Technique de la peau de l'ours

La technique de la peau d’ours consiste à vendre l’information avant de l’avoir vérifiée ou faite valider par les pairs.


« Selon une conception idéale de la science, [l]e travail [de vérification] devrait se faire avant la divulgation des résultats, surtout lorsqu’ils sont inhabituels » (de Pracontal, L’imposture scientifique en 10 leçons, p. 110).
Les médias de vulgarisation sont très prompts à vendre des résultats qu’ils n’ont pas encore obtenus, des découvertes qu’ils n’ont pas encore faites, et des espoirs qui se révèlent vite déçus. Nous appelons ça la technique de la peau de l’ours.
Le terme s’inspire bien sûr de la fable de La Fontaine L’ours et les deux compagnons, moralisant ainsi :
[…] il ne faut jamais. Vendre la peau de l’Ours qu’on ne l’ait mis par terre. »
Les exemples sont innombrables, et devraient pourtant, comme la technique de la peau de chagrin, relever de l’escroquerie.
Voici quelques exemples pris dans Pour une didactique de l’esprit critique, de Monvoisin (pp 302-304). 

Le Boson de Higgs

« La particule qui va révolutionner la physique » titrait La Recherche en mai 2003. Ne devrions-nous pas attendre qu’elle la révolutionne effectivement ? (En arrière-plan, une lutte politique entre deux grands laboratoires, occultées par cette quête totalement construite pour l’ »Opinion Publique »).

On savourera au passage « visionnaire » cet article de Sciences & Avenir d’octobre 2000.

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• Max Frei et le « suaire »
Ce criminologiste retraité préleva les échantillons de pollen de la surface du « Suaire » de Turin qu’« aucun autre scientifique, avec deux ensembles additionnels d’échantillons sur ruban adhésif, n’a vu » (Broch 1989, p. 57) : il fit connaître aux médias ses résultats d’analyse, corroborant l’itinéraire théorique du suaire édicté par Wilson (Jérusalem, Edesse, Constantinople et Lirey, en France) immédiatement, sans avis ni contre-expertise, et mourrut en 1983.

« (…) ses résultats n’ont jamais été publiés dans une revue scientifique après « 9 ans d’enquêtes » (…)» (Ibid. p. 56).

• Le gène Gay
De Pracontal :

« (…) «  le « gène gay » de Dean Hamer a fait la une des journaux en même temps que l’article de Science était publié. Dérive supplémentaire : la revue scientifique elle-même incitait la grande presse à l’extrapolation hâtive. Science comporte, à côté des articles scientifiques proprement dits, des pages qui décrivent les découvertes récentes en termes accessibles. Dans le n° de juillet 93 où figurait l’article de Hamer, ces pages très publiques contenaient une interview- commentaire du chercheur intitulé « évidence en faveur d’un gène de l’homosexualité ». On y lisait, entre autres affirmations hasardeuses : « d’après Dean Hamer, il semble vraisemblable que l’homosexualité découle de causes diverses, génétiques et peut être environnementales ». Le titre original de l’article était moins affriolant : « une liaison génétique entre des marqueurs d’ADN sur le chromosome X et l’orientation sexuelle masculine ». On est frappé, comme le souligne Bertrand Jordan, par « l’incroyable glissement effectué depuis un article scientifique qui suggère, avec maintes précaution, la localisation d’une contribution génétique à ce comportement, jusqu’à un écho paru dans le même n° qui affirme l’existence d’un « gène de l’homosexualité« . (ouv.cité, pp. 113-114).

D’autres Terres
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À la recherche d’autres terre, avec effets d’annonce à la clé et vraisemblablement des enjeux
technologiques dépolitisés par ce scénario.
 

… ou l’art de vendre une information hypothétique. Par une technique de la peau de l’ours, on « appâte » le lecteur en lui offrant non seulement d’autres planètes (des milliards qui plus est) mais surtout d’autres « Terres ». Un seul conditionnel dans les slogans laisse songeur, surtout lorsque nous nous rappelons qu’on pouvait lire la même chose trois ans avant (ce qu’on appelle la technique du liquide vaisselle – à venir).

Pour aller plus loin

Oon pourra consulter

  • La relativité contredite, Figaro (23 septembre 2011)