Petite leçon de sexisme ordinaire, par Nicolas Kalogeropoulos

Voici une ressource tout à fait sympathique de simplicité que propose Nicolas Kalogeropoulos, basée sur une campagne de publicité de la marque Sennheiser qui couvrit les couloirs du métro et du RER Parisien du 14 au 22 juin 2011.

Notre suggestion : montrer d’abord la publicité finale, ci-dessus, puis demander à vos élèves ou étudiants s’il y a quelque chose qui pose problème. Enfin, en troisième phase, présenter la déconstruction de Nico Manzin. Débat garanti ! Éventuellement, présenter d’autres images de la même campagne, pour évacuer toute ambiguïté.
Ce travail a pour origine le blog Monpapaestungeek. Merci d’accepter la reproduction à des fins pédagogiques.
RM

CorteX_sexisme_ordinaire_Nico_Manzin

L’analyse est plutôt fleurie. Il manque, certes, une définition du terme « salope », tel qu’employé par NicoManzin. Salope signifie probablement « femme qui se jette à poil sur un homme ». Or, avec une telle définition, ma mère, ma soeur, ma collègue Guillemette, mes grands-mères furent ou sont incluses dans la définition. Si je regarde le Wiktionnaire, je trouve, outre une étymologie cocasse (« sale huppe », huppe fasciée ou passereau*) deux définitions principales et une par extension :

  1. Femme de mauvaise vie, dévergondée, débauchée.
  2. Femme méprisable, garce sans scrupules, aux mœurs corrompues et prête à tout pour réussir, avec, en général, une connotation sexuelle.
  3. Femme coupable de traîtrise. S’emploie également pour insulter violemment un homme ou pour décrire un individu ne respectant aucune loi ou aucun code.

La clôture du débat peut se faire de deux manières : d’abord en demandant si une publicité du même type  mais avec genres inversés aurait la même réussite (femme ténébreuse avec casque, homme nu sensuel s’y frottant ; ensuite en se demandant comment on appelerait dans ce cas un « homme qui se jette à poil sur une femme ».

* Pour l’anecdote, on dit que la huppe fasciée pupute (sic!), c’est-à-dire fait trois petits « pût pût pût ».

Chaîne de Ponzi, affaire Maddoff et retraites

Si quelqu’un vous vend un tableau mille euros, en vous assurant qu’il le revendra le lendemain 2000 euros, mais ne revient pas ledit lendemain : avez-vous perdu 1000 euros ? Ou avez-vous perdu 2000 euros ? Combien vaut une promesse de 1000 euros ?
Voici un travail pratique qui n’a pas encore été développé en cours par l’un.e d’entre nous, mais qui mériterait d’être testé car il fait le pont entre un escroc de Boston, des systèmes économiques pyramidaux et un débat moral captivant pouvant déborder, comme le fait Delahaye ci-contre, sur le système français des retraites.


Imaginons que quelqu’un propose un investissement à 100 % d’intérêts : vous lui donnez 10 euros, il vous en rend 20 en utilisant l’argent déposé par les clients suivants (il lui suffit d’ailleurs de proposer un rendement double des rendements connus du marché pour s’attirer de la clientèle et pour durer). Le système est viable tant que la clientèle afflue, attirée en masse par les promesses financières (et d’autant plus tentantes que les premiers investisseurs sont satisfaits et font une formidable publicité au placement). Les premiers clients, trop heureux de ce placement mirifique, reviennent dans la chaîne eux aussi, s’ajoutant à tous ceux qu’ils ont réussi à convaincre.

Le phénomène fait alors boule de neige, entretenu tant que l’argent rentre et permet de payer à 100 % les nouveaux investisseurs. L’organisateur prend une commission, bien compréhensible lorsque l’on voit les promesses qu’il fait, et qu’il tient. La chaîne peut durer tant que la demande suit la croissance exponentielle imposée par ce système, les clients arrivant par 2, 4, 8, 16, 32, etc. Lorsque la chaîne se coupe, la bulle éclate : tous les derniers investisseurs sont spoliés. Les gagnants sont ceux qui ont quitté le navire à temps et, surtout, l’organisateur.

Un système de Ponzi (« Ponzi scheme » en anglais) est un montage financier frauduleux qui consiste à rémunérer les investissements des clients essentiellement par les fonds procurés par les nouveaux entrants. Si l’escroquerie n’est pas découverte, elle apparaît au grand jour et s’écroule quand les sommes procurées par les nouveaux entrants ne suffisent plus à couvrir les rémunérations des clients1. Elle tient son nom de « Charles » Ponzi qui est devenu célèbre après avoir mis en place une opération basée sur ce principe à Boston dans les années 1920, même si le principe est bien plus vieux. Il est d’ailleurs narré dans une nouvelle de Charles Dickens de 1843 intitulée Vie et aventures de Martin Chuzzlewit.

Le mathématicien Marc Artzrouni modélise les chaînes de Ponzi en utilisant des équations différentielles linéaires du premier ordre.

Soit un fonds avec un dépôt initial K/>0″> au temps <img decoding=, un flux de capitaux entrant de s(t), un taux de rendement promis r_p et un taux de rendement effectif r_n. Si r_ngeq r_p alors le fonds est légal et possède un taux de profit de r_n-r_p. Si par contre r_n< r_p, alors le fonds promet plus d’argent qu’il ne peut en obtenir. Dans ce cas, r_p est appelé le taux de Ponzi.

Il faut aussi modéliser les retraits faits par les investisseurs. Pour ce faire, nous définissons un taux de retrait constant r_w, appliqué à tout temps t sur le capital accumulé promis. Le retrait au temps t vaut donc r_wKe^{(r_p-r_w)t}. Il faut aussi ajouter les retraits des investisseurs qui sont arrivés entre le temps 0 et le temps t, à savoir ceux qui ont investit s(u) au temps u. Le retrait pour ces investisseurs est donc de r_ws(u)e^{(r_p-r_w)(t-u)}. En intégrant ces retraits entre 0 et t et en ajoutant les retraits des investisseurs initiaux, nous obtenons: W(t)=r_w(Ke^{(r_p-r_w)t}+int_0^ts(u)e^{(r_p-r_w)(t-u)}du)

Si S(t) est la valeur du fonds au temps t, alors S(t+dt) est obtenu en ajoutant à S(t) l’intérêt nominal r_nS(t+dt), le flux de capitaux entrant s(t)dt et en soustrayant les retraits W(t)dt. Nous obtenons donc S(t+dt)=S(t)+(r_nS(t)+s(t)-W(t))dt, ce qui conduit à l’équation différentielle linéaire dS(t)/dt=r_nS(t)+s(t)-W(t)

    Voici un extrait de l’émission du 17 septembre 2012 de Continent Sciences, sur France Culture, avec Jean-Paul Delahaye, qui pose très bien la question suivante : dans quelle mesure le système de retraites françaises est-il une chaîne de Ponzi ?

Télécharger ou écouter :

Nonobstant deux imprécisions de Jean-Paul Delahaye :

– il confond Charles Dickens et Edgar Allan Poe dans ce passage

– il ne cite pas l’association philanthropique ayant déposé de l’argent chez B. Madoff. Et pour cause, il y en a plusieurs : les Fondations Carl et Ruth Shapiro, Jeffry et Barbara Picower, Sonja Kohn, The Mark and Stephanie Madoff Foundation, the Deborah and Andrew Madoff Foundation, America Israel Cultural Foundation, The American Committee for Shaare Zedek Medical Center, Hadassah, l’organisation des femmes sionistes et United Congregations Mesorah, une association religieuse qui est poursuivie pour 16 millions de dollars.

L’effet Matthieu

L’effet Matthieu doit son nom à la parabole des talents de l’évangile selon Saint Matthieu (entre 60 et 85 EC) où il est écrit :
« on donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas, on ôtera même ce qu’il a » 1. Cette parabole est suffisamment ambiguë pour permettre diverses interprétations, la plus commune étant celle de faire fructifier les « talents », ne pas gâcher les dons reçus de Dieu et s’engager à agrandir le royaume de Dieu. Le sociologue Robert K. Merton, rapporta cette maxime au monde de la science en 1968, au cours d’un article publié dans la revue Science dans lequel il décrivit ce « phénomène complexe de détournement de la paternité du travail scientifique » par lequel des scientifiques déjà reconnus tendent à se voir attribuer la paternité d’une idée aux dépens de scientifiques jeunes ou inconnus 2.

Ce biais a trouvé son assise dans les années 1970 lorsque Jonathan R. Cole & Stephen Cole firent le constat qu’un nombre relativement petit de physiciens fournissait de façon disproportionnée une énorme part des articles les plus importants publiés en physique 3. William Broad et Nicholas Wade, dans leur ouvrage La souris truquée entièrement consacré à la fraude scientifique, parlent d’effet de Halo :

« Ces physiciens souvent cités semblent appartenir à l’élite de la physique dans la mesure où ils tendent à se retrouver concentrés dans les neuf plus grands départements de physique des États-Unis, et faire partie de la National Academy of Sciences. Il y a donc quelques membres au moins de l’élite au pouvoir dans la communauté scientifique qui en font partie à cause de leur mérite (…). Mais il peut y avoir un « effet de Halo » — le simple fait, pour un scientifique, d’appartenir à un département de physique de tout premier plan mettrait plus en vue son travail, qui serait alors plus souvent cité » 4.

On retrouve cet effet dans les « systèmes de copinage » et le népotisme latents dans le monde de la science, ne serait-ce que dans la façon qu’ont les referees de recevoir de façon plus clémente un article d’une éminence que celui d’un obscur et jeune chercheur 5.
Cela rappellera certainement l’histoire d’Ohm qui, lorsqu’il décrivit la loi éponyme, resta « tout d’abord ignoré par les scientifiques des universités allemandes, qui pensèrent que le travail d’un professeur de mathématique du collège de Jésuites de Cologne ne méritait guère d’attention » 6.

En ce sens, l’effet Matthieu est un effet collatéral de l’immense catégorie des biais d’autorité.

Dernier exemple en date, tiré de Serge Halimi, Nous ne sommes pas des robots, Monde Diplomatique, octobre 2013.

« (…) En France, l’État continue de consacrer à [l’]assistance [de la presse] des centaines de millions d’euros par an, soit, selon la Cour des comptes, entre 7,5 et 11% du chiffre d’affaire global des éditeurs 7. D’abord pour subventionner l’acheminement postal des journaux, en favorisant presque toujours les titres obèses, c’est-à-dire les sacs à publicité, plutôt que les publications plus fluettes, plus austères et plus libres. Mais le contribuable consacre également plus de 37 millions d’euros au portage des quotidiens, là aussi sans faire le tri. Et il ajoute 9 millions d’euros, cette fois réservés aux plus pauvres d’entre eux. Tant de miséricorde souvent mal ciblée peut déboucher sur de savoureux paradoxes. Grand pourfendeur des dépenses publiques sitôt qu’elles concernent l’éducation plutôt que l’armement, Le Figaro de Monsieur Dassault a reçu 17,2 millions d’euros du Trésor Public entre 2009 et 2011 ; L’Express, presque aussi hostile que Le Figaro à l' »assistanat », 6,2 millions d’euros ; Le Point, qui aime dénoncer la « mamma étatique« , 4,5 millions d’euros. Quant à Libération (9,9 millions d’euros d’aide, toujours selon la Cour des comptes) et au Nouvel Observateur (7,8 millions d’euros), comme ils sont bien introduits auprès du pouvoir actuel, plusieurs régions ou municipalités présidées par des élus socialistes financent également leurs « forums » locaux 8.

Il y a trente ans, le Parti socialiste était déjà aux affaires. Il proclamait : « Un réaménagement des aides à la presse est indispensable. (…) Il faut mettre un terme à un système qui fait que les plus riches sont les plus aidés, et les plus pauvres les plus délaissés. (…) » 

Cet article est tiré en grande partie de Richard Monvoisin, Pour une didactique de l’esprit critique, retouché par Nicolas Pinsault.

Effet boule de neige – le frustule extraterrestre de Wickramasinghe

La fabrique du scoop est un vice multiforme, et la reprise du scoop tout cru par d’autres médias un art stupéfiant. L’effet boule de neige décrit très bien ce mécanisme lors duquel quelqu’un reprend une information sans chercher à la mettre en doute. L’histoire du journalisme en est truffée. L’une des plus intéressantes du moment est probablement celle du frustule de Chandra Wrickramasinghe, d’une part par ses implications (une vie extraterrestre), d’autre part par la leçon qu’elle donne aux journalistes et aux vulgarisateurs : si l’on ne connait pas les processus de publication, les biais classiques et les traquenards du milieu, il est très difficile de ne pas prendre une vessie pour un frustule.
 
La plume de Pierre Barthélémy remplit ici son office. Merci à l’auteur d’avoir accepté de voir son texte reproduit.
Les notes adjointes sont celles de Richard Monvoisin.

Des chercheurs croient avoir trouvé une trace de vie extraterrestre

C’était, jeudi dernier, à la « une » du site Internet du quotidien The Independent : des chercheurs britanniques affirment détenir la preuve de la vie extraterrestre. Normalement, toutes les chaînes d’information du monde auraient dû interrompre leurs programmes pour donner la nouvelle et les rotatives de tous les journaux se seraient arrêtées, le temps pour les rédacteurs en chef de faire changer les plaques. Impossible pour un média digne de ce nom de rater ce scoop répondant à une des plus anciennes questions de l’humanité : sommes-nous seuls dans l’Univers ou pas ? Toutefois, au lieu de cette furia planétaire, il y a eu quelques reprises à droite ou à gauche et l’histoire a fait pschitt…

S’agit-il d’un nouveau complot de l’establishment politico-médiatique destiné à étouffer un scoop prouvant une bonne fois pour toutes que les soucoupes volantes existent ? Non. Mais avant d’expliquer pourquoi ce n’est pas le cas, voici les informations de base. Une équipe britannique emmenée par Milton Wainwright, du département de biotechnologie et de biologie moléculaire de l’université de Sheffield, a publié dans le Journal of Cosmology une étude relatant une curieuse découverte effectuée dans la stratosphère. Le 31 juillet dernier (la date est importante), ces chercheurs ont lâché un ballon-sonde au-dessus de Chester, dans le nord-ouest de l’Angleterre. Il était équipé d’un dispositif simple, un tiroir télécommandé dont l’ouverture a été déclenchée lorsque le ballon a atteint 22 kilomètres d’altitude. La boîte est restée ouverte pendant plus d’un quart d’heure, alors que l’ascension se poursuivait. Elle a été refermée à 27 km d’altitude. Puis le dispositif expérimental a été décroché du ballon et est tranquillement redescendu accroché à un parachute.

L’étude en question précise que le tiroir avait été scrupuleusement nettoyé avant le vol de façon à s’assurer que rien ne viendrait « polluer » la récolte dans la haute atmosphère. Pour les mêmes raisons, les chercheurs avaient installé une protection censée empêcher que des particules situées sur le ballon ne tombent dans la boîte. Une fois celle-ci récupérée, son contenu a été passé non pas à la loupe mais au microscope électronique à balayage. Et là, les scientifiques ont eu la surprise de découvrir la minuscule structure qui figure en photo au début de ce billet.

Pour les auteurs de l’article, cela ressemble fort à un « squelette » de diatomée, ces algues unicellulaires qui s’entourent d’une petite boîte de silice, le frustule. Simplement, comment cette chose a-t-elle bien pu se retrouver à 25 kilomètres d’altitude, se demandent ces chercheurs, puisqu’ils excluent toute contamination de leur dispositif expérimental ? Deux solutions s’offrent à eux, expliquent-ils. Ou bien ce morceau de frustule de seulement quelques micromètres de long appartient à une micro-algue terrestre et il vient d’en bas, ou bien il provient de l’espace et il s’agit d’une preuve de vie extraterrestre. L’étude se résume ensuite à une argumentation qui consiste à démontrer qu’aucun mécanisme terrestre connu ne peut expliquer la présence d’un frustule de diatomée à cet endroit de la stratosphère. Aucun avion, aucune tempête, n’a pu l’apporter si haut. Seule une puissante éruption volcanique aurait eu le pouvoir de la propulser à cette altitude mais d’éruption aussi importante il n’y a pas eu depuis un moment. Or, ajoutent les chercheurs, selon un modèle atmosphérique datant de 1968, une particule de la taille et de la densité de ce morceau de frustule retombe au sol à la vitesse minimale d’un mètre par seconde et ne peut rester en suspension dans la stratosphère.

On en arrive donc au raisonnement suivant, que Sherlock Holmes aurait adoré : une fois toutes ces hypothèses terrestres écartées, la seule explication qui demeure, l’origine extraterrestre, est forcément la bonne. Dans The Independent, Milton Wainwright ne s’embarrasse pas de prudence en disant qu’il est « convaincu à 95 % » que cette structure vient du cosmos. Le communiqué de presse de l’université de Sheffield, qui a accompagné la parution de l’étude, est encore plus affirmatif : « Notre conclusion est que la vie arrive continuellement sur Terre depuis l’espace, que la vie n’est pas restreinte à cette planète et qu’elle n’en est certainement pas originaire », dit un Milton Wainwright visiblement conquis par la théorie de la panspermie. Il ajoute que si la Terre est perpétuellement arrosée par cette vie cosmique, sans doute transportée par les pluies cométaires qui donnent les étoiles filantes, « il nous faudra complètement modifier la façon dont nous voyons la biologie et l’évolution. De nouveaux manuels devront être écrits ! »

Alors, révolution darwino-copernicienne ou pas ? Il faut reprendre les choses point par point. Et commencer par le dispositif expérimental : on nous dit par exemple que le fameux tiroir a été nettoyé par… flux d’air et tamponnage à l’alcool. Soit. Mais rien n’est précisé sur son étanchéité ni sur les précautions prises à son ouverture. Ensuite, le frustule : l’équipe n’a visiblement pas pris la peine de demander son avis à un spécialiste des diatomées pour savoir à quelle espèce terrestre il pouvait appartenir. De plus, avant de se lancer dans leur série d’hypothèses, les chercheurs auraient pu commencer par l’analyse isotopique de cette micro-structure afin de déterminer si elle était oui ou non d’origine terrestre (le communiqué de presse évoque d’ailleurs cette expérience). Il y a aussi la chronologie de l’étude : le vol du ballon-sonde a eu lieu le 31 juillet et l’étude a été acceptée par la revue le 9 août. On est sans doute très près du record du monde de l’expérience la plus rapidement analysée, retranscrite, envoyée et acceptée. Ce qui pose bien sûr la question de ladite revue.

Qui est un tant soit peu familier du sujet sait que le Journal of Cosmology n’est pas vraiment une revue scientifique sérieuse. Il s’agit d’un repaire de chercheurs partis en croisade pour la théorie de la panspermie1. Le principal meneur de ce mouvement s’appelle Chandra Wickramasinghe2 (université de Buckingham) dont il se trouve qu’il est à la fois rédacteur en chef du Journal of Cosmology et… co-auteur de l’étude sur la diatomée stratosphérique ! On comprend mieux la vitesse à laquelle le journal, qui pratique soit-disant le peer-review, a accepté cet article. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que Chandra Wickramasinghe sévit dans ce domaine car il a déjà, à plusieurs reprises, affirmé avoir trouvé des diatomées dans des météorites, ce qui a été à chaque fois réfuté. Il a également assuré que des virus comme celui de la grippe ou du SRAS provenaient de l’espace… Si l’on met tout cela bout à bout et si l’on ajoute qu’une découverte aussi importante que la preuve de la vie extraterrestre paraîtrait obligatoirement dans une revue prestigieuse, on saisit pourquoi la planète médiatique n’est, dans son ensemble, pas tombée dans cet énorme panneau jeudi 19 septembre. Et on a d’autant plus de mal à comprendre comment un journal plutôt sérieux comme The Independent s’est fait enfumer… sans compter une flopée de suiveurs non-vérifieurs comme La Tribune de Genèvela BBC ou le Times of India3.

Pierre Barthélémy

  1. La panspérmie est une théorie controversée selon laquelle les premiers organismes ne seraient pas nés de la matière minérale de la soupe primitive, mais bien d’une « vie » extraterrestre, d’un ancêtre cosmique, pour reprendre un terme consacré. Ce scénario se calque à la théorie d’un univers stationnaire de Fred Hoyle… qui fut le mentor de Wickramasinghe (point suivant).
  2. Nalin Chandra Wickramasinghe (1939-) est un personnage tout à fait fascinant. Pierre Barthélémy n’a pas la place de dire qu’outre être soutien à la dérive sectaire Sokka Gakkaï, ayant co-signé un livre avec son fondateur, Wickramasinghe est connu pour des positions qu’on pourrait qualifier de mystiques.Il fut avec Hoyle l’un des contestataires de l’Archaeopteryx, qu’ils qualifièrent de canular dans Archaeopteryx, the Primordial Bird: A Case of Fossil Forgery (1986). Dans l’affaire McLean v. Arkansas, en 1981 devant statuer sur la constitutionnalité d’un enseignement équilibré évolutionnisme / créationnisme, Wickramasinghe fut le défenseur du créationnisme.
  3. Voici les manchettes, comme autant de travaux pratiques.

BBC

Life on Earth ‘came from space’ say scientists

20 September 2013 Last updated at 11:39 BSTScientists at the University of Sheffield believe they have found evidence that life on Earth originated in space. The research suggests that Earth is constantly bombarded by microbes from outer space, which arrive on comets and meteors.Therefore life on Earth began when the planet became habitable enough for the microbes to survive and evolve.

Dr. Milton Wainwright, who is leading the study, told BBC Radio 5 live’s Up All Night: « We believe that life did not form from chemistry here on earth, it came from space… which has major implications for Darwin’s theory. »

Times of India

Alien life found on balloons after meteor shower

Kounteya Sinha, TNN Sep 20, 2013
LONDON: British scientists announced on Thursday that they have found alien life on Earth.
A team of scientists from the University of Sheffield led by Milton Wainwright from the department of molecular biology and biotechnology found small organisms that could came from space after sending a specially designed balloon 27km into the stratosphere during the recent Perseid meteor shower.
 

The balloon was launched near Chester and carried microscope studs which were only exposed to the atmosphere when the balloon reached heights of between 22 and 27km. The balloon landed safely near Wakefield.

The scientists then discovered that they had captured a diatom fragment and some unusual biological entities from the stratosphere, all of which are too large to have come from Earth.

Wainwright said the results could be revolutionary. « If life does continue to arrive from space then we have to completely change our view of biology and evolution, » he said. The scientists said stringent precautions had been taken against the possibility of contamination during sampling and processing, and said the group was confident that the biological organisms could only have come from the stratosphere.

Wainwright said, « Most people will assume that these biological particles must have just drifted up to the stratosphere from Earth, but it is generally accepted that a particle of the size found cannot be lifted from Earth to heights of, for example, 27km. The only known exception is by a violent volcanic eruption, none of which occurred within three years of the sampling trip. »

« In the absence of a mechanism by which large particles like these can be transported to the stratosphere we can only conclude that the biological entities originated from space. Our conclusion then is that life is continually arriving to Earth from space, life is not restricted to this planet and it almost certainly did not originate here, » he said. The group’s findings have been published in the Journal of Cosmology.

The team is hoping to extend and confirm their results by carrying out the test again in October to coincide with the upcoming Haley’s Comet-associated meteorite shower when there will be large amounts of cosmic dust. It is hoped that more new or unusual organisms will be found.

 

Tribune de Genève

Les extraterrestres ont-ils débarqué en Angleterre?

Par Anne-Elisabeth Celton.  20.09.2013

Des scientifiques affirment avoir découvert à Wakefield en Angleterre des organismes provenant de l’espace. Il s’agirait de la première preuve de vie extraterrestre sur terre.

Cette découverte va-t-elle changer le cours de l’histoire? Des scientifiques de l’Université de Sheffield affirment avoir trouvé à Wakefield (West Yorkshire) des preuves de vie extraterrestre, informe The Telegraph. Au mois d’août, ils ont lancé un ballon spécialement conçu à 27 km au-dessus de la surface de la terre lors d’une pluie d’étoiles filantes dite des Perséides. Objectif: prélever des échantillons via des capteurs déclenchés uniquement entre 22 et 27 km. A son retour, le ballon a atterri à Wakefield. Surprise: l’équipe découvre dessus des organismes microscopiques mais d’une taille bien trop grande selon eux pour faire partie de notre système.

Théorie de l’évolution à revoir

Pour le professeur Milton Wainwright, il s’agit d’une découverte révolutionnaire. «Des particules de cette taille ne peuvent être transportées dans la stratosphère en dehors d’un mécanisme exceptionnel comme par exemple une violente éruption, qui n’a pas eu lieu», explique-t-il. «Ces entités biologiques ne peuvent donc provenir que de l’espace. Notre conclusion est que la vie n’est pas limitée à cette planète. Si des organismes arrivent sur terre depuis là-haut, cela change notre vision de la biologie et de l’évolution.»

L’équipe fera un nouveau test le mois prochain lors d’une pluie de météorites.

Effet paillasson – En route vers l’infiniment moyen… et au-delà !, par Richard Taillet

Effets paillasson, impact, puits, fabrication artificielle de scoop… les mots possèdent de nombreuses manières de nous induire en erreur dans nos représentations. Nous défendons l’idée dans nos pages que penseurs, vulgarisateurs et enseignants critiques ont tout intérêt à choisir des termes non ambigus pour discuter, échanger ou débattre. Le lexique scientifique est censé proposer des mots ne possédant qu’un seul sens, une seule acception. Est-ce toujours vrai ? Cet article, intitulé En route vers l’infiniment moyen… et au-delà ! et publié le 10 septembre 2013 sur le blog Mots de science (reproduit ici avec l’accord de l’auteur, Richard Taillet1, de l’Université de Savoie), nous montre comment, si le diable se cache dans les détails, il peut se cacher également dans les mots les plus convenus, comme infini. Et s’il y explique qu’il « saoule sans arrêt [s]es collègues avec ça« , nous ne pouvons que lui dire : continuez, Monsieur Taillet.
Précision : les notes incrustées dans le texte sont de Richard Monvoisin, et n’engagent pas l’auteur.

 

CorteX_Richard_TailletEn route vers l’infiniment moyen… et au-delà !! 

Richard Taillet, dans Mots de science, 10 septembre 2013

« De l’infiniment grand à l’infiniment petit ! », « Voyage entre les deux infinis »… Qui n’a pas entendu ces expressions censées nous faire rêver (?), dans le cadre de conférences, d’articles de vulgarisation, ou dans la bouche de scientifiques s’exprimant dans les médias ? L’infiniment grand est censé évoquer l’astrophysique, la cosmologie, alors que l’infiniment petit renverrait à la physique des particules, des constituants élémentaires. Ces termes sont surtout infiniment dénués de sens. Ils n’apportent aucune lumière sur l’activité des scientifiques, ni sur leurs sujets d’étude, ni sur rien du tout d’autre d’ailleurs. Un astrophysicien étudie des objets qui peuvent être grands, très grands, voire très très grands (à l’échelle humaine). Le physicien des particules étudie des objets qui sont petits, voire très petits (à l’échelle humaine)… Mais je n’ai absolument jamais entendu aucun scientifique employer les termes infiniment petit ou infiniment grand lorsqu’il s’adressait à un de ses pairs.

« Infiniment éloigné de comprendre les extrêmes, la fin des choses et leur principe sont pour [l’Homme] invinciblement cachés dans un secret impénétrable, également incapable de voir le néant d’où il est tiré, et l’infini où il est englouti. », écrivait Blaise Pascal dans les Pensées2. La science moderne a justement su ramener l’étude de l’Univers d’une part, et celle des particules d’autre part, à des échelles finies. Un des grands succès de la cosmologie est de pouvoir parler de la taille de l’Univers de manière quantitative : l’échelle pertinente est la dizaine de milliards d’années-lumière pour l’Univers visible. De même, la physique des particules permet d’associer une taille aux particules (en insistant un peu, certes, car un physicien des particules commencera par vous parler d’échelle de masse ou d’énergie, puis seulement de taille si vraiment vous le poussez à bout).

L’infini, quand il se présente en physique, joue un rôle important dans le développement des théories : il révèle d’éventuelles pathologies, ou en tout cas pose des questions importantes aux théoriciens (les infinis associés à l’horizon des événements d’un trou noir ont joué un rôle crucial dans la compréhension de la structure de l’espace-temps entourant ces objets et de la signification des coordonnées en relativité générale, la théorie qui permet de les décrire, tandis que les infinis de la théorie quantique des champs continuent d’empêcher les physiciens de dormir).

La conjonction des expressions « l’infiniment petit » et « l’infiniment grand » présente aussi un autre risque : la tentation d’en déduire que ce serait un peu la même chose finalement, qu’ils finiraient par se rejoindre3. C’est poétique, mais ça ne correspond à rien de scientifique. Certes l’étude de la cosmologie fait intervenir des notions avancées de physique des particules, mais pour des raisons totalement étrangères à toute mysticité de deux infinis qui auraient l’envie cosmique de ne faire qu’un.

J’ai régulièrement l’occasion de faire ces remarques à des collègues physiciens (traduire par « je saoule sans arrêt mes collègues avec ça« ) et plusieurs me répondent de façon polie que c’est du pinaillage, qu’au contraire il faut employer ces expressions « infiniment grand », « infiniment petit », car le « grand public » les connaît et peut s’y accrocher.

Décidément, non !

Notre rôle de scientifique vulgarisateur, si l’on accepte cette double casquette, est justement de fournir des points d’accroche solides, en particulier au niveau du vocabulaire. Quelle confiance accorder aux idées transmises par les scientifiques si déjà le choix des mots décrivant les concepts est déclaré de seconde importance ?

Richard Taillet

  1. Richard Taillet, du Laboratoire d’Annecy-le-Vieux de Physique Théorique (LAPTH) (page personnelle) est également l’auteur de plusieurs cours, du L1 au M1, en libre accès sur le site de ballado-diffusion de l’Université de Grenoble.
  2. Blaise Pascal, Pensées, ouvrage à forte consonance religieuse, publié à titre posthume après 1662, dont le contenu est en ligne ici.
  3. À l’instar des deux « extrêmes », gauche et droite en politique qui se rejoindraient. De même que pour les infinis physiques, les extrêmes en politique ne se rejoignent que si l’on prend pour prémisse la scène politique comme un cercle continu.

Pour approfondir

Vous avez lu les ouvrages de la page « Pour démarrer » ; ou bien vous êtes déjà un-e habitué-e de la lecture critique. Voici une liste évolutive des ouvrages que le CorteX conseille pour approfondir certains thèmes. Les ouvrages transdisciplinaires ne seront pas notés deux fois, aussi nous vous enjoignons à flâner sur tous les sujets.

Thèmes :


Philosophie, épistémologie

  • Histoire des philosophies matérialistes, Pascal Charbonnat

CorteX_Charbonnat_materialistesRéédition ajoutée de cette somme magistrale, parue en 2007 chez Syllepse (avec une préface de G. Lecointre) et agrémentée chez Kimé en 2013, c’est une coupe sagittale de l’une des pensées les plus craintes par les pouvoirs de toute nature. Travail unique et salutaire.
Présentation des éditions Kimé :
Le matérialisme est sans doute le courant philosophique qui a suscité le plus de controverses, ce qui lui a valu d’être malmené et caricaturé à de nombreuses reprises. Cet ouvrage se propose de montrer le contenu réel de ses concepts, d’en fournir une définition nouvelle et de le relier à ses racines historiques et sociales. Dans chaque période, il est au cœur d’enjeux idéologiques de premier plan parce qu’il est à l’intersection des progrès de la connaissance et des préoccupations métaphysiques. Jusqu’à présent, il n’existait pas d’histoire complète et synthétique de ce courant de pensée, alors qu’il a joué un rôle fondamental dans la vie scientifique et culturelle du monde occidental. La seule entreprise de ce genre fut l’ouvrage de F.-A. Lange (1866), devenu largement incomplet. Le livre de Pascal Charbonnat se veut le panorama d’un champ conceptuel en constante agitation, uni par l’idée que les mythes et le sacré ne sont pas les seuls horizons pour penser la place de l’homme dans l’Univers.
D’Épicure aux matérialistes contemporains anticréationnistes en passant par Marx, une même exigence émancipatrice traverse l’œuvre de ces penseurs. Il s’agit d’en rendre compte tout en indiquant où passent les lignes de fracture. L’enseignement de l’histoire des idées en France néglige cet héritage intellectuel, en le confinant à un cercle restreint de spécialistes. Cet ouvrage voudrait indiquer que les interrogations soulevées par le matérialisme s’adressent à tous. Il est en effet indispensable que cette philosophie soit mieux représentée dans les programmes et les manuels, qui semblent oublier qu’une part importante de la population ne se réfère pas à la transcendance pour donner un sens au monde. L’histoire du matérialisme est également incontournable pour saisir les enjeux du travail des sciences de notre temps. En dévoilant comment les savoirs d’aujourd’hui sont les fruits de luttes contre des traditions conservatrices, elle invite à ne verser ni dans un positivisme naïf, ni dans une défiance figée à l’égard des résultats scientifiques. Être matérialiste consiste moins à désenchanter le monde qu’à en restituer le libre cours.
Pascal Charbonnat est enseignant et docteur en épistémologie et histoire des sciences. Il est l’auteur de Quand les sciences dialoguent avec la métaphysique (Vuibert, 2011). Il a participé à l’ouvrage Les mondes darwiniens (Matériologiques, 2011) et a édité avec François Pépin Le déterminisme entre sciences et philosophie (Matériologiques, 2012). Il est membre du comité de rédaction de la revue d’épistémologie Matière première. Ses travaux développent une approche phylogénique des concepts scientifiques et philosophiques, cherchant à articuler leur analyse logique et leur environnement social et politique.

  • Impostures intellectuelles, Alan Sokal et Jean Bricmont

Impostures_intellectuellesDans ce livre, les auteurs se livrent à une présentation et un décorticage des abus de certains intellectuels et philosophes usant et mésusant de termes précis et propres à un contexte scientifique très pointu, pour les travestir en métaphores soi-disant éclairantes pour le lecteur.
Avec cet ouvrage, Sokal et Bricmont ont ainsi un jeté un pavé dans la marre du relativisme cognitif et autre postmodernisme. À lire sans modération…

Et aussi

  • Les matérialismes (et leurs détracteurs), sous la direction de Jean materialismes_et_detracteursDUBESSY, Guillaume LECOINTRE et Marc SILBERSTEIN

Un ouvrage de référence pour disposer d’outils philosophiques et épistémologiques indispensables dans les questionnements liés à la défense de la démarche scientifique.

  • Pseudosciences et postmodernisme, Alan Sokal

pseudosciences_et_postmodernismeLa pensée postmoderne (alias le courant intellectuel caractérisé par un relativisme cognitif et culturel qui traite les sciences comme des « narrations » ou des constructions sociales parmi d’autres) est présentée puis analysée de façon critique par Alan Sokal qui, après sa participation à l’écriture de Impostures intellectuelles, centre son propos sur les dérives de ce courant intellectuel qui sévit de façon insidieuse dans la construction de nos connaissances.

Et aussi

  • Prodiges et vertiges de l’analogie, Jacques Bouveresse

prodiges_vertiges_analogiePour continuer sur la critique du relativisme cognitif, cet essai nous entraîne dans la découverte d’une forme de « littérarisme » qui consiste à croire que ce que dit la science ne devient intéressant et profond qu’une fois retranscrit dans un langage littéraire et utilisé de façon « métaphorique ». L’exemple des détournements du fameux théorème de Gödel est bien entendu traité dans cet ouvrage.

et aussi

  • Une imposture française, Nicolas Beau et Olivier Toscer

CorteX_Imposture_francaiseDans une période où les imposteurs scientifiques commencent à être dénoncés, tout comme les économistes et les historiens de « garde », rares sont les ouvrages qui dégonflent des baudruches philosophiques. Ce livre survole tous les aspects de carton-pâte de ce philosophe public qui n’est enseigné nulle part mais dont le réseau médiatique est tellement ramifié qu’il lui permet de venir incarner sur les plateaux le penseur, le diplomate, l’exégète, l’enquêteur qu’il n’est pas. Bien sûr, les auteurs ne sont pas les premiers à avoir fait ces critiques : de Vidal-Naquet à Desproges, de Noël Godin l’entarteur au Monde Diplomatique, de Castoriadis à Bourdieu, ils sont nombreux à avoir dénoncé la cuistrerie du personnage, par divers moyens, même de tartes à la crème (sept au compteur). Sans résultat. Le plus extraordinaire chez Bernard-Henri Lévy est qu’on continue encore à l’encenser, le lire dans le Point, le regarder chez Ardisson. Rappelons-nous qu’une imposture se fait à deux : celui qui pérore, et celui qui écoute sans broncher.
On pourra écouter les auteurs dans l’émission de France Inter Là-bas si j’y suis du 31 mars 2006 (télécharger ici)


Sociologie, ethnologie, anthropologie

  • Propos sur les sciences, Yves Gingras

propos_sur_les_sciencesQuelques notions d’épistémologie à travers cet ouvrage présenté sous forme d’entretiens. La préface résume parfaitement son contenu : […] Au-delà des clichés sur le génie et l’excentricité des scientifiques, que sait-on vraiment de la science ? Ou plutôt des sciences ? De la méthode scientifique et de ses transformations ? Du rôle des instruments en sciences ? Des nombreuses controverses qui ont marqué son histoire du XVIIe siècle à nos jours ? La science fait-elle partie de la culture ? Les scientifiques peuvent-ils croire en Dieu ? Que penser des mouvements créationnistes ? Quels sont les liens entre la science et l’économie ? Comment fonctionnent les communautés scientifiques ?

  • Et l’homme créa les dieux, Pascal Boyer

et_l_homme_crea_les_dieuxPourquoi les dieux, les sorciers, les démons, les esprits, etc. sont-ils présents partout où l’Homme se trouve ? En d’autres termes : pourquoi les religions existent-elles ? Est-ce la peur de la mort ? Le besoin de croire ? À travers une triple approche (ethnographie, sciences du cerveau, évolution), l’auteur bat en brèche certaines de nos idées reçues et apporte une réflexion neuve et passionnante sur ces questions.

Et aussi

  • L’empire des croyances, Gérald Bronner

empire_des_croyancesLes connaissances sur le monde ne cessent d’augmenter et pourtant, il ne semble pas que « l’empire des croyances » soit en train de disparaître. Comment expliquer que certaines allégations se diffusent plus rapidement que d’autres ? Quels sont les contextes qui favorisent leur émergence ? L’auteur propose plusieurs réponses  en s’appuyant sur de nombreux exemples avec pour objectif de décrire les logiques qui sous-tendent nos adhésions.

Et aussi

  • Vie et mort des croyances collectives, Gérald Bronner

CorteX_Bronner_vie_et_mort_des_croyances_collectivesMalgré de constants progrès techniques et scientifiques, nos sociétés restent des sociétés de croyances. Les rumeurs, les idéologies, les superstitions restent intimement ancrées dans notre vie quotidienne, alors même que la diffusion des connaissances scientifiques gagne chaque jour en importance. Comment résoudre ce paradoxe : nous accordons de plus en plus notre confiance à la science, tout en laissant aisément se développer des croyances parfois irrationnelles ?
Cet essai se propose d’examiner ce paradoxe, propre à nos sociétés modernes, en mobilisant des exemples aussi divers que le mythe du Père Noël, les légendes du 11 Septembre 2001, une psychose collective qui gagna la ville de Seattle dans les années 50, le processus d’adhésion à une secte… Quoique sensiblement hétéroclites, toutes ces illustrations peuvent être ramenées à la question de l’émergence et de la disparition des croyances collectives. Quels processus mènent à leur avènement ou à leur abandon ? Gérald Bronner nous fournit une première approche de ces questions épineuses sur la base d’expérimentations inédites en sciences sociales.

On trouvera une critique d’Agnès Lenoire publiée dans Sciences & Pseudosciences N°273, juillet/août 2006.

On retrouvera quelques ressources audio ici : Matériel audiophonique de Gérald Bronner et là : Conférence Principe de précaution ou décisions raisonnées ?

  • Sur l’état. Cours au Collège de France, Pierre Bourdieu

CorteX_Sur_l_etatHormis le directeur adjoint du Figaro qui, le 7 janvier 2012, s’est fendu d’un article initulé « Au secours, Bourdieu revient ! »,(1) la planète de la sociologie critique revibre en ce début d’année avec la publication, dix ans après sa mort, des cours au Collège de France du sociologue Pierre Bourdieu. Ce recueil des années 1989-1992 s’intitule Sur l’Etat, et a été publié aux éditions Raisons d’Agir, Seuil, sous les soins vigoureux entre autres de Franck Poupeau et de Patrick Champagne. Je (RM) n’ai lu que le premier cours (j’avais sous-tiré son exemplaire à Julien Lévy). J’ai par contre eu l’occasion d’écouter descriptions et recensions sur la radio. En voici deux.La première est issue de l’émission La suite dans les idées, sur France Culture. Le linguiste Pierre Encrevé y commente élégamment l’ouvrage.(2)

Ecouter :
La seconde, tirée de la Fabrique de l’Histoire sur France Culture du 25 janvier 2012, donne entrevues, extraits de film et commentaires de P. Champagne et F. Poupeau. Ecouter :

J’indique par ailleurs que sur le site pierrebourdieuunhommage.blogspot.com se trouvent un grand nombre d’autres émissions permettant de s’initier aux concepts de champ ou d’habitus. En attendant une analyse du CorteX, voici ci-dessous la description de l’éditeur :
Transversale à l’œuvre de Pierre Bourdieu, la question de l’État n’a pu faire l’objet du livre qui devait en unifier la théorie. Or celle-ci, à laquelle il consacra trois années de son enseignement au Collège de France, fournit à bien des égards la clé d’intégration de l’ensemble de ses recherches : cette « fiction collective » aux effets bien réels est à la fois le produit, l’enjeu et le fondement de toutes les luttes d’intérêts.
Ce texte, qui inaugure la publication des cours et séminaires du sociologue, donne aussi à lire un « autre Bourdieu », d’autant plus concret et pédagogue qu’il livre sa pensée en cours d’élaboration. Dévoilant les illusions de la « pensée d’État », vouée à entretenir la croyance en un principe de gouvernement orienté vers le bien commun, il se montre tout autant critique à l’égard de l’« humeur anti-institutionnelle », prompte à résumer la construction d’un appareil bureaucratique à une fonction de maintien de l’ordre social.
À l’heure où la crise financière permet de précipiter, au mépris de toute souveraineté populaire, le démantèlement des services publics, cet ouvrage apporte les instruments critiques nécessaires à une compréhension plus lucide des ressorts de la domination.
(1) La plume de Henri Maler pique à ce propos dans Au palmarès des détestations du Figaro : Pierre Bourdieu, ACRIMED, 23 janvier 2012.

(2) On pardonnera probablement à P. Encrevé de mettre Michel Foucault sur le même plan que Bourdieu (ce dont personnellement je doute, voir par exemple le livre Longévité d’une imposture : Michel Foucault, suivi de Foucaultphiles et foucaulâtres, de Jean-Marc Mandosio), mais ça nous sera plus difficile avec Jacques Lacan.


 
Biologie, Sciences de la Vie et de la Terre

  •  Guide critique de l’évolution, sous la direction de Guillaume Lecointre

altUn manuel à destination de tout enseignant ou formateur désirant mieux comprendre la théorie de l’évolution. Il expose très concrètement les bases philosophiques et épistémologiques permettant de répondre aux dérives créationnistes et autres scénarios du dessin intelligent. Une véritable base de données complète sur ce thème.

Voir également le commentaire de Cyrille Barrette : [youtube=http://www.youtube.com/watch?v=XfsSWU8yxYM]

  • L’effet Darwin. Sélection naturelle et naissance de la civilisation, Patrick Tort

effet_darwinL’évolution par la sélection naturelle. On associe souvent sélection naturelle avec « loi du plus fort qui sévit dans la « Nature » ? On extrapole parfois en pensant que le futur appartient aux espèces qui laissent derrière elles les plus faibles de leurs congénères voire que ceux qui s’adaptent le moins ne survivent pas… Et d’en déduire logiquement que l’être humain, en aidant les plus en difficulté, agit « contre nature ».
Ce livre est indispensable pour battre en brèche ces idées erronées sur la réalité de la sélection naturelle et éclairer une théorie scientifique souvent mal comprise, parfois volontairement mal interprétée dans le seul but de soutenir de graves dérives racistes et discriminantes.

  • Enquête sur les créationnismes, Réseaux, stratégies et objectifs politiques, Cyrille BAUDOUIN & Olivier BROSSEAU, 2013

5795_couv_crea.inddNouveau livre, sur le même sujet que le magnifique opuscule « Les créationnismes » publié en 2008 que nous proposent Cyrille Baudouin et Olivier Brosseau. Trois ans de travail pour cette enquête fouillée, minutieuse, méthodique sur les ressorts épistémologiques et politiques des courants créationnistes, effectuée par deux opiniâtres chercheurs que nous avons le plaisir de connaître personnellement. Cliquez sur les liens suivants pour télécharger : la table des matières / l’introduction. Et pour suivre leur actualité, consultez le site www.tazius.fr/les-creationnismes/
Commentaire de Belin :
Au-delà de leur diversité, tous les créationnismes se caractérisent par leur volonté d’instrumentaliser la science pour justifier une vision du monde conforme à certains dogmes religieux. Leur démarche est donc politique. Fruit d’une enquête minutieuse et riche d’interviews de spécialistes reconnus (biologistes, cosmologistes, sociologues, philosophes, etc.), cet ouvrage est à la fois un recueil d’informations sur les créationnismes et un outil indispensable pour exercer son esprit critique dès lors que la science est convoquée pour justifier des positions politiques.
Après avoir rappelé les spécificités de la démarche scientifique, Cyrille Baudouin et Olivier Brosseau explorent la diversité des mouvements créationnistes et les ressorts de leur mondialisation, en livrant une analyse inédite de leurs réseaux, de leurs stratégies et des contextes politiques dans lesquels ils émergent, y compris en France. Ils montrent ainsi combien le créationnisme est à la croisée de questions sociétales majeures, comme le rôle politique des religions, la privatisation de l’enseignement et la place de la science dans une démocratie.
Olivier Brosseau et Cyrille Baudouin, respectivement docteur en biologie et ingénieur en physique, se sont spécialisés dans la diffusion de la culture scientifique. Ils enquêtent sur les créationnismes depuis plusieurs années et sont les auteurs de divers travaux sur le sujet.
Guillaume Lecointre (préfacier) est systématicien, professeur au Muséum national d’histoire naturelle, directeur du département Systématique et évolution.

  • Le gène égoïste, Richard Dawkins

Commentaire : [youtube=http://www.youtube.com/watch?v=CRg19C_rdzM]

  • La malmesure de l’Homme, Stephen Jay Gould

Commentaire : [youtube=http://www.youtube.com/watch?v=6bJthIhuC7g]
Livre édifiant par la documentation qu’il fournit, et le travail développé par Gould pour montrer comment les influences idéologiques de la fin du XIXe et du XXe en terme de racisme et d’ordre naturel ont amené d’éminents scientifiques à trier les données, à frauder, ou à lisser les résultats dans le sens de l’hypothèse de départ. On comprend les mécanismes plus ou moins conscients qui peuvent mouvoir un savant lorsqu’il nourrit une hypothèse a priori irréfutable en soi. Gould s’est astreint à vérifier un grand nombre des expériences des plus importants théoriciens du racialisme. C’est un ouvrage majeur, à ce bémol près : on nous indique que Gould lui-même aurait peut être légèrement infléchi son jugement dans ce livre.
Nous vous encourageons à vous faire une idée par vous-même en lisant Vices et vertus de S. J. Gould, de Serge Larivée, de l’université de Montréal, Revue québécoise de psychologie, vol. 23, n°3, 2002, pp 7 – 23).

  • Les harmonies de la nautre à l’épreuve de la biologie, Pierre-Henri Gouyon

CorteX_Gouyon_HarmonieLa croyance dans une Nature harmonieuse qui prédominait au XVIIIe siècle a progressivement été mise à mal par les avancées de la biologie. Au travers de plusieurs exemples, l’auteur bat en brèche avec concision la notion d’harmonie, en utilisant les acquis du programme néo-darwinien. Un livre court, dense, qui amènera un non-spécialiste à rester en suspend de longues minutes sur la même page tant certaines idées sont puissantes, mais qui réserve de belles surprises et de grandes stimulations intellectuelles sur des sujets à cheval entre science et idéologies.
INRA-Quae 2002. Commander ici

  • Le Fabrique de l’homme. Pourquoi le clonage humain est irréversible…, Laurent Ségalat

CorteX_la-fabrique-de-l-homme-laurent-segalatPlus de dix ans après la naissance de la brebis Dolly, le clonage reproductif reste un foyer sans fond de débats éruptifs, aussi bien pour des raisons cohérentes qu’à causes de scénarios fantasmagoriques. L. Ségalat reprend ici l’analyse de ce que d’aucuns perçoivent comme un « mal absolu ». La recherche sur le clonage, que le législateur conditionne à une peine de prison de trente ans, et sa promotion, elle aussi punie par la loi, mérite pourtant un décorticage approfondi, ne serait-ce que pour anticiper le pire. Ségalat, comme dans son ouvrage précédent  La science à bout de souffle ?, allie plume, clarté et honnêteté intellectuelle. A mettre entre ses oreilles pour faire fumer son cerveau.  Bourin éditeur, 2008.


Histoire

  • Les historiens de garde – De Lorànt Deutsch à Patrick Buisson, la résurgence du roman national, William Blanc, Aurore Chéry, Christophe Naudin, Inculte Essai, 2013.

Psychologie

  • Le génie de l’intuition, Gerd Gigerenzer

CorteX_Gigerenzer_intuitionAu CorteX, grâce à Denis Caroti, nous connaissions Penser le risque de Gerd Gigerenzer, excellent livre approchant la question des appréciations des risques et du mésusage des statistiques. Quand nous sommes tombés sur le titre de ce livre du même auteur, nous avons pris peur : Le génie de l’intuition : Intelligence et pouvoirs de l’inconscient. L’inconscient ? Ouyouyouïlle… serait-ce une éternelle resucée de l’inconscient freudien ? Nous avons tout de même osé l’acheter et c’est une très bonne surprise.
Il s’agit moins de flatter l’intuition, que de montrer comment il arrive que celles et ceux qui connaissent moins un sujet utilisent le « pif », l’intuition avec un succès supérieur aux plus fins connaisseurs. Quelques expériences sont montrées qui sont tout à fait stimulantes. J’y ai (RM) senti parfois une sorte d’éloge de l’ignorance et un encouragement récurrent à l’intuition qui gênera probablement ceux qui comme moi sont témoins des Charbyde et des Scylla vers lesquels l’intuition pousse parfois. Au vu du contenu pertinent, j’ai l’impression que le titre est plus volontiers un coup marketing.


Pédagogie

  • Francisco Ferrer, une éducation libertaire en héritage, de Sylvain Wagnon

CorteX_Wagnon-Francisco-Ferrer-une-education-libertaire-en-heritagePour des rationalistes pédagogues comme nous, quelle gifle que de redécouvrir l’histoire et les combats de Francisco Ferrer (1859-1909), l’anarchiste, le pédagogue, le franc-maçon et le rationaliste, qui lutta pour l’ouverture d’une école libre penseuse et rationaliste, et laissa la vie dans ce combat. Sylvain Wagnon, enseignant-chercheur à l’Université de Montpellier 2, nous emmène dans son livre au croisement de plusieurs histoires : celle de l’anarchisme, de l’éducation libertaire mais aussi de l’éducation nouvelle. En effet, cet anarchiste « éducationniste » s’engage dans l’élaboration d’un projet éducatif global, dans la lignée de celui de Paul Robin, mais avec ses propres convictions et sans limiter son action à la création d’une école rationaliste. On y trouve la traduction française en intégral de son ouvrage l’École moderne. En 1909, suite aux événements sociaux de « la semaine tragique » à Barcelone, Ferrer est accusé, notamment par le clergé catholique, d’en être l’un des instigateurs. Un tribunal militaire conduit, à l’issue d’une parodie de procès, à sa condamnation à mort. Il sera fusillé le 13 octobre.
Atelier Création libertaire 30 mars 2013. Commander ici.

Cours d'esprit critique à l'INSA de Lyon – « Je doute donc je pense »

Ce sont nos amis, mais ils sont discrets. Carine Goutaland, docteur ès lettres, secondée de quelques-uns de ses collègues dont le célèbre Stanislas Antczak assurent depuis quelquesCorteX_Stan_Antczak temps un cours à l’école d’ingénieurs INSA de Lyon intitulé
« Je doute donc je pense » : de l’importance de l’esprit critique (science, paranormal, manipulation)
Certes, il s’agit d’un cours pour le 1er cycle, non public. Cependant, si vous êtes enseignant-e, et souhaitez assister à une séance, écrivez-leur : carine.goutaland [at] insa-lyon.fr
Ci-dessous, les objectifs et les contenus.

 
 


OBJECTIFS : À partir d’une réflexion sur les pseudosciences (zététique, du grec zetein, « chercher »), il s’agit de sensibiliser les étudiants à la nécessité d’une démarche critique pour aborder la mise en discours et l’utilisation (médiatique, politique, etc.) du savoir scientifique.

L’objectif est d’élaborer une réflexion transdisciplinaire, mettant en œuvre à la fois les sciences pour l’ingénieur et les sciences humaines, sur l’apprentissage du doute dans un cursus scientifique.

COMPÉTENCES DÉVELOPPÉES :

  1. Appréhender un problème dans sa complexité (l’objet d’étude – les phénomènes paranormaux – exige par sa nature même une approche scientifique intégrant des perspectives sociologique, psychologique, linguistique mais aussi politique, économique, etc.)
  2. Conduire une démarche scientifique (critique et élaboration d’un protocole expérimental)
  3. Appliquer des méthodes d’investigation scientifique à un champ d’étude original
  4. Analyser un discours et une image de façon pertinente, comprendre et élaborer des stratégies argumentatives
  5. Travailler en équipe (projet de fin de semestre)
  6. Savoir communiquer (présentation orale, exercices d’argumentation…)
  7. Critiquer son propre travail de façon constructive (retour sur expérience lors de la soutenance de projet)

PROGRAMME :

  • Savoir douter : Principes et démarches de la zététique ; enjeux idéologiques, politiques et philosophiques du développement de l’esprit critique
  • Science et incertitude : méthodologie expérimentale ; hasard et statistiques ; le paradoxe de l’observation scientifique : incertitudes liées à la mesure et à l’interprétation de la mesure (théorie + réalisation d’expériences)
  • Rhétorique et argumentation – techniques de persuasion ; la manipulation à travers la communication verbale et non verbale, la manipulation par l’image

Les étudiants seront évalués par un travail écrit (analyse critique d’un document : stratégies de discours + critique d’un résultat d’expérience) et par un travail oral (projet collectif : production d’un protocole expérimental appliqué, activité interactive sur un sujet imposé, donnant lieu à une soutenance)

BIBLIOGRAPHIE : ARISTOTE, La RhétoriqueBOT L., Philosophie des sciences de la matière, Paris, L’Harmattan, 2007BROCH H., Le Paranormal. Ses Documents, ses Hommes, ses Méthodes, Paris, Le Seuil, collection Science Ouverte, 1985CHARPAK G. et BROCH H., Devenez sorciers, devenez savants, Odile Jacob, 2002

SUPPORTS PEDAGOGIQUES :

Alternance de cours théoriques, de cas pratiques (présentés par un binôme d’enseignants Humanités/SPI) et de suivi de projets personnels (soutenances) – Polycopiés

EQUIPE ENSEIGNANTE :

Carine GOUTALAND (PRAG Lettres, Humanités) – Philippe BOUSQUET (PRAG Lettres, Humanités) – Julie LECLERE (PRAG Lettres, Humanités) – Damien FABREGUE (MCF, SGM) – Stanislas ANTCZAK (intervenant expert extérieur, professeur de Physique au lycée d’Oullins, ex-président de l’Observatoire zététique)

Répartition du temps pédagogique :
Cours, conférences, … 22 h Total face à face : 30h
Participation active : TPs, débats, enquêtes, …

8 h

Travail personnel 12 h Maxi : 12h

 

Mode d’évaluation
Évaluation écrite OUI
Autre mode d’évaluation : rapport, soutenance, production … OUI

Économie – Matériel critique pour élaborer le post-capitalisme

Nos ami-es d’Antigone l’appellent la Fabrique du futur. Le point de départ est pourtant simple : de plus en plus nombreux sont les contestataires du modèle économique capitaliste et des politiques néo-libérales (voir par exemple les derniers grands sondages de BBC news 2009).
La question qui meut toutes ces initiatives est la suivante : peut-on étayer scientifiquement la contestation du modèle économique dominant ? Et que  peut-on proposer à la place ?
Voici une contribution du CorteX : fournir du matériel audio critique sur la science économique et son paradigme dominant. Puissent ces documents fournir de quoi élaborer des ateliers stimulants et questionnant les concepts scientifiques de base.

Certaines de ces émissions sont de très bonne qualité, d’autres beaucoup moins – elles peuvent dans ce cas servir à illustrer des lieux communs ou des idées reçues. Il s’agit en quelque sorte d’un matériau « brut », que j’ai groupé en 5 entrées.  On remarquera que les  sources sont souvent les mêmes. Il s’agit moins d’une sélection partiale  de ma part que du constat de la pauvreté des critiques du capitalisme sur les ondes. On notera aussi qu’il y a beaucoup d’hommes qui causent : l’économie est-elle une matière « genrée » ?

Économie politique

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Alain Denault

Noir Canada, par Alain Denault

(France Culture, émission Terre à terre, 18 février 2012)

Entretien avec Alain Denault, philosophe, sociologue, auteur de « Noir Canada, corruption et criminalité en Afrique » (Ecosociété, 2008) et de « L’économie de la haine » (Ecosociété, 2011).

Télécharger – Écouter :

Entrevue d’Ernest Antoine Seillière

(France Inter, Le 7/9, 2 mars 2012)

Ernest Antoine Seillière est invité à parler de son livre On n’est pas là pour se faire engueuler. Il y donne son point de vue sur les très riches, sur le capitalisme, sur la mise en place des 35 heures, sur les responsables de la crise de 2008 etc. C’est le point de vue très partial de l’ancien président du syndicat patronal, le MEDEF.

Dette publique

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Eric Toussaint

La dette ou la vie !

(France Inter, émission Là-bas si j’y suis,14 et 15 décembre 2011)
Avec Eric Toussaint

Partie 1 – Télécharger (39Mo) – Ecouter :

Partie 2 – Télécharger (40Mo) – Ecouter :

Privatisation des médias – Intrication journalisme & capitalisme financier

Émission sur le documentaire Les nouveaux chiens de garde, de Gilles Balbastre et Yann Kergoat

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Jean Gadrey

(France Inter, émission Là-bas si j’y suis, 5 et 6 janvier 2012)
Avec l’économiste Jean Gadrey, les journalistes Michel Naudy, Gilles Balbastre et Serge Halimi.

Partie 1 – Télécharger (36Mo) – Écouter :

Partie 2Télécharger (36Mo) – Écouter

Émissions « Le cauchemar des années 80 »

(France Inter, émission Là-bas si j’y suis, du 22 au 29 novembre 2011)

Avec les journalistes Gilles Balbastre, Pierre Rimbert, Serge Halimi, l’historien des idées François Cusset, l’économiste Frédéric Lordon.

Partie 1 : Télécharger , écouter :

Partie 2 : Télécharger , écouter :

Partie 3 : Télécharger , écouter :

Partie 4 : Télécharger , écouter :

Partie 5 : Télécharger , écouter :

Partie 6 : Télécharger , écouter :

Partie 7 : Télécharger , écouter :

CorteX_Pierre_Rimbert
CorteX_Serge_Halimi
CorteX_Francois_Cusset
CorteX_Frederic-Lordon

Privatisations et réforme des retraites

L’enjeu des retraites

(France Inter, émission Là-bas si j’y suis, 2 septembre 2010)
Avec l’écrivain Bernard Friot.

Télécharger (37Mo) – Ecouter :

Une mise en scène par la Scop Le pavé est visionnable en bas de l’article.

Fiscalité

Devenez riche, ne payez plus d’impôt

(France Inter, émission Là-bas si j’y suis, 20 janvier 2012) Reportage de Charlotte Perry.

Télécharger (48Mo) – Écouter

Prenons l’argent là où il se trouve : chez les pauvres

(France Inter, émission Là-bas si j’y suis, 30 mai 2010). Reportage de Charlotte Perry.

Télécharger (45Mo) – Écouter :

Taxez-nous !

(France Inter, émission Là-bas si j’y suis, 30 aout 2011) Avec les sociologues Monique et Michel Pinçon Charlot.

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Monique et Michel Pinçon-Charlot

Télécharger (41Mo) – Écouter :

Le temps des riches, anatomie d’une sécession

PARIS : Thierry Pech
Thierry Pech

(France Culture, émission la suite dans les idées, 8 octobre 2011). Avec Thierry Pech, directeur de la rédaction du magazine Alternatives économiques.

Télécharger (28Mo) – Écouter :

Fiscalité, la fabrique des inégalités 1 et 2

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(France Inter, émission Là-bas si j’y suis, 21 et 22 septembre 2011) Reportages de François Ruffin.

Partie 1 : Télécharger (38Mo) – Écouter :

Partie 2 : Télécharger (51Mo) – Écouter :

Au secours, les riches veulent s’en aller !
(France Inter, émission Là-bas si j’y suis, 5 novembre 2010) Reportage de Julien Brygo.

Télécharger (40Mo) – Ecouter :

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Julien Brygo

Vous avez des suggestions, des critiques ou d’autres documents à proposer ? Ecrivez-nous !

La folie des grandeurs, Gérard Oury (1971)

Bibliographie

Ici sont présentés les livres cités dans les émissions ci-dessus.

CorteX_Bensaid_Marx

MARX L’INTEMPESTIF, Grandeurs et misères d’une aventure critique (XIXe, XXè siècles), Daniel Bensaïd, Fayard (1995)

CorteX_Eco_atterres

Manifeste des économistes attérés – Crise et dettes en europe, Philippe Askenazy, Thomas Coutrot, André Orléan et Henri Sterdyniak, Les liens qui libèrent (2010)

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LE TEMPS DES RICHES, Anatomie d’une Sécession, Thierry Pech, Seuil (2011)

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Le grand renversement : de la crise au renouveau solidaire, Jean-Michel Servet, Desclée de Brouwer (2010)

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L’enjeu des retraites, Bernard Friot, La dispute (2010)

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20 ans d’aveuglement l’Europe au bord du gouffre, Economistes atterrés, Les liens qui libèrent (2010)

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Les trous noirs de la science économique. Essai sur l’impossibilité de penser le temps et l’argent, Jacques Sapir, Albin Michel (2000)

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Le président des riches, enquête sur l’oligarchie dans la France de Nicolas Sarkozy, Monique Pinçon Charlot & Michel Pinçon, Zones, La découverte (2010)

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Jusqu’à quand ? Pour en finir avec les crises, Frédéric Lordon, Raisons d’agir (2008)

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Et la vertu sauvera le monde, Frédéric Lordon, Raisons d’agir (2003)

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Fonds de pension, piège à cons, Frédéric Lordon, Raisons d’agir (2000)

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Conflits et pouvoirs dans les institutions capitaliste, Frédéric Lordon, Presses de la Fondation des Sciences Politiques (2008)

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La crise de trop, Frédéric Lordon, Fayard

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Leur grande trouille – journal intime de mes « pulsions protectionnistes », François Ruffin,  Liens qui libèrent (Les) (2011)

Ordre monétaire et chaos social, Frédéric Lebaron, éditions du Croquant (2006)

La grande régression, Jacques Généreux, Seuil (2010)

Quand la gauche essayait, Serge Halimi, Arléa (2000)

La stratégie du choc, Naomi Klein, Actes sud (2008)

Adieu à la croissance de Jean Gadrey, Les petits matins (2010)

A l’ombre des niches fiscales, Katia Weinfeld,Economica (2011)

La dette ou la vie, Eric Toussaint et Damien Millet, Aden (2011)

Annexes

Fric, Krach et gueule de bois

de Daniel Cohen et Erik Orsenna, diffusée le 11 janvier 2011 sur France 2

Partie 1

Partie 2

Partie 3

Partie 4

Partie 5

 Mise en scène par la Scop Le pavé

Richard Monvoisin

Martin Winckler, Le choeur des femmes

CorteX_Zaffran_Martin_Winckler La pensée critique est l’art de passer par dessus les cloisons des définitions. Qu’y a-t-il derrière le mot OVNI, le mot démocratie, le mot travail, le mot normal, …le mot sexe ? Alors, quand un type que l’on connait bien pour son anti-autoritarisme, sa lecture scientifique pointue toujours mise au service du patient et non de l’institution, quand ce type donc écrit des romans pour pousser les lecteurs et des lectrices à réflechir en passant un moment agréable ; quand un homme se penche sur le corps des femmes, pourtant délaissé par une écriture scientifique patriarcale (voir Le clitoris, ce cher inconnu) ; quand il y est question d’une des grandes stimulations socio-intellectuelles qu’est la réflexion sexe-genre-trans-intersexualité-indétermination, on ne peut que se réjouir, et le dévorer – le livre, pas le type –  d’une traite en deux nuits blanches.

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Je l’avais rencontré lors d’une sorte de séminaire qui, dans ma mémoire, devait avoir pour titre quelque-chose comme « Gynécologie & esprit critique« . Je connaissais son ouvrage phare, La maladie de Sachs, et sa version ciné avec Albert Dupontel, ainsi que Les trois médecins et sa chronique sur France Inter dont il avait été éjécté en 2004. J’étais jeune thésard, très enclin au féminisme, et par conséquent méfiant sur un individu qui cumule trois systèmes de domination presque absolus : celui d’être médecin, celui d’être homme et celui d’être connu. Je savais depuis longtemps que les livres ont tendance à être meilleurs que leurs auteurs. Or non seulement le gars est aussi simple que barbu, mais en outre il dit adorer regarder les contenus culturels et scientifiques des séries TV ! Un peu plus et je l’aurai pris dans mes bras, avec mes Fringe, Kyle XY, Lie to me, lui avec ses House, Grey’s anatomy et autres séries en blouse blanche. Quelqu’un qui trouve du matériel subversif dans Urgences ne peut pas être foncièrement mauvais.

Je ne peux pas dire que je connais bien Martin Winckler, ou plutôt son vrai nom, Marc Zaffran. Mais je suis resté en contact avec lui, après son départ pour le Québec, et je lui ai rendu visite fin 2010, dans son labo d’éthique, le CREUM. Il s’est expatrié pour trouver une liberté de travail que la France ne lui donnait pas. Je ne connais pas beaucoup d’ouvrages de référence sur les droits du patient, sur l’art de dire non à un médecin, de réclamer ses droits, hormis le sien (Les Droits du patient, en collaboration avec Salomé Viviana, collection « Soigner », Fleurus 2007). Je ne connais pas de forum aussi bien fourni que le sien sur les questions de contraception. Et lorsque la duale et illusoire séparation nette des sexes vient se faire bousculer, non avec des sabots mais en douceur par ses romans, je ne peux qu’applaudir et lire d’une traite.

Certes, nous sommes petits, débutants et inconnus, au corteX. Précaires aussi. Mais Winckler est de notre famille, une sorte d’oncle bourru qui nous encourage et nous pousse à bosser.

Richard Monvoisin

M. Winckler présente son livre (par Sylvain Bourmeau, Médiapart)

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Paru en 2009 chez POL, Le choeur des femmes est ressorti en février 2011 chez Folio.

C’est un grand roman de formation, situé dans un service de « médecine de la femme », l’unité 77, au Centre Hospitalier (fictif) de Tourmens. Il met en scène la rencontre de deux médecins : Jean Atwood, jeune et volontaire interne de chirurgie gynécologique qui se destine à la réparation des corps féminins, et Franz Karma, praticien d’une cinquantaine d’années qui s’est consacré depuis trente ans à la santé des femmes. Atwood doit passer six mois dans le service de Karma, mais n’a pas du tout envie d’y perdre son temps à « tenir les mains des patientes ».

Or, l’unité 77 n’est pas un service comme les autres. Karma en est le seul praticien, il y travaille avec une secrétaire, une conseillère de planification, des infirmières et des aide-soignantes qui le désignent par son prénom. Il y pratique des IVG et y hospitalise clandestinement des patientes à l’insu de l’administration de l’hôpital. Il reçoit les femmes que personne ne veut recevoir ou que les gynécologues méprisent ou fuient comme la peste, immigrantes, femmes voilées, SDF, femmes violées, mais aussi celles qui sont en rupture de famille, ou qui ont décidé qu’elles ne veulent pas avoir d’enfants et demandent à se faire stériliser.

Alors que sa « vocation » était tout autre, le Dr Atwood va peu à peu, à son corps défendant, découvrir qu’écouter les femmes n’est ni répétitif ni assourdissant, mais que ça lui permet non seulement d’apprendre son métier de médecin et aussi de découvrir sa propre identité.

Quoique raconté à la première personne par l’interne « novice » qui arrive à l’unité 77, Le Choeur des femmes est un roman « polyphonique » dans lequel tous les personnages, chacun à leur tour, prennent la parole. Il mêle des descriptions précises de ce que devrait être une consultation de gynécologie au service des femmes aux monologues (« Arias ») des femmes que croisent Atwood et Karma. C’est à la fois un roman d’initiation au métier et à l’éthique des soignants et un roman d’énigme, centré sur un double secret de famille.

Esprit critique & kinésithérapie : deux mémoires défrayent la chronique

En ce mois de juin 2012 sortent simultanément de l’Ecole de Kinésithérapie du CHU de Grenoble deux mémoires de Master 1 portant sur des sujets controversés : la fasciathérapie MDB et la micro-kinésithérapie. Le travail de Nelly Darbois, mené le plus rigoureusement et impartialement possible, alimentera les réflexions et devraient permettre d’affiner les pratiques et l’épistémologie de la discipline. Concernant le mémoire de Thibaud Rival, il est de moindre qualité mais apporte un éclairage indéniable sur son objet. Bonne lecture.

Nelly Darbois
Nelly Darbois – Kinésithérapie (Chambéry, France)

Le premier mémoire, écrit par Nelly Darbois, porte sur le sujet « chaud » de la fasciathérapie Méthode Danis Bois et s’intitule La fasciathérapie « Méthode Danis Bois » : niveau de preuve d’une pratique de soin non conventionnel [1]. Il a été encadré par Richard Monvoisin (CorteX – Université de Grenoble) et Stéphanie Bernelle (Ecole de Kinésithérapie – CHU Grenoble).

  • Le mémoire (pdf, actualisé le 28 juin 2012)
  • Le poster (pdf)
  • La présentation orale montée, (le 25 mai 2012 à Grenoble) :

    Ajout du 22 décembre 2017.

    Des requêtes judiciaires menées depuis 2012 par la société Point d’appui et l’association nationale des kinésithérapeutes fasciathérapeutes (aujourd’hui nommée Association FasciaFrance) ont conduit à demander à ce que « les informations concernant la fasciathérapie ne doivent plus figurer dans le guide  » Santé et dérives sectaires  » publié par la mission interministérielle de vigilance contre les dérives sectaires (MIVILUDES) en avril 2012  » 1.


CorteX_Thibaud_Rival

Le second mémoire, produit par Thibaud Rival aborde le non moins problématique sujet de la microkinésithérapie de MM. Benini et Grosjean, et s’intitule « Une méthodologie d’approche des pratiques non conventionnelles : application par l’analyse critique de la microkinésithérapie ». Il a été encadré par Nicolas Pinsault (CorteX – Ecole de Kinésithérapie – CHU Grenoble) et Richard Monvoisin (CorteX – Université de Grenoble).

Pour tout détail, complément ou remarque :

  •  Nelly Darbois, Thibaud Rival via R. Monvoisin – Collectif de Recherche Transdisciplinaire Esprit Critique & Sciences (CORTECS) Bureau des Enseignements Transversaux – Département des Licences Sciences & Techniques  480 avenue Centrale Domaine Universitaire BP 53 – 38041 Grenoble cedex 9 – Monvoisin [at] cortecs.org

Richard Monvoisin

[1] Sujet « chaud » au sens où cette technique fait l’objet de critiques de la Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires (Miviludes 2007 et 2012, Guide santé et dérives sectaires) et se retrouve au coeur de processii juridiques. On lira à ce propos Face au cancer, la fasciathérapie continue de diviser à Angers, Rue 89.