Les pisteurs

Perceval, Karadoc et le rasoir d’Occam

Perceval et karadocIl semblerait que Perceval et Karadoc, le duo culte de la série Kaamelott, n’aient pas suivi de cours d’autodéfense intellectuelle, pour preuve : un des plus hilarants exemples de non-parcimonie. Si vous en avez d’autres, n’hésitez pas à nous faire signe.

Kaamelott – Saison 4 Episode 6 : Les pisteurs (3 min)

Nous avons dû supprimer la vidéo après avoir reçu le courriel suivant : 

Bonjour,
Nous agissons pour le compte de notre client, Regular Production, concernant le retrait de vidéos incluant tout où parties (intégrales, épisodes, extraits…) de la série TV « Kaamelott » d’Alexandre Astier (Regular Production).
Merci de retirer les vidéos suivantes…

Linguistique, histoire – Mais où sont passés les Indo-Européens ? Le mythe d'origine de l'« Occident »

Il s’agit d’une enthousiasmante ouverture conceptuelle pour le CORTECS que cette réfutation d’hypothèse de Jean-Paul Demoule : l’existence d’une langue proto-indo-européenne et d’un peuple « originel » associé ne seraient que mythes. De quoi, du même élan, sectionner quelques arguments sur les Aryens, questionner la linguistique et ses présupposés « bibliques », et revisiter la métaphore d’un arbre des langues.

Nous n’avons pas encore farfouillé l’ouvrage, mais la stimulation intellectuelle sur ce sujet est venue de cet extrait de La fabrique de l’histoire du 27 octobre 2014, sur France Culture. Jean-Paul Demoule y était invité. Voici le passage en question.

L’idée d’une langue originelle colle à l’imaginaire biblique. En effet, dans le livre de la Genèse (11, 1-9), il est dit que la Terre, ayant été repeuplée après le Déluge, les Humains s’arrêtèrent dans la vallée de Sennar pour édifier une tour immense dont le sommet atteignait les cieux. Pour calmer leur orgueil, Dieu interrompit leur projet en brouillant leur langage, commun jusque-là, et les dispersa tout autour du monde.

CorteX_Arbre_langues_indoeuropDepuis les prémisses de la linguistique, les langues indo-européennes sont nommées ainsi car elles seraient issues d’une langue originelle commune, le proto-indo-européen, parlé par un peuple « originel » sur lequel les spécialistes s’écharpent encore. Las ! Encore faudrait-il que ce peuple, et cette langue, aient réellement existé. Les liens entre les langues indo-européennes sont néanmoins représentés dans des arborescences qui, comme on peut le voir sur les images ci-contre et ci-dessous, prennent tronc sur une seule souche. Et c’est cette souche-là que J-P. Demoule conteste. CorteX_Arbre_de_langues

CorteX_JP_DemouleJean-Paul Demoule s’est attelé depuis longtemps à ce qui ressemble fortement à un mythe anthropo-linguistique. Il a déjà écrit :

  • Réalité des Indo-Européens : les diverses apories du modèle arborescent, dans la Revue de l’histoire des religions, Vol. 208, N°208-2, p. 169-202 (1991) (télécharger ici).
  • Les Indo-Européens, un mythe sur mesure, La recherche, avril 1998 ().

Il vient de faire paraître au Seuil l’ouvrage Mais où sont passés les Indo-Européens ? Aux origines du mythe de l’Occident, dont voici la description par l’éditeur.

Mais où sont passés les Indo-Européens ? On les a vus passer par ici, depuis les steppes de Russie, ou par là, depuis celles de Turquie. Certains les ont même vus venir du Grand Nord. Mais qui sont les Indo-Européens ? Nos ancêtres, en principe, à nous les Européens, un petit peuple conquérant qui, il y a des millénaires, aurait pris le contrôle de l’Europe et d’une partie de l’Asie jusqu’à l’Iran et l’Inde, partout où, aujourd’hui, on parle des langues indo-européennes (langues romanes comme le français, slaves comme le russe, germaniques comme l’allemand, et aussi indiennes, iraniennes, celtiques, baltes, sans compter l’arménien, l’albanais ou le grec). Et depuis que les Européens ont pris possession d’une grande partie du globe, c’est presque partout que l’on parle des langues indo-européennes – sauf là où règne l’arabe ou le chinois. Mais les Indo-Européens ont-ils vraiment existé ? Est-ce une vérité scientifique, ou au contraire un mythe d’origine, celui des Européens, qui les dispenserait de devoir emprunter le leur aux Juifs, la Bible ? Jean-Paul Demoule prétend dans son livre paru en 2014 s’attaquer à la racine du mythe, à sa construction obligée, à ses détournements aussi, comme la sinistre idéologie aryenne du nazisme, qui vit encore. Il montre que l’archéologie la plus moderne ne valide aucune des hypothèses proposées sur les routes de ces invasions présumées, pas plus que les données les plus récentes de la linguistique, de la biologie ou de la mythologie. Pour expliquer les ressemblances entre ces langues, d’autres modèles restent à construire, bien plus complexes, mais infiniment plus intéressants.

Une autre émission a été consacrée à ce travail : dans La suite dans les Idées, sur France Culture le 24 janvier 2015. Là voici.

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Enfin, une dernière, sur France Culture toujours, chez Jean-Noël Jeanneney et son excellente émission Concordance des tempsqui une  fois n’est pas coutume nous offre un beau titre en faux dilemme  : Les Indo-Européens : réalité éclairante ou mythe dangereux.

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Bonne réflexion !

Richard Monvoisin

Journalisme, éthique – Outils pour un débat sur la liberté d'expression

Parmis les Midis critiques créés sur le campus de Grenoble depuis 2007, l’un d’eux eut lieu le 7 octobre 2009 et porta sur la liberté d’expression. Voici une manière,  parmi bien d’autres, d’incrémenter un débat sur ce sujet au moyen de ressources médiatiques disponibles facilement. La séquence dura 1h15, et « pirata » du temps de cerveau disponible aux étudiants durant la pause déjeuner.

Le Midi critique tel que je l’ai instauré est un petit détournement du temps de pause déjeuner. Il s’adresse aux étudiants à qui je n’avais pas le temps de montrer toutes les ressources que j’avais à disposition durant mes enseignements sceptiques. J’avais deux règles :

1. préparer la carte mentale d’un sujet que je maîtrise.

2. choisir des séquences de films, documentaires, radios, réclames me permettant, presque sans trop de commentaires de ma part, de faire incrémenter le débat le long de ma carte mentale.

Le seul maître mot était : faire en sorte que, sans que jamais personne ne se sente idiot, les étudiants repartent avec l’idée qu’un sujet peut s’avérer plus complexe qu’il n’y paraît.

Pour cet atelier, j’avoue avoir eu un public, disons, amical et bon enfant : 75 personnes, dont 40 étaient des étudiants que j’avais en classe, une trentaine étaient des étudiants « touristes », et une poignée de copains travailleurs qui venaient casser la croûte en même temps. Ce n’est pas toujours aussi intimiste, et j’ai déjà vu d’autres publics réagir assez violemment sur  l’intervenant-e (prise à partie, déplacement du sujet sur des revendications ethniques, confessionnelles, etc.). Ce sujet-ci se gère donc différemment selon les milieux, avec plus ou moins de mises au point préalables notamment sur la prise de parole.

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J’ai démarré cette présentation-débat en parlant des restrictions légales en vigueur de la liberté d’expression en France. Elles sont au nombre de sept :

  • La menace de commettre un crime ou un délit contre les personnes (art. 222-17 du Code pénal).

  • La provocation à commettre un crime ou un délit (art. 23 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse).
  • La propagande ou la publicité en faveur de produits, d’objets ou de méthodes préconisés comme moyens de se donner la mort, punie de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende (art. 223-14 du Code Pénal).
  • L’atteinte au secret professionnel (art.226-13 du Code Pénal).
  • La diffamation et l’injure (art. 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse).
  • La lutte contre les contestations des crimes contre l’Humanité 1 (loi Gayssot de 1990 en France),
  • La protection de droits ou de catégories de personnes spécifiques (protection de l’enfance, défense de droits de propriété intellectuelle (soit droit d’auteur, soit copyright), etc.
  • Le secret « défense » (loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009, Code de la Défense).

Mon procédé était d’engager le débat de manière douce, en partant de supports populaires drôles autant que possible, afin de poser une ambiance propice à la discussion. J’ai pioché dans mon stock de matériel filmique et opté pour trois extraits de films :

  1. Double extrait d’Ali, de Michael Mann (2002) : morceau où au téléphone Muhammad Ali joué par Will Smith refuse la conscription (avec le célèbre « aucun viet cong ne m’a jamais traité de sale nègre »), suivi du passage devant la commission lui retirant sa licence de boxe.
  2. Double extrait de Larry Flint, de Milos Forman (1997), réuni en un seul document : premier morceau lors duquel Flint, joué par Woody Harrelson, argumente sur la photographie du vagin, second morceau sur son discours sur l’obscénité, avec mise en parallèle (sous forme de faux dilemme) guerre / sexe.
  3. Extrait de Good night and good luck, de George Clooney (2006), sur le discours célèbre de Edward R. Murrow du 9 mars 1954 lors de l’émission très risquée See It Now intitulée « A Report on Senator Joseph McCarthy » (extrait que je n’utiliserai finalement pas faute de temps). Murrow est joué par David Strathairn.

Pour tous les extraits, j’ai choisi la version française (malgré mon aversion pour elle) car à l’époque je ne savais pas faire de beaux sous-titres, et je ne voulais pour rien au monde créer un sas linguistique infranchissable aux plus jeunes étudiants (les autres étant plus susceptibles de maîtriser un semblant d’anglais scientifique qui ferait, certes, se retourner Byron dans sa tombe). Fort heureusement, j’ai réussi à trouver une version sous-titrée de l’extrait de Good night… au dernier moment. Depuis ce temps, je m’arrange pour avoir presque toujours les deux versions : la version originale sous-titrée aux étudiants, la version doublée pour un public plus large.

L’extrait Ali illustre l’objection de conscience, et l’idée était d’en faire un support pour emmener le débat sur la restriction d’expression au nom du patriotisme, comme aux États-Unis le Patriot Act.

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Le groupe La Rumeur

J’avais également préparé une interview du chanteur Hamé, du groupe de rap La Rumeur, dans l’émission de F. Taddeï Ce soir ou jamais du 4 novembre 2008. Il y expliquait l’acharnement dont les ministères de l’Intérieur successifs ont fait preuve sur un article de Hamé voulu factuel et jugé diffamant pour la police. J’ai pris soin bien entendu de regarder où en était l’affaire au moment du débat, le 7 octobre 2009, et j’ai pu constater que l’acharnement était manifeste, avec un nouveau pourvoi en cassation. Il est bon de savoir que, depuis, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi le 25 juin 2010 estimant « qu’ayant exactement retenu que les écrits incriminés n’imputaient aucun fait précis, de nature à être, sans difficulté, l’objet d’une preuve ou d’un débat contradictoire, la cour d’appel en a déduit à bon droit que ces écrits, s’ils revêtaient un caractère injurieux, ne constituaient pas le délit de diffamation envers une administration publique » (Cour de cassation, assemblée plénière, arrêt n° 585 du 25 juin 2010 (08-86.891). Cette décision met fin a une procédure de huit ans (voir « La Rumeur relaxé : Une gifle monumentale pour Sarkoland » rue89, juin 2010). Je recommande pour d’aucun-es souhaitant refaire cet atelier de se procurer le texte de l’article, au cas où une question soit posée dessus.

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Quant à Flint, il était le support rêvé pour discuter de la notion caduque d’obscénité, et de la forte composante morale de l’évaluation de cette obscénité qui fait la censure ou la restriction, par exemple par le CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel). Au cas où lors du débat, quelqu’un avance que des restrictions sur l’obscénité n’existent plus au-delà de 18 ans, je gardais en stock les deux extraits de Le secret de Brokeback Moutain, d’Ang Lee (2005) coupé par la chaîne Raï en Italie en décembre 2008 [ref]La RAI italienne censure des scènes gay de « Brokeback Mountain », Le Monde, 9 décembre 2008.[/efn_note].

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L’humoriste Dieudonné dans son sketch « à scandale ».

J’avais ensuite choisi de présenter la « censure » la plus connue du moment, celle de l’humoriste Dieudonné, et de la replacer dans un questionnement : peut-on tout caricaturer, et si non, pourquoi ? J’avais en stock :

  • « Dieudonné au pilori », montage prélevé sur la toile que j’ai utilisé car il permettait de retracer la genèse de l’affaire – mais que je suis incapable de retrouver !
  • « Dieudonné la bête noire », bonus du DVD, dont j’avais prévu un extrait que je n’ai finalement pas utilisé (à regarder ).
  • Et surtout ce magistral document mettant en parallèle le discours bi-standard de Thierry Ardisson sur la liberté d’expression selon qu’il parle à l’humoriste Dieudonné ou au judoka Djamel Bouras.

Pour élargir ensuite le débat sur le caractère absolu ou non de la liberté d’expression, j’ai gardé pour la fin l’extrait du film Chomsky, les médias et les illusions nécessaires, de M. Achbar & P. Wintonick (1993) portant sur l’affaire Faurisson.

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Noam Chomsky, se défendant d’avoir écrit une préface à R. Faurisson, mais ayant défendu sa liberté à s’exprimer librement.

J’avais gardé sous le coude les extraits des spectacles de Dieudonné sur Jacky, son technicien habillé en déporté juif, et sur la remise du prix de l’infréquentabilité à Robert Faurisson en 2008, mais je n’ai pas eu le temps nécessaire pour les développer – et il en faut, du temps ! 2

On pourra actualiser ce Midi critique avec les affaires plus récentes de censure ou de menace de censures (affaire des caricatures du prophète notamment, pièce de théâtre de Castellucci, etc.), ou en reprendre de plus vieilles, autour de chansons interdites ou tronquées, de films voués aux gémonies (comme Afrique 50 de René Vautier, réédité d’ailleurs récemment par Les Mutins de Pangée) et tant d’autres. On pourra également documenter et critiquer les « délits » d’expression chez les révisionnistes/négationnistes, comme l’a fait Jean Bricmont dans son excellent petit ouvrage La république des censeurs. Pour aborder l’affaire Faurisson – Chomsky, je recommande le documentaire Chomsky & Cie, d’Olivier Azam et Daniel Mermet, paru depuis, qui y consacre un moment.

Je recommande toutefois à qui voudrait se prêter à l’exercice de d’autant plus le préparer que son public lui est mal connu. Ce sujet, par ses ramifications, doit être fortement cadré pour ne pas déborder et, éventuellement, emporter tout sur son passage. Si je devais pondérer mes 50 midis critiques environ, je mettrais celui-ci (ex-æquo avec celui sur le voile et celui sur la liberté à disposer de son corps) comme celui nécessitant le plus d’expérience, car probablement l’un des plus difficiles à mener.

Matériel pédagogique : un disque de stockage ayant rendu l’âme, je n’ai plus mes montages. Ils sont cependant assez faciles à reproduire avec les références suivantes.

  • Ali, de Michael Mann (2002)
  • Larry Flint, Milos Forman (1997)
  • Le secret de Brokeback Moutain, d’Ang Lee (2005)
  • Good night and good luck, de George Clooney (2006)
  • Chomsky, les médias et les illusions nécessaires, de M. Achbar & P. Wintonick (1993), avec extrait sur la liberté d’expression quant à l’affaire Faurisson ici.
  • Montage Ardisson ()
  • Ce soir ou jamais, de F. Taddéï, 4 nov 2008.

Richard Monvoisin

Vous aurez certainement relevé la coquille dans l’affiche, vous aussi, n’est-ce pas ?

"Théorie du complot" et coïncidences troublantes

Dans le livret « Esprit critique es-tu là ? 30 activités zététiques pour aiguiser son esprit critique », nous proposons de se frotter à l’analyse critique de façon concrète, amusante et réellement constructive. Voici un nouveau support pour envisager les scénarios complotistes basées sur des coïncidences présentées comme « troublantes »…

Le thème n°4 du livret propose de traiter des prémonitions, hasards et coïncidences « extraordinaires ».

Ce montage de l’émission Le Before sur Canal+ du 30/01/2014, offre un exemple simple, drôle et efficace pour illustrer une présentation orientée de données qui laissent penser à un complot.

[youtube=https://www.youtube.com/watch?v=jaMBkufdSgY]

Cette vidéo peut constituer l’amorce de l’atelier pratique « Quand on cherche, on trouve ! » qui consiste à rechercher des pseudo-coïncidences qui « collent » avec ce qu’on souhaite prouver…

« Le complot » est devenu une chronique régulière dans l’émission et mérite un détour. C’est une mine pédagogique, drôle et éducative : que demander de plus ?  On trouvera ici de nombreuses vidéos de cette séquence.

NdR : pour la différence épistémologique entre scénario et théorie, voir ici.

Compilation de ressources critiques sur la psychogénéalogie

La psychogénéalogie et les secrets de familleVoici une petite compilation de ressources critiques concernant la psychogénéalogie à l’usage des curieux qui souhaitent creuser les fondements de cette discipline pseudo-scientifique. Cette page ouverte est évidement non-exhaustive et mérite d’être alimentée : vous avez lu/vu/entendu une référence critique, solide et pertinente sur ce sujet ? N’hésitez pas à la partager à l’adresse contact[at]cortecs[.]org.


La psychogénéalogie est une pratique développée dans les années 1970, qui affirme que les événements, traumatismes et conflits vécus par les ascendants d’un sujet conditionnent ses comportements, ses troubles psychologiques et ses maladies. Dévoiler cette « histoire cachée » d’un sujet en séance de thérapie permettrait de s’en libérer.

  • Conférence « La psychogénéalogie, un mythe » de Nicolas Gaillard

2012 (54min)

Dans le cadre du cycle de conférences de psychologie « 1 heure de psy par mois » proposé par Le Laboratoire Inter-universitaire de Psychologie, Personnalité, Cognition, Changement Social (PC2S) et programmé par la bibliothèque Kateb Yacine de Grenoble. Cette conférence rend compte de l’application de l’outillage d’esprit critique du CorteX à la psychogénéalogie, préparée conjointement avec Géraldine Fabre.

  • Entrevue Géraldine Fabre et Nicolas Gaillard « La psychogénéalogie : promesse tenue ? »

Émission Remue-méninges d’Élise Chardonnet sur RCF Isère, novembre 2011, Géraldine Fabre (membre fondatrice du CorteX) et Nicolas Gaillard à l’occasion de la présentation d’une conférence intitulée La psychogénéalogie : promesse tenue ?.

2012 (40 min)

  • Articles de Géraldine Fabre « Psychogénéalogie : les dossiers de l’OZ »

Deux articles fondateurs de notre démarche critique vis-à-vis de la psychogénéalogie qui proposent une étude rigoureuse des concepts-phares pour en éprouver les limites.

  1. Aïe, mes aïeux !
  2. Le syndrome du Gisant
  • Reportage « Psychogénéalogie : Nos Mémoires Secrètes », « Infrarouge », France 2, avril 2008.

Attention ! C’est un reportage nullement critique (bien au contraire) mais utile pour comprendre le concept de la psychogénéalogie tel qu’il est présenté par Anne Ancelin Schützenberger et d’autres après elle. C’est aussi l’occasion de découvrir de réelles séances de thérapie et d’en mesurer la teneur. « Psychogénéalogie : Nos Mémoires Secretes« 

  • Matériel CorteX – analyse d’un reportage sur la psychogénéalogie.

Voici un travail pratique qui propose une analyse critique d’un reportage sur la psychogénéalogie d’une émission de France Culture, Sur les docks : Psychologie – TP « Psychogénéalogie sur France Culture« , par Richard Monvoisin. Les psychologues, travailleurs sociaux ou simples curieux trouveront ici quelques éléments de discours-type, dont nous retranscrivons quelques extraits archétypaux, tous tirés de l’émission: Secrets de famille : une conversation qui n’a pas eu lieu.

  • Les Ateliers de l’information, conférence « La psychogénéalogie et ses dérives », par Nicolas Gaillard

Les Ateliers de l’information de la bibliothèque des sciences de l’université de Grenoble (appelée aussi SICD1, pour Service Inter-établissement de Coopération Documentaire) proposent d’agiter son auditorium avec plusieurs conférences thématiques critiques, d’un format très court (30 minutes + questions), disponibles sur la page Une bonne poignée de mini-conférences CORTECS et sur le site des Ateliers de l’information.

Avril 2013, 52 min Atelier n°30 – Zététique : la psychogénéalogie et ses dérives (vidéo)

  • Article « La médecine et ses « alternatives », Quelques outils d’autodéfense pour militant-es… » par Richard Monvoisin

La médecine et ses « alternatives », Quelques outils d’autodéfense pour militant-es… S’y trouve une réponse à la question suivante : quelles sont les raisons qui font que nous-mêmes, et nos proches, dont la santé est essentielle, nous détournons du système de soin classique pour recourir à des thérapies dites alternatives, quitte parfois à ce que l’efficacité du soin ne soit pas au rendez-vous ? On y trouve des références à la psychogénéalogie mais surtout une compréhension plus large des caractéristiques des thérapies pseudo-scientifique.

Par extension, et parce que la psychogénéalogie trouve son terreaux dans les concepts psychanalytique, on peut consulter l’article Impacts de la psycho-pop, par Brigitte Axelrad ainsi que l’ensemble des articles du CorteX portant sur la critique de la psychanalyse pour aller encore plus loin.

N’oubliez pas : si vous avez lu/vu/entendu une référence critique, solide et pertinente sur ce sujet, n’hésitez pas à la partager sur contact[at]cortecs[.]org.

Effet paillasson – « Populisme », itinéraire d'un mot voyageur, par Gérard Mauger

Voici un mot paillasson tout à fait exceptionnel : le mot populisme. Un excellent texte publié en juillet 2014 par le Monde diplomatique en fait l’analyse.Nous remercions non seulement l’auteur, le sociologue Gérard Mauger, mais également l’équipe du journal de nous autoriser à le reproduire comme outil pédagogique.
La version mise en page est disponible ici. Soutenons le Monde diplomatique, car c’est l’une des dernières presses d’investigation française.
RM

 

visage de G. Mauger« POPULISME », ITINÉRAIRE D’UN MOT VOYAGEUR

Les élections européennes de mai dernier ont vu la montée en puissance de partis hostiles aux politiques menées au sein de l’Union. Au-delà de cette opposition, rien ne rapproche ces formations : les unes actualisent l’idéologie nationaliste et conservatrice de l’extrême droite, tandis que les autres se revendiquent de la gauche radicale. Une distinction que les commentateurs négligent. Comment une telle confusion a-t-elle pu s’imposer ?

par Gérard Mauger, juillet 2014

A l’avant-veille du scrutin européen du 25 mai dernier, lors de son dernier meeting de campagne, à Villeurbanne, le premier ministre Manuel Valls lançait solennellement un appel à l’« insurrection démocratique contre les populismes ». « Populisme » : qui n’a pas entendu cent fois dans la bouche des sondeurs, des journalistes ou des sociologues ce mot où l’on enferme pêle-mêle les opposants — de droite ou de gauche, votants ou abstentionnistes — aux politiques mises en œuvre par les institutions européennes ?

L’inconsistance du substantif tient pour partie à la diversité de ses usages. Dans le monde politique, l’histoire du label révèle l’étendue du spectre qu’il recouvre : de la vision enchantée des paysans que charrie le populisme russe (narodniki) à la révolte des fermiers du People’s Party aux Etats-Unis à la fin du XIXe siècle, des populismes latino-américains (Getúlio Vargas au Brésil, Juan Perón en Argentine) au maccarthysme, du poujadisme au lepénisme au XXe siècle, de M. Vladimir Poutine à Hugo Chávez à l’ère de la mondialisation, du United Kingdom Independence Party (UKIP) à Aube dorée dans l’Europe du XXIe siècle, ou de Mme Marine Le Pen à M. Jean-Luc Mélenchon dans l’Hexagone d’aujourd’hui. Cette dernière confusion, banalisée, a été illustrée (au sens propre) par le dessinateur Plantu dans l’hebdomadaire L’Express (19 janvier 2011), lorsqu’il représenta la dirigeante du Front national (FN) et le candidat du Front de gauche à l’élection présidentielle de 2012, le bras levé, arborant l’une et l’autre un brassard rouge et lisant le même discours : « Tous pourris ! ».

 

Dans le champ littéraire, le mot « populisme » fait son apparition en français en 1929 : « parti pris d’écriture » insurgé contre le roman bourgeois mais apolitique, opposé aux écrivains communistes et à leurs images d’Epinal prolétariennes, ce mouvement littéraire se propose de « décrire simplement la vie des “petites gens” (1) ».

 

Dans l’univers des sciences sociales, porté par une intention politique de réhabilitation du populaire, il applique le relativisme culturel à l’étude des cultures dominées (Volkskunde ou Proletkult). Ignorant ou minorant les rapports objectifs de domination, il crédite les cultures populaires d’une forme d’autonomie et célèbre leur résistance, jusqu’à inverser la hiérarchie des valeurs et à proclamer l’« excellence du vulgaire ». Mais il prend aussi le contre-pied d’une forme courante de mépris qui renvoie les classes dominées à l’inculture, à la nature, sinon à la barbarie. Caractéristique de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie cultivée, ce racisme social se fonde sur la « certitude propre à une classe de monopoliser la définition culturelle de l’être humain, et donc des hommes qui méritent pleinement d’être reconnus comme tels (2) ».

 

Deux visions du peuple

 

En circulant ainsi d’un champ à l’autre, d’un siècle à l’autre, d’un continent à l’autre, le label semble avoir perdu toute consistance. De sorte que ceux qui s’emploient à en expliquer le sens commettent, selon le mot du philosophe Ludwig Wittgenstein, une erreur classique : « essayer, derrière le substantif, de trouver la substance (3) ». Car prétendre définir le populisme, comme le propose le politiste Pierre-André Taguieff (4), par l’appel direct au peuple n’exclut évidemment personne au sein des sociétés occidentales : une telle démarche est inhérente à la démocratie, « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Et, même si l’on réserve le label populiste à un style d’appel privilégiant la proximité et cultivant le charisme du chef à grand renfort de propagande télévisée, on voit mal quel dirigeant actuel pourrait y échapper (5). De même, définir le populisme comme un encouragement à la révolte contre les « élites » (économiques, politiques, médiatiques) conduirait à inclure au nombre des suspects M.François Hollande, lorsque, à la tribune du Bourget, le 22 janvier 2012, il dénonçait son « véritable adversaire : le monde de la finance, qui n’a pas de nom, pas de visage », ou M.Nicolas Sarkozy annonçant à Toulon « la fin d’un capitalisme financier qui avait imposé sa logique à toute l’économie et avait contribué à la pervertir » (25 septembre 2008).

 

La politologue Nonna Mayer estime que la caractéristique la mieux partagée des mouvements européens qualifiés de populistes dans les analystes postélectorales serait la xénophobie (6) : dans la « mosaïque europhobe » composée par Le Monde (28 mai 2014), quatorze des seize partis mentionnés sont anti-immigrés. Mais des éditorialistes, assimilant la contestation des institutions européennes à une forme d’hostilité aux étrangers, accolent également l’étiquette populiste à la gauche radicale grecque, espagnole ou française (Syriza, Podemos, Front de gauche), pourtant peu suspecte de racisme. Il faut alors s’interroger sur leurs représentations du peuple et questionner la substitution d’un label par l’autre.

 

Schématiquement, on peut distinguer trois figures du « peuple » (7). « Populisme » dérive du latin populus, et « démocratie » se forme sur la racine grecque dêmos, les deux mots signifiant « peuple ». Le peuple auquel fait référence la démocratie est le corps civique dans son ensemble, le peuple-nation. D’où une dérive toujours possible vers le nationalisme — dont une forme contemporaine, moins fustigée que l’autre, exalte la « compétitivité de la France dans un monde globalisé ». Quant au peuple auquel s’adressent les populistes, il correspond à deux définitions distinctes.

 

Dans la version de droite, il est ethnos plutôt que dêmos : peuple envahi ou menacé d’envahissement, il s’oppose à l’étranger et à l’immigré. Plus ou moins ouvertement xénophobe et, dans la France contemporaine, antiarabe ou islamophobe, il défend l’identité du peuple-ethnos, supposé culturellement intact et homogène, contre des populations issues de l’immigration et supposées inassimilables. Il se présente comme national. A cet égard, bien qu’opposées sur l’Europe et la mondialisation, les stratégies électorales de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) et du FN sont identiques. Pour nouer une alliance a priori improbable, mais électoralement nécessaire, avec les classes populaires, il s’agit, dans cette version de droite, de substituer à leur vision du monde, « eux (ceux d’en haut) »/« nous (ceux d’en bas) », une approche opposant un « nous » (ceux d’en bas) à « ceux qui ne travaillent pas et ne veulent pas travailler » (chômeurs, immigrés, bénéficiaires de l’aide sociale) ; bref de mobiliser contre un « eux » au-dessous du « nous » (8). On réactive ainsi le conflit latent entre établis et marginaux (9) en jouant sur la peur du déclassement.

 

L’affiliation revendiquée des milieux populaires aux classes moyennes, l’ostentation de l’honnêteté et la stigmatisation morale des délinquants et des « tire-au-flanc » permettent de se démarquer de la représentation dominante qui assimile classes laborieuses et classes dangereuses. C’est pourquoi la droite propose des mesures comme la limitation de l’immigration dite « de travail », ou affiche sa volonté de plafonner les revenus des bénéficiaires de minima sociaux et de les astreindre à des travaux d’intérêt général. Elle préserve ainsi la spécificité de celui qui « travaille dur » et favorise l’alliance entre une fraction déclinante des classes dominantes (le petit patronat) et la fraction établie des classes populaires.

 

Dans la version de gauche, au contraire, le peuple désigne le peuple ouvrier, le petit peuple célébré par Jules Michelet, le peuple-plèbe, « ceux d’en bas » ; et, sur un plan politique, le peuple mobilisé, opposé à « ceux d’en haut », à la bourgeoisie, aux classes dominantes, à l’establishment, aux privilégiés, aux détenteurs des pouvoirs économique, politique, médiatique, etc.Quant aux contours de ce « peuple populaire », si la classe ouvrière en a longtemps été le centre, l’avant-garde (le populisme devenant alors ouvriérisme), ils incluent également les employés — des femmes, dans leur écrasante majorité — et, au-delà, une fraction plus ou moins étendue de la paysannerie et de la petite bourgeoisie (enseignants, personnels de santé, techniciens, ingénieurs, etc.). Soit, dans le cas français, plus des trois quarts des actifs, dont les seuls ouvriers et employés représentent la moitié. « Nous sommes le parti du peuple », disait le dirigeant communiste Maurice Thorez le 15 mai 1936 (avant que ce parti ne devienne, plusieurs décennies plus tard, celui des « gens », selon M. Robert Hue). D’inspiration plus ou moins marxiste, ce genre de « populisme », défenseur des classes populaires en tant qu’exploitées, opprimées, en lutte contre les classes dominantes, se présente souvent comme socialiste.Les représentations qui sous-tendent les appels au peuple-ethnos (populisme national) et celles qui invoquent au contraire le peuple-plèbe (populisme socialiste) s’opposent comme la droite s’oppose à la gauche. Mais les avocats d’un populisme populaire cultivent volontiers — tant par conviction que par nécessité — une vision enchantée, parfois esthétisante, d’un peuple idéalisé. Ils prêtent à l’« homme ordinaire », travailleur exploité et dominé, une revendication spontanée d’égalité. Ils postulent un ensemble de vertus indissociables de l’ethos populaire traditionnel : solidarité, authenticité, naturel, simplicité, honnêteté, bon sens, lucidité, sinon sagesse. Ces qualités sont cristallisées dans la notion de « décence commune » (common decency) chère à l’écrivain britannique George Orwell : « Les travailleurs manuels, dans une civilisation industrielle, possèdent un certain nombre de traits qui leur sont imposés par leurs conditions d’existence : la loyauté, l’absence de calcul, la générosité, la haine des privilèges. C’est à partir de ces dispositions qu’ils développent leur vision de la société future, ce qui explique que l’idée d’égalité soit au cœur du socialisme des prolétaires (10). »
On ne saurait pourtant prétendre que les discours sécuritaires et xénophobes du FN sont sans écho auprès des classes populaires. Lors des dernières élections européennes, si 65 % des ouvriers se sont abstenus (comme 68 % des employés et 69 % des chômeurs), plus de 40 % de ceux qui ont voté auraient choisi ce parti, soit environ 15 % de ce groupe dans son entier (selon l’institut Ipsos). C’est à la fois peu et beaucoup : s’il est vrai que le premier parti des couches populaires reste celui de l’abstention (11), une partie d’entre elles votent à l’extrême droite, convaincues « que l’on ne fait rien pour elles et que les “eux” d’en haut et les “eux” d’en bas prospèrent à leurs dépens (12) ». Dans ce cas, le succès de l’offre du FN illustre la capacité de ce parti à entretenir la confusion entre peuple-ethnos et peuple-dêmos. Et à former entre des fractions de classes moyennes et de classes populaires une alliance dirigée à la fois contre les très pauvres et les très riches — une stratégie également déployée en Russie par M.Poutine.
Une plèbe mal votante livrée à ses pulsions
Ce genre de projet politique profite du « racisme de classe » que manifestent sans même s’en apercevoir ceux qui font profession de le commenter. Sous leurs plumes, ce peuple mal votant, implicitement réduit à l’état de populace, pâtirait d’une propension innée à la fermeture, au repli sur soi, d’un ressentiment acquis de mauvais élève vis-à-vis des élites (qu’attesterait son bas niveau de diplôme) et d’une inculture politique : ses pulsions, sa crédulité, son irrationalité supposées le porteraient vers les propositions simplistes et en feraient une proie facile pour les démagogues. A contrario, ce discours réserve auxdites élites les vertus d’ouverture, d’intelligence, de subtilité et de supériorité morale. La dénonciation du peuple populaire incarné par la figure du « beauf » (13), machiste, homophobe, raciste, islamophobe, etc., renoue ainsi avec la philosophie conservatrice de la fin du XIXe siècle et sa méfiance envers les foules et la démocratie — celle d’Hippolyte Taine et de Gustave Le Bon. Elle déduit ces turpitudes par simple inversion des vertus dont elle crédite les « élites », lesquelles, par construction, sont supposées rigoureusement imperméables à ce type de dévoiements.
De sorte que, aujourd’hui comme hier, deux représentations diamétralement opposées du populaire s’affrontent : le racisme de classe des uns sert à dénoncer le populisme des autres.
Gérard Mauger, Sociologue.

J'apprends en m'amusant – Corrigé de dissection d'un discours politique de Klaar Monvegger

Voici l’analyse des biais du texte de Klaar Monvegger présenté ici. Nous (CE et RM) en avons repéré 62. N’hésitez pas à nous faire part de biais en plus.

Quel est le véritable sens caché de la polycrise ?

« Il n’aura échappé à personne que notre civilisation moderne va mal. Le monde occidental est, en effet, frappé de tous les symptômes de ce que de nombreux politistes renommés ont qualifié de polycrise organique. Car la crise qui touche notre monde est plurale. Crise identitaire tout d’abord, puisque, partout, la démocratie libérale est contestée par un obscurantisme moyenâgeux puisant sa source dans un intégrisme rigoriste et agressif – rappelons-nous de Bâmiyân 2001. Ces attaques de l’étranger se couplent à une véritable démission sur le plan de la Morale. Les jeunes déboussolés sombrent dans la délinquance ou s’orientent vers un avenir fait de télé-réalité ou de culture fast-food. Mais la crise est aussi économique et sociale : la fraude sociale est érigée en modèle alors que, on le sait bien, la réforme est rendue impossible par l’action conjuguée de corporations intouchables et d’un archaïsme latent. Alors ? Les loups bêleront-ils avec les brebis ? »

Klar Monvegger, L’abîme de la civilisation occidentale, coll. la vieille martre, Presses Universitaires de Champagne-Mouton, pp. 212-213.

Quel est le véritable sens caché de la polycrise ?

1 & 2 – Double Plurium interrogatum1 –  : la façon dont cette question est posée conduit à avaler deux « couleuvres », une prémisse, sans l’avoir négociée. En y répondant, on adhère à deux prémisses : 1) nous vivons une « polycrise » ; 2) dotée d’un sens caché.

3 – Carpaccio (scénario artificiel) du sens caché, de la révélation.

4 – Effet puits sur « polycrise » : terme aussi profond que creux (pas de définition claire, non-présence dans le dictionnaire ATLIF, seules quelques références chez E. Morin, M. Rocard, et quelques autres, semble-t-il depuis le début des années 2010). « Polycrise » n’aurait de sens qu’au travers d’une définition de crise, ce qui n’est pas le cas (cf. point 24).

Il n’aura échappé à personne

5 – Technique d’engluement : rhétorique ratissant large par appel au bon sens / à l’évidence. C’est une technique qui englue le public, qui ne peut de fait plus remettre en cause le propos tenu.

que notre civilisation moderne

6 – Technique d’engluement : « notre » inclusif artificiellement.

7 – Ciblage forcé de public : avec « notre », l’auteur présume que son lectorat appartient à la même civilisation que lui.

8 – Plurium affirmatum n°1 : « notre » civilisation (sous-entendue « occidentale ») est « une ». C’est un argument typiquement essentialiste (voir à ce sujet Guillemette Reviron, Biologie, essentialisme – Nature, écologisme, sexisme, racisme, spécisme).

9 – Effet paillasson : « moderne » a deux sens différents. Le premier est un sens historique et qualifie la période qui va de la Renaissance à la Révolution française (les XIXe et XXe siècles étant qualifiés de contemporains). Le second signifie : qui est soit de notre temps, soit d’un temps plus ou moins rapproché du nôtre, par opposition à antique, à ancien, et n’a donc par conséquent de sens que relatif.

10 & 11 – Plurium affirmatum n°2 : déclarer « notre » civilisation moderne. En outre c’est un propos qui relève de l’erreur historique classique dite d' »anachronisme psychologique« 2.

va mal.

12 & 13 – Effet paillasson sur « mal ». Soit il s’agit d’un jugement moral de type mal / bien – et nous sortons derechef de l’analyse scientifique -, soit il s’agit, ce qui est plus probable, d’un jugement sanitaire, ce qui nécessite une métaphore organique qui ne va pas de soi : la (notre !) civilisation ici comparée à un organisme vivant, habituellement en bonne santé mais souffrant désormais d’une pathologie.

Le monde occidental

14 – Pente savonneuse : « notre civilisation moderne » devient « le monde occidental », ce qui a au moins le mérite de préciser enfin de quelle civilisation on parle.

15 – Effet puits : le mot « occidental » est la notion-valise par excellence puisqu’elle inclut, en réalité, l’ensemble des pays judéo-chrétiens dotés d’une économie capitaliste de marché. 3

 est, en effet,

16 – Usurpation de connecteur logique. « En effet » est un connecteur (ou opérateur) logique causal, qui n’a pas d’autre utilité ici que de faire croire en la démonstration d’une thèse de toutes les façons fumeuse (notre civilisation va mal) par ce qui suit.

frappé

17 – Deus ex machina : le mot « frappé » instille l’idée d’une action divine, d’une fatalité.

de tous les symptômes

18 – Métaphore organique – voir point 13.

de ce que de nombreux politistes renommés

19 – Argumentum ad verecundiam : les « politistes » cités ici sont présentés comme des figures d’autorité, oublieux du fait qu’il est de bons et de médiocres politistes. Qu’ils soient en outre « renommés », célèbres, n’augure en rien de leur compétence.

20 – Argumentum ad populum : le fait que ces « politistes renommés » soient nombreux n’est en rien un argument.

ont qualifié de polycrise organique

21 – Effet puits sur « polycrise » – voir point 4.

22 – Métaphore organique.

Car

23 – Usurpation de connecteur logique. « Car » est un connecteur (ou opérateur) logique causal mal employé ici.

la crise

24 – Effet paillasson : le terme « crise », employé sans définition préalable, souffre de multiples acceptions et rend redondante la métaphore organique avec le mot « crise » en médecine (manifestation aiguë d’une maladie à l’échelon d’un individu ou d’une population). Pour information, voici une liste non exhaustive de sens du mot « crise » :

Crise :

  • politique
  • économique
  • monétaire
  • financière
  • systémique
  • monétaire
  • financière
  • dans les organisations
  • bancaire
  • du disque
  • pétrolière
  • de la presse quotidienne française
  • alimentaire
  • de natalité
  • d’extinction
  • de l’énergie
  • écologique
  • climatique
  • sanitaire
  • du logement

qui touche

25 – Deus ex machina.

notre monde est plurale.

26 – Technique d’engluement.

27 – Pente savonneuse, avec un « monde » considéré comme unique et homogène – cf. 14.

Crise identitaire tout d’abord, puisque, 

28 – Usurpation de connecteur logique. « Puisque » est un connecteur logique causal mal employé ici, car la contestation en question n’est pas une cause de crise identitaire (si tant est que ce syntagme ait un sens : voir plus loin).

29 – Effet puits, « crise identitaire » n’ayant pas de définition en sciences politiques, tant cela recouvre de réalités possibles : primo parce que le mot « crise » n’a pas de sens précis – cf. X -, secundo parce l' »identité » ou l' »identitaire » se réfère une culture. Dans ce cas, l’auteur postule donc une identité culturelle commune au monde « occidental », ce qui, au vu de l’étendue dudit monde, est pour le moins surprenant.

partout, la démocratie libérale

30 – Exagération abusive.

partout, la démocratie libérale

31 & 32 – Double effet paillasson :

  • sur le mot « démocratie », qui reçoit de multiples acceptions et une définition floue pour un concept qui est plutôt vectoriel (on « tend » vers un état de démocratie, par le peuple et pour le peuple : ainsi la démocratie athénienne est moins démocrate que la démocratie représentative, qui elle-même… etc.)
  • sur le mot « libéral » qui fait étymologiquement référence à des choses très diverses. Le libéralisme politique, qui promeut la fixation des limites des actions de l’État ; le libéralisme économique, qui défend l’idée que les libertés économiques sont nécessaires à un fonctionnement pérenne de l’économie et que l’intervention de l’État doit y être aussi limitée que possible. Ici, il est probable que l’auteur veuille signifier le social-libéralisme, c’est-à-dire le développement et l’épanouissement des êtres humains pris dans leur interaction sociale. Par conséquent il désigne un système dans lequel la démocratie représentative défend les droits des individus, et la liberté personnelle (aussi bien celle de pratiquer sa sexualité que celle d’accumuler sans limites des richesses). .

est contestée par un obscurantisme

33 – Effet puits – « obscurantisme » désigne dans le vocabulaire des héritiers des Lumières une attitude d’opposition à la diffusion du savoir, dans quelque domaine que ce soit.

Note : ce terme dérive d’une satire datée de 1515-1519 intitulée Epistolæ Obscurorum Virorum (Lettres d’hommes obscurs), centrée sur une dispute intellectuelle entre l’humaniste allemand Johann Reuchlin et des moines Dominicains dont Johannes Pfefferkorn portant sur l’obligation ou non de brûler ou non des livres Juifs, car non-Chrétiens.

moyenâgeux

34 – Argument d’historicité, ou argumentum ad antiquitatem.

35 – Misreprésentation historique : le Moyen-Âge, catégorie temporelle immense (1016 ans), n’a été obscur, ou obscurci, que pour mieux faire ressortir les fastes de la Renaissance. à en croire Miglio (2006) et Albrow (1997), le terme lui-même apparut pour la première fois en latin en 1469 comme media tempestas (« saison intermédiaire ») puis medium aevum (« moyen âge ») en 1604.

puisant sa source dans un intégrisme rigoriste et agressif

36 – Effet impact : l’intégrisme est un mot qui possède une forte connotation négative.

37 – Effet paillasson : le terme « intégrisme » désigne des courants traditionalistes prétendant représenter l’orthodoxie catholique, comme lors du schisme de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X de M. Lefebvre, en 1988. Par une analogie discutable et discutée, le terme désigne plus généralement toute attitude doctrinale de conservatisme intransigeant, en particulier le fondamentalisme musulman (qui est « fondamental » au sens où il revendique la religion de la période des quatre premiers califes.

38 – Pléonasme : « rigoriste » souligne un respect strict des règles de la religion ou de la morale. Or l’intégrisme (ainsi que le fondamentalisme, d’ailleurs) est rigoriste.

39 – Effet impact : « agressif » est un mot jouissant d’un sens péjoratif.

rappelons-nous de Bâmiyân 2001

40 – Argumentum ad verecundia, ou argument de respect– imposé par une référence probablement peu connue du lecteur, en tout cas sous cette forme. De fait, c’est une technique d’engluement par élitisme.

41 – Désyncrétisation historique : en ne rappelant qu’une date et un lieu, on gomme les racines profondes d’un phénomène social.

Pour rappel : en 2001, à Bâmiyân (Afghanistan), d’immenses statues bouddhistes furent décrétées idolâtres par Mohammed Omar puis dynamitées. Cet événement fut mobilisé dans les médias pour illustrer la « sauvagerie » et la « barbarie » du régime taliban.

Ces attaques de l’étranger

42 & 43 – Rhétorique de repoussoir et effet impact. L’auteur re-situe encore son propos : « étranger » est à mettre ici en opposition « au monde occidental », et les « attaques » sont bien sûr celle des « intégristes rigoristes et agressifs » qui sont responsables de « l’obscurantisme moyenâgeux ».

Pour rappel : c’est une version un peu caricaturée de la thèse (qu’on pourrait désigner comme pseudo-scientifique) du choc des civilisations de Samuel Huntington, défendue en 1993 (dans l’article The Clash of Civilizations, dans la revue Foreign Affairs) puis en 1996 (dans le livre The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order).

se couplent à une véritable démission sur le plan de la Morale.

44 – Effet paillasson : « Morale » est utilisée sans précision, avec un M majuscule.

45 – Glissement diabolisant : l' »intégrisme » est perçu comme démissionnaire sur le plan de la morale – ce qu’est absurde, puisque justement, toute la démarche est d’ancrer un code moral, justement, religieux. C’est une rhétorique efficace : l’ennemi n’a pas de morale, puisque ce n’est pas la nôtre.

Les jeunes déboussolés

46 – Métaphore oiseuse : la « M »orale ferait office de boussole, comme un sur-moi qui tournerait l’individu vers un Nord sans ambiguïté. Sans elle, les jeunes seraient perdus.

sombrent dans la délinquance

47 – Effet cigogne : est instillée une causalité entre intégrisme – perte de repères – délinquance.

48 – Effet paillasson : le mot « délinquance » a une définition juridique très problématique (voir ici).

49 – Métaphore sclérosante : on « sombrerait » dans la délinquance comme un corps dans l’océan. Par cette formule, on instille l’idée que potentiellement, une personne peut se débattre, s’en « sortir », alors que les processus de délinquance sont plus insidieux et englobants.

ou s’orientent vers un avenir fait de télé-réalité ou de culture fast-food.

 

50 – Effet puits : un avenir fait de télé-réalité ou de culture fast-food est faussement clair, faussement précis.

51 – Généralisation hâtive : tous les jeunes, « déboussolés », s’orientent vers un tel avenir.

Mais la crise est aussi économique et sociale :

52 – Effet paillasson sur le mot « crise ». Cf. biais 24.

53 – Amalgame entre « économique » et « social ». Notons que d’un point de vue philosophique, le premier devrait être assujetti au second.

la fraude sociale est érigée en modèle 

54 & 55- Technique du bouc émissaire et rhétorique « populiste » dilatoire : la fraude aux prestations sociales est couramment amplifiée, détournant du coup d’autres « trous » budgétaires plus importants, comme l’évasion fiscale, et incriminant facilement les « petites bourses » qui sont les principales bénéficiaires des prestations sociales.

alors que, on le sait bien,

56 – Technique d’engluement.

la réforme

57 – Effet puits : le terme « réforme » n’est pas défini précieusement (structurelles, économiques, … ?)

est rendue impossible par l’action conjuguée de corporations intouchables

58 – Effet cigogne : « par » introduit un lien causal non démontré.

59 – Rhétorique conspirationniste, rappelant les dénonciations de complots judéo-maçonniques.

et d’un archaïsme latent

60 – Effet puits : cela ne veut rien dire de précis – et c’est pourtant une cause de « l’action conjuguée »…

Alors ? Les loups bêleront-ils avec les brebis ?

 61 – Effet puits : cette question ne veut rien dire de précis, mais feint de le faire.

62 – Argumentum ad verecundiam : cette question n’est que de la poudre aux yeux, afin de se donner une certaine morgue faussement spirituelle.

Nous avons un peu coupé les cheveux en quatre ? L’auteur ne nous en voudra pas. CaCorteX_Klaar_Monveggerr est-il nécessaire de préciser l’imposture ? Klaar Monvegger est une hasardeuse chimère entre Clara Egger et Richard Monvoisin. L’abîme de la civilisation occidentale est un livre aussi captivant qu’inexistant, la collection la vieille martre une référence facile à une défunte maison d’édition, La vieille taupe, connue pour ses diffusions de textes négationnistes. Quant aux Presses Universitaires de Champagne-Mouton, elles sont en devenir probable, malgré le moins d’un millier d’habitants de ce village de Charente.

 Richard Monvoisin, Clara Egger

 

J'apprends en m'amusant – Dissection d'un discours politique de Klaar Monvegger

Voici un exercice utilisé lors du cours Tromperies sur les mots, dans le cadre de l’enseignement Sciences et pseudosciences politiques de Clara Egger et Richard Monvoisin, à l’Institut d’études politiques de Grenoble (2014). Vous voulez jouer ?
Pour illustrer les arnaques des tromperies et des arguments fallacieux, nous avons proposé à des étudiant.e.s de sciences politiques de décortiquer le discours politique suivant, et de tenter d’y déceler le plus de biais possibles.

Quel est le véritable sens caché de la polycrise ?

« Il n’aura échappé à personne que notre civilisation moderne va mal. Le monde occidental est, en effet, frappé de tous les symptômes de ce que de nombreux politistes renommés ont qualifié de polycrise organique. Car la crise qui touche notre monde est plurale. Crise identitaire tout d’abord, puisque, partout, la démocratie libérale est contestée par un obscurantisme moyenâgeux puisant sa source dans un intégrisme rigoriste et agressif – rappelons-nous de Bâmiyân 2001. Ces attaques de l’étranger se couplent à une véritable démission sur le plan de la Morale. Les jeunes déboussolés sombrent dans la délinquance ou s’orientent vers un avenir fait de télé-réalité ou de culture fast-food. Mais la crise est aussi économique et sociale : la fraude sociale est érigée en modèle alors que, on le sait bien, la réforme est rendue impossible par l’action conjuguée de corporations intouchables et d’un archaïsme latent. Alors ? Les loups bêleront-ils avec les brebis ? »

Klaar Monvegger, L’abîme de la civilisation occidentale, coll. la vieille martre, Presses Universitaires de Champagne-Mouton, pp. 212-213.

Combien de biais dénombrez-vous dans cet extrait ?

Un corrigé-type est disponible ici, qui en recense… 62.

Vous voulez essayer d’autres exercices ? Vous pouvez aller ici ou .

J'apprends en m'amusant : réponses au quiz de datation d'acquis sociaux

Voici les réponses au quiz de datation des acquis sociaux (voir le descriptif ici). Les questions portent toutes sur la France, sauf les questions 16 et 18.

  1. L’obtention d’un droit de vote pour la première fois pour les femmes
  2. L’octroi du droit de vote des femmes au suffrage universel
  3. La première nomination d’une femme à un poste ministériel
  4. L ‘inscription dans la loi du droit de grève
  5. L’inscription dans la loi du droit syndical
  6. L’abolition de l’esclavage
  7. La création obligatoire d’écoles de filles dans les communes de 800 habitants
  8. La suppression de l’incapacité juridique de la femme mariée
  9. L’autorisation, pour les femmes mariées, d’exercer une profession sans l’autorisation de leur mari
  10. La légalisation de la contraception
  11. L’institution du congé de maternité
  12. L’institution du congé de paternité
  13. L’autorisation de l’Interruption volontaire de grossesse (IVG)
  14. La reconnaissance du viol comme un crime
  15. L’instauration de la procédure d’éviction du conjoint violent
  16. L’exclusion de l’homosexualité des maladies mentales par l’Organisation mondiale de la santé
  17. Le dernier condamné à mort (qui fut d’ailleurs le dernier guillotiné dans le monde)
  18. L’octroi du droite de vote au femmes en Arabie Saoudite

1) Des femmes eurent pour la première fois le droit de vote en France lors des États généraux convoqués par Philippe le Bel en 1302. Elles furent convoquées jusqu’aux États généraux de 1789, date à laquelle furent contraintes de se faire représenter par un homme (noble ou clergé).

2) Les femmes obtinrent le droit de vote au suffrage universel direct en France le 21 avril 1944,  par le Comité français de la Libération nationale. Ce droit est confirmé par l’ordonnance du 5 octobre sous le Gouvernement provisoire de la République française, mais il n’est utilisé que le 29 avril 1945 pour les élections municipales, puis en octobre pour les élections à l’Assemblée constituante.

3) Le gouvernement du Front Populaire de 1936 nomma trois femmes (alors que ces dernières n’avaient pas le droit de vote, ce qui ne manque pas de faire sourire). Il s’agissait de Cécile Brunschvicg (Éducation nationale, tutelle de Jean Zay), Suzanne Lacore (chargée de la Protection de l’enfance, tutelle de Henri Sellier) et Irène Joliot-Curie (Recherche scientifique : elle démissionnera trois mois plus tard en désaccord avec la non-intervention en Espagne). Anecdote : si elles siégèrent, jamais elles ne prirent jamais la parole dans l’hémicycle du Palais Bourbon.

4) L’inscription dans la loi du droit de grève en France  date de la loi du 25 mai 1864 portée par le député Émile Ollivier (qui abroge la loi Le Chapelier de délit de coalition du 14 juin 1791).

5) Le droit syndical fit son entrée dans la loi avec la loi Waldeck-Rousseau du 21 mars 1884.

6) L’abolition de l’esclavage a été proclamée une première fois en France pendant la Révolution, à l’initiative de l’abbé Henri Grégoire le 4 février 1794 (16 pluviose an II). Mais Napoléon Bonaparte rétablit l’esclavage par la loi du 20 mai 1802. Il faudra attendre ensuite le décret d’abolition de l’esclavage du 27 avril 1848 (et encore ! En Algérie par exemple, cette abolition ne fut pas effective, de même que dans les colonies postérieures à 1848.

7) La création obligatoire d’écoles de filles dans les communes de 800 habitants est rendue obligatoire par la loi Falloux du 15 mars 1850.

8) La suppression de l’incapacité juridique de la femme mariée prévue dans le code Napoléon (code qui considérait celle-ci comme mineure, entièrement sous la tutelle de ses parents, puis de son époux) date de 1938. L’époux conserve toutefois le droit d’imposer la résidence et l’autorité parentale sur les enfants.

9) L’autorisation pour les femmes mariées d’exercer une profession sans l’autorisation de leur mari date de 1965.

10) L’autorisation légale de la contraception date de la loi Lucien Neuwirth du 19 décembre 1967.

11) L’institution du congé de maternité de huit semaines, sans rupture de contrat de travail mais sans traitement date de la loi Fernand Engerand du 27 novembre 1909 (les institutrices conservent leur traitement en 1910).

12) l’institution du congé de paternité date de la loi du 4 décembre 2001. Le droit est effectif le 1er janvier 2002.

13) La loi Simone Veil du 17 janvier 1975 légalise l’Interruption volontaire de grossesse (au prix de violents débats, voir Reductio ad hitlerum – Simone Veil et l’IVG).

14) Depuis 1810, la loi définit le viol, mais c’est seulement en 1980 qu’il a acquis sa définition actuelle, désignant toute forme de pénétration non-consentie quelle qu’elle soit. Il fallut pour cela le procès très dur d’Aix-en-Provence en 1980, appelé « le procès du viol » (voir le documentaire du même nom ici).

15) La création d’une procédure d’éviction du conjoint violent date (seulement) du 26 mai 2004.

16) L’Organisation mondiale de la santé exclut l’homosexualité des maladies mentales en 1980.

17) Le dernier condamné à mort en France est Hamida Djandoubi, guillotiné le 10 septembre 1977.

18) En Arabie Saoudite, ni les femmes, ni les hommes ne disposent du droit de vote aux élections nationales (c’est une monarchie). Seuls les hommes peuvent voter aux municipales.

Ce quiz permet de montrer :

-qu’une mémoire des luttes qui permirent de les obtenir est à entretenir.

– que présenter seulement une date désyncrétise et gomme les processus, parfois longs, violents, qui présidèrent à ces acquis. Les droits des femmes sont par exemple un combat qui a au minimum deux siècles.

Clara Egger, Richard Monvoisin

J'apprends en m'amusant : quiz de datation d'acquis sociaux

Voici un quiz de datation utilisé en introduction du cours Histoire & pseudo-histoire, dans le cadre de l’enseignement Sciences et pseudosciences politiques de Clara Egger et Richard Monvoisin, à l’Institut d’études politiques de Grenoble (2014). Vous voulez jouer ?

Avec une marge d’erreur de cinq ans, pouvez-vous dater de quand datent les événements suivants en France (sauf questions 16 et 18) ?

  1. L’obtention d’un droit de vote pour la première fois pour les femmes
  2. L’octroi du droit de vote des femmes au suffrage universel
  3. La première nomination d’une femme à un poste ministériel
  4. L ‘inscription dans la loi du droit de grève
  5. L’inscription dans la loi du droit syndical
  6. L’abolition de l’esclavage
  7. La création obligatoire d’écoles de filles dans les communes de 800 habitants
  8. La suppression de l’incapacité juridique de la femme mariée
  9. L’autorisation, pour les femmes mariées, d’exercer une profession sans l’autorisation de leur mari
  10. La légalisation de la contraception
  11. L’institution du congé de maternité
  12. L’institution du congé de paternité
  13. L’autorisation de l’Interruption volontaire de grossesse (IVG)
  14. La reconnaissance du viol comme un crime
  15. L’instauration de la procédure d’éviction du conjoint violent
  16. L’exclusion de l’homosexualité des maladies mentales par l’Organisation mondiale de la santé
  17. Le dernier condamné à mort (qui fut d’ailleurs le dernier guillotiné dans le monde)
  18. L’octroi du droite de vote au femmes en Arabie Saoudite

Vous avez trouvé ? Les réponses ici.