La question de l’autisme et des surinterprétations de cette gamme de syndromes est l’objet de nos préoccupations et de nos enseignements (1). Contre toute attente, notre matériel pédagogique sur le sujet vient de s’étoffer d’un seul coup, avec un travail tout à fait majeur : « Le Mur, ou la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme« , de Sophie Robert.
Et tout aussi vite, il a été retiré par décision de justice !
Ne vous étonnez pas de ne pas voir les vidéos en ligne, c’est indépendant de notre volonté.
Quelle que soit la décision de justice finale,
1) la controverse sur l’hégémonie de techniques psychanalytiques pseudoscientifiques dans le soin de l’autisme (et ailleurs) n’est pas éteinte, et
2) nous souhaitons continuer à utiliser ce documentaire car il est une véritable sonde dans le vécu des autistes et proches d’autistes.
Pour toute question sur ce sujet, écrivez-nous : contact@cortecs.org
Le voici. Même les habitué-es risquent de tomber de leur chaise.
Partie 2 : [vimeo 28304221]
Partie 3 : [vimeo 28312069]
Bonus : interview de Monica Zilbovicius, psychiatre, directeur de recherche à l’INSERM.
Bonus 1 : [vimeo 28396329]
Bonus 2 : [vimeo 28403514]
Nous l’avons vu fin septembre 2011, et nous avons déjà exploité un extrait (3) avec D. Laumet et N. Gaillard lors de la formation Travail Social & Esprit Critique.
« (…) Face caméra, les psys assument le côté « politiquement incorrect » de leur discours. Mais une fois qu’ils voient le film, trois d’entre eux s’étranglent. Ils saisissent le tribunal de grande instance de Lille, qui nomme un huissier aux fins de faire saisir les rushes.
Leur but n’est toujours pas clair, Me Christian Charrière-Bournazel, leur avocat, n’ayant pas répondu à nos sollicitations. Mais, selon l’ordonnance sur requête que Rue89 a pu consulter, ils semblent préparer une demande d’interdiction :
- « les rushes confirmeront que leurs propos ont été dénaturés », est-il écrit. Les saisir empêchera la réalisatrice de les « détruire afin d’échapper à toute interdiction judiciaire dont pourrait être frappée son film et plus généralement à toute action en responsabilité » ;
- ils reprochent à Sophie Robert de s’être « présentée comme journaliste alors qu’elle est gérante de société de production » : ils oublient qu’il n’est pas besoin d’avoir la carte de presse pour réaliser un documentaire en qualité d’auteur ;
- ils « ont découvert avec stupéfaction que leurs interviews avaient été coupées et défigurées aux fins d’un film partisan » : les coupes font partie du travail normal de documentariste, et leur choix relève de la liberté d’expression ; il n’est pas rare qu’un film d’auteur assume un parti pris ;
- ils estiment que « la pensée et les propos des intervenants sont réduits et déformés par le sens des commentaires » : rien n’interdit le commentaire de porter sur des interviews, voire de prendre leur contrepied ;
- ils se disent « piégés » dans un film qui ne serait pas, à leurs yeux, un documentaire mais « une entreprise polémique destinée à ridiculiser la psychanalyse au profit des traitements cognitivo-comportementalistes (TCC) ».
« Atteinte au secret des sources des journalistes »
La réalisatrice, qui ne veut pas que les plaignants croient qu’elle a « quelque chose à cacher », a retranscrit les trois heures d’interviews avec les trois psychanalystes qui la poursuivent (Esthela Solano Suarez, Eric Laurent et Alexandre Stevens, membres de l’Ecole de la cause freudienne).
Elle vient de transmettre à l’huissier un DVD avec des images originales, brutes, des interviews avec les timecodes (marquage temporel) « afin qu’ils voient bien que, techniquement, il n’y a pas de coupe inopinée dans les séquences ».
Selon son avocat Me Benoît Tritan, demander les rushes est une « atteinte au secret des sources des journalistes » protégé par la loi du 4 janvier 2010.
L’avocat a saisi le juge en référé afin de faire annuler l’ordonnance initiale ; une audience est prévue le 15 novembre au TGI de Lille. Pour Me Titran :
« Le travail a été réalisé de façon loyale, comme en attestent les autorisations de tournage, leurs propos ont été parfaitement respectés et il n’y a aucune atteinte à la probité, sinon ils auraient poursuivi en diffamation. »
(1) N. Gaillard a fait plusieurs conférences portant sur l’imposture Bettelheim (voir note 2). J’ai pour ma part introduit dans mes cours d’autodéfense intellectuelle la notion de « mère-frigidaire » comme cause de l’autisme comme exemple d’élaboration de pseudo-science idéologique à consonance sexiste. N. Gaillard, G. Reviron et moi avons eu maintes fois l’occasion de pointer les dérives psychologiques et sexistes autour du freudisme, entre autres avec nos collaborateurs J-L. Racca, B. Axelrad, J. Van Rillaer. En 2007, j’avais également planché avec un groupe d’étudiants (Cécile Pinsart, Cédric Rios et Mathilde Daumas) sur la « théorie » des enfants Indigo et leur utilisation de l’autisme (voir les notes de Prevensectes sur le mouvement Kryeon).
(2) Bruno Bettelheim était convaincu, alors même que les preuves s’accumulaient contre sa théorie, que l’autisme n’avait pas de bases organiques mais était dû à un environnement affectif et familial pathologique. (…) Voir Bettelheim B., La forteresse vide, l’autisme des enfants et la naissance du moi, Gallimard, 1969. Pour un début de critique, voir Ian Hacking, Philosophie et histoire des concepts scientifiques, sur le site du Collège de France, p. 391 et pour aller plus loin, on lira Richard Pollack, Bruno Bettelheim ou la fabrication d’un mythe, les Empêcheurs de penser en rond (2003). Un autre trop rare livre critique de Bettelheim est également paru sous la plume de Peeters, La forteresse éclatée (1998) ».
(3) Il s’agit de l’incroyable série d’extraits de la pédopsychiatre Geneviève Loison, tellement frappante que des parents d’enfants autistes ont lancé une campagne « Un crocodile pour Geneviève ».
(4) Petite mise au point de Mikael Molet de l’Université de Lille :
La thérapie comportementale repose sur les principes du conditionnement classique et du conditionnement opérant. On parle alors d’analyse appliquée du comportement. Celle-ci repose sur l’analyse fonctionnelle qui peut se résumer par la formule « quelle est la fonction du comportement ? » Les méthodes TEACCH et PECS, par exemple, sont des techniques d’apprentissage qui peuvent être utilisées dans l’analyse appliquée du comportement, selon les besoins de l’enfant et les objectifs fixés.