La pensée critique dans l’enclos universitaire ? Notre « objet social » dans Le Monde diplomatique de Janvier 2011.
Pierre Rimbert livre dans le Monde Diplomatique de janvier 2011 un article imposant, renvoyant les intellectuels critiques à leurs responsabilités.
Et comme notre matériau de base est l’intellect, et que la pensée critique est notre leitmotiv, il faut bien se poser les questions : où étions-nous durant les dernières luttes sociales ? Où étions-nous durant ces grèves ? Avons-nous mis nos connaissances à profit ?
Et celle-ci : où serons-nous lors des prochains mouvements ?
qui cache une dernière interrogation : à quoi sert d’acquérir une pensée critique solide si elle ne vise pas une transformation de la société vers un fonctionnement plus juste ?
Nous avons résisté à l’envie de scanner l’article, au moins pour le temps de janvier et afin que Le Monde Diplomatique s’assure une certaine santé financière.
Voici seulement le début (plus bas), ainsi que l’extrait d’émission consacré à cet article sur France Inter le 5 janvier 2011, où Pierre Rimbert résume fort bien son analyse.
Ici :
Début de l’article.
Enquête sur les intellectuels contestataires
La pensée critique dans l’enclos universitaire
De plus en plus décrié en raison des dégâts qu’il occasionne, le système économique suscite manifestations populaires et analyses érudites. Mais aucune théorie globale ne relie plus ces deux éléments en vue de construire un projet politique de transformation sociale. Les intellectuels critiques n’ont pourtant pas disparu. Que font-ils ? Les institutions qui les forment et les emploient leur permettent-elles encore de concilier culture savante et pratique militante ?
Par Pierre Rimbert
Des rues noires de monde, des slogans offensifs, des chants au poing levé, des directions syndicales dépassées par leurs bases. Le combat social de l’automne 2010 contre la réforme des retraites aura mobilisé plus de manifestants qu’en novembre-décembre 1995. Cette fois, pourtant, nulle controverse opposant deux blocs d’intellectuels, l’un allié au pouvoir et l’autre à la rue, ne vint troubler la bataille. Quinze ans auparavant, en revanche…
Un hall bondé de la gare de Lyon, des banderoles, des visages tournés vers un orateur qui ne parle pas assez fort. Le sociologue Pierre Bourdieu s’adresse aux cheminots. « Je suis ici pour dire notre soutien à tous ceux qui luttent, depuis trois semaines, contre la destruction d’une civilisation associée à l’existence du service public. » Un intellectuel français de réputation internationale aux côtés des travailleurs ? Scène devenue insolite depuis les années 1970. Ce mardi 12 décembre 1995, deux millions de manifestants ont défilé contre le plan de « réforme » de la Sécurité sociale et des retraites porté par le premier ministre, M. Alain Juppé. La grève installe un climat où l’inconnu se mêle aux retrouvailles. Car revoici le salariat, dont philosophes, journalistes et politiques avaient cru riveter le cercueil lors des restructurations industrielles des années 1980. Et revoilà des chercheurs critiques, décidés à mener la bataille des idées tant sur le terrain économique que sur les questions de société.
Deux pétitions aux tonalités antinomiques révèlent alors une fracture du monde intellectuel français. La première, intitulée « Pour une réforme de fond de la Sécurité sociale », salue le plan Juppé, « qui va dans le sens de la justice sociale » ; ses signataires se recrutent par cercles concentriques au sein de la revue Esprit, de la Fondation Saint-Simon, de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) et, plus généralement, d’une gauche ralliée au marché. L’« Appel des intellectuels en soutien aux grévistes » réunit de son côté chercheurs, universitaires, (…)