutements d’enseignants par l’Education nationale (voir l’article Entraînez-vous ! Analysez la campagne publicitaire « L’éducation nationale recrute«  de Nicolas Gaillard).

Médias

Cette vidéo réalisée par Natacha Henry pour TVE Londres en 2000, Où sont les femmes ?, donne un aperçu de la surreprésentation des Hommes et de l’image des Femmes véhiculée dans les médias. Monique Perrot-Lanaud, Virginie Barré, Isabelle Fougère, Isabelle Germain, à l’époque toutes les quatre membres de l’Association des Femmes Journalistes, présentent chacune un petit document révélateur de la (petite) place accordée aux Femmes dans les médias. Cela peut donc aussi donner des idées de travaux pratiques.

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On pourra aussi aller faire un tour sur l’analyse coopérative de l’article A décortiquer – Crise du masculin, Le Monde, 7 Mars 2011 où l’auteur prétend expliquer la crise économique de 2008 par le fait que les responsables économiques sont des Hommes.  

Répartition de la parole

Discussion_homme-et-la-femmeC’est peut-être le plus difficile à déconstruire, chez les unes et chez les autres : la répartition de la parole. Les Hommes et les Femmes ne sont égaux ni devant la prise de parole, ni devant le temps de parole, ni devant l’attention portée à ce que dit l’autre, que ce soit en public ou en privé. On pourra découvrir de nombreux mécanismes qui se mettent en place lors d’une assemblée mixte dans la brochure intitulée La répartition des tâches entre les femmes et les hommes dans le travail de la conversation mise à disposition sur le site des Renseignements Généreux.

Elaboration des connaissances sur le sexe et la sexualité

Le documentaire Le clitoris, ce cher inconnu de Michèle Dominici est notre outil de prédilection sur le sujet. Non seulement la majorité d’entre nous, femmes, hommes ou autres, y apprenons des choses en 2011, mais c’est une manière subtile d’aborder les argumentaires pseudoscientifiques qui jalonnèrent les âges pour placer la Femme dans un ordre inférieur à l’Homme, et lui conférer une « nature » maternelle, une « essence » soumise. Voici le montage réalisé par Richard Monvoisin que nous utilisons en cours :

[dailymotion id=xj3omi]

 Vie quotidienne


CorteX_Vie-de-Meuf-le-sexisme-ordinaire-illustreAu travail, dans la rue, chez le médecin, en recherche d’emploi, en famille, en couple, enceinte, célibataire, etc. Les Femmes sont confrontées quotidiennement au sexisme ordinaire qui les maintient dans leur rôle de Femmes. L’association Osez le féminisme, pour faire prendre conscience de l’ampleur du phénomène, a ouvert en juillet 2010 un blog qui donne la parole à toutes celles et tous ceux qui veulent partager une expérience sexiste et vie de meuf.com recense aujourd’hui une multitude de témoignages. Certaines situations ont été mises en scènes dans de courtes vidéos : la « drague », les poils, le poids du « Madame », etc. Je les signale parce que certaines d’entre elles apportent un éclairage intéressant sur la question, mais le ton est plutôt dur. Quant au livre Vie de meuf – Le sexisme ordinaire illustré, c’est un outil conçu pour pointer du doigt les inégalités, dans le même esprit que le site, c’est-à-dire avec un côté ludique. Organisé par thèmes et agrémenté de dates, de citations et de quizz, il tente d’expliquer sans agressivité d’où viennent les inégalités et ce qu’elles signifient pour les femmes..

Morale et politique

CorteX_Genre_Kipling_Boutin_2012CorteX_Genre_Boutin_Beauvoir
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

L’inquiétude est grande pour les milieux conservateurs de voir les grandes catégories type Homme / Femme se diluer dans la question du genre. La réflexion peut aisément être lancée avec les affiches de campagne 2012 contre la théorie du genre réalisée par Christine Boutin et le Parti Chrétien-Démocrate (PCD).

Il faut noter que c’est l’un des rares cas en France où une opposition à des faits scientifiques devient un enjeu de campagne

Extraits radio

Le genre peut-il s’opposer au sexe ?, avec Jean-Claude Ameisen, Pierre-Henri Gouyon, Priscille Touraille et Thierry Hoquet, dans « Science Publique » sur France Culture (14 octobre 2011) :

– Catherine Vidal et Eric Fassin dans La tête au carré (20 septembre 2011) :

– Irène Jami dans La Fabrique de l’Histoire (9 septembre 2011) :

Emissions de radio

Sur Grenoble

Cas libre: émission de radio libre antenne au ton doux et très accessible sur les questions des corps, des amours, des sexualités « sans tabou ni jugement ». En direct tous les jeudis, de 20h à 21h sur Radio Kaléidoscope 97 FM (Grenoble) et téléchargeable sur Internet.

Dégenrée : émission de radio au ton plus raide, revendiquée « meufs-gouines-trans », bourrée d’infos mais au style parfois rédhibitoire. De 18h30 à 20h les 2ème et 4ème mercredis du mois (rediffusion les lundis suivants à 19h) sur Radio Kaléidoscope 97 FM (Grenoble). On pourra écouter ou télécharger d’anciennes émissions en ligne. Contact :  degenree[AT]pimienta[POINT]orgission féministe les deuxième et quatr

Sur Paris

Femmes libres : émission créée en 1986 et emmenée par Nelly sur Radio libertaire  le mercredi, de 18 h 30 à 20 h 30. Ton doux. Podcastable.

Sur Marseille

Le complot des cagoles : émission tous les 1ers mercredis du mois sur la radio militante marseillaise Radio Galère (88.4 FM) portée par le Collectif des Pétroleuses.

Sites internet

– Sexisme, féminisme – Les Renseignements généreux

– Genre et pédagogie – Télédebout

– Sexisme – Vie de meuf

– Féminisme, sexisme – Osez le féminisme

Femmes et mathématiques

– Histoire – Mnémosyne (pour le développement de l’histoire des femmes et du genre)

– Hystoire – SIEFAR (Société étudiant les femmes, du Moyen Age à la Révolution française)

Associations et collectifs d’éducation populaire sur le genre

Sur Grenoble

Virus 36 : développe des outils de pédagogie active pour « construire du collectif ». Virus36 accompagne des associations aussi bien dans leur structuration interne (fonctionnement, réunions, prise de décision…) que dans l’organisation d’évènement publics (débats, forums, diagnostics…).Contact

Sur Montpellier

Les cafés du genre :Françoise Mariotti anime depuis 6 ans des rencontres/débats mixtes sur le thème du genre. Elles ont lieu les 2ème Mardis de chaque mois, au Martin’s club – 8 rue de la monnaie – de 18h30 à 20h.
Entrée : 2euros + consommation.

Sur Reims

Les Désobéissantes : cette association féministe propose une lettre d’information gratuite sur les études sur le genre, l’égalité femmes/hommes, les personnes LGBT (Lesbienne-Gay-Bi-Trans) et la laïcité. Elle organise aussi des conférences-débats, ateliers, projections, etc. 

Le CorteX est également disponible pour monter des ateliers de sensibilisation ou de formation continue, en particulier à Grenoble, Montpellier et Marseille.

Si une information n’était plus valable ou si vous connaissez d’autres initiatives, contactez-nous !

Guillemette Reviron (avec quelques morceaux de Richard Monvoisin)

NB – Pourquoi les athlètes de la Grèce antique concouraient-ils nus ?

En relisant cet article, Richard m’a donné une autre raison que celle d’un test de masculinité. Voici notre échange sur le sujet :

RM – Je crois que c’est l’histoire de Kallipateira qui se planque et se travestit pour voir son fils en cachette aux JO (vers – 400 ? A vérifier) ; si ma mémoire est bonne, on faisait défiler et courir les athlètes nus plus pour virer les femmes des stades que pour estampiller les garçons.

GR – Bien vu, la raison invoquée n’est pas la bonne, mais vérification faite, ce n’est pas non plus à cause de l’histoire de Kallipateira, qui a plutôt eu pour conséquence la vérification du sexe des entraîneurs, puisque Kallipateira s’était fait passer pour l’entraîneur de son fils. Pour expliquer la nudité des athlètes, les historiens évoquent plutôt la commodité – pour éviter que les athlètes ne se prennent les pieds dans leur pagne -, un hommage à l’harmonie corporelle ou encore un gage de sincérité – nu, il est plus difficile de tricher (plus de détails ici).

RM – J’ai lu de mon côté que la nudité complète était obligatoire lors des Jeux Panhélléniques, sauf pour les courses de chariot. Je m’en réjouis pour eux 🙂

Associations d’éducation populaire

CorteX_Difference_pay

Sociologie, Biologie – Atelier-débat sur la "théorie du genre"

Mardi 20 septembre 2011, pour l’Unité d’Enseignement CAB (Critique de l’Actualité en Biologie, anciennement QAB) dirigée par ma collègue Isabelle Lebrun, j’avais pour tâche de parler 1h30 d’esprit critique, de biologie et d’actualité, et si possible en faisant débattre les étudiants – en l’occurrence des Licence 3ème année de Biologie.
Au semestre précédent, j’avais abordé les inflexions idéologiques en biologie, notamment autour du créationnisme et de l’intelligent design (voir Biologie, idéologies, racisme, sexisme – comment monter un cours de biologie  à  partir des pseudosciences).
Ce semestre-ci, je me suis jeté à corps perdu sur le sujet le plus trépidant de cette rentrée 2011 : l’introduction de la théorie du genre en Sciences de la Vie et de la Terre (SVT) pour les classes de 1ère L et ES… et les incroyables levées de bouclier qui s’ensuivirent.

Voici la trame générale que j’ai suivie.

J’ai d’abord donné des exemples simples de « sexisme ordinaire », mais non immédiatement décelables par un-e non-avertie.

En voici quelques-uns :

  • Extrait de Dans les Alpes avec Annette   (アルプス物語 わたしのアンネット, Arupusu Monogatari Watashi no Annetto) (1983, épisode 7)
[dailymotion id=xl8k14]
  • Publicité Heineken
[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=dwVZvTj7L6o]
 

Dans la même veine, la « réponse » faite ensuite par Bavaria.

 
[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=DkAoQtQ_QoU]
 

J’ai alors demandé aux étudiants* s’ils voyaient un lien manifeste entre les deux documents. Puis je leur ai demandé quelle différence ils voyaient entre les deux pages de la Campagne de recrutement de l’éducation nationale 2011

[CorteX]EducationNationalerecrute1

[CorteX]EducationNationalerecrute

Une fois que la différence des représentations femme/homme était bien percue, j’ai donné le contexte social de départ : l’inégalité de salaires, de répartition des tâches ménagères, d’accès aux postes à responsabilité et d’accès aux postes de pouvoir femmes/hommes

  • Intro de Bienvenue dans la vraie vie des femmes, de Virginie Lovisone et Agnès Poirier (2009) – DVD disponible ici.
[dailymotion id=xla2o4]

J’ai ensuite posé la question suivante : qu’est-ce qui permet de faire cette distinction femme/homme ?   Le triple objectif du débat était de montrer que

1) la différence biologique sexuelle n’était pas si évidente dans un certain nombre de cas (hermaphrodites, intersexes, transsexuel-les, etc.)

2) les 2 catégories mâle et femelle sont « exclusives », et n’ont de réel sens que dans un cadre de reproduction (la question d’où ranger les femmes stériles, les hommes stériles, les femmes ménopausées s’est posée).

3) ce sont surtout des caractères non biologiques qui permettent de faire la distinction.   C’était le moment d’introduire la notion de genre (ou sexe social), par la définition donnée par Irène Jami :

  • Irène Jami, extrait de la Fabrique de l’Histoire, France Culture, 9 septembre 2011
  • Eric Fassin, extrait de Ce soir ou jamais du 7 septembre 2011.
http://www.youtube.com/watch?v=72EVy8UBPLE&feature=related

J’ai alors raconté le contexte du mois de septembre 2011.

  • Titres et articles dans Le Monde, le Figaro (bientôt disponible)

Devant l’entrée de ce qu’on appelle « la théorie du genre » dans les contenus d’enseignement, des levées de boucliers ont eu lieu dans les franges politiques conservatrices, droite chrétienne, droite populaire ou extrême-droite (comme Christine Boutin), avec comme point d’orgue une lettre de 80 députés UMP (droite populaire) au Ministre Luc Chatel pour le contraindre à retirer la théorie du genre des enseignements de biologie.

J’ai utilisé

  • le journal télévisé de LCM
[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=muMByv1088s]
  • le journal télévisé de France 2 (dans l’émission CSOJ, de 0’22 à 1’52)
 [youtube=http://www.youtube.com/watch?v=72EVy8UBPLE]

 J’ai demandé les réactions des étudiant-es – sur l’introduction de cette « théorie » dans l’enseignement – sur le statut de « théorie » de ladite théorie – sur le bien ou mal fondé de l’entrée des politiciens dans les questions de science et de limitation des contenus.

Pour aller plus loin : on pourra parler pour illustrer :

  • du lyssenkisme en biologie
  • des créationnismes et de l’Intelligent design en biologie
  • des lois mémorielles françaises en histoire
  • du rapport Inserm sur les psychothérapies en psychologie, etc.
  • de la pathologisation de l’homosexualité

Il était alors nécessaire de parler de ce rapport nature / culture : dans quelle mesure ce qui fait d’une femme une femme, d’un homme un homme, est un fait de nature ? (Je renvoie pour cette question au travail de Guillemette Reviron ).

Il nous a fallu revisiter les arguments « neurosexistes », mais aussi les arguments « préhistoriques » à l’appui d’une « nature », d’une « essence » féminine/masculine.

En cela, j’ai utilisé

J’avais également sous le coude

  • Référence à l’article de C. Vidal dans Libération, Tête au carré, France Inter 7 septembre 2009.
  • C. Vidal dans Mon cervau a-t-il un sexe ?

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=p8csCdhQ_l8]

(Anecdote, j’étais prévenu qu’une heure avant, Catherine Vidal et Eric Fassin étaient sur les ondes de France Inter, justement sur cette question – voir ici).

J’ai terminé en donnant l’historicité de la question du genre. J’ai pour cela utilisé :

[dailymotion id=x4vy0y]

Je n’ai pas eu le temps hélas de passer l’analyse de l’historien Louis-Georges Tin, tiré de La fabrique de l’histoire, France Culture du 11 juin 2011  . Le voici tout de même.

Pour aller plus loin

On pourra aller voir toutes les références du CorteX sur les questions de genre (voir ici ), ainsi que lire entre autres, Judith Butler, Simone de Beauvoir, Christine Delphy, Julien Picquart et Eric Fassin.

On pourra également regarder en détail les réactions médiatiques et en faire autant de Travaux Pratiques.  Merci aux L3 d’avoir été mes cobayes consentant-es :

  • d’Eric Zemmour face à Nicolas Domenach
[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=YoD9t75yRHw]
  • du médecin Bernard Debré face au sociologue Fassin et au philosophe Enthoven
[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=72EVy8UBPLE]
  • de Caroline Fourest face à Luc Ferry (attention cette vidéo a été « montée » par NO-Gay, qui comme son nom l’indique est un collectif anti-gay : on pourra relever les biais de raisonnements à l’oeuvre dans le générique de fin).
[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=C-sVlbkM1F4]

Richard Monvoisin

* J’ai introduit quelques féminisations forcées dans mon texte. Montrer aux étudiants que même dans la grammaire la norme « masculine » l’emporte sur le féminin, ou qu’un genre indéfini est automatiquement masculin (règles du grammairien Vaugelas, vers 1645) est généralement un argument-massue. A l’hypothèse ue la féminisation alourdirait la lecture, il semble que les premiers résultats scientifiques répondent que ce n’est pas le cas (lire sur ce point Noelia Gesto & Pascal Gygax, Lourdeur de texte et féminisation : Une réponse à l’Académie française, L’année psychologique, 2007, 107, pp. 239-255)

http://www.necplus.eu/download.php?file=%2FAPY%2FAPY107_02%2FS0003503307002059a.pdf&code=fb1ca0d18c0264ef91802b67ab63f032

Luttes désobéissantes – Projet Histoire des luttes sociales

Vous avez lu les bases du Projet Histoire des luttes sociales, paysannes, populaires, féminines… Vous voici dans l’onglet Luttes désobéissantes.
L’ordre chronologique dépend de nos découvertes, il n’y a pas d’autre classement.

  • Les LIP, l’imagination au pouvoir

CorteX_LIPL’épopée des LIP à Besançon en 1973, c’est l’une des mobilisations ouvrières les plus importantes et les plus populaires de la Cinquième République. Leur slogan : « on fabrique, on vend, on se paie » et un acronyme : SCOP (société coopérative ouvrière de production). Affaires sensibles, sur France Inter rappelle le 30 mai 2017 les grandes lignes de ce combat. Pour aller plus loin, nous vous recommandons deux documentaires : Les Lip, l’imagination au pouvoir, de Christian Rouaud (2007)  et Fils de Lip, de Thomas Faverjon (2007), ainsi que l’émission Là-bas si j’y suis du 11 octobre 2004.

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  • Histoire des anarchies

Il s’agit d’un cycle de quatre émissions sur France Culture, dans La fabrique de l’histoire, s’étirant du 28 au 31 août 2017;

CorteX_Bakounine et Charles Perron à Bâle au congrès de l'Association internationale des travailleurs en 1869
Bakounine et Charles Perron à Bâle au congrès de l’Association internationale des travailleurs en 1869

La première émission porte sur l’histoire des anarchies au XIXe siècle, la naissance du mouvement anarchiste, depuis le Congrès de Saint-Imier, en cheminant de Proudhon à Marx et de Marx à Bakounine,  en nous penchant sur les organisations internationales de travailleurs en compagnie de Marianne Enckell, du CIRA (Centre International de Recherches sur l’Anarchisme) et Mathieu Léonard.

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La deuxième émission est un documentaire de Séverine Liatard, réalisé par Véronique CorteX_germaine_berton_1823Samouiloff : « Ce n’est pas rien de tuer un homme » ou le crime politique de Germaine Berton.

France Culture :

Ce 22 janvier 1923, une jeune femme de 20 ans, mineure, abat à bout portant le chef des Camelots du roi, Marius Plateau. Germaine Berton est anarchiste. Elle assassine ce membre important de l’Action française parce qu’elle juge la Ligue royaliste responsable de l’assassinat de Jaurès et du journaliste Miguel Almereyda et responsable aussi d’un incessant climat de violence. L’itinéraire politique de Germaine Berton est fulgurant et emblématique d’une ultra gauche antimilitariste, exaltée par la Révolution bolchevique et en quête d’une société nouvelle au lendemain de la [Grande guerre]. Durant les onze mois qui séparent le crime du procès, l’affaire connaît une importante médiatisation qui met alors en jeu les différentes composantes politiques de la société française de cette époque. Germaine Berton a tué pour des idées et revendique son crime dans une France qui rechigne à accorder l’égalité politique aux femmes.

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Dans la troisième émission, co-animée par Séverine Liatard, il est question des anarchistes espagnols.

Ojo por ojo contre le pistolérisme dans les années 1920
Ojo por ojo contre le pistolérisme dans les années 1920

France Culture :

De cette histoire nous connaissons surtout la fin, celle qui fait des anarchistes une des composantes essentielles de la Guerre civile espagnole. Or, le mouvement anarchiste fait ses premiers pas en Espagne dès 1868 quand Giuseppe Fanelli arrive à Barcelone. Voici ce qu’ Anselmo Lorenzo, qui deviendra un des leaders du mouvement anarchiste espagnol dit de lui : « Fanelli était grand. Il avait l’air bon et sérieux, portait une épaisse barbe brune et ses grands yeux noirs et expressifs lançaient des éclairs ou reflétaient la plus grande commisération, selon les sentiments qui l’animaient. Sa voix, qui avait une sonorité métallique, était capable de prendre toutes les inflexions qui convenaient à son propos, passant rapidement de la colère et de la menace, quand il fulminait contre les tyrans et les oppresseurs, aux accents de pitié, du regret, de la consolation, pour évoquer les souffrances opprimés, soit qu’il les comprît sans les avoir subies, soit qu’en véritable altruiste, il prît plaisir à présenter un idéal ultra-révolutionnaire de paix et de fraternité. Il parlait en français et en italien, mais nous comprenions sa mimique expressive et nous suivions son exposé ». Anselmo Lorenzo (1842 – 1914) El Prolteriado militante, 1913.

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Manifestation contre la loi travail à Paris le 26 mai 2016
Manifestation contre la loi travail à Paris le 26 mai 2016

Enfin, dernière émission,  co-animée par Séverine Liatard, dans laquelle est discuté si l’onpeut parler ou non d’une internationale anarchiste. Le débat sur ce thème est vif, en particulier depuis la publication, à la fin des années 2000, de la thèse de Vivien Bouhey, qui, à partir d’archives de police, revenait sur l’idée développée par Jean Maitron, pionnier de l’histoire de l’anarchisme, d’une organisation minimale des anarchistes français. Faut-il prendre au pied de la lettre les accusations de « complot anarchiste » développées par les gouvernements de la fin du XIXème siècle ? Ou, au contraire, considérer qu’il y avait dans le développement de la « propagande par le fait » une multitude d’acteurs sans lien organique entre eux ?

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  • Le Maloya comme courroie

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Danyel Waro, le légendaire

Venu de l’Afrique par Madagascar, le maloya est un style de musique contestataire réunionnais qui se murmure la nuit contre les colons, les Gros Blancs, qui l’interdisent. Dans les années 1950, le maloya est prohibé par l’administration coloniale qui voit grandir la revendication indépendantiste. Au cours de l’histoire métisse de La Réunion, le Malbar comme le Ti’blanc s’accaparent le maloya, à l’instar de Danyel Waro, son plus célèbre ambassadeur, qui s’en sert pour narrer des luttes sociales souvent oubliées. Ci-dessous, un reportage d’Antoine Chao pour Là-bas si j’y suis, sur France Inter, le 14 mai 2014.

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  • Ni Dieu ni maître – Une histoire de CorteX_Ni_dieu_ni_maitrel’anarchisme, de Tancrède Ramonet (2017)

    Du manifeste fondateur de Proudhon (1840) à la chute de Barcelone (1939), cette fresque documentaire fait revivre la richesse foisonnante d’un mouvement multiforme, montrant combien l’anarchisme continue d’irriguer tout le champ des luttes sociales et politiques.

    Premier volet : la volupté de la destruction (1840-1914).

    Né du capitalisme, frère ennemi du communisme d’État, l’anarchisme n’a eu pourtant de cesse de souffler son vent de liberté et de révolte sur le monde. Depuis la Commune de Paris jusqu’à l’émergence des premières grandes organisations syndicales, de l’apparition de milieux libres avec leurs pratiques de vie alternatives jusqu’à la mise en place d’écoles libertaires, le mouvement anarchiste a été à l’origine des premières révolutions et, sur les cinq continents, l’un des principaux promoteurs des grandes avancées sociales.

    Mais d’où vient donc l’odeur de souffre qui précède chacun de ces sombres cortèges ? Est-ce parce que ces révolutionnaires ont justifié la violence insurrectionnelle et à l’occasion, à l’instar de Ravachol ou Bonnot, été parmi les premiers à jouer du couteau ou du revolver et à faire parler la poudre ? Ou ne s’agit-il là que d’un triste malentendu, une noire légende, voire un simple fantasme médiatique et policier, qui aurait dessiné le portrait de ces utopistes savants en apôtre de la destruction ? De France au Japon et de Chicago à Buenos Aires, la Volupté de la destruction révèle les origines de cette pensée et dresse le portrait de ceux qui furent les pères fondateurs du mouvement libertaire. Mais, en revenant aussi sur les principaux événements de l’histoire ouvrière de la fin du 19ème et du début du 20ème (la création de l’internationale, fête du premier mai, attentats à la Belle époque, bataille pour la journée de huit heures), il dévoile surtout le rôle fondamental joué par les anarchistes dans le mouvement social au 19ème siècle et au début du 20ème.

    2. La mémoire des vaincus (1911-1945)

    Insurrectionnaliste, individualiste, illégaliste, végétarien.nes, anarcha-féministe, anarchiste chrétien ou encore anarcho-primitiviste, l’anarchisme a presque autant de sensibilités qu’il n’a de figure et s’il semble aujourd’hui minoritaire, on oublie trop souvent qu’il fut un temps où il domina le monde.Et pourtant au sortir de la première guerre mondiale, en Europe, l’anarchisme semblait avoir perdu presque toute son influence.Ce n’étaient pas seulement les attentats des propagandistes par le fait, ni même la proclamation à cors et à cris des lois scélérates, qui l’avaient rendu inaudible, mais bien plutôt les bombes qui, de Verdun à la Somme, en passant par le Chemin des dames, en assassinant dans certains pays près du tiers des travailleurs, avaient réduit au silence la masse des militants. Sans parler de ces millions d’amputés, de traumatisés et de gueules cassées pour lesquels la révolution n’étaient plus une priorité. Mais à la périphérie des grands pays industrialisés, au pourtour du monde occidental, les anarchistes ont survécu. Ils s’organisent, se rassemblent aux marges des empires, reprennent les armes et essaient partout de faire triompher leur idéal. Or pour l’emporter, face à une Réaction, qui elle aussi a de nombreux visages, les libertaires ne peuvent plus seulement imaginer de douces utopies et inventer de généreuses pratiques.  Dans cet entre-deux guerres fécond, où le capitalisme enfante ses deux bêtes immondes, stalinisme et fascisme, face à l’hydre totalitaire qui, généralise un peu plus le vol et industrialise la mort, ils doivent mener une guerre sur tous les fronts et plus que jamais prouver dans les faits l’efficacité de leur pensée. C’est ainsi, qu’au Mexique, en Russie ou en Espagne notamment, que les anarchistes vont conduire, au nom de la justice et de la liberté, certaines des plus grandes révolutions du 20ème siècle et écrire en lettre rouges et noires une nouvelle page de notre histoire.

    Sur France Culture le 11 avril 2017, la grande table d’Olivia Giesbert invite Tancrède Ramonet le réalisateur – qui prépare un volet 3 – et Irène Pereira, sociologue.

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    Petite correction : Olivia Giesbert classe dans un même sac les pédagogies de type Freinet, Montessori et Steiner. Si l’école Freinet est effectivement libertaire, il y a plus de problèmes avec Montessori, dont la proximité avec le mouvement mussolinien mérite réflexion. Surtout, Steiner et le mouvement Steiner-Waldorf n’a rien d’anarchiste du tout : Steiner, en plus de défendre des thèses pseudoscientifiques, enseigne la révérence à des cycles mystiques, à une destinée, en plus d’être racialiste. Rudolf Steiner était avec son anthroposophie aux antipodes des mouvements libertaires.

     
  • La désobéissance civile

Cette émission du 5 juin 2013, de Jean Lebrun La marche de l’histoire, sur France Inter, a pour invitéCorteX_Arendt_desobeir_aux_lois

La désobéissance civile – Hannah Arendt © cc – 2013 / François Jourde

  Yves Charles Zarka.

« Les maires de France qui veulent refuser de célébrer des mariages entre couples du même sexe s’en vont généralement chercher leur justification dans une incise sur l’objection de conscience glissée par François Hollande dans un discours prononcé devant leur association, il y a seulement quelques mois. Quant aux branches les plus radicales du mouvement de la Manif pour tous, elles se prévalent de la Résistance: elle n’est pas finie, disent-elles, c’est nous qui la prolongeons… Dans une autre couleur du spectre politique, José Bové, quand il démontait son Mac Do à Millau, affichait une référence à peine peu plus ancienne: l’américain Henry David Thoreau, qui vivait au milieu du XIXe et servit de modèle au Gandhi sud africain du début du XXe. Certes le mot de désobéissance civile proprement dit n’a qu’un siècle et demi d’âge mais, en réalité, la liberté de dire non s’est exercée depuis la plus haute Antiquité, comme dirait Alexandre Vialatte. Sous d’autres appellations, dans d’autres contextes. Le présent vient souvent de plus loin qu’il ne le croit ».

  • « Anarchistes » et « écologie »

CorteX_ecole_BonaventureL’émission de Jean Lebrun La marche de l’histoire sur France Inter revient sur Roybon, Sivens, Notre-Dame-des-Landes, et aborde avec Gaetano Manfredonia quelques luttes « écologistes ». Il y a un bon passage sur l’école alternative libertaire de la Bonaventure, sur l’île d’Oléron, en 1993.

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  • L’école moderne de Célestin Freinet en 1958

 CorteX Celestin FreinetDocumentaire de Séverine Liatard et Séverine Cassar, réalisé dans le cadre de l’émission du 8 janvier 2013 de La fabrique de l’histoire, sur France Culture.

« Célestin Freinet est un pédagogue français né à la fin du XIXème siècle. Issu d’un milieu rural, sa jeunesse se déroule au sein de la communauté paysanne dans une région pauvre des Alpes maritimes. L’expérience pastorale sera pour Freinet le leitmotiv de son expérience éducative. Il entre à l’école normale d’instituteur de Nice.  Lorsque la guerre éclate, il est mobilisé. Grièvement blessé au Chemin des Dames, il ne se remet pas complètement de ses blessures et gardera toute sa vie le souffle court auquel il attribue lui-même, pour partie, la nature de ses innovations en matière d’enseignement. Sa pédagogie est fondée sur différentes techniques : classe-atelier, classe-promenade et observation du milieu naturel ; production de textes libres ; imprimerie et édition d’un journal ; correspondances interscolaires ; individualisation du travail et coopération dans l’apprentissage ; suppression de la notation …

Lors de cette séance publique qui se déroule à Neuchâtel en 1958, Célestin Freinet présente à des parents et à des enseignants les lignes directrices de son enseignement.  Dès les années 1920, il met en pratique avec sa femme Elise, l’essentiel de ses méthodes qui ne sont pas toujours bien comprises. Célestin Freinet va d’ailleurs quitter l’Education nationale pour fonder sa propre école à Vence en 1935 : une école privée, laïque et prolétarienne.

Le mouvement Freinet prend forme peu à peu avec la mise en commun des expériences de chacun et la tenue de congrès réguliers,  la publication de revues pédagogiques comme La Bibliothèque du travail, les Brochures d’éducation nouvelle populaire ou Techniques de vie ou la création après la seconde guerre mondiale, de l’Institut coopératif de l’Ecole moderne (ICEM)  et en 1957, de la Fédération internationale des Mouvements de l’Ecole moderne (FIMEM).

Avec les témoignages et les analyses de Guy Goupil et Michel Barré (anciens instituteurs du mouvement Freinet) et Philippe Meirieu (professeur de sciences et pratiques de l’éducation à Lyon II)« .

  • Utopies pirates – la communauté Libertalia, XVIIe siècle.

Reportage d’Antoine Chao, émission Là-bas si j’y suis, sur France Inter, 28 janvier 2011.

Libertalia est le nom d’une colonie fondée par des pirates sur l’île de Madagascar, qui aurait existé – mais rien n’est certain- pendant environ vingt-cinq ans à la fin du XVIIe siècle.

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  • Les désobéissants du service publique

Les pieds sur terre, France Inter, 24 mai 2011. Agents Pôle Emploi, gardes forestier, agents ERDF, professeurs des écoles, agents territoriaux… Aujourd’hui ils ne reconnaissent plus les valeurs pour lesquelles ils ont choisi d’exercer leur métier. Dans l’ombre ou publiquement, ils préfèrent désobéir plutôt que démissionner. Reportage : Pauline Maucort.

Richard Monvoisin

ftp://cortecsftp@cortecs.org/cortecs.org/archives/images/stories/audio/histluttes/CorteX_Travestissement_Paul_Grappe-FrCult_07.06.2011.mp3

La démocratie participative, par Amélie Audibert

Amélie Audibert, animatrice socioculturelle depuis plusieurs années, fait un Master 2 professionnel « Politiques publiques et changement social » à l’Institut d’Etudes Politiques de Grenoble. Son mémoire porte sur la question : « comment l’offre publique de participation permet d’éviter le débordement démocratique en orientant les débats vers des objets prédéfinis ?« . De ce fait, elle s’imposa comme l’intervenante-phare du Midi critique N°4 saison 4 sur la démocratie participative, en avril 2011.
Nous avions déjà détaillé notre manière de faire et donné nos outils ici, mais un complément de l’intervention d’Amélie nous semblait salutaire.
Le voici.

Avant de parler de démocratie participative, commençons par définir ce qu’est le concept central de démocratie.

 

La démocratie : un effet paillasson

La définition courante de la démocratie est « le pouvoir du peuple ». C’est une définition vague revendiquée par des gouvernements dont les valeurs et les institutions sont différentes, voire contradictoires comme par exemple la République Algérienne Démocratique et Populaire, la République fédérale d’Allemagne, la Principauté d’Andorre, le Royaume de Belgique, la République Populaire Démocratique de Corée, la République Française, etc.

Il est difficile de trouver une définition précise et consensuelle de la démocratie. Les divergences autour de cette notion ne viennent pas de l’idéal démocratique de « gouvernement du peuple », mais des moyens mis en œuvre pour le réaliser. En observant les instruments qui servent sa mise en oeuvre, des définitions presque opposées peuvent être données, faisant l’impasse sur le suffrage universel, les droits individuels ou au contraire ne considérant que la question des élections.

En tout état de cause, aucune définition claire et universelle n’est à ce jour partagée par l’ensemble des acteurs y faisant référence (voir effet paillasson).

 

En France : éléction = démocratie

En France, l’article 2 de la Constitution de 1958 tente de clarifier les choses en superposant l’idée de gouvernement du peuple à celle de gouvernement par et pour le peuple.

Cependant, cette définition ne donne pas un éclairage fin de la notion de démocratie. Il est donc indispensable de refaire un petit détour vers les idées philosophiques qui ont fondé la légitimité démocratique au moment de la Révolution française : les théories de Rousseau et de Montesquieu.

 

Les fondements idéologiques de la démocratie

Lors de la Révolution de 1789, des débats ont conduit à élaborer la démocratie française. Ils ont mis en lumière deux manières d’appréhender la représentation et la souveraineté, qui ont pour socle commun de reconnaître le peuple comme source légitime du pouvoir : celle de Montesquieu, et celle de Rousseau.

Pour Montesquieu, le peuple est apte à choisir des représentants capables de définir l’intérêt général mais il n’est pas capable de gouverner.

« le grand avantage des représentants c’est qu’ils sont capables de discuter les affaires. Le peuple lui n’y est pas du tout préparé […] il n’est pas nécessaire que les représentants, qui ont reçu de ceux qui les ont choisis une instruction générale, en reçoivent une particulière sur chaque affaire […] il y avait un grand vice dans la plupart des anciennes républiques : c’est que le peuple avait le droit d’y prendre des résolutions actives, chose dont il est entièrement incapable. Il ne doit entrer dans le gouvernement que pour choisir ses représentants, ce qui est très à sa portée ». Charles de Secondat de Montesquieu, L’esprit des lois, livre XI, chap. 6.

Des représentants sont élus et ils sont reconnus légitimes pour définir l’intérêt général et prendre des décisions au nom de l’ensemble de la population. La compétence reconnue aux citoyens est celle de choisir les personnes les plus à même d’occuper ces fonctions.

Rousseau développe quant à lui l’idée d’une démocratie directe dans laquelle le peuple doit être responsable .

« Je dis donc que la souveraineté n’étant que l’exercice de la volonté générale ne peut jamais s’aliéner et que le souverain qui n’est qu’un être collectif ne peut être représenté que par lui-même […] par la même raison que la souveraineté est inaliénable, elle est indivisible. Car la volonté est celle du corps du peuple ou seulement d’une partie. Dans le premier cas cette volonté déclarée est un acte de souveraineté, dans le second ce n’est qu’une volonté particulière». Jean-Jacques Rousseau, Le Contrat social, livre II, chap. 1 et 2.

Il est donc nécessaire d’élire des députés car il est impossible que le peuple dans son ensemble siège en assemblée, mais ces députés ne sont pas des représentants, ils sont des commissaires. Ils doivent se conformer aux instructions des électeurs sous peine d’être sanctionnés ou révoqués. Ils ne peuvent rien conclure sans le consulter. Le peuple dans son ensemble est reconnu légitime pour définir l’intérêt général. Les députés sont ici appréhendés comme des instruments permettant le lien entre l’ensemble de la population et la prise de décision.

Ces théories opposent deux conceptions de la légitimité démocratique. Si elle émane toujours du peuple dans son ensemble , la capacité à définir l’intérêt général et à prendre des décisions est la compétence soit d’une minorité de la population, soit de l’ensemble de la population. Ce sont les thèses de Montesquieu qui ont fortement influencé l’instrumentation démocratique.

Note : la définition de « peuple » prête également à débat, notamment autour de la place des femmes et plus récemment des étrangers et des jeunes. Le peuple dans son ensemble représente à la fin du XVIIIème siècle uniquement les hommes majeurs de nationalité française. Aujourd’hui, le peuple est parfois entendu comme les citoyens français hommes et femmes (élections nationales), les citoyens européens (élections locales), les habitants d’un territoire sans notion de nationalité ou d’âge (certains dispositifs participatifs).

 

Pierre Rosanvallon (2008) fait émerger trois principes qui ont été le socle du système démocratique français :

  • la nature d’un régime s’identifie à ses conditions d’établissement
  • l’unanimité est la meilleure expression de la généralité sociale, de la volonté générale
  • l’autorité se légitime par la volonté librement exprimée de tous.

Le suffrage universel est utilisé comme instrument démocratique dans le but d’élire des représentants capables de s’extraire de leurs intérêts particuliers pour définir l’intérêt général. Le Parlement est vu comme l’enceinte de la raison publique où est débattue à haute voie la définition de l’intérêt général. Il est généralement admis    que le vote de la majorité permet d’établir la légitimité d’un pouvoir, et cette procédure est identifiée comme l’essence même de la démocratie :

« La loi de majorité est une de ces idées simples qui se font accepter d’emblée ; elle présente ce caractère que d’avance elle ne favorise personne et met tous les votants sur le même rang ». (Louis Blanc, Réforme électorale, Revue du Progrès, t. II, 15 octobre 1839, p. 308).

L’instrument de l’élection comme procédure de choix a été assimilée à un principe politique instaurant la démocratie. L’instrument et le principe sont devenus indissociables, alors qu’ils sont contradictoires. Si l’on envisage l’électiorat dans une dimension sociologique, celle-ci désigne une fraction, même dominante, du peuple. Or le paradoxe démocratique vient de l’hypothèse que les urnes renvoient à l’idée d’une volonté générale. On considère alors que le plus grand nombre vaut pour la totalité.

« La partie valant pour le tout, et le moment électoral pour la durée du mandat : tels ont été les deux pré-supposés sur lesquels a été assise la légitimité démocratique » (Rosanvallon, ouv.cit., p. 11).

 

 Les limites du système représentatif poussent à développer des outils participatifs

 

Le développement de la participation fait suite à plusieurs “évènements” qui débutent à la fin des années 60 et se prolongent jusque dans les années 2000.

  • La légitimité traditionnelle des élus est mise à mal par la hausse de l’absention, la non-inscription sur les listes électorales et la proportion parfois importante d’étrangers. Par exemple, en 2008, le maire de Clichy-sous-bois est réélu dès le 1er tour avec 66% des voix. Ceci représente en réalité 2792 voix sur les 28000 habitants de la commune. De manière plus globale, on note une hausse de l’absention dans tous les scrutins entre 1965 et aujourd’hui.

  • Les fonctionnaires étaient pensés jusqu’alors comme neutres. Ils agissaient pour l’intérêt général, dégagés de toute tentation et d’intérêt partisants : ce positionnement leur donne la légitimité d’être des experts ; ils sont censés analyser sans parti pris les situations pour aider les élus à prendre des décisions, et ce dans l’intérêt de tous. Mais la catastrophe de Tcherobyl et la gestion étatique de la crise, l’affaire dite « du sang contaminé » [1]   ou encore l’affaire de « la vache folle » [2]    remettent en cause leur positionnement. Comment alors prendre de bonnes décisions sur des rapports d’experts qui ne sont plus crédibles?

  • Au niveau local, les lois de décentralisation de 1982 libèrent les communes de la tutelle administrative du préfet. Ceci donne lieu à de nouveaux rapports entre l’équipe municipale et les administrés : c’est en priorité aux citoyens que s’adressent les Maires et sur eux qu’ils s’appuient pour légitimer leur action. Les élus sont mis dans une position de face à face direct avec les citoyens. Les conseils municipaux ont tendance à vouloir rendre plus visible le lien représentatif et à présenter leurs choix comme étant ceux de la population (voir sur ce point Sous la direction de Loïc Blondiaux, La démocratie locale – Représentation, participation et espace public, PUF, 1999).  

  • En même temps, les lois de décentralisation font émerger la figure du Maire comme personnage central de la vie locale. Il concentre les pouvoirs législatifs et exécutifs : il a le monopole de l’interprétation de l’avis des habitants. En effet, l’opposition au sein d’un conseil municipal a peu de pouvoir sur les délibérations et une faible capacité de communication. De plus, entre deux élections, l’équipe municipale rencontre peu d’opposition (alors qu’au niveau national, les résultats des élections locales ont un impact sur la politique du gouvernement).   Enfin, le Maire n’est souvent pas concurencé dans son monopole d’interprétation de la volonté générale par la presse locale qui est souvent neutre ou bienveillante envers l’équipe municipale. Il n’existe souvent qu’un seul titre qui ne représente pas un contre pouvoir. Il y a donc une certaine indépendance possible de l’équipe municipale vis-à-vis des électeurs durant la durée du mandat, qui est souvent dénoncée.

  • Dans les années 1994-1995, les maires expriment dans leur revue leur difficulté à avoir l’adhésion des habitants [3]. Ils observent un engagement concrêt et limité des habitants contre certaines de leurs actions. La gouvernabilité devient un enjeu local. Les élections de 1995 sont caractérisées par le retrait des élus sortants dans 40% des cas. Le manque de reconnaissance et l’incivisme des citoyens sont évoqués comme motif de départ pour 60% des maires sortants (cf. Enquête auprès des maires sortant du département effectuée par l’association des Maires de France du Doubs – Département et communes – mai 1995).

 

Parrallèlement à ces phénomènes, la participation des habitants s’installe doucement dans le paysage politique français. Elle est toujours pensée comme complément à la démocratie représentative.

  • 22 mars 1965 : Le Monde fait sa Une sur la victoire des Groupes d’Action Municipaux (GAM) et l’élection d’Hubert Dubedout à Grenoble. La vitrine grenobloise provoque la multiplication des GAM, qui ont pour objectif d’écouter les besoins des citoyens pour trouver les meilleures solutions pour y répondre concrètement. Ils se développent dans toute la France jusque dans le début des années 80. L’objectif des GAM est de rendre plus efficace l’action publique. En même temps, se développe dans d’autres communes des mouvements pronant l’autogestion des habitants : “ la démocratie locale réelle n’a qu’un seul nom : l’autogestion ! » (Roux, 2011) . Des expériences locales émergent : à Louvier (Haute-Normandie), de 1965 à 1969 puis de 1976 à 1983, la municipalité se déclare radicalement autogestionnaire et en rupture avec le fonctionnement de “père de la cité” des GAM. L’équipe municipale tient des conseils municipaux en dehors de la mairie et associe largement des associations locales aux décisions. Il en découle des décisions audacieuses (gratuité des transports en municipaux pour les enfants et les jeunes, de la piscine, des musées, de l’école de musique, d’aides ménagères pour le troisième âge, etc.) financé par un nouveau mode calcul des impôts locaux taxant plus les résidences des quartiers aisés et détaxant les zones populaires. Cependant, ces initiatives autogestionnaires restent marginales. La vision de la participation comme outil d’aide à une bonne gestion reste celle qui s’est imposée.

  • Dans les années 80, peu d’actions signifiantes sont mises en avant. Les lois de décentralisation, pouvant être vues comme redonnant du pouvoir au local, et donc aux citoyens, transfèrent des compétences aux élus locaux mais pas aux habitants.

  • Un petit “renouveau” dans les années 90 : les lois de 1992 s’attaquent au vide législatif sur le sujet. Le droit des citoyens à être informés et à être consultés est mis en avant. Dans d’autres pays, au Brésil notamment avec l’expérience du budget participatif de Porto Allegre, les démarches participatives n’ont pas pour objectif de rendre plus efficace l’action publique mais de “démocratiser radicalement la démocratie”, de “rendre le pouvoir au peuple”.

  • A partir des années 2000, en France, la participation est institutionnalisée : chaque mairie, chaque département et chaque Région a son dispositif participatif. L’ensemble de la classe politique s’accorde pour dire que la participation, c’est bien. Tout le monde prétend en faire. Mais de quoi s’agit-il ?

 

 

La démocratie participative

 

La démocratie participative, c’est quoi ?

La démocratie participative est une notion floue aux réalités variées. Selon Rasera (2011), on peut distinguer quatre niveaux de participation.

  • L’information
  • La consultation : le résultat d’une consultation est un avis, il n’y a aucun recours possible sur la procédure, il n’a pas de portée juridique. Un avis est une aide à la décision, les conseils délibératifs restent libres de leurs choix.
  • La concertation : elle associe à la résolution d’un problème les personnes concernées. Les collectivités territoriales présentent un projet à la population qui a la possibilité de le modifier en partie après une phase de négogiation.
  • L’implication : la participation impose une implication des habitants en amont et en aval de la décision. Ils doivent être associés à l’élaboration et au suivi d’un projet. Si la décision finale reste au niveau des élus locaux, nous sommes alors dans de la concertation. On retrouve dans cette catégorie les modes dits d’auto-gestion.

Ces définitions restant bien larges, de nombreuses actions peuvent donc être considérées comme de la participation.

 

Pourquoi faire de la participation ?

Plusieurs enjeux pour une collectivité territoriale / un Etat à faire de la participation :

  • « bien gérer, c’est gérer avec ». La participation permet d’ajuster les politiques publiques pour être au plus près des besoins des habitants ;

  • profiter de l’expertise d’usage des habitant / des usagers et structurer le diagnostic en y invitant des « profanes » (c’est-à-dire des non-experts) et des experts ;

  • rendre compte de l’opinion publique. La participation permet de mesurer le taux d’acceptabilité / de confrontation auquel va se frotter une décision publique ;

  • créer un consensus minimum / fabriquer   l’acceptabilité. La décision n’est plus le seul fait des élus, elle est partagée et discutée avec les citoyens. Ceci permet de la faire accepter plus facilement

  • gérer la contestation en amont et légitimer les décisions prises.

 

Trois exemples d’instruments participatifs mis en place pour légitimer des décisions publiques

  • La commission nationale du débat public
  • Le référendum local
  • Les conseils de quartiers

 

La commission nationale du débat public

Dans les années 80, la SNCF développe le projet du TGV Méditerranée reliant Paris à Marseille. Le premier tronçon Paris/Lyon avait été construit dans les années 70 sans fortes contestations. En 1989, la SNCF rend public les premiers tracés du tronçon Lyon/Marseille : le trajet retenu est le plus court possible. La SNCF ne souhaite engager la discussion qu’avec quelques grands élus. Les critiques sont vives et nombreuses, les contestataires se fédèrent et se regroupent en plusieurs coordinations. Celles-ci rassemblent les contestataires jugés comme oublieux de l’intérêt général (Argument Nimby Not in my backyard, pas dans mon jardin) mais également des agriculteurs inquiets de l’évolution du foncier, des élus ruraux et des grands élus qui jugent les gares trop éloignées des centres villes. En 1991, nous sommes à la veille d’élections nationales. La contestation est forte et prend de l’ampleur. Le projet est bloqué pendant un an. La SNCF engage alors une procédure de conciliation officielle. Un « collège des experts » est créé. Il regroupe huit personnes : des hauts fonctionnaires du ministère de l’équipement, des élus et des universitaires. Leurs conclusions prônent la mise en place d’un nouveau couloir spécifique à cette ligne et une meilleure inscription dans les territoires traversés. C’est la première fois que l’expertise d’un grand projet de transport est ouverte à différents points de vue. On passe d’un diagnostic technique et financier fait par des économistes sur un calcul de rentabilité à un diagnostic intégrant une évaluation socio-économique.

L’important conflit suscité par le projet du TGV Méditerranée montre les limites de l’enquête publique telle qu’elle a été pensée en 1983 [4]. Une nouvelle institution est créée en 1995 : la Commission Nationale du Débat Public (CNPD) [5], qui deviendra une autorité administrative indépendante en 2002. Le monopole et le contrôle des experts ne sont plus alloués au seul porteur de projet, un débat public est imposé pour tout projet susceptible de porter atteinte à l’environnement. La quarantaine de débats publics menés par le CNPD entre 1997 et 2007 ont porté essentiellement sur des projets autoroutiers, de transports d’électricité, de lignes à grande vitesse et dans le domaine du nucléaire. Chaque débat est organisé par cinq à six membres du CNPD sur une période de  quatre mois. Chaque citoyen, association ou collectif peut faire entendre son opinion à travers différents moyens : réunions publiques, expositions, Internet… etc. Les points de vue ne sont pas hiérarchisés et tous sont considérés comme bons à entendre. Le CNPD rend ensuite un rapport qui rend compte du déroulement des débats. Ce n’est pas un avis favorable ou défavorable au projet, le rapport illustre l’ensemble des points de vue exprimés. Le maître d’ouvrage a ensuite deux mois pour rendre sa décision publique.

Trois principes sont mis en avant pour justifier cette méthode : un principe d’argumentation, un principe d’équité et un principe de transparence. Or, le déroulement des débats ne se passe pas toujours dans cet idéal démocratique. Le niveau de participation varie fortement selon l’intensité du conflit généré par le projet, les groupements les mieux organisés sont ceux qui ont le plus de chance de faire valoir leur point de vue, l’impact sur la décision est très variable. Loïc Blondiaux (Blondiaux 2008, p.57) note que rares sont les cas de renoncement au projet suite à un débat public et que dans la majorité des débats l’influence de la discussion est marginale et difficilement perceptible.

 

Le référendum local

Le référendum local est un dispositif mis en place par l’assemblée délibérante d’une collectivité territoriale. Ce dispositif a été révisé en 2003 (article 72-1 introduit dans la Constitution par la loi n° 2003-705 du 28 mars 2003) lui conférant ainsi un pouvoir décisionnel et non simplement consultatif. Il est clairement encadré par la loi et requiert des conditions de mise en oeuvre strictes et précises. Une assemblée délibérante peut organiser un référendum décisionnel local sur un sujet relevant de ses compétences. Elle en définit les modalités, le projet de délibération et la date. Seuls les électeurs de la collectivité sont conviés au vote et non l’ensemble des habitants [6]3. Le projet est adopté s’il obtient la majorité des voix et réunit au moins la moitié des inscrits.

Cet instrument est peu utilisé par les collectivités locales. Quinze référendums locaux ont été organisés entre 2005 et 2007 et 6 en 2008 et 2009. En effet, l’issue étant incertaine, les maires lui préfèrent généralement d’autres types de dispositifs à portée consultative.

Le référendum décisionnel local porte sur des thématiques dont les compétences appartiennent à ces collectivités. Entre 1995 et 2004, 37,8% ont eu pour objet l’aménagement urbain ; 20,6% l’équipement public et les services publics ; 28,9% la vie communale (changement de nom, adhésion à un EPCI…) et 12,7% étaient des consultations illégales. En effet, l’assemblée délibérante doit transmettre au préfet deux mois avant le jour du scrutin le texte sur lequel portera le vote. Les référendums décisionnels locaux sont annulés par les tribunaux administratifs lorsque les conditions fixées par la loi ne sont pas appliquées.

En cas d’annulation administrative, les maires maintiennent généralement ce dispositif, qui n’a pas alors de valeur légale. Il devient un instrument pour accompagner une mobilisation locale contre une décision de l’Etat : les référendums décisionnels locaux illégaux ont porté sur des tracés de ligne de TGV ou d’autoroute, l’enfouissement de déchets radioactifs, la circulation des poids lourds sous le tunnel du Mont-Blanc. Dans ces situations, on peut se demander si ce dispositif est un outil de démocratie participative ou une manière efficace pour un maire de communiquer sur son engagement et de le rendre participatif. Il légitime la position du maire qui se positionne comme porte-parole de la contestation des habitants.

 

Les conseils de quartiers

Ils ont été mis en place suite à la loi de 2002 sur la démocratie de proximité qui « institutionnalise à l’échelle nationale la participation locale des habitants » (Gaudin, 2007, p. 37). Dans les communes de plus de 80000 habitants, le conseil municipal fixe « la dénomination, la composition et les modalités de fonctionnement » de ces instances qui « peuvent être consulté[e]s par le maire et peuvent lui faire des propositions sur toute question concernant le quartier ou la ville » (loi n°2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, Journal Officiel, 28 février 2002). La convocation, l’ordre du jour et la présidence des débats appartiennent aux élus locaux, les délibérations ont une valeur consultative.

Les participants des comités de quartier sont nommés « habitants ». On peut plus globalement noter l’omniprésence de la catégorie des « habitants » dès que l’enjeu porte sur le local, sur les liens de proximité, au détriment de la catégorie des « citoyens » dont l’utilisation fait plutôt référence à des dispositifs nationaux. L’ « habitant » est valorisé dès que l’on s’intéresse à des enjeux et des concepts palpables et que l’on fait référence à l’expertise d’usage. A l’inverse, le « citoyen » est appelé sur des enjeux plus globaux, plus abstraits. Le terme habitant permet-il de mettre en place un processus de dépolitisation? Pour C. Neveu, c’est également un processus de re-politisation au sens où il y a une redéfinition des enjeux [7].

Cette idée de re-politisation doit cependant être nuancée. Les conseils de quartier inscrivent la participation à l’échelle micro-locale (non celle de la ville, mais celle du quartier). Les délibérations portent généralement sur des problèmes d’environnement immédiat (trottoirs, usages des lieux publics… etc.). La participation prend ici la forme d’un relais des plaintes, des demandes des habitants, ce qui permet aux élus de développer le lien de proximité tout en gardant la maîtrise des conditions de politisation de ces problèmes. La restriction de la participation à l’échelle du quartier borne l’horizon de la discussion aux problèmes de proximité, à une vision centrée sur des problèmes individuels, c’est l’expertise d’usage. Faute d’étendre cette participation à une échelle plus large, celle de la ville ou de l’agglomération, les habitants restent dans la défense des intérêts de leur quartier à défaut d’une vision globale leur permettant de faire un arbitrage entre différentes demandes, différents points de vue et ainsi produire une décision politique. Les élus gardent le monopole de la définition de l’intérêt général.

Par cet instrument, l’objectif est de produire un lien de proximité, des espaces d’échanges et de rencontre sont mis en place entre les habitants et les élus. Ces derniers restent maîtres du dispositif : dans la procédure, dans l’objet de la participation, dans les effets qu’auront les avis produits. La légitimité est recherchée dans la proximité : c’est parce qu’ils sont proches des habitants, qu’ils connaissent leur manière de vivre, leurs besoins que les élus locaux sont légitimes à les représenter. Ce genre d’instrument se trouve généralement sur de petites échelles (les communes).

 

Qu’observer d’un instrument participatif ?

Si la loi impose peu le recours aux instruments participatifs, de nombreux dispositifs se sont développés dans les communes et les collectivités territoriales. La participation des habitants est aujourd’hui un instrument de politique publique.

Si l’on souhaite observer/analyser ces dispositifs, il me semble important d’être vigilant à plusieurs critères pour mesurer leur “degré” de participation :

  • la possibilité de s’auto-saisir
  • la possibilité de remettre en cause la définition de la situation imposée par l’autorité de tutelle
  • la marge d’indépendance à l’égard de cette dernière
  • la possibilité ou non de produire des connaissances sous la forme de contre-expertise
  • la médiatisation de l’avis émis
  • l’impact sur la décision politique

 

Amélie Audibert

NOTES

[1] En 1991, une journaliste publie un article dans l’Evènement du Jeudi prouvant que le centre national de transfusion sanguine (CNTS) a sciemment distribué à des hémophiles des produits sanguins dont certains étaient contaminés par le virus du SIDA en 1984 et 1985. Les 4 médecins dont le directeur du CNTS sont condamnés pour tromperie et non-assistance à personnes en danger en 1992. 3 personnes politiques comparaissent en 1999 pour homicides involontaires.
[2] En 1996, l’affaire de la vache folle éclate : une possible transmission de ce virus à l’humain génère la mise en place de fortes mesures sanitaires. 
[3] Jacques Chevallier, dir., la gouvernabilité, CURAPP, Paris, PUF, 1996
[4]  La loi Bouchardeau, en 1983 sur la démocratisation de l’enquête publique fixait pour objectif « d’informer le public, de recueillir ses appréciations, sugs, contre-propositions, afin de permettre à l’autorité compétente de disposer de tous les éléments nécessaires à son information ».

[5] La loi Barnier, en 1995, va plus loin que la loi Bouchardeau. Elle énonce un « principe de participation » pour les grands projets d’aménagement ou d’équipement et crée la commission nationale du débat public : « chacun a accès aux informations relatives à l’environnement […] et le public est associé à l’élaboration des décisions ayant une incidence importante sur l’environnement ou l’aménagement du territoire ».

[6] Pour les référendums décisionnels locaux organisés par une commune, les ressortissants de l’Union Européenne peuvent prendre part au vote.

[7] Dossier réalisé par Yves Sintomer, La démocratie participative, problèmes politiques et sociaux, La Documentation française, avril 2009.

 


Pour en savoir plus

Sur la démocratie participative

  • Adrien ROUX, 50 ans de démocratie locale, Comment la participation s’est laissée endormir, pourquoi elle doit reprendre le combat, ADELS, Yves Michel, 2011.
  • Jean-Pierre GAUDIN, La démocratie participative, Armand Colin, 2007.
  • Loïc BLONDIAUX, Le nouvel esprit de la démocratie, La République des idées, Seuil, 2008.
  • Michel RASERA , La démocratie locale, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 2002.

Sur la démocratie

  • Pierre ROSANVALLON, La légitimité démocratique, Paris, Seuil, 2008.
peut distinguer quatre niveaux de participation.