CorteX_Jacques_Poustis

Magie, conte et rationalisme – Jacques Poustis

CorteX_Jacques_PoustisJacques Poustis, c’est un chanteur, conteur, magicien rationaliste, c’est-à-dire qu’il se sert de l’art, du rêve et de la caresse de nos sens pour nous apprendre des choses rationnelles sur le monde, et non pour flouer le public. On le connait depuis longtemps, au laboratoire zététique. Et si au CorteX nous sommes plutôt spécialisé-es sur le public ado-adulte, lui s’adresse aux petits et grands ! Il sévit moitié du temps dans le bordelais, moitié du temps à l’île de la Réunion. C’est notre copain.

Vous voulez voir son exposition « Sciences & pseudosciences« , qui circule dans des collèges (voir ici pour tout savoir) ?
Vous voulez savoir ce qu’il fait ? Son site est là.

Le Quotidien de la Réunion du 13 juillet 2011 a parlé de son livre « Jusqu’à preuve du contraire » aux éditions book-e-book.com, Collection « Une chandelle dans les ténèbres », 2008 (voir plus bas).

Dans cette collection pas mal de petits bouquins, dont certains signés de contributeurs et contributrices du CorteX (B. Axelrad, Nicolas Gauvrit, Richard. Monvoisin, Jacques Van Rillaer, Jean Brissonnet, Henri Broch) ! Exigeons ces bouquins qui, édités par une petite maison d’édition, sont souvent ignorés par les grandes distributions. Ou mieux encore, passons directement par leur site.

Et pour la petite histoire, un autre ouvrage arrive pour la fin de l’année : « Entre l’espoir et le faux mage« , (Chroniques zététiques à paraître).

Bref, Jacques est un distributeur d’esprit critique à lui tout seul. Il a proposé ses services de partages de ressources pédagogiques pour le CorteX, alors bienvenue à lui, et dansons le Maloya !

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CorteX_bugarach

A décortiquer – Bugarach, 2012, géobiologie et hologrammes quantiques

CorteX_bugarach2012 approche, et les réactions les plus saugrenues se multiplient pour évacuer l’inquiétude.  On assiste à la naissance d’incroyables théories, comme sur ce pic des Corbières, le Bugarach.
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Voici ci-dessous une très belle émission de Sur les docks, sur France Culture. C’est le genre de documentaire très utile pédagogiquement car il met en avant des discours syncrétistes où s’entremêlent New Age & développement personnel, géobiologie et autres techniques pseudoscienfiques, histoire mystérieuse – la proximité de Rennes-le-château jouant à plein – et de l’ufologie. Les coutumiers du monde zététique y retrouveront quelques grands thèmes classiques, ainsi qu’un personnage tout à fait connu dans le paysage parapsychologique français.

 


« Bugarach est un joli village de l’Aude, au pied de l’imposante montagne du même nom, qui est le point culminant des Corbières (1230m), et le lieu de pas mal de croyances modernes très diverses et étonnantes. En 25 ans, dans ce pays cathare propice aux mystères et légendes – le trésor de l’abbé Saunière à Rennes-le-Château par exemple – la montagne est devenue mythique. Beaucoup de gens disent y avoir été témoins de phénomènes paranormaux, avoir vu des ovnis, prétendent que le Bugarach abrite un gigantesque garage d’engins extraterrestres ou recèlerait un trésor incommensurable. L’énergie formidable qui naît du Bugarach, qui procure un ressourcement très net aux personnes qui en effectuent l’ascension, viendrait du vortex tellurique qui en jaillit et met en communication la Terre et le Ciel.
De surcroît, il serait le lieu où les élus seraient sauvés de la fin du monde, laquelle interviendra, comme chacun le sait d’après le calendrier maya, le 21 décembre 2012. C’est pour bientôt !

Avec :
Jean-Pierre Delord, maire de Bugarach ;
Marie-France Garraude-Pasty et Alain Pasty, auteur de Une déchirure dans l’espace-temps aux éditions du Temps Présent ;
Thomas Gottin, auteur de Le phénomène Bugarach : naissance d’un mythe aux éditions L’Œil du Sphinx ;
Pierre Guillien, géobiologue ;
Yves Lignon, « mathématicien » (plus précisément maître assistant  en statistiques)
Nicolas Marlin, libraire à Rennes-le-Château ;
Philippe Marlin, éditeur à L’Œil du Sphinx ;
Jean-Luc Rivera, organisateur des Rencontres de l’Imaginaire de Sèvres ;
Genny Rivière, auteur de L’Appel du Bugarach aux éditions des 3 monts ;
Et la voix de Jean-Louis Dumiot-Mendy« .

 
Voici l’émission :

Je ne l’ai pas tronçonné. Elle est écoutable également directement sur le site.

Aidez-nous à l’analyser froidement (sans jugement de valeur), sur le plan scientifique, historique, méthodologique, éthnologique, archéofantaisiste, sur le plan des rhétoriques, etc….

Merci à Olivier Chaumelle et Rafik Zenine pour ce document.

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Bibliographie citée :

  • Le phénomène Bugarach, un mythe émergeant, de Thomas Gottin, éditions 2011 alt
  • Une déchirure dans l’espace-temps, de Marie-France Garaude-Pasty & Alain Pasty, éditions Temps présent, 2010alt
  • L’appel du Bugarach : vortex de la Terre, de Genny Rivière, éditions des 3 monts, 2008.
Mise en garde sur les dérives de type sectaire sur le site de l’UNADFI.

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Et pour en savoir plus, on pourra lire avec intérêt l’article de Brigitte Axelrad
La fin du monde en 2012 ?, Sciences & Pseudosciences n° 295, avril 2011.

 

 

http://www.whatareyoudoing.fr/article/alex/pulpe_fiction-25.htm
Rasoir

Rasoir d'Occam et principe de parcimonie

Outil indispensable en science (en tant que démarche), le principe de parcimonie des hypothèses (appelé encore rasoir d’Occam) est parfois source de malentendus ou de mauvaises interprétations. En quoi consiste-t-il ? Comment le présenter à un groupe d’étudiants ou à tout autre auditoire ? Voici quelques pistes que nous utilisons au CorteX lors de nos formations et autres cours.


Un rasoir tranchant

 
Si on vous dit « Je vais te trancher la gorge avec le Rasoir d’Occam », n’ayez crainte, ce rasoir ne coupe que les fils de raisonnement biaisés. C’est en fait un principe de raisonnement dit « de parcimonie », ou « d’économie », antérieur au Franciscain Guillaume d’Occam mais énoncé par lui au 14ème siècle.

Ça dit en substance : Pluralitas non est ponenda sine necessitate En moins nébuleux : Entia non sunt multiplicanda praeter necessitatem En moderne : Les entités ne doivent pas être multipliées par delà ce qui est nécessaire Et en compréhensible : Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?***

En gros, ce que dit ce rasoir, c’est que lorsqu’il y a plusieurs hypothèses en compétition, il vaut mieux prendre les moins « coûteuses » cognitivement.

Je vous donne le meilleur exemple que je connaisse, et que l’on doit à Stanislas Antczak (…) :

Je mets un chat et une souris dans une boîte, je ferme, je secoue, et j’ouvre : il ne reste plus que le chat. Hypothèse 1 : des extraterrestres de la planète Mû ont voulu désintégrer la souris, mais elle s’est transformée en chat. Le chat, de frayeur, est passé dans une autre dimension par effet Tunnel. Hypothèse 2 : le chat a mangé la souris (sans dire bon appétit, ce qui est mal).

Vous m’accorderez que l’hypothèse 2 est beaucoup moins coûteuse intellectuellement que la N°1. Elle ne postule rien d’autre que la prédation de la souris par le chat, qui est au moins aussi connue que Johnny Hallyday, tandis que la première postule une planète Mû, des extraterrestres qui viennent, qui savent désintégrer un chat ce qui n’est pas donné à tout le monde, une souris qui se transforme en chat, une autre dimension, un chat qui sait y aller et un effet tunnel pour objet macroscopique. Ca fait beaucoup. Dans le doute, on choisira la 2.

Deux autres exemples ? Guillemette Reviron a repéré cette pub pour la chaîne Canal + :

[dailymotion id=xkljxb]

Ismaël Benslimane a déniché cet épisode (3 min) de la série Kaamelott (Saison 4 Episode 6 – Les pisteurs) :

Nous avons dû supprimer la vidéo après avoir reçu le courriel suivant : 

Bonjour,
Nous agissons pour le compte de notre client, Regular Production, concernant le retrait de vidéos incluant tout où parties (intégrales, épisodes, extraits…) de la série TV « Kaamelott » d’Alexandre Astier (Regular Production).
Merci de retirer les vidéos suivantes…

Notre camarade Franck Villard nous a fait parvenir cet extrait percutant issu du film Jeanne d’Arc de Luc Besson (1999) :

Un principe utile en science

Un exemple prenant sa place dans la pratique scientifique : lorsqu’un biologiste systématicien recense les espèces, il ne va pas créer une nouvelle case à chaque oiseau rencontré. Il ne va en créer une qu’après avoir bien vérifié que le cui-cui en question ne s’incorpore dans aucune des catégories connues, merle, pinson, mésange, ou Boeing 707.

Ce principe d’économie des hypothèses est bien plus vieux que ça et date d’au moins Aristote, mais il est couramment attribué à un moine franciscain anglais du XIVe excommunié par le pape de l’époque. Ce prénommé William, que nous autres francophiles chauvins nous sommes empressés de renommer Guillaume parce que enfin voyons quand même, venait d’Ockham, dans le Surrey, en Angleterre, et aurait déclaré un lendemain de cuite le entita non sunt multiplicanda praeter necessitatem. Comme ce principe, appelé aussi principe de parcimonie, taillait de près les entités comme autant de poils rétifs d’une barbe ou d’un mollet, on l’a appelé le Rasoir d’Ockham.

Ce principe ne nous dit rien sur la validité des hypothèses : il dit qu’entre deux hypothèses aussi explicatives l’une que l’autre, on ne sait pas laquelle est juste, mais il vaut mieux choisir la moins coûteuse. Il est extrêmement utile en médecine : face à un patient se présentant fatigué, avec le cou rigide, un mal de tête et un peu de fièvre, il sera plus logique de miser sur une méningite que simultanément sur une mononucléose, des vertèbres endommagées, une tumeur au cerveau et une malaria.

Rasoir

Un outil de discernement en esprit critique

Ce coupe-chou peut s’avérer aussi utile pour l’analyse des théories dites du complot. Il n’est pas impossible que le 11 septembre soit le fruit d’une orchestration planifiée par les services secrets, moyennant une grande discrétion des complices, tout un tas de précautions et l’effacement de toutes les preuves, ceci afin de déclarer le combat contre l’Axe du Mal et déclencher la deuxième guerre du golfe. C’est un scénario séduisant, surtout quand on est anti-Bush. Mais un peu de culture historique rend assez coûteuse cette hypothèse.

Pour ne prendre qu’un exemple, il a suffit pour la première guerre du Golfe en 1990 de payer dix millions de dollars l’une des plus grosses firmes de relations publiques, Hill & Knowlton, pour qu’elle orchestre le changement d’opinion souhaité par G. Bush père, en inventant l’histoire des bébés koweitiens retirés des couveuses par les soldats irakiens et en mettant en scène la fausse témoin Nahira, quinze ans, en larmes devant une commission sénatoriale. La jeune femme, qui s’avéra ensuite être la fille de l’ambassadeur du Koweït, n’avait comble du cynisme jamais mis les pieds au Koweït. Dix millions de dollars d’un côté, quatre mille morts dix ans plus tard. Il est permis de penser que l’hypothèse d’un réel attentat est plus économique intellectuellement, et qu’une campagne de presse type Nahira plus économique en vies états-uniennes et en argent.

J’aime beaucoup la métaphore des mots croisés de l’épistémologue Susan Haack. Elle suggère que la science fonctionne à la manière d’un mot croisé, avec la connaissance disponible pour arrière-plan et les observations expérimentales pour indices. Surtout elle précise que « la validité d’une entrée dépend non seulement de la force des indices, mais aussi de toutes les autres entrées déjà écrites qui font intersection avec elle » . En clair, si tu débarques un matin avec une hypothèse qui bouscule toute la grille de mots croisés que les savants se cassent le coccyx à remplir depuis des siècles, elle a intérêt à être solidement étayée par des preuves (et on retombe sur la facette « Une prétention extra-ordinaire nécessite une preuve plus qu’ordinaire »). Si tel n’est pas le cas, le rasoir d’Occam, qui ne s’émousse jamais et qui a une triple lame, t’encourage à te retenir d’écrire ton mot dans la grille, bref, à être sceptique. Alors, comme le temps son vol, petit scarabée, l’espace d’un instant suspends ton jugement.

Un peu de pédagogie

Imaginez-vous dans deux heures : vous venez de lire cet article, avant ça, vous n’aviez jamais entendu parler d’Occam, de rasoir ou de parcimonie. Bref, vous devez en parler à un collègue du boulot, à votre mari, à votre fille, à un ami, etc. Comment faire ? On a souvent tendance à vouloir aller à l’essentiel. L’exemple du chat et de la souris est parfait pour cela. Cependant, selon le vocabulaire utilisé, on peut vite tomber dans une erreur courante et confondre hypothèse la moins coûteuse cognitivement (la plus parcimonieuse) et « hypothèse la plus simple ». Pourtant, parcimonieux n’est pas forcément synonyme de simple, et croire cela peut nous entraîner dans des erreurs de raisonnements que nos interlocuteurs ne se priveront pas de repérer. Je vais tenter de l’illustrer avec deux exemples. Tout d’abord, avec le chat et la souris, cette différence ne saute pas aux yeux tant il est vrai qu’affirmer « le chat a mangé la souris » est bien plus simple comme explication que d’imaginer l’intervention d’extraterrestres. Le piège est pourtant grand de considérer cette hypothèse soi-disant simple comme parcimonieuse. En effet, rien n’est simple dans la prédation du chat (détection d’un stimulus visuel, déclenchement de la réponse musculaire par transmission nerveuse, etc.) ou dans sa digestion (action des enzymes, réactions chimiques complexes). Alors que, tout le monde en conviendra, pour des extraterrestres, téléporter un chat c’est très très simple… Pourquoi choisir alors « Le chat a mangé la souris » et pas l’histoire d’aliens ? Car, comme expliquer ci-dessus, la première nécessite beaucoup moins d’explications additionnelles, ad hoc comme on dit aussi, d’entités surnuméraires (en surnombre). Mais rien n’est simple dans la prédation du chat, ne l’oublions pas. Voici un deuxième exemple, tiré de l’excellent ouvrage dirigé par Guillaume Lecointre, Guide critique de l’évolution, dans lequel il précise que le rasoir d’Occam ne postule en rien la parcimonie en soi des théories mais oblige à une parcimonie méthodologique pour choisir la meilleure théorie à retenir : « Le commissaire de police est sur les écrans, le plus médiatisé des utilisateurs du principe de parcimonie. S’il reconstitue le meurtre avec économie d’hypothèses, ce n’est pas pour autant que le meurtrier a ouvert le moins de portes possibles, tiré le moins de balles possibles et économisé son essence pour se rendre sur les lieux du crime » (p.25) Retenons que le principe de parcimonie nous donne une façon de procéder, une méthode, méthode permettant de trier parmi des hypothèses. Cette analyse nous conduit à privilégier les théories les plus économes en explications ad hoc ou, autrement dit, les théories les plus parcimonieuses en hypothèses, celles s’intégrant donc le mieux dans la fameuse grille de mots croisés de Susan Haack. En plus clair, le rasoir d’Occam n’est pas une ode à la simplicité, tout au plus un éloge au non-gaspillage.

Pour aller plus loin :

  • Thèse de R. Monvoisin (2007)
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Ethnologie, anthropologie – Quelques "perles" de Claude Lévi-Strauss

En 1988, Jacques Chancel interrogeait l’ethnologue Claude Lévi-Strauss au micro de France Inter. Le chercheur venait de fêter ses 80 ans, et ne se doutait probablement pas qu’il vivrait jusqu’à pratiquement 101 ans. L’homme, humble, est décédé en octobre 2009, soit plus de 20 ans après cet entretien de la série Radioscopie dont nous reproduisons ici de petits morceaux choisis qui stimulent la réflexion critique, que l’on soit féru d’ethno-anthropologie ou non. A déguster comme des petits Bretzel intellectuels !
Attention : ce sont les « à-côtés » de son travail qui nous intéressent ici. Pour resituer son œuvre, on lira avec intérêt la très courte description « Claude Lévi-Strauss : un parcours dans le siècle« , par Philippe Descola au Collège de France en 2008.


  • Dans ce premier extrait, Claude Lévi-Strauss avoue « ne jamais avoir eu de préoccupations religieuses« , mais avoir appris à être tolérant, par la fréquentation des diverses croyances du monde (*).
  • Dans ce passage, Lévi-Strauss prend bien soin de délimiter son champ de compétence, ce qui est suffisamment rare pour être souligné. « avez-vous eu un maître spirituel », la réponse est manifestement… non. Il répond de ses filiations intellectuelles, notamment Marx. Ni dieu, ni maître, donc mais une influence marxiste très nette et un certain militantisme. L’ethnologue est pourtant assez critique sur un engagement politique, pris dans un dilemme intéressant.
  • Anecdote croustillante, en sortant de l’agrégation de philosophie, Lévi-Strauss s’est acheté un livre d’…. astrologie ! Pourquoi ? réponse ci-dessous.
  • Petite recension des ouvrages du savant.
  • A propos du bazar que la sortie du livre Tristes tropiques créa.
  •  Seconde anecdote, qui témoigne plus de la bêtise du journaliste, qui voit de la perfidie là où il n’y a que constat. Parlant de Simone de Beauvoir, on notera que C. Lévi-Strauss ne verse absolument pas dans le sexisme, mal pourtant répandu dans sa génération intellectuelle (*).

Commentaire de Guillemette Reviron : »dans « La plus belle histoire des femmes » (p. 245), Sylviane Agacinski cite un passage de C. Lévi-strauss dans Tristes tropiques : « Le village entier partit le lendemain dans une trentaine de pirogues, nous laissant seuls avec les femmes et les enfants dans les maisons abandonnées « . Très bel exemple de sexisme ordinaire, dans lequel nous tombons toutes et tous – en quoi rester avec les femmes et les enfants revient à rester « seuls » ?

  • Morceau d’anthologie : Lévi-Strauss parle de psychanalyse, et son analyse est sous un certain nombre d’aspects proches de la nôtre – nous serions toutefois moins cléments que lui sur l’apport de la méthodologie psychanalytique, tant l’histoire en particulier du freudisme est entachée de fraudes diverses (pour en savoir plus, voir Psychologie, philosophie – L’illusion freudienne, par Michel Onfray).
  • Il parle d’une sorte de misanthropie qui l’atteint désormais.
  • Pour finir, cet extrait parlant de la reconnaissance, et du fait que la réputation dont il jouissait n’était pas basée sur ce qu’il aurait lui-même gardé. Cet extrait est d’une modestie tout à fait rare dans des temps où les feux de la rampe éclairent et font chauffer même les crânes les plus remplis.

Les coupes faites dans l’émission sont bien sûr arbitraires. Nous gardons à disposition l’émission pour permettre des comparaisons.

RM

* Hormis ce passage final où C.L-Strauss avance qu’il est « naturel » de respecter les croyances, tombant dans l’argumentaire naturalisant tel que décortiqué ici. Bien sûr, il s’agit d’une façon de parler. Mais les façons de parler sont comme certains gaz toxiques : sournois car inodores ou insipides.

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Biologie, essentialisme – Nature, écologisme, sexisme, racisme, spécisme

Qu’est-ce que la nature ? Y a-t-il seulement lieu de se poser une telle question ? Si le terme nature désigne uniquement la mer déchaînée, les montagnes enneigées, les gazelles fuyant devant les lions, les petits ruisseaux serpentant sur les collines, les abeilles qui butinent etc., on ne perçoit pas forcément l’intérêt d’y réfléchir ; mais la question prend toute son d’importance lorsqu’il s’agit d’expliquer les références incessantes à la nature dans les médias, les débats politiques ou encore la publicité. On préfère manger naturel, on s’oriente parfois vers des médecines dites naturelles, on justifie ses comportements en invoquant sa propre nature, on condamne des pratiques sexuelles sous le prétexte qu’elles seraient contre-nature… Au sein du Cortecs, nous avons rencontré ce concept si souvent qu’il ne nous semble plus du tout anodin ; le besoin se faisait nettement sentir d’analyser les sens qu’on lui prête et les représentations qu’il véhicule. L’objet de cet article est de présenter notre manière d’aborder, avec un large public, cette notion bien plus complexe qu’elle n’y paraît et les questions qu’elle soulève.

Précautions : comme ce sujet est particulièrement propice aux réactions affectives, tout comme mes collègues du Cortecs, je commence toujours mes interventions en prenant deux précautions : présenter la différence entre acte de foi et remport d’adhésion et discuter des différents sens du mot science, ceci afin de bien délimiter mon cadre de travail et de prévenir de nombreux malentendus. Les différentes étapes de l’exposé 1. Je tente de faire sentir au public la difficulté de définir simplement les mots nature ou naturel 2. Je donne une définition scientifique de naturel, chimique, synthétique et artificiel 3. J’analyse trois représentations de la nature véhiculée par les médias en les confrontant aux connaissances scientifiques actuelles 4. Je fais un bilan du rôle que joue la nature dans certaines trames argumentatives

Une définition scientifique du mot nature

Cette partie reprend en grande partie le travail « Naturel, chimique » de Denis Caroti : si vous souhaitez approfondir le sujet, c’est ici. 

Une définition difficile à saisir

L’idée est de faire sentir au public que nos représentations de la nature sont souvent incohérentes. Pour cela, je passe en revue très rapidement différents sens qu’on prête volontiers à naturel, en donnant dans la foulée un contre-exemple qui démontre que la définition proposée ne tient pas : c’est la méthode de la réfutation par le contre-exemple. Cela donne :

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– naturel = qui n’est pas produit par l’Humain → mais alors le saucisson n’est pas naturel – naturel = qui n’est pas produit de manière industrielle → mais alors, le jus de fruits « bio » ne serait pas systématiquement naturel – naturel = qui n’est pas chimique → mais alors la photosynthèse ne serait pas naturelle – naturel = qui ne pollue pas → mais la digestion d’une vache produit du méthane – naturel = qui ne modifie pas son milieu → mais les éruptions volcaniques modifient leur environnement – naturel = ce qui existait avant l’Humain → mais alors, un jardin potager ne serait pas naturel – etc.    

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L’image qui me vient à l’esprit quand j’essaie d’attraper la définition de nature, c’est une savonnette (100 % naturelle, cela va de soi) : à chaque fois qu’on a l’impression de la tenir, elle nous glisse entre les doigts.    

Proposition de définition scientifique

Les programmes de physique-chimie de 3ème (BO spécial n°6 du 28 août 2008, enseignements de physique-chimie, classe de 3ème, partie A2 – Synthèse d’espèces chimiques) précisent que les enseignants doivent présenter à leurs élèves des substances synthétiques, artificielles et naturelles, ainsi que les techniques permettant leur élaboration. Mais nous venons de voir qu’il n’est pas si simple de distinguer ce qui est naturel de ce qui ne l’est pas. Alors Denis Caroti s’est penché sur la question ici et propose d’introduire ces notions de la manière suivante :

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  • chimique : une substance est chimique si elle est composée d’éléments recensés dans le tableau de Mendeleïev ou de molécules constituées de ces mêmes éléments. Avec cette définition, toute substance est chimique, sans aucune connotation négative. Le plomb, l’uranium mais aussi l’eau et la vitamine C dans un jus d’oranges pressées sont chimiques.
  • naturel : certaines substances chimiques existent sans intervention humaine, on dira qu’elles sont naturelles. Ces substances seront alors chimiques ET naturelles. C’est le cas de l’eau mais aussi de l’uranium.
  • artificiel : d’autres substances chimiques ont été inventées (on pourra dire aussi créées) par l’Humain, on dira qu’elles sont artificielles, comme le nylon ou le paracétamol.
  • synthétique : si, par définition, toute substance artificielle a été créée par l’Humain, elle a donc subi un ensemble de transformations, de réactions chimiques (hé oui, là le terme est correct !) pour être fabriquée, synthétisée. C’est aussi le cas de certaines substances dites naturelles. Par exemple, la vitamine C est présente dans une orange sauvage mais peut aussi avoir été fabriquée, synthétisée – et donc copiée dans ce cas – en laboratoire. Nous dirons qu’une molécule est synthétique si cette molécule a été produite par l’Humain, qu’elle soit naturelle ou artificielle. Précisons immédiatement qu’une molécule naturelle et sa copie synthétique sont strictement identiques et qu’à de rares exceptions près il n’est pas possible de les distinguer. Une molécule de vitamine C sortant d’une orange est identique à celle produite en laboratoire.

Pour clore cette partie, il me semble vraiment nécessaire d’insister sur deux points.

– La nature ne semble se définir que par rapport à l’Humain, mais c’est un choix totalement arbitraire et anthropocentré.

– Ces définitions sont totalement vidées des connotations positives ou négatives qui accompagnent ces mots dans le langage commun.

Le concept de nature au quotidien

Quels sens donne-t-on usuellement au mot nature ? Dans quels contextes ? Pour quelles trames argumentatives ?

J’ai recensé trois représentations principales du concept de nature et je les présente de la plus simple à la plus complexe.

Sens commun n°1 – La nature, c’est ce qui est bon

Serait naturel ce qui est bon pour la santé, serait chimique ce qui est toxique ou polluant. Comme nous l’avons déjà entrevu précédemment, cette définition n’est pas très robuste. En effet, tout ce qui est qualifié de naturel n’est pas nécessairement bon : le laurier rose est « naturel », il est également extrêmement toxique. Par ailleurs, la vitamine C est « chimique » mais indispensable pour être en bonne santé (même si Richard Monvoisin rappelle ici même qu’il y a parfois exagération de ses bienfaits ou des doses à consommer).

Cette représentation pseudo-scientifique est fréquemment utilisée par la publicité, qui exploite ainsi la volonté de tout un chacun de choisir le « meilleur » pour soi ou pour son entourage : gels douche, soupes, jus de fruits, produits laitiers, sodas, etc, la publicité a recours au naturel pour valoriser ses produits.

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C’est également le cas des médecines dites « naturelles », qui se drapent par là-même d’une connotation a priori positive. Pourtant, sans discuter de l’efficacité de telle ou telle pratique thérapeutique en particulier – c’est un sujet vraiment trop vaste pour en parler si succinctement –, assurer qu’une médecine est naturelle n’informe en tant que tel ni sur les qualités de ses effets thérapeutiques, ni sur ses effets secondaires.

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Une autre représentation fortement basée sur le concept d’une nature bonne et bienveillante est l’idée répandue que la nature est bien faite. À ce moment de l’exposé, je propose en guise d’introduction humoristique à la question, cet extrait du sketch La nature est bien faite de Florence Foresti :

Cette représentation soulève deux questions :

1 — Avant même de se demander si la nature est bien ou mal faite, il faudrait commencer par se demander si elle est faite et par qui. Toute réponse ne peut qu’appartenir au domaine des finalismes, qui sont hors-science, et relèvent donc de la sphère privée.

2 — Se pose ensuite la question du sens de l’expression « bien faite ». Vous aurez peut-être reconnu ici un effet Pangloss, effet qui désigne un raisonnement à rebours. Pour préciser un peu les choses, imaginons que je tire une flèche en fermant les yeux dans une forêt. Une fois la flèche plantée, j’ouvre les yeux, je retrouve la flèche, je trace une cible autour et je m’exclame « c’est incroyable, elle est arrivée au centre ! » : ce n’est pas parce qu’aujourd’hui le monde fonctionne comme il fonctionne que c’était pré-écrit, téléologique. Pour prendre un exemple parmi d’autres, la cicatrisation n’est pas un but d’une Création Divine ou d’un dessein intelligent : les individus qui cicatrisaient ont eu un avantage sur les autres, avantage leur permettant de survivre et de se reproduire préférentiellement. Dire que la nature est bien faite, c’est reprendre et propager, souvent malgré soi et dans une phrase apparemment sans grande profondeur, une trame rhétorique finaliste de l’Intelligent Design qui explique le monde en mobilisant une intelligence créatrice extérieure à ce même monde.

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Cette idéologie repose sur une métaphore, appelée métaphore de l’horloger énoncée par William Paley en 1802 : quand on observe une montre, le fait que chaque pièce soit parfaitement ajustée pour jouer son rôle et que ses rouages soient si parfaitement agencés est dû à l’intention de l’horloger qui a conçu chaque pièce en fonction du rôle qu’elle allait jouer. Par analogie, les adeptes de l’Intelligent Design en concluent que la nature est si bien faite qu’elle est nécessairement mue par un but sous-jacent. Ce courant milite pour que ses idées soient enseignées dans les écoles au même titre ou parfois même à la place de la théorie de l’évolution. Si aujourd’hui celui-ci n’est autorisé dans les écoles publiques ni aux Etats-Unis, ni en Europe, les enseignants restent tout de même confrontés à des élèves qui refusent la théorie de l’évolution en avançant des arguments finalistes.

Si vous souhaitez approfondir ce sujet, vous pouvez par exemple consulter les travaux de Joël Peerboom – Comment enseigner la théorie de l’évolution à des élèves croyant qu’elle n’existe pas – et/ou l’interview de Guillaume Lecointre (vidéo n°4).

Sens commun n°2 – Tout est nature mis à part les Humains

La nature serait un monde sans Humains, en parfaite harmonie et sans violence, où cohabiteraient brebis et loups dans un fragile et précieux équilibre ; la nature serait alors un paradis perdu ou une sorte de Terre mère – Gaïa ou Pachamama (on pourra approfondir ce sujet avec l’article de ?. Lambert dans le Monde Diplomatique de Février 2011 : Le spectre du pachamamisme)

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Dans cette représentation, la Nature revêt son N majuscule, elle est sacralisée.

À l’image de la Nature dans le film Avatar, elle doit affronter l’Humain qui la parasite et brise cette harmonie en outrepassant ses droits ; la Nature en colère se défend à coup d’ouragans et de tsunamis tout comme Zeus brandissait jadis son foudre.

On retrouve cette représentation, à des degrés de sacralisation plus ou moins importants, dans certains milieux politiques écologistes qui, pour amener leur public à s’interroger sur les conséquences de l’activité humaine sur l’environnement, s’appuient sur l’idée d’une Nature pure et fragile opposée à l’Humain destructeur. C’est le cas par exemple dans les films Le syndrome du Titanic de Nicolas Hulot ou Home de Yan Arthus-Bertrand, où les séquences montrant une Nature harmonieuse et sublime sont systématiquement opposées à des séquences d’images d’activité humaine polluante, en témoigne la bande-annonce du film Home :

Sens commun n°3 – Tout est nature mis à part la culture

Le sens commun n°2, en excluant totalement l’espèce humaine de la nature, devient rapidement peu satisfaisant, car l’Humain reste un mammifère qui, en tant que tel, a des comportements animaux ou innés que l’on peut légitimement intégrer dans le naturel. Le sens n°3 propose donc de lui rendre une place dans la nature tout en excluant ses comportements dits culturels, qui constitueraient le « propre » de l’Humanité. Pourtant, la frontière entre nature et culture n’est pas aussi nette que le laisse entendre cette proposition de définition. La question de la part de l’inné et de l’acquis dans le comportement humain est complexe et l’on rencontre plusieurs idées reçues sur ce sujet, y compris dans la sphère politique. Citons par exemple le débat initié en avril 2007 par certains propos de Nicolas Sarkozy, alors candidat aux élections présidentielles :

« J’inclinerais, pour ma part, à penser qu’on naît pédophile, et c’est d’ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette pathologie. Il y a 1 200 ou 1 300 jeunes qui se suicident en France chaque année, ce n’est pas parce que leurs parents s’en sont mal occupés ! Mais parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité, une douleur préalable. Prenez les fumeurs : certains développent un cancer, d’autres non. Les premiers ont une faiblesse physiologique héréditaire. Les circonstances ne font pas tout, la part de l’inné est immense. »

Nicolas Sarkozy dans Confidences entre ennemis, Psychologie Magazine, n°8, Avril 2007

Certains neurologues, comme Axel Kahn, avaient alors réagi publiquement en faisant le point sur les connaissances scientifiques actuelles dans ce domaine. Vous pouvez l’écouter dans cet extrait du Magazine de la santé au quotidien du 10 avril 2007 (France 5) :

Certes le patrimoine génétique d’un individu le prédispose à certains comportements, mais le cerveau ne cesse « d’apprendre » et de réagir à son environnement ; Axel Kahn dira sur La Télé Libre.fr : « à la question : sommes-nous inné ou acquis ? il faut répondre : nous sommes 100% inné et 100% acquis ». On pourrait aussi répondre « Mu ».

Pour ceux qui souhaiteraient pousser les questionnements un peu plus loin sur l’existence d’une frontière nature-culture, il y a une piste intéressante, à creuser, dans les travaux de Richard Dawkins sur la mémétique : sa tentative d’intégrer certains processus culturels dans une lecture évolutionniste atténue encore la distinction puisque, selon sa théorie, certains « éléments de culture » subiraient variations et sélection « naturelle » dans un processus similaire à celui de l’évolution.

On pourra lire Richard Dawkins, Le gène égoïste, 1976 ou regarder les vidéos de Cyrille Barrette.

 Bref, il n’est pas si simple de distinguer, dans nos comportements, la part de l’acquis de celle de l’inné. Et ce n’est pas la seule raison de remettre en question la pertinence du sens 3. En effet, en excluant la culture humaine de la nature, il me semble difficile de se soustraire à la question de la culture animale. Je m’explique : si une certaine culture animale existe, pourquoi la considérer comme naturelle tandis que la culture humaine ne l’est pas ? Cela renforcerait le caractère arbitraire et anthropocentré d’une telle dénomination. Or les progrès récents en éthologie, en révélant que de nombreuses espèces ont développé des comportements semblables à des comportements humains dits culturels, vont dans ce sens. Citons quelques exemples , tous tirés de l’émission Sur les épaules de Darwin du 11 Septembre 2010 (France Culture) que vous pouvez écouter ici :

  • Jane Goodall découvre en octobre 1960 que des chimpanzés de la région du lac de Tanganyika, en Tanzanie, fabriquent des outils pour attraper des termites. Ceci remet en question les définitions de l’Humain et de la culture adoptées jusque-là.
  • Alban Lemasson et Martine Hausberger découvrent en 2004 que certains singes ont élaboré une syntaxe : en combinant six sons de manières différentes, ils sont capables de donner des précisions sur l’origine d’un danger.  
  • Sur l’île de Koshima, l’éthologue Syunzo Kawamura observe pour la première fois en 1953 une femelle d’un an et demi laver une patate douce dans l’eau : elle la tient dans une main et la frotte avec l’autre. En 1965, Masao Kawai publie son analyse de la transmission de ce nouveau savoir-faire aux autres membres du groupe : les adultes et surtout les mâles, qui sont moins en contact avec les femelles, s’approprient peu cette pratique tandis que la plupart des jeunes de moins de 4 ans l’apprennent au contact de leur mère. Ce comportement est ensuite complètement adopté par les nouvelles générations, tandis qu’il est inexistant dans des groupes de singes identiques vivant sur des îles voisines : la transmission et l’apprentissage d’un savoir-faire non inné fait partie du monde animal.
  • Si la culture désigne un changement de comportement suite à une expérience personnelle, que dire du comportement de ce geai décrit par Nathan J. Emery, Joana M. Dally et Nicola S. Clayton en 2004 qui cache sa nourriture et revient la chercher quand il en a besoin. Il arrive qu’un de ses congénères le remarque en train de dissimuler ses réserves et pille la cachette dès qu’il a le dos tourné. Un geai dont la cachette a déjà été pillée ne modifie pas son comportement, mais un geai qui a déjà eu l’occasion d’aller voler la nourriture d’un autre, lorsqu’il se sait observé, finit de dissimuler ses denrées mais revient plus tard pour les cacher ailleurs, un peu comme s’il projetait que son congénère pouvait avoir le même comportement que lui.

Pour aller plus loin, voici les références des articles :
LEMASSON, Alban et Martine HAUSBERGER, « Patterns of Vocal Sharing and Social Dynamics in a Captive Group of Campbell’s Monkeys (Cercopithecus campbelli campbelli) », Journal of Comparative Psychology, n°3, vol. 118, Septembre 2004, pp. 347-359
KAWAI Masao, « New-acquired Pre-cultural Behavior of the Natural Troop of Japanese Monkeys on Koshima Islet », Primates, n°1, vol. 6, Août 1965, pp. 1-30
EMERY Nathan J., Joanna M. DALLY et Nicola S. CLAYTON, « Western scrub-jays (Aphelocoma californica) use cognitive strategies to protect their caches from thieving conspecifics », Animal Cognition, n°1, vol. 7, Janvier 2004

Ces découvertes récentes rendent encore plus difficile la distinction nature-culture, distinction qui tend d’ailleurs à disparaître dans le milieu scientifique. Elle reste pourtant courante au quotidien, par exemple dans des expressions du type « il n’est pas dans ma nature de grimper aux arbres » ou « je n’aime pas jouer avec les enfants, ce n’est pas dans ma nature ». Pourtant, invoquer la nature dans ce contexte s’avère particulièrement aliénant : si tel ou tel comportement fait partie de ma nature, de mon essence, rien ni personne n’y pourra rien changer, je ne grimperai jamais aux arbres et n’aimerai jamais jouer avec des enfants ; et si je ne suis pas « entrepreneur-né », je n’entreprendrai jamais rien. C’est renoncer a priori à toute forme d’éducation et à toute volonté de changement.

Pour prendre un exemple dans la vie politique, l’extrait qui suit du film Juppé forcément de Pierre Carles, Alain Juppé invoque ses racines, pour justifier sa candidature aux élections municipales de 1995. Ce qui m’a frappée dans ce discours, c’est le rôle « dépolitisateur » qu’y joue la nature.

On pourra s’amuser à repérer dans cet extrait le champ lexical de la nature. Juppé forcément, Pierres Carles, 1995

Mais là où le recours à la nature sert particulièrement à légitimer un ordre éabli, c’est bien dans les préjugés racistes ou sexistes ; on appelle cela l’essentialisme. Plus précisément, ces préjugés s’appuient souvent sur une différence physiologique « naturelle » (sexes différents, couleur de peau, …) pour décréter que cette différence physiologique ou physique induit une « nature » différente, c’est-à-dire un ensemble de caractéristiques intellectuelles, affectives ou comportementales qui sont immuables et universelles. Comme nous allons le voir, l’essentialisme se fait une place, à des degrés divers, dans les blagues et la publicité mais aussi dans les catalogues de jouets ou la littérature enfantine et même dans le discours d’hommes politiques ou de journalistes.

Les discours essentialistes sur les Noirs – qui seraient fainéants et un peu à côté de la plaque, courraient vite, aimeraient le sexe, sentiraient fort, etc. – n’ont pas disparu. Il suffit, pour s’en convaincre, d’aller jeter un oeil à la page Racisme ordinaire qui fourmille d’exemples. J’en donnerai deux ici :

1 — la médiatisation des performances du sprinter Christophe Lemaître, présenté depuis deux ans comme  » le premier blanc à être passé sous les 10″ au 100m « , avec notamment le titre très essentialiste du 20minutes.fr du 13 août 2009 : Mondiaux de Berlin: les blancs savent-ils courir ?

2 — l’extrait d’un discours de Nicolas Sarkozy, tout juste élu Président de la République, à l’Université de Cheik-Anta-Diop de Dakar (Sénégal), le 26 juillet 2007 (le son et l’image sont un peu décalés).

Ceci dit, sans aucunement minimiser l’étendue du racisme ordinaire actuel, on peut tout de même noter que certains propos essentialistes envers les Noirs et les Arabes soulèvent l’indignation d’une partie de la population et des médias et qu’ils sont parfois condamnés par les tribunaux – je pense par exemple à certains propos d’Eric Zemmour ou de Jean-Paul Guerlain :

« J’ai travaillé comme un nègre, je ne sais pas si les nègres ont toujours tellement travaillé, m’enfin…», 15/10/10, JT de 13h (France 2)

« La plupart de trafiquants sont Noirs et Arabes », 06/03/2010, Salut les terriens (Canal+) (voir une analyse détaillée ici)

Cela ne signe pas la fin des inégalités sociales entre les Blancs et les Noirs, mais cela permet tout de même de réaliser qu’un pas a été fait…

Pourquoi cette remarque ? Parce qu’il existe une catégorie de personnes dont l’essentialisation ne provoque pas encore le même émoi : il s’agit des Femmes. Pour s’en convaincre, il suffit de se demander si quelqu’un a déjà provoqué une polémique pour avoir dit publiquement :  » les Femmes aiment s’occuper des enfants « ,  » les Femmes sont tête en l’air « , ou  » les Femmes ne s’intéressent pas à l’informatique « .

Pour une analyse détaillée de l’idée reçue :  » les Femmes ne s’intéressent pas à l’informatique « , on pourra écouter la conférence Opératrices de saisie ou hackeuses d’Isabelle Collet, contributrice du CorteX.​

Pour mesurer toute la portée de ces phrases faussement anodines, je suggère à mon public de les reprendre en y remplaçant Femme par Noir : en changeant le contexte, on se rend parfois mieux compte de l’aberration de certaines affirmations, qui ne font rien de moins que de cantonner les Femmes au foyer ou de les écarter a priori de certaines professions, sans invoquer d’autre raison que leur nature de Femme.

Pourtant, s’il est vrai que les Femmes s’occupent plus des enfants et qu’elles continuent à prendre largement en charge les travaux domestiques, il n’existe nulle preuve de l’existence de cette fameuse nature des Femmes qui les rendrait plus aptes à passer la serpillère.

CorteX_martine_menage_genetique
Parodie des albums pour enfants de la collection Martine

Si certaines recherches sont menées dans le but de mettre en évidence des différences entre les cerveaux des Femmes et des Hommes pour expliquer les différences de comportement et d’aptitude, Catherine Vidal et Dorothée Benoît-Browaeys précisent bien dans leur ouvrage Cerveau Sexe et Pouvoir qu’aucune étude ne révèle de différence signifiactive. Entendons-nous bien : quand bien même les différences physiologiques seraient telles qu’une partie de la population (Noirs, Arabes, Femmes…) serait en moyenne plus faible/moins résistante/moins intelligente/moins efficace/etc. qu’une autre (Blancs, Hommes…) – si tant est que plus « faible », « efficace », intelligente » ait un sens précis -, on pourrait toujours se demander en quoi cela devrait légitimer une différence de droits. Mais ce qui est intéressant ici, c’est que cette infériorité a priori n’est pas prouvée et reste purement spéculative, alors que d’autres pistes présentent des pouvoirs explicatifs bien plus importants. Plutôt que d’invoquer une morphologie typique du Blanc ou du Noir, le peu de performances des Blancs sur le 100m s’explique par le fait que c’est un sport peu rémunérateur et peu attractif qui reste pratiqué par les classes sociales les plus pauvres où les Noirs sont surreprésentés. C’est également le cas pour la boxe anglaise, mais le phénomène s’inverse pour le ski, où l’on ne rencontre que très peu de Noirs.En ce qui concerne les différences de comportement entre les Hommes et les Femmes, il suffit de s’arrêter dans un magasin de jouets ou de feuilleter un de leurs catalogues et de comparer ce qui y est proposé pour les petites filles puis pour les petits garçons. En attendant, voici quelques exemples sur lesquels on pourra observer le code couleur, les activités des filles et celles des garçons, mais aussi leurs attitudes.

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CorteX_Garcon_astronaute

CorteX_Fille_maison

CorteX_Garcon_bricolage

CorteX_Fille_ours_calin

CorteX_Garcon_agressif

CorteX_Garcon_fille_marchand

CorteX_Garcon_fille_voiture

 

Cette catégorisation Fille-Garçon et des rôles qui leur incombent est également très prégnante dans les livres pour enfants. L’association européenne Du côté des filles qui a analysé 537 albums pour enfants fait le constat suivant : les filles sont le plus souvent représentées à l’intérieur de la maison plutôt qu’à l’extérieur, dans un lieu privé plutôt que public et dans des attitudes plutôt passives qu’actives.

Caractéristiques de la
représentation des Hommes
Caractéristiques de la représentation des Femmes
extérieurintérieur
espace publicespace privé
actifpassive
travail rémunérateurtravail gratuit et dans le cadre familial
multitude de rois, ministres, médecins,scientifiques, historiens,écrivains, policiersune femme cadre, une avocate, une reine

On retrouve également la répartition « homme = actif » et « femme = passif » dans les livres de biologie : lorsqu’il s’agit du système lymphatique, on représente majoritairement une femme ; pour le système musculaire, un homme ; de même, l’idée est assez répandue que l’ovule attend passivement l’arrivée du spermatozoïde, fougueux, combattif et… gagnant. Et la métaphore couramment utilisée pour expliquer la reproduction aux enfants, à savoir que « le papa met une petite graine dans le ventre de la maman », propage aussi cette image de l’homme actif et de la femme passive. La publicité n’est pas en reste et véhicule elle aussi des stéréotypes essentialisants ; en voici un exemple :

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C’est ce qu’on appelle la construction du sexe social ou le genre. Être femme ou homme, cela s’apprend et ce n’est d’ailleurs pas la même chose suivant les époques ou les régions géographiques. C’est ce que résume en quelques mots la formule de Simone de Beauvoir : « on ne naît pas Femme, on le devient ». De la même manière, on ne naît ni Homme, ni entrepreneur, ni même Noir.

Qu’en est-il de la nature humaine ?

S’il n’existe pas de nature du Noir ou de la Femme, qu’en est-il de la nature Humaine ? Qu’est-ce qui fait de l’Humain une espèce à part ou, dit autrement, qu’est-ce qui constitue le « propre » de l’Humain ? S’il s’agit de savoir si l’Humain est différent du crocodile ou du moineau, la réponse ne peut être qu’affirmative, mais s’il s’agit de savoir en quoi l’Humain est supérieur au crocodile ou au moineau, la réponse est bien moins évidente. D’ailleurs, le crocodile est tout aussi différent du moineau que l’humain et nous n’en ressentons pas nécessairement le besoin d’en déduire une relation d’ordre entre ces deux espèces, ni d’octroyer plus de droits à l’un qu’à l’autre. Alors je terminerai en posant cette question dont je n’ai pas la réponse : qu’y a-t-il de si différent dans la nature humaine qui autorise les Humains à se décréter au-dessus des autres espèces et à s’octroyer des droits qu’ils n’accordent pas aux autre.

Qu’en conclure ?

Une fois le constat fait que la nature ne décrit pas de réalité scientifique précise, il me semble important de s’interroger sur le rôle que joue ce pseudo-concept dans un argumentaire.

En premier lieu, la nature est formidable pour se soustraire à toute obligation d’argumentation. Lorsque Nadine Morano, ministre de l’apprentissage, veut soutenir la candidature de Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle contre celle éventuelle de Jean-Louis Borloo, elle déclare : « Nous avons un leader [Nicolas Sarkozy], nous avons un candidat naturel donc la question des primaires ne se pose même pas ». La voici sur le plateau de l’émission En route vers la présidentielle du 21 avril 2011 :

 

On trouve la même trame argumentative dans des débats sur la légitimité du mariage entre personnes de même sexe, jugé parfois contre-nature. Argument souvent suivi d’un effet Pangloss du type : « s’il y a des hommes et des femmes, c’est bien fait pour se reproduire ». Je fais une petite parenthèse : cet argument est assez étonnant aujourd’hui, en France, où la contraception est très répandue – quid de tous les rapports sexuels sous contraceptifs ? Quid des relations sexuelles sans pénétration ? Et quid de toutes les assistances médicales à la procréation, peu « naturelles » mais bien légales ? Sans oublier le fait que la recherche du plaisir sexuel sans reproduction peut difficilement être taxée de « contre-nature », tant les exemples de pratiques sexuelles indépendantes de l’acte de reproduction sont nombreux dans le monde animal.

On essaie de nous faire intégrer la chose suivante : ce qui est naturel est dans l’ordre des choses ; c’est ce qui doit être.

Par ailleurs, le concept de nature est aussi très utile pour justifier et asseoir des discours conservateurs et des inégalités sociales. Comme le rappelle Yves Bonnardel dans le texte De l’appropriation à l’idée de Nature (cahiers antispécistes, vol.11, 1994) et contrairement à une idée répandue, les rhétoriques essentialistes sur les Noirs ne sont apparues qu’après le début de l’esclavagisme ; ce n’est pas une conception du Noir en tant que race inférieure qui a rendu possible l’esclavagisme, mais bien le fait d’avoir réduit les Noirs en esclavage qui a conduit les Blancs à invoquer la nature inférieure du Noir pour légitimer cette exploitation. Quant à l’essentialisme concernant les femmes, s’il a beaucoup évolué ces dernières décennies, il a lui aussi justifié en France l’appropriation légale des Femmes par les Hommes jusque dans les années 1990. Le mot peut paraître fort, mais n’oublions pas que, jusqu’en 1965, les Femmes devaient avoir l’autorisation de leur mari pour être salariées, que le devoir conjugal n’a été aboli qu’en 1990 et que le viol conjugal n’a été reconnu par jurisprudence qu’en 1992.

La nature humaine, elle, continue de légitimer la différence de droits entre les espèces sur le plan juridique, différence de droits immense puisque l’Humain, malgré certaines mesures de protection – parcs nationaux ou régionaux, règlementation de la chasse ou de la pêche, etc. – dispose tout de même du droit de tuer les autres espèces (élevage, permis de chasse ou de pêche etc.), parfois même en invoquant une tradition ininterrompue (corrida, combats de coq).

Article 521-1 du code pénal « Le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. » (alinéa 1) À titre de peine complémentaire, le tribunal peut prononcer « l’interdiction, à titre définitif ou non, de détenir un animal. » (alinéa 3) « Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée. Elles ne sont pas non plus applicables aux combats de coqs dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie. » (alinéa 7)

Le mot nature est un mot valise : il est tellement creux qu’on le pense très profond, ce qui permet à chacun d’y mettre ce qu’il veut. Evidemment, cela ne porte pas à conséquence si l’on reste dans le domaine de la poésie, mais la rhétorique naturaliste reste un adversaire de taille dans la lutte contre toute sorte de discriminations. Alors, à chaque fois que je l’entends, je dresse l’oreille, j’active mon système d’auto-défense intellectuelle et je me méfie car, à chaque fois que je l’ai relevé, la nature était utilisée pour asseoir ou défendre un ordre établi et bottait en touche toute remise en question potentielle. C’est ce que résume particulièrement bien Yves Bonnardel dans ce court extrait :

« En pratique, l’attitude est plus ambiguë : tantôt les humains dénoncent avec indignation ce qu’ils jugent contre-nature, tantôt ils célèbrent les conquêtes qui ont permis à l’humanité d’échapper aux rigueurs de sa condition primitive. Personne ne souhaite vraiment que nous imitions la nature en tout point, mais personne ne renonce pour autant volontiers à l’idée que la Nature doit nous servir d’exemple ou de modèle. Les considérations sur ce qui est contre-nature et ce qui est naturel (censé être équivalent à : normal, sain, bon…) viennent trop souvent court-circuiter la réflexion sur ce qu’il est bon ou mauvais de faire, sur ce qui est souhaitable et pourquoi, en fonction de quels critères. L’idée de nature « pollue » les débats moraux et politiques… « (En finir avec l’idée de Nature, Renouer avec l’éthique et le politique, Les Temps modernes, Mars-Juin 2005)

 

Alors concrètement, je dresse l’oreille, donc, mais j’essaie aussi de rayer le terme nature de mon vocabulaire, par exemple en le supprimant, en le remplaçant par des termes plus précis ou en formulant les choses autrement. Par exemple, plutôt que de dire « il est de nature coquette » ou « elle est dynamique par nature » je dirai quelque chose comme « il aime prendre le temps de se faire beau » ou « elle est dynamique ». Plutôt que de dire « j’aime la nature » je dirais « j’aime les ballades en montagne » (ou « à la campagne » ou « sur la plage », etc.), même si, évidemment, dans ce contexte l’équivoque ne prête pas trop à conséquences.    

Cette démarche, parfois plus difficile qu’elle n’y paraît, est plus qu’un simple exercice de style : elle me contraint à raisonner en dehors des rhétoriques naturalistes, tellement courantes qu’on les reprend parfois à son compte sans même s’en rendre compte. D’ailleurs, cela arrive même à Lévi-Strauss (premier extrait de l’article Quelques perles de Lévi-Strauss)… 

Guillemette Reviron

Décortiqué – Réactions à l'entrée du genre dans les programmes de 1ère

Nous avons suivi la fameuse polémique médiatique sur l’entrée du genre dans les programmes de SVT en première L et ES et, au fur et à mesure de nos lectures ou des reportages, notre stupéfaction n’a fait qu’augmenter : ce fut le grand bazar des idées fausses et des arguments fallacieux. Je crois qu’il faut se rendre à l’évidences : la plupart des gens qui se sont exprimés sur le sujet et dont on a relayé les propos, les coups de gueule, les indignations ne savent pas ce qu’est le genre. Les journalistes qui les ont questionnés ne devaient pas en savoir beaucoup plus. A défaut d’être pertinents, ils nous auront donné une formidable matière pour élaborer des travaux pratiques. Les documents que j’analyse ici sont regroupés ici. Comme d’habitude, n’hésitez pas à nous faire part de vos propres analyses.
 Pour en savoir plus sur le genre, on pourra se référer à ces deux articles :

Sélection commentée de ressources sur la notion de genre
Sociologie, biologie – Atelier-débat sur la théorie du genre


Analyse de la vidéo 1
Analyse des vidéos 2 et 2bis
Analyse de la vidéo 3 (à venir – envoyez-nous la vôtre) 


Analyse de la vidéo 1

Erreur n°1 : le genre n’est pas une théorie
Le genre ou sexe social n’est pas une théorie, c’est un concept, un objet d’étude. Il désigne l’ensemble des différences non biologiques (psychologiques, sociales, économiques, démographiques, politiques…) distinguant les hommes et les femmes. Il n’y a pas une théorie du genre mais des théories scientifiques issues de domaines très variés (histoire, sociologie, psychologie, neurobiologie, ethnologie, etc.) qui expliquent comment ces différences se construisent et se perpétuent. Chaque domaine d’étude propose et teste ses hypothèses et produit un savoir scientifique sur ce sujet, c’est-à-dire qu’il retient les affirmations qui sont plus vraies que fausses dans l’état actuel des connaissances.
Rien de bien sorcier en fait : en effet, la plupart des détracteurs de la « théorie » du genre reconnaissent les différences non biologiques entre les hommes et les femmes (ce qu’ils dénoncent, c’est justement le fait qu’on chercherait à les gommer) et si le genre existe, il est possible l’étudier. On aurait d’ailleurs pu découvrir en l’étudiant que les hormones ou la taille des cerveaux expliquaient tout. Ce n’est simplement pas le cas.

Homme de paille + faux dilemme

Dans deux des reportages diffusés à heure de grande écoute, il est affirmé que la théorie (sic !) du genre consiste à dire que l' »on ne naît pas homme ou femme, on le devient en fonction d’un choix personnel ». Voilà un magnifique homme de paille ou strawman. Je ne connais pourtant pas de théorie scientifique qui défende ce point de vue. Je suppose que ce dévoiement des propos de Simone de Beauvoir – « on ne naît pas femme, on le devient » – provient d’un faux dilemme qui pourrait s’énoncer de la manière suivante : soit les différences entre les sexes sont biologiques, soit les individus choisissent leur sexe. C’est paradoxal puisque justement, les travaux sur le genre démontrent que les mécanismes qui sous-tendent la construction du sexe social sont extrêmement complexes et sont, la plupart du temps, subis par les individus et véhiculés par ces mêmes individus de manière non consciente. Evoquer un choix n’a pas de sens dans ce contexte.
Derrière ce faux dilemme se cache l’idée reçue suivante : biologique = déterministe et non-biologique = choix possible. C’est entièrement faux : d’une part les travaux en sociologie et en psychologie décrivent justement comment de nombreux comportements sont en quelque sorte hérités de notre environnement social, d’autre part, ce n’est pas parce qu’un caractère est (aussi) biologique, qu’il dicte sa conduite à un individu.
Faux dilemme : genre versus explications biologiques

La plupart des reportages opposent « genre » et « causes biologiques de la différence entre les sexes ». Etudier le genre ne revient pourtant pas à nier les différences biologiques évidentes : cela consiste simplement à identifier les différences non biologiques. D’ailleurs certains neurobiologistes abordent cette question d’un point de vue biologique en cherchant des différences entre les cerveaux des hommes et des femmes qui pourraient être à l’origine des différences comportementales.
De la même manière que ce n’est pas parce qu’on étudie l’estomac qu’on nie l’existence du foie, ce n’est pas parce qu’on étudie les différences entre les sexes sociaux qu’on nie les différences biologiques. Les deux approches ne sont pas contradictoires. Dans un premier temps, il est nécessaire de les étudier de manière indépendante pour mettre en évidence les mécanismes relevant du caractère social ou du caractère biologique ; il est ensuite possible de chercher à comprendre si ces mécanismes s’additionnent ou interagissent et comment. Un point de vue purement biologique comme un point de vue purement psycho-social ne nous donnerait qu’une vision partielle du phénomène.

Effet « ad etatsunium »

Il est sans arrêt répété dans les JT que la théorie (sic !) provient des Etats-unis. Il est étonnant de remarquer le bi-standard qu’il y a sur les références aux travaux états-uniens : lorsqu’il s’agit de nouvelles technologies, par exemple, cela nous est présenté en comme un gage de sérieux. Dans notre cas, cette référence a tendance à disqualifier la « théorie ». Quoi qu’il en soit, d’une part un savoir scientifique n’est ni états-unien, ni congolais, ni chinois, ni russe, d’autre part l’étude du genre n’est plus une spécificité états-uniennes : si c’était le cas jusqu’en 2000, de nombreuses recherches sont menées en France. Et puis la fameuse phrase « on ne naît pas femme, on le devient » que tous se sont empressés de reprendre et de déformer est due à Simone de Beauvoir, de nationalité française.

Effet Panurge + effet paillasson + intrusions idéologiques en sciences : une théorie contestée

Contestée par qui ? On apprend au cours d’un des reportages qu’une pétition a été signée, en majorité par des catholiques. Catholique ou non, là n’est pas la question. Il faudrait d’abord se demander quels sont les fondements de cette contestation : les signataires de la pétition remettent-ils en cause la validité scientifique de certains aspects de ladite « théorie » ? La contestation est-elle d’ordre idéologique ? Mettre ces deux types de contestations sur le même plan provoque une confusion importante : dans le premier cas, il serait légitime de refuser d’enseigner une théorie fausse, tandis que dans le deuxième cas, cette revendication n’a plus lieu d’être.
Par ailleurs, l’utilisation de l’effet Panurge – qui sous-entend que le nombre important de gens qui s’opposent à la « théorie » du genre suffit à qualifier la « théorie » de contestable – joue sur un effet paillasson concernant l’adjectif contestable : une affirmation scientifique est toujours contestable scientifiquement, c’est à dire avec les règles imposées par le contrat scientifique, règles qui excluent toute contestation uniquement d’ordre idéologique. Ceci ne signifie pas pour autant que l’affirmation n’est pas validée : elle l’est jusqu’à preuve du contraire. En revanche, dans le sens commun, contestable signifie douteux, problématique, incertain. Ce double sens peut entraîner une grande confusion sur le statut – valide ou non valide – de l’affirmation.

Homme de paille + Pétition de principe

Dans le deuxième reportage (France 2, 30 Août 2011), le commentaire dit : « or certains éditeurs ont choisi d’aborder la théorie du genre sans la nommer explicitement. Exemple : l’identité sexuelle se réfère au genre sous lequel une personne est socialement reconnue (extrait d’un manuel) ».

NG : Homme de paille car c’est une insinuation de « la » position « des » éditeurs et une pétition de principe car les éditeurs ne peuvent pas aborder la théorie si ce n’en est pas une (sauf si l’on le sous-entend au départ).


Analyse des vidéo 2 et 2 bis (à voir ici)

  • 1ère intervention : Lionel LUCA, député UMP des Alpes-Maritimes sur M6 BONUS.fr (non diffusé à la télévision) – analyse de la version intégrale

Homme de paille + appel à la peur + intrusions idéologiques :

L’extrait commence par  » cette théorie est dangereuse  » passe par  » [La théorie] veut légitimer à terme la pédophilie  » et se termine sur « les homosexuels n’ont pas besoin de cette théorie-là pour être reconnus dans notre société et admis comme tels ». Or une théorie scientifique n’est ni dangereuse, ni pas dangereuse, ni sexiste, ni pro-homosexuels, etc. ; une théorie ne veut rien, n’a pas de but politique, elle est valide ou non (et cela peut évoluer au cours du temps et des découvertes) et permet d’expliquer un phénomène.

Je ne pense pas avoir besoin de m’attarder trop longtemps sur le gigantesque homme de paille que brandit ce député :  » ce qui est grave, c’est que cette théorie, sous couvert de reconnaître différentes identités sexuelles, veut légitimer à terme la pédophilie, voire la zoophilie, puisque ceux qui le revendiquent aux Etats-Unis, défendent l’amour pour les jeunes enfants. « 

Plurium affirmatum et Pétition de principe

M. Luca dit : « si Adam et Eve s’étaient posé la question avec le livre, on ne serait pas là pour en parler, tout simplement parce qu’on naît bien homme et on naît bien femme et on se reproduit . » Il admet donc snas le préciser qu’Adam et Eve ont existé (plurium affirmatum) et bâtit sa démonstration de l’affirmation : « on naît homme ou femme » sur deux prémisses :
– l’existence d’Adam et Eve, qui est une hypothèse extrêmement coûteuse (voir Rasoir d’Occam)
– on naît bien homme ou femme
On pourrait « simplifier » le raisonnement et se passer de la première prémisse : « on naît homme ou femme puisqu’on naît homme ou femme ». Sans commentaire.

NG – Je pense a un non sequitur avec une prémisse en pétition de principe:
A – Si Adam et Eve avaient choisi leur genre ils ne se seraient pas reproduits.
B – Or ils se sont reproduits, ils n’ont donc pas choisi leur genre
Donc on naît bien homme ou femme.

Bi-standard sur la reconnaissance d’une théorie

Dans la phrase « Ca ne veut pas dire bien entendu qu’il n’y ait que l’amour entre l’homme et la femme, cela va de soi, c’est reconnu comme tel aujourd’hui […] », M. Luca dit ne pas pouvoir nier l’homosexualité puisqu’elle est reconnue. Il me semble qu’il aurait pu dire de la même manière : « ça ne veut pas dire bien entendu qu’il n’y ait pas de construction sociale de l’identité sexuelle, cela va de soi, c’est reconnu comme tel aujourd’hui […] ». Le critère de validation d’une théorie semble évoluer selon la théorie : c’est un bi-standard.
A moins que la reconnaissance dont il parle soit l’acceptation sociale – on pourra au passage noter l’effet paillasson sur le terme reconnu, mais l’acceptation sociale d’une théorie n’est ni suffisante ni nécessaire pour la valider.

Homme de paille

« …mais ce qui n’est pas la grande majorité des cas ne doit pas imposer sa norme à son tour »
Qui a dit qu’il ou elle souhaitait imposer l’homosexualité à la Terre entière ?

Une phrase puits :

  « je crois que c’est la confusion plutôt que la clarification. »
Je ne le lui fais pas dire…

  • 2ème intervention : Jean-François Coppé

Le genre n’est pas une théorie
voir ici
Mise sur le même plan de la connaissance scientifique et des opinions
« Ce qui est profondément choquant dans cette affaire, c’est que la théorie du genre, qui est une théorie défendue par des personnes mais qui est combattue par d’autres, soit présentée comme une vérité scientifique alors que ça ne l’est pas »
Il est tout à fait certain que les scientifiques débattent sur la validité et le poids relatif des causes invoquées pour expliquer la construction du genre. ceci dit, l’existence du genre est une « vérité scientifique », non pas dans le sens « vérité absolue », mais dans le sens « affirmation validée dans l’état actuel de nos connaissances ». Comme je l’ai déjà stipulé dans l’analyse de la vidéo 1, les personnes qui s’opposent à l’enseignement du genre ne remettent pas en question l’existence de différences entre les sexes. Si maintenant ils réfutent les causes sociales, historiques, psychologiques, etc., sur quels arguments, sur quelles études fondent-ils leur réfutation ?
A décortiquer
« C’est comme si on présentait dans les manuels d’économie le marxisme comme une vérité scientifique alors que ça ne l’est pas, ce n’est qu’une théorie ».

  • 3ème intervention : Eric Zemmour

Homme de paille

« le scandale est double : quand on marginalise le biologique et qu’on pense que la construction d’un homme et d’une femme n’est QUE sociale, parce que c’est CA la théorie du genre, il faut arrêter de se raconter des bobards. La théorie du genre, c’est un constructivisme psychologique et social. L’homme et la femme ne sont QUE ça et on évacue le biologi… c’est ça la théorie du genre. »
C’est le même argument que celui analysé ici

Homme de paille
« comme si la minorité devenait la majorité, comme si l’exception devenait la norme. »
Voir ici

Guillemette Reviron, Nicolas Gaillard

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Technique de la peau de l'ours

La technique de la peau d’ours consiste à vendre l’information avant de l’avoir vérifiée ou faite valider par les pairs.


« Selon une conception idéale de la science, [l]e travail [de vérification] devrait se faire avant la divulgation des résultats, surtout lorsqu’ils sont inhabituels » (de Pracontal, L’imposture scientifique en 10 leçons, p. 110).
Les médias de vulgarisation sont très prompts à vendre des résultats qu’ils n’ont pas encore obtenus, des découvertes qu’ils n’ont pas encore faites, et des espoirs qui se révèlent vite déçus. Nous appelons ça la technique de la peau de l’ours.
Le terme s’inspire bien sûr de la fable de La Fontaine L’ours et les deux compagnons, moralisant ainsi :
[…] il ne faut jamais. Vendre la peau de l’Ours qu’on ne l’ait mis par terre. »
Les exemples sont innombrables, et devraient pourtant, comme la technique de la peau de chagrin, relever de l’escroquerie.
Voici quelques exemples pris dans Pour une didactique de l’esprit critique, de Monvoisin (pp 302-304). 

Le Boson de Higgs

« La particule qui va révolutionner la physique » titrait La Recherche en mai 2003. Ne devrions-nous pas attendre qu’elle la révolutionne effectivement ? (En arrière-plan, une lutte politique entre deux grands laboratoires, occultées par cette quête totalement construite pour l’ »Opinion Publique »).

On savourera au passage « visionnaire » cet article de Sciences & Avenir d’octobre 2000.

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• Max Frei et le « suaire »
Ce criminologiste retraité préleva les échantillons de pollen de la surface du « Suaire » de Turin qu’« aucun autre scientifique, avec deux ensembles additionnels d’échantillons sur ruban adhésif, n’a vu » (Broch 1989, p. 57) : il fit connaître aux médias ses résultats d’analyse, corroborant l’itinéraire théorique du suaire édicté par Wilson (Jérusalem, Edesse, Constantinople et Lirey, en France) immédiatement, sans avis ni contre-expertise, et mourrut en 1983.

« (…) ses résultats n’ont jamais été publiés dans une revue scientifique après « 9 ans d’enquêtes » (…)» (Ibid. p. 56).

• Le gène Gay
De Pracontal :

« (…) «  le « gène gay » de Dean Hamer a fait la une des journaux en même temps que l’article de Science était publié. Dérive supplémentaire : la revue scientifique elle-même incitait la grande presse à l’extrapolation hâtive. Science comporte, à côté des articles scientifiques proprement dits, des pages qui décrivent les découvertes récentes en termes accessibles. Dans le n° de juillet 93 où figurait l’article de Hamer, ces pages très publiques contenaient une interview- commentaire du chercheur intitulé « évidence en faveur d’un gène de l’homosexualité ». On y lisait, entre autres affirmations hasardeuses : « d’après Dean Hamer, il semble vraisemblable que l’homosexualité découle de causes diverses, génétiques et peut être environnementales ». Le titre original de l’article était moins affriolant : « une liaison génétique entre des marqueurs d’ADN sur le chromosome X et l’orientation sexuelle masculine ». On est frappé, comme le souligne Bertrand Jordan, par « l’incroyable glissement effectué depuis un article scientifique qui suggère, avec maintes précaution, la localisation d’une contribution génétique à ce comportement, jusqu’à un écho paru dans le même n° qui affirme l’existence d’un « gène de l’homosexualité« . (ouv.cité, pp. 113-114).

D’autres Terres
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À la recherche d’autres terre, avec effets d’annonce à la clé et vraisemblablement des enjeux
technologiques dépolitisés par ce scénario.
 

… ou l’art de vendre une information hypothétique. Par une technique de la peau de l’ours, on « appâte » le lecteur en lui offrant non seulement d’autres planètes (des milliards qui plus est) mais surtout d’autres « Terres ». Un seul conditionnel dans les slogans laisse songeur, surtout lorsque nous nous rappelons qu’on pouvait lire la même chose trois ans avant (ce qu’on appelle la technique du liquide vaisselle – à venir).

Pour aller plus loin

Oon pourra consulter

  • La relativité contredite, Figaro (23 septembre 2011)
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Août 2011 Le CorteX dans Sport & Vie (Richard Monvoisin)

altOn trouve dans le Sport et Vie n° 127 de juillet-août 2011 un article de Richard Monvoisin intitulé « Petit cours de zététique accéléré« .

Pourquoi Sport & Vie ? Parce que cette revue est une des très rares revues sportives à faire de l’analyse critique non seulement des pratiques, mais également des affirmations et allégations étranges qui jalonnent le monde sportif. Eric Bévillard, de l’Observatoire zététique, m’en avait souvent parlé. Sur demande, j’ai donc accepté de faire une introduction à la démarche zététique dans ce magazine grand public.
J’avoue que cet article a vécu quelques péripéties : ma première version allant être assez maladroitement retouchée et truffée de coquilles, je devrai quelque peu froncer le sourcil que j’ai épais pour que, bon an mal an, on éradique toutes les petites bêtises. Il aura fallu que je bataille aussi sur des affirmations péremptoires placées en légende d’image ou en titre de colonne, sans parler des images elles-mêmes, que je n’ai absolument pas choisies : je suis particulièrement tombé de ma chaise quand j’ai vu l’image d’introduction (un entraîneur mâle coachant une équipe féminine de Hand-ball ou de volley-ball russe) qui non seulement avait peu à voir avec la choucroute, mais entérinait un cliché sexiste que j’abhorre (voir ci-contre).
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Finalement, l’article n’a pas exactement la teinte, ni l’iconographie que je souhaitais. La plupart des erreurs incrustées ont été corrigées sur le fil, après maints allers-retours. Tout je crois – hormis cette satanée photo sexiste qui n’illustre en rien mon propos. Mais le jeu en valait peut-être la chandelle ? Dois-je accepter de voir mes textes remaniés si c’est la condition pour qu’ils soient lus dans une telle revue, qui détonne dans le milieu de la pratique sportive ? N’hésitez pas à me faire part de votre avis.

J’oubliais : dans le même numéro, Olivier Beaufays signe un très bel article que j’ai eu le privilège de relire et d’annoter avant publication. Il traite de la magnétothérapie. Merci de sa confiance. Et mercis amicaux à Eric Bévillard.

Richard Monvoisin

Entraînez-vous ! Effectifs, polices municipales, les questions qui fâchent (Figaro)

Le 7 Juillet 2011, la Cour des Comptes rend public un rapport intitulé L’organisation et la gestion des forces de sécurité publique. Le lendemain, le Figaro.fr publie l’article qui suit. Une belle occasion de tester l’outillage critique sur des sujets politiques !
Mon analyse est à votre entière disposition ici.

Guillemette Reviron

Effectifs, polices municipales, des questions qui fâchent (LE FIGARO.fr)

Un certain nombre de points, évoqués dans le rapport de la Cour des comptes, agacent la Place Beauvau. Revue de détail.

La baisse de la délinquance résulterait de «l’amélioration par les constructeurs autos des dispositifs contre les vols»
«Raccourci trompeur, d’autant plus qu’une telle affirmation ne fait l’objet d’aucune démonstration sérieuse…», rétorque Claude Guéant. «Contrairement aux allégations des rapporteurs», le ministre de l’Intérieur défend ses troupes en expliquant le repli des crimes et délits par «les efforts de mobilisation des services et l’efficacité des services d’enquêtes». Entre 2002 et 2009, le nombre des infractions révélées par l’activité des services est passé d’environ 200.000 à 290.000, soit un bond de 46 %.
L’essor des polices municipales serait lié à une «forme de recul» des missions de surveillance générale par l’État
«Manifestement, tout en prenant acte de la place prise par les polices municipales en France, la Cour semble mésestimer leur rôle et leur importance», insiste Claude Guéant. «Je conteste vigoureusement l’interprétation que font les rapporteurs», lance le ministre qui rappelle que ses instructions visent plutôt à une reconquête du terrain. Par ailleurs, il précise que «le principe de coordination repose sur une logique de complémentarité et non de substitution».
La participation de l’Intérieur à l’effort de réduction des emplois publics annulerait les recrutements antérieurs
Selon Beauvau, «la Cour confond meilleur usage des deniers publics et contrainte sur les moyens». «Il est regrettable que la Cour ne prête nullement attention aux efforts continus depuis 2002 pour moderniser les forces de sécurité, lâche-t-on à l’Intérieur. En recentrant les forces de sécurité sur leur cœur de métier, les réductions des charges indues (transfèrements, garde des dépôts, sécurisation de salles d’audience) ou de missions périphériques (convois exceptionnels, gardes statiques) permettent ainsi à la police d’offrir le même niveau de service à la population.»
L’efficacité de la vidéo mise en doute
Rappelant que c’est depuis les attentats de Londres en 2005 que la France mise sur la vidéoprotection, Claude Guéant rappelle qu’un rapport de l’Inspection générale de l’administration a conclu la même année à «un développement insuffisant» et à une «implantation aléatoire des dispositifs les rendant mal adaptés à l’évolution des risques encourus par les citoyens». Environ 60.000 caméras devraient couvrir le pays d’ici à 2012.

Je vous propose mon analyse ici. N’hésitez pas à nous écrire pour nous faire part de vos suggestions ou remarques !

Guillemette Reviron