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Le piège de l'arbre des possibles

L’arbre des possibles est un moyen commode pour expliquer comment notre cerveau, en plus d’affectionner  la validation subjective, peut s’exposer à un biais d’échantillonnage pas évident à débusquer. Prenons un cas de prédiction de voyance, ou d’une quelconque mancie. Le voyant vous dit : « méfiez-vous de la route, des accidents de la route ». Examinons ensemble l’arbre des possibles qui s’offre à vous.


Avec « méfiez-vous de la route, des accidents de la route », vous avez 2 possibilités :

  • Soit vous ferez très attention (car vous prêtez une grande capacité au voyant, ou parce que vous êtes suggestible et réceptif à ce type d’injonction).
  • Soit vous n’y penserez plus (car vous vous en fichez).

S’ensuivent 4 configurations.

  • Si vous avez fait attention et qu’il vous arrive ne serait-ce qu’un simple accrochage, la conclusion risque d’être immédiate : le voyant avait raison.
  • Si vous n’avez pas fait attention et qu’il vous arrive ne serait-ce qu’un simple accrochage, la conclusion risque d’être immédiate : le voyant avait raison (et vous auriez dû l’écouter)
  • Si vous avez fait attention et qu’il ne vous arrive rien, la conclusion a de fortes chances d’être : heureusement que le voyant m’avait prévenu.
  • Si vous n’y avez plus pensé et qu’il ne vous arrive rien… vous n’y penserez plus ! Et il y a peu de chance que vous racontiez à quelqu’un ce qui est, au fond, un échec prévisionnel.

Quatre situations : trois qui valident subjectivement la prédiction et qui ont de fortes chances d’être racontées comme un fait incroyable, et une qui a toutes les chances de sombrer dans l’oubli. 100% des cas dont nous nous rappellerons seront des voyances positives.

Voici le schéma de l’arbre des possibles sur la voyance.

altIl est somme toute très facile d’en créer d’autres : à l’école de kinésithérapie de Grenoble par exemple, Nicolas Pinsault et moi avons coutume de présenter un arbre similaire avec des phrases typique du thérapeute manuel, comme « Attention aux escaliers », ou « Allez-y mollo sur votre genou », ou « prenez soin de votre dos », etc. Efficacité illusoire mais garantie de la recommandation*.

Alors méfions-nous : ne nous laissons pas pendre aux branches de cet arbre.

Richard Monvoisin

* Pour les puristes : ce type de recommandation est un exemple de phrase « puits » (voir Effet puits) qui mobilise l’effet Barnum, décrit par le psychologue Forer dans Bertram R. Forer, « The fallacy of personal validation: A classroom demonstration of gullibility » in Journal of Abnormal and Social Psychology, 44, 118-123. (1949) téléchargeable ici.

Décortiqué : campagne publicitaire « l’éducation nationale recrute »

Vous avez mené avec brio votre analyse de la page « Campagne publicitaire à analyser : l’éducation nationale recrute » ? Voilà ma propre analyse, n’hésitez pas à nous écrire pour compléter / corriger cette proposition de décorticage.


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1/ Les effets rhétoriques

L’éducation nationale recrute 17000 personnes…

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Ce recrutement semble a priori en contradiction : 

 

  • D’une part avec le plan d’austérité du gouvernement dénoncé par les syndicats de l’éducation nationale, les élus locaux et nationaux et les fédérations de parents d’élèves : coupes budgétaires, fermetures de classes et suppression d’emplois (comme le présente le reportage ci-contre.)

 

  • D’autre part avec la démarche demaîtrise des dépenses publique dans l’éducation nationale, notamment par la suppression de postes, annoncée l’année dernière par Luc Chatel et toujours d’actualité.
La publicité annonce donc « 17000 postes d’enseignants, d’infirmier(e)s et de médecins scolaires sont à pourvoir en 2011. »

On est face à une rhétorique en deux étapes :

Un effet paillasson, c’est-à-dire que le terme pourvoir est ambigu et peut renvoyer à de nombreuses définitions dans cette situation. Il peut vouloir dire plusieurs choses. Ces postes sont-ils créés ? Sont-ils à pourvoir au sens de « remplacer ce qui manque » ? Sont-ils à pourvoir parce que désertés par les professionnels ? Sont-ce des postes précaires ?

Selon comment on l’interprète, ce terme va jouer sur l’équivoque et la compréhension du sens de cette phrase. N’écrire que « 17000 postes sont à pourvoir » désyncrétise le problème, et gomme toute interprétation négative : cela évoque plutôt des maintiens d’emploi, des embauches, voire des créations de postes, de surcroît dans une période de crise.

Un carpaccio .

Le chiffre 17000 est un chiffre détaché – c’est-à-dire que l’on ne sait pas à quoi le comparer, ni sur quelle base l’appréhender – il crée un impact important : je me dis « 17000, c’est beaucoup ! » .

Pourtant cette affirmation dissimule une réalité moins joviale. Si le Ministère de l’éducation nationale recrute 17000 personnes c’est qu’en réalité sur les 33000 départs à la retraites en 2011, seule la moitié est effectivement maintenue, conformément aux principes de non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite (dans le carde de la révision générale des politiques publiques).

La manière dont la publicité est construite met en scène 17000 postes à pourvoir comme s’il s’agissait de 17000 postes créés, tout en dissimulant 16000 suppressions de postes. C’est une forme de scénarisation de l’information, pour l’embellir, la rendre séduisante, mais bien souvent en cachant ses aspects les plus rébarbatifs. On nomme cette manière de faire la technique du Carpaccio ; il suffit de couper en fines lamelles une rondelle de tomate, une feuille de salade, du bœuf ou un ministre de l’éducation pour en faire un « carpaccio de… » beaucoup plus attrayant. Il suffit de « tourner » l’information en la blanchissant, en la mettant en scène, et on obtient un produit d’appel publicitaire.

Enfin, cette campagne met fortement en avant la profession d’enseignant, dans les textes principaux et les images, renforçant une possible erreur de compréhension « 17000 postes = 17000 postes d’enseignants ». Mais c’est bien 11600 postes d’enseignants qui seront recrutés sur les 17000.

Cela porte à confusion même si ce n’est pas à proprement parler une dissimulation puisque l’information apparaît en bas du document, mais sans donner la répartition des professions et en petits caractères : « Pourquoi pas vous ? 17000 postes d’enseignants, d’infirmier(e)s et de médecins scolaires sont à pourvoir en 2011. »

En creusant un peu, on s’aperçoit que les arrêtés publiés au Bulletin Officiel fixant au titre de l’année 2011 le nombre de postes offerts au concours pour le recrutement d’infirmier-e-s et de médecins arrivent au maximum à 514 postes (sans savoir précisément si l’ensemble de ces postes sont intégrés dans le total des 17000 recrutements.)

Je fais une rapide soustraction : 17000 – 11600 – 514 = 4886

Il reste donc environ 4886 postes non-précisés et qui n’apparaissent pas dans le texte. C’est bien 17000 postes dont 11600 d’enseignants, 414 d’infirmier(e)s, 100 de médecins scolaires et 4886 autres, qui sont à pourvoir en 2011. Finalement la dissimulation pointe le bout de son nez, puisque rien ne laisse supposer que d’autres professions sont concernées et en quelle proportion. (J’ai demandé des informations au Ministère, j’attends et je publierai la réponse.)

Cette campagne publicitaire oriente délibérément vers une erreur de perception : 17000 postes = 17000 postes d’enseignants, d’infirmier(e)s et de médecins scolaires. C’est embêtant.

 

2/ La fabrication de l’image

Julien semble sorti du magazine Challenge ou Capital (magazines sur l’actualité économique en direction des cadres et managers), et Laura d‘un catalogue de mobiliers IKEA.

Les images sont fortement sexuées, avec des stéréotypes classiques, notamment sur les critères de beautés attendus. Pour le garçon c’est une ambiance à dominante bleue, cheveux courts, bruns, chemise dans un environnement studieux. Pour la fille c’est une ambiance à dominante rose : cheveux blonds mi-longs, habits clairs et dans un environnement de détente. Intérieurs aseptisés et modernes, les acteurs sont quasi-souriants, ils semblent détendus, en un mot : heureux. La technologie est mise en avant avec Julien qui est occupé sur un ordinateur portable. Pour Laura c’est la culture littéraire qui est privilégiée, elle lit adossée à une bibliothèque, la jambe nonchalamment pliée.

Ces choix ne sont pas anodins, puisque l’objectif de cette campagne est de rendre séduisant un métier qui ne l’est plus. Alors pas d’élève (pourtant central dans le texte), pas d’établissement scolaire, on est très loin d’une classe surchargée de RAR (Réseau Ambition Réussite).

C’est la plénitude et la dynamique intellectuelle qui sont mises en avant dans ces visuels.

Ce choix scénaristique utilise les mêmes leviers que les campagnes du Ministère de la défense pour les recrutements de l’armée de terre, où le dynamisme, l’aventure et le dépassement de soi sont les axes forts.

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3/ Le vocabulaire utilisé dans les images

Que connote-t-il ? Quels problèmes cela peut-il poser ?

La comparaison des deux textes dénote sans ambivalence la différence de genre entre hommes et femmes. Les termes reproduisent les stéréotypes de genre en différenciant la démarche de Laura et de Julien. Laura lit un livre, elle est représentée nonchalante, passive, dans un environnement clair, voire rose (stéréotype féminin) :

« Laura a trouvé le poste de ses rêves. C’est l’avenir qu’elle a toujours envisagé. »

Julien pianote sur un portable, il semble dynamique et actif, il est dans un environnement de travail :

« Julien a trouvé un poste à la hauteur de ses ambitions. C’est la concrétisation de son projet professionnel. »

Laura a trouvé le poste de ses rêves : est-ce l’unique ? Celui qui lui était destiné ? Le poste de ses rêves connote un déterminisme de genré « fille », où selon les représentations classiques, la femme est maîtresse d’école ou infirmière plus volontiers que chercheur en physique (ce qu’on appelle les professions du care, « prendre soin »). C’est d’ailleurs l’avenir qu’elle a toujours envisagé, le déterminisme est renforcé, c’est devenu sa vocation (étymologiquement un appel venu d’ailleurs, comme Jeanne d’Arc), son destin..

Julien, quant à lui, a trouvé un poste ; un parmi d’autres, contrairement à Laura. A-t-il plus de choix que Laura ? Les termes connotent clairement une attitude dynamique, affirmée et déterminée. Il a de l’ambition et concrétise ses projets. Ceux-ci sont professionnels, là où Laura vit un rêve.

Laura est une fée, douce, blonde, habillée en blanc et cantonnée à la littérature ; Julien est un homme, il est branché haute-technologie, dynamique, brun, en chemise aux manches retroussées et cantonné aux sciences.

Tous ces éléments viennent renforcer un essentialisme sexuel. On reproduit l’idée implicite de comportements genrés qui seraient naturels, en évinçant la question de leurs construction sociale. Voir les travaux du Cortex sur ces questions Sociologie, anthropologie – Atelier sur le racisme ordinaire et Biologie, essentialisme – Nature, écologisme, sexisme, racisme, spécisme .

Finissons sur un détail : cette publicité est un exemple rare de la féminisation des textes. C’est en général peu employé, d’abord par commodité de lecture, c’est une pratique qui alourdit le texte. Pourtant ici, infirmier apparaît infirmier(e)s. Initiative intéressante, si ce n’est que celle-ci n’est appliquée que dans un sens : simplement pour masculiniser une profession, infirmière, plutôt que pour en féminiser également une autre, comme enseignant. On peut se demander alors ce que vise réellement cette démarche, elle ne cherche apparemment pas à pointer la construction genrée de notre grammaire et rétablir un peu la balance.

Alors même que les établissements scolaires cherchent à lutter quotidiennement contre les discriminations, notamment sexuelles, cette campagne de publicité s’inscrit précisément dans la reproduction de stéréotypes. Bigre, je gronde mais à 1,35 milion d’€ la campagne publicitaire, le résultat n’est pas fameux : je préviens le Ministre de ce pas et promis je vous mettrai la réponse plus bas.

 Nicolas Gaillard


 
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Psychologie – TP analyse d’affirmations d’E. Roudinesco, par Jacques Van Rillaer

Voici un matériel pédagogique tout à fait intéressant dans le cadre de l’analyse critique de la psychanalyse. Cet article de Jacques Van Rillaer, que j’ai publié pour la première fois en 2010 (ici), met le doigt sur un certain nombre de sophismes employés par les défenseurs du freudisme.
Il s’impose à la publication, dans un contexte où sur la question du freudisme, la distribution de pelletées de fange et de qualificatifs haineux n’est pas vraiment réglementée dans les médias. Jacques Van Rillaer a toujours été disponible pour fournir un certain nombre d’éléments intellectuels chaque fois qu’on en a eu besoin, dans mes cours à l’université de Grenoble (comme en 2007) ou pour l’Observatoire Zététique. On pourra voir par exemple le film de la conférence de Jacques Bénéfices et préjudices de la psychanalyse, que nous avions eu, Jean-Louis Racca et moi, le plaisir d’introduire.

Analyse d’affirmations d’Élisabeth Roudinesco dans Mais pourquoi tant de haine ? »

par Jacques Van Rillaer (1), professeur de psychologie à l’Université de Louvain (Louvain-la-Neuve) et aux Facultés universitaires St-Louis (Bruxelles).

« Comme il est naturel de croire beaucoup de choses sans démonstration,
il ne l’est pas moins de douter de quelques autres malgré leurs preuves.
»
Vauvenargues (2)

Suite à la sortie du Livre noir de la psychanalyse, E. Roudinesco avait publié en 2005 le libelle Pourquoi tant de haine ? (nous le citerons Haine n°1). Elle y écrivait :
 
« Je partage l’opinion exprimée par Jacques-Alain Miller dans Le Point quand il souligne avec humour : “Un livre comme ça, j’en voudrais un tous les ans ! Ça fait le plus grand bien aux psychanalystes d’être étrillés, passés au crin ou à la paille de fer.” Souhaitons donc que ce livre favorise un réveil de la communauté freudienne ! » (p. 31)

CorteX_Elizabeth_RoudinescoE. Roudinesco était-elle sincère ? A le supposer, Le Crépuscule d’une idole de Michel Onfray devrait la réjouir : cinq ans après Le Livre noir, Freud y est étrillé, passé au crin et à la paille de fer.
Mais si E. Roudinesco se réjouit, c’est sans doute moins parce que cette publication « favorise un réveil de la communauté freudienne » que parce que c’est, pour elle, l’occasion rêvée de redevenir pendant quelques jours une vedette courtisée des médias et de faire du profit grâce à ses petits livres destinés à rassurer les croyants. « Psychanalyste »(3) et fille de psychanalyste, E. Roudinesco fait corps avec le freudisme. Grâce à ses relations mondaines, elle est devenue Madame Freudisme français. C’est sa source de gloire et d’enrichissement.

En fait, l’ouvrage d’Onfray a manifestement mis E. Roudinesco hors d’elle. Avant même sa parution, elle a utilisé, comme elle l’écrit, « la puissance des réseaux d’internautes pour combattre » ce qu’elle appelle « une littérature de caniveau » (sic, p. 8).

Les réseaux d’internautes réservent des surprises. C’est ainsi que, par amabilité ou par erreur, j’ai reçu d’un ami d’E. Roudinesco, Émile Jalley, leurs échanges en vue de préparer la venue d’E. Roudinesco à Caen, pour défier Onfray sur son territoire. On y lit notamment, à la date du 10 mai 2010, qu’elle houspille Jalley pour qu’il envoie sans tarder, à ses 152 correspondants, l’annonce de sa présentation de Haine n°2 à Caen, dans l’espoir de rameuter un maximum de monde. Elle qui a les faveurs du Monde, du Nouvel Obs, de L’Express et de quantité de chaînes de TV (où elle passe toujours sans contradicteur (4)), elle écrit dans ce mail : « moi je suis insultée de partout ». Un freudien dirait illico : sentiment de persécution, paranoïa, donc inflation du Moi et homosexualité refoulée. Le psychologue scientifique que je suis s’abstient d’un tel diagnostic, faute d’autres témoignages.

A suivre.
§ 1. Contenu de Mais pourquoi tant de haine ?
§ 2. La stratégie des travestissements roudinesciens
§ 3. Onfray a-t-il inventé que Freud a inventé 18 cas ?
§ 4. Onfray a-t-il inventé que Freud avait un père pédophile ?
§ 5. Onfray se trompe-t-il dans la date de publication de l’édition intégrale des lettres à Fliess ?
§ 6. A cause d’Onfray, les rumeurs les plus extravagantes se développent-elles ?
§ 7. La « haine » de Freud
§ 8. L’utilisation de l’argument ad hominem par E. Roudinesco
§ 9. La judéité de Freud
§ 10. La « jonction inconsciente » entre l’antifreudisme et l’antisémitisme
§ 11. Pourquoi la guerre, « écrit en collaboration avec Einstein » : une apologie du crime ?
§ 12. La France : le pays des névrosés ?
§ 13. La doctrine freudienne de la masturbation
§ 14. La relation extraconjugale de Freud
§ 15. La cure freudienne soigne-t-elle mieux que les TCC ?
§ 16. La préface du livre d’Ellenberger
§ 17. L’ignorance de l’œuvre d’Ola Andersson
§ 18. Le livre d’Onfray est-il dénué de sources et de bibliographie ?
§ 19. Dans l’index, ni noms, ni concepts ?
§ 20. Onfray a-t-il utilisé la moins bonne des traductions de Freud ?
§ 21. E. Roudinesco plus histrionique que jamais
§ 22. Le texte de Guillaume Mazeau, historien
§ 23. Le texte de Christian Godin, philosophe
§ 24. Le texte de Franck Lelièvre, philosophe
§ 25.Le texte de Pierre Delion, psychanalyste « packingeur »
§ 26. Le texte de Roland Gori, psychanalyste
§ 27. Les limites de l’analyse de Michel Onfray

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(1) Je remercie Mikkel Borch-Jacobsen, Catherine Meyer et Jean-Louis Racca pour leur lecture et leurs commentaires. J’assume seul la responsabilité du présent texte.
(2) Réflexions et maximes (1746), § 588, rééd., Ed. Garnier, 1954, p. 396.
(3) Le plus souvent E. Roudinesco se présente comme historienne. Il lui arrive parfois de se présenter comme « psychanalyste ». Dans Haine n°1, elle écrit qu’elle « ne fait partie d’aucune association psychanalytique » (p. 30). Il est vrai qu’il n’est pas nécessaire de faire partie d’une association de psychanalystes pour se dire « psychanalyste ». Du point de vue légal, le titre de psychanalyste n’a pas plus de valeur que ceux de « graphologue » ou « astrologue ». Tout le monde a le droit de faire de l’« analyse psychologique » — freudienne, jungienne, comportementale ou autre — et de se présenter comme psychanalyste, analyste ou comportementaliste.

(4) Voir l’enquête parue dans Les Cahiers de Psychologie politique.

 

Cette conscience de la relativité des interprétations contraste avec les affirmations péremptoires de Freud et de la plupart de ses disciples. Nous terminons par quelques échantillons à l’adresse de ceux qui ne lisent pas le neurologue viennois dans le texte (italiques de J.V.R.)
« Tous ceux qui ont l’occasion de prendre de la morphine, de la cocaïne, du chloral et d’autres substances du même genre ne deviennent pas pour autant des toxicomanes. Un examen plus poussé montre, de façon générale, que ces narcotiques servent – directement ou indirectement – de substituts à un manque de satisfaction sexuelle » (1898, Gesammelte Werke, voI. I, p. 506).
« Le complexe de castration est la plus profonde racine inconsciente de l’antisémitisme car, dans la nursery déjà, le petit garçon entend dire que l’on coupe au juif quelque chose au pénis — il pense un morceau du pénis — ce qui lui donne le droit de mépriser le Juif. Et il n’est pas de racine plus profonde au sentiment de supériorité sur les femmes » (1909, tr., Cinq psychanalystes, PUF, 1970, p. 116).
« L’infériorité intellectuelle de tant de femmes, qui est une réalité indiscutable, doit être attribuée à l’inhibition de la pensée, inhibition requise pour la répression sexuelle » (1908, tr., La Vie sexuelle, PUF, p. 42).
« L’acte de téter le sein maternel devient le point de départ de toute la vie sexuelle, le prototype jamais atteint de toute satisfaction sexuelle ultérieure » (1917, tr., OEuvres complètes, PUF, XIV, p. 324).
« On peut dire que les symptômes névrotiques sont dans tous les cas soit la satisfaction substitutive d’une tendance sexuelle, soit des mesures pour l’entraver ou encore, cas les plus fréquents, un compromis entre les deux » (1938/1940, Gesammelte Werke, vol. XVII, p. 112).
« L’ultime fondement de toutes les inhibitions intellectuelles et des inhibitions au travail semble être l’inhibition de l’onanisme
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Atelier Science & Vie – La vie serait-elle quantique ?

Les magazines de vulgarisation scientifique offrent très régulièrement (pour ne pas dire systématiquement) un large choix de thèmes à disposition du lecteur. La manière dont sont traités ces sujets, proposés la plupart du temps de façon alléchante, dramatique, mystérieuse ou même révolutionnaire, donne une image de la science tronquée, raccourcie et parfois même fausse. Que ce soit en véhiculant des affirmations inexactes sous prétexte de scénariser l’information scientifique comme tout autre type d’information, ou en jouant sur l’ambiguïté et la soi-disant soif de mystère et de scoop des lecteurs, nous ne pouvons que déplorer cet état de faits.
Quelles sont les techniques utilisées par ces « diffuseurs de science » ? Comment les identifier et s’en méfier ? Un décorticage du dernier numéro de Science et Vie va aujourd’hui nous servir de support.

Analyse de la couverture

Création du scoop – effet impact

 

Ici, un événement est proposé au lecteur. Pas à lui seulement d’ailleurs puisque le quidam qui passera devant l’affiche publicitaire du magazine sera lui aussi soumis à ce scoop : « la vie serait quantique ». On aura le temps de lire certainement le sous-titre qui parle de « révélations » et de « l’ADN », tout pour créer l’événement, événement au sens d’inattendu puisque l’on nous parle de révélations. Arrêtons-nous pour commencer sur ce terme qui figure à la une de la revue : qu’évoque-t-il exactement ? Plus précisément, comment est-il connoté ? Si sa définition (ce qu’il dénote) est aisée à trouver (porter à la connaissance une information inconnue), on s’aperçoit qu’il va également activer tout un champ lexical lié à ce qu’il connote, comme la révélation divine (Dieu communique la connaissance à l’Humain), la découverte miraculeuse d’une information dissimulée, ou bien encore une donnée nouvelle et qu’il a fallu extraire de haute lutte pour la porter aux oreilles du public.

Si en lisant ces lignes vous vous dîtes que c’est une interprétation personnelle et exagérée de ce terme, imaginez simplement dans quels contextes le mot révélation est habituellement utilisé. Affaire judiciaire : les révélations du présumé coupable. Contexte religieux : la révélation faite aux prophètes par le Tout Puissant. Ambiance Gala/Voici/Paris Match : les révélations sur les fréquentations de Johnny. Politique : la vérité sur le 11 septembre : les révélations des autorités américaines. Etc.

La connotation de ce mot est puissante et évoque sans qu’on s’en rende compte un fait caché, qui doit être porté à notre connaissance. On pourra ainsi parler d’effet impact pour ce terme avec un fort penchant pour le mystérieux et le sensationnel.

Mais l’effet impact le plus fort est sans doute celui du mot quantique. Pour exprimer ce que l’on peut ressentir en lisant ce terme – qui plus est accolé au mot « vie » – nous n’avons pas trouvé mieux que ce qu’écrivait notre ami Richard Monvoisin :

La mécanique quantique est actuellement la théorie scientifique qui crée le plus fort complexe d’infériorité intellectuelle. Il y a bien la Relativité, qui n’est pas mal non plus, tout comme la Théorie du Chaos, mais aucun autre terme ne conjugue autant science, mystère et complexité intellectuelle que le mot quantique.

Mécanique quantique. Il faut le dire dans un murmure, avec un air un peu mystérieux et les yeux plissés. En susurrant « méca-Q », comme les initiés, ou en l’écrivant MQ comme je le ferai dans la suite de cet article, on pense à Einstein, on pense aux Bogdanoff, on se dit qu’on pénètre là dans le temple de Delphes, dans la sacristie de la connaissance où tout est tellement obscur qu’il est difficile d’y distinguer un authentique prix Nobel de physique d’une paire de jumeaux russes médiatiques.

Au lycée, avant que je l’étudie pour de bon, le mot quantique était pour moi ce que le feu rouge des Humains est pour Louie, le roi des singes dans Mowgli : j’y voyais un pouvoir qu’il fallait acquérir à tout prix. J’avais envie de m’approcher, de pénétrer des connaissances interdites, mais avec cette peur de me brûler, de devenir fou, de savoir ce qu’il ne faut pas savoir, même d’approcher Dieu et de vérifier si effectivement il joue ou non aux dés.

Je n’avais pas du tout compris que je devais essentiellement cette fascination à un bon plan médiatique.

Quantoc : l’art d’accommoder le mot quantique à toutes les sauces. Richard Monvoisin, 2011

 

On peut toujours rétorquer que, bien entendu, si tout ceci est un peu exagéré dans la présentation, l’important est le sens de ce titre ! Eh oui, la vie serait quantique… que nous dit donc S&V sur ces « révélations » ? 

Analyse du contenu

Effet Pangloss

Jetons un œil à la première page, celle qui présente le dossier en question. Dans ce cas, voici ce que nous avons trouvé :

Depuis l’avènement de la science expérimentale, et plus encore depuis la découverte de l’ADN, les biologistes ont toutes les raisons de considérer que la vie est le fruit de réactions chimiques. Mais placez le vivant sous le regard et les instruments des physiciens de l’infiniment petit, ils vous diront tout autre chose. A Berkeley, Toronto, Londres, Singapour, et ailleurs encore, des équipes de physiciens sont en passe d’acquérir la conviction que les plus grand mystères de la vie peuvent être élucidés grâce… à la physique quantique ! Seules les étonnantes propriétés de la matière aux plus petites échelles semblent à même d’expliquer l’extrême efficacité de la photosynthèse, l’intense activité enzymatique, la miraculeuse stabilité de l’ADN, et même les sens de l’orientation et de l’odorat… La physique quantique au cœur de la vie ? Après tout, le vivant, qui a eu tout le temps de sélectionner le meilleur, aurait été bien sot de ne pas se servir dans la prodigieuse boîte à outils de la physique quantique. (p.3)

 

Il faut s’arrêter sur la dernière phrase. Le vivant aurait eu, d’après ce qui est écrit,  tout le temps de sélectionner le meilleur. On imagine que l’auteur de cette phrase a voulu parler de l’évolution à travers ces mots. Malheureusement, comme beaucoup, il est tombé dans les pièges d’un finalisme naïf : l’idée que l’univers aurait un but (ici, le vivant), une signification, que toute chose serait faite à dessein. On entend par exemple que l’œil est fait pour voir, que l’aile a pour but de voler, que les animaux inventent des ruses pour survivre, que la nature ne fait rien en vain, que la sexualité a été sélectionnée dans le but de créer de la diversité, que l’Humain est l’aboutissement de l’évolution ou, comme l’écrivait Voltaire à travers son personnage de Pangloss : « que les choses ne peuvent être autrement : car tout étant fait pour une fin, tout est nécessairement pour la meilleure fin. Remarquez bien que les nez ont été faits pour porter des lunettes, aussi avons-nous des lunettes. »

Le vivant n’a rien sélectionné du tout, et encore moins le meilleur (1). Dire cela équivaut à valider les thèses de H. Spencer et sa « sélection des plus aptes », dont le darwinisme social en est une application, avec les conséquences sur les dérives colonialistes, eugénistes et fascistes que l’on sait. Il faut bien admettre que la théorie de l’évolution n’est pas forcément bien maîtrisée par l’individu lambda, qui parlera de la girafe qui étire son coup pour aller chercher à manger ou de la sélection natturelle comme d’une sélection des plus forts. Il nous semble donc d’autant plus important, dans un journal qui se veut scientifique, de ne pas faire ce genre d’erreurs dans le but d’écrire une phrase qui présente bien.
(1) Comme dirait Florence Foresti : « Quand tu regardes l’être humain tu te rends compte qu’ils ont arrêté en plein chantier c’est n’importe quoi… » (Extrait du sketch La nature est mal faite)

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N’oublions pas la fin de la phrase où il est question d’aller piocher dans la prodigieuse boîte à outils de la physique quantique. Là encore, on fait croire que le vivant a un but et « aurait été bien sot » (anthropomorphisme) de ne pas faire appel à la mécanique quantique…

Malheureusement, ce genre d’erreurs est reproduit dans le reste des articles. Vous pouvez les retrouver assez facilement en repérant les passages où il est question d’évolution et de nature. N’hésitez pas à nous faire part de vos commentaires qui pourront ainsi se rajouter au présent cours.

Technique du carpaccio et de la peau de chagrin

Mais d’ailleurs, quels sont ces outils prodigieux que le vivant exploiterait ? Rendons-nous quelques pages plus loin et lisons attentivement. On y trouve là encore tout un tas de phrases données au lecteur pour aiguiser son appétit, phrases qui soulèvent à chaque fois une forte charge de sensationnel, de mystère et/ou de merveilleux., en donnant ainsi une vision déformée de la réalité. Tout est « superlativisé », voire scénarisé. R. Monvoisin parle de technique du carpaccio pour caractériser cette mise en scène de l’information scientifique avec pour seul effet de la rendre séduisante, accrocheuse, mais bien souvent vide de sens :

« […] nous parlerons de carpaccio pour désigner les processus d’exposition de connaissance dont le seul intérêt réside dans leur scénarisation, bien souvent stéréotypale. Un carpaccio est à la connaissance scientifique ce que le lieu commun est à l’information classique, ce que la romance est au film hollywoodien : un apparat séduisant, mais vide, qui façonne à la longue le goût des consommateurs de vulgarisation scientifique. Le carpaccio a semble-t-il des vertus apéritives, pour ne pas dire publicitaires.» (*p.272)

Quelques-uns de ces carpaccios trouvés en vrac :

–          « A commencer par l’étonnante efficacité de la photosynthèse, qui voit les végétaux convertir en énergie 100% de la chaleur du soleil. Un rendement prodigieux… que les biologistes ne s’expliquent pas ! » (carpaccio mystère)

–          « Par quel prodige des effets quantiques parviennent-ils à émerger au cœur du vivant ? » (carpaccio énigme. On peut aussi repérer le terme prodige, qui s’inscrit dans le même champ lexical que celui de révélation avec toute la connotation qu’il dégage, voir ci-dessus)

–          « Une superposition quantique qui permet au célèbre chat de Schrödinger, enfermé dans une boîte, de narguer les physiciens en présentant à leurs équations comme à la fois mort et vivant[1]. »

–          « Sens de l’odorat. Sa subtilité tiendrait aussi à l’effet tunnel ! »

–          « Dépositaire de la mémoire du vivant, la molécule d’ADN se doit de rester stable. Comment ? L’intrication quantique serait ici la clé de l’énigme. » (carpaccio énigme)

Attention, il n’est pas question ici de dénigrer ou critiquer les recherches tout à fait intéressantes et passionnantes que des scientifiques mènent sur ces sujets. Il est question de la façon dont on traite l’information scientifique qui s’y rattache. Et force est de constater qu’on est plus proche d’une mise en forme publicitaire de celle-ci que d’une vulgarisation à visée pédagogique et rigoureuse.

On peut notamment vérifier cela en prêtant attention à la sensation laissée après lecture des articles du dossier, comparée à l’appât que constitue la couverture du magazine. Rappelons que le titre parlait de la vie qui serait quantique et des révélations des physiciens. Mais qu’apprend-t-on dans les pages à l’intérieur ? Par exemple, p.54, au tout début du dossier :

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« Les biologistes l’ont amplement démontré, la vie est un prodige de réactions chimiques. Mais pas seulement ! […] Jusqu’où la vie est-elle quantique ? La question est posée. »

On comprend tout de suite que les fameuses révélations dont il était question ne vont finalement pas être une révolution mais simplement des pistes de recherches puisque « la question est posée ».

Quelques pages plus loin, concernant la photosynthèse, si le titre évoque une réponse,

« Comment les végétaux peuvent-ils convertir 100% de la lumière ? Une propriété quantique – la superposition d’états – apporte enfin une réponse ».

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on apprend que « la réponse a commencé à se dessiner en 2007. » (p.58). Puis que cette « expérience [de Flemming] ne permettait pas de l’affirmer [le phénomène quantique responsable de la conversion d’énergie lors de la photosynthèse] : elle fut réalisée à une température peu propice à la vie de…-196°C. » (p.60)

Même page, on lit qu’une autre expérience, équivalente, aurait été conduite à température ambiante. Mais là encore on apprend que « ce résultat doit encore être validé« .

Bref, c’est ainsi pour chaque thème abordé, de la photosynthèse en passant par l’ADN et les enzymes : on nous fait miroiter des « révélations » pour au final nous servir des études en cours et qui méritent réplication et confirmation.

Cette technique d’effritement du contenu après une mise en bouche mirobolante porte le nom de peau de chagrin (voir bibliographie) et désigne la tendance des médias à « gonfler la marchandise », quitte à ce que la conclusion de l’article n’ait plus grand-chose à voir avec le titre d’accroche de départ.

 

En conclusion

On pourrait répéter ce type de décryptage sur bon nombre de médias s’occupant de vulgarisation scientifique, ou, comme l’indique R. Monvoisin, s’occupant de la publicitarisation de la science. Il relève ainsi trois points importants et récurrents :

– le remplacement de la raison par la sensation
– la séduction par la simplicité
– la création de l’ « événementiel »

Nous avons tenté de donner quelques pistes concernant ce dernier volet en prenant un exemple parmi tant d’autres. Laissons à Richard le mot de la fin, illustrant le deuxième aspect de cette publicitarisation :

« Deuxième volet de la publicitarisation de l’information scientifique : le mythe de la simplicité. La vulgarisation scientifique (VS) dans son ensemble tend à faire croire que grâce à elle, la connaissance savante sera apportée au profane, par son entremise, et cela sur un plateau. Nous ne nous appesantirons pas sur le caractère assujettissant d’une telle démarche, le profane attendant la becquée que le vulgarisateur, tel l’évangélisateur du XIXe siècle en Afrique sahélienne, viendra aimablement lui délivrer : celui qui ne « sait » pas est campé dans un rôle de quémandeur d’aumône, et il n’y aura pas grand monde pour l’encourager à s’aventurer sur les chemins rocailleux de la formation scientifique et à réellement se former, en reprenant des études par exemple. La VS entretient aimablement ce mythe de la simplicité, en persistant à faire croire aux exclus de la connaissance scientifique que par son entrefaite, par quelque docufiction ou quelques pages imagées dans une revue, l’individu avide aura à peu de frais la substance de la connaissance en question. Le problème est qu’en guise de substance, il y a au mieux un aperçu, au médian une caricature, au pire une misconception.
Dans un océan de vulgarisation simplifiante, l’accueil réservé à un réel développement analytique est désormais perçu comme au mieux soporifique, au pire complexe, élitiste, voire snob, et des postures anti-intellectualistes naîssent. Au vu du nombre d’individus, étudiants ou non, qui lors des cours, des conférences ou sur les forums Internet, restituent des lieux communs sur la mécanique quantique par exemple, il y a quelque inquiétude à nourrir sur une « sciencesetavenirisation » de la connaissance scientifique populaire. Dans l’idéal, il faudrait rompre avec cette idée reçue que la science et l’information scientifique sont simples : elles sont difficiles, exigeantes et pleines de pièges. Quiconque souhaitant se forger une opinion sur la relativité restreinte, l’algèbre, la théorie du chaos ou le néo-darwinisme ne pourra éviter de compulser les bases, le vocabulaire, les règles, au même titre que celui qui voudra apprendre une langue étrangère devra passer par les fondamentaux. Il y a généralement autant de différence entre un champ scientifique et sa vulgarisation qu’entre une pratique maîtrisée d’une langue et le petit lexique de voyage des Guides du Routard. Nous ne disons pas que ces lexiques ne sont pas utiles, ou que cette VS simplifiante ne devrait pas exister : nous demandons à ce qu’il soit précisé à ses consommateurs que cette connaissance est simplifiée à outrance, non suffisante pour avoir une opinion éclairée, et crée du « sens » ou du « rêve » bon marché. Aussi sympathique soit-elle, ce n’est pas avec une fausse cape de Superman achetée en supermarché qu’on parviendra à voler. » (*p.119)

Denis Caroti

 


Bibliographie :
On retrouvera l’essentiel de ces critiques dans la thèse de Richard Monvoisin : Pour une didactique de l’esprit critique (2007), p.114, disponible ici

 


[1] Cette histoire du chat de Schrödinger qui narguerait les physiciens est ici, il faut l’avouer, très mal présentée. Ce chat ne nargue personne, c’est simplement une image pour illustrer ce que l’on nomme la superposition des états en MQ. Or, cette superposition n’a lieu qu’à des dimensions proches de celles de l’atome. Le chat, comme illustration de ce phénomène, est intéressant mais laisse souvent le lecteur dans un état pour le moins dubitatif sur les mystères de cette physique si étrange…voir ici pour plus de détails.

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Roger Gonnet, 10 ans de scientologie, 30 ans de lutte

  • Dans le premier document, Roger Gonnet raconte sa rentrée dans la scientologie, avec des détails sur la « théorie sous-jacente », inspirée d’un mélange de freudisme et de science-fiction.

  • Dans le deuxième extrait, Roger aborde les mécanismes de l’adhésion, et la manière dont lui-même a pu se sortir de la nasse. Il énonce quelques paramètres de détection des dérives très simples à enseigner ou à transmettre au grand public.

  • Dans ce troisième document, Roger aborde la question de la liberté de culte, et le mot secte.

  • Quatrième partie, Roger Gonnet discute ici la liberté de la conviction de l’individu et la liberté de critique de la croyance.

  • Cinquième partie : Roger indique quelles sont les ressources que l’on peut consulter lorsqu’on cherche des informations sur les dérives sectaires.

Le site Antisectes, qu’il gère.

Le site Prevensectes.

La Miviludes (Mission Interministérielle de Vigilance et de LUttes contre des Dérives Sectaires)

  • Dans la sixième et dernière partie, Roger Gonnet encourage à former l’esprit critique dès le plus jeune âge, et recommande quelques lectures.

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Russell Miller, Ron Hubbard le gourou démasqué, par Russel Miller, Plon, 1994.

Nicolas Jacquette, 25 ans, Ma vie chez les Témoins de altJéhovah, Balland, 2007.

altEmmanuel Fansten, Scientologie: autopsie d’une secte d’État, Robert Laffont, 2010.

Et son propre livre sur la Scientologie, La secte, secte armée pour la altguerre – chronique d’une « religion » commerciale avec irreponsabilité illimitée, Alban, 2004.

 

Merci pour ce témoignage, ces conseils et cet extraordinaire combat, Monsieur Gonnet !

Richard Monvoisin

Documents filmés le dimanche 13 mars 2011

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Impacts de la psycho-pop, par Brigitte Axelrad

Les médias utilisent l’intérêt du public pour les questions psy, ce qui leur permet de faire de l’audience et des ventes importantes. Le représentant de Psychologies Magazine ne se cache pas pour dire que le mal être des gens, et plus particulièrement des femmes, constitue son fond de « commerce » !
Ces émissions et ces revues abordent les sujets psy de façon superficielle et souvent réductrice. Elles font entrer dans le langage populaire des concepts empruntés à la psychanalyse et dont tout le monde croit connaître le sens.

La vigilance critique devrait, à mon sens, guider l’écoute et la lecture de cette presse psycho-pop. Notamment apprenons à détecter le « rapt des concepts », en particulier ceux qui sont issus de la psychanalyse : complexe d’Œdipe, refoulement, lapsus révélateurs, actes manqués, etc. et surtout l’inconscient, comme la clé d’interprétation de toutes les manifestations d’ordre « psychique ».
Ces médias propagent par ailleurs des approches pseudo-scientifiques telles que celles de Jacques Salomé, la psychogénéalogie, les thérapies de la « mémoire retrouvée » et toute la vague des thérapies « New Age », et des méthodes contestables et contestées, telles que la PNL (Programmation Neuro-Linguistique), l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing), l’hypnose, l’imagerie guidée, la communication facilitée (CF), la canalisation, etc. Quand on entend ou lit des termes issus du vocabulaire scientifique et utilisés hors de leur contexte, tels que « quantique », « énergie », « hologramme », une méfiance redoublée serait de mise.

La place privilégiée de la psychanalyse dans la société française.

L’une des raisons qui donne à la psychanalyse cette première place dans l’interprétation des comportements et des troubles psychologiques est peut-être le fait qu’elle a été enseignée dans les classes terminales des lycées et a constitué le socle des cursus universitaires de philosophie et de psychologie.

Une autre raison est, de mon point de vue, l’icône de Sigmund Freud, considéré dans son domaine à l’égal de Copernic en astronomie, d’Einstein en physique ou de Darwin en biologie, comme Freud lui-même se plaisait à le dire, en qualifiant la psychanalyse de « troisième révolution » dans le monde des idées.

Contester l’image ou les théories de Freud est en France un sujet relativement tabou. Les tentatives récentes des auteurs du Livre Noir de la psychanalyse, de Jacques Bénesteau ou de Michel Onfray, ont du mal à s’imposer dans l’opinion. Contester Freud est encore chez nous un sacrilège et souvent taxé d’antisémitisme.

Ceci n’est plus le cas dans le reste du monde, à l’exception notable de l’Argentine.

Vous pouvez remarquer qu’à chaque accident grave : attentat, catastrophe naturelle ou phénomène social, les médias font appel au psychanalyste de service et non à un psychologue, pour commenter et préconiser des solutions d’aide psychologique aux victimes.

La prétention de la psychanalyse à tout expliquer a conduit depuis qu’elle existe à n’attribuer qu’une seule cause à toutes sortes de pathologies, dont on n’a pas encore l’explication scientifique. C’est le cas en particulier de l’autisme, dont la responsabilité a été attribuée, depuis les pseudo-travaux de Bruno Bettelheim, à la « mère-réfrigérateur », concept dû à Léo Kanner et aussi sexiste que… faux. Fort heureusement aujourd’hui, les progrès de la génétique, des moyens d’investigation comme l’IRM (Imagerie par Résonance Magnétique), ont envoyé ce concept à la poubelle. Mais ces théories fumeuses guident encore les psychiatres adeptes du packing, cette sorte de camisole glacée utilisée pour des enfants, et empêchent le développement des thérapies comportementales comme le traitement ABA (Applied Behavioral Analysis).

La psychanalyse s’est attribué une place de choix en psychothérapie, malgré les preuves apportées aujourd’hui que Freud a falsifié ses résultats et dissimulé ses échecs thérapeutiques, comme celui de l’homme aux loups, par exemple. La psychanalyse prétend donner aux troubles psychologiques une seule explication : les traumatismes sexuels, qui auraient été subis dans l’enfance. Elle incite les patients à creuser dans le passé pour retrouver la cause de leurs difficultés actuelles. Une cure psychanalytique peut durer des années. À l’inverse, les thérapies cognitivo-comportementales (TCC), dites brèves, sont fondées sur les connaissances issues de la psychologie scientifique. Le thérapeute intervient sur les processus mentaux ou cognitifs, conscients ou non, considérés comme à l’origine des émotions et de leurs désordres, pour changer le comportement du patient. Comme l’a dit Jacques Van Rillaer, lorsque le patient est au fond du trou, mieux vaut lui donner une échelle pour en sortir qu’une pelle pour le creuser !

Les thérapies cognitivo-comportementales ont du mal à être reconnues malgré leur efficacité supérieure à celle de la psychanalyse. Le rapport de l’INSERM, publié en 2004, en a apporté la preuve, mais il a été retiré du site du Ministère de la Santé sous la pression des écoles psychanalytiques (1). Depuis 2004, l’encadrement de la profession de psychothérapeute a fait l’objet d’un projet de loi, finalement publié en 2010 avec des amendements, pour protéger surtout la pratique des psychanalystes, qui sont dispensés du cursus universitaire. Richard Monvoisin a fait remarquer que, pour devenir psychanalyste, il suffit en gros d’avoir fait soi-même une psychanalyse. Comme si de s’être fait soigner les dents chez un dentiste procurait la connaissance et le droit d’exercer le métier de dentiste !

Les thérapies de la « mémoire retrouvée »

Elles sont fondées sur la théorie de la séduction de Freud, qui a précédé celle du complexe d’Œdipe. Les thérapeutes adeptes de la « mémoire retrouvée » n’ont qu’une seule théorie : les difficultés existentielles du patient n’ont qu’une seule cause, un abus sexuel subi dans l’enfance, que l’inconscient aurait « refoulé » pour protéger la « victime ». Retrouver le souvenir de l’abus permettrait seul la « guérison ». Dans ce contexte, le thérapeute exerce sur le patient une pression psychologique pour lui faire accepter cette cause. Une partie de ces patients finit par accepter cette explication à son mal être et retrouver des « souvenirs enfouis » d’abus sexuel.

Comment être sûr que ces souvenirs sont vrais ou faux ? Quels indices permettent de faire la différence entre vrais souvenirs et faux souvenirs ? Sans corroboration extérieure, vous ne pouvez pas faire la différence. Les vrais souvenirs comme les faux peuvent comporter les mêmes détails et être exprimés avec confiance et émotion. Elizabeth Loftus a montré que la mémoire est malléable et ne fonctionne pas comme une bande magnétique ou le disque dur d’un ordinateur, elle reconstruit en permanence les souvenirs. Plusieurs expériences, menées par elle et son équipe de chercheurs, en apportent la preuve : « Bugs Bunny à Disneyland », « Perdu dans un centre commercial », etc. La mémoire est donc sujette à manipulation par des thérapeutes convaincus du bien-fondé de leur théorie. Richard McNally, professeur à Harvard, a montré que la théorie du refoulement n’a jamais pu être prouvée, Daniel Schacter, professeur à Harvard lui aussi, fait remarquer et que les traumatismes violents subis dans les camps de concentration ou dans les conflits ne sont pas oubliés.

Quand un patient consulte un psychothérapeute, il est fragilisé, a besoin d’aide, et espère guérir de son mal être. Il lui sera difficile de se rendre compte qu’il est manipulé, si c’est le cas. La théorie de l’engagement l’incite toujours à continuer sa thérapie avec le même thérapeute, dans l’espoir que l’effort commencé portera ses fruits.

Il est quasiment impossible de différencier d’entrée de jeu un psychothérapeute des « faux souvenirs » d’un autre. Il peut être psychiatre, médecin, psychanalyste, psychothérapeute reconnu ou auto-proclamé. Les psys qui dénoncent chez les autres la méthode des faux souvenirs, alors qu’ils la pratiquent eux-mêmes, prétendent que les souvenirs qu’ils amènent leurs patients à retrouver sont vrais.

En conclusion, s’informer et garder son esprit critique sont les principales armes pour déjouer les pièges des psycho-pop.

Brigitte Axelrad

CorteX_SPS_HS_Psycha(1) Complément : lien vers l’article d’Esteve Freixa, qui se trouve également dans le hors-série Psychanalyse de Science & Pseudosciences N°293, décembre 2010. Et pour se rappeler de la génèse de la vindicte contre le rapport Inserm, on pourra lire cet article d’E. Faverau dans Libération de  22 février 2005.

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Note : Brigitte Axelrad, parmi moult productions disponibles sur Sciences & pseudosciences ou sur le site de l’Observatoire Zététique, a écrit chez book-e-book.com l’ouvrage « Les ravages des faux souvenirs, ou la mémoire manipulée » (2010).