Yaltax 2024 – Réunion du Cortecs

Une réunion au sommet

Cette année pour la réunion annuelle de l’association, les membres du Cortecs se sont réunis dans les Alpes. Au programme de ce week-end, une introduction aux conférences gesticulées comme outil pédagogique, des discussions autour de la guillotine de Hume, des questionnements sur les notions de pluralité conceptuelle et de but épistémique, des choix cornéliens face à des dilemmes moraux et d’incroyables quiz sceptiques plutôt croque-cerveaux. En résumé, ce Yaltax 2024, c’était beaucoup de discussions passionnantes, de pizzas et de doutes !

Photo des grèvistes de France Culture

Le CORTECS exige du matériel critique audio de qualité (et soutient donc la grève de Radio France)

Le CORTECS est un grand consommateur de ballado-diffusion.En vélo, aux toilettes, à la vaisselle, durant le ménage oeurs dizaines de milliers d’étudiant·e·s québécois·e·s, le conseil exécutif de l’UQAM (l’Université du Québec à Montréal) a convoqu au jardin, nos oreilles profitent de trésors radiophoniques parfois méconnus, qu’il nous arrive, lorsque le temps nous le permet, de mettre à votre disposition (voir pour cela l’onglet Audiotex). Parmi les principaux fournisseurs de podcasts de qualité, il y a France Culture, du groupe Radio France. France Inter, dont nous avons déjà pointé la baisse de qualité, a perdu pratiquement toute émission critique correcte (à l’exception notable de L’Afrique enchantée et de Comme un bruit qui court). C’est justement en lutte contre cette médiocrisation que Radio France orchestre son plus important mouvement social depuis 10 ans. Le CORTECS soutient cette grève. En voici les enjeux, narrés par les acteurs eux-mêmes.

Nous sommes les voix qui, chaque jour, s’adressent à vos oreilles. A travers nos interviews, chroniques, reportages, documentaires, nous tentons au mieux de faire vivre les missions de la radio publique : « informer, éduquer, divertir ».

Nous, équipes de production des émissions de Radio France (animateurs, reporters, collaborateurs, chroniqueurs…) partageons les inquiétudes de l’ensemble des personnels de Radio France mobilisés depuis le 19 mars. Ce mouvement de grève a pour objet de défendre les radios de service public, et non des intérêts particuliers ou corporatistes. L’engagement budgétaire non tenu par l’État entraîne aujourd’hui un déficit grave qui menace l’existence de la radio telle que vous l’aimez et que vous la financez à travers la redevance audiovisuelle.

Nous sommes consternés de voir les travaux de rénovation de la Maison de la Radio si mal encadrés et si mal gérés (NdCORTECS : voir à ce sujet les articles du Canard Enchaîné sur les frais somptuaires de Mathieu Gallet), occasionnant le surcoût exorbitant que vous connaissez. Vos impôts, vos programmes et vos oreilles, doivent-ils payer pour cette incompétence ?

Le service public n’a ni la vocation, ni la possibilité d’être rentable. Or, cela semble être aujourd’hui la logique insidieuse de la Présidence de Radio France et au-delà, celle de sa tutelle, le Ministère de la culture. Et le silence jusqu’à présent de la tutelle (ministre de la Culture) semble accréditer une telle logique.

Conscients du contexte de crise économique et des efforts nécessaires, nous soulignons que de lourds sacrifices ont déjà été réalisés (en témoigne la baisse de 87,5 millions d’euros du budget entre 2010 et 2014). Une idée fausse voudrait que Radio France soit un lieu de gabegie, de privilèges et d’intérêts corporatistes. Savez-vous pourtant que la majorité des voix que vous entendez quotidiennement (à Radio France on les appelle les « producteurs ») travaille dans le cadre de contrats saisonniers et précaires ?

Comment continuer à produire de la radio de qualité quand les moyens matériels (studios, salles de montage, camions-régie…) sont constamment rognés ? Comment faire entendre les réalités d’un pays quand la plupart des émissions ne peuvent plus, faute de budget, envoyer de reporters au-delà du périphérique parisien ? Comment conserver notre indépendance – celle à laquelle vous avez droit – quand se multiplient sur les antennes des partenariats ou des publicités plus ou moins déguisées ? Si l’on suit la logique actuelle, la radio de demain ce sera : moins de reportages, moins de documentaires, moins de débats vraiment critiques, moins de concerts… Bref, une radio standardisée, calquée sur l’actualité ou sur les goûts majoritaires, une radio au rabais.

Nous aimons passionnément nos métiers et, au nom de la confiance dont vous nous témoignez, nous nous efforçons de travailler avec le plus de sérieux et d’esprit de responsabilité. Toutefois, dans ce climat de travail en constante détérioration, nous estimons de notre devoir de vous informer des risques qui pèsent sur la radio publique française. Radio France est un patrimoine à défendre, bien davantage que les boiseries d’un bureau présidentiel.

Les sociétés de producteurs de France Culture, France Inter et France Musique.

Pour aller plus loin :
Pourquoi la grève à Radio France ?
Émission sonore sur la grève à Radio France

Caisse de Grève

Chèques de soutien aux grévistes à l’ordre de « CCE radiofrance dons ». Adresse postale : CCE de Radio France — 116 av du Président Kennedy — 75220 Paris CEDEX 16

Le CORTECS dans le Monde, 11 février 2015

Le CORTECS a fait l’objet d’un article d’A. de Tricornot, du Monde. Même si nous avons pu mesurer l’impact positif de ce type d’article, ne serait-ce que sur nos collègues, il nous semble nécessaire d’expliquer en quoi les lignes ci-dessous nous ont laissés perplexes. Voici donc l’article tel quel (et sa version pdf). Nous prendrons ensuite le temps de vous narrer le off, et les mécanismes sous-jacents à l’élaboration d’un tel article. Frissons garantis !

L’université de Grenoble réhabilite l’art du doute

Pour former l’esprit critique des étudiants, l’université Joseph-Fourier (UJF), à Grenoble, a dû pousser les murs. Son cours de « Zététique & autodéfense intellectuelle »– le premier terme désignant l’art de douter – a déménagé dans l’amphithéâtre Weil au cours du premier semestre, le plus grand avec ses 900 places. Et il s’est ouvert à l’ensemble des étudiants de licence 1 et 2 des universités Grenoble-Alpes (Joseph-Fourier, Stendhal, Pierre-Mendès-France), ainsi que ceux de Sciences Po Grenoble.

Au menu : décortiquer les thérapies bidon, les « pseudo-sciences » – y compris politiques –, le paranormal, les mécanismes de l’illusion, les manipulations en tout genre – des médiatiques aux sectaires –, la propagande… Ou du moins en donner des clés. Certains étudiants ont choisi cette « unité d’enseignement transversal » dans leur cursus, d’autres assistent en auditeurs libres à ce cours-événement. Les ressources pédagogiques sont aussi mises à disposition librement en ligne.

De plus en plus d’étudiants recherchent en effet ce regard critique. « On complexifie cette envie, on l’outille, on leur fait se méfier du goût assez intuitif des complots et on les entraîne à la recherche rationnelle d’informations », explique Richard Monvoisin, qui enseigne depuis dix ans la zététique. Premier docteur en didactique des sciences sur le sujet de la zététique en 2007, il est un des piliers du Collectif de recherche transdisciplinaire esprit critique et sciences (Cortecs), dont les cours essaiment avec Clara Egger, à Sciences Po Grenoble, et au-delà avec Denis Caroti, à Marseille, ou Guillemette Reviron, à Montpellier.

Depuis septembre 2012, Richard Monvoisin occupe un poste unique dans l’université française : chargé de mission « Sciences, critique & sociétés » auprès du président de l’UJF. « Patrick Lévy et nous nous battons pour monter une jeune équipe spécifique “esprit critique” », explique M. Monvoisin. « Nous sommes sur un site de fort développement technologique : tout ce qui peut donner un peu d’esprit critique à tous les champs disciplinaires est bienvenu », explique le président de l’UJF, qui souligne aussi l’intérêt « d’une démarche citoyenne qui a énormément de succès auprès des étudiants ».

« Saturation »

Depuis les attentats de Paris des 7, 8 et 9 janvier, les cours de M. Monvoisin n’ont pas encore repris. « J’ose espérer que les étudiants ont appliqué un de nos préceptes : ne pas se laisser aller dans le battage médiatique, et attendre que les choses se redéposent, comme le limon, pour traiter les choses rationnellement et non affectivement », dit-il. Qu’en ont-ils retenu, justement ?

Benoît Arnould, vice-président étudiant de l’UJF, se souvient d’avoir appris « comment détecter les techniques de manipulation les plus courantes et l’impact qu’elles ont eu. Par exemple, la façon de poser des questions dans un sondage téléphonique et le résultat sur les réponses. Ou, dans les médias, le rôle de l’omniprésence de l’information. Cela fonctionne beaucoup dans les périodes où aucun autre événement ne parvient à percer ». Une forme de « saturation » et « d’objet unique » sur les écrans offre alors des éléments très nombreux, partiels ou non vérifiés « sur lesquels peuvent s’appuyer des théories du complot, dont les formes les plus courantes nous avaient été présentées en cours », se rappelle l’étudiant, aujourd’hui en troisième année de chimie-biologie.

« Ce qui m’a fait réagir, c’est toutes les informations données au conditionnel dans les médias, abonde Astor Bizard, étudiant en deuxième année de mathématiques et informatique. Je me suis dit : quand il y aura une certitude, peut-être que je pourrai y accorder crédit. Car le doute ne conduit pas au complotisme. Il pousse à réfléchir. Si les sources sont fiables et vérifiables, il n’y a aucune raison de douter de ce que dit un média. » Benjamin Roelandt, étudiant en deuxième année de licence d’informatique, note, lui, que le processus de radicalisation des auteurs des attentats « faisait penser au principe des sectes : ils croisent les mauvaises personnes au mauvais moment, lors d’un choc psychologique : par exemple, ils se retrouvent dans la même prison que quelqu’un qui connaît des techniques de manipulation. Le professeur en a expliqué quelques-unes : demander beaucoup, puis ensuite juste un petit peu et, après, ça passe…, et terminer ses phrases par“je vous laisse libre de votre choix”, ce qui donne deux à trois fois plus de chances d’accepter ».

Comme beaucoup de ses condisciples, Astor Bizard souligne l’originalité de l’approche. « Je suis loin d’être passionné d’histoire, mais le fait d’aborder les erreurs qui peuvent exister dans les livres d’histoire m’a plu. » Ce qui l’a le plus surpris, c’est l’évaluation en groupe. Un travail critique a été demandé sur un article dans une publication scientifique : l’hypothèse débouchait-elle sur un résultat ? Les quatre étudiants sont venus argumenter dans le bureau de Richard Monvoisin, qui a débattu avec eux, avant de leur demander quelle note ils pensaient mériter. « On n’en avait pas la moindre idée : est-ce que ça valait 8 ou 14 ? Finalement, on a eu 14 et c’est ce qui nous a semblé le plus juste, une fois la surprise passée. »

Aujourd’hui, il n’existe plus de laboratoire spécialisé en recherche zététique en France. Le collectif Cortecs est l’héritier des cours interdisciplinaires du professeur Henri Broch – un des parrains et des conseils du Cortecs. Son laboratoire de zététique à Sophia-Antipolis (Alpes-Maritimes), où Richard Monvoisin avait fait sa thèse, n’assure plus d’enseignements universitaires. Grenoble pourrait reprendre ce flambeau.

Zététique ou « art du doute » est ainsi définie par un article de Richard Monvoisin dans l’Observatoire zététique :

« Dérivant du verbe grec zêtein (chercher), la zététique désigne, au IIIe siècle avant l’ère chrétienne, le “refus de toute affirmation dogmatique” (école de Pyrrhon). Utilisé par Montaigne, Viète, Thomas Corneille, le mot échoue dans le Littré de 1872 puis dans le Larousse de 1876 comme “nuance assez originale du scepticisme : c’est le scepticisme provisoire, c’est (…) considér[er] le doute comme un moyen, non comme une fin, comme un procédé préliminaire, non comme un résultat définitif”. Le mot est finalement repris dans les années 1980 pour désigner l’enseignement critique en question ».

Adrien de Tricornot

Pour le off, un peu de patience, ça arrive.

Le CORTECS dans La Repubblica – 22 février 2015

CORTECS_repubblicaRichard Monvoisin, du CORTECS, a répondu à une entrevue avec une journaliste de la Repubblica, le plus grand quotidien italien.  Pour le coup, sur 45 minutes de discussion, le résultat est très correct – ce n’est pas si souvent.

Version italienne seulement. En pdf, télécharger ici.

“Così insegniamo ai nostri alunni il pensiero critico”

di Anais Ginori   22 Febbraio 2015
 
Uno strumento di autodifesa per chi vuole mantenere intatta la propria capacità di pensare, apprendere, valutate e quindi agire in modo sensato. Particolarmente utile in un’epoca in cui la manipolazione delle menti è diventa un sofisticato strumento di potere. La Repubblica, 2 febbraio 2015

Liberi di criticare. Sono quasi dieci anni che all’università di Grenoble viene insegnata l’arte del dubbio. L’ateneo ha un corso di “Zetetica e Autodifesa intellettuale” frequentato da centinaia di studenti ma anche semplici curiosi, affascinati da una materia nuova e unica in Francia. La cattedra è guidata da Richard Monvoisin insieme ad altri insegnanti del Cortecs, Collectif de recherche transdisciplinaire esprit critique et sciences.

Com’è nata l’idea di un corso specifico?
«La zetetica, inventata da una scuola greca di scettici radicali nel IV secolo a. C., è stata riscoperta nel Novecento come investigazione scientifica su fenomeni paranormali da un americano di origini italiane, Marcello Truzzi, e poi dal francese Henri Broch. Dopo essermi laureato in didattica e scienze fisiche, ho fatto il mio dottorato con Broch. Mi sono accorto che la zetetica poteva essere una disciplina trasversale».

Su cosa si fonda questa disciplina?
«Partiamo sempre dall’analisi delle fonti, dalla ricerca su informazioni non verificate, dalla demistificazione di cifre o frasi vuote. Nel nostro collettivo ci sono specialisti di ogni disciplina, dall’informatica alla biologia, dalla medicina, all’economia, alle scienze politiche. Ormai ci sono corsi di zetetica anche a Marsiglia, Montpellier. Lavoriamo su temi diversi come il creazionismo o i gender studies, Internet aperto e la xenofobia in politica. L’obiettivo di Cortecs è mettere in rete contributi diversi, invitando altri esperti a dialogare con noi, in un processo evolutivo di conoscenza».

Perché nel titolo del corso si parla di “autodifesa intellettuale”?

«E’ una metodologia che combatte la manipolazione delle opinioni o l’emergenza di nuove forme di consenso. Come diceva Noam Chomsky, il pericolo è tanto più grande per chi studia e fa professioni intellettuali. Nel mondo accademico anglosassone c’è già chi insegna il critical thinking ».

È più facile oggi manipolare le opinioni?
«Sono nato nel 1976 e ho vissuto l’avvento di Internet come una benedizione. Ero convinto che le generazioni dopo di me avrebbero avuto accesso a ogni tipo di informazione. Oggi invece i giovani rischiano di annegare nella vastità della Rete oppure di accontentarsi di una rappresentazione parziale. Dietro una schermata di Google ci sono interessi economici che molti purtroppo ignorano. La pluralità delle fonti è uno dei punti di partenza. Se voglio farmi un’opinione su Vladimir Putin, ad esempio, cercherò di leggere testi francesi, russi e ucraini. Inoltre, la rapidità nella diffusione delle informazioni rende ancora più facile errori di analisi. Suggerisco ai miei alunni di aspettare almeno qualche settimana prima di prendere posizione su un evento. Insieme al dubbio, bisogna praticare un ritmo lento del pensiero».

La zetetica è una forma di scetticismo?
«Lo scetticismo è un atteggiamento filosofico che si può riassumere con la frase di Bertrand Russell: “Dammi una buona ragione di pensare quello che pensi”. La zetetica è la metodologia pratica dello scetticismo. Il nostro scopo è aiutare la libertà di pensiero dei cittadini».

Eppure i dubbi dilagano sul web, alimentando le teorie del complotto. Vi occupate anche di questo?
«Intanto non le chiamiamo teorie, ma scenari, miti moderni, perché non sono confutabili e dunque non rispettano il criterio di falsificabilità di Karl Popper. Quando ci troviamo di fronte a scenari complottisti, come quello sull’11 Settembre, non facciamo altro che usare nozioni di epistemologia, applicando il criterio di massima parsimonia o il cosiddetto “Rasoio di Occam” che prediligono spiegazioni dimostrabili e semplici. L’esercizio funziona quasi sempre».

Avete già affrontato il tema dell’informazione sugli attentati di Parigi?
«Cominceremo un nuovo ciclo questa settimana dal titolo “Censura e libertà di espressione”. Noi pensiamo che sia meglio pubblicare il libro di Eric Zemmour (popolare saggista francese contro l’immigrazione, n.d.r.) oppure autorizzare gli spettacoli di Dieudonné. Piuttosto che impedire a qualcuno di esprimersi, trasformandolo in una presunta vittima, è meglio diffondere strumenti critici e di analisi. La zetetica dovrebbe essere insegnata già nelle scuole ai bambini. Piuttosto che la censura, è meglio scommettere sull’intelligenza collettiva».

 

Le CORTECS sur France Inter – 22 février 2015

CORTECS_maison_rondeLe CORTECS a été invité à causer dans le poste dimanche 22 février, sur France Inter.  Guillemette Reviron et Denis Caroti ont fait le déplacement dans la maison de la radio. Chacune de nos interventions médiatiques méritant un regard critique, nous vous proposons d’écouter l’émission, puis nous vous raconterons les dessous, et notre point de vue sur la question.

L’émission est ici : http://www.franceinter.fr/emission-3d-le-journal-zetetique-ou-lart-du-doute

Elle est audible ici :

Téléchargeable