A décortiquer – Phobie des serpents, dans la Tête au carré, sur France Inter

La qualité du journalisme de l’émission La Tête au carré sur France Inter est très variable, comme nous avons déjà pu en discuter ici (POZ N°55, herbier psychanalytique, 9 novembre 2009). Mais le CorteX fait feu de tout bois, et bonne soupe de vieux pots. Quand c’est de bonne tenue, on apprend des choses, et quand le propos est médiocre on s’en sert d’outil critique. Aujourd’hui, serpents et phobie.

 

CorteX_serpent_Triste_sireVoici l’extrait qui m’a laissé perplexe lorsque je l’ai entendu.

Extrait radio (tiré de la minute 18 à la minute 22 de l’émission du 21 juin 2011 Serpents et venin).

 Télécharger ici.

Retranscription

Xavier Bonnet, herpétologue, et Nicolas Vidal, biologiste herpétologue, répondent à la question du présentateur Mathieu Vidard (MV).

MV : Pourquoi les serpents suscitent autant de rejet et de phobie ? Est-ce qu’il y a des explications rationnelles à ces phénomènes ?

Le premier intervenant, Nicolas Vidal :

– « Moi j’en vois deux : il y a une explication culturelle religieuse, puisque c’est le symbole du mal, le symbole sexuel dans nos religions, enfin, dans nos sociétés occidentales, par contre en Inde ils sont vénérés, symboles de fertilité, d’immortalité, donc la connotation négative elle est quand même bien occidentale.

Et l’autre explication qui est très intéressante d’un point de vue biologique, c’est qu’on s’est séparé des grands singes il y a sept millions d’années, (…) et que les serpents venimeux étaient déjà là, et évidemment il n’y avait pas d’hôpitaux, pas de sérum donc on avait un avantage sélectif énorme à ne pas se faire mordre. »

MV :donc on l’aurait inscrit dans notre mémoire ?

– « Donc le serpent est très bien détecté par les primates et puis on a des réactions de panique donc on a, oui, y a eu des publications là-dessus, ce qu’on appelle un module inné de la peur chez l’Homme ».

MV : En tout cas il suffit de faire le tour de son entourage pour s’apercevoir que quasiment tout le monde déteste les serpents (…) Quelle est votre explication à vous, Xavier Bonnet ?

– « Je pense effectivement qu’il y a une composante culturelle, mais (…) si l’on regarde les cultures à travers la planète, les principales symboles associés au serpent sont des symboles positifs. CorteX_Serpent_GeneseIl y en a très peu de sexuels (…) et essentiellement c’est un animal qui est le véhicule de la connaissance, et guérisseur et avec les mythes fondateurs de l’Humanité. De temps en temps c’est une sale bête, un sale monstre, mais c’est vraiment très rare. Il a été diabolisé assez récemment, et même dans la Genèse, (…) vous verrez que le serpent n’est pas le symbole du mal, il informe simplement Adam et Ève de leur condition, et ça se termine très mal, cette histoire-là, car non seulement Adam et Ève sont non seulement immortels mais en plus éclairés, évidemment il y a un conflit avec Dieu, et c’est là que ca se passe mal.

Ensuite l’étude à laquelle se réfère Nicolas, ces plusieurs études (…) ne sont pas très convaincantes, et nous on s’est amusés à faire pas mal de tests..

M.V : ….sur la théorie des primates ?

Oui, elles ne sont pas très convaincantes. Déjà il y a plusieurs erreurs dans l’étude en question, mais bon on n’a pas le temps là-dessus… Il est (…) possible qu’il y ait une partie de la peur des serpents qui soit codée, en tout cas on a fait pas mal d’expériences avec des enfants, et on a eu le problème inverse, c’est qu’ils n’ont pas l’air d’avoir trop peur, les gamins. On a du réviser nos protocoles expérimentaux parce que les enfants, la peur phobique instinctive elle (n’)est pas tellement là. On avait le problème inverse : ils n’avaient pas assez peur dans nos manips et ça devenait parfois un peu inquiétant ».alt

MV : D’accord, donc vous n’êtes pas convaincu, vous Xavier Bonnet.

– « Pas trop. Je suis tout à fait d’accord avec Nicolas sur cette dimension culturelle mais récente, elle (n’)est pas profondément ancrée, répandue sur la planète, même avec les serpents dangereux, parce que Bouddha a été sauvé par le cobra, et les cobras qu’on voit partout dans les temples en Asie, sont là pour protéger les serpents arc-en-ciel en Australie aussi, en Afrique dans pas mal de pays, les indiens Hopi c’est encore la même chose, parce qu’ils sont associés à des mythes hydrauliques, essentiels, vitaux. Maintenant il n’y a aucun doute, et là Nicolas a parfaitement raison, que les Hommes depuis belle lurette ont compris qu’il y avait des serpents venimeux, ils savent les reconnaître et ils font attention ».

MV : Nicolas Vidal ?

– « Je suis tout à fait d’accord avec Xavier, puisque je l’ai noté, moi, quand j’étais en Guyane par exemple et qu’on montrait des serpents y compris des serpents dangereux autant les adultes crient et s’éloignent autant les enfants, il faut dire aux parents attention ce sont quand même des serpents dangereux, gardez vos enfants. Les enfants ont moins peur que les adultes

MV : Donc il y a certainement un impact culturel qui fait qu’il y a un mimétisme ensuite sur la peur liée à ces petites bêtes.

Qu’en pensez-vous ? Tentez une analyse de votre cru, et comparez-là avec la notre, ici.

N’hésitez pas à nous écrire pour compléter / corriger notre décorticage.

Richard Monvoisin