Le bruit des bottes

Que reste-t-il de la pensée critique sous un gouvernement d’extrême droite ?

Le bruit des bottes

À l’heure de la montée de l’extrême droite1 en France (et ailleurs) nous proposons en 8 points les menaces que cela fait peser sur la défense de la pensée critique. Non pas que nous défendions la pensée critique pour elle-même mais bien parce que traiter le sujet depuis cet angle-là, qui est au cœur de nos intérêts et de nos compétences, permet de faire des connexions avec d’autres enjeux autrement plus préoccupants. Nous développons ce point dans une deuxième partie. Notons par ailleurs que la plupart des menaces que nous détaillons ci-dessous, sont déjà en vigueur à un stade plus ou moins avancé au sein du gouvernement actuel.

Préambule. Nous sommes, en bon sceptiques, saisi⸱es de doute au moment de publier cet article : est-ce la bonne manière de faire ? le bon moment ? les mots justes ?… Et ce d’autant plus que la production de cet article s’est faite dans une relative précipitation. Mais nous décidons de dépendre notre jugement et ne pouvons nous résoudre à nous taire dans des circonstances où les menaces à nos vies sont plus saillantes que jamais. Cela étant dit, nous sommes plus qu’ouvert⸱es aux retours (corrections, ajout/suppression de source et autres tirages d’oreille fairplay) et nous tâcherons de les prendre en considération dans la mesure du possible.

Les menaces

1. Manque de pluralisme dans les médias

Il est à craindre que l’autoritarisme d’un gouvernement d’extrême droite mène à une mainmise sur les médias. En particulier, il est fort probable que les voix dissidentes et critiques du pouvoir en place soit, au moins partiellement, écartées des médias. L’exemple est criant dans l’Italie de Melonie, où la Rai principal groupe audiovisuel public est maintenant surnommé « télé Melonie »1,2. De même, en Hongrie, Reporter sans frontières relève que le « Premier ministre Viktor Orban, qualifié de prédateur de la liberté, a construit un véritable empire médiatique soumis aux ordres de son parti3 ». Le rapport « I Can’t Do My Job as a Journalist – The Systematic Undermining of Media Freedom in Hungary » de Human Rights Watch confirme cette tendance4.
En France, la tribune « Pour un front commun des médias contre l’extrême droite » signée par plus de 100 médias alerte d’ores et déjà sur ces risques5.

Dans sa stratégie de conquête du pouvoir, [l’extrême droite] a fait des médias un terrain privilégié, avec la prise de contrôle de titres, de chaînes de télévision, de radios par des milliardaires au service de son projet. Par ce maillage, elle impose dans le débat public ses fausses nouvelles et ses obsessions contraires aux droits fondamentaux.

Pour un front commun des médias contre l’extrême droite, Le club de Médiapart, 19/06/2024
Sources (faut cliquer !) ▼

(1) La Rai, « Télé Meloni » ? « Certains journalistes peuvent s’aligner sur la pensée dominante pour faire carrière » Marianne, 13/05/2024
(2) Les gouvernements d’extrême-droite et l’audiovisuel public en Italie et en Pologne, France Info, 08/02/2024
(3) Hongrie, Reporter sans frontière
(4) I Can’t Do My Job as a Journalist – The Systematic Undermining of Media Freedom in Hungary, Human Rights Watch, 13/02/2024
(5) Pour un front commun des médias contre l’extrême droite, Le club de Médiapart, 19/06/2024

2. Manque d’indépendance des médias

Il est à craindre que, au-delà du manque de pluralité des médias, ceux-ci soit notoirement à la solde d’intérêts privés. Cette dépendance à « la main qui nourrit » influencerait le choix du cadrage, des informations présentées, des sujets traités, des intervenant⸱es invité⸱es. C’est peu de dire que c’est déjà le cas aujourd’hui, mais l’extrême droite pourrait aller plus loin en accélérant la privatisations de l’audiovisuel public6. Et on le sait, les lignes éditoriales des médias tendent à s’aligner sur les intérêts de ce qui les finance7. Une menace qui se dessine déjà concrètement puisque comme le révèle Le Monde cette semaine, les médias du groupe Bolloré semble orchestrer l’alliance du RN et de la droite8.

Sources ▼

(6) Le RN veut privatiser l’audiovisuel public… mais pourrait bien être bloqué par la législation européenne, Marianne, 14/06/2024
(7) Médias : les milliardaires achètent-ils de l’influence ?, France Culture, 27/03/2024
(8) Législatives 2024 : comment les médias de Vincent Bolloré orchestrent l’alliance du RN et de la droite, Le Monde, 16/06/2024

3. Recherche scientifique affaiblie

Il est à craindre que la recherche scientifique pâtisse (et c’est pas du gâteau !) d’un gouvernement d’extrême droite que ce soit dans la contestation de certaines recherches, la promotion de positions et de rhétoriques pseudo-scientifiques ou la mise à mal de certaines pratiques de recherches. Quelques exemples :

Une courte vidéo du physicien et vulgarisateur Julien Bobroff sur la montée de l’extrême droite.
  • Le peu d’intérêt, voire le discrédit, porté sur les constats scientifiques autour des enjeux climatiques pourrait contribuer à un ralentissement de ces recherches, de leur diffusion et/ou de leur mise en pratique9.
  • Sous prétexte de lutte contre les épouvantails que sont le « wokisme » ou l’« islamo-gauchisme », on pourrait craindre également un recul des recherches en sciences humaines et sociales autour des enjeux féministes, décoloniaux, queers, antiracistes10,11… Alors même que l’extrême droite se fait un relais de thèses pseudo-scientifiques comme le grand remplacement et est un terreau favorable à l’émergence de pensées conspirationnistes12 et de rhétoriques naturalistes13.
  • La limitation de l’immigration impacterait négativement les collaborations internationales et donc la pluralité des points de vue indispensable au bon fonctionnement de la science1.

L’arrivée au pouvoir de l’extrême droite se ferait au prix d’une restriction de la liberté académique, de l’indépendance de la recherche et d’une diminution globale de la qualité de la production scientifique qui inquiète assez unanimement les acteur⸱ices de la recherche14,15.

Sources ▼

(9) Crise climatique : des scientifiques et ONG redoutent une arrivée du Rassemblement national au pouvoir après les législatives, France Info, 14/06/2024
(10) L’offensive antiwoke agite le RN, Le journal du Dimanche, 15/05/2023
(11) Le Rassemblement national va lancer une association pour lutter contre le wokisme, Le journal du Dimanche 24/03/2023
(12) Yoga, détox et complotisme : comment l’extrême droite vampirise notre aspiration au bien-être, Telerama, 16/09/2023
(13) « Écofascismes » : comment l’extrême droite s’est emparée de l’écologie, Philosophie magazine, 17/05/2022
(14) Le Pen election win would be disastrous for research, France and Europe, Nature, 19/04/2022
(15) Contre l’extrême droite, mobilisons-nous dans l’Enseignement Supérieur et la Recherche ! , Association des sociologues enseignant-e-s du supérieur, 20/06/2022

4. Éducation doctrinaire et autoritaire

Il est à craindre que l’émancipation, l’ouverture d’esprit et la diversité indispensables à l’éducation soient largement restreintes. Un article du Café pédagogique intitulé « Et si l’extrême droite prenait le pouvoir16… » s’attache à faire le même travail que celui que nous faisons ici. Parmi les menaces qu’ils identifient on note : l’autoritarisme (plus de sanction, dénonciation, retour de l’uniforme), le manque de mixité (fin du collège unique), la prédominance d’une vision passéiste et rétrograde, la lutte contre le wokisme, une mise au pas des enseignant⸱es17 (salaire au mérite, exigence de neutralité, accroissement du contrôle de l’inspection)… Un programme aussi paradoxal (des enseignant⸱es incarnant une « neutralité absolue » devront également être de « fidèles exécutants de programmes politiques ») qu’inquiétant et qui inspire déjà largement le gouvernement actuel comme cela a été relevé par de nombreux articles18,19,20.

En 2022, toutes ces annonces semblaient insensées. Aujourd’hui, elles ne sont pas sans rappeler ce qui est à l’œuvre depuis maintenant six mois. […] Ainsi, de ce qui est à l’œuvre dans le cadre du choc des savoirs au programme du rassemblement national, il n’y a qu’un pas. Mais pas n’importe quel pas. Un pas violent, xénophobe, LGBTphobe, misogyne et sexiste…

Et si l’extrême droite prenait le pouvoir…, Le café pédagogique, 11/06/2024

Sources ▼

(16) Et si l’extrême droite prenait le pouvoir…, Le café pédagogique, 11/06/2024
(17) « Du flicage permanent » : l’inquiétant projet du RN pour l’éducation nationale, Le journal du Dimanche, 14/06/2024
(18) « Le programme du RN sur l’école est celui de l’actuelle majorité, en pire », Le Point, 13/06/2024
(19) Éducation : tout un programme, Le café pédagogique, 18/01/2024
(20) Choc des savoirs : Macron et Attal appliquent les mesures du RN et de Reconquête, Le club de Médiapart, 18/03/2024

5. Promotion d’idéologies creuses et néfastes

Il est à craindre que les idées qui fondent la pensée d’extrême droite infusent plus profondément encore nos représentations du monde. Notamment via les différents espaces publiques sur lesquels elle prendrait un certain contrôle comme nous l’avons vu : médias, éducation, recherche scientifique, culture…
Et chacune de ces idées – identitarisme21, essentialisme22,23, passéisme24, autoritarisme, mérite25… – est une entrave à la pensée critique et au développement d’une pensée complexe œuvrant pour la justice sociale. On pourrait pour chacune des idées proposées (et bien d’autres) faire la démonstration de leur incongruité avec la pensée critique, nous laissons quelques ressources allant dans ce sens.
Plus largement, sur les liens entre pensée critique et idéologie nous conseillons les articles « Des dangers de la naïveté politique et sociale26 » et « Des biais, de l’idéologie, et des biais idéologiques27 » publiés sur le blog Zet-éthique métacritique.

Sources ▼

(21) « Sale bête », « sale nègre », « sale gonzesse » – Identités, dominations et système des insultes, Cortecs, 24/11/2016
(22) Biologie, essentialisme – Nature, écologisme, sexisme, racisme, spécisme, Cortecs, 16/08/2011
(23) Inné / acquis, nature / culture et… essentialisme, Tzitzimitl
(24)Le Métronome de Lorànt Deutsch : un exemple de pseudo-histoire, Cortecs, 19/06/2013
(25) La méritocratie, une croyance tenace, Zet-éthique métacritique, 17/07/2019
(26) Des dangers de la naïveté politique et sociale, Zet-éthique métacritique, 30/09/2020
(27) Des biais, de l’idéologie, et des biais idéologiques, Zet-éthique métacritique, 06/02/2021

6. Impossibilité de critiquer le pouvoir

Il est à craindre une répression puissante et systématique de toutes forme de critique du pouvoir28 ce qui serait un danger majeur pour le bon fonctionnement du débat démocratique. Si nous l’avons déjà vu dans le cadre des médias, on peut imaginer qu’une même silenciation de la dissidence serait à l’œuvre face aux mouvements sociaux (manifestations, grève, ZAD, occupations, pétitions…). Là encore c’est peu de dire que c’est déjà largement le cas actuellement29,30 quand on voit, par exemple, la gestion du gouvernement des manifestations contre la réforme des retraites ou celle des révoltes en Kanaky. Au-delà des mouvements sociaux, l’invisibilisation de la critique du pouvoir pourrait également passer par un affaiblissement des acteur⸱ices de la culture ainsi que des structures associatives et syndicales.

Sources ▼

(28) « Avec l’extrême droite, la répression syndicale ne pourrait que s’accentuer » : à Roissy, la lutte se mue en combat pour la survie de l’outil syndical, L’humanité, 18/06/2024
(29) Des ONG dénoncent la violence policière dans la répression des manifestations en France, Le temps, 18/03/2023
(30) Les ONG déposent plainte à l’ONU après la répression des militant·es devant le siège d’Amundi, Attac, 20/06/2024

7. Baisse des subventions et des soutiens pour la culture et le milieu associatif

La défense de l’esprit critique se fait en grande partie au sein de petites associations locales où des bénévoles se bougent toute l’année pour faire vivre leur structure et promouvoir ses valeurs. Ces structures, nous les connaissons, nous en faisons partie ou travaillons régulièrement avec elles. Si le soutien public est déjà relativement maigre, l’arrivé au pouvoir de l’extrême droite pourrait être fatale pour une grande partie de ces activités comme alerte Le mouvement associatif dans une tribune publiée récemment « L’extrême-droite, une menace pour l’action associative et citoyenne31« .

[…] Car ces exemples trahissent une vérité simple : si l’extrême-droite s’en prend aux associations, c’est surtout parce qu’elles agissent au service de tous et toutes, sans discrimination, car les droits sont universels, aucune préférence nationale ne s’y appliquant ; et c’est parce qu’elles sont le réceptacle de la parole citoyenne, du débat contradictoire et d’un pluralisme indispensable à notre vie démocratique.

L’extrême-droite, une menace pour l’action associative et citoyenne : la tribune, Le mouvement associatif, 14/06/2024

De même, le monde de la culture qui sous bien des formes s’allient souvent à celui de la pensée critique pourrait grandement pâtir de l’arrivée de l’extrême droite. C’est un point mineur des programme d’extrême droite dont la philosophie sur le plan culturel se résume à favoriser la tradition et le patrimoine au détriment des formes contemporaines d’expression, celles capables de bousculer nos représentations du monde »32,33.

« Dans les pays où les ultra-conservateurs sont au pouvoir, les institutions, artistes et travailleurs de la culture font bien souvent partie des premières cibles, et subissent des attaques incessantes »

Culture : quand l’extrême droite est au pouvoir, Le quotidien de l’art, 06/06/2024

Sources ▼

(31) L’extrême-droite, une menace pour l’action associative et citoyenne : la tribune, Le mouvement associatif, 14/06/2024
(32) Le monde de la culture et du spectacle a manifesté jeudi contre l’extrême droite à Paris, France Info, 20/06/2024
(33) Culture : quand l’extrême droite est au pouvoir, Le quotidien de l’art, 06/06/2024

8. Des menaces qui pèsent d’abord sur les plus précarisé⸱es

Il est à craindre que les premier⸱es affecté⸱es par ce délitement de la pensée critique, de l’éducation, de l’accès à la culture et à l’information que nous avons décrit soient les plus précarisé⸱es et opprimé⸱es.. Celles et ceux qui déjà aujourd’hui en sont le plus privé⸱es. Il n’y a, en réalité, pas trop à s’inquiéter de l’accès à la pensée critique, à des médias de qualité, à une éducation privilégiée pour certaines catégories sociales (et dont la plupart des sceptiques fait partie 😉 ). Mais l’augmentation de la marginalisation, des inégalités et des discriminations amenuisera fort probablement l’accès à l’éducation que ce soit sur un plan économique, matériel ou culturel pour les catégories sociales les plus désavantagées.
Si l’on prend le temps d’appuyer qu’une pensée critique à visée sociale ne peut faire l’économie d’être une pensée critique qui s’adresse à toustes alors cette ultime menace est peut-être la plus pernicieuse, en cela qu’elle risque de rester invisible à nos yeux.

Défendre la pensée critique ?

La pensée critique tire sa force dans la recherche de la contradiction, dans la mise en danger du statu quo, dans le renoncement à l’évidence, dans la promotion de l’alternative… autrement dit dans la valorisation de la critique.
Si l’on considère l’individu comme baignant dans un contexte social, culturel, environnemental et politique, il est clair que ce contexte influence sa capacité à exprimer une pensée critique : certaines conditions matérielles favorisent cette valorisation de la critique et d’autres la défavorisent. Nous espérons avoir montré ci-dessus que les valeurs qui fondent la pensée d’extrême droite promeuvent un contexte intrinsèquement défavorable au développement de la pensée critique.

Encore une fois, nous ne défendons pas la pensée critique pour elle-même. Il est évident que la violence d’un gouvernement d’extrême droite se ressentira en premier lieu dans la chair des individus victimes de racisme, de sexisme, de LGBTphobie, de validisme, de spécisme… Il est essentiel de faire de la lutte contre toutes ces discriminations une priorité absolue face à la montée de l’extrême droite.
Toutefois nous voyons les menaces qui pèsent sur la pensée critique comme un symptôme, ou un indicateur, des risques actuels. L’expression de la pluralité des points de vue, l’enseignement de la pensée critique, le déploiement de médias indépendants, une recherche scientifique plurielle et moderne sont autant de piliers que nous pensons nécessaires à la défense des droits fondamentaux, et qu’il convient donc de défendre.

Alors est-ce que cela irait forcément mieux avec un autre gouvernement ?
Nous l’avons vu dans les points précédents, à bien des égards le « bloc du centre » dont fait partie le gouvernement actuel applique des politiques qui vont largement dans le même sens que l’extrême droite et menacent de la même manière la pensée critique.
Quant au Nouveau Front populaire il est clair que leur position est plus encourageante d’un point de vue de la pensée critique au regard des valeurs qu’il défend (démocratie, progressisme, écologisme, lutte contre les discriminations…).

Voici 14 mesures du programme du Nouveau front populaire qui nous semblent allez dans le bon sens en matière d’esprit critique :

1. Redonner à l’école publique son objectif d’émancipation en abrogeant le « choc des savoirs » de Macron, et préserver la liberté pédagogique.

2. Réduire les effectifs par classe pour faire mieux que la moyenne européenne de 19 élèves.

3. Moduler les dotations des établissements scolaires – y compris privés – en fonction de leur respect d’objectifs de mixité sociale.

4. Démocratiser l’université en abolissant Parcoursup et la sélection dans l’université publique, instaurer le repas à 1 euro dans les Crous.

5. Investir dans l’Éducation nationale à hauteur des besoins en engageant la revalorisation des grilles de salaires, en réinvestissant dans les locaux scolaires, en renforçant les effectifs de la médecine scolaire – en garantissant le nombre de personnels par établissement – et de la vie scolaire en reconnaissant leur rôle pédagogique, en créant un service public d’accompagnement des élèves en situation de handicap, en formant et titularisant les actuelles accompagnantes d’élèves en situation de handicap (AESH)

6. Faire une loi de programmation de la recherche plus ambitieuse.

7. Arrêter le Service National Universel (SNU) pour soutenir à nouveau les associations de jeunesse et d’éducation populaire.

8. Limiter strictement la concentration dans les industries culturelles et les médias dans les mains de quelques propriétaires et exclure des aides publiques les médias condamnés pour incitation à la haine ou atteinte à la dignité des personnes.

9. Défendre l’indépendance des rédactions face à leurs propriétaires

10. Garantir la pérennité d’un service public de l’audiovisuel en instaurant un financement durable, lisible, socialement juste et en garantissant son indépendance.

11. Augmenter les moyens de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) et élargir son domaine d’intervention au domaine de la formation professionnelle et de la santé publique.

12. Abroger le contrat d’engagement républicain liberticide pour les associations.

13. Protéger les lanceurs d’alerte.

14. Défendre et renforcer les libertés syndicales et associatives et en finir avec leur répression.

Nous rajoutons également la volonté d’ « agir pour un cessez-le-feu immédiat à Gaza et pour une
paix juste et durable » qui est un combat qui nous est important et pour lequel nous avons rédigé une tribune.

Pour consulter le programme du NFP vous pouvez le télécharger via ce lien : https://lafranceinsoumise.fr/wp-content/uploads/2024/06/Programme-nouveaufrontpopulaire.pdf

Le tableau n’est certes pas tout rose : défense de positions scientifiques douteuses, manque de démocratie interne (notamment au sein de LFI), dogmatisme sur certaines points, positions spécistes… Mais a minima les éléments qui nous permettent d’asseoir cette position sont 1) une lutte ferme contre la montée de l’extrême droite 2) la possibilité de dialogue, de remise en cause, de critique du pouvoir, de confrontation des idées, de pluralité des débats, d’ouvertures sur des alternatives qui doit primer au sein d’une alliance de gauche.

À un pouvoir très critiquable et qui réprime la critique, nous préférons un pouvoir relativement critiquable et ouvert à la critique. C’est pourquoi le Cortecs soutien les candidatures du Nouveau Front populaire2.

Ressources sur les conflits d'intérêt à l'Université

Alors que certaines universités au Canada et aux États-Unis se sont dotées de politiques vis-à-vis de la prévention et de la gestion des conflits d’intérêt (CI) depuis les années 1990, rares sont les universités françaises à adopter de tels dispositifs 1. De plus, ce sont uniquement les chercheuses et chercheurs membres de quelques institutions sanitaires en France qui sont obligés de déclarer leurs liens d’intérêt lorsqu’ils s’expriment en public ou participent à des commissions. Pourtant, les mécanismes psychologiques en jeu dans les situations de CI existent en dehors du secteur sanitaire et les conséquences de ces situations peuvent être tout aussi graves en termes de confiance et d’intérêt collectif. C’est pour cela qu’il nous a semblé pertinent d’aborder ce sujet auprès des doctorant·e·s de l’Université Grenoble-Alpes lors du stage DFI De l’éthique à l’Université que nous animons depuis plusieurs années. Voici ci-dessous une partie de notre matériel.

Définition

De nombreux collectifs et institutions se sont penché.es sur la définition du conflit d’intérêt dans différents milieux : médical, paramédical, gouvernement, tribunaux, etc. Nous trouvons celle donnée par l’Université de Montréal pertinente pour le milieu universitaire 1 .

Un CI peut survenir quand des activités ou des situations placent un individu ou une organisation en présence d’intérêts (personnels, institutionnels ou autres) qui entrent en conflit avec les intérêts inhérents aux devoirs et responsabilités liés à son statut ou à sa fonction.

Ces conflits risquent d’altérer l’intégrité des décisions prises et ainsi de causer des torts et de compromettre la confiance du public à l’endroit de l’organisation et de ses membres.

Notons qu’il est plus facile de trouver des situations de CI là où la plupart des personnes d’un groupe sont d’accord pour dire qu’il s’agit bien d’une situation de CI, que de trouver une définition exhaustive et satisfaisante en toute situation.

Terminologie

Nous utilisons à la fois les termes de :

  • lien d’intérêt, lorsqu’une personne (physique ou morale) tire un avantage ou désavantage (principalement financier, mais aussi matériel, direct ou indirect) dans sa relation avec un objet ou une personne (physique ou morale) ;
  • conflit d’intérêt, lorsqu’une personne entretient au moins deux liens d’intérêts (dont au moins un financier ou matériel) qui entrent en contradiction.

Exemples

On peut piocher :

  • dans son expérience personnelle d’enseignement ou de recherche ;
  • dans des situations théoriques classiques de CI proposées par exemple par l’Université de Montréal ici ou l’Université de Sherbrooke ici ;
  • dans des expériences vécues par les personnes constituant le public ;
  • dans les cas médiatisés plus ou moins récents, comme l’affaire des logos nutritionnels en 2016-2017 2.

Déconstruire quelques idées reçues

« Les CI, c’est en médecine et en politique. »

CorteX_google_conflits-interets
Cinq premiers résultats dans Google Image lors d’une recherche « conflits d’intérêt »

Nous faisons l’hypothèse que viennent plus facilement à l’esprit les situations de CI dans les champs politique et médical, car des cas de ce type ont souvent fait la une des médias : affaires du sang contaminé, du Médiator®, Woerth-Bettencourt, François Fillon, etc. À titre d’illustration, nous montrons les cinq premiers résultats d’une recherche menée en décembre 2016 sur Google Image à parti des mots-clés « conflits d’intérêt » (voir ci-contre), où quatre des cinq illustrations mettent en scène des actrices et acteurs du champs sanitaire (professionnel·le·s de santé, laboratoires pharmaceutiques, ou membres de commissions décisionnelles en santé).

Or, de nombreuses situations de CI impliquent des individus d’autres professions , provenant d’autres champs disciplinaires, comme nous le développerons dans la suite de l’article. Rares sont les secteurs de recherche à ne pas recevoir de financements d’entreprises à but lucratif, ou d’instituts publics ayant intérêt à ce que les résultats des études aillent dans un sens plutôt que dans un autre.

« Moi, j’ai trop d’éthique pour avoir des conflits d’intérêt. »

En général, les individus reconnaissent volontiers leurs liens d’intérêt, mais affirment cependant que ces liens n’influencent pas leur action, uniquement celles de leurs pairs. Or, cette attitude n’est pas soutenue par les faits. C’est l’illusion de l’unique invulnérabilité, un biais cognitif que l’on peut illustrer avec cet extrait d’Envoyé Spécial de décembre 2013 intitulé « Conflits d’intérêt : les liaisons dangereuses ».

Dans cette vidéo, un chercheur en criminologie fait part lors de ses interventions publiques du risque toujours plus fréquent d’usurpation d’identité, et de la nécessité de détruire avec un broyeur de documents ses papiers d’identité pour prévenir ce risque. Or, le chercheur déclare toucher plus de 2000 euros par an pour un partenariat avec une entreprise commercialisant des broyeurs de documents, réaliser des études commanditées et financées par ce groupe et participer à des réunions avec la presse financées et organisées également par ce même groupe. Lorsqu’un journaliste lui demande « vous ne pensez pas qu’il y a un petit conflit d’intérêt ? », la réponse du chercheur est sans hésitation « Non. Non, sinon je ne le ferais pas. » Or, il y a tout de lieu de penser que nous sommes ici dans une situation de conflit d’intérêt où le lien financier qu’entretient le chercheur avec l’entreprise de broyeurs de documents peut biaiser son discours : il peut surestimer les cas d’usurpation d’identité, ou la pertinence des broyeurs de documents par rapport à un simple déchirement manuel.

Ce biais cognitif a été mis en évidence tout d’abord chez les médecins dans les années 1990. On peut se référer à l’une des premières études sur le sujet de Steinman et al.3 On a demandé à 105 étudiant·e·s en médecine de sixième année et plus s’ils pensaient que les représentant·e·s pharmaceutiques avaient un impact sur leur pratique de prescription et sur celles de leurs collègues. Les étudiant·e·s avaient le choix entre quatre réponses : pas d’influence, une petite influence, une influence modérée ou beaucoup d’inflCorteX_steinman2001uence. Les résultats sont représentés dans le graphique ci-contre. Sans rentrer dans le détail, on peut résumer les résultats de l’étude ainsi : alors que plus de 60% des étudiant·e·s pensent que les représentant·e·s pharmaceutiques n’ont pas d’influence sur leur propre prescription, elles et ils sont moins de 20% à penser que leurs collègues ne sont pas soumis à cette influence. À l’opposé, moins de 5% des étudiant·e·s pensent que ces représentant·e·s exercent une influence modérée à importante sur leurs prescriptions, alors qu’elles et ils sont plus de 30% à penser que leur collègues subissent une telle influence. En plus simplifié, peu d’étudiant·e·s pensent être influençables, mais un nombre beaucoup plus important pense que leurs collègues le sont.

Si nous n’avons hélas pas connaissance d’études de ce type sur des universitaires non professionnel·le·s de santé, il est assez raisonnable de penser que ce biais cognitif conduisant à sous-estimer l’impact des mécanismes d’influence sur soi-même ou à les surestimer chez les autres, existe aussi chez les enseignant·e·s et chercheuses et chercheurs. Ce ne sont pas seulement les individus « sans éthique » ou « faibles psychologiquement » qui en sont les victimes.

« Ce n’est pas parce que je suis payée par l’industrie que les résultats de mes recherches sont influencés. »

Cette idée reçue permet d’introduire le biais de financement : une étude financée par l’industrie, ou dont les investigatrices et investigateurs sont financés par l’industrie, a plus de chance d’avoir des résultats favorables à l’industrie toutes choses égales par ailleurs. On peut introduire cette problématique avec cet extrait de Cash investigation « Industrie agroalimentaire : business contre santé » de septembre 2016.

La journaliste interroge un chercheur ayant écrit un rapport pour lequel il a été rémunéré par l’American Meat Institute (association qui représentait les industries de la viande et des volailles aux États-Unis) critiquant les travaux sur les effets délétères pour la santé de la consommation de viande d’une scientifique, S. Preston-Martin. À la question « Vous ne pensez pas que votre point de vue serait plus fort si je n’avais pas découvert que aviez été payé ? », le chercheur répond « Non, je ne pense pas que ça changerait mon point de vue ».

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Figure B

On pourra alors citer par exemple l’étude de 2013 Bes-Rastrollo et al. 4, dans laquelle les chercheurs et chercheuses ont référencé toutes les études portant sur le lien entre consommation de boissons sucrées et prise de poids et obésité. Les chercheuses et chercheurs les ont classées en deux catégories : celles dont les résultats montraient un lien entre ces deux variables, et celles dont les résultats ne montraient pas de lien. On peut schématiser ainsi ces résultats (figure A).

Un autre chercheur de manière indépendante a ensuite classé les études en fonction des déclarations de liens d’intérêt des chercheuses et chercheurs avec les industries fabricants des boissons sucrées. Si on prend en compte cette variable là, les résultats sont les suivants (figure B).

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Figure B

On s’aperçoit alors que la plupart des études montrant un lien entre consommation de produits sucrés et prise de poids n’ont pas déclaré de liens d’intérêt alors que la plupart des études ne montrant pas de lien entre ces deux variables déclarent des liens d’intérêts avec des industries.

Ces résultats convergent avec d’autres au sujet desquels les industries agro-alimentaires 5, pharmaceutiques 6, du tabac 7, des organismes génétiquement modifié 8, des télécommunications 9, des nanotechnologies 10 ou encore du nucléaire 11 sont impliquées.

Arrivé à ce stade, il est possible d’introduire comme hypothèse explicative potentielle du biais de financement, le biais de publication, le fait que les chercheuses et chercheurs et les revues scientifiques ont bien plus tendance à publier des expériences ayant obtenu un résultat positif que des expériences ayant obtenu un résultat négatif.

« Moi qui ne reçois que des petits avantages, je ne suis pas ou peu sous influence. »

Le principe de réciprocité ou de contre-don a été mis en évidence expérimentalement dans les années 1970 : il s’agit d’une tendance de l’être humain à s’efforcer de rendre les avantages perçus d’autrui, même si ces avantages sont de tous petits gestes. Le simple fait, par exemple, qu’une serveuse ou un serveur donne un bonbon au moment de l’addition conduira les individus à donner en moyenne un pourboire plus élevé ; et s’il en donne un de plus à une personne qu’à ses collègues, et en douce, le pourboire sera encore plus important 12. Au quotidien, ce principe se traduit souvent par un sentiment d’obligation à rendre un service, une invitation ou un cadeau en retour.

Le principe de réciprocité est utilisé à des fins commerciales
Le principe de réciprocité est utilisé à des fins commerciales

L’acceptation par des médecins d’échantillons gratuits provenant de laboratoires pharmaceutiques peut les conduire à prescrire plus souvent ces médicaments même s’ils sont non recommandés dans la situation de soin en question ; ce qui n’est pas le cas si on interdit la distribution d’échantillons 13.

De petits cadeaux ou des petites sommes d’argent peuvent engendrer le principe de réciprocité ; une chercheuse ou un chercheur comme tout être humain en fait les frais.

Les conflits d’intérêt, est-ce moralement condamnable ?

En adoptant une démarche conséquentialiste 14 nous interrogeons les conséquences potentielles et avérées engendrées par des situations de CI. Nous évoquons :

  • les conséquences sanitaires : décès ou altération de la qualité de vie à cause de retard d’interdiction de mise sur le marché pour certains médicaments et certaines indications (affaires du Médiator®, de la Dépakine® etc.), de retard de mise en place de politiques de santé publique efficaces (cas notamment du tabac) etc. ;
  • les conséquences sur l’objectivité des recherches et la qualité des connaissances produites (voir le biais de financement) ;
  • la perte de confiance du « grand public » vis-à-vis des institutions, de la communauté scientifique, des professionnel·le·s de santé (cas entre autres des organismes génétiquement modifiés, des vaccins (affaire Wakefield) ;
  • les choix en non connaissance de cause qui sont réalisés par les patientes et patients, les consommatrices et consommateurs, les électrices et les électeurs ;
  • les accusations et attaques infondées de conflits d’intérêt pouvant décrédibiliser à tort des travaux (nous en avons d’ailleurs fait les frais, lire ici).

Imaginer des solutions

Quelles solutions mettre en place pour prévenir ou gérer les liens d’intérêt financiers à l’échelle individuelle, d’un laboratoire de recherche, d’une université, d’une revue scientifique, ou encore d’un état ? Cette question peut faire l’objet d’une réflexion collective.

Nous citons à titre d’exemple :

  • la politique de l’Université de Montréal qui oblige chaque étudiant·e à partir du deuxième cycle et chaque travailleuse ou travailleur à déclarer chaque année ses liens d’intérêts financiers et familiaux (le document à remplir est téléchargeable ici). Ces déclarations ne sont pas rendues publiques mais sont destinées à des cadres de l’Université chargés d’évaluer les risques de CI et de prendre des mesures en conséquence (interdire un partenariat, une présidence de jury, suspendre une fonction, etc.). On pourrait imaginer que ces déclarations soient rendues publiques, à l’image de ce qui est fait pour les professionnel·le·s de santé ;
  • le Ministère français des affaires sociales et de la santé rend accessible l’ensemble des informations déclarées par les entreprises sur les liens d’intérêts qu’elles entretiennent avec les acteurs du secteur de la santé. En pratique, chaque personne peut se rendre sur la Base transparence santé, inscrire le nom d’un ou une professionnel·l·e de santé, et connaître les liens financiers qu’il ou elle entretient avec différentes entreprises. On pourrait imaginer une base similaire pour les chercheuses et chercheurs de la fonction publique, ce qui permettrait plus de transparence pour le grand public. Cependant, ce n’est évidemment pas une solution suffisante pour combattre les conséquences négatives des situations de conflits d’intérêt. Il y a certes plus de transparence, mais l’État tolère ainsi en connaissance de cause des situations où des professionnel·le·s de santé touchent des sommes d’argent très importantes des industries pharmaco-industrielles, et l’efficacité de ces mesures en terme de santé publique est encore peu étudié ;
  • l’existence des sites tels que Prospero et ClinicalTrials.gov qui permettent d’enregistrer des revues de littérature et essais cliniques avant que leurs résultats soient connus. Une généralisation de ces initiatives permettrait de limiter le biais de publication ;
  • les travaux des associations Formindep et Mieux prescrire qui militent toutes deux pour limiter les situations de CI en santé.

Se documenter

Bibliographie

CorteX_interets_lessigLawrence Lessig est, entre autres fonctions, professeur de droit aux États-Unis. Il aborde dans Republic, lost le sujet des conflits d’intérêt principalement dans le système politique états-unien, mais les cent premières pages environ abordent également des situations de CI en recherche.

Le livre est gratuitement téléchargeable en .pdf ou .epub sur le site de l’auteur (ce qui est tout à son honneur), hélas uniquement en langue anglo-américaine : http://republic.lessig.org/.

CorteX_interets_hirsch

Martin Hirsch est un haut fonctionnaire français qui évoque dans Pour en finir avec les conflits d’intérêts certaines situations en France ayant fait la une des médias et impliquant différents fonctionnaires entretenant des liens d’intérêts d’intérêts avec des entreprises privées. Il explicite en quoi le système législatif français permet de faire perdurer ce type de situation et propose des solutions pour les prévenir.

Ce livre est disponible dans la bibliothèque grenobloise du CorteX à la Bibliothèque universitaire de sciences.

CorteX_bad_pharma_goldacreBen Goldacre est un psychiatre britannique. Il développe dans Bad Pharma la problématique des CI dans le milieu de la recherche et de la pratique biomédicale et propose des solutions à différents niveaux pour prévenir et limiter les conséquences négatives de ces situations. Ben Goldacre a participé au projet COMPare, qui démontre que dans les cinq plus grandes revues médicales, des résultats d’études prévus pour être reportés a priori ne le sont pas, alors que d’autres non prévus sont finalement reportés, dans des proportions très importantes.

Filmographie

L’Université de Montréal propose cette conférence d’une heure quinze expliquant pourquoi une politique de prévention et gestion des CI est mise en place et comment elle s’organise.

Webographie

CorteX_logo_formindepCorteX_interets_montrealTexte

Comment je suis devenu militant, texte de 1971 d’Alexandre Grothendieck, chercheur français en mathématique (merci à Richard Monvoisin pour la trouvaille.)

Site web Sci-hub.io

Sci-hub : siteweb pirate de partage des publications scientifiques

Site web Sci-hub.ioDepuis longtemps au CORTECS, nous critiquons le système de publications scientifiques privatifs, véritable expropriation de la recherche publique dans bien des cas (1). Dans cette optique, nous essayons de soutenir et relayer les initiatives qui participent de cette critique.

Or récemment, un tremblement de terre dans le monde de l’édition scientifique vient de se produire suite à la réouverture (2) du site web sci-hub (3). Tout comme le site web similaire libgen.io,  le site pirate sci-hub.cc (3) fut créé par des activistes qui ont décidé « de supprimer toutes les entraves aux chemins de la connaissance » en mettant à disposition du plus grand nombre, et de manière gratuite, des millions d’articles scientifiques qui sont habituellement inaccessibles à celles et ceux qui ne peuvent se permettre de payer une trentaine d’euros (par article) pour les visualiser, entre autres lorsqu’on n’est ni chercheur, ni étudiant au sein d’une université qui s’est abonnée à ces revues privées sur des fonds publics.

Soutenant cette démarche, qui est peut-être illégale, mais selon nous fort légitime, nous tenions à la partager. Et qui sait, peut-être que cela participera au succès de futures investigations critiques…

(1) Pour approfondir la question, on peut lire Main basse sur la science publique : le «coût de génie» de l’édition scientifique privée, de Bruno Moullia & al, ainsi que Recherche publique, revues privées, de Richard Monvoisin, dans Le monde diplomatique, décembre 2012.

(2) Ce site fut précédemment fermé suite à une plainte de l’éditeur Elsevier, éditeur que le Cortecs boycott pour ses pratiques commerciales scandaleuses (voir l’article : Le coût de la connaissance – Boycott d’Elsevier).

(3) Site accessible par les adresses : sci-hub.cc, sci-hub.bz, sci-hub.ac ou par le réseau Tor : scihub22266oqcxt.onion ou directement avec l’adresse IP : 80.82.77.83

Appareil d'électrothérapie (TENS) relié à 4 électrodes

Comment se faire rapidement une idée de l'efficacité d'une technique ou d'un outil utilisé en kinésithérapie ?

En tant que kinésithérapeutes, nous sommes amenés à utiliser au quotidien de nombreuses techniques, instrumentales ou non. Pour une même prise en charge nous devons faire un choix qui peut dépendre de notre expérience personnelle, du temps et du matériel disponible, de la demande du patient, etc. Il est aussi possible d’en privilégier certaines en fonction des données accessibles dans la littérature scientifique. La recherche d’informations scientifiques dans la littérature est souvent abandonnée par les kinésithérapeutes faute de temps1; ce paramètre est donc à prendre en compte dans cet article.

Cet article n’a pas pour vocation de permettre de mener une recherche bibliographique exhaustive mais présente des astuces pour débusquer rapidement et gratuitement des informations scientifiques sur l’efficacité d’une technique ou d’un outil utilisé en kinésithérapie. La mise en application des différentes étapes décrites ci-dessous nécessite une connexion à internet et quelques notions d’anglais. Tout au long de cet article, j’illustrerai les différentes étapes présentées à l’aide d’une situation fictive que voici :

Une personne se tient le bas du dos, elle semble avoir malPartons d’une pathologie fréquente et prise en charge en kinésithérapie1 : la lombalgie chronique.
Dans cet exemple fictif, le kiné propose différentes choses aux patients dont le motif de la prescription est « lombalgie chronique ». Il consacre 30 min en face à face avec le patient, puis lui propose 30 min de prise en charge antalgique passive sans présence de thérapeute. Créons un faux dilemme pour l’occasion ; admettons que le kiné dispose au cabinet de deux appareils applicables sur le dos du patient délivrant l’un des ultrasons (US), l’autre du TENS2. Il se demande lequel il vaut mieux utiliser.

L’idée de cet article est de trouver des informations permettant d’étayer l’efficacité et l’innocuité supposées de ces techniques. Ceci permettra en pratique de privilégier, dans ce contexte, un traitement à un autre… ou aucun ! (En gardant en tête qu’il y aurait d’autres possibilités, comme proposer autre chose, ou rien etc.).

Formuler une question précise.

Il s’agit de formuler précisément la question que l’on se pose, de la clarifier, afin d’en identifier les concepts-clé. On peut par exemple utiliser les critères PICO3. Voici ce que signifient chaque lettre du mot PICO :
– P = patient ou problème médical ;
– I = intervention évaluée ;
– C = comparateur ;
– O = outcomes = résultat mesuré, critère de jugement.
Pour chacun de ces termes, il faut se questionner sur ce que l’on met derrière dans le cadre de notre recherche.

 Exemple

Chez un patient atteint de lombalgie chronique, l’application du TENS comparativement aux US soulage-t-elle mieux la douleur ?
P = patient atteint de lombalgie chronique
I = l’application du TENS
C = US
O = douleur
Cette question est très large et a juste pour prétention de dégrossir le terrain.

Temps estimé : 2 minutes.

Faire ressortir des mots-clés.

Il s’agit de faire ressortir de la question formulée les mots les plus importants, qui serviront à mener nos recherches.

 Exemple

Lombalgie chronique, TENS , ultrason, douleur.

Temps estimé : 1 minute.

Traduire les mots-clés.

Il faut traduire les mots-clés en anglais. Si cela est difficile spontanément, on peut utiliser Linguee que je trouve bien conçu pour trouver le bon mot en fonction du contexte.

 Exemple

J’obtiens donc : chronic low back pain, Transcutaneous Electrical Nerve Stimulation, ultrasound, pain

Temps estimé : 2 minutes.

Vérifier les mots-clés.

Il s’agit de vérifier que ces traductions correspondent à celles utilisées dans la littérature scientifique. Pour cela, on peut utiliser MeSH 4. Il suffit de taper dans la barre de recherche vos mots-clés les uns après les autres et de voir les propositions qui apparaissent.

Exemple

chronic low back painlow back pain

Le mots clés correspondants à chronic low back pain sont low back pain

Transcutaneous Electrical Nerve StimulationTranscutaneous Electrical Nerve Stimulation

painpain

Concernant la traduction d’ ultrasound, il s’agira de trouver la bonne appellation concernant le procédé délivrant des ultrasons pour le traitement d’une région du corps. Douze résultats apparaissent sur la MeSH, le premier étant ultrasonography. Grâce aux descriptifs des mots-clés, on peut relever : ultrasonic therapy et diathermy.

MeSH

Si j’ai encore un doute, je peux aller sur le moteur de recherche de la base de données PEDro qui recense exclusivement des articles relatifs à la kinésithérapie. En tapant ultrasonic therapy, dans les titres, apparaissent d’autres mots semblant qualifier la même chose : low-frequency ultrasound, ultrasonic sessions, ultrasonic wave etc. Idem en tapant diathermy : microwave diathermy, shortwave diathermy, ultrasound therapy, etc.

Je décide de garder les termes qui paraissent les plus généraux, soit les mots redondants : diathermy, ultrasonic et ultrasound.
Temps estimé : 3 minutes.

Rechercher des articles sur le sujet.

Je vais maintenant utiliser ces mots-clés dans un moteur de recherche d’une base de données pour voir si des études sur le sujet existent. Il existe différents moteurs de recherche. Je choisis d’utiliser celui de la base de donnée Medline, car c’est celui que je maîtrise le mieux. Il en existe aussi un spécifique au domaine de la kinésithérapie : PEDro, et d’autres comme HAL, Cochrane, Google Scholar etc. Je vais taper d’abord un seul mot clé et en fonction du nombre de résultats, je préciserai ma recherche.

Exemple

(Recherches réalisées le 2 août 2014)

low back pain : 25 225 résultats. Cela fait beaucoup trop d’études à trier, il faut donc être plus précis.

Il y a 25 225 occurences pour les mots clés low back pain
low back pain Transcutaneous Electrical Nerve Stimulation : 204 résultats. Là encore, trop d’études apparaissent.

low back pain Transcutaneous Electrical Nerve Stimulation AND (ultrasound OR ultrasonic OR diathermy) : 20 résultats. J’ai utilisé cette fois 3 opérateurs : AND, OR et (). La traduction littérale de cette recherche donne : je cherche les articles contenant les termes low back pain Transcutaneous Electrical Nerve Stimulation en plus (AND) soit du mot ultrasound, soit (OR) du mot ultrasonic, soit (OR) du mot diathermy. Si je n’avais pas mis de parenthèses, cela aurait donné : je cherche les articles contenant les termes low back pain Transcutaneous Electrical Nerve Stimulation et ultrasound, ou le terme ultrasonic, ou le terme diathermy.

On est passé de 25 525 résultats à 20 en faisant une recherche avancée
Pour préciser encore plus ma recherche, je peux sélectionner seulement les Reviews qui recensent les essais cliniques de bonne qualité méthodologique. J’arrive alors à 9 résultats.

Sélectionner l'option Review permet à nouveau de réduire le nombre d'articles sélectionnés

Temps estimé : 2 minutes.

Sélectionner les articles pertinents.

Je me contente dans un premier temps de lire les titres des articles.

Exemple

Voici les titres apparaissant ainsi que leur année de publication et ce que je décide rapidement d’en faire.

Mechanical therapy for low back pain. (2012) + Subcutaneous peripheral nerve stimulation with inter-lead stimulation for axial neck and low back pain: case series and review of the literature. (2011) + Managing low back pain in the primary care setting: the know-do gap. (2010)

→ Cela ne porte pas vraiment sur les techniques que j’étudie et/ou couvre un sujet beaucoup plus large : je ne sélectionne pas.

The efficacy, safety, effectiveness, and cost-effectiveness of ultrasound and shock wave therapies for low back pain: a systematic review. (2011)

→ Cela traite au moins d’un des deux traitements que j’étudie : je la sélectionne.

Evidence-informed management of chronic low back pain with transcutaneous electrical nerve stimulation, interferential current, electrical muscle stimulation, ultrasound, and thermotherapy. (2008) + Nonpharmacologic therapies for acute and chronic low back pain: a review of the evidence for an American Pain Society/American College of Physicians clinical practice guideline. (2007) + Effective physical treatment for chronic low back pain. (2004)

→ Je sélectionne ; la première traite explicitement du TENS ; la seconde traite des thérapies non pharmacologiques dont le TENS et les ultrasons font partie.

Pain management in polycystic kidney disease. (2001)

→ Cette étude porte sur les traitements contre la douleur existants pour une maladie des reins. Le sujet étant trop éloigné de ce qui m’intéresse, je ne sélectionne pas.

[Conservative therapy of backache. Part 5: TENS, acupuncture, biofeedback, traction, cryotherapy, massage and ultrasound]. (1993)

→ Celle-ci paraît traiter à la fois du TENS et des ultrasons : je la sélectionne.

Temps estimé : moins d’une minute par article.

Lire les résumés

Je me retrouve donc avec cinq études sélectionnées par leur titre. Il faut maintenant lire leur résumé. Un résumé-type aborde en quelques phrases le contexte dans lequel s’inscrit l’étude, son ou ses objectifs, la méthode employée, les résultats produits, et une conclusion. Je peux parcourir l’article en diagonale et m’arrêter surtout sur la partie évoquant les résultats de l’étude.

Exemple

Étude de 1993.
Seul le résumé de cette étude est accessible en anglais, le reste étant en allemand. Je mets de côté cette étude (je ne parle pas assez bien l’allemand) en espérant que les plus récentes soient méthodologiquement au moins aussi solides que celle-ci.

Étude de 2004.
Son résumé dit seulement qu’est abordé le cas des US et du TENS : je vais donc la regarder plus en détail.

Étude de 2007.
Dans la partie « résultats » de ce résumé, les dispositifs de TENS et US ne sont pas évoqués ; on va donc devoir se reporter à la partie résultats figurant dans la version complète de l’article.

Étude de 2008.
Son résumé ne donne aucun renseignement sur ce qui nous intéresse ; je dois me procurer l’article.

Étude de 2011.
La partie résultat est plus complète que dans les autres études. Elle m’apprend que chez les patients lombalgiques chroniques, les ultrasons sont moins efficaces (sur quoi?5) que les manipulations vertébrales, que le TENS est aussi efficace que les manipulations vertébrales, qu’il n’y a pas de cas d’effets secondaires relatés et qu’il n’y a pas d’information sur le rapport bénéfice/coût économique.

Temps estimé : entre 1 et 5 minutes par article.

Récupérer les articles en entier.

Il y a plusieurs possibilités pour cela parmi lesquelles :
– taper le titre de l’article dans un moteur de recherche : on peut parfois tomber sur une version intégrale en accès libre ;
– contacter par courriel l’auteur de l’article pour qu’il nous l’envoie ;
– y accéder via une université ou un autre endroit abonné à la revue.

Exemple

Dans notre exemple les trois études à récupérer sont disponibles gratuitement : à cette adresse pour celle de 2011, à cette adresse pour celle de 2008 et à cette adresse pour celle de 2004. Elles ont été trouvées en tapant le titre de l’article dans le moteur de recherche Google.

Temps estimé : entre 2 et 10 minutes.

Lire les parties pertinentes.

Il s’agira de survoler l’article et de s’arrêter sur les parties m’intéressant, particulièrement dans les parties résultats, discussion et conclusion.

Exemple

Sont ici retranscrits des passages des études qui permettent de répondre à la question de départ.

É
tude de 2004.
*US. « The only systematic review of ultrasound in the treatment of chronic LBP concluded that ultrasound is ineffective » (Philadelphia Panel,2001). [Partie Ineffective treatments]
*TENS. « The four systematic reviews of TENS have concluded that either TENS does not have a clinically important effect [4,13,40] or is of unknown value [15,41] in the treatment of chronic LBP. » [Partie Ineffective treatments]

Étude de 2011.
*US. « Results from this review do not support the use of ultrasound or shock wave for treating patients with LBP and leg pain. (…) » [Partie discussion]
« Results from this review do not support the clinical use of ultrasound for patients with common LBP without leg pain, either. » [Partie discussion]

Tableau présentant les niveau de preuve des applications de TENS selon leur fréquence et le type de pathologieTableau extrait de l’étude de 2011. Niveaux de recommandation6

Étude de 2008.

*US. « No eligible studies were found on which to base recommendations for US. » [Partie Evidence of efficacy]
*TENS. « Contradictory postintervention results (two studies reported mostly positive outcomes [9,32] and two mainly negative ones [15,38]) could be explained by differences in assessment periods. (…) » [Partie Summary]
« Thus, although TENS appears to immediately reduce pain, its repercussions in overall management of CLBP are not well known. » [Partie Summary]

Temps estimé : 3 minutes par article.

Se questionner sur la validité interne des études.

On peut se questionner au moins à deux niveaux :
(1) sur la rigueur de la méthode employée par les auteurs pour réaliser leur revue de littérature : ont-ils employé des mots-clés pertinents ? Que penser des critères d’inclusion des études ? Etc. Il s’agit de s’intéresser à la validité interne de la revue de littérature.
(2) sur le sérieux des essais contrôlés randomisés (ECR) sur lesquels s’appuient les auteurs pour constituer leur revue. Ces derniers en font généralement déjà eux-même une critique dans la partie « Discussion ». Il s’agit de s’intéresser à la validité interne des ECR.

Exemple

Concernant les trois études les plus récentes, je cite quelques passages extrait des études illustrant (1).

Étude de 2011.
« Two of the three RCTs on ultrasound had a high risk of bias for chronic LBP patients without leg pain, ultrasound was less effective than spinal manipulation, whereas a shock wave device and transcutaneous electrical nerve stimulation led to similar results. Results from the only study comparing ultrasound versus a sham procedure are unreliable because of the inappropriateness of the sham procedure, low sample size, and lack of adjustment for potential confounders. No study assessed cost-effectiveness. No adverse events were reported. »
→ Voici donc quelques limites des études testant les US et TENS : absence de comparaison à une thérapie placebo ou placebo faillible, faiblesses statistiques (taille de l’effet, ajustement des variables), pas de données sur le rapport coût-bénéfices.

Étude de 2008.
« Most of the included studies on TENS can be considered of relatively poor methodological quality, with four [8,9,32,39] of the six scoring 2 or below on the Jadad scale [44]. »
→ Ici sont soulignées de manière générale les faiblesses méthodologiques des études testant le TENS. Celles-ci ont été relevées en utilisant le score de Jadad7.

Étude de 2007.
« As opposed to the study on shock wave [15], the quality of reporting of the studies on ultrasound was very poor [16 # 18]. »
« All these shortcomings imply that this study has a high risk of having been affected by multiple biases (Tables 1 and 2) [18], making it impossible to rule out the possibility that ultrasound may simply be acting as a placebo for LBP patients. »
→ Les études portant sur les US comportaient aussi des risques élevés de biais et étaient donc très faibles sur le plan méthodologique.

Concernant l’étude la plus ancienne, j’illustre le (2).

Étude de 2004.
Contrairement aux autres études sélectionnées, celle-ci est moins intéressante pour différentes raisons parmi lesquelles son antériorité de réalisation ainsi que son manque de détail sur la méthode de recherche bibliographique, la sélection des études et des données. Je m’appuierai donc plutôt sur les trois autres études.

Temps estimé : 1 minute par article.

Répondre à la question de départ.

Les points 8 et 9 devraient permettre de répondre au moins partiellement à la question formulée initialement.

Exemple

Notre question était : « chez un patient atteint de lombalgie chronique, l’application du TENS comparativement aux US soulage-t-elle mieux la douleur ? ».
Je n’ai pas trouvé d’étude de bonne qualité méthodologique traitant spécifiquement de cette question.
J’ai cependant lu que l’efficacité spécifique des US sur la douleur des lombalgiques chroniques n’est à l’heure actuelle étayée d’aucune façon.
En revanche, il semble y avoir quelques preuves concernant l’efficacité spécifique du TENS.

Temps estimé : 2 minutes.

Conclusion.

Ces recherches donnent un aperçu de la littérature sur le sujet. Elles peuvent étayer notre point de vue sur une technique et permettre de privilégier une technique plutôt qu’une autre, d’acheter un matériel plutôt qu’un autre, ainsi que d’informer le patient sur ce que l’on sait à l’heure actuelle du traitement qu’on lui octroie.

Bien évidemment, elles ne peuvent se substituer à une étude plus exhaustive et approfondie du sujet, prenant en compte la validité interne et externe des études, ainsi que les failles du système de publication8.

À titre indicatif est indiqué le temps supposé de réalisation de chaque étape sans entraînement préalable. Je pense qu’avec l’habitude, ce type de recherche ne prend pas plus de quinze minutes. Lorsque je la présente à un étudiant, je prévois trente minutes, si j’ai au préalable déjà récupéré les articles.

Sur le sujet.

Couverture de l'ouvrageJean-Michel Vandeweerd. Guide pratique de médecine factuelle vétérinaire, Lavoisier, 2009.

Cet ouvrage, rédigé par un vétérinaire enseignant notamment en méthodologie scientifique, traite de l’application de cette dernière en sciences vétérinaires (mais cette démarche est généralisable pour d’autres domaines d’application). Il s’appuie sur des cas concrets et ne nécessite pas de pré-requis particuliers, même si certaines parties sont plus denses que d’autres.

* Vidéo de Nicolas Pinsault sur le site du CorteX. Comment lire et comprendre des articles scientifiques, novembre 2013.

* PDF en accès libre de la Haute Autorité de Santé. Guide d’analyse de la littérature et gradation des recommandations, 2000.

Nelly Darbois