Le bruit des bottes

Que reste-t-il de la pensée critique sous un gouvernement d’extrême droite ?

Le bruit des bottes

À l’heure de la montée de l’extrême droite1 en France (et ailleurs) nous proposons en 8 points les menaces que cela fait peser sur la défense de la pensée critique. Non pas que nous défendions la pensée critique pour elle-même mais bien parce que traiter le sujet depuis cet angle-là, qui est au cœur de nos intérêts et de nos compétences, permet de faire des connexions avec d’autres enjeux autrement plus préoccupants. Nous développons ce point dans une deuxième partie. Notons par ailleurs que la plupart des menaces que nous détaillons ci-dessous, sont déjà en vigueur à un stade plus ou moins avancé au sein du gouvernement actuel.

Préambule. Nous sommes, en bon sceptiques, saisi⸱es de doute au moment de publier cet article : est-ce la bonne manière de faire ? le bon moment ? les mots justes ?… Et ce d’autant plus que la production de cet article s’est faite dans une relative précipitation. Mais nous décidons de dépendre notre jugement et ne pouvons nous résoudre à nous taire dans des circonstances où les menaces à nos vies sont plus saillantes que jamais. Cela étant dit, nous sommes plus qu’ouvert⸱es aux retours (corrections, ajout/suppression de source et autres tirages d’oreille fairplay) et nous tâcherons de les prendre en considération dans la mesure du possible.

Les menaces

1. Manque de pluralisme dans les médias

Il est à craindre que l’autoritarisme d’un gouvernement d’extrême droite mène à une mainmise sur les médias. En particulier, il est fort probable que les voix dissidentes et critiques du pouvoir en place soit, au moins partiellement, écartées des médias. L’exemple est criant dans l’Italie de Melonie, où la Rai principal groupe audiovisuel public est maintenant surnommé « télé Melonie »1,2. De même, en Hongrie, Reporter sans frontières relève que le « Premier ministre Viktor Orban, qualifié de prédateur de la liberté, a construit un véritable empire médiatique soumis aux ordres de son parti3 ». Le rapport « I Can’t Do My Job as a Journalist – The Systematic Undermining of Media Freedom in Hungary » de Human Rights Watch confirme cette tendance4.
En France, la tribune « Pour un front commun des médias contre l’extrême droite » signée par plus de 100 médias alerte d’ores et déjà sur ces risques5.

Dans sa stratégie de conquête du pouvoir, [l’extrême droite] a fait des médias un terrain privilégié, avec la prise de contrôle de titres, de chaînes de télévision, de radios par des milliardaires au service de son projet. Par ce maillage, elle impose dans le débat public ses fausses nouvelles et ses obsessions contraires aux droits fondamentaux.

Pour un front commun des médias contre l’extrême droite, Le club de Médiapart, 19/06/2024
Sources (faut cliquer !) ▼

(1) La Rai, « Télé Meloni » ? « Certains journalistes peuvent s’aligner sur la pensée dominante pour faire carrière » Marianne, 13/05/2024
(2) Les gouvernements d’extrême-droite et l’audiovisuel public en Italie et en Pologne, France Info, 08/02/2024
(3) Hongrie, Reporter sans frontière
(4) I Can’t Do My Job as a Journalist – The Systematic Undermining of Media Freedom in Hungary, Human Rights Watch, 13/02/2024
(5) Pour un front commun des médias contre l’extrême droite, Le club de Médiapart, 19/06/2024

2. Manque d’indépendance des médias

Il est à craindre que, au-delà du manque de pluralité des médias, ceux-ci soit notoirement à la solde d’intérêts privés. Cette dépendance à « la main qui nourrit » influencerait le choix du cadrage, des informations présentées, des sujets traités, des intervenant⸱es invité⸱es. C’est peu de dire que c’est déjà le cas aujourd’hui, mais l’extrême droite pourrait aller plus loin en accélérant la privatisations de l’audiovisuel public6. Et on le sait, les lignes éditoriales des médias tendent à s’aligner sur les intérêts de ce qui les finance7. Une menace qui se dessine déjà concrètement puisque comme le révèle Le Monde cette semaine, les médias du groupe Bolloré semble orchestrer l’alliance du RN et de la droite8.

Sources ▼

(6) Le RN veut privatiser l’audiovisuel public… mais pourrait bien être bloqué par la législation européenne, Marianne, 14/06/2024
(7) Médias : les milliardaires achètent-ils de l’influence ?, France Culture, 27/03/2024
(8) Législatives 2024 : comment les médias de Vincent Bolloré orchestrent l’alliance du RN et de la droite, Le Monde, 16/06/2024

3. Recherche scientifique affaiblie

Il est à craindre que la recherche scientifique pâtisse (et c’est pas du gâteau !) d’un gouvernement d’extrême droite que ce soit dans la contestation de certaines recherches, la promotion de positions et de rhétoriques pseudo-scientifiques ou la mise à mal de certaines pratiques de recherches. Quelques exemples :

Une courte vidéo du physicien et vulgarisateur Julien Bobroff sur la montée de l’extrême droite.
  • Le peu d’intérêt, voire le discrédit, porté sur les constats scientifiques autour des enjeux climatiques pourrait contribuer à un ralentissement de ces recherches, de leur diffusion et/ou de leur mise en pratique9.
  • Sous prétexte de lutte contre les épouvantails que sont le « wokisme » ou l’« islamo-gauchisme », on pourrait craindre également un recul des recherches en sciences humaines et sociales autour des enjeux féministes, décoloniaux, queers, antiracistes10,11… Alors même que l’extrême droite se fait un relais de thèses pseudo-scientifiques comme le grand remplacement et est un terreau favorable à l’émergence de pensées conspirationnistes12 et de rhétoriques naturalistes13.
  • La limitation de l’immigration impacterait négativement les collaborations internationales et donc la pluralité des points de vue indispensable au bon fonctionnement de la science1.

L’arrivée au pouvoir de l’extrême droite se ferait au prix d’une restriction de la liberté académique, de l’indépendance de la recherche et d’une diminution globale de la qualité de la production scientifique qui inquiète assez unanimement les acteur⸱ices de la recherche14,15.

Sources ▼

(9) Crise climatique : des scientifiques et ONG redoutent une arrivée du Rassemblement national au pouvoir après les législatives, France Info, 14/06/2024
(10) L’offensive antiwoke agite le RN, Le journal du Dimanche, 15/05/2023
(11) Le Rassemblement national va lancer une association pour lutter contre le wokisme, Le journal du Dimanche 24/03/2023
(12) Yoga, détox et complotisme : comment l’extrême droite vampirise notre aspiration au bien-être, Telerama, 16/09/2023
(13) « Écofascismes » : comment l’extrême droite s’est emparée de l’écologie, Philosophie magazine, 17/05/2022
(14) Le Pen election win would be disastrous for research, France and Europe, Nature, 19/04/2022
(15) Contre l’extrême droite, mobilisons-nous dans l’Enseignement Supérieur et la Recherche ! , Association des sociologues enseignant-e-s du supérieur, 20/06/2022

4. Éducation doctrinaire et autoritaire

Il est à craindre que l’émancipation, l’ouverture d’esprit et la diversité indispensables à l’éducation soient largement restreintes. Un article du Café pédagogique intitulé « Et si l’extrême droite prenait le pouvoir16… » s’attache à faire le même travail que celui que nous faisons ici. Parmi les menaces qu’ils identifient on note : l’autoritarisme (plus de sanction, dénonciation, retour de l’uniforme), le manque de mixité (fin du collège unique), la prédominance d’une vision passéiste et rétrograde, la lutte contre le wokisme, une mise au pas des enseignant⸱es17 (salaire au mérite, exigence de neutralité, accroissement du contrôle de l’inspection)… Un programme aussi paradoxal (des enseignant⸱es incarnant une « neutralité absolue » devront également être de « fidèles exécutants de programmes politiques ») qu’inquiétant et qui inspire déjà largement le gouvernement actuel comme cela a été relevé par de nombreux articles18,19,20.

En 2022, toutes ces annonces semblaient insensées. Aujourd’hui, elles ne sont pas sans rappeler ce qui est à l’œuvre depuis maintenant six mois. […] Ainsi, de ce qui est à l’œuvre dans le cadre du choc des savoirs au programme du rassemblement national, il n’y a qu’un pas. Mais pas n’importe quel pas. Un pas violent, xénophobe, LGBTphobe, misogyne et sexiste…

Et si l’extrême droite prenait le pouvoir…, Le café pédagogique, 11/06/2024

Sources ▼

(16) Et si l’extrême droite prenait le pouvoir…, Le café pédagogique, 11/06/2024
(17) « Du flicage permanent » : l’inquiétant projet du RN pour l’éducation nationale, Le journal du Dimanche, 14/06/2024
(18) « Le programme du RN sur l’école est celui de l’actuelle majorité, en pire », Le Point, 13/06/2024
(19) Éducation : tout un programme, Le café pédagogique, 18/01/2024
(20) Choc des savoirs : Macron et Attal appliquent les mesures du RN et de Reconquête, Le club de Médiapart, 18/03/2024

5. Promotion d’idéologies creuses et néfastes

Il est à craindre que les idées qui fondent la pensée d’extrême droite infusent plus profondément encore nos représentations du monde. Notamment via les différents espaces publiques sur lesquels elle prendrait un certain contrôle comme nous l’avons vu : médias, éducation, recherche scientifique, culture…
Et chacune de ces idées – identitarisme21, essentialisme22,23, passéisme24, autoritarisme, mérite25… – est une entrave à la pensée critique et au développement d’une pensée complexe œuvrant pour la justice sociale. On pourrait pour chacune des idées proposées (et bien d’autres) faire la démonstration de leur incongruité avec la pensée critique, nous laissons quelques ressources allant dans ce sens.
Plus largement, sur les liens entre pensée critique et idéologie nous conseillons les articles « Des dangers de la naïveté politique et sociale26 » et « Des biais, de l’idéologie, et des biais idéologiques27 » publiés sur le blog Zet-éthique métacritique.

Sources ▼

(21) « Sale bête », « sale nègre », « sale gonzesse » – Identités, dominations et système des insultes, Cortecs, 24/11/2016
(22) Biologie, essentialisme – Nature, écologisme, sexisme, racisme, spécisme, Cortecs, 16/08/2011
(23) Inné / acquis, nature / culture et… essentialisme, Tzitzimitl
(24)Le Métronome de Lorànt Deutsch : un exemple de pseudo-histoire, Cortecs, 19/06/2013
(25) La méritocratie, une croyance tenace, Zet-éthique métacritique, 17/07/2019
(26) Des dangers de la naïveté politique et sociale, Zet-éthique métacritique, 30/09/2020
(27) Des biais, de l’idéologie, et des biais idéologiques, Zet-éthique métacritique, 06/02/2021

6. Impossibilité de critiquer le pouvoir

Il est à craindre une répression puissante et systématique de toutes forme de critique du pouvoir28 ce qui serait un danger majeur pour le bon fonctionnement du débat démocratique. Si nous l’avons déjà vu dans le cadre des médias, on peut imaginer qu’une même silenciation de la dissidence serait à l’œuvre face aux mouvements sociaux (manifestations, grève, ZAD, occupations, pétitions…). Là encore c’est peu de dire que c’est déjà largement le cas actuellement29,30 quand on voit, par exemple, la gestion du gouvernement des manifestations contre la réforme des retraites ou celle des révoltes en Kanaky. Au-delà des mouvements sociaux, l’invisibilisation de la critique du pouvoir pourrait également passer par un affaiblissement des acteur⸱ices de la culture ainsi que des structures associatives et syndicales.

Sources ▼

(28) « Avec l’extrême droite, la répression syndicale ne pourrait que s’accentuer » : à Roissy, la lutte se mue en combat pour la survie de l’outil syndical, L’humanité, 18/06/2024
(29) Des ONG dénoncent la violence policière dans la répression des manifestations en France, Le temps, 18/03/2023
(30) Les ONG déposent plainte à l’ONU après la répression des militant·es devant le siège d’Amundi, Attac, 20/06/2024

7. Baisse des subventions et des soutiens pour la culture et le milieu associatif

La défense de l’esprit critique se fait en grande partie au sein de petites associations locales où des bénévoles se bougent toute l’année pour faire vivre leur structure et promouvoir ses valeurs. Ces structures, nous les connaissons, nous en faisons partie ou travaillons régulièrement avec elles. Si le soutien public est déjà relativement maigre, l’arrivé au pouvoir de l’extrême droite pourrait être fatale pour une grande partie de ces activités comme alerte Le mouvement associatif dans une tribune publiée récemment « L’extrême-droite, une menace pour l’action associative et citoyenne31« .

[…] Car ces exemples trahissent une vérité simple : si l’extrême-droite s’en prend aux associations, c’est surtout parce qu’elles agissent au service de tous et toutes, sans discrimination, car les droits sont universels, aucune préférence nationale ne s’y appliquant ; et c’est parce qu’elles sont le réceptacle de la parole citoyenne, du débat contradictoire et d’un pluralisme indispensable à notre vie démocratique.

L’extrême-droite, une menace pour l’action associative et citoyenne : la tribune, Le mouvement associatif, 14/06/2024

De même, le monde de la culture qui sous bien des formes s’allient souvent à celui de la pensée critique pourrait grandement pâtir de l’arrivée de l’extrême droite. C’est un point mineur des programme d’extrême droite dont la philosophie sur le plan culturel se résume à favoriser la tradition et le patrimoine au détriment des formes contemporaines d’expression, celles capables de bousculer nos représentations du monde »32,33.

« Dans les pays où les ultra-conservateurs sont au pouvoir, les institutions, artistes et travailleurs de la culture font bien souvent partie des premières cibles, et subissent des attaques incessantes »

Culture : quand l’extrême droite est au pouvoir, Le quotidien de l’art, 06/06/2024

Sources ▼

(31) L’extrême-droite, une menace pour l’action associative et citoyenne : la tribune, Le mouvement associatif, 14/06/2024
(32) Le monde de la culture et du spectacle a manifesté jeudi contre l’extrême droite à Paris, France Info, 20/06/2024
(33) Culture : quand l’extrême droite est au pouvoir, Le quotidien de l’art, 06/06/2024

8. Des menaces qui pèsent d’abord sur les plus précarisé⸱es

Il est à craindre que les premier⸱es affecté⸱es par ce délitement de la pensée critique, de l’éducation, de l’accès à la culture et à l’information que nous avons décrit soient les plus précarisé⸱es et opprimé⸱es.. Celles et ceux qui déjà aujourd’hui en sont le plus privé⸱es. Il n’y a, en réalité, pas trop à s’inquiéter de l’accès à la pensée critique, à des médias de qualité, à une éducation privilégiée pour certaines catégories sociales (et dont la plupart des sceptiques fait partie 😉 ). Mais l’augmentation de la marginalisation, des inégalités et des discriminations amenuisera fort probablement l’accès à l’éducation que ce soit sur un plan économique, matériel ou culturel pour les catégories sociales les plus désavantagées.
Si l’on prend le temps d’appuyer qu’une pensée critique à visée sociale ne peut faire l’économie d’être une pensée critique qui s’adresse à toustes alors cette ultime menace est peut-être la plus pernicieuse, en cela qu’elle risque de rester invisible à nos yeux.

Défendre la pensée critique ?

La pensée critique tire sa force dans la recherche de la contradiction, dans la mise en danger du statu quo, dans le renoncement à l’évidence, dans la promotion de l’alternative… autrement dit dans la valorisation de la critique.
Si l’on considère l’individu comme baignant dans un contexte social, culturel, environnemental et politique, il est clair que ce contexte influence sa capacité à exprimer une pensée critique : certaines conditions matérielles favorisent cette valorisation de la critique et d’autres la défavorisent. Nous espérons avoir montré ci-dessus que les valeurs qui fondent la pensée d’extrême droite promeuvent un contexte intrinsèquement défavorable au développement de la pensée critique.

Encore une fois, nous ne défendons pas la pensée critique pour elle-même. Il est évident que la violence d’un gouvernement d’extrême droite se ressentira en premier lieu dans la chair des individus victimes de racisme, de sexisme, de LGBTphobie, de validisme, de spécisme… Il est essentiel de faire de la lutte contre toutes ces discriminations une priorité absolue face à la montée de l’extrême droite.
Toutefois nous voyons les menaces qui pèsent sur la pensée critique comme un symptôme, ou un indicateur, des risques actuels. L’expression de la pluralité des points de vue, l’enseignement de la pensée critique, le déploiement de médias indépendants, une recherche scientifique plurielle et moderne sont autant de piliers que nous pensons nécessaires à la défense des droits fondamentaux, et qu’il convient donc de défendre.

Alors est-ce que cela irait forcément mieux avec un autre gouvernement ?
Nous l’avons vu dans les points précédents, à bien des égards le « bloc du centre » dont fait partie le gouvernement actuel applique des politiques qui vont largement dans le même sens que l’extrême droite et menacent de la même manière la pensée critique.
Quant au Nouveau Front populaire il est clair que leur position est plus encourageante d’un point de vue de la pensée critique au regard des valeurs qu’il défend (démocratie, progressisme, écologisme, lutte contre les discriminations…).

Voici 14 mesures du programme du Nouveau front populaire qui nous semblent allez dans le bon sens en matière d’esprit critique :

1. Redonner à l’école publique son objectif d’émancipation en abrogeant le « choc des savoirs » de Macron, et préserver la liberté pédagogique.

2. Réduire les effectifs par classe pour faire mieux que la moyenne européenne de 19 élèves.

3. Moduler les dotations des établissements scolaires – y compris privés – en fonction de leur respect d’objectifs de mixité sociale.

4. Démocratiser l’université en abolissant Parcoursup et la sélection dans l’université publique, instaurer le repas à 1 euro dans les Crous.

5. Investir dans l’Éducation nationale à hauteur des besoins en engageant la revalorisation des grilles de salaires, en réinvestissant dans les locaux scolaires, en renforçant les effectifs de la médecine scolaire – en garantissant le nombre de personnels par établissement – et de la vie scolaire en reconnaissant leur rôle pédagogique, en créant un service public d’accompagnement des élèves en situation de handicap, en formant et titularisant les actuelles accompagnantes d’élèves en situation de handicap (AESH)

6. Faire une loi de programmation de la recherche plus ambitieuse.

7. Arrêter le Service National Universel (SNU) pour soutenir à nouveau les associations de jeunesse et d’éducation populaire.

8. Limiter strictement la concentration dans les industries culturelles et les médias dans les mains de quelques propriétaires et exclure des aides publiques les médias condamnés pour incitation à la haine ou atteinte à la dignité des personnes.

9. Défendre l’indépendance des rédactions face à leurs propriétaires

10. Garantir la pérennité d’un service public de l’audiovisuel en instaurant un financement durable, lisible, socialement juste et en garantissant son indépendance.

11. Augmenter les moyens de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) et élargir son domaine d’intervention au domaine de la formation professionnelle et de la santé publique.

12. Abroger le contrat d’engagement républicain liberticide pour les associations.

13. Protéger les lanceurs d’alerte.

14. Défendre et renforcer les libertés syndicales et associatives et en finir avec leur répression.

Nous rajoutons également la volonté d’ « agir pour un cessez-le-feu immédiat à Gaza et pour une
paix juste et durable » qui est un combat qui nous est important et pour lequel nous avons rédigé une tribune.

Pour consulter le programme du NFP vous pouvez le télécharger via ce lien : https://lafranceinsoumise.fr/wp-content/uploads/2024/06/Programme-nouveaufrontpopulaire.pdf

Le tableau n’est certes pas tout rose : défense de positions scientifiques douteuses, manque de démocratie interne (notamment au sein de LFI), dogmatisme sur certaines points, positions spécistes… Mais a minima les éléments qui nous permettent d’asseoir cette position sont 1) une lutte ferme contre la montée de l’extrême droite 2) la possibilité de dialogue, de remise en cause, de critique du pouvoir, de confrontation des idées, de pluralité des débats, d’ouvertures sur des alternatives qui doit primer au sein d’une alliance de gauche.

À un pouvoir très critiquable et qui réprime la critique, nous préférons un pouvoir relativement critiquable et ouvert à la critique. C’est pourquoi le Cortecs soutien les candidatures du Nouveau Front populaire2.

Former l’esprit critique : ressources pour enseignant·e·s

Depuis juillet 2020, je participe à une rubrique consacrée à l’esprit critique dans la revue Sciences & Pseudosciences éditée par l’Association Française pour l’Information Scientifique (AFIS). J’y explore notamment les différentes facettes de la formation à l’esprit critique des enseignant·e·s ainsi que les questions en lien avec l’éducation à l’esprit critique. Vous trouverez ici l’ensemble des articles déjà publiés et mis en ligne par l’AFIS, ainsi qu’une présentation de ceux-ci, facilitant leur lecture et la compréhension générale de ce travail.

Pourquoi enseigner l’esprit critique ?

Dans ce premier article, je présente le cadre général de l’éducation à l’esprit critique, ses objectifs et enjeux, la définition de l’esprit critique et ses différentes dimensions. J’aborde également la question des formations à l’esprit critique pour les enseignant·e·s. En effet, si depuis 2015 celles-ci se développent fortement, certaines sont ancrées dans le travail du Cortecs et abordent spécifiquement la question de l’épistémologie, des démarches scientifiques, de la zététique et de l’autodéfense intellectuelle.

Former les enseignant·e·s à enseigner l’esprit critique

Dans ce deuxième article, je présente plus spécifiquement le contenu des formations à l’esprit critique pour les enseignant·e·s. En insistant d’abord sur le sens et les objectifs que l’on donne à ces formations, je reviens sur le juste équilibre à trouver entre un contenu ciblant des ressources pédagogiques à destination des enseignant·e·s et des activités permettant avant tout de former des individus. En effet, si l’on souhaite que soit transposée en classe cette éducation à l’esprit critique, il faut d’abord et avant tout que nos collègues s’approprient et trouvent un intérêt à aborder ces thématiques. Je présente également les différents « modules » que contient cette formation et décris rapidement un premier temps de « remue-méninges » pour travailler sur la délicate distinction entre science, croyances, connaissances et pseudosciences.

Croire et savoir

Cet article développe ce qui a été décrit à la fin du précédent : comment aborder la question de la distinction entre croyances et connaissances ? Comment, en tant qu’enseignant·e, s’y retrouver et être capable de poser clairement les choses face aux élèves ? J’y évoque quelques « astuces » et mises en œuvre pour travailler sur ce sujet : d’abord, en distinguant la capacité à remettre en question (ou pas) nos croyances et connaissances, puis en relevant les différences entre nos croyances (et connaissances individuelles) et les connaissances scientifiques. L’idée est de sortir d’une vision simpliste de la distinction entre croyances et connaissances, tout en donnant des moyens aux enseignants de répondre concrètement aux élèves sur ces questions.

La hiérarchie des niveaux de preuve

Pour continuer sur le lien entre épistémologie et esprit critique, cet article aborde la difficile tâche d’évaluer la fiabilité des preuves étayant une affirmation. En effet, parvenir à ajuster notre niveau de confiance face à une information passe par différents aspects, dont notamment notre capacité à savoir si les éléments fournis pour l’étayer sont suffisants. J’y présente d’abord ce qu’est une preuve puis j’y discute l’intérêt et les limites d’utiliser une échelle des niveaux de preuve, ainsi que les différentes manières d’aborder ces aspects au niveau pédagogique.

Bases théoriques et indications pratiques pour l’enseignement de l’esprit critique

Dans cet article, j’ai le plaisir d’interviewer Elena Pasquinelli, chercheuse, formatrice et membre du Conseil Scientifique de l’Éducation Nationale, ayant en charge les travaux du groupe n°8 consacré à l’esprit critique. Elle revient notamment sur la publication et contenu du rapport produit par ce groupe en 2021 et fournissant pour la première fois un corpus théorique et pratique pour l’enseignement de l’esprit critique. Cet article permet ainsi d’avoir un bon résumé du contenu du rapport qui, si l’on devait le résumer en une phrase, précise l’importance d’identifier certains critères opérationnels et concrets, permettant aux enseignants de savoir comment orienter efficacement leur cours dans l’objectif d’y incorporer des éléments propres à l’éducation à l’esprit critique.

Le niveau d’étude peut-il aggraver les préjugés ?

Une question souvent posée en lien avec l’esprit critique et son enseignement concerne le rôle des connaissances. Celui-ci est indéniable : l’esprit critique ne s’exerce pas à vide. Mais ces connaissances ne suffisent pas pour évaluer l’information et reconnaître si l’on est en face d’un contenu biaisé ou frauduleux. Parfois, elles peuvent même entretenir nos préjugés erronés. Dans cet article, je reviens sur les travaux conduits par différents chercheurs étudiant le lien entre le niveau de connaissances générales (ou même le niveau d’études) et les capacités cognitives ainsi que le niveau de croyances non fondées. Par exemple, certaines recherches suggèrent que, sur des sujets médiatiquement controversés ou très contestés (réchauffement climatique, théories de l’évolution, recherche sur les cellules souches), le niveau d’études, même s’il s’agit d’études scientifiques, est corrélé à un renforcement des préjugés idéologiques. Il ne fait qu’aider à confirmer les opinions préexistantes des individus, même lorsqu’elles sont fausses…

De l'autodéfense intellectuelle dans l'Actualité Chimique

Denis Caroti a pris sous son aisselle duveteuse Albin Guillaud et Richard Monvoisin pour aller écrire dans la revue l’Actualité Chimique. Qu’est-ce que l’Actualité Chimique ? La seule revue généraliste française de chimie dite « de haut niveau », éditée par la Société Chimique de France. De quoi parlent-ils ? D’un plaidoyer pour l’autodéfense intellectuelle au cœur de l’enseignement des sciences. C’est dans le numéro de septembre 2017. En voici le résumé.

Résumé

Plaidoyer pour l’autodéfense intellectuelle au cœur de l’enseignement des sciences

Enseigner la pensée critique est nécessaire aussi bien pour distinguer les contenus scientifiques des contenus pseudoscientifiques, critiquer les médias, qu’évaluer les thérapies efficaces, déceler les mensonges à but commercial ou politique, ou  prévenir l’intrusion des idéologies en science, comme dans le cas du créationnisme. Cet apprentissage procure les moyens de se défendre intellectuellement face aux idées reçues, préjugés et arguments fallacieux, avec des outils simples, tirés de différents champs disciplinaires et partageant un socle commun fondé sur la démarche scientifique. Développer l’esprit critique prend alors tout son sens, non seulement dans le milieu éducatif, mais également dans la vie de tout citoyen qui, soumis à des flots incessants d’informations, devrait être en mesure de faire ses choix en connaissance de cause. Un exemple pédagogique concernant l’utilisation abusive de mots fortement connotés,  nommé « effet impact », est présenté pour illustrer cette démarche.

Asbtract

Plea for intellectual self-defense at the heart of the science teaching

Face to an endlessly information stream, teaching critical thinking is of primary importance in order to allow people to distinguish scientific from pseudoscientific contents, to evaluate health informations, to detectcommercial or political lies, or to prevent ideological intrusions into science as for creationism. It is a truly learning of an intellectual self-defense, built by the mean of simple tools drawn from different fields, but sharing a common foundation based on the scientific approach of the world. Developing critical thinking is not only relevant in an educational context, but also for the citizenship practice. Indeed, everybody should be able to make informed private and political choices without falling in the classical intellectual traps. In this paper, an example of critical thinking pedagogy is given by using the topic of the highly connoted words we named “impact-effect words”.

Site web Sci-hub.io

Sci-hub : siteweb pirate de partage des publications scientifiques

Site web Sci-hub.ioDepuis longtemps au CORTECS, nous critiquons le système de publications scientifiques privatifs, véritable expropriation de la recherche publique dans bien des cas (1). Dans cette optique, nous essayons de soutenir et relayer les initiatives qui participent de cette critique.

Or récemment, un tremblement de terre dans le monde de l’édition scientifique vient de se produire suite à la réouverture (2) du site web sci-hub (3). Tout comme le site web similaire libgen.io,  le site pirate sci-hub.cc (3) fut créé par des activistes qui ont décidé « de supprimer toutes les entraves aux chemins de la connaissance » en mettant à disposition du plus grand nombre, et de manière gratuite, des millions d’articles scientifiques qui sont habituellement inaccessibles à celles et ceux qui ne peuvent se permettre de payer une trentaine d’euros (par article) pour les visualiser, entre autres lorsqu’on n’est ni chercheur, ni étudiant au sein d’une université qui s’est abonnée à ces revues privées sur des fonds publics.

Soutenant cette démarche, qui est peut-être illégale, mais selon nous fort légitime, nous tenions à la partager. Et qui sait, peut-être que cela participera au succès de futures investigations critiques…

(1) Pour approfondir la question, on peut lire Main basse sur la science publique : le «coût de génie» de l’édition scientifique privée, de Bruno Moullia & al, ainsi que Recherche publique, revues privées, de Richard Monvoisin, dans Le monde diplomatique, décembre 2012.

(2) Ce site fut précédemment fermé suite à une plainte de l’éditeur Elsevier, éditeur que le Cortecs boycott pour ses pratiques commerciales scandaleuses (voir l’article : Le coût de la connaissance – Boycott d’Elsevier).

(3) Site accessible par les adresses : sci-hub.cc, sci-hub.bz, sci-hub.ac ou par le réseau Tor : scihub22266oqcxt.onion ou directement avec l’adresse IP : 80.82.77.83