Martin Winckler, Le choeur des femmes

CorteX_Zaffran_Martin_Winckler La pensée critique est l’art de passer par dessus les cloisons des définitions. Qu’y a-t-il derrière le mot OVNI, le mot démocratie, le mot travail, le mot normal, …le mot sexe ? Alors, quand un type que l’on connait bien pour son anti-autoritarisme, sa lecture scientifique pointue toujours mise au service du patient et non de l’institution, quand ce type donc écrit des romans pour pousser les lecteurs et des lectrices à réflechir en passant un moment agréable ; quand un homme se penche sur le corps des femmes, pourtant délaissé par une écriture scientifique patriarcale (voir Le clitoris, ce cher inconnu) ; quand il y est question d’une des grandes stimulations socio-intellectuelles qu’est la réflexion sexe-genre-trans-intersexualité-indétermination, on ne peut que se réjouir, et le dévorer – le livre, pas le type –  d’une traite en deux nuits blanches.

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Je l’avais rencontré lors d’une sorte de séminaire qui, dans ma mémoire, devait avoir pour titre quelque-chose comme « Gynécologie & esprit critique« . Je connaissais son ouvrage phare, La maladie de Sachs, et sa version ciné avec Albert Dupontel, ainsi que Les trois médecins et sa chronique sur France Inter dont il avait été éjécté en 2004. J’étais jeune thésard, très enclin au féminisme, et par conséquent méfiant sur un individu qui cumule trois systèmes de domination presque absolus : celui d’être médecin, celui d’être homme et celui d’être connu. Je savais depuis longtemps que les livres ont tendance à être meilleurs que leurs auteurs. Or non seulement le gars est aussi simple que barbu, mais en outre il dit adorer regarder les contenus culturels et scientifiques des séries TV ! Un peu plus et je l’aurai pris dans mes bras, avec mes Fringe, Kyle XY, Lie to me, lui avec ses House, Grey’s anatomy et autres séries en blouse blanche. Quelqu’un qui trouve du matériel subversif dans Urgences ne peut pas être foncièrement mauvais.

Je ne peux pas dire que je connais bien Martin Winckler, ou plutôt son vrai nom, Marc Zaffran. Mais je suis resté en contact avec lui, après son départ pour le Québec, et je lui ai rendu visite fin 2010, dans son labo d’éthique, le CREUM. Il s’est expatrié pour trouver une liberté de travail que la France ne lui donnait pas. Je ne connais pas beaucoup d’ouvrages de référence sur les droits du patient, sur l’art de dire non à un médecin, de réclamer ses droits, hormis le sien (Les Droits du patient, en collaboration avec Salomé Viviana, collection « Soigner », Fleurus 2007). Je ne connais pas de forum aussi bien fourni que le sien sur les questions de contraception. Et lorsque la duale et illusoire séparation nette des sexes vient se faire bousculer, non avec des sabots mais en douceur par ses romans, je ne peux qu’applaudir et lire d’une traite.

Certes, nous sommes petits, débutants et inconnus, au corteX. Précaires aussi. Mais Winckler est de notre famille, une sorte d’oncle bourru qui nous encourage et nous pousse à bosser.

Richard Monvoisin

M. Winckler présente son livre (par Sylvain Bourmeau, Médiapart)

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Paru en 2009 chez POL, Le choeur des femmes est ressorti en février 2011 chez Folio.

C’est un grand roman de formation, situé dans un service de « médecine de la femme », l’unité 77, au Centre Hospitalier (fictif) de Tourmens. Il met en scène la rencontre de deux médecins : Jean Atwood, jeune et volontaire interne de chirurgie gynécologique qui se destine à la réparation des corps féminins, et Franz Karma, praticien d’une cinquantaine d’années qui s’est consacré depuis trente ans à la santé des femmes. Atwood doit passer six mois dans le service de Karma, mais n’a pas du tout envie d’y perdre son temps à « tenir les mains des patientes ».

Or, l’unité 77 n’est pas un service comme les autres. Karma en est le seul praticien, il y travaille avec une secrétaire, une conseillère de planification, des infirmières et des aide-soignantes qui le désignent par son prénom. Il y pratique des IVG et y hospitalise clandestinement des patientes à l’insu de l’administration de l’hôpital. Il reçoit les femmes que personne ne veut recevoir ou que les gynécologues méprisent ou fuient comme la peste, immigrantes, femmes voilées, SDF, femmes violées, mais aussi celles qui sont en rupture de famille, ou qui ont décidé qu’elles ne veulent pas avoir d’enfants et demandent à se faire stériliser.

Alors que sa « vocation » était tout autre, le Dr Atwood va peu à peu, à son corps défendant, découvrir qu’écouter les femmes n’est ni répétitif ni assourdissant, mais que ça lui permet non seulement d’apprendre son métier de médecin et aussi de découvrir sa propre identité.

Quoique raconté à la première personne par l’interne « novice » qui arrive à l’unité 77, Le Choeur des femmes est un roman « polyphonique » dans lequel tous les personnages, chacun à leur tour, prennent la parole. Il mêle des descriptions précises de ce que devrait être une consultation de gynécologie au service des femmes aux monologues (« Arias ») des femmes que croisent Atwood et Karma. C’est à la fois un roman d’initiation au métier et à l’éthique des soignants et un roman d’énigme, centré sur un double secret de famille.

Esprit critique & kinésithérapie : deux mémoires défrayent la chronique

En ce mois de juin 2012 sortent simultanément de l’Ecole de Kinésithérapie du CHU de Grenoble deux mémoires de Master 1 portant sur des sujets controversés : la fasciathérapie MDB et la micro-kinésithérapie. Le travail de Nelly Darbois, mené le plus rigoureusement et impartialement possible, alimentera les réflexions et devraient permettre d’affiner les pratiques et l’épistémologie de la discipline. Concernant le mémoire de Thibaud Rival, il est de moindre qualité mais apporte un éclairage indéniable sur son objet. Bonne lecture.

Nelly Darbois
Nelly Darbois – Kinésithérapie (Chambéry, France)

Le premier mémoire, écrit par Nelly Darbois, porte sur le sujet « chaud » de la fasciathérapie Méthode Danis Bois et s’intitule La fasciathérapie « Méthode Danis Bois » : niveau de preuve d’une pratique de soin non conventionnel [1]. Il a été encadré par Richard Monvoisin (CorteX – Université de Grenoble) et Stéphanie Bernelle (Ecole de Kinésithérapie – CHU Grenoble).

  • Le mémoire (pdf, actualisé le 28 juin 2012)
  • Le poster (pdf)
  • La présentation orale montée, (le 25 mai 2012 à Grenoble) :

    Ajout du 22 décembre 2017.

    Des requêtes judiciaires menées depuis 2012 par la société Point d’appui et l’association nationale des kinésithérapeutes fasciathérapeutes (aujourd’hui nommée Association FasciaFrance) ont conduit à demander à ce que « les informations concernant la fasciathérapie ne doivent plus figurer dans le guide  » Santé et dérives sectaires  » publié par la mission interministérielle de vigilance contre les dérives sectaires (MIVILUDES) en avril 2012  » 1.


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Le second mémoire, produit par Thibaud Rival aborde le non moins problématique sujet de la microkinésithérapie de MM. Benini et Grosjean, et s’intitule « Une méthodologie d’approche des pratiques non conventionnelles : application par l’analyse critique de la microkinésithérapie ». Il a été encadré par Nicolas Pinsault (CorteX – Ecole de Kinésithérapie – CHU Grenoble) et Richard Monvoisin (CorteX – Université de Grenoble).

Pour tout détail, complément ou remarque :

  •  Nelly Darbois, Thibaud Rival via R. Monvoisin – Collectif de Recherche Transdisciplinaire Esprit Critique & Sciences (CORTECS) Bureau des Enseignements Transversaux – Département des Licences Sciences & Techniques  480 avenue Centrale Domaine Universitaire BP 53 – 38041 Grenoble cedex 9 – Monvoisin [at] cortecs.org

Richard Monvoisin

[1] Sujet « chaud » au sens où cette technique fait l’objet de critiques de la Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires (Miviludes 2007 et 2012, Guide santé et dérives sectaires) et se retrouve au coeur de processii juridiques. On lira à ce propos Face au cancer, la fasciathérapie continue de diviser à Angers, Rue 89.

Romy Sauvayre – Croire à l'incroyable, Anciens et nouveaux adeptes

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Je l’avais rencontrée à Marseille en 2008 ou 9. Elle travaillait d’arrache-pied sur sa thèse. Puis Roger Gonnet m’avait donné discrètement une copie de ses travaux, dans laquelle j’avais plongé à corps perdu. Sa thèse a été soutenue en 2011, et fait l’objet d’un ouvrage de 424 pages. En voici l’annonce, en attendant de l’avoir lu.

Romy Sauvayre, Croire à l’incroyable.  Anciens et nouveaux adeptes, Paris, PUF, 2012

Comment peut-on croire à l’incroyable ? Il semble déraisonnable d’adhérer aux croyances les plus extrêmes, invraisemblables ou ubuesques. Il paraît tout aussi irrationnel qu’un adepte continue à croire fervemment alors que les faits sont en contradiction avec ses croyances. Cela soulève plusieurs mystères de la pensée humaine : les mécanismes de l’adhésion, la « résistance au changement » et la désadhésion à des croyances « invraisemblables ». Mais ces adeptes sont-ils aussi fous, crédules et malléables qu’ils y paraissent pour adhérer inconditionnellement à des croyances défiant les normes du vrai ?

Cette perméabilité ou imperméabilité de l’esprit face aux doutes, aux contradictions ou à l’intime conviction de la véracité des croyances les plus incroyables est ici disséquée aux prismes de la raison ou de la déraison de l’acteur social.


Table des matières

Introduction
Chapitre premier. — Approches théoriques des croyances
1. Le changement de croyances, de connaissance et de représentations
Festinger et l’échec d’une prophétie annoncée
Kuhn et le changement de connaissance
Psychologie sociale et dynamique des représentations sociales
La logique de Quine et le « système conceptuel »
Le paradigme pluridisciplinaire de la révision des croyances
2. Sectes et nouveaux mouvements religieux : apostasie ou manipulation mentale ?
Manipulation mentale, emprise et embrigadement sectaire
Adhésion et désadhésion au cœur de la sociologie des religions
Partisans de la manipulation mentale et sociologues des religions : les termes d’un débat animé
Chapitre 2. —Les mécanismes de l’adhésion
1. Les degrés de l’adhésion
2. Les premiers pas du futur adepte dans un mouvement marginal
Les acteurs de l’adhésion : les coapteurs
La « coaptation émotionnelle »
La « coaptation cognitive »
3. Les doutes et le scepticisme du futur adepte
Le scepticisme de l’adepte face aux croyances « invraisemblables »
L’expérience de Asch et la « force du grand nombre »
4. La croyance à l’épreuve ou l’administration profane de la preuve
La preuve médiatisée
La preuve expérientielle
5. Confiance et croyance
La confiance a posteriori : la croyance précède la confiance
La confiance a priori : la confiance précède la croyance
6. Portrait des adeptes convaincus
Quelques idées reçues
Niveau, genre et temporalité
Typologie des adeptes convaincus et types d’adhésion
Les objets de l’adhésion
Chapitre 3. — De la « résistance au changement de croyances » à la rupture d’adhésion
1. La logique contre intuitive des croyances
Le prisme de l’observateur extérieur : déraison de croire
Contradiction factuelle : du prisme de l’adepte aux raisons de croire
Le morcellement des croyances expérientielles
2. De la fluctuation à la rupture d’adhésion
Doutes et temporalité
Les fluctuations de l’adhésion
Basculer vers la rupture : valeurs et contradiction axiologique en action
3. Les phases de la désadhésion : un changement de « cadre cognitif »
La phase d’adhésion partielle
La phase d’adhésion inconditionnelle
La phase d’effritement partiel
La phase d’ouverture épistémique : un pas décisif vers la rupture
4. Les croyances laissées en suspens : de la rupture à la réadhésion
La rupture provoquée ou l’intervention familiale
Un doute omniprésent
Appartenir à un nouveau mouvement après la sortie
Conclusion
Bibliographie

Site de Romy.

Richard Monvoisin

Richard Monvoisin, Les fleurs de Bach, enquête au pays des élixirs

CorteX_Fleurs-de-BachVoici l’un des rares livres n’ayant pas été écrits pour un public déjà critique.
Doux dans la forme, Richard Monvoisin analyse dans son livre les fondements de la théorie d’Edward Bach, et les rouages qui font de ces élixirs des produits de parapharmacie très demandés, omniprésents dans les officines ou les magasins de bien-être. Mais qu’en est-il vraiment ? Les fleurs de Bach peuvent-elles réellement nous aider, nous accompagner ? Les problèmes soulevés par cette thérapie sont étrangement communs…
 

Présentation de l’éditeur :fleurs_de_bach
 
Attention ! Le livre que vous tenez en main est un livre de zététique, de Zêtêin, en grec ancien, qui signifie chercher, examiner. Le but de cet ouvrage est de montrer comment il est possible, sans bagage scientifique préalable mais avec quelques outils simples en poche de se faire une opinion fondée sur certains sujets de notre quotidien. C’est ce que fait l’auteur, Richard Monvoisin, qui s’empare cette fois d’une thérapie assez répandue dans nos pharmacies, les élixirs floraux du Docteur Bach, et procède à une enquête minutieuse à ce sujet.
Les élixirs floraux : de quand datent-ils ? D’où vient la théorie ? Quelle fut la vie du docteur Edward Bach, et comment procéda-t-il ? Quelles sont les raisons qui assurèrent le succès des petites fioles ? Richard Monvoisin, en se posant les mêmes questions que n’importe qui devant les rayonnages des pharmaciens, remonte le fil du succès de la théorie et tente de démêler le vrai du faux, l’étrange du douteux. Avec un seul objectif : vous donner les outils nécessaires pour que vous fassiez, vous lectrice, vous lecteur, votre propre cheminement.
Il ne s’agit pas de vous dire quoi faire. Il s’agit de vous permettre de faire vos propres choix en connaissance de cause. Car rêve et liberté de choix n’ont de sens que si toute l’information nous est donnée, et si nous avons les moyens d’analyser celle-ci. Et face aux vendeurs de rêve, face aux apothicaires, face aux publicitaires, face aux faiseurs d’opinion, face à toutes les sollicitations prenant des arguments à saveur scientifique pour se vendre, l’auto-défense intellectuelle dont parle Chomsky est plus que jamais à partager. Alors autant le faire avec ce genre d’ouvrage, véritable mélange de manuel critique et d’enquête policière.
 

Editeur : book-e-book / Collection : Une chandelle dans les ténèbres Numéro 4. 11€ disponible également en eBook.  A commander ici.

 

Bertrand Lemartinel, quand les fondamentalistes détournent la géographie

CorteX_Bertrand_Lemartinel2 Voici un ouvrage tout frais qui vient de sortir, et nous remercions les éditions François Bourin de nous l’avoir envoyé si rapidement. 
Son auteur, Bertrand Lemartinel, géographe de l’université de Perpignan réalise là un exercice d’esprit critique tout à fait salutaire, dans un domaine, la géographie, qui se révèle aussi malmenée par les fondamentalismes religieux que la biologie de l’évolution.

Nous avons lu son livre pratiquement d’une traite, et c’est un travail remarquable, dense, à CorteX_Livre_Lemartinel_geographieentrées multiples. On y apprend, parmi une kyrielle d’informations, comment la pose de simples panneaux de signalisation de périodes géologiques dans le Wyoming peut devenir un acte militant scientifique [1].

Cet ouvrage nourrira tout enseignant de géographie, mais également tout passionné de paysages, fleuves, mers, pierres, souhaitant souscrire au contrat de base de la science comme démarche intellectuelle, un contrat laïc qui vise à regarder le monde tel qu’il est et non tel qu’on voudrait qu’il soit.

 Présentation de la maison d’édition :

On résume trop souvent la montée des intégrismes à la multiplication très médiatisée des attentats sanglants. Le phénomène ne se réduit pourtant pas à cette violence ponctuelle : en parallèle se développe, que ce soit dans les cabinets de Washington ou dans l’ombre des « révolutions » qui secouent le monde arabe, un prosélytisme fondé sur les lectures littérales de la Bible et du Coran. Le public connaît les tentatives qui ont été faites pour imposer le créationnisme dans le domaine de l’anthropologie ; mais il ignore généralement les offensives menées ailleurs, en particulier en géographie. La réinvention délirante de la discipline est le produit de l’obscurantisme le plus rétrograde qui tente de contourner les défenses scientifiques édifiées par les sociétés savantes ou les programmes scolaires de nos enfants. Cette question, encore très peu abordée sous l’angle de la géographie, fait de cet essai une première ; il est, pour un public large, la synthèse de trois années de recherches complexes dans la production foisonnante des pseudosciences fondamentalistes.

Pour en savoir plus :

  • Page web de l’éditeur.
  • Page web de l’auteur.
  • Lire le premier chapitre du livre.
  • Article condensé de l’auteur, La  géomorphologie des fondamentalistes religieux, Annales  de Géographie (2009) n° 670, pp. 3-21 (en soutien aux revues au tirage modéré, nous ne mettons pas en ligne l’article et vous encourageons à l’acheter si vous en avez les moyens ici. Sinon, l’université et ses bibliothèques vous permettront de le consulter sur demande. En cas de problème, écrivez-nous).
  • Emission La tête au carré du 22 octobre 2012 intitulée Science et créationnismes, sur France Inter, lors de laquelle Bertrand Lemartinel est interrogé (en même temps que Cédric Grimoult).
Richard Monvoisin
[1] Au préalable, j’avais écrit « acte militant laïc », et Bertrand Lemartinel m’a expliqué ceci : « Formuler ainsi les choses conduit à considérer que le curseur passerait entre la science (laïque) et la religion (qui contesterait la science), le tout mis sur une ligne unique ; mais faire cela, c’est rester dans le vieux débat qui permet aux fondamentalistes de discuter les faits scientifiques en tentant de déplacer le curseur en leur faveur. Je pense qu’il faut au contraire définitivement séparer les deux domaines, comme l’ont fait des hommes de foi et de science comme Teilhard, Lemaître et bien d’autres : Dieu – s’il existe, et cela relève d’une conviction individuelle – est inconnaissable par la science, et la religion n’a rien à dire des faits scientifiques : le critère d’irréfutabilité permet de scinder les deux domaines. Cela permet de dire que les textes sacrés ne relèvent pas de la science (d’ailleurs, ils s’en préoccupent rarement ou pas du tout, j’essaie de le montrer) et que la démarche fondamentaliste est un matérialisme religieux, donc un monstre logique (mais dont les buts sont eux inscrits dans une logique politique). En fait, il faudrait mieux dire que les panneaux du Wyoming sont un acte militant scientifique. Cet acte s’oppose au détournement de la science à des fins politiques par des biais religieux : c’est cela qui est important. » (correspondance privée). Je ne peux que souscrire pleinement.

Note : une critique cependant, qui serait un détail si cela n’était pas logé dans le titre. Il y a de telles inégalités de traitement entre hommes et femmes dans le monde qu’il est indispensable de rediscuter chaque parcelle de domination, quand bien même ne serait-elle que langagière. Ainsi en est-il du masculin l’emportant sur le féminin dans la grammaire française, règle qu’il ne nous appartient pas de changer, mais de questionner. Idem pour l’utilisation d' »homme » pour Humain. A la rigueur pourrait-on mettre Homme (avec un grand H), comme espèce, mais il n’est pas si compliqué de remplacer homme ou Homme par Humain, tout simplement. Pour un penseur critique, il doit être tout aussi étrange de lire « Et l’homme créa la terre » que « Et la femme créa la terre ». Rappelons-nous que la moitié des hommes, finalement, sont des femmes.

Réponse de l’auteur :

« Il a été compliqué de choisir [le titre] et nous en avons beaucoup discuté avec mon courageux éditeur.
(…) Ce serait prendre des risques d’écrire l’Homme avec un grand H, pour la simple raison que ce serait le décrire comme une essence et non comme une espèce (écrit-on le Cheval ou la Marmotte ?). Cela conduit inévitablement à le placer face à un Créateur.  Nous avons donc suivi la graphie de Pascal Picq, qui nous a semblé un très bon guide. Pourquoi pas l’humain ? Parce que l’humain n’est pas strictement un objet mais une valeur d’ailleurs discutée par la philosophie (voir Qu’est-ce que l’humain ?, Paris, Éditions le Pommier & Cité des Sciences, 2003). (…) Et si l’on considère l’historicité de cette création : les prêtres qui ont couché par écrit la tradition orale biblique, les apôtres, les évangiles et Mohammed et ses transcripteurs étaient bien des hommes, au sens sexué du mot. Ne nous écartons pas de l’histoire pour satisfaire à des concepts modernes. Ceci étant, je vois bien que la moitié des hommes – sensu lato – ce sont des femmes, et je suis totalement convaincu de la parfaite égalité en droit des unes et des autres. » (Correspondance privée).

Psychologie du bien et du mal, de Laurent Bègue

CorteX_Laurent_begueLe domaine de la psychologie sociale nous est particulièrement utile au CorteX pour construire un outillage d’esprit critique. Nous puisons dans cette discipline des concepts pour mettre à jour les mécanismes de manipulation ou de dérives sectaires, mais aussi pour mieux comprendre l’influence des autres sur nos idées, nos croyances et nos comportements.
Dans son ouvrage La Psychologie du bien et du mal, Laurent Bègue propose justement de décortiquer le fonctionnement de notre sociabilité, l’agencement de notre sens moral et notre manière de nous représenter le « bien » et le « mal ».

 
CorteX_Psycho_du_B_et_du_MjpgLaurent Bègue est professeur de psychologie sociale à l’université Pierre Mendès-France de Grenoble, où il dirige le laboratoire inter-universitaire de psychologie « Personnalité, Cognition, Changement Social ». Il est aussi membre honoraire de l’Institut Universitaire de France et chercheur invité de l’Université de Stanford, Californie.

Présentation de l’ouvrage :

« Quel sens donnons-nous à nos actes les plus quotidiens et à ceux des autres ? Pourquoi sommes-nous capables de sacrifier nos intérêts matériels au nom de grands principes comme la justice ? Par quelles mises en scène parvenons-nous à draper de moralité des conduites qui caressent notre égocentrisme ? Quelles circonstances peuvent nous conduire à trahir nos convictions les plus profondes ? Comment se forme et progresse la conscience morale et l’empathie ? Les récompenses et les punitions favorisent-elles ou non les acquisitions morales ? S’appuyant sur des exemples et de nombreuses études scientifiques récentes, ce livre explore la forme que le bien et le mal prennent dans nos têtes et les conséquences que ces idées ont sur nos vies. Une plongée au cœur de la nature humaine.« 
Nous sommes friands des apports scientifiques sur les questions de morale, de normes ou de normalité, c’est donc avec beaucoup d’enthousiasme que nous nous sommes plongés dans cette lecture d’utilité critique.

« Je ne m’intéresserai pas au bien et au mal en soi, mais à la forme qu’ils prennent dans nos têtes et aux conséquences que ces idées ont sur nos vies personnelles et aux échanges avec les autres » annonce Laurent Bègue. Plongeon carpé, donc.

Plutôt qu’une synthèse des théories actuelles en psychologie sociale, Laurent Bègue présente des expériences scientifiques qui apportent un véritable matériel de compréhension sur l’agencement de nos pensées, nos valeurs, notre éthique et leur enjeu dans nos comportements quotidiens. Il s’agit en effet d’interroger les mécanismes de notre sens moral en décortiquant ses facettes dominantes : la sensibilité aux contrôles sociaux, le besoin d’appartenance, les fonctions mimétiques et les capacités d’apprentissage par l’observation, les compétences réflexives appliquées au domaine de la justice et l’empathie.

Comme dans tout travail critique, l’objectif est de mieux comprendre les mécanismes de notre représentation du sens moral, mieux percevoir les influences du contexte dans nos comportements et l’élaboration de nos pensées, pour nous permettre de mieux nous réapproprier une capacité d’agir sur notre environnement.
Cet ouvrage est d’une grande rigueur scientifique et d’une excellente qualité narrative, emprunt de beaucoup d’humour ce qui en rend sa lecture passionnante*. De nombreuses idées reçues sont abordées sous l’angle « Tiens, a-t-on déjà testé scientifiquement cette idée : la peine de mort est-elle dissuasive ? La Fessé est-elle efficace ? etc. »
En proposant une analyse des influences psychosociales qui s’exercent sur nos jugements et nos conduites en lien avec nos représentations morales, Psychologie du bien et du mal n’est définitivement pas un essai mais bien une application concrète de la psychologie sociale dans notre quotidien.
Les professionnels de l’éducation et du médico-social trouveront certainement de nombreuses pistes de compréhension de leur pratique, en se penchant notamment sur l‘apprentissage et la transmission des valeurs morales et des comportements sociaux, mais aussi sur les biais qui nous conduisent à penser que ce que nous faisons est « bien » pour l’autre, parfois à tort.

*Vous trouverez, par exemple, un passage où est évoquée « la masturbation à l’aide d’un poulet mort » pour illustrer les transgressions sans victime.


Sur ce sujet, l’auteur conseille son intervention dans l’émission Service Public « Pourquoi faire le bien », de Guillaume Erner, le 6 janvier 2012.

Et pour creuser un peu entre deux chapitres, on peut réécouter ici quelques autres émissions sur France Inter auxquelles Laurent Bègue a participé.

Par exemple, une application urbaine de la « Psychologie du Bien et du Mal » en compagnie de Laurent Bègue dans l’émission Un psy dans la ville de Manuelle Calmat – de Gmeline, émission de France Inter du samedi 3 décembre 2011.

Nicolas Gaillard

 
 

Économie critique, conseil d'ouvrages par Claire Barraud

Notre amie Claire Barraud, doctorante au Centre de Recherche en Économie de Grenoble* (que vous avez déjà pu lire ici) nous conseille son top 4 des ouvrages accessibles sur l’économie et sa critique. Dans sa grande bonté, elle nous a épargné les livres pompeux et complexe. Bonne lecture.

*Centre de Recherche en Économie de Grenoble
Adresse : 1241 rue des résidences
Domaine universitaire
38400 Saint Martin d’Hères


André Orléan, Le pouvoir de la finance, Odile Jacob (1999).CorteX_Orlean_finance

Une des plus grandes qualités d’André Orléan est sûrement sa pédagogie. Ce livre est donc relativement facile d’accès. Il y explique les rouages de la finance, ou plutôt la psychologie des foules appliquée aux marchés financiers. L’ouvrage s’appuie sur deux thèses fondamentales qui viennent balayer les idées reçues en la matière. D’abord, l’idée est de réfuter la thèse d’une psychologie de l’intervenant sur le marché, pour mettre l’accent sur les « conventions » dominantes qui « font » les prix. À ce titre, les mouvements de prix sur les marchés, notamment sur les marchés spéculatifs, ne sont pas issus de la somme des comportements de plusieurs intervenants, mais bien du comportement de la foule, laquelle est définie en tant que groupe distinct des individus qui la composent. Deuxièmement, le fonctionnement de cette foule, testée dès les années 1970 en laboratoire par des psychologues, est loin d’être « irrationnelle », au contraire. L’idée largement répandue sur le fonctionnement des marchés fait appel aux notions de comportements passionnels et déraisonnés, inclus dans le champ de l’irrationalité, pour aborder les phénomènes de bulles et de crashs. Orléan rappelle alors que compte tenu des conventions existantes et de la formation des prix sur les marchés, le comportement du groupe, à chaque étape de l’évolution des prix, est bel et bien rationnel. Il s’agit juste d’une rationalité différente des autres, une rationalité dite « cognitive »…

John K. Galbraith, Brève histoire de l’euphorie financière, Seuil (1992).

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Sûrement mon auteur favori. Un économiste, mais pas « que ». Or, comme le pensait Keynes et l’affirmait Hayek, l’économiste qui n’est qu’économiste est potentiellement dangereux ! Galbraith ne raisonne pas comme l’économiste lambda (chiffres, taux, évolution, économétrie, modèles, formalisation etc.), mais bénéficie en sus d’une vision d’homme d’État, d’historien, de sociologue et de psychologue à ses heures, d’où la richesse de tous ses ouvrages. Dans cet essai, court, passionnant et très facile d’accès, il réfute la thèse du « cette fois-ci c’est différent », pour au contraire démontrer que toutes les crises financières ont le même type de source, le même déroulement, et le même type de fin. Si le livre d’Orléan défend cette idée sous un angle surtout théorique, on peut dire que Galbraith la démontre grâce aux faits historiques… Et quelle démonstration !

Liêm Hoang-Ngoc, 10+1 questions sur la dette, Michalon (2007).CorteX_Hoang-Ngoc_dette

L’auteur de « Vive l’impôt » (2007) infirme ici la plupart des idées véhiculées pour démanteler l’État social en tant que mauvais gestionnaire. Hoang-Ngoc rappelle que, contrairement à ce que laissent penser les médias, tous les économistes ne sont pas d’accord sur les causes de l’accroissement de la dette publique depuis une trentaine d’années, ni sur ses conséquences et encore moins sur les remèdes possibles. Quelques exemples pour attiser la curiosité : l’auteur montre que la dette ne pénalise pas les générations futures à cause des dépenses de la génération présente, qu’il n’existe aucune corrélation entre le taux de prélèvements obligatoires et les performances économiques d’un pays, ou encore qu’une réforme efficace et équitable du système de retraite n’implique aucunement une privatisation, mais bien un renforcement de l’action publique.

Joseph E. Stiglitz, Un autre monde. Contre le fanatisme du marché, Fayard (2006).

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Stiglitz n’a pas toujours été ce qu’il représente aujourd’hui. Et malgré les nombreux reproches qui peuvent lui être faits, il n’en reste pas moins qu’après « La grande désillusion » et « Quand le capitalisme perd la tête », « Un autre monde » vient enfoncer le clou dans la liste des dégâts causés par la mondialisation telle qu’elle a été conçue. Tout y passe, du commerce à la finance, en passant par le développement social, l’écologie et le maintien sous pression des pays du Tiers-Monde grâce au plus puissant des instruments de domination depuis que la monnaie existe,  j’ai nommé la dette. Un livre pédagogique, clair et, malgré ses 400 pages, synthétique, compte tenu du nombre de problèmes à énoncer publiquement et à résoudre. Car oui, malgré ce que l’on pense souvent, la situation actuelle n’est pas immuable. Le politique a construit cette mondialisation, il peut la réguler s’il le veut vraiment. Stiglitz rappelle donc que d’autres modèles de cette sacro-sainte croissance sont envisageables, à l’instar ce qui a été pratiqué dans les pays nordiques, voire aussi dans une partie de l’Asie. C’est donc un livre qui réitère la gravité de la situation internationale actuelle, mais qui rassure en proposant également des solutions.

Claire Barraud

Droit au blâme pour les frères Bogdanov

CorteX_Bogdanov_visage_Dieu Les frères Bogdanov sont comme un refrain pour les férus d’analyse critique.
  • Arguments d’autorité, prétention d’avoir un doctorat quelques années avant de l’avoir puis doctorat contesté : en octobre 2010, l’hebdomadaire Marianne avait publié des extraits d’un rapport du CNRS de 2003 affirmant que les thèses de doctorat passées par les frères Bogdanov n’avaient « pas de valeur scientifique ». Les deux animateurs avaient alors dénoncé un document « anonyme » provenant « d’individus isolés ».

Mais cette fois, comme l’écrit Ciel & Espace, « trop c’est trop » : après la condamnation du cosmologiste Alain Riazuelo, suite à une nouvelle procédure judiciaire des Bogdanov, une lettre ouverte est lancée revendiquant le droit au blâme.

Le 14 mars 2012, Alain Riazuelo a été condamné à 1 euro de dommages et intérêts et CorteX_justice_Bogdanov2000 euros d’amende avec sursis pour violation du droit d’auteur. Sur sa page web, où il osait critiquer les ouvrages et les thèses des jumeaux, il avait publié la version initiale de la thèse de Grichka Bogdanov sans lui avoir demandé sa permission…

Était-ce le réel motif de la plainte contre Alain Riazuelo ? « La violation du droit d’auteur était notre dernier moyen de le faire taire pour qu’il cesse de se comporter comme un délinquant », reconnaît en réalité Igor Bogdanov dans les colonnes du Monde (article ci-dessous). Comprendre : pour qu’il cesse de critiquer nos deux thèses et chacun de nos ouvrages (entachés pourtant de quelques arrangements avec la vérité).

Le 17 avril 2012, une dizaine de chercheurs s’étaient déjà interrogés sur la signification du jugement rendu le 14 mars (NdR : dans un texte intitulé Statut de la parole scientifique aujourd’hui). Cette fois, c’est plus de 170 chercheurs qui revendiquent leur « droit au blâme ».

L' »AFFAIRE BOGDANOFF » : LIBERTE, SCIENCE ET JUSTICE, DES SCIENTIFIQUES REVENDIQUENT LEUR DROIT AU BLAME

Le 26 avril 2012

Nous, scientifiques signataires de cette lettre, souhaitons tout d’abord rappeler que l’analyse détaillée des thèses et articles publiés par les frères Bogdanoff a montré à l’envi qu’ils n’ont pas de valeur scientifique, comme il ressort entre autres d’un rapport du Comité National de la Recherche Scientifique, que le journal Marianne a récemment rendu publiCorteX_justice_Bogdanovc.

Rappelons aussi que ces thèses seraient pour l’essentiel un patchwork de travaux publiés antérieurement par d’autres auteurs, comme l’a admis leur directeur de thèse dans une interview de 2002 au Figaro.

Rappelons enfin que les dysfonctionnements de la communauté scientifique, qui ont abouti à ce que les frères Bogdanoff publient néanmoins des articles et obtiennent le grade de Docteur de l’Université de Bourgogne, ont été également analysés, par exemple dans un texte publié en 2002 par la Société Française de Physique, signé de son vice-président, et ont suscité de salutaires auto-critiques comme le « mea culpa » de certains membres de leurs jurys ou des éditeurs de la revue Classical and Quantum Gravity.

La communauté scientifique ne pouvait donc être plus claire dans son jugement, confirmé par le fait que les travaux des Bogdanoff n’ont pas eu d’impact sur le développement de la science, comme le prouve le très faible nombre de citations de leurs articles dans les banques de données scientifiques.

L’affaire aurait dû en rester là mais les deux frères ont réagi à ces appréciations négatives de la communauté scientifique par des attaques « ad hominem » par voie de presse, comme l’illustre par exemple un article de Paris-Match de septembre 2011, et par des attaques en justice, dont Alain Riazuelo vient de faire les frais.

Alain Riazuelo, chercheur du CNRS à l’Institut d’Astrophysique de Paris, avait pris connaissance d’une ébauche de la thèse de Grichka Bogdanoff que celui-ci avait envoyée à un collègue, et sur laquelle les frères Bogdanoff s’appuient dans leur livre « Au commencement du temps ». Après l’avoir analysée il l’a postée sur son site personnel. Mal lui en a pris : il a subi un interrogatoire policier et a été assigné en justice par Grichka Bogdanoff qui lui a intenté un procès, non pour en avoir critiqué le fond, mais pour avoir reproduit et diffusé ce document sans son autorisation. Cette diffusion a été considérée par la justice comme une entorse à la loi, bénigne vue la légèreté de la peine : Alain Riazuelo a été condamné à une amende avec sursis et un euro de dommages et intérêts.

Nous souhaitons d’abord dire ici que nous soutenons sans réserve Alain Riazuelo, qui a défendu la Science* avec conviction, détermination et courage.

Nous souhaitons aussi dire avec force que cette décision de Justice ne doit en aucun cas être interprétée comme une condamnation de l’analyse qu’Alain Riazuelo a faite de ce document. Une telle analyse relève en effet de l’activité professionnelle des chercheurs dont un des rôles est d’étudier, de juger et, dans le cas présent de rejeter, tout travail se réclamant de leur domaine d’expertise.

De manière plus générale, la communauté scientifique a le droit, voire le devoir de blâme, lorsqu’il s’impose, et doit avoir la liberté de pouvoir argumenter ses jugements comme il lui semble, liberté qu’aucune pression, médiatique, policière ou judiciaire, ne doit altérer.

Nabila Aghanim (Institut d’Astrophysique Spatiale, Orsay), Aikel Ajmia (Université Paris Sud XI ), Evelyne Alecian (LESIA Observatoire de Paris-Meudon), Jean-Michel Alimi (CNRS – Observatoire de Paris-Meudon), Frédéric Arenou (GEPI Observatoire de Paris-Meudon), Jean-Luc Attéia (Université de Toulouse), Jean Audouze (CNRS-Institut d’Astrophysique de Paris), Christophe Balland (Université Paris Sud), David Baratoux (Université de Toulouse), Rémi Barbet-Massin (CPGE Henri IV Paris), Domingos Barbosa, (Radioastronomy Group, Institut de Télécommunications, Portugal), Didier Barret (CNRS Université de Toulouse), Frédéric Baudin (CNRS-Université Paris 11), Jean-Philippe Beaulieu (CNRS-Institut d’Astrophysique de Paris), Xavier Bekaert (Université de Tours), Raoul Behrend (Observatoire de Genève), Olivier Berné (CNRS Université Toulouse), Philippe Besse (Université de Toulouse), Matthieu Béthermin (CEA Saclay), Olivier Bienaymé (Observatoire astronomique de Strasbourg, CNRS, Université de Strasbourg), Guillaume Blanc (Université Paris 7), Alain Blanchard (Université de Toulouse), Luc Blanchet (CNRS-Institut d’Astrophysique de Paris), Céline Boehm (Durham University & LAPTH Université de Savoie), Patrick Boissé (Université Pierre et Marie Curie), Samuel Boissier (CNRS – Université Aix Marseille), Guillaume Bossard (CNRS – Ecole Polytechnique), Samuel Bottani (Université Paris Diderot), François R. Bouchet (CNRS-Institut d’Astrophysique de Paris), Jacques Le Bourlot (Professeur, Université Paris-Diderot & Observatoire de Paris), Philippe Brax (CEA Saclay), Edouard Brézin (LPT Ecole Normale Supérieure), Martin Bucher (Université Paris XI), Denis Burgarella (Laboratoire d’astrophysique de Marseille), Rémi Cabanac (Université de Toulouse), Damien Calaque (Université Claude Bernard Lyon 1), Pierre Cartier (CNRS – Université Paris-Diderot et IHES), Michel Cassé (CEA Saclay), Corinne Charbonnel (Université de Genève, Suisse, et CNRS-Toulouse), Yann Clénet (Observatoire de Paris), Suzy Collin-Zahn (Observatoire de Paris-Meudon), Stéphane Colombi (CNRS-UPMC), Francoise Combes (Observatoire de Paris), Vincent Coudé du Foresto (LESIA Observatoire de Paris), Morgane Cousin (Institut d’Astrophysique Spatiale, Orsay), Michel Crézé (Université de Bretagne Sud et Université Paris 7), Alain Cros (CNRS – Toulouse), Frédéric Daigne (Université Pierre et Marie Curie), Emmanuel Davoust (Université de Toulouse), Jean-Pierre Dedieu (Institut de Mathématiques de Toulouse), Claire Demuynck (Université Lille1), Karine Demyk (CNRS-Université de Toulouse), Nathalie Deruelle (CNRS-Paris 7), Joaquin Diaz-Alonso (LUTH Observatoire de Paris-Meudon), Hervé Dole, (Univ. Paris-Sud, CNRS), Noël Dolez (CNRS IRAP Observatoire Midi-Pyrénées), Marian Douspis (Institut d’Astrophysique Spatiale, Orsay), Chantal Duprez (Maître de conférences de physique en retraite), Ruth Durrer (Université de Genève), Christian Duthu (Observatoire du Pic du Midi), Michel Dyakonov (Université Montpellier 2), Jean Eisenstaedt, (Observatoire de Paris-CNRS), Gilles Esposito-Farese (Institut d’Astrophysique de Paris), Guillaume Faye, (CNRS Paris 6), Pierre Fayet (Ecole Normale Supérieure), François Forme, (Université Paul Sabatier, Toulouse), Pascal Fouqué (Université de Toulouse), Alexandre Gallenne (Observatoire de Paris), Anne-Lise Gautier (LESIA Observatoire de Paris), Mathieu Génois, (Université Paris Diderot), Martin.Giard (IRAP, CNRS-Université de Toulouse), Julien N. Girard (LESIA Observatoire de Paris-Meudon), Éric Gourgoulhon (Observatoire de Paris / CNRS / Université Paris Diderot), Philippe Grandclément (Observatoire de Paris), Jean-Pierre Guelfucci (Université Toulouse 3), Bruno Guillet (Universite de Caen Basse Normandie), Jean-Louis Heudier (Observatoire de la Cote d’Azur), Henk Hilhorst (Université Paris XI), Peter Horvathy (LMPT, Universite de Tours), Elsa Huby (LESIA Observatoire de Paris)), Cyril Hugonie (UM2, Montpellier), Emmanuel Humbert (Université de Tours), Pierre Jean (Université de Toulouse), Marc Knecht (CNRS – Université Aix-Marseille), Laurent Koechin (IRAP Université de Toulouse), Christoph Kopper (CPHT Ecole Polytechnique), Daniel Kunth (Institut d’Astrophysique de Paris), Jean-Michel Lamarre (LERMA, Observatoire de Paris), Xavier Lambert (Université de Toulouse II), Laurent Lamy (LESIA Observatoire de Paris), Jean-Pierre Lasota (CNRS-Institut d’Astrophysique de Paris), Julien Lavalle (CNRS- Université Montpellier II), Vincent Le Brun (Laboratoire d’Astrophysique de Marseille- Université d’Aix-Marseille), Michèle Leduc (Laboratoire Kastler Brossel CNRS), Alain Léger (Institut d’Astrophysique Spatiale, Orsay), Roland Lehoucq (CEA Saclay), Francois Lignières (Université de Toulouse), Marceau Limousin (Laboratoire d’astrophysique de Marseille), Raphaël Loubère (CNRS-Université de Toulouse), Brice Lousteau (Université de Toulouse), Jean-Pierre Luminet (CNRS-Observatoire de Paris-Meudon), Bruno Macke (Université Lille I -CNRS.), Jacques Magnen (CPT Ecole Polytechnique), Gary Mamon (Institut d’Astrophysique de Paris), Michel Marcellin (CNRS-LAM, Marseille), Jean-Baptiste Marquette (CNRS/UPMC – IAP), Jérome Martin (CNRS-Paris 6), Jean Matricon, Loïc Maurin (Université Paris-Diderot), Philippe Mathias (Université de Toulouse), Roya Mohayaee (Institut d’Astrophysique de Paris), Léonard Monsaingeon (Institut de Mathématiques de Toulouse), Miguel Montargès (Observatoire de Paris – Meudon), Bertrand Monthubert (Université de Toulouse) , Patrick Mora (CNRS-Ecole polytechnique), Stéphane Munier (CNRS-École Polytechnique), André Neveu (UM2, Montpellier), Eric Nuss (LUPM, Université Montpellier 2), Alain Omont (CNRS-Institut d’Astrophysique de Paris), Henri Orland (IPhT CEA Saclay), Jean Orloff (Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand), François Pajot (CNRS-Université Paris Sud), Thibaut Paumard (Observatoire de Paris), Roser Pello (Université de Toulouse), Daniel Péquignot (Observatoire de Paris-Meudon), Guy Perrin (LESIA Observatoire de Paris), Jose-Philippe Perez (Université de Toulouse), Denis Pesme (CPT Ecole Polytechnique), Patrick Peter (CNRS-Institut d’Astrophysique de Paris), Patrick Petitjean (Institut d’Astrophysique de Paris), Bernard Pire (CPT Ecole Polytechnique), Cyril Pitrou (Institut d’Astrophysique de Paris), Etienne Pointecouteau (CNRS – Université de Toulouse), Jean-Loup Puget (Institut d’Astrophysique Spatiale, Orsay), Denis Puy, (Université des Sciences Montpellier II), Eric Ragoucy (CNRS-LAPTH Université de Savoie), Damien Rambaud (IRAP, Université de Toulouse), Laurent Ravera (CNRS – Université de Toulouse), Michel Rieutord (Université de Toulouse), Christophe Ringeval (Uniersité de Louvain), Françoise Roques (Observatoire de Paris-Meudon), Cyrille Rosset (CNRS-APC-Paris 7), Daniel Rouan (Observatoire de Paris-Meudon), Carlo Rovelli (Université Aix-Marseille), Lionel de Sá (CEA/DSM/SAp & LERMA Observatoire de Paris), Pierre Salati (Université de Savoie), Arnaud Sevin (LESIA Observatoire de Paris), Paul Sorba (LAPTH Université de Savoie), Geneviève Soucail (Université de Toulouse), Mark Spivakovsky, (CNRS-Institut de Mathématiques de Toulouse), Danièle Steer (Universite de Paris 7), Jean-Francois Sygnet (CNRS-Institut d’Astrophysique de Paris), Pascal J. Thomas (Institut de Mathématiques de Toulouse), Frank Thuillier (LAPTH Université de Savoie), Petar Todorov (Observatoire de Paris), Laurence Tresse (Laboratoire d’Astrophysique de Marseille), Marie Treyer (Laboratoire d’Astrophysique de Marseille), Jean-Philippe Uzan (CNRS-Institut d’Astrophysique de Paris), Bruno Vallette (Université de Nice Sophia-Antipolis), Charlotte Vastel (Observatoire Midi-Pyrénées), Sébastien Vauclair (Cosmodiff Toulouse), : Jean-Claude Vial (Institut d’Astrophysique Spatiale, Orsay), Alfred Vidal-Madjar (Emerite, IAP-CNRS-UPMC), Daniel Vignaud (Universite de Paris 7), Jacques Vigué (LCAR, CNRS – Université de Toulouse, UPS), Chrsitiane Vilain (LUTH Observatoire de Paris-Meudon), Loïc Villain (Université de T
ours), Frédéric Vincent (Université Paris 7), Jean-Paul Zahn (Observatoire de Paris) , Yves Zolnierowski (Université de Savoie)

Sans se prononcer sur l’opportunité d’une diffusion d’un rapport préliminaire, le Collectif de Recherche Transdisciplinaire Esprit Critique & Sciences s’associe évidemment au devoir de vigilance vis-à-vis de telles pratiques et de tels personnages, courroies de transmission de la pseudoscience-pop.

Le CorteX

*Nous tiquons, bien sûr, sur le mot Science qui veut dire tellement de choses. On pourra lire à ce sujet La science – Base d’entraînement pour les enseignants qui voudraient parler de science.

De la difficulté d’être darwinien – l'énigme pédagogique des éléphants sans défenses

CorteX_elephantVoici un extrait de la publication de notre collègue Gérald Bronner « La résistance au darwinisme : croyances et raisonnements » dans la Revue française de sociologie* qui offre un outil magistral aux enseignants.
.
J’ai (RM) tenté de reproduire l’énigme moi-même dans mes enseignements (voir deuxième partie).

(…)  Si l’on réalisait une enquête pour savoir si les Français adhèrent aux thèses de Darwin, on obtiendrait sans doute des résultats assez différents de ceux du sondage CorteX_Gerald_Bronneraméricain. Il est possible d’imaginer que nos compatriotes se déclareraient plus volontiers darwiniens que leurs voisins d’outre-Atlantique, pourtant il serait sage de rester sceptique face à ces résultats. En effet, pour prendre ce genre de déclarations au sérieux, il faudrait être assuré que le sens commun conçoit clairement ce qu’être darwinien signifie, ce dont il est permis de douter.

Pour tester cette idée, nous avons réalisé une expérimentation (18) qui consistait à soumettre 60 individus à une situation énigmatique qui, précisément, concernait les métamorphoses du vivant. Cette situation réelle avait été relayée, faiblement, par la presse (19) et était de nature à mesurer les représentations ordinaires de l’évolution biologique.

L’énoncé de l’énigme était lu lentement aux sujets volontaires. En plus de cette lecture, cet énoncé était proposé sous forme écrite et l’entretien ne commençait que lorsque le sujet déclarait avoir compris parfaitement ce qui lui était demandé. Il lui était laissé ensuite tout le temps qui lui paraissait nécessaire pour proposer une ou plusieurs réponses à cette énigme. La grille d’entretien avait été conçue pour inciter l’interviewé à donner toutes les réponses qui lui viendraient à l’esprit, attendu que ce sujet n’impliquait pas (en particulier en France), a priori, une charge idéologique ou émotionnelle forte, de nature à susciter des problèmes d’objectivation ou de régionalisation (20).

Trois critères présidèrent à l’analyse de contenu de ces 60 entretiens.

1) Le critère de spontanéité : il consistait à mesurer l’ordre d’apparition des scénarios dans le discours. En d’autres termes, on cherchait à voir quelles seraient les solutions qui viendraient le plus facilement à l’esprit des individus face à l’énigme.

Le critère de récurrence : il consistait à mesurer le nombre d’évocations du même type de scénario dans un entretien.

3) Le critère de crédibilité : à la fin de l’entretien, on demandait à l’interviewé celui, d’entre les scénarios qu’il avait évoqués, qui lui paraissait le plus crédible. On demandait par exemple : « Si vous aviez à parier sur l’une des solutions de l’énigme que vous avez proposées, laquelle ferait l’objet de votre mise ? »

Ces critères furent mobilisés pour mesurer les rapports de force entre les différents discours possibles, les solutions imaginées, pour résoudre l’énigme.

J’ai retenu, en outre, le critère d’évocation simple qui mesurait le nombre de fois où un scénario avait été évoqué globalement, sans tenir compte de l’ordinalité ou des récurrences dans les différents discours et un critère d’évocation pondérée qui croisait le critère de spontanéité et celui de récurrence (21).

La population des sujets de l’expérimentation fut échantillonnée selon deux éléments.

  1. Le diplôme : tous les interviewés devaient être titulaires du baccalauréat. On s’assurait ainsi qu’ils avaient tous été familiarisés avec la théorie de Darwin, à un moment ou à un autre de leur scolarité.
  2. L’âge : la règle préliminaire de cette enquête était de mettre en oeuvre l’idée d’une dispersion. Pour contrôler cette dispersion autour des valeurs centrales (l’âge moyen était de 37 ans), j’ai rapporté l’intervalle interquartile à l’étendue. Le premier représentant plus de 50 %(59 %) de la seconde, on s’assurait ainsi d’éviter des phénomènes de concentration des âges. Cette expérimentation fut menée de novembre 2005 à janvier 2006, principalement auprès de personnes vivant en Île-de-France (N = 49), et tous en Métropole (Lorraine N = 4, Haute-Normandie N = 4, Midi-Pyrénées N = 3). Cette population était composée de 33 femmes et 27 hommes, de cadres, professions intellectuelles et supérieures (N = 14), de professions intermédiaires (N = 17), d’employés (N = 7), d’étudiants (N =11), de chômeurs(N = 5), de retraités (N = 4), d’un agriculteur exploitant et d’une femme au foyer.

Cette situation énigmatique, tirée d’un fait réel (22), fut donc soumise à ces 60 personnes sous la forme suivante :

« À l’état sauvage, certains éléphanteaux sont porteurs d’un gène qui prévient la formation des défenses. Les scientifiques ont constaté récemment que de plus en plus d’éléphanteaux naissaient porteurs de ce gène (ils n’auront donc pas de défenses devenus adultes). Comment expliquez cette situation ? »

Vous pouvez tenter de répondre à cette question. Puis cliquez là.

* Bronner G., La résistance au darwinisme : croyances et raisonnements, Ophrys, Revue française de sociologie 2007/3 – Volume 48. Télécharger. Avec l’aimable autorisation de Gérald Bronner.

(18) Je remercie ici la promotion de maîtrise de sociologie de l’université Paris-Sorbonne 2005 sans l’aide matérielle de laquelle cette recherche eût été beaucoup affaiblie.

(19) Un encart de quelques lignes dans Libération (19/07/2005).

(20) Blanchet et Gotman (1992).

(21) Cette mesure n’est pas sans évoquer ce que les psychologues sociaux nomment l’analyse prototypique et catégorielle qui consiste à croiser le rang d’apparition de l’élément et sa fréquence dans le discours et à effectuer ensuite une typologie autour d’éléments sémantiquement proches. Un classement d’éléments cognitifs peut alors être obtenu soulignant le caractère central de certains d’entre eux. Sur ce point voir Vergès (1992, 1994).

(22) Sa réalité était sans doute un avantage, un autre était que le fait était passé presque inaperçu. On ne pouvait donc pas s’attendre à ce que les interviewés connaissent la solution de cette énigme comme cela aurait pu être le cas si j’avais choisi de les faire réfléchir sur la célèbre « affaire » des papillons Biston betularia, plus connus sous le nom de « géomètres du bouleau » ou « phalène du bouleau », dont le phénotype dominant changea au XIXe siècle dans la région de Manchester. Cette constatation inspira une expérience fameuse, menée entre 1953 et 1955 par le biologiste Bernard Kettlewell, et relatée dans tous les manuels de biologie évolutive. Cette recherche fournit, pour la première fois, la preuve expérimentale de l’existence de la sélection naturelle.

Entraînez-vous ! Détection du finalisme et de l'anthropomorphisme

Difficile de parler des mécanismes de l’évolution des espèces sans utiliser un vocabulaire ou des expressions anthropomorphiques ou finalistes. On les retrouve cachées dans des expressions telles que « les poils (humains) ont disparu car nous n’en n’avions plus besoin« . Plus subtil, le terme « pour » lorsque l’on évoque par exemple le long cou des girafes pour attraper la nourriture haut dans les arbres. Si ce « pour » a comme signification « leur permettant de », il est acceptable car extérieur à la volonté de l’animal, mais dans l’esprit de beaucoup de gens, ce « pour » signifie « dans le but de » ou « dans l’intention de ». Nous pensons que ce type de formulations a un effet dévastateur sur les conceptions d’un public qui, soi-disant, est demandeur de choses faciles et rapides à digérer, se complaisant dans l’image et le sensationnel. Il est tout à fait possible qu’un reportage mou et long sur la reproduction des taupes ne suscite pas le même engouement qu’un documentaire déjanté sur les plus gros insectes du monde. Mais ce faux dilemme ne doit pas nous empêcher d’imaginer ces mêmes documentaires, et sexy et rigoureux scientifiquement, sans aucun compromis entre justesse de vocabulaire et audience.

Si vous avez vous aussi des exemples à partager, vous pouvez nous écrire : contact@cortecs.org

Denis Caroti


Dans l’extrait suivant d’un documentaire réalisé en 2004 et diffusé sur France 5 en 2008 (Petites bêtes et grosses frayeurs – World’s Biggest and Baddest Bugs), nous avons détecté quelques-unes de ces utilisations. Nicolas Montes ayant travaillé sur ce décorticage, nous retranscrivons ici ses remarques. Merci à lui pour cette analyse !

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=JblvtnC4_Qs]

A télécharger ici

1/ Analyse du vocabulaire

L’anthropomorphisme est l’attribution de caractéristiques comportementales ou morphologiques humaines à d’autres entités comme des animaux, des objets ou des phénomènes.
On peut relever une série de mots à fort effet impact, intégrée dans une scénarisation guerrière (voir technique du carpaccio) : le vocabulaire de combat est tel qu’on pourrait l’entendre dans la description de conflits humains actuels, avec des qualificatifs anthropomorphiques, c’est-à-dire qui confèrent à l’animal des sentiments humains ou des valeurs morales.
  • « Le féroce Casoar »

Féroce : qui se plait dans le meurtre, cruel (Dictionnaire Littré)

  • « Les armes de la mante »
  • « Les pattes extraordinaires de la mante… »
Extraordinaire a un sens ambigu : qui sort de l’ordinaire sans préciser quel ordinaire ou quelle normalité. Par exemple, ordinaire pourrait signifier des pattes de sauterelles ? Mais les pattes de sauterelles ne sont-elles pas « extra-ordinaires » par rapport à celles du chien par exemple ?
  • « Cet insecte a sacrifié deux de ses six pattes… »
  • « … des machines à tuer »
  • « … servir de proie à des tueurs »

2/ Finalisme (téléologie), anthropomorphisme et erreurs

  • « Les armes préférées de la mante religieuse sont ses pattes extraordinaires »

CorteX_mante_armeeLa mante n’a pas de préférences dans le choix de « ses armes ». C’est un anthropomorphisme. De plus, « armes préférées » signifie qu’elle en a d’autres, on peut se demander lesquelles ? Qui plus est, le fait même d’utiliser « armes » est un terme téléologique, avec une finalité, alors que l’évolution ne fonctionne pas avec une finalité : seuls ont survécu les individus ayant cette caractéristique qui leur a permis d’assurer une plus grande descendance que ceux qui ne l’avaient pas, ceci dans le milieu où ils vivent.

  • « Cet insecte a sacrifié deux de ses six pattes pour en faire exclusivement des machines à tuer »

Elle n’a pas « sacrifié » ses pattes (mais il y a eu, au cours du temps, sélection naturelle de la variation « pattes antérieures ravisseuses »)
Ce « sacrifice » s’est fait à l’échelle historique et de l’espèce (et pas de l’individu visible sur le film).

  • « Cet insecte a sacrifié deux de ses six pattes pour en faire exclusivement des machines à tuer »

La sélection naturelle n’a pas de but. Ni la mante, ni la sélection naturelle n’ont « fabriqué » intentionnellement des machines à tuer (le fameux « pour » auquel il est très difficile de ne pas avoir recours mais dont il faut, rappelons-le, particulièrement se méfier). C’est une vision finaliste.

  • « Cet insecte a sacrifié deux de ses six pattes pour en faire exclusivement des machines à tuer »

Cette affirmation est fausse puisque ces pattes servent aussi à la locomotion.

Nicolas Montes