L’exposition « Esprit critique : détrompez-vous ! » a été co-conçue par les CCSTI (Centre de Culture Scientifique, Technique et Industrielle) Cité des Sciences (Paris), Cap Sciences (Bordeaux) et le Quai des savoirs (Toulouse). Elle a été présentée au public la première fois en mai 2021 et elle l’est encore à l’heure où j’écris.
Il me semblait important de proposer un point de vue… critique, justement, sur cette exposition. En effet l’esprit critique est connoté très positivement et on ne peut que saluer l’initiative d’établissements de culture scientifique de proposer une exposition sur ce thème. Mais il faut questionner les bases sur lesquelles repose l’exposition et la réussite de l’objectif pédagogique. Pourquoi avoir voulu concevoir cette exposition ? Quelle conception de l’esprit critique est véhiculée ? Que produit le dispositif dans son ensemble pour le public ? Prises isolément, les différentes parties de l’exposition atteignent-elles leur objectif ?
ATTENTION, si vous n’avez pas visité l’exposition, cet article révèle TOUT.
Avant de mettre en ordre ces questions, un mot sur moi.
Je n’ai pas fait d’études ni de travaux de recherche liés à l’esprit critique. Si vous avez le sentiment que j’affirme des choses qui ne correspondent pas à la littérature sur le sujet, c’est sûrement vrai. La majorité des choses que je connais sur la littérature provient de vulgarisation effectuée par des chercheur·euses, donc c’est incomplet et peut-être que j’ai mal compris ce que j’ai lu et entendu.
J’ai un lien d’intérêt à déclarer puisque j’ai travaillé pour un des établissements qui a accueilli l’exposition. Toutefois dans la mesure où je n’ai signé aucune clause de confidentialité, où je ne diffuserai pas de photo prises dans l’exposition et surtout où je ne critiquerai personne, mon propos est relativement libre.
C’est aussi parce que j’ai travaillé dans l’exposition que je me permets d’en parler : à force d’éprouver les dispositifs, de discuter avec le public et d’observer ses réactions, de mener des visites pour des groupes scolaires, j’ai pu comprendre ce qui fonctionnait ou non et faire des liens avec mes (quelques) connaissances théoriques sur l’esprit critique.
Globalement, à quoi ressemble l’exposition ?
La scénographie représente une ville composée de plusieurs pôles correspondant à des lieux emblématiques tels qu’une pharmacie, une salle de spectacle, une mairie, etc. Chaque lieu dispose de plusieurs modules interactifs. On peut circuler comme on le veut dans la ville et découvrir les lieux comme on le souhaite.
À l’entrée, on s’équipe d’un bracelet connecté qui va permettre d’interagir avec les modules. Le bracelet enregistre nos interactions et donne un « bilan » à la fin de l’exposition (j’en reparle à la fin).
Chaque lieu est également agrémenté d’un panneau de présentation avec un petit texte faisant le lien entre l’esprit critique et le thème du lieu. J’y reviendrai également à la fin.
Je tiens à souligner que je considère cette exposition comme un excellent support de médiation dans le cadre de visites de groupes (scolaires ou autres). Elle offre de nombreuses accroches pour aborder des sujets intéressants, pour creuser des aspects assez pointus de l’esprit critique, pour générer des discussions critiques avec des élèves. Le parcours étant libre, en tant que médiateur·ice on peut facilement passer d’un thème à l’autre pour satisfaire au mieux les intérêts qui émergent dans le groupe.
Toutefois cela demande beaucoup d’agilité et de concentration, car comme je tente de l’expliquer plus bas, le contenu de l’exposition et la conception des dispositifs interactifs véhiculent des idées sur l’esprit critique que j’estime dommageables, d’où la nécessité de « corriger le tir » en permanence.
Les médiateur·ices sont bien sûr présent·es dans l’exposition pendant les temps de visite libre en grand public, mais d’une part nous ne sommes pas tenu·es de pallier les manques d’une exposition et d’autre part nous ne pouvons pas accompagner tout le monde en permanence. C’est cette visite libre qui m’inquiète le plus, car je me demande bien ce qu’on peut apprendre sur l’esprit critique et quels questionnements peuvent être amenés pendant la visite.
Je le répète et j’insiste, l’exposition prend tout son intérêt avec une visite guidée. Toutes les critiques que j’émets ci-dessous peuvent être contrebalancées par le discours des médiateur·ices, et les échanges permettent d’engager une réflexion beaucoup plus riche que ce que les seuls dispositifs proposent.
Derrière ma critique, je reconnais tout le travail abattu par un grand nombre de personnes. Le sujet de l’esprit critique n’est pas facile à mettre en scène ainsi, et je ne prétends pas pouvoir faire mieux. Ne connaissant rien du processus de création de l’exposition, je me contente de critiquer le produit fini dans le contexte d’une visite non accompagnée.
Passons maintenant en revue les différents lieux de l’exposition. Cela peut paraître superflu de détailler certains dispositifs mais je ne peux pas justifier ma critique sans décrire ce qui l’a motivée.
La mairie
Le thème est ici assez flou puisqu’il mélange politique, argumentation, stéréotype et surconfiance.
Dans un coin on trouve une vidéo avec trois personnages joués par le même acteur, tenant chacun un discours sur le changement climatique. On nous demande de voter pour le personnage qui nous a le plus convaincu, puis on nous propose une brève analyse des discours qui décortique les paralogismes utilisés (faux dilemme, appel à la nature, effet puits, etc.) ainsi que les allures des personnages (l’un d’eux correspond par exemple au stéréotype du politicien en cravate).
À côté se trouve un petit jeu qui apprend à détecter des arguments fallacieux en se basant sur une liste d’exemples.
Plusieurs problèmes sautent au yeux.
Ces deux premières activités, faites dans le cadre de la « mairie », établissent de fait un lien direct entre le champ politique et les tromperies argumentatives volontaires. Le thème des arguments fallacieux n’étant pas repris par la suite dans l’exposition, le lien avec le champ politique semble exclusif. Ce lien est questionnable puisque la distinction entre sophismes et paralogismes n’est pas précisée : là où le sophisme est un argument fallacieux énoncé avec la volonté de tromper, le paralogisme est une faute sincère de logique. Ainsi il est ici implicite que les erreurs argumentatives sont uniquement faites dans un but manipulatoire et lié à la politique.
De plus, aucune nuance n’est apportée à ces « sophismes ». Leur pertinence est écartée d’emblée, sans considérer qu’ils relèvent pour la plupart d’erreur de logique informelle (c’est-à-dire que l’erreur ne vient pas de leur structure logique mais plutôt du contexte d’émission), qu’ils peuvent donc connaître un certain domaine de validité et qu’ils sont émis rationnellement d’après les données disponibles par leur émetteur1.
Petit détail qui fait tache sur le jeu présentant la liste d’exemples de sophismes : une bonne partie des exemples donnés ne correspondent pas aux noms des sophismes en question.
Pour résumer, ces deux activités tombent dans la critique maintenant classique faite à l’utilisation de la notion de « sophisme » en zététique : on apprend des listes d’arguments fallacieux qui semblent pouvoir disqualifier une argumentation (voire la thèse défendue ou la personne qui argumente) dès lors qu’on les détecte, sans s’intéresser au contexte d’argumentation. Quelle pertinence peut-il y avoir à faire la chasse aux sophisme, par exemple, dans une conversation en plein repas de famille ?
Passé cela, un autre jeu propose d’associer des images de personnes à des métiers dans un temps très limité. Évidemment, la plupart des gens réagissent d’après des stéréotypes culturels : associer l’homme avec un chapeau de paille au métier de jardinier, une femme accompagnée d’enfants au métier d’enseignante, un homme penché sur son ordinateur avec un smartphone à la main au métier d’informaticien, etc. Et… c’est tout ! Un écran de correction nous indique ensuite qu’au dos des images des personnes se trouvaient des descriptions qui donnaient des indices quant à leur véritable métier. Sauf que :
– Le temps imparti est de toute façon insuffisant pour lire ne serait-ce qu’une seule des descriptions. Dans le but de réussir ce petit jeu, réagir avec des stéréotypes est finalement très rationnel puisque ce sont les seuls indices disponibles (de plus les stéréotypes mobilisés sont plutôt innocents, rien de basé sur la couleur de peau par exemple).
– Une fois qu’on prend le temps de lire toutes les descriptions, on se rend compte qu’aucune d’elle ne mentionne explicitement le métier des personnes. La conclusion qui semble raisonnable est alors que n’importe laquelle de ces personnes pourrait exercer n’importe lequel des métiers. Même si cette conclusion part certainement d’une volonté humaniste et inclusive, je doute qu’elle soit transférable en dehors des personnages de ce jeu.
Le jeu tombe donc dans un autre travers qui est d’amalgamer heuristiques et biais, ou stéréotypes et discrimination dans ce cas précis. Toute pensée rapide et intuitive n’est pas un biais, et toute expression d’un stéréotype n’est pas une discrimination. Le jeu n’explicitant pas cette distinction, il suggère implicitement un amalgame malheureux : là où l’heuristique (de jugement) est une opération mentale automatique, intuitive et rapide, le biais (cognitif) est une déviation systématique de la pensée logique et rationnelle par rapport à la réalité. (wikipédia)
Là où le stéréotype est une opinion acceptée sans réflexion et répétée sans avoir été soumise à un examen critique, la discrimination est un traitement différencié, inégalitaire, appliqué à des personnes sur la base de critères variables (ces critères peuvent être des stéréotypes). (CNRTL).
Le plus gros problème de ce jeu selon moi est qu’il ne met pas en condition pour s’interroger sur l’origine des stéréotypes, ni de leurs conséquences négatives, ni des manières de lutter contre celles-ci. On invite implicitement à conclure que les stéréotypes sont issus de la bêtise ou d’une pensée trop rapide, ce qui n’est évidemment pas le cas.
Un petit jeu termine la zone en prétendant parler du biais de surconfiance (aussi appelé effet Dunning-Kruger) alors qu’il ne le démontre pas du tout2.
On nous présente un schéma de vélo incomplet et on nous demande de le terminer avec un nombre de traits limité. La plupart des gens placent mal le dernier trait, ce qui a pour conséquence de dessiner un vélo non fonctionnel.
Le biais de surconfiance advient lorsqu’une personne surestime ses compétences relativement à une tâche. Là où c’est cocasse, c’est que le jeu débute en demandant au public d’auto-évaluer sa capacité à redessiner un vélo et que la plupart des gens répondent 50 % ou moins : c’est-à-dire que la plupart des gens s’estiment peu confiants ! Leur auto-évaluation se révèle donc plutôt bonne dans ce contexte.
Évidemment il ne s’agit pas ici d’un protocole expérimental rigoureux censé répliquer une expérience historique. Seulement voilà, le but était de démontrer la surconfiance, ce qui ne marche pas et c’est finalement le discours d’un·e médiateur·ice qui vient encore corriger le tir en expliquant ce qui était censé se passer. Sur ce jeu comme sur d’autres, l’effet à démontrer n’est pas du tout explicite et beaucoup de gens ont fait remarquer (qu’ils aient réussi le schéma correct ou non) qu’ils ne comprenaient pas l’exercice.
Kiosque à journaux
Ce lieu est dédié à l’information et il est à mon avis un peu trop focalisé sur les fake news.
Premier dispositif, un quiz énonçant une quinzaine d’idées reçues ayant trait aux sciences de la nature, auxquelles il faut répondre par « vrai » ou « faux ». S’ensuit un corrigé qui rétablit la « vérité scientifique » et donne quelques explications.
L’exercice est plutôt rigolo et fonctionne bien, on y apprend quelques informations scientifiques qui bousculent nos intuitions et idées reçues. Mais ce n’est pas un exercice d’esprit critique, c’est un QCM sur des connaissances scientifiques. À aucun moment on ne se demande pourquoi on croit ce qu’on croit. On attend passivement le corrigé. La seule conclusion qu’on peut tirer après ce quiz est que la science contredit plusieurs de nos croyances, fausses.
La vision de l’esprit critique est ici absolutiste : il existe des choses vraies, des choses fausses et l’esprit critique a pour seule utilité de déterminer quelles choses sont vraies ou fausses3. C’est extrêmement réducteur même si on reste focalisé sur la thématique des fake news.
Les connaissances sont bien une des trois composantes de l’esprit critique selon la littérature sur le sujet4. Cependant je doute que ce petit jeu montre bien le lien que les connaissances ont avec l’esprit critique, puisqu’il se contente de pointer des idées reçues (qui sont en plus complètement inoffensives, par exemple le fait que les tournesols suivent le soleil. On n’a aucun enjeu à se documenter sur ce genre d’informations au quotidien à moins de préparer un cours de biologie).
Un grand panneau plus loin dans la pièce arbore une grande infographie montrant plusieurs procédés de manipulation de l’image en contexte infomédiatique. C’est très bien réalisé, on comprend vite les techniques utilisées et leur but manipulatoire.
Plusieurs problèmes déjà listés sont ici cumulés : l’information est considérée soit vraie soit fausse, l’information fausse est censée être diffusée dans un but manipulatoire, aucun outil n’est donné pour vérifier l’information. On saute à pieds joints dans les problèmes induits par la définition classique des « fake news » (information fausse diffusée dans un but manipulatoire) : comment déterminer ce qui relève du vrai et du faux ? Comment prétendre connaître les intentions des auteur·ices des informations ? De manière pratique, peut-on vraiment dédier autant de temps à une vérification aussi rigoureuse de tout ce qui nous passe sous les yeux5 ?
Le dernier atelier de la zone est de loin le plus intéressant. Cinq fausses couvertures de magazine traitant du même sujet nous sont présentées. Elles sont conçues pour mimer des degrés différents de rigueur scientifique et avec des visuels très variés : l’une fait penser à un numéro de La recherche tandis qu’une autre semble singer Paris Match. Le but est de classer ces cinq magazines de celui qui nous inspire le plus de confiance à celui qui nous en inspire le moins, relativement au sujet traité. Nous sommes donc invité·es à vérifier si les articles sont signés, si les auteur·ices sont des expert·es du sujet, si des sources sont apparentes, si des informations précises et vérifiables sont communiquées dans les articles, ou encore si les photographies illustrent bien le texte. Rien qu’avec ces critères, il est possible d’établir une gradation dans la confiance à accorder a priori à ces magazines, de celui qui semble le plus rigoureux à celui qui traite son sujet par-dessus la jambe.
Là où je vois un problème, c’est que d’autres critères moins pertinents peuvent servir à établir cette gradation, comme l’aspect visuel du magazine ou son prix, et qu’en utilisant ces critères on aboutit à la même gradation qu’en utilisant les critères de rigueur journalistique cités plus haut. Le magazine le moins cher et ayant une charte graphique très colorée et pleine de fantaisies est aussi le moins rigoureux.
Implicitement, l’atelier associe le prix et le visuel à la rigueur journalistique, ce qui à mon avis brouille les pistes de l’évaluation de l’information. Bien sûr, l’aspect visuel et le prix d’un magazine sont intéressants à analyser, mais ils ne nous renseignent pas a priori sur la qualité du média.
Salle de spectacle de magie
Deux activités sont ici proposées. Un écran interactif annonce pouvoir deviner notre personnalité. Il nous pose deux questions « personnelles » auxquelles on répond en cliquant sur un des choix possibles, puis nous déballe un discours calqué sur le modèle du discours de Bertram Forer, provoquant le fameux effet Barnum : il nous livre son analyse de notre personnalité en quelques phrases sonnant assez justes, mais qui sont en fait assez floues et générales pour correspondre à tout le monde.
On trouve aussi une vidéo présentant quelques tours très simples de mentalisme. Le mentaliste fait sa démonstration puis explique comment il s’y est pris.
La qualité pédagogique est là : on sait qu’on va être trompé par les tours et par la voyance, on l’est effectivement, puis les astuces sont présentées de manière très simple et juste.
Le problème de cette zone est lié au problème global de l’exposition, dont le message est en substance (c’est ce qui ressort des panneaux explicatifs) « Constatez tous les domaines où vous êtes manipulé·es ». L’exposition nous laisse avec ce message, à nous de voir ce qu’on en fait. Si l’on comprend très vite la pertinence de savoir qu’on peut être manipulé par des politiciens ou des médias, quel en est l’intérêt concernant la magie ? Les tours présentés le sont dans le contexte d’une salle de spectacle, un lieu avec lequel on signe un contrat tacite de consentement à être trompé·e. On sait déjà qu’il y a des manipulations et qu’elles n’auront pas d’incidences négatives sur nos vies ou sur la société.
On touche ici au manque de liens explicites entre les différents thèmes traités par l’exposition. Elle ne nous fait pas comprendre l’intérêt qu’il peut y avoir à démonter méthodiquement des tours de magie. Or il me semble que cet intérêt existe bien : les manipulations utilisées (effet Barnum, mauvaises intuitions statistiques, détournement d’attention, induction d’hypothèses alternatives coûteuses, etc.) peuvent ici être expliquées dans un cadre ludique et (presque) sans risque de provoquer de la réactance. La magie représente un exemple de plus sur lequel décliner l’application des compétences propres à l’esprit critique.6
Je tiens à préciser que je ne considère pas que la magie a pour seul intérêt son usage pédagogique pour l’enseignement de l’esprit critique. C’est un art à part entière7. Ici je traite la magie depuis un certain point de vue car c’est censé être le but de cette exposition que d’initier à l’esprit critique.
La pharmacie
Certainement la meilleure zone de l’exposition, présentant deux activités très pédagogiques.
La première nous confronte à des paires de situations dont nous devons répondre s’il s’agit d’une causalité (une situation a causé l’autre plus ou moins directement), si elles viennent d’une cause commune (une cause tierce, non dévoilée ici, qui a causé ces deux situations), ou s’il n’y a aucun lien entre les deux situations (coïncidence). Le jeu a la finesse de proposer des situations évidentes et d’autres très contre-intuitives, ainsi qu’une explication sommaire en fin de jeu.
Rien à dire, le concept de confusion entre causalité et coïncidence passe très bien, décliné sur plusieurs exemples clairs.
Seul point noir : À la toute fin du jeu, l’écran donne un bonus sous forme d’un petit texte explicatif de notre perception du hasard, accompagné de schémas avec des points plus ou moins espacés. Le texte et les schémas sont tellement confus que personne dans l’équipe n’a su se les approprier pour ne serait-ce qu’en faire une accroche pour parler plus rigoureusement de la perception intuitive du hasard. Heureusement ce bonus est un détail au milieu du reste.
Deuxième jeu, une enquête épidémiologique fictive sous forme de quiz. Nous sommes mis·es en situation en devons répondre en temps limité à des questions qui touchent à la méthode scientifique expérimentale, notamment liée à son usage en santé.
Que nos réponses soient bonnes ou mauvaises, une petite voix se fait entendre avant de passer à la question suivante, nous expliquant pourquoi notre réponse était bonne ou mauvaise. Ainsi tout le monde profite du message scientifique, même les personnes chanceuses qui répondent au pif.
On apprend par exemple ce qu’est une confusion entre corrélation et causalité (ce qui poursuit habilement le jeu précédent), ce qu’est une manipulation des échelles sur un graphique, ou ce qu’est un groupe témoin lors d’un test clinique.
Test de logique
Entre plusieurs zones se trouve une grande table dont chaque place est pourvue de boutons qui permettent de répondre à un test de logique effectué à plusieurs joueur·euses.
Les trois questions posées sont des tests de logique (du style de l’énigme du nénuphar qui double de surface…) qui proposent trois réponses possibles, dont nous sommes prévenu·es qu’une seule est juste.
À chaque question il faut sélectionner individuellement une réponse dans un temps limité tandis que les réponses des autres s’affichent. Il est possible, tant que le temps pour répondre n’est pas écoulé, de changer sa réponse. La consigne précise que les points sont attribués au groupe de joueur·euses seulement si tout le monde donne la bonne réponse, les joueur·euses sont donc implicitement encouragé·es à s’entraider.
Sur le papier c’est très bien, mais plusieurs éléments viennent faire échouer la coopération et les raisonnements logiques.
Déjà, le temps limité est beaucoup trop court pour réfléchir individuellement et beaucoup de gens se retrouvent à répondre au hasard. Les personnes connaissant ou ayant trouvé le bon raisonnement n’ont pas le temps de l’expliquer aux autres pour les faire changer de réponse à temps. Le manque de temps profite aux personnes possédant déjà de l’autorité (légitime ou non) au sein d’un groupe, ou qui savent s’affirmer face aux autres. Combien de groupes d’élèves avons-nous vus s’aligner sur la réponse (souvent fausse) d’un de leurs camarade qui parlait plus fort… On est à fond dans l’effet de halo : des caractéristiques non pertinentes des personnes répondantes servent aux autres personnes pour évaluer sa fiabilité.
Ensuite, il manque un corrigé. Beaucoup de personnes ont été frustrées de ne pas pouvoir, faute de se souvenir des questions, poser leur raisonnement calmement suite à l’exercice. Ainsi le jeu se limite à une mauvaise note sans possibilité de s’améliorer.
Enfin, à la fin du jeu s’affichent à la fois le score du groupe et les scores individuels. « Haïssez le jeu, pas les joueurs » est un proverbe s’appliquant parfaitement à la situation : le simple fait de mettre en avant des scores individuels laisse la possibilité (voire incite) les joueurs à transformer un jeu pensé pour être coopératif en un jeu compétitif, ce qui le vide de son sens.
En résumé, l’idée initiale d’entraîner les compétences de raisonnement logique et d’entraide au sein d’un groupe au moyen d’argumentation était louable, mais échoue selon moi à cause d’éléments qu’il aurait été facile de corriger. Il était parfaitement possible de ne pas afficher les réponses des autres joueur·euses (pour éviter toute influence sur les réponses des autres) ; de ne pas afficher des scores (qui nuisent à la coopération) ; voire d’expliquer l’effet de halo en début de jeu.
Food truck
Une réplique de food truck fait office de zone dédiée à la fois aux biais mnésiques et attentionnels : les failles de la mémoire et de l’attention.
Sur un des pans du camion on regarde un petit film diffusé en boucle, qui est en fait une variante du monkey business tournée spécialement pour l’exposition8. Le début du film donne pour consigne de compter certains éléments à l’écran, ce qui détourne l’attention et fait rater l’apparition d’autres éléments pourtant insolites. Le film fonctionne très bien, personne ne remarque les dits éléments insolites. L’écran de fin invite à passer sur un autre pan du camion pour voir un « making of » du premier film, sur lequel on se rend compte de la supercherie. On comprend très bien la manière dont nous avons été trompé·es.
Si on s’arrête là ça fonctionne très bien. Ce qui m’embête c’est l’absence de recul par rapport à la tromperie. Lors du visionnage du film nous n’avons rien raté d’important pour nous, de crucial à la compréhension de l’exposition, ou encore de dangereux. Est-ce réellement une faille de notre esprit que de se focaliser sur certains éléments ? Ou est-ce justement la preuve d’un fonctionnement efficace pour l’écrasante majorité du temps ?
Une fois de plus, la fin du jeu nous lâche avec pour seule conclusion immédiate que nous sommes faillibles. Rien n’interroge les conditions de cette faillibilité, les conséquences qui peuvent en découler, les moyens de contourner cette faillibilité ni la pertinence de le faire.
Cette faillibilité en est-elle vraiment une, si elle permet de se concentrer efficacement sur une seule tâche en faisant par exemple abstraction d’un contexte bruyant ? Serait-il pertinent de faire attention à tout, tout le temps, dans tous les contextes ? Ou pourrait-on se contenter d’identifier certains contextes requérant une attention soutenue ?
Le deuxième jeu fonctionne moins bien. Il tente de démontrer les effets de primauté et de récence, en présentant une liste à retenir et à restituer dans l’ordre, le tout en un temps limité. L’écran de fin montre les statistiques des 100 dernières personnes à avoir joué, sans préciser que nous sommes censé·es remarquer que les premiers et derniers éléments de la liste ont été plus souvent retenus que les autres. De fait personne ne le remarque car ce n’est pas ce qui se passe. Le jeu, avec toutes ses contraintes techniques et un environnement aussi perturbé que celui d’une exposition, ne peut évidemment prétendre à répliquer des expériences de psychologie sociale.
Ainsi, on constate simplement que notre mémoire est imparfaite. Même problème que précédemment concernant l’absence de conclusion autre que le constat de notre faillibilité.
Le supermarché
Dernière zone thématique contenant quatre activités. Pour moi, c’est la zone la plus confuse.
Une première activité propose de s’asseoir successivement sur deux chaises rigoureusement identiques, posées l’une à côté de l’autre. Après avoir essayé les deux, nous devons voter pour notre « préférée ». Des statistiques des 100 derniers votes du public s’affichent ensuite, où l’on constate un équilibre relatif entre les préférences pour la chaise de gauche et pour celle de droite. L’écran de fin mentionne rapidement l’effet placebo.
Le dispositif ne peut en fait pas prétendre parler d’effet placebo : l’effet placebo est un procédé n’ayant pas d’efficacité propre mais agissant sur une personne par des mécanismes physiologiques ou psychologiques. Plus largement on parle d’effets contextuels. Or ici ces effets contextuels sont totalement absents (ce qui explique l’équilibre des votes). Rien ne permet de distinguer les chaises, ni directement à leur apparence ni dans le décor qui les entoure. On voit mal ce qui induirait une préférence. Peut-être que l’ajout d’autocollants sur une des chaises, ou d’une différence ténue dans la teinte du bois, aurait induit un effet.
La deuxième activité prétend démontrer un biais d’ancrage mais son dispositif rend cela impossible. Nous sommes face à deux vases très différents et un écran nous demande d’estimer le prix de celui de gauche. L’écran affiche ensuite une fausse publicité mentionnant un nombre qui n’a rien à voir avec les vases. Il nous demande de donner le prix du deuxième vase, puis nous affiche les statistiques des 100 derniers votes. On est censé observer que les prix estimés pour le deuxième vase sont plutôt proches du nombre qui a été affiché dans la fausse publicité, car on aurait « ancré » ce nombre dans notre esprit, lequel nous servirait à présent de référence pour faire des estimations.
Or on n’observe aucun groupement des réponses sur le nombre donné pendant la publicité. Ce qui aurait été intéressant d’observer, c’est si pour chaque personne le deuxième prix donné était proche du premier. Hélas le dispositif ne permet pas d’accéder à ces données.
Induire un réel biais d’ancrage ressemblerait davantage à ceci : l’écran demanderait si, d’après nous, le prix d’un unique vase était inférieur ou supérieur à un prix A, puis nous demanderait d’estimer ce prix. Alternativement, il demanderait à certaines personnes si ce prix était inférieur ou supérieur à un prix B, puis leur demanderait également une estimation. On observerait, selon toute vraisemblance, que les personnes à qui on montre le prix A donneraient des estimations proches de A, et que les personnes à qui on montre le prix B donneraient des estimations proches de B9
La troisième activité parle d’intelligence collective et le fait plutôt bien. Un caddie rempli de produits nous est présenté, chaque personne devant estimer le poids total en kilogrammes de l’ensemble sans connaître les estimations des personnes précédentes. Une fois notre estimation donnée, on découvre les 100 dernières estimations du public ainsi que leur médiane et le « vrai » poids du caddie. La moyenne est toujours très proche du vrai poids, ce qui est vaguement expliqué par l’écran de fin, qui ajoute un résumé de l’expérience de Galton (il demandait à des gens dans une foire d’estimer le poids d’un bœuf. La médiane des estimations était très proche de la réalité.).
Seule remarque : les conditions de l’effectivité de cette intelligence collective ne sont pas exposées. Il semblerait que ce type d’expérience fonctionne très bien pour des variables quantifiables et ne demandant pas d’expertise particulière pour se faire un avis (ça ne marcherait pas en demandant le montant en dollars nécessaire pour solutionner la faim dans le monde par exemple). De plus, il semblerait que chaque estimation doive être faite sans concertation pour éviter les influences10. Les personnes qui s’essayent à l’exercice, ne respectant pas forcément ces conditions, ne font donc pas émerger d’intelligence collective. En effet, si l’influence entre en jeu, le phénomène observé change complètement et on peut observer l’estimation d’un groupe s’enfoncer dans l’erreur11.
La dernière activité est un faux rayon de supermarché dans lequel tous les produits sont disponibles sous deux versions, de marques et emballages différents. Par exemple deux types de bouteille d’eau, deux types de maquillage, deux types de lessive… Les emballages sont plutôt réalistes et sont de vrais condensés de manipulations classiques du marketing : prix finissant en « …,99 centimes », appels à la nature, des couleurs criardes, des « Vu à la TV », des photos de gens heureux, etc.
Nous devons choisir un des deux produits pour chaque paire de produits, puis soumettre notre sélection à une caisse virtuelle qui passe en revue chaque paire de produit en nous donnant une brève analyse des manipulations utilisées. Chaque emballage incarne une ou plusieurs techniques de manipulation.
On peut ainsi faire des liens entre des manipulations similaires utilisées sur différents produits, par exemple entre une photo aérienne de champs de thé, un « 100 % naturel » et un « Sans OGM ».
Si l’exercice s’arrêtait ici il aurait été plutôt bon, mais le côté interactif brouille encore une fois le message. En effet, chaque paire de produit analysée par la caisse virtuelle est accompagnée des statistiques des 100 derniers choix des personnes précédentes. On constate très souvent un relatif équilibre entre les deux produits, ce qui nous fait nous demander si le but du dispositif était de démontrer qu’une manipulation fonctionnait systématiquement avec plus de puissance qu’une autre. Si tel était le but, alors pourquoi ne pas avoir opposé un emballage manipulatoire à un autre plus « neutre » ? Si tel n’était pas le but, alors pourquoi avoir affiché les statistiques ?
Cette activité est pour moi représentative de l’exposition : même là où les effets manipulatoires recherchés sont bien présents et où les explications données sont valides, il est difficile de comprendre ce qu’on peut tirer de l’expérience. On a passé un bon moment mais on n’a rien appris. Une camarade médiatrice le formule ainsi : « On a appris qu’on était faillibles et qu’il fallait être vigilant, mais on n’a pas la méthode pour l’être correctement. Des publics nous disent, en sortant de l’expo, qu’il faut faire attention, se méfier, ce qui n’est ni constructif ni critique, mais tout simplement une émotion connotée négativement dont on ne sait que faire. »
Bilan
Terminons la visite avec le « Bilan ». Tel que je l’avais précisé en début d’article, nous récupérons un bracelet connecté au début de l’exposition qui nous permet d’interagir avec tous les dispositifs. Chaque interaction enregistre nos choix, lesquels sont finalement traduits sous forme d’un bilan sur un dernier écran interactif. Nous recevons ainsi un « score d’esprit critique » sur un diagramme en toile d’araignée avec plusieurs sujets.
Évidemment ces scores n’ont aucune prétention scientifique, ni aucune prétention à mesurer quoi que ce soit à l’intérieur de l’exposition. En effet les visiteur·euses venues à plusieurs n’ont pas forcément toustes un bracelet, ne font pas forcément toutes les activités, les refont parfois plusieurs fois jusqu’à obtenir la « bonne » réponse, etc. Au-delà de ce faux problème (qui est plutôt une limite assumée par les concepteur·ices de l’exposition), ce bilan laisse croire que l’esprit critique serait une liste de compétences mesurables, les différents sujets étant notés par un pourcentage de réussite. Or l’esprit critique, en tout cas si l’on se réfère à ce qu’on trouve dans la littérature récente (je vous renvoie à la note de bas de page 5), se compose de compétences mais aussi de connaissances et de dispositions. De plus, quantifier ces compétences (et ces connaissances et dispositions) n’aurait aucun sens puisque l’esprit critique ne s’active pas automatiquement en toutes situations, il est contextuel : selon le sujet12, selon les dispositions du moment, selon nos connaissances, on sera en mesure ou non d’exercer notre esprit critique.
Un regard d’ensemble
De la même manière que traiter les arguments d’un discours de façon indépendante, en ignorant leurs liens et la thèse qu’ils soutiennent, fait passer à côté d’une analyse réellement pertinente du discours, critiquer chaque zone de l’exposition sans chercher à analyser l’ensemble fait courir le risque de ne pas saisir un propos global plus pertinent.
J’expose ci-dessous une critique en tentant d’appréhender l’exposition dans son ensemble.
Je le redis, cette exposition est une très bonne opportunité pour parler d’esprit critique : les visites de groupes accompagnés par un·e médiateur·ice permettent de développer de nombreux points non traités dans l’exposition, d’en préciser et d’en nuancer d’autres.
En revanche comme aucun lien n’est fait entre chaque zone, lors d’une visite solo on a certainement du mal à percevoir la relation entre les sujets traités et l’esprit critique, ainsi que les relations que ces sujets entretiennent. Quand bien même chaque zone fonctionnerait bien et véhiculerait un message clair (ce qui n’est selon moi pas le cas comme exposé plus haut), elles fonctionneraient indépendamment.
Le seul message explicite qui semble lier les zones entre elles est la nécessité d’exercer son esprit critique pour se protéger des manipulations. Chaque zone s’ajoute ainsi à une liste de thèmes sur lesquels nous sommes susceptibles de nous faire manipuler.
Il y a plusieurs problèmes à cette conception de l’esprit critique :
– Si le message est bien qu’il faut exercer son esprit critique pour éviter de se faire manipuler, il faut déjà avoir une définition, même minimale, de l’esprit critique. Or à aucun moment l’exposition n’en donne. Pour dégager une définition d’après le contenu de l’exposition, il faudrait recouper l’ensemble des panneaux textuels et des discours de fin des écrans interactifs ou… travailler dans l’exposition pendant plusieurs mois. C’est le problème de l’apprentissage par l’informel : les notions ne sont pas acquises ou risquent de l’être avec des contre-sens. Certes, une exposition n’est pas un cours, elle n’a pas pour objectif premier de transmettre des notions et de contrôler leur bonne compréhension. Cependant elle transmettra forcément un propos, qui se doit alors d’éviter le plus possible les interprétations erronées.
– L’utilité de l’esprit critique en tant que protection contre les manipulations se défend, mais c’est très réducteur. Où sont l’évaluativisme13, le réflexe du doute et l’humilité intellectuelle ? L’apprentissage de l’argumentation ? La nécessité de se documenter à propos des sujets sur lesquels exercer notre esprit critique ? Finalement, la mise en scène de l’exposition cache une caricature de zététicien en recherche de faussetés sur lesquelles pointer un doigt accusateur.
– Même en suivant cette conception réductrice de l’esprit critique qui ne serait qu’une protection, l’exposition n’est pas satisfaisante. Elle ne fait que pointer nos erreurs de raisonnement, nos intuitions maladroites, nos stéréotypes, etc. mais sans nous donner d’outils pour réellement repérer des manipulations et les contourner, ce qui serait un objectif minimal. Si on ne le savait pas déjà, l’exposition nous apprend que des manipulations existent, mais ne nous démontre pas leurs conséquences (ou alors très minimalement) ni ne nous donne les moyens de nous en prémunir.
– À aucun moment on ne sort de ce pointage de nos biais et autres raisonnements fallacieux. L’exposition s’inscrit dans un paradigme cognitiviste, une « idéologie des biais cognitifs »14 qui met sur un piédestal la seule rationalité épistémique : nous humains raisonnons mal à cause de notre cerveau, nos choix sont irrationnels. Cette approche est faible épistémologiquement15 et dangereuse politiquement. Elle est incapable d’expliquer le fait que différents individus se comportent différemment dans une même situation, elle naturalise nos comportements et réduit le champ des possibles pour changer la société16.
Le cerveau qui sert de logo et d’illustration récurrente à l’exposition résume bien le propos : les autres approches, issues des sciences humaines et sociales principalement, n’ont pas leur place ici.
Encore une fois, cette exposition est un support pédagogique bienvenu. Les visites avec des groupes permettent d’explorer en profondeur certains sujets, d’établir des liens entre les zones et avec les vécus des personnes. J’encourage les enseignant·es qui le pourront à y emmener des classes pour profiter des visites guidées. En revanche je ne sais que dire des visites libres, qui à mon avis brouillent les pistes sur l’esprit critique. Si au moins cela permet de découvrir ce concept et de commencer à y réfléchir, c’est déjà une bonne chose. Ce que je regrette, c’est que le message principal qui reste potentiellement en tête soit quelque chose comme « Les pubs et les politiques nous arnaquent, faisons attention. »
Merci à ma camarade Julie pour sa relecture critique.
- À ce sujet, voir l’article du collectif Zét-éthique ainsi que le chapitre 4 « Argumentation et fallacies » de la thèse de Gwen Pallarès
- Voir cet article qui vulgarise l’étude originale de Dunning et Kruger, ou cette infographie.
- La position absolutiste fait partie des quatre postures épistémiques listées par Kuhn et Dean dans Metacognition : A bridge between cognitive psychology and educationnal practice (2004)
Tableau descriptif tiré de l’article. - Voir cette conférence de Charlotte Barbier et Gwen Pallarès donnée pour Skeptics in the Pub Paris : Les sceptiques, experts de l’esprit critique ? ; voir aussi la Synthèse et bibliographie commentée sur les recherches actuelles autour de l’éducation à l’esprit critique, publiée par l’association Ephiscience (2020). Chapitre 1, première partie : Définitions de l’esprit critique.
- À ce sujet, voir l’article L’enseignement de l’évaluation critique de l’information numérique : vers une prise en compte des pratiques informationnelles juvéniles ? de Gilles Sahut, 2017
- Une camarade me souffle qu’un lien pertinent pourrait être fait entre la tromperie consentie de la magie et les « divertissements capitalisés », types jeux d’argent, auxquels participent un grand nombre de consommateurs/parieurs/joueurs tout à fait conscients et consentants.
- Lire à ce sujet le chapitre 17 de l’excellent essai « Q comme complot – Comment les fantasmes de complot défendent le système ». L’auteur raconte comment certains magiciens désenchantent le monde en utilisant la magie comme pédagogie d’un esprit critique rationaliste.
- Monkey Business est un classique du genre : un petit film qui focalise notre attention sur certains éléments, nous faisant totalement passer à côté d’éléments pourtant carrément insolites. À noter que c’est très malin d’avoir tourné une version inédite, car plusieurs variantes du Monkey business sont maintenant relativement connues, ce qui aurait gâché l’effet à beaucoup de visiteur·euses.
- L’article Wikipédia du biais d’ancrage explique très bien ce dont il s’agit et il suffit de comprendre l’expérience qui en est à l’origine pour imaginer comment la décliner.
- Dans une vidéo, Fouloscopie explique en partie ce phénomène.
- Je vous renvoie à des articles qui étudient précisément la performance de groupes de sujets à résoudre collectivement des problèmes : Einstellung effect in social learning (Luchins, 1961), Einstellung effect and group problem solving (Luchins, 1969).
- L’application ou non de l’esprit critique à certains sujets relève de la considération épistémique qu’on en a, c’est-à-dire de la manière dont on considère qu’un sujet fait partie ou non de ce qui relève de la connaissance. Ainsi on peut par exemple considérer que la morale n’est pas un sujet sur lequel on peut développer des connaissances, et n’avoir alors que des jugements très binaires types « bien ou mal » (ou au contraire être totalement relativiste et considérer qu’il est impossible d’établir un quelconque jugement moral sur quoi que ce soit). Voir la Synthèse et bibliographie commentée sur les recherches actuelles autour de l’éducation à l’esprit critique, publiée par l’association Ephiscience (2020). Chapitre 2, première partie : Compréhension épistémologique et représentations de la nature des sciences.
- Je renvoie au tableau cité en note numéro 3.
- Conférence de Barbara Stiegler : « L’idéologie des biais cognitifs », Bordeaux, 2022
- Conférence de Valentin Goulette : « Le point sur les biais cognitifs »
- Billet de blog sur le Club de Médiapart, par l’Atelier d’Ecologie Politique de Toulouse : « Pourquoi détruit-on la planète ? Les dangers des explications pseudo-scientifiques »