CorteX_CLEPT

Mode d'emploi – monter un atelier Zététique en Collège/ Lycée

L’objectif du CorteX est de fournir de la ressource pédagogique pour tout enseignant qui souhaiterait développer l’esprit critique de ses élèves ou étudiants. Alors à chaque nouvelle initiative qui voit la jour, faire un petit topo s’impose.
Voici la description d’ateliers en 2011 :
Atelier zététique au Collège Lycée Elitaire pour Tous (CLEPT) de Grenoble, par Richard Monvoisin

Atelier Physique-Chimie et Esprit critique au collège Stéphane Mallarmé, à Marseille, par Denis Caroti
Atelier Zététique au collège Champollion à Grenoble, par Nicolas Gaillard


Atelier zététique au Collège Lycée Elitaire pour Tous (CLEPT) de Grenoble, par Richard Monvoisin

CorteX_CLEPT

Voici comment, à partir d’une présentation Zététique & autodéfense intellectuelle le 21 avril 2011 au Collège Lycée Elitaire pour Tous (CLEPT) de Grenoble, j’ai créé un atelier Zététique pour les Terminales. Je suis d’autant plus ravi d’y apporter le savoir-faire du CorteX que le CLEPT est une structure en grave danger de fermeture.
 
Le CLEPT, sous l’impulsion pédagogique tout à fait novatrice de son équipe*, accueille des élèves dits « raccrocheurs », c’est-à-dire des élèves ayant décroché du système classique et souhaitant tout de même rattraper le cursus. Parmi toute une gamme de méthodes, l’une d’elle consiste à élargir les possibilités de rapports pédagogiques non-évaluant pour des élèves malmenés habituellement. Aussi des professionnels sont-ils conviés et, accompagnés d’enseignants du CLEPT proposent une transmission de savoir non sanctionnée par une note.

Le contexte : une classe de 15 terminales de diverses sections, en début d’année, et deux enseignantes, l’une de SVT (Elisabeth David), l’autre de philosophie (Emmanuelle Rozier)*.

Qu’ai-je proposé ? J’ai fait un exposé simple de la zététique, des enjeux, des rapports entre science et croyance, science et foi, science et idéologie, puis j’ai expliqué cette démarche universelle qui consiste à vérifier la source de l’information qui nous est délivrée. J’ai alors donné un exemple factuel de méthode appliquée à un support « paranormalisant » (car l’accroche est vite faite, quel que soit le public). Il s’agissait en l’occurrence de l’affaire de la momie Ötzi et de la présumée malédiction qui frappe ceux qui l’approchent.

Pourquoi ce choix ?

  • D’une part parce que TF1 proposa en 2007 une séquence lors de l’émission « Les 30 histoires les plus mystérieuses » qui regroupe un incroyable nombre de biais et de malfaçons journalistiques (voir ici).
Pis, TF1 lors de son Journal Télévisé de 20h du 16 mai 2005 consacra quelques minutes à cette « malédiction » dans des termes pratiquement similaires et ne laissant aucune part à l’analyse critique (PPDA se trompe même dans sa référence littéraire).
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  • D’autre part parce qu’il s’agit d’un sujet que je connais bien pour m’y être consacré en 2005 avec mon ami François Blaire. Je peux donc répondre à un certain nombre de questions sur la momie. Je pus surtout avec les élèves illustrer quelques manufactures journalistiques grossières.

Enfin, j’en vins à mon propos : leur proposer une enquète complète, de toutes pièces, sur un sujet du même genre : le Triangle de la Burle, ce fameux triangle « des Bermudes » des cévennes et ses fameux accidents d’avion.

Vrai ? Pas vrai ? Sources d’information, témoignages, livres, nous avons scanné la séquence qui porte sur le Triangle dans l’émission « Les 30 histoires les plus mystérieuses« .

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=-Be2xbhatzo]

Nous avons 7 séances programmées.

La première sert à les envoyer à la recherche d’informations. La deuxième devrait normalement servir à repartir avec méthode, et aller fouiller les informations de manière quasi-enquêtrice.

Je vous tiendrai informé des résultats et du rendu de l’expérience – qui devrait en tout état de cause être présenté en public courant novembre 2011.

A votre disposition pour toute question.

Richard Monvoisin

* L’équipe en question est emmenée par Dominique Bocher, Marie-Cécile Bloch et Bernard Gerde. Je tiens à remercier tout particulièrement Thomas Antoine, professeur d’Education Physique et Sportive, ainsi qu’Elisabeth David et Emmanuelle Rozier qui m’accompagnent hardiment dans cet atelier.



 

Atelier Physique-Chimie et Esprit critique au collège Stéphane Mallarmé, à Marseille, par Denis Caroti

La tâche est rude : parler de sciences physiques et chimiques à des élèves de 15 ans, en rupture scolaire pour la plupart, placés (avec leur accord) dans une classe spécifique pour bénéficier d’une alternance stages-cours au collège et dont la motivation pour ces derniers n’est pas toujours au rendez-vous, loin de là.

Cette classe de 3ème regroupe une vingtaine d’élèves, et se rapproche de ce que certains connaissent sous le nom de 3ème insertion.CorteX_loupe

Je les vois toutes les semaines, 1h en demi-groupe, en alternant le premier et le second d’un lundi à l’autre.

De ce profil particulier auquel je n’ai jamais été habitué, il fallait faire les choses autrement. Parler de physique-chimie je sais faire en principe c’est mon boulot mais centrer mon enseignement autour de l’esprit critique avec des élèves en décrochage scolaire, ça, c’est tout nouveau. J’ai donc décidé de semer quelques graines de sciences et d’esprit critique dans leurs cours. Comment ? C’est que je vais tenter de décrire ici.

Entrée en matière

L’idée de ces cours est simple : enseigner les sciences physiques sous un jour différent, sans lien direct avec les programmes de 3ème tout en suivant une ligne directrice « officielle », et en ayant pour objectif de former l’esprit critique des élèves.

Dans ce premier rendez-vous, j’ai donc commencé par présenter aux élèves l’objectif de cette année : faire des sciences, faire la chimie, de la physique avec plaisir et surtout en rendant cet enseignement utile pour eux. Rappel : pour eux qui n’en feront certainement jamais plus, de physique et de chimie…

Ensuite, nous avons discuté du sens de l’expression « esprit critique ». Oui, préciser ce genre de choses n’est pas inutile puisqu’aucun n’a pu me dire exactement de quoi il était question. « La critique monsieur, c’est quand on dit que c’est pas bien » fut sans doute la phrase la plus proche du sens réel.

Après quelques explications et exemples de critiques positives, nous sommes parvenus à une ‘définition’ simple : faire preuve d’esprit critique = être capable de distinguer le plutôt vrai du plutôt faux, donner et faire son avis en connaissance de cause.

Mise en application

Pour mettre en application concrètement ce premier travail sur le sens des mots, j’ai proposé de visionner cette vidéo :

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…qui souleva bien des réactions telles que « Je le savais, j’avais déjà vu un truc sur ça » ou « C‘est dingue ce que ça peut faire les ondes« .

Puis j’ai tout de suite enchaîné par celle-ci :

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… qui suscita elle aussi de vives réactions, différentes néanmoins : « Ahhh, c’est un blague monsieur !! » ou « C’est truqué, ça se voit !« 

Ces réflexions m’ont permis d’enchaîner avec une question simple : pourquoi pensez-vous que la seconde est truquée et pas la première ? Les élèves, étonnés, ont pu alors revoir la première vidéo et mettre en doute de sa véracité. Pourtant, toujours pas d’unanimité.

Mais comment trancher ? Je n’ai pas eu à attendre longtemps pour entendre « Il faut le refaire monsieur ! » L’occasion pour moi d’insister sur le rôle de l’expérience en sciences.

Et voilà comment nous nous sommes retrouvés, lors de la deuxième séance, à apporter bananes et graines de maïs au collège Stéphane Mallarmé…

La suite, bientôt.

Denis Caroti
Pour me contacter : caroti@cortecs.org

 



 

Atelier Zététique au collège Champollion à Grenoble, par Nicolas Gaillard

La 1ère séance de l’atelier Atelier Science, zététique et esprit critique s’est déroulée avec un groupe d’une dizaine d’élève de 4ème du collège Champollion le 19 septembre 2011.

Première difficulté : le contexte. L’atelier est proposé ponctuellement pour l’instant. Il n’y a pas forcement de continuité dans les séances avec ce groupe ou un autre. Cela m’oblige à élaborer des contenus uniques d’une heure, qui doivent se suffire pour une première approche de l’esprit critique. L’idée générale est de proposer une séquence stimulante, basée sur la zététique, pour introduire la démarche scientifique.

J’ai donc commencé par une présentation de la zététique, les domaines mystérieux, paranormaux ou étranges, et les enjeux d’une pensée critique sur le monde qui nous entoure. J’ai profité des échanges avec et entre les élèves pour insister sur l’intérêt d’apprendre à se forger sa propre opinion face à ce qui nous surprend.
J’ai pu ensuite exposer quelques exemples d’outillages critiques, choisis parmi les plus ludiques (effet paillasson, effet canard de bain, par exemple.)
Deuxième difficulté : la présentation un peu magistrale de la démarche et des outils est apparue obscure  sans exemple concret et immédiat.
Je suis donc passé plus rapidement que prévu sur cette partie pour présenter un exemple concret : le monstre du Loch Ness.
altAprès une courte vidéo de présentation de la créature du Loch Ness, nous avons abordé les questions que pose ce phénomène. Et là, troisième difficulté : il m’a fallu un peu d’énergie pour dépasser les idées reçues et les explications farfelues sur ce sujet qui remportaient l’adhésion d’une majorité !
Finalement, en pointant l’origine des affirmations, j’ai pu (enfin) susciter l’intérêt à vérifier les « preuves » .alt
Les élèves ont donc pu me questionner ensuite sur la validité des témoignages et des documents (photos et vidéos) pour finalement découvrir des extraits vidéo de démystification, notamment sur le fameux cliché de 1934. Nous avons conclu sur l’importance de la vérification des sources.
Fort de cette expérience, j’ai construit différemment la deuxième séance (le 22 septembre, avec le même groupe) en inversant les supports. Plutôt que de parler de l’esprit critique et de la démarche scientifique illustrés avec des exemples « étranges », j’ai préféré plutôt faire l’inverse : présenter des phénomènes étranges avec la démarche scientifique en filigrane.
J’ai procédé par mystification/démystification. altJ’ai présenté quelques tours de prestidigitations, comme des divinations ou de la télépathie, suggérant mes pouvoirs paranormaux. Je leur ai ensuite proposé de tester mon affirmation « j’ai des pouvoirs ».
Les élèves ont formulé des hypothèses et les ont testées en faisant varier les paramètres de mes tours.

J’ai ensuite repris le déroulé de la séance pour leur montrer qu’ils avaient simplement mis en action les bases d’un protocole scientifique.

Observation du phénomène = hypothèse d’explication provisoire = expérimentation = conclusion et formulation d’une autre hypothèse, jusqu’à la découverte de l’explication.

J’ai mêm pu aborder avec eux la notion du rasoir d’Occam et l’intérêt de privilégier d’abord les hypothèses les moins « coûteuses ».

Les séances suivantes ont été consacrées au décorticage de vidéos de fantômes sur internet.
Ce support a été particulièrement apprécié par les élèves, habitués à recevoir ce genre de vidéos sur les réseaux sociaux, sans aucune prise de recul. Le principe était de regarder une vidéo, de faire des hypothèses rationnelles et enfin de découvrir l’explication.

3 catégories distinctes de vidéos de fantômes se sont révélées :
1/ Des trucages vidéos – souvent issus de publicités virales
2/ Une explication rationnelle du phénomène
3/ Les mises en scène – volontairement par des personnes pour faire croire au phénomène.
Pour finir, le groupe a lui-même réalisé une vidéo de chacune des catégories.

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Réalisé avec 2 bouts de ficelle, ce TP permet de se familiariser avec les 3 catégories pour mieux les repérer dans le futur, seul devant son ordinateur au fond de sa chambre !

Nicolas Gaillard

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Atelier Science, zététique et esprit critique au collège Champollion, Grenoble, par Nicolas Gaillard

altSous l’impulsion de leur (super) C.P.E, Sandra GIUPPONI, des élèves de 4eme du collège Champollion de Grenoble vont bénéficier d’un atelier Science, zététique et esprit critique. Ça commence lundi 19 septembre 2011 pour une séance de présentation de la zététique et quelques autres dates sont envisagées pour continuer.

 


 

Cet atelier a pour but de mobiliser des compétences critiques sur des sujets « bizarres », donc pédagogiquement stimulants, afin de construire un outillage scientifique de recherche des données chez des élèves souvent submergés par un flux permanent d’information.
CorteX_Affiche_tous_au_larzac

16 septembre 2011, Montpellier – Avant-première du documentaire Tous au Larzac

CorteX_Affiche_tous_au_larzacAvant-première du documentaire Tous au Larzac, de Christian Rouaud suivie d’un débat avec le réalisateur et des paysans du Larzac.
Un film qui devrait amener de l’eau à notre Projet Histoire des luttes – Les luttes paysannes.

Lieu : cinéma Diagonal, Montpellier
Horaire : le 16 Octobre 2011 à 19h45


Résumé – Marizette, Christiane, Pierre, Léon, José… sont quelques uns des acteurs, drôles et émouvants, d’une incroyable lutte, celle des paysans du Larzac contre l’Etat, affrontement du faible contre le fort, qui les a unis dans un combat sans merci pour sauver leurs terres.
Un combat déterminé et joyeux, mais parfois aussi éprouvant et périlleux.
Tout commence en 1971, lorsque le gouvernement, par la voix de son ministre de la Défense Michel Debré, déclare que le camp militaire du Larzac doit s’étendre. Radicale, la colère se répand comme une trainée de poudre, les paysans se mobilisent et signent un serment: jamais ils ne cèderont leurs terres. Dans le face à face quotidien avec l’armée et les forces de l’ordre, ils déploieront des trésors d’imagination pour faire entendre leur voix. Bientôt des centaines de comités Larzac naitront dans toute la France… Dix ans de résistance, d’intelligence collective et de solidarité, qui les porteront vers la victoire.
Plus que jamais le Larzac est vivant !

CorteX_Les-mondes-darwiniens-L-evolution

Réédition de Les mondes darwiniens. L’évolution de l’évolution, Matériologiques

CorteX_Les-mondes-darwiniens-L-evolutionVous vous rappelez de la naissance des éditions Matériologiques, en février 2011 ?
(Voir Les éditions Matériologiques ont vu le jour).
Voici le dernier né de leurs ouvrages : la réédition de  Les mondes darwiniens. L’évolution de l’évolution par Thomas Heams, Philippe Huneman, Guillaume Lecointre et Marc Silberstein (dir.)
Faisons-le savoir autour de nous ! Car comme ils le disent eux-mêmes, « faire connaître notre existence et notre projet éditorial est d’une importance cruciale pour la pérennité de notre activité ».

 

 

La théorie darwinienne de l’évolution reste le paradigme dominant de la biologie et de la paléontologie. Elle prouve sa fécondité et sa puissance explicative dans de très nombreux domaines. Pourtant, dans cet ouvrage, pas question d’un fétichisme de Darwin, mais d’un examen attentif du domaine de validité épistémologique et expérimental des idées du savant naturaliste. Ainsi, ce livre expose leurs multiples ramifications en sciences de la vie, en sciences humaines et en philosophie. A cette fin, une cinquantaine d’auteurs explorent les grandes notions qui irriguent les sciences de l’évolution, ainsi que de très nombreux chantiers des savoirs biologiques contemporains, puis considèrent les tentatives d’exportation du mode de pensée darwinien à propos de problématiques autrefois hors de son champ d’action (éthique, psychologie, économie, etc.). Les questions du créationnisme et de l’enseignement viennent clore ce volume.
 
Edition revue et augmentée (1576 pages) d’un ouvrage paru en 2009 et depuis lors épuisé. Un ensemble de liens hypertextuels permet d’accéder à plus de 2300 sites, correspondant à un vaste répertoire de références bibliographiques (soit en tant que ressources gratuites, soit comme points d’accès à un résumé) ou encore de compléments informatifs sur des personnes, des techniques, des théories, etc.
 

Livre électronique format PDF, 17×24 cm, 1576 pages, 39 euros. Pour le commander, merci de cliquer ici.

Note : au CorteX, nous ne l’avons pas encore lu.

CorteX_Difference_pay

Matériel pédagogique – Qu'est-ce que le genre ?

L’entrée du genre dans les programmes de Première L et ES au mois de septembre n’est pas passée inaperçue et fut l’occasion de relancer le débat médiatique sur la question : « qu’est-ce qu’être Homme ou Femme ? ». Le CorteX a saisi l’occasion de revenir sur ce sujet complexe.


Les progrès récents des sciences, en particulier en biologie et en sociologie, ne permettent plus d’affirmer que l’on naît Femme ou Homme : sans nier les différences biologiques entre les individu-e-s, ils démontrent que les différences entre deux personnes de sexes différents sont le fruit d’un processus de construction sociale, bien plus que celui d’un déterminisme « naturel ». Pourtant, les réactions médiatiques furent particulièrement vives et parfois même fantaisistes : la « théorie » du genre fut qualifiée de théorie militante féministe et homosexuelle et sans aucun fondement scientifique ; certains l’accusèrent de nier toutes différences biologiques entre hommes et femmes ; on entendit même que les défenseurs de la « théorie » du genre défendaient également la pédophilie et la zoophilie. Devant ce déferlement de fausses informations, des historien-ne-s, des sociologues, des neurobiologistes, etc. ont tenté de rectifier les choses sur les ondes ou les plateaux de télévisions, nous offrant ainsi du matériel pédagogique de qualité. Le CorteX s’en est emparé et met à disposition : 

Si vous produisez aussi du matériel ou si vous animez des ateliers sur le genre, écrivez-nous ! 

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Effet Puits

Les vertus de l’imprécision : plus un discours est vague et creux, plus on sera tenté de le trouver profond et persuasif.


« L’interprétation doit être preste pour satisfaire à l’entreprêt. De ce qui perdure de perte pure à ce qui ne parle que du père au pire » (J. Lacan, Télévision, 1974, p. 77)

 
Pour H.Broch, l’effet puits offre une succession de phrases creuses qui peuvent être acceptées comme foncièrement vraies par toute personne car celle-ci y ajoutera elle-même les circonstances qui, seules, en font des phrases ayant un sens.

L’effet puits (ou phrase puits) est cette sensation vertigineuse que l’individu non averti ressentira devant un texte ou un discours constellé de mots chargés affectivement (effet Impact) parfois pris dans des sens très différents de leur sens scientifique (effet paillasson), mais dont l’accumulation donne au texte ou au propos une facture soit totalement nébuleuse mais séduisante, soit ayant l’air très documentée, très « calée » (argument d’autorité) alors que, prise tronçon par tronçon, chaque partie n’a pas forcément de sens.

L’effet puits désigne ainsi la vacuité, souhaitée ou non, derrière un discours pompeux saupoudré de mots à effet impact ou de termes abscons.

On le trouve par exemple fréquemment dans les discours politiques, à tel point que des générateurs de langue de bois proposent d’en créer en ligne : « Considérant la conjoncture actuelle, il est nécessaire de prendre en compte chacune des problématiques déjà en notre possession, afin de pouvoir prendre les mesures indispensables pour y répondre pertinemment. »

Autre exemple tiré du site du CorteX« La place des femmes dans l’économie est un sujet au cœur du débat public ». Le Monde 7/03/11.

L’effet puits favorise également l’appropriation personnelle de ce discours par l’auditeur, qui aura tendance à s’y reconnaître (c’est par exemple le cas des prédictions astrologiques). Nous faisons cependant un distinctif entre le caractère creux de l’effet puits et le caractère appropriable par tous, un mécanisme psychologique appelé effet Barnum ou effet Forer.

 Des doctorants-moniteurs ont réalisé un Zétéclip sur l’effet Puits.

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Voir aussi cet exemple pour réaliser un test mettant en évidence l’effet puits et/ou Forer.

Ci-dessous, quelques exemples glanés de-ci de-là.

  • Du sociologue Dominique Cardon, auteur d’une tribune dans « M le magazine du Monde » sur la domination des chats, bien plus nombreux que les chiens sur Internet.

« C’est en bordure du trop proche que s’est ouvert l’espace de théâtralisation de soi dans lequel les internautes se montrent, se moquent, partagent, rigolent et s’indignent. Sans doute le chat est-il pour cela l’emblème du désir expressif qu’ils projettent sur le Web : courir sur les toits, mais toujours retomber sur ses pattes ».  (Merci au Canard enchaîné du 10 août 2016)

Du philosophe Bernard Stiegler, dans l’émission La tête au carré, sur France Inter – diffusée le 7 juin 2011 et rediffusée le 27 octobre 2011.

« Je pense que nous sommes rentrés dans la société addictogène. Il n’a échappé à personne qu’il y a des parfums qui s’appellent « addict », qu’il y a des jus de fruits qui s’appellent « addict ». Moi-même, j’ai recensé 51 marques « addict » sur Paris uniquement. Qu’est-ce que la société addictive ? Qu’est-ce que l’addiction dans ce contexte là ? Je soutiens personnellement, mais tout le monde n’a pas ce point de vue, la société addictive c’est une société dominée par la pulsion. Évidemment, l’addiction est une dépendance, mais toutes les dépendances ne sont pas des addictions, par exemple, quand on aime quelqu’un, on est dépendant de la personne qu’on aime, et cette dépendance est une bonne chose. Mais ce que je crois, c’est qu’il y a addiction lorsqu’il y a une dépendance qui produit ce que j’appelle après Gilbert Simondon, un philosophe français, de la « désindividuation ». C’est à dire qu’au lieu de m’enrichir de cette dépendance – parce qu’on peut être dépendant, moi, je suis dépendant de la philosophie, c’est mon métier mais j’en ai besoin, je ne peux pas m’en passer – il y a des dépendances qui stérilisent. Et aujourd’hui, les dépendances stérilisantes, se sont généralisées, parce que le marketing en a fait son principal objet de création de marché.(…)

Question auditeur : « Est-ce qu’il y a un lien entre l’addiction et le rituel, et dans ce sens, l’augmentation des addictions n’est-elle pas liée à la baisse des pratiques religieuses ? »

Bernard Stiegler : « Ce qu’il y a derrière cette question des religions ou du rituel d’une façon générale, c’est l’éducation. La religion, c’est une forme d’éducation, une forme absolument respectable d’ailleurs à mes yeux, et je pense que c’est une éducation dans l’investissement précisément. C’est-à-dire que ce soit une religion, que ce soit un rituel, que ce soit l’éducation tout court, ceux qui éduquent et ceux qui sont éduqués sont les acteurs de leurs investissements. C’est-à-dire que ce sont eux… Par exemple, la mère qui s’occupe de son enfant, Donald Winnicott qui a beaucoup parlé de cette relation parle d’ailleurs d’une relation addictive, il emploie le mot « addicted », cette relation, c’est une relation où la mère, en élevant son enfant, s’élève elle-même si je puis dire, où elle s’élève, elle se développe, elle s’enrichit. Toutes les mères et tous les pères aussi bien entendu savent ça. C’est à dire que le bonheur d’éduquer un enfant, c’est de s’apprendre quelque chose à soi-même. Le problème se pose dans notre société là où l’éducation a été remplacée par une ingénierie du marketing qui nous prescrit des modes comportementaux que nous ne produisons pas nous-mêmes et qui donc, ne sont pas des investissements de notre part. Nous sommes dans une société absolument grégaire ».

(nous en avons fait un TP avec mon camarade Julien Lévy ici : Les addictions selon Bernard Stiegler : de la philosophie au rayon promo).

CorteX_EVE

Menaces sur EVE, lieu d'esprit critique – Soutien et pétition

 CorteX_EVELa situation de EVE a empiré : une nouvelle pétition est en ligne ici http://soutenir-eve.org
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Depuis plusieurs années, EVE (Espace Vie Etudiante) accueille un paquet d’événements musicaux, culturels, artistiques ou intellectuels. En 2009, Olivier Royer, le directeur, a mis la salle centrale à disposition du CorteX pour les Midis Critiques Grenoblois qui se déroulèrent dès lors dans ce lieu croisement des trois universités grenobloises. Un accueil tout à fait charmant, modulable, pratique, accueillant, à tel point que les discussions des notes de l’UE Zététique & autodéfense intellectuelle ont lieu à la terrasse d’EVE.
 
Seulement, EVE est menacé !

… Menacé entre autres parce que peu rentable ! Effectivement, la structure est finacièrement déficitaire. Mais est-ce l’objet d’une association culturelle d’être bénéficiaire ? Et si l’on incorpore dans la balance financière le bien public créé, la promotion du travail associatif, la promotion de l’esprit critique et le lien bâti entre les étudiants, alors la balance penche largement vers le positif. ll s’agit, comme bien trop souvent, d’une logique marchande contre une logique de bien public. Le plus ennuyeux est probablement que ce combat du pot de terre contre le pot de fer est orchestré par les plus hauts représentants d’une université – dont l’objet est, rappelons-le, « la production, la conservation et la transmission de différents domaines de la connaissance« .

Alors ? Deux postes salariés sont arrivés à échéance. Mi-juillet, on apprend que l’université proroge de six mois la mise à mort de la structure. « Au lieu de deux moix, on va être dans la merde pendant six« , dit David Rouquet, trésorier d’Eponyme.

A moins de marchandiser les prestations ? D’ouvrir une cafétaria, d’augmenter le prix du café, de vendre des produits dérivés ? De rendre payants les Midis Critiques ? Sur ce dernier point, jamais de la vie.

C’est un vrai débat de société qui s’ouvre sur ce lieu. Et comme l’écrivirent les 68ards, puis les anti-CPE de 2006 sur les palissades de la Sorbonne, nous n’aurons que ce que nous saurons prendre ». Et ce que nous saurons garder.

CorteX_saurons_prendre

 
Ci-dessous

  • la lettre ouverte d’EVE et de l’association Eponyme
Lettre ouverte aux Universités de Grenoble, à la Communauté d’agglomération Grenobloise, à la mairie de Grenoble, au Conseil Général de l’Isère, au Conseil Régional de Rhône-Alpes, au Ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative
 


Mesdames, Messieurs,

 

Par une lettre d’information datant du 15 juin, sur la Délégation de Service Public du bâtiment EVE (Espace Vie Étudiante) liant l’Université Pierre Mendès-France et l’association Éponyme, nous avons pris acte de l’incertitude d’Éponyme concernant la reprise d’activités à EVE pour la rentrée universitaire.
Pour nous, associations des campus universitaires et de la ville de Grenoble, Éponyme est devenue en 7 ans un acteur majeur de la vie étudiante, culturelle et citoyenne sur l’agglomération grenobloise. L’Association a su s’insérer dans un maillage territorial d’acteurs de la vie associative et obtenir la confiance de multiples partenaires, qui légitiment la pertinence de son action envers les étudiants des différents établissements d’enseignements supérieurs, et plus largement envers la jeunesse de l’agglomération. Éponyme a su développer ses services par le biais d’une gestion collégiale et participative. De l’animation à la programmation du lieu, en passant par la définition du projet et son administration, les étudiants bénévoles et les associations sont pleinement intégrés aux processus de décision.  
 
En proposant à la fois un lieu pour réaliser nos projets (concerts, spectacles, conférences, débats, projections, rencontres, repas, animations, jeux, expositions etc.), une mise à disposition de matériel et de salariés pour nous soutenir et nous épauler dans l’organisation et la logistique, l’Espace Vie Étudiante géré par l’association étudiante Éponyme est depuis plusieurs années un soutien indéfectible pour nos projets. Sans cet accompagnement, de nombreux projets aujourd’hui féconds n’auraient pu voir le jour, bien peu de classements citeraient le Campus grenoblois comme étant le plus attractif de France, et bien peu d’étudiants auraient pu s’investir autant dans la vie culturelle, citoyenne et sportive de Grenoble.  
 
A moins de trois mois de la fin de l’actuelle DSP (délégation de service publique, note du CorteX), prévue le 31 aout 2011, la proposition des Universités est de repousser le renouvellement de la DSP au mois de novembre. Or, la mise en place d’un nouveau délégataire impliquera un arrêt total des activités au sein de EVE pendant le premier semestre universitaire, période où les associations ont particulièrement besoin des services mis à disposition par Éponyme (Forum associatif « Fête la rentrée », formations associatives, accompagnements, etc.).  
 
Nous exprimons donc de sérieuses inquiétudes quant à la possibilité, pour nous tous, comme pour Éponyme, de mener à bien nos activités à la prochaine rentrée universitaire. Les atermoiements répétés des Universités risquent bel et bien de mener nos projets dans une impasse.  
 
Nous appelons donc toute personne, physique ou morale (association, institution, étudiant, politique, salarié, partenaire d’Éponyme, usager du lieu ou simple citoyen) à soutenir Éponyme à l’heure où ses activités sont remises en cause.
Nous appelons les Universités de Grenoble à trouver, dans les plus brefs délais, une solution viable pour le maintien des activités dans le bâtiment EVE dès la rentrée prochaine.

 

Le CorteX soutient EVE !

la production (recherche), la conservation (publications et bibliothèques) et la transmission (études supérieures) de différents domaines de la connaissance
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Ateliers zétéclips – Clips critiques à l'usage des enseignants

En 2008 fut créé l’atelier Zétéclips au Centre d’Initiation à l’Enseignement Supérieur (CIES) de Grenoble. L’objectif était de faire plancher des doctorants-moniteurs de toutes disciplines sur la réalisation de clips vidéo illustrant des sophismes, effets, facettes zététiques, erreurs de raisonnement ou misreprésentations en science. Format libre, peu importe les compétences techniques audiovisuelles, le tout est de créer de la ressource pédagogique solide sur le plan scientifique, outillant les enseignants, et en passant un bon moment.
 La saison 2011-2012 démarre, aussi est-ce le temps d’une petite rétrospective, et d’une mise en lumière des travaux réalisés.

 


Les zétéclips : qu’est-ce que c’est ?

Les zétéclips 2009

Zétéclip Effet boule de neige – affaire « piano-man »

Zétéclip Effet Cigogne – la lune rousse

Zétéclip Effet Impact  – le DHMO

Zétéclip Effet Probabilité inversée

Les zétéclips 2010

Zétéclip Effet Puits

Zétéclip Effet Pangloss

Les zétéclips 2011

Zétéclip Effet blouse blanche – les frères Bogdanoff et le CERN

Zétéclip Effet Cigogne – Exemple de Dr House

Les zétéclips 2012


Les zétéclips : qu’est-ce que c’est ?

Nous sommes partis de l’idée que le flux d’information que les étudiants, et particulèrement les élèves reçoivent est majoritairement audiovisuel (télévision, internet, etc…)., et notre expérience nous montre que le support vidéo est facilement captivant dans les cours de pensée critique. La zététique étant une longue suite d’outils critiques aisés à imager, créer des clips « maison » était utile non seulement pour ceux qui les confectionnent, mais aussi pour ceux qui les regarderont. D’une pierre deux coups.

Quant à la charte graphique, très franchement, peu importe ! L’objectif est que les doctorants se fassent plaisir, en produisant un outil aussi rigoureux qu’amusant à regarder.

Note historique : le directeur du CIES de Grenoble de l’époque s’appelait CorteX_Didier_Retour Didier Retour, et c’est lui qui a soutenu le projet, avec ses collègues directes Michelle Vuillet et Régine Herbelles

Didier est brutalement décédé le 10 décembre 2010.

Les zétéclips 2009

  • Zétéclip Effet boule de neige – affaire « piano-man »

réalisé par Florent Cadoux, Thibaut Capron et Fabien Gaud.
[dailymotion id=x8omgr] 

  • Zétéclip Effet Cigogne – la lune rousse

réalisé par Lydia Caro, Bénédicte Poncet et Vivien Robinet.

[dailymotion id=x8omom] 

  • Zétéclip Effet Impact  – le DHMO

réalisé par Adrien Bousseau, Aldric Degorre, Fabien Gaud et Thierry Stein.
[dailymotion id=x8oroy] 

  • Zétéclip Effet Probabilité inversée

réalisé par Yoann Gabillon, Clément Moulin-Frier et Evaggelos Kritsikis.
[dailymotion id=x8uvl5]Description de l’effet

à portée pédagogique« , 2009.

Cet atelier a été primé meilleur projet CIES par les doctorants 2009 (zététiquement parlant, être qualifié de « meilleur » ne dit rien de la qualité intrinsèque – mais ça fait plaisir quand même !).

 

Les zétéclips 2010

  • Zétéclip Effet Puits

réalisé par Cyril Courtessole, Alexandre Porcher, Aurélien Trichet et Rémi Vial.
[dailymotion id=xkpol8] 

  • Zétéclip Effet Pangloss
réalisé par Nicolas Berthier, Axelle Davidas, Cyrille Martin et Marion Sevajol (entièrement réalisée à l’aide du logiciel libre Synfig).

Version longue (12mn37)
[dailymotion id=xdgknh]Version courte (3mn49)
[dailymotion id=xizm8p]Voir l’article Dialogue sur l’effet Pangloss 

Les zétéclips 2011

  • Zétéclip Effet blouse blanche – les frères Bogdanoff et le CERN

Réalisé par Mickaël Bordonaro, Maël Bosson, Thomas Braibant et Samuel Vercraene.
Deux parties de clip à comparer :
1ère partie
[dailymotion id=xkpqw2]2ème partie
[dailymotion id=xkprrc] 

  • Zétéclip Effet Cigogne – Exemple de Dr House

réalisé par Youssef Khoali, Clélia Pech, Matthieu Simonet et Xiaolan Tang,

 Script de la voix off du zététclip effet cigogne

Les zétéclips 2012

Thèmes encore non arrêtés.

Equipe : Adeline Bouvier, Gaëlle Chastaing, Joseph Emeras, Alexander Kondratov, Yvan Rivierre, Adeline Robert, Charlie Verrier et Ariel Waserhole.

 

https://cortecs.org/administrator/index.php?option=com_content§ionid=-1&task=edit&cid[]=264
CorteX_Jacques_Poustis

Magie, conte et rationalisme – Jacques Poustis

CorteX_Jacques_PoustisJacques Poustis, c’est un chanteur, conteur, magicien rationaliste, c’est-à-dire qu’il se sert de l’art, du rêve et de la caresse de nos sens pour nous apprendre des choses rationnelles sur le monde, et non pour flouer le public. On le connait depuis longtemps, au laboratoire zététique. Et si au CorteX nous sommes plutôt spécialisé-es sur le public ado-adulte, lui s’adresse aux petits et grands ! Il sévit moitié du temps dans le bordelais, moitié du temps à l’île de la Réunion. C’est notre copain.

Vous voulez voir son exposition « Sciences & pseudosciences« , qui circule dans des collèges (voir ici pour tout savoir) ?
Vous voulez savoir ce qu’il fait ? Son site est là.

Le Quotidien de la Réunion du 13 juillet 2011 a parlé de son livre « Jusqu’à preuve du contraire » aux éditions book-e-book.com, Collection « Une chandelle dans les ténèbres », 2008 (voir plus bas).

Dans cette collection pas mal de petits bouquins, dont certains signés de contributeurs et contributrices du CorteX (B. Axelrad, Nicolas Gauvrit, Richard. Monvoisin, Jacques Van Rillaer, Jean Brissonnet, Henri Broch) ! Exigeons ces bouquins qui, édités par une petite maison d’édition, sont souvent ignorés par les grandes distributions. Ou mieux encore, passons directement par leur site.

Et pour la petite histoire, un autre ouvrage arrive pour la fin de l’année : « Entre l’espoir et le faux mage« , (Chroniques zététiques à paraître).

Bref, Jacques est un distributeur d’esprit critique à lui tout seul. Il a proposé ses services de partages de ressources pédagogiques pour le CorteX, alors bienvenue à lui, et dansons le Maloya !

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Décortiqué – Réactions à l'entrée du genre dans les programmes de 1ère

Nous avons suivi la fameuse polémique médiatique sur l’entrée du genre dans les programmes de SVT en première L et ES et, au fur et à mesure de nos lectures ou des reportages, notre stupéfaction n’a fait qu’augmenter : ce fut le grand bazar des idées fausses et des arguments fallacieux. Je crois qu’il faut se rendre à l’évidences : la plupart des gens qui se sont exprimés sur le sujet et dont on a relayé les propos, les coups de gueule, les indignations ne savent pas ce qu’est le genre. Les journalistes qui les ont questionnés ne devaient pas en savoir beaucoup plus. A défaut d’être pertinents, ils nous auront donné une formidable matière pour élaborer des travaux pratiques. Les documents que j’analyse ici sont regroupés ici. Comme d’habitude, n’hésitez pas à nous faire part de vos propres analyses.
 Pour en savoir plus sur le genre, on pourra se référer à ces deux articles :

Sélection commentée de ressources sur la notion de genre
Sociologie, biologie – Atelier-débat sur la théorie du genre


Analyse de la vidéo 1
Analyse des vidéos 2 et 2bis
Analyse de la vidéo 3 (à venir – envoyez-nous la vôtre) 


Analyse de la vidéo 1

Erreur n°1 : le genre n’est pas une théorie
Le genre ou sexe social n’est pas une théorie, c’est un concept, un objet d’étude. Il désigne l’ensemble des différences non biologiques (psychologiques, sociales, économiques, démographiques, politiques…) distinguant les hommes et les femmes. Il n’y a pas une théorie du genre mais des théories scientifiques issues de domaines très variés (histoire, sociologie, psychologie, neurobiologie, ethnologie, etc.) qui expliquent comment ces différences se construisent et se perpétuent. Chaque domaine d’étude propose et teste ses hypothèses et produit un savoir scientifique sur ce sujet, c’est-à-dire qu’il retient les affirmations qui sont plus vraies que fausses dans l’état actuel des connaissances.
Rien de bien sorcier en fait : en effet, la plupart des détracteurs de la « théorie » du genre reconnaissent les différences non biologiques entre les hommes et les femmes (ce qu’ils dénoncent, c’est justement le fait qu’on chercherait à les gommer) et si le genre existe, il est possible l’étudier. On aurait d’ailleurs pu découvrir en l’étudiant que les hormones ou la taille des cerveaux expliquaient tout. Ce n’est simplement pas le cas.

Homme de paille + faux dilemme

Dans deux des reportages diffusés à heure de grande écoute, il est affirmé que la théorie (sic !) du genre consiste à dire que l' »on ne naît pas homme ou femme, on le devient en fonction d’un choix personnel ». Voilà un magnifique homme de paille ou strawman. Je ne connais pourtant pas de théorie scientifique qui défende ce point de vue. Je suppose que ce dévoiement des propos de Simone de Beauvoir – « on ne naît pas femme, on le devient » – provient d’un faux dilemme qui pourrait s’énoncer de la manière suivante : soit les différences entre les sexes sont biologiques, soit les individus choisissent leur sexe. C’est paradoxal puisque justement, les travaux sur le genre démontrent que les mécanismes qui sous-tendent la construction du sexe social sont extrêmement complexes et sont, la plupart du temps, subis par les individus et véhiculés par ces mêmes individus de manière non consciente. Evoquer un choix n’a pas de sens dans ce contexte.
Derrière ce faux dilemme se cache l’idée reçue suivante : biologique = déterministe et non-biologique = choix possible. C’est entièrement faux : d’une part les travaux en sociologie et en psychologie décrivent justement comment de nombreux comportements sont en quelque sorte hérités de notre environnement social, d’autre part, ce n’est pas parce qu’un caractère est (aussi) biologique, qu’il dicte sa conduite à un individu.
Faux dilemme : genre versus explications biologiques

La plupart des reportages opposent « genre » et « causes biologiques de la différence entre les sexes ». Etudier le genre ne revient pourtant pas à nier les différences biologiques évidentes : cela consiste simplement à identifier les différences non biologiques. D’ailleurs certains neurobiologistes abordent cette question d’un point de vue biologique en cherchant des différences entre les cerveaux des hommes et des femmes qui pourraient être à l’origine des différences comportementales.
De la même manière que ce n’est pas parce qu’on étudie l’estomac qu’on nie l’existence du foie, ce n’est pas parce qu’on étudie les différences entre les sexes sociaux qu’on nie les différences biologiques. Les deux approches ne sont pas contradictoires. Dans un premier temps, il est nécessaire de les étudier de manière indépendante pour mettre en évidence les mécanismes relevant du caractère social ou du caractère biologique ; il est ensuite possible de chercher à comprendre si ces mécanismes s’additionnent ou interagissent et comment. Un point de vue purement biologique comme un point de vue purement psycho-social ne nous donnerait qu’une vision partielle du phénomène.

Effet « ad etatsunium »

Il est sans arrêt répété dans les JT que la théorie (sic !) provient des Etats-unis. Il est étonnant de remarquer le bi-standard qu’il y a sur les références aux travaux états-uniens : lorsqu’il s’agit de nouvelles technologies, par exemple, cela nous est présenté en comme un gage de sérieux. Dans notre cas, cette référence a tendance à disqualifier la « théorie ». Quoi qu’il en soit, d’une part un savoir scientifique n’est ni états-unien, ni congolais, ni chinois, ni russe, d’autre part l’étude du genre n’est plus une spécificité états-uniennes : si c’était le cas jusqu’en 2000, de nombreuses recherches sont menées en France. Et puis la fameuse phrase « on ne naît pas femme, on le devient » que tous se sont empressés de reprendre et de déformer est due à Simone de Beauvoir, de nationalité française.

Effet Panurge + effet paillasson + intrusions idéologiques en sciences : une théorie contestée

Contestée par qui ? On apprend au cours d’un des reportages qu’une pétition a été signée, en majorité par des catholiques. Catholique ou non, là n’est pas la question. Il faudrait d’abord se demander quels sont les fondements de cette contestation : les signataires de la pétition remettent-ils en cause la validité scientifique de certains aspects de ladite « théorie » ? La contestation est-elle d’ordre idéologique ? Mettre ces deux types de contestations sur le même plan provoque une confusion importante : dans le premier cas, il serait légitime de refuser d’enseigner une théorie fausse, tandis que dans le deuxième cas, cette revendication n’a plus lieu d’être.
Par ailleurs, l’utilisation de l’effet Panurge – qui sous-entend que le nombre important de gens qui s’opposent à la « théorie » du genre suffit à qualifier la « théorie » de contestable – joue sur un effet paillasson concernant l’adjectif contestable : une affirmation scientifique est toujours contestable scientifiquement, c’est à dire avec les règles imposées par le contrat scientifique, règles qui excluent toute contestation uniquement d’ordre idéologique. Ceci ne signifie pas pour autant que l’affirmation n’est pas validée : elle l’est jusqu’à preuve du contraire. En revanche, dans le sens commun, contestable signifie douteux, problématique, incertain. Ce double sens peut entraîner une grande confusion sur le statut – valide ou non valide – de l’affirmation.

Homme de paille + Pétition de principe

Dans le deuxième reportage (France 2, 30 Août 2011), le commentaire dit : « or certains éditeurs ont choisi d’aborder la théorie du genre sans la nommer explicitement. Exemple : l’identité sexuelle se réfère au genre sous lequel une personne est socialement reconnue (extrait d’un manuel) ».

NG : Homme de paille car c’est une insinuation de « la » position « des » éditeurs et une pétition de principe car les éditeurs ne peuvent pas aborder la théorie si ce n’en est pas une (sauf si l’on le sous-entend au départ).


Analyse des vidéo 2 et 2 bis (à voir ici)

  • 1ère intervention : Lionel LUCA, député UMP des Alpes-Maritimes sur M6 BONUS.fr (non diffusé à la télévision) – analyse de la version intégrale

Homme de paille + appel à la peur + intrusions idéologiques :

L’extrait commence par  » cette théorie est dangereuse  » passe par  » [La théorie] veut légitimer à terme la pédophilie  » et se termine sur « les homosexuels n’ont pas besoin de cette théorie-là pour être reconnus dans notre société et admis comme tels ». Or une théorie scientifique n’est ni dangereuse, ni pas dangereuse, ni sexiste, ni pro-homosexuels, etc. ; une théorie ne veut rien, n’a pas de but politique, elle est valide ou non (et cela peut évoluer au cours du temps et des découvertes) et permet d’expliquer un phénomène.

Je ne pense pas avoir besoin de m’attarder trop longtemps sur le gigantesque homme de paille que brandit ce député :  » ce qui est grave, c’est que cette théorie, sous couvert de reconnaître différentes identités sexuelles, veut légitimer à terme la pédophilie, voire la zoophilie, puisque ceux qui le revendiquent aux Etats-Unis, défendent l’amour pour les jeunes enfants. « 

Plurium affirmatum et Pétition de principe

M. Luca dit : « si Adam et Eve s’étaient posé la question avec le livre, on ne serait pas là pour en parler, tout simplement parce qu’on naît bien homme et on naît bien femme et on se reproduit . » Il admet donc snas le préciser qu’Adam et Eve ont existé (plurium affirmatum) et bâtit sa démonstration de l’affirmation : « on naît homme ou femme » sur deux prémisses :
– l’existence d’Adam et Eve, qui est une hypothèse extrêmement coûteuse (voir Rasoir d’Occam)
– on naît bien homme ou femme
On pourrait « simplifier » le raisonnement et se passer de la première prémisse : « on naît homme ou femme puisqu’on naît homme ou femme ». Sans commentaire.

NG – Je pense a un non sequitur avec une prémisse en pétition de principe:
A – Si Adam et Eve avaient choisi leur genre ils ne se seraient pas reproduits.
B – Or ils se sont reproduits, ils n’ont donc pas choisi leur genre
Donc on naît bien homme ou femme.

Bi-standard sur la reconnaissance d’une théorie

Dans la phrase « Ca ne veut pas dire bien entendu qu’il n’y ait que l’amour entre l’homme et la femme, cela va de soi, c’est reconnu comme tel aujourd’hui […] », M. Luca dit ne pas pouvoir nier l’homosexualité puisqu’elle est reconnue. Il me semble qu’il aurait pu dire de la même manière : « ça ne veut pas dire bien entendu qu’il n’y ait pas de construction sociale de l’identité sexuelle, cela va de soi, c’est reconnu comme tel aujourd’hui […] ». Le critère de validation d’une théorie semble évoluer selon la théorie : c’est un bi-standard.
A moins que la reconnaissance dont il parle soit l’acceptation sociale – on pourra au passage noter l’effet paillasson sur le terme reconnu, mais l’acceptation sociale d’une théorie n’est ni suffisante ni nécessaire pour la valider.

Homme de paille

« …mais ce qui n’est pas la grande majorité des cas ne doit pas imposer sa norme à son tour »
Qui a dit qu’il ou elle souhaitait imposer l’homosexualité à la Terre entière ?

Une phrase puits :

  « je crois que c’est la confusion plutôt que la clarification. »
Je ne le lui fais pas dire…

  • 2ème intervention : Jean-François Coppé

Le genre n’est pas une théorie
voir ici
Mise sur le même plan de la connaissance scientifique et des opinions
« Ce qui est profondément choquant dans cette affaire, c’est que la théorie du genre, qui est une théorie défendue par des personnes mais qui est combattue par d’autres, soit présentée comme une vérité scientifique alors que ça ne l’est pas »
Il est tout à fait certain que les scientifiques débattent sur la validité et le poids relatif des causes invoquées pour expliquer la construction du genre. ceci dit, l’existence du genre est une « vérité scientifique », non pas dans le sens « vérité absolue », mais dans le sens « affirmation validée dans l’état actuel de nos connaissances ». Comme je l’ai déjà stipulé dans l’analyse de la vidéo 1, les personnes qui s’opposent à l’enseignement du genre ne remettent pas en question l’existence de différences entre les sexes. Si maintenant ils réfutent les causes sociales, historiques, psychologiques, etc., sur quels arguments, sur quelles études fondent-ils leur réfutation ?
A décortiquer
« C’est comme si on présentait dans les manuels d’économie le marxisme comme une vérité scientifique alors que ça ne l’est pas, ce n’est qu’une théorie ».

  • 3ème intervention : Eric Zemmour

Homme de paille

« le scandale est double : quand on marginalise le biologique et qu’on pense que la construction d’un homme et d’une femme n’est QUE sociale, parce que c’est CA la théorie du genre, il faut arrêter de se raconter des bobards. La théorie du genre, c’est un constructivisme psychologique et social. L’homme et la femme ne sont QUE ça et on évacue le biologi… c’est ça la théorie du genre. »
C’est le même argument que celui analysé ici

Homme de paille
« comme si la minorité devenait la majorité, comme si l’exception devenait la norme. »
Voir ici

Guillemette Reviron, Nicolas Gaillard