En pratique, la naturopathie, ça donne quoi ?

Cet article (2/12) s’inscrit dans une série de douze articles sur la naturopathie rédigée avec la volonté de porter un regard détaillé et critique sur la discipline, et dont vous pourrez trouver le sommaire ici. Il ne s’agit pas de partir en quête d’une vérité absolue, mais d’alimenter des réflexions destinées à éviter de causer ou laisser perdurer des souffrances inutiles, de permettre à chacun.e de faire les meilleurs choix en termes de santé. Dans ce deuxième article, il s’agira de définir les modalités pratiques de la naturopathie.

Au regard du manque d’encadrement de la discipline, les pratiques observées en naturopathie sont très variables. On peut cependant dégager quelques points qui semblent communs à la quasi-totalité des naturopathes, et que je vais détailler ci-dessous.

Les naturopathes reçoivent leurs client.es en consultation individuelle, le plus souvent pour une durée minimale d’une heure. Une consultation est facturée en moyenne entre 50 et 80 euros, mais les tarifs sont très variables, notamment en fonction du lieu d’exercice. A la manière des professionnel.les de santé, les naturopathes mènent une anamnèse : c’est à dire qu’iels posent de nombreuses questions sur les antécédents médicaux de la personne, son histoire de vie, d’éventuels événements marquants, ses pathologies et troubles actuels, ses données de santé de manière plus générale (bilan biologique récent, poids, éventuels traitements en cours…), son activité professionnelle, ses habitudes en terme d’hygiène de vie (sommeil, tabac, activité physique, gestion du stress…), son environnement familial, ses habitudes alimentaires, son état émotionnel etc.

Iels vont aussi tenter d’évaluer la qualité du « terrain » en posant des questions censées donner des informations sur chacun des systèmes principaux de l’organisme (respiratoire, cardio-vasculaire, immunitaire, cutané, urinaire, digestif, hormonal, locomoteur et nerveux) et en observant certains détails de la physionomie de la personne reçue (pilosité, ongles, yeux/iridologie, traits du visage/morphopsychologie…). De ce dernier aspect découle la préférence des naturopathes pour les consultations en présentiel, car iels peuvent ainsi analyser de près leurs client.es.

A l’issue de ce long temps d’échange, où la personne reçue a l’occasion de s’exprimer librement et d’être écoutée (ou bien au fur et à mesure de la consultation), les naturopathes vont formuler des recommandations supposément destinées à préserver ou améliorer l’état de santé de cette personne. Le plus souvent il s’agira de recommandations diététiques (éviter absolument certains aliments, en privilégier d’autres, revoir ses habitudes alimentaires, composer ses repas autrement, changer de lieux d’approvisionnement etc) associées à des recommandations d’hygiène de vie (activité physique, sommeil, tabac…) et des recommandations de compléments alimentaires plus ou moins coûteux (gélules de plantes, minéraux, vitamines, huiles essentielles, probiotiques, complexes détox…). Il est fréquent que des recommandations relevant du développement personnel soient également prodiguées (outils de CNV, pensée positive, PNL…), ainsi que des exercices de gestion du stress (cohérence cardiaque, relaxation de Jacobson, méditation…) et des conseils d’ordre énergétique (exercice des bonhommes allumettes, lithothérapie, techniques réflexes, EFT…).

Les naturopathes étant considéré.es comme les « généralistes » des médecines dites alternatives, il est courant qu’iels renvoient leurs client.es vers des collègues perçu.es comme complémentaires : ostéopathes, sophrologues, kinésiologues, magnétiseurs, chamanes, praticien.nes de médecine traditionnelle chinoise (acupuncture), homéopathes, réflexologues, hypnothérapeutes, géobiologues etc. A moins d’être elleux-même formé.es à ces pratiques, auquel cas les naturopathes peuvent s’auto-recommander pour plusieurs séances supplémentaires…

Habituellement, les recommandations formulées par les naturopathes visent à suivre une logique bien établie, qui présente trois étapes distinctes et qui justifie un suivi régulier :

– En premier lieu, la cure de désintoxication, pour prétendument nettoyer et drainer l’organisme, le libérer des surcharges et toxines accumulées.

– Puis, la cure de revitalisation, supposément destinée à combler les carences et mettre en place des habitudes alimentaires et d’hygiène de vie optimales (c’est à dire qui soient moins sources de toxines et surcharges).

– Et enfin, la cure de stabilisation, censée permettre de maintenir les bénéfices acquis dans les précédentes phases, pour un parfait équilibre physique, émotionnel, et énergétique sur le long terme.

Notons que si certain.es naturopathes sont également professionnel.les de santé (médecins, infirmier.es, pharmacien.nes…), l’immense majorité ne le sont pas et exercent après une formation en naturopathie de durée et contenu extrêmement variables. Et encore, cela n’est pas obligatoire puisque, faute d’encadrement de la pratique, il est possible en France d’installer sa plaque de naturopathe et d’ouvrir son cabinet sans avoir suivi la moindre formation ni obtenu la moindre certification.

Et en matière de formation, on trouve absolument de tout : à distance ou en présentiel, sur quelques week-ends ou sur une année entière, avec ou sans période de stage, avec ou sans contrôle continu, certifiée par la fédération française de naturopathie ou pas, condensée en quelques dizaines de pages de pdf ou en des centaines d’heures de cours… Mais pour avoir eu l’occasion de comparer les enseignements prodigués dans une formation à distance à 69 euros et dans une formation en présentiel à presque 12.000 euros, je peux me permettre d’affirmer que l’essentiel du programme est identique.1

Et pour ce qui concerne la clientèle des naturopathes, un récent sondage nous apprend que 44 % des français.es auraient déjà eu recours à la naturopathie pour prévenir ou guérir des maladies. En tout, 4 % des français.es se soigneraient « principalement grâce à la naturopathie » et un quart jugent cette pratique « autant ou plus efficace que la médecine conventionnelle ».2

Pour lire les articles précédents et suivants de cette série sur la naturopathie : cliquer ici.

Regard critique sur la naturopathie

La naturopathie est une médecine alternative et complémentaire (MAC) particulièrement médiatisée ces derniers mois, notamment après le scandale relatif à l’hébergement sur Doctolib de nombreux.ses naturopathes1, mais aussi et surtout autour des désormais célèbres Irène Grosjean2, Thierry Casasnovas3 et Miguel Barthéléry4. On en parle beaucoup, mais au final, on en parle rarement de manière très précise.

Cette série d’articles a donc été rédigée avec la volonté de porter un regard détaillé et critique sur la discipline. Critiquer la naturopathie, en effet, mais je précise qu’il n’est pour autant pas question ici de remettre en cause les intentions louables des naturopathes, ni leur volonté sincère de prendre soin d’autrui. Il ne s’agit pas non plus de partir en quête d’une vérité absolue, mais d’alimenter des réflexions destinées à éviter de causer ou laisser perdurer des souffrances inutiles, de permettre à chacun.e de faire les meilleurs choix en termes de santé.

Le contenu de cette série d’articles concerne la naturopathie, mais comme vous pourrez le constater, beaucoup des aspects abordés concernent également la plupart des autres MAC, que ce soit dans les fondements philosophiques de la discipline, son rapport à la médecine ou bien encore ses effets thérapeutiques et ses dangers.

Les articles qui composent cette série sont listés dans le sommaire ci-dessous. Le premier article sera mis en ligne en même temps que cette introduction, la suite suivra à raison d’un article publié chaque semaine.

Bonnes lecture et réflexions !

Au sommaire :

Ce contenu est conçu pour être accessible aux personnes qui connaissent peu ou pas la naturopathie, ainsi qu’aux personnes n’ayant que peu ou pas de connaissances scientifiques ou médicales.

Les ressources partagées en note de bas de page n’indiquent pas que je suis en accord avec l’ensemble des positions des personnes à l’origine des articles, vidéos ou autres publications référencées. J’ai choisi de mentionner ces ressources car elles sont, au moment de la rédaction de ces articles, celles que j’estime les plus complètes et accessibles parmi celles dont j’ai connaissance.

Au passage, un grand MERCI à mes relecteurices !

La naturopathie, qu’est-ce que c’est ?

Cet article (1/12) s’inscrit dans une série de douze articles sur la naturopathie rédigée avec la volonté de porter un regard détaillé et critique sur la discipline, et dont vous pourrez trouver le sommaire ici.
Il ne s’agit pas de partir en quête d’une vérité absolue, mais d’alimenter des réflexions destinées à éviter de causer ou laisser perdurer des souffrances inutiles, de permettre à chacun.e de faire les meilleurs choix en termes de santé.

Dans ce premier article, il s’agira de définir dans les grandes lignes ce qu’est la naturopathie : sa définition, ses outils et ses prétentions.

Il existe plusieurs définitions de la naturopathie, cette discipline n’étant pas vraiment encadrée. Mais celle-ci, extraite des cours d’une école de la fédération française de naturopathie, semble plutôt complète :

« Fondée sur le principe de l’énergie vitale de l’organisme, la naturopathie rassemble les pratiques issues de la tradition occidentale et repose sur les 10 agents naturels de santé. Elle vise à préserver et optimiser la santé globale de l’individu, sa qualité de vie, ainsi qu’à permettre à l’organisme de s’auto-régénérer par des moyens naturels. »

Les 10 agents naturels de santé mentionnés dans cette définition sont les suivants :

  • La bromatologie = diététique, nutrition, conseils diététiques.
  • La chirologie = techniques manuelles (massage, ostéopathie, chiropraxie…).
  • La kinésilogie = activité physique, activité sportive, mouvement.
  • L’actinologie = bienfaits du soleil, de la lumière, des couleurs…
  • La psychologie= prendre soin du mental, du psychisme (psychothérapie, psychanalyse, sophrologie, hypnose, psychogénéalogie, fleurs de Bach, EMDR…).
  • La pneumologie = exercices respiratoires inspirés du yoga ou des arts martiaux notamment.
  • L’hydrologie = soins par l’eau (hydrothérapie du côlon, bains dérivatifs, sauna…).
  • La magnétologie = techniques énergétiques (reiki, biomagnétisme, chakras, aimants, lithothérapie…).
  • La phytologie = phytothérapie, compléments alimentaires à base de plantes (tisanes, teintures-mères, gélules de poudre de plantes, gemmothérapie, huiles essentielles/aromathérapie…).
  • La réflexologie = techniques réflexes (réflexologie plantaire, auriculothérapie, sympathicothérapie…).

On notera l’astuce qui consiste à remplacer le suffixe « -thérapie » par « -logie » (hydrologie au lieu d’hydrothérapie, phytologie au lieu de phytothérapie…) pour donner l’impression que l’on n’a pas de prétention thérapeutique.1 C’est voulu, et nous en reparlerons dans un prochain article.

Bien que revendiquant l’ancienneté de ses outils, la naturopathie est une discipline récente. Elle a en effet été conceptualisée au 19ème siècle seulement, inspirée des théories hygiénistes2 qui avaient cours à l’époque en Europe et aux États-Unis. Les fondateurs de la naturopathie (John Scheel, Benedict Lust et ceux qui ont complété leurs travaux) revendiquent une affiliation avec des médecines plus anciennes, notamment la médecine hippocratique, la médecine traditionnelle chinoise et l’ayurveda3, bien qu’il s’agisse en réalité de récupérations opportunistes de divers concepts ou outils susceptibles de coller avec le cadre récemment créé de la naturopathie.

Hippocrate

La naturopathie emprunte en effet ponctuellement aux médecines traditionnelles de tous les continents, qui sont plus ou moins remises au goût du jour. Par exemple avec les humeurs et tempéraments hippocratiques, l’énergie vitale (empruntée au prana hindouiste ou au chi de la médecine traditionnelle chinoise), le jeûne (d’inspiration religieuse), les soins à l’argile, la théorie des signatures4, etc. Ainsi, il n’est pas rare que les naturopathes revendiquent l’ancienneté de leurs outils comme preuve de leur efficacité : les pratiques anciennes (ou prétendues anciennes) de santé sont perçues comme meilleures car à la fois plus « naturelles » et plus « traditionnelles ». Cela constitue un appel à la tradition ou à l’ancienneté5. Il s’agit d’un argument fallacieux, car ce qui est perçu comme traditionnel ou ancien n’est bien évidemment pas nécessairement bon ou meilleur. En terme de santé et de médecine par exemple, on a fort heureusement abandonné de nombreuses pratiques traditionnelles qui ont pourtant eu un fort succès à une époque : les interventions chirurgicales sans anesthésie, les saignées systématiques, mais aussi la thériaque de Galien ou bien encore les remèdes à base de mercure ou d’urine de vache… Ainsi, le caractère « ancien » ou « traditionnel » d’une pratique ne dit absolument rien sur le fait qu’elle soit préférable ou pas. Pourtant, les naturopathes continuent à défendre une prétendue supériorité des thérapeutiques anciennes ou traditionnelles.

Pour lire les articles suivants de cette série sur la naturopathie : cliquer ici.

Quatre travaux en kinésithérapie de 2017 autour des thérapies alternatives

Depuis 2011, le CorteX co-encadre des mémoires d’étudiant·es en kinésithérapie sur le sujet des « médecines alternatives » (voir notre dernier article de 2014). En 2017, trois mémoires sur le sujet ont été finalisé (l’un d’entre-eux sera mis en ligne courant 2018). Les auteur·es ont chaleureusement accepté de les partager afin de faire avancer la connaissance et la réflexion dans ce domaine. Les étudiant·es ayant suivi l’unité d’enseignement Santé & autodéfense intellectuelle et réalisé leur stage d’été au CorteX ont également bien voulu mettre à disposition leur travail.

 

Mémoires

CorteX_alexandre-petonAlexandre Peton de l’IFMK d’Alsace a réalisé une analyse critique de la méthode Concept global épaule (CGE) en vogue dans la formation continue des kinésithérapeutes prenant en charge des patient·es souffrant de pathologies de l’épaule. Il a été co-encadré par Julien Przybyla (IFMK d’Alsace) et Nelly Darbois (CorteX).

Télécharger le mémoire.

Pour tout détail, complément ou remarque, contacter Nelly Darbois – Collectif de Recherche Transdisciplinaire Esprit Critique et Sciences (CORTECS) Bibliothèque Universitaire de Sciences de Grenoble BP 66 38402 Saint-Martin d’Hères cedex – darbois [at] cortecs.org

CorteX_leo-druartLéo Druart, co-encadré par Nicolas Pinsault et Albin Guillaud a traduit depuis l’anglais vers le français un questionnaire permettant d’évaluer le taux de recours des patient·es aux « médecines alternatives ». Léo, Nicolas et Albin sont d’ailleurs en train d’écrire un article pour déconseiller l’utilisation de ce questionnaire en raison des trop nombreux problèmes qu’il présente. Nous rajouterons un lien vers cet article dès parution.

Télécharger le mémoire

Le poster

Pour tout détail, complément ou remarque, contacter Albin Guillaud – Collectif de Recherche Transdisciplinaire Esprit Critique et Sciences (CORTECS) Bibliothèque Universitaire de Sciences de Grenoble BP 66 38402 Saint-Martin d’Hères cedex – guillaud [at] cortecs.org

Rapports de stage

Chloé Micetta, co-encadrée par Nelly Darbois et Albin Guillaud, a crée une méthodologie d’analyse critique des sites internet commercialisant des produits de santé et appliqué cette méthode au site lesmauxdedos.com commercialisant le Nubax®, un appareil qui permettrait entre autres effets de diminuer les douleurs de dos.

Le travail en langue française et en langue anglo-étatsunienne.

CorteX_nicolas-gerard Nicolas Gérard, également co-encadré par Nelly Darbois et Albin Guillaud, s’est intéressé quant à lui au kinésio-taping (méthode qui utilise des bandes faites pour être collées sur la peau, parfois roses ou bleues) et à l’analyse de publications scientifiques sur l’efficacité du kinésio-taping dans les domaines de la santé et de la performance sportive.

Le travail en langue française et langue anglo-étatsunienne.

Une séance de reiki

Décortiqué – "Guérisseurs, magnétiseurs, coupeurs de feu… que dit la médecine ?", France Inter, janvier 2015

Après avoir écouté l’émission de La tête au carré intitulée « Guérisseurs, magnétiseurs, coupeurs de feu… que dit la médecine ? » (ici), nous en proposons une brève analyse. N’hésitez pas à nous suggérer du contenu pour compléter cette page.

Une séance de reiki
Reiki

 C’est le titre qui m’a donné envie d’écouter l’émission : « Guérisseurs, magnétiseurs, coupeurs de feu… que dit la médecine ?« . Qu’entend-on par « médecine » ? Est-ce le point de vue des médecins, du corps médical que l’on interroge ? Mais cet avis est-il unanime ?  S’agit-il plutôt de l’expertise scientifique sur ces pratiques ? L’émission durant 37 minutes, une retranscription suivie d’analyses phrase par phrase me semblait trop coûteuse. Voilà comment j’ai préféré m’y prendre.

Après une première écoute attentive, j’ai essayé de me remémorer à chaud ce qui m’avait titillé : arguments fallacieux, faiblesses épistémologiques, etc. Lors d’une deuxième écoute, j’ai retranscris textuellement chaque phrase qui méritait selon moi d’être décortiquée. Une troisième écoute m’a permis de corriger des erreurs de retranscription.

J’ai ensuite essayé de réunir les failles argumentatives et les erreurs de raisonnement les plus redondantes. J’ai fait une sélection parmi les phrases ou passages les plus représentatifs des biais présentés. Voila donc un échantillon de ce que l’on peut relever dans cette émission.

Avec Christophe Limayrac (guérisseur, rebouteux , magnétiseur et réflexologue), Isabelle Nègre (médecin anesthésiste réanimateur, spécialiste de la douleur), Isabelle Célestin-Lhopiteau (directrice de l’IFPPC, Institut français des pratiques psycho-corporelles, présidente de l’Association Thérapies d’Ici et d’Ailleurs, psychologue, psychothérapeute au Centre d’évaluation et de traitement de la douleur du Centre hospitalier universitaire Bicêtre). 

  • Des appels au témoignage en guise de preuve d’efficacité spécifique des pratiques présentées

« Combien faudra-t-il de témoignages de patients pour pouvoir simplement donner notre numéro de téléphone dans le service d’un hôpital ? »

 « Comment expliquer que ce que je fais agit très bien, mieux sur les enfants et encore plus sur les nourrissons et les animaux ? »

« L’efficacité parait indémontrée dans ses mécanismes mais suffisamment puissante comme peuvent en témoigner beaucoup de personnes ».

Sur le placebo chez les animaux, nous recommandons la lecture de Francklin D. McMillian.

  • Des prétentions thérapeutiques aussi démesurées que peu précises

« dans l’essentiel des cas on arrive à compenser le manque de résultat qu’il y eu précédemment ».

 « mes mains guérissent ou du moins aident à guérir »

« le magnétiseur est capable de dégager un fluide et ce fluide est capable soit de couper le feu, c’est à dire de dissiper les symptômes de la brûlure, ou au moins aider le corps à se régénérer et faire passer certains troubles »

« le guérisseur c’est quelqu’un qui est capable de guérir tout être vivant » (…) « ça peut être les animaux, ça peut être aussi les plantes »

« avec un minimum d’enseignement ils arriveront à guérir les gens »

 

 

  • Appel à des entités immatérielles

« Mes mains guérissent. »

« Le flux est capable d’aider les gens à se régénérer. »

« Il y en a qui ont un certain potentiel, ce que certains appellent le don, et donc avec un minimum d’enseignement ils arriveront à guérir les gens. »

 

  • Non-utilisation du rasoir d’Occam

En l’occurrence, la croyance en un don des guérisseurs, que nos connaissances actuelles en médecine ne permettraient pas d’expliquer sans faire appel à des capacités extraordinaires :

« Comment vous avez compris que vous aviez ces capacités particulières ? »

« Le magnétisme tout le monde en a. »

« Là il s’agit d’une capacité individuelle d’une personne qui va avoir un don particulier pour une certaine pathologie. »

 

  • Phrases puits

où l’auditeur est noyé dans des concepts peu définis et flous :

« Chez le guérisseur il y a vraiment un travail très intuitif, qui emmène a une relation, une observation globale, très fine, et c’est certainement dans la discussion entre la science la plus rigoureuse et cette réflexion sur l’intuition qui a des choses à créer. »

 

  • Rhétorique de repoussoir

– cet effet puits se trouve aussi dans l’opposition qui est dressée entre une médecine « officielle », et une médecine « traditionnelle », « ancienne », la première ayant une « vision organiciste », insuffisante, la seconde une vision « globale » (mais « très fine »), faisant appel à l’intuition :

« Au niveau de la médecine conventionnelle l’homme a été divisé à l’infiniment petit et on traite l’infiniment petit sans prendre en considération ce qu’il y a autour, et nous guérisseurs on prend l’ensemble, on prend la globalité, et oui effectivement, l’endroit qui est lésé nous intéresse mais on va traiter l’ensemble de la personne, et je pense que ces deux attitudes peuvent être très complémentaires, nous traiter le patient dans sa globalité, et la médecine conventionnelle faire sa spécialité que je ne connais pas, mais l’ensemble pourrait emmener de supers résultats. »

 

  • Faux dilemmes

Dans ces faux dilemmes, peuvent être intriquées plusieurs affirmations (voir Plurium).

« On peut se demander ce qu’il faut préférer, est-ce qu’on peut préférer une thérapeutique dont l’efficacité est démontrée mais faible, ou une thérapeutique dont l’efficacité est indémontrée mais forte. »

Une séance de shiatsu
Shiatsu

Ce faux dilemme incorpore des affirmations qui peuvent passer inaperçues mais qui demandent pourtant à être étayées ; la personne affirme au passage que les thérapeutiques dont elle parle on une efficacité démontrée mais faible, ou une efficacité non démontrée mais forte.  

  • Effet paillasson sur « efficacité »

Je crois qu’une des confusions centrales de cette émission réside dans la confusion  » efficacité non spécifique » et « efficacité spécifique » d’un traitement. Lorsqu’un des intervenants parle d' »efficacité indémontrée mais forte« , je pense qu’il sous-entend que beaucoup de personnes vont mieux après avoir suivi tel ou tel traitement, d’ou l’efficacité qualifiée de forte, mais que l’on n’a pas recueilli ces améliorations lors d’une ou plusieurs études, d’où l’efficacité indémontrée. Le problème est le suivant : on ne peut pas savoir si l’amélioration de l’état de santé des patients constatée (si elle est bien avérée) est liée au traitement ou à d’autres facteurs : effets dits « placebo » (ou effets contextuels, voir par exemple l’excellent article de J. Brissonnet sur le sujet), évolution naturelle de la maladie, et tant d’autres etc. Le traitement peut être efficace sans avoir d’efficacité spécifique (liée uniquement aux modalités du traitement en lui-même). A ce sujet, voir « Tout ce que vous n’avez jamais voulu savoir sur les thérapies manuelles ».

Dans cet autre extrait,

« il y a une efficacité qu’on ne peut pas expliquer scientifiquement actuellement, mais il y a une efficacité »

il est plus raisonnable de supposer que l’efficacité « inexpliquée » peut en fait s’expliquer par nos connaissances concernant les effets non spécifiques associés à tout traitement.

Ce qui est assez étonnant, c’est qu’un auditeur prénommé Jean-Paul, envoie durant l’émission un courriel contenant une explication pertinente du phénomène d’évolution naturelle des maladies : 

 « La plupart des affections qui nous affligent tout au cours de notre existence ont tendance à se résoudre d’elles-mêmes, ce phénomène de guérisseurs donne prise à toute pratique rebouteuse ou autre qui prend appui sur ce phénomène de guérison spontanée pour se vendre comme efficace. »

À cela, lui est répondu :

« C’est un argument qui tient la route puisqu’il y a souvent ce phénomène de régression liée à l’histoire naturelle de toute affection ».

Puis :

« C’est pour ça qu’il faut des études pour qu’on essaie de mieux appréhender l’efficacité »

ce qui est en pleine contradiction avec ce qui a été dit précédemment, la même personne ayant affirmé à plusieurs reprises l’efficacité démontrée des pratiques dont il est question ici. 

À plusieurs reprises les intervenants soulignent les difficultés méthodologiques qu’ils pensent rencontrer pour étayer l’efficacité spécifique de leur pratique : 

« Il y a une difficulté extrême d’évaluer ces pratiques qui vont à l’encontre de nos méthodes d’évaluation qui ne doivent pas dépendre du thérapeute » 

 « L’intervention d’un coupeur de feu va avoir une conséquence sur la cicatrisation et sur la consommation de morphine qui est objectivable mais il n’y a pas d’étude qui soit méthodologiquement valable, c’est pas publié, on observe des choses, on peut constater que ces patients vont mieux, consomment moins d’antalgiques, mais encore une fois il manque une vraie évaluation qui soit scientifiquement valable, ce qui est une vraie difficulté, alors peut-être que ces méthodes d’évaluation ne sont pas adaptées, alors peut-être que d’une manière générale elles ne sont pas adaptées à des notions de bien-être et de vision globale du corps »

Pourtant, de nombreux guérisseurs, magnétiseurs, voyants et autres personnes pensant avoir un don, une capacité particulière, ont déjà été testés de manière rigoureuse, au sein par exemple du laboratoire zététique de Nice, ou même à Grenoble (voir La Kinésiologie Appliquée à l’épreuve du CORTECS, ou le protocole magnétiseur de l’Observatoire zététique). Une autre intervenante est pour sa part plus optimiste quant aux possibilités de tester les capacités de ces praticiens : 

« Pour nous tester il suffirait de nous mettre en présence de pathologies et de tester nos capacités ».

C’est pourtant très facile de montrer l’efficacité propre de ces soins ? Au sein du CORTECS, nous serions ravi.e.s de pouvoir collaborer et élaborer des protocoles avec des personnes qui souhaiteraient tester leurs capacités.  

ND 

Un guérisseur, rebouteux, magnétiseur et réflexologue

A décortiquer – "Guérisseurs, magnétiseurs, coupeurs de feu… que dit la médecine ?", France Inter, janvier 2015

Logo de l'émission La tête au carréLa Tête au carré est l’émission quotidienne de France Inter qualifiée de scientifique. Hélas, la rigueur scientifique est loin d’être toujours au rendez-vous, les thèmes et invités sont très inégaux. Mais ces émissions nous permettent de ne jamais être à court de ressources propices à l’application des outils critiques. 

Le résumé donne le ton : 

Rebouteux, magnétiseurs ou coupeurs de feu…. Les guérisseurs en tout genre suscitent de plus en plus d’intérêt. Grâce à leurs mains, ils soulagent les patients. Certains services d’urgence font appel à eux, notamment pour des grands brûlés, et des hôpitaux à la pointe de la technologie, comme en Suisse ou aux États-Unis, les intègrent dans les traitements afin d’optimiser les résultats. Pourtant leurs pratiques restent un mystère pour la science, qui ne parvient pas expliquer les mécanismes de ces médecines traditionnelles. Quels sont les recours des patients à ces thérapies alternatives ? Comment sont-elles perçues par le corps médical ? Comment favoriser le dialogue entre les guérisseurs et les médecins ?  

Avec Christophe Limayrac (guérisseur, rebouteux , magnétiseur et réflexologue), Isabelle Nègre (médecin anesthésiste réanimateur, spécialiste de la douleur), Isabelle Célestin-Lhopiteau (directrice de l’IFPPC, Institut français des pratiques psycho-corporelles, présidente de l’Association Thérapies d’Ici et d’Ailleurs, psychologue, psychothérapeute au Centre d’évaluation et de traitement de la douleur du Centre hospitalier universitaire Bicêtre).

Voici l’émission audio (durée avec coupure des musiques : 31 min) :

 Télécharger : Guérisseurs : que dit la science ?. Ou la page de l’émission.

Aidez-nous à repérer les biais de raisonnement, les erreurs épistémologiques et à les analyser !

ND