Décortiqué – Crise du masculin, Le Monde, 7 mars 2011

Crise du masculin

Rafik Smati LEMONDE.FR | 07.03.11 |


La place des femmes dans l’économie est un sujet au coeur du débat public.

Phrase-puits : elle ne contient pas d’information. Elle ne sert qu’à « créer » artificiellement l’enjeu de l’article.

Débat public : concept flou, du même type que « ordre public » ou « opinion générale ».

Faux, ou alors j’ai très mal lu les sujets brûlants du débat public…

 

Aussi, à l’occasion de la Journée Internationale des Droits de la Femme, il parait opportun d’approfondir les enjeux liés à l’avènement d’un « capitalisme féminin ». Il n’a échappé à personne

Technique de ratissage, du même genre que « vous n’êtes pas sans savoir », « nous savons tous que »…

En aparté : pourquoi attendre la journée en question pour aborder la question de la représentation des femmes dans les appareils de pouvoir ?

 

que les traders des salles de marché étaient dans leur quasi-totalité des hommes.

Homme / Femme : catégorisation très limitée et normative des sexes. Près de 2% des individus naissent intersexes, hermaphrodites, etc, sans compter les transsexuels et les transgenres qui ne se reconnaissent pas dans leur sexe biologique. À noter : en Australie, depuis 2006 le recensement autorise un classement ni homme ni femme mais « androgyne ».

 

Dès lors, nous pouvons nous poser la question suivante : la crise financière que nous avons connue aurait-elle eu lieu si ces mêmes traders avaient été des femmes ? Probablement pas.  

Pétition de principe (cf. définition).

Trop facile : jugement de valeur et raccourcis dommageable. Définition d’un « capitalisme féminin » ? Système d’accumulation d’un capital majoritairement détenu par les femmes ? Absurde… Pouvoir politique détenu par les femmes ? Dans ce cas, c’est différent, gros problème de notions. Je suggère de jeter un œil aux décisions politiques des femmes qui ont détenu un pouvoir accru et dont les actions ont eu une répercussion de grande ampleur. Comme ça, de mémoire, je vois surtout M. Thatcher…

Possibilité de faire un autre raccourci tout aussi biaisé : les femmes occupant des postes haut placés peuvent parfaitement éprouver le même appétit pour le jeu et être tout autant appâtées par le gain… Le rapport au sexe est réfutable puisqu’il s’agit d’un risque systémiquequi, par définition, ne met pas l’individu en cause mais la masse composant le système lui-même. En d’autres termes, ce n’est pas chaque individu pris en tant que tel qui fait fonctionner le système, mais la masse (en tant que groupe). En d’autres termes, le système s’autoalimente, s’autogère, sans que de réelles décisions soient prises. Les femmes seraient tout autant aspirées par le système si elles en faisaient davantage partie.

 

D’abord, il y a les chiffres : les femmes ne représentent que 17 % des décideurs financiers de Grande-Bretagne et seulement 2,5 % des cadres dirigeants des banques et des compagnies d’assurance.

Des chiffres ? Vite, vérifions. En croisant les mots-clés femmes, 17%, 2,5% et islande (cf point suivant), on tombe sur le document N°12195 du 8 avril 2010 de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, qui lui-même renvoit vers la source vraisemblable de l’auteur :  la professeure d’économie Anne C. Sibert, qui écrit ceci.

Women hold only 17% of the corporate directorships and 2.5% of the CEO positions in the finance and insurance industries in the US / Les femmes occupent à peine 17 % des postes de direction dans les entreprises et 2,5 % des postes de PDG dans les milieux de la finance et de l’assurance aux Etats-Unis.(souligné par moi)

et non en Grande-Bretagne. Anne Sibert, «Why did the bankers behave so badly?», Vox, 18 mai 2009. A. C. Sibert indique par ailleurs sa source :  Sullivan and Jordan 2009. Il suffit alors de se reporter à sa bibliographie en fin d’article et hop -> Sullivan, Kevin and Mary Jordan, “In Banking Crisis, Guys get the Blame: More Women Needed in Top Jobs, Critics Say,” Washington Post Foreign Service, 11 février 2009.

Que disent Sullivan et Jordan ?

In the United States, women hold 17 percent of the corporate directorships — and 2.5 percent of the CEO posts — in the finance and insurance industries, according to Catalyst, a U.S.-based nonprofit group that promotes opportunities for women in business. Traduction : (…) selon Catalyst, organisme consultatif de recherche états-unien sans but lucratif qui se consacre à l’avancement des femmes en affaires.

Résumé : l’auteur reprend en les appliquant à un autre pays des données peu nuancées, qu’il prend à Sibert, qui elle-même les prend à Sullivan & Jordan, qui lisent un rapport de Catalyst.

 

Plus impressionnant encore, l’Islande, dont nous savons que l’État a récemment été en situation de faillite, ne comptait qu’une seule femme banquière, et qu’elle dut quitter son poste en 2006.

Ce qui ne constitue pas une preuve.

D’autant que l’auteur semble s’abreuver à la même source.

Anne C. Sibert : « In Iceland – home to a particularly spectacular collapse – it is said that there was just one senior woman banker, and that she quit in 2006 ».

Puis elle donne sa propre source : Lewis 2009. Un clic plus bas, on trouve : Lewis, Michael, “Wall Street on Tundra,” Vanity Fair, Apr. 2009. Mais dans l’article, aucune trace de cette fameuse banquière. Je cherche un peu avec mots-clés Femme islande 2006 banque, avec quelques variations, et tombe sur un article de Marie-Joëlle Gros , Les femmes piquent la crise, Libération, 2 février 2009. On peut y lire :

« Margit Robertet, 45 ans dont vingt à travailler avec des banquiers, raconte : «Le milieu des banques d’affaires était massivement masculin. (…) » Plus le temps passait, plus elle se sentait «patiner sur une glace de moins en moins stable». Elle démissionne pour rejoindre Halla Tomasdottir et Kristin Petersdottir, qui venaient de fonder Audur Capital.

Je rentre alors « Margit Robertet » dans un moteur de recherche et j’obtiens sur LinkedIn :

Margit Robertet, Head of Debt Finance de Straumur Investment Bank, Public Company; 201-500 employees; STRB; Investment Banking industry, September 2005 – November 2007 (2 years 3 months).

Si c’est bien elle, elle n’a pas « du » quitter son poste, comme le dit l’auteur, elle a démissionné, et ce n’est pas en 2006, mais en 2007. Bref, peu importe ! Ce qui est captivant est l’effet boule de neige et la suite des recopiages des uns sur les autres sans réelle vérification.

Les chiffres sont mal utilisés, les décideurs financiers étaient-ils directement impliqués dans l’échange des titres en jeu ?

Des chercheurs de l’université de Cambridge, en Grande-Bretagne, sont allés encore plus loin.

Argument d’autorité (cf. 18 moisissures argumentatives). Qui sont-ils ? Chercheurs en quoi ? Travaillent-ils effectivement à l’Université de Cambridge ?

Un maître-nageur employé à l’Université de Cambridge travaille aussi à l’Université de Cambridge. Petite recherche avec mots-clé traders testosterone et Cambridge. On trouve alors le nom des auteurs, John Coates and Lionel Page et très rapidement le lien vers leur travail intitulé A Note on Trader Sharpe Ratios (cf. plus loin).
 

Ils expliquent la désaffection des femmes pour les métiers de la finance et les comportements irrationnels des hommes, en se référant à la testostérone, l’hormone sexuelle masculine.

Sur quelles études s’appuient-ils pour évoquer cette désaffection ? Les chiffres donnés ne prouvent rien, encore une fois et certainement pas que les femmes ne sont pas intéressées par la finance. On confond ici constat (le nombre de femmes dans la finance) et motivations. Effet atchoum ? (ou post hoc ergo propter hoc).

Les prémisses posent déjà problème : y a-t-il assurément désaffection (« perte de l’affection » des femmes ? Ou plutôt un non-encouragement vers des métiers genrés masculins ? A moins que ce ne soit le milieu, probablement machisant, qui repousse les femmes essayant de s’y intégrer ?

De même, les comportements des traders sont-ils « irrationnels » ? Rien n’est moins sûr.

Nous voyons là un cas typique d’essentialisme : expliquer par un paramètre « naturel » ce qui peut avoir une origine purement sociale. Le rasoir d’Occam nous est utile ici : on ne doit pas multiplier les entités plus que de raison → l’explication la moins coûteuse, l’hypothèse sociale, est à privilégier.

Effectivement, le comportement des intervenants du marché n’est pas « irrationnel », bien au contraire,. Conseil à l’auteur : lire quelques travaux issus de la finance comportementale. Les mouvements financiers sont des phénomènes de foule, auxquels s’appliquent la psychologie des foules de G. Le Bon, par exemple, ou la théorie générale de Keynes. Ces phénomènes n’ont strictement rien à voir avec les hormones.

Note : pour des choses plus récentes, on pourra lire André Orléan, la plupart de ses écrits abordent le sujet, mais il a publié un livre vraiment pédagogique en la matière : « Le pouvoir de la finance« . De nombreux économistes considèrent que le fonctionnement est rationnel (c’est juste qu’il est inefficace) : parmi les plus connus, Keynes, Galbraith, Kindleberger...

 

Ces chercheurs ont d’abord procédé à des prélèvements de salive sur des traders de salle de marché, afin d’évaluer leurs taux de testostérone. Le constat fut édifiant : les taux se sont révélés anormalement élevés les jours où les prises de position étaient les plus risquées et les gains les plus importants. Très difficile, d’ailleurs, d’évaluer la cause et la conséquence : la testostérone augmente-t-elle avec la prise de risque, ou en est-elle la cause ? Il y a fort à parier

Selon l’auteur.

que les deux s’auto-alimentent, de sorte que les phénomènes de bulles financières sont d’une certaine façon la conséquence d’une spirale mêlant poussée de testostérone et prise de risque.

Effet atchoum (ou post hoc ergo propter hoc, cf. définition) ou non sequitur, je ne sais pas mais y quelque chose à creuser, là, c’est certain !

Effet cigogne : l‘auteur parle de cause et de conséquence, là où il ne pourrait y avoir qu’une simple corrélation, qui plus est non statistiquement valable.

Il utilise une technique de la peau de l’ours, qu’on vend avant de l’avoir tué, avec son « Il y a fort à parier que les deux s’auto-alimentent ». J’aimerais bien qu’il parie.

« de sorte que les phénomènes de bulles financières sont d’une certaine façon

Mot-fouine (cf outillage – à venir), « d’une certaine façon » vide la phrase de sa substance.

 

la conséquence

Effet cigogne.

 

d’une spirale mêlant poussée de testostérone et prise de risque.

Houlà ! on mélange les genres, là : c’est quoi, la testostérone ? Ca sert à quoi ? Et on n’a pas fait d’autres mesures, comme celle de l’adrénaline, par exemple. Parce qu’avec un argument aussi faussement scientifique, on peut aussi induire que l’adrénaline est le moteur de l’économie. On se prend un shoot d’adrénaline et hop, tous les traders sont des drogués…

Prise de risque qui est bien souvent elle-même une conséquence du cahier des charges capitalistique qui est donné au trader. En naturalisant le problème, on gomme tout le contexte économico-politique qui pousse les banques à pousser les traders à prendre ces risques.

Les bulles financières émanent d’une euphorie collective depuis la nuit des temps…

…disons, depuis que l’on peut prêter de l’argent à une entité qui selon nous peut s’avérer rentable, comme l’Etat, une entreprise, une personne qui est amenée à faire fortune, d’où le terme « nouvel eldorado » : la cause sous -acente de chaque crise est la croyance collective en un nouvel eldorado). En d’autres termes, la bourse existe depuis que la monnaie existe, et depuis qu’on peut échanger. Elle s’est juste concrétisée sous différentes formes, et celle qu’on lui connait actuellement remonte au 14ème siècle. Là-dessus, il existe un livre au titre évocateur : « This time is diffrent » de Reinhart et Rogoff, qui justement réfutent l’idée que chaque crise est différente, comme l’avait fait Galbraith avec « Brève histoire de l’euphorie financière« . On croit toujours que cette crise est différente des autres mais c’est faux : toutes émanent d’une innovation financière (changement juridique, de technologie etc.)

Aujourd’hui, dans la majorité des cas, elles partent des investisseurs institutionnels (fonds de pension etc.), auxquels les intervenants plus éparses font confiance, la bulle s’autoalimente sous l’effet d’une croyance collective de l’existence d’un nouvel « Eldorado ». La bulle est avant une variable systémique : issue du système lui-même, tel qu’il a été construit (ou plutôt, dans ce cas, déconstruit) et non de ses intervenants… Le phénomène de foule agit de telle sorte que « si les autres achètent/vendent, alors je dois acheter/vendre », quelles que soient les conditions intrinsèques de l’entité concernée. La marge de manœuvre est souvent inexistante… le trader n’est pas autonome et le système étant ce qu’il est (et dans ce cas, il faut rappeler qu’il a été démantelé par le politique, et non par les traders, dont les chefs de file étaient Monsieur Reagan…et Madame Thatcher… ;-), peu importe que le « sujet » soit de sexe masculin ou féminin…

Sans doute touchons-nous ici du doigt le cœur de la crise du capitalisme.

Sans doute s’en éloigne-t-on je pense.

L’environnement financier mondial est en grande partie dominé par des hommes.

Confusion entre environnement financier et sphère politique.

Ces hommes, qui ne peuvent désormais plus utiliser leur testostérone dans les conquêtes, dans la guerre ou dans la chasse, vont trouver un exutoire dans ce nouveau terrain de jeu qu’est l’économie financière, par le truchement de prises de position boursières très souvent risquées.

Nous ne sommes pas très loin des clichés classiques « les hommes viennent de Mars », où l’homme a besoin « naturellement » de bagarre, de guerre, de parler fort, de dominer. Certain-es féministes classent ces arguments dans cette nouvelle vague du « neurosexisme ». Les sciences et les études de genre montrent pourtant que cette tendance provient plus volontiers de l’éducation de genre faites aux enfants que de leur sécrétion de testostérone.

Les prises de risque et la bourse existent depuis des centaines d’années… Exemples : Tulipomanie en Hollande, 17ème siècle ; spéculation sur les mines d’argent en Amérique Latine, 19ème siècle, pendant et après les guerres napoléoniennes. Les deux ont débouché sur des crises d’une très grande ampleur).

 

Cette prise de risque et le gain qu’elle peut générer sont une source d’exaltation et de jouissance extrême, jouissance qui est elle-même à l’origine d’une poussée supplémentaire de testostérone, qui à son tour incite à engager de nouveaux risques, etc. Nous sommes ainsi dans une spirale risque/testostérone dont l’effet est d’alimenter une bulle financière.

Pente savonneuse évidente.

L’histoire a démarré encore un cran avant dans la bêtise.

Selon Coates, co-auteur de la publication en question, le signe distinctif du trader est un annulaire bien plus long (?) que l’index. Comme les lycanthropes ! L’amie Agnès Lenoire raconte sur son blog Doutagogo

49 traders ont livré leurs mains. Ils ont en commun un annulaire plus long que l’index. Et alors ? Alors John Coates et son équipe de l’université de Cambridge qui ont conduit l’étude en ont déduit que ces traders étaient des hommes, des vrais, des bourrés de testostérone. « Les envahisseurs » de David Vincent avaient le petit doigt en l’air, ceux de Wall Street dressent fièrement leur annulaire. Donc John Coates n’a pas fait mieux que Larry Cohen, créateur de la série. Fallait-il être universitaire pour tirer des conclusions aussi fumeuses, fondées sur un échantillonnage aussi réduit ? Hormis les 49 étudiés, comment sont les autres ?

Agnès explique d’ailleurs le biais « de Diagoras de Melos », poète grec athée du Ve siècle : Marcus Tullius Cicéron raconte qu’on montra un jour à Diagoras une liste de croyants qui avaient prié avec ferveur et avaient ainsi été rescapés d’un naufrage. Diagoras aurait alors demandé : « Où sont les noms de ceux qui avaient prié et qui sont morts ? »

Faux, donc.

 

A quoi donc pourrait ressembler un « capitalisme féminin » ? Un capitalisme féminin serait probablement un capitalisme plus apaisé ;

Qu’entend-il par capitalisme féminin ? Il ne l’explique pas. Et même si l’auteur a déjà écrit sur le capitalisme féminin, il doit le définir à chaque fois qu’il aborde ce sujet. C’est la moindre des choses quand on axe deux pages là-dessus…

 

un capitalisme plus orienté vers le long terme que vers le court terme ; un capitalisme conscient de la limitation des ressources ; un capitalisme qui accorde une importance à l’éducation ; un capitalisme probablement moins ludique et plus prudent.

Montée savonneuse… Cet argument qui n’en est pas un ne s’appuie sur rien d’autre que le résultat d’une étude elle-même pas vraiment claire… Soit les femmes ne sécrètent pas de testostérone mais rien ne prouve que c’est cette hormone qui fait grimper les traders aux rideaux des bourses. (oui, l’image est hardie, je sais, je sais)

Scandaleusement savonneuse, cette montée. Pourtant, les femmes aussi sécrètent l’hormone, en moins grande quantité « en moyenne », mais à l’échelle d’une population, les gammes de concentration pour les hommes et les femmes sont très étendues, ainsi se chevauchent-elles respectivement pour les valeurs basses et hautes.

On voit la finalité implicite : trouver des causes exogènes (les traders et leurs hormones) à un problème endogène (la faillite capitalistique), et ainsi sauver la théorie économique capitaliste en la réformant – capitalisme durable pour certaines, apaisé, conscient, éducatif, ludique pour l’auteur. Ce genre de recherche, aussi bien menée puisse-t-elle être sur le plan méthodologique, a une visée idéologique évidente.

Faudrait-il alors imposer des quotas de femmes dans les salles de marché ou dans les conseils d’administration des multinationales ?

Sophisme de population : tirer d’une moyenne sur une population une conclusion pour des individus. Il faudrait ne faire rentrer que des hommes à bas taux de testostérone, et faire entrer des femmes sauf celles à haut taux. C’est parfaitement stupide.

On peut, mais tant que le système n’est pas régulé par le politique, « il y a fort à parier » que l’effet sera quasi-nul.

 

J’ai longtemps été contre le principe de la discrimination positive, considérant que toute discrimination, positive ou non, contient en elle les germes d’une inégalité.

Argument d’autorité. Mais qui est l’auteur ? Un écrivain, auteur d’un livre A PARAITRE, donc dont on ne connaît ni la teneur, ni l’intérêt, rien de rien. Cela n’engage donc que lui.

 

Pourtant, nous voyons bien qu’une trop grande concentration de testostérone peut aboutir à des situations de crise.

CQFD ? Alors que rien n’a été démontré.

Créer une discrimination positive n’est pas forcément idiot selon les cas – exemple, privilégier dans un débat de donner la parole à cell/eux qui n’ont pas encore parlé. C’est par contre idiot si on ne traite pas les causes de ladite discrimination. Avec ce genre d’étude, on ne résout absolument rien.

Ceci est vrai pour les salles de marché, ça l’est aussi pour les conseils d’administration des grandes sociétés, où seulement 9 % des membres sont des femmes.

Resterait, pour être précis, à indiquer ce qu’est une « grande société » (taille, poids financier, nombre d’employé-es, ou – rêvons un peu – redistribution des dividendes aux travailleurs ?).

L’idée qui consiste à instaurer un quota progressif de 20 %, puis de 40 % de femmes dans les conseils d’administration des sociétés de plus de mille personnes fait son chemin. Certains pays, tels que la Norvège, l’appliquent déjà.

Appel à la popularité + je ne sais pas à quoi cela peut correspondre mais force est de constater que les pays nordiques constituent des références exemplaires, une sorte d’Eden où tout le monde il est beau tout le monde il est gentil. Nul problème n’émane de ces pays qui ne sont cités que pour les points positifs.

Elixir du suédois et saumon de Norvège ! (Je plaisante, ces «effets » n’existent pas).

Je dirais plutôt d’un argumentum ad gratinum, ou argument du gratin :

1. La catégorie de gens à laquelle je m’identifie ou que je prends pour modèle pensent que

X=b

2. Donc X=b

(cf thèse Monvoisin, p 227)

Il est vrai qu’il y a des avancées majeures sur le plan des droits en Scandinavie, mais c’est loin d’être un Eden : protectionnisme acéré, immigration jugulée, concepts type « les vrais finlandais », (parti du  Perussuomalaiset) , programmes de stérilisation contraintes.

Sur ce dernier point : entre 1935 et 1976 en Suède, 62 000 personnes, dont 93% de femmes, ont été stérilisées. En 1934 puis en 1941, les différents gouvernements ont adopté deux lois de stérilisation à ces fins, autorisant cet acte d’abord pour les « déficients mentaux » puis pour tous les « asociaux » : handicapés mentaux, femmes aux « mauvaises mœurs » ou ne pouvant entretenir leurs enfants, « marginaux », tziganes, mauvais élèves, et toutes personnes perçues comme entraves au développement d’une société moderne ! Ces pratiques, décidées par un Comité national saisi de demandes écrites des hôpitaux psychiatriques, des maîtres d’école, des maisons de correction, étaient, selon les mots de l’historienne Maija Runcis « perçues comme une intervention humanitaire profitable à tous, permettant d’éliminer les maladies et la pauvreté ». Ce n’est qu’en 1997 qu’un journal suédois a révélé au grand public le scandale .

 

Le conseil d’administration est l’organe de décision clé de l’entreprise. C’est en son sein que s’élabore la stratégie, que se décident les projets à long terme. À l’évidence,

Quelle évidence ? Cette assertion n’est basée sur rien, aucune étude probante, seule l’évidence de l’auteur fait force d’autorité !

 

davantage de femmes dans les conseils d’administration aura un impact fondamental sur la gouvernance des entreprises et sur leur devenir.

Fondamental ? Effet impact

Trop normatif et réfutable. Problème de définition : que sont pour l’auteur les « marchés financiers », les « traders », à quels marchés fait-il allusion ? Confusion dommageable.

Si l’on ajoute à cela que le premier marché émergent n’est ni le Brésil, ni la Russie, ni l’Inde, ni la Chine… mais les femmes,

Effet « surf & turf » ou comment additionner des carottes et des canards.  Depuis quand les femmes sont-elles un pays ? Un état au même titre que la Chine ou le Brésil ?

Les femmes en tant que premières consommatrices mondiales ou en tant que premières investisseuses? Dans tous les cas il se contredit, si les femmes représentent à ses yeux le premier marché émergent (mot mal choisi quand on sait qu’en économie, un marché émergent est défini par l’existence d’un secteur financier relativement complet, d’où le fait que l’Amérique Latine est un marché émergent alors que l’Afrique non, car l’Afrique ne possède pas de secteur bancaire et financier digne de ce nom), alors elles sont effectivement partie prenante du capitalisme…

l’on comprend aisément l’impact du féminin sur l’évolution du système économique ces trente prochaines années.

En résumé, ce monsieur a écrit deux pages pour ne rien dire. Tout est avancé, sans qu’aucun argument effectif et réellement scientifique ne vienne étayer cette thèse

Je souscris à votre analyse, Sophie, mais je ne fais pas la même conclusion. Monsieur Smati avait déjà cette thèse dans « Vers un Capitalisme Féminin » (éditions Eyrolles, publié en 2010), « essai dans lequel il défend l’avènement d’un modèle de civilisation basé sur des valeurs féminines » (dixit son blog).

Je pense que ces deux pages dans le Monde ne sont pas des pages « pour ne rien dire », au contraire : elles usent un procédé naturalisant, ce qui est pénible, pour éviter une analyse plus profonde des mécaniques capitalistes, et ainsi sauver sur fond de pseudo-féminisme facile une version capitaliste réformiste. Cela « enracine » (le mot est choisi) encore plus profondément la théorie capitaliste, en faisant de la science au rabais.

J’ai vu que l’auteur propose de laisser des commentaires sur cet article justement. Peut-être prendra-t-il le temps de nous écrire pour nous expliquer pourquoi il nous impose une tribune scientifiquement aussi pauvre ?

Confusion. Je pense qu’il veut dire, depuis le début, évolution « du système politique ».

 

 

A vous !
Richard Monvoisin