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Journalisme, critique de l'information – Les Nouveaux chiens de garde

CorteX_Halimi_Chiens_GardeLes nouveaux chiens de garde est un essai de Serge Halimi, actuel directeur du Monde Diplomatique, paru en 1997, actualisé en 2005 et ayant pour particularité d’avoir été un grand succès de librairie (environ 150 000 exemplaires) sans jouer du marketing télévisuel qu’il dénonce dans ses pages.

 


 

J’ai lu ce livre étant encore étudiant, et j’avoue que ma naïveté prit une certaine claque. En quatre chapitres, Halimi dénonce la collusion et la mondanité entre les pouvoirs médiatiques, économiques et politiques, donnant l’impression qu’entregent, népotisme et jeu de chaise musicale sont les maîtres mots de la classe (la caste) dirigeante. Il pointe aussi la soumission des pouvoirs médiatiques aux sociétés ou industries qui les possèdent*.

Je n’ai pas le recul pour en être certain, mais il me semble que c’est l’un des ouvrages centraux qui ont, avec l’entrée en lice du sociologue Bourdieu, mené à une critique intellectuelle radicale des médias dans les années 2000, donnant les films de Pierre Carles, les émissions de Gilles Balbastre, le livre de François Ruffin Les petits soldats du journalisme, ainsi que des journaux de contestation comme CQFD, PLPL devenu le Plan B, Fakir.

 

Anecdote, le titre fait un clin d’œil au livre de l’essayiste Paul Nizan Les chiens de garde (1932), dans lequel les philosophes les plus célèbres prenaient une sévère déculottée. Halimi commence son livre avec cette phrase de Nizan : « Nous n’accepterons pas éternellement que le respect accordé au masque des philosophes ne soit finalement profitable qu’au pouvoir des banquiers. » et la termine par cet appel à l’esprit critique qui ne manquera pas de nous réchauffer le cœur :

« Parlant des journalistes de son pays, un syndicaliste américain a observé: « Il y a vingt ans, ils déjeunaient avec nous dans des cafés. Aujourd’hui, ils dînent avec des industriels. » En ne rencontrant que des « décideurs », en se dévoyant dans une société de cour et d’argent, en se transformant en machine à propagande de la pensée de marché, le journalisme s’est enfermé dans une classe et dans une caste. Il a perdu des lecteurs et son crédit. Il a précipité l’appauvrissement du débat public. Cette situation est le propre d’un système: les codes de déontologie n’y changeront pas grand-chose. Mais, face à ce que Paul Nizan appelait « les concepts dociles que rangent les caissiers soigneux de la pensée bourgeoise », la lucidité est une forme de résistance. »

En clair, il s’agit d’un livre incontournable de la critique des médias en France. Les Nouveaux Chiens de garde, Liber-Raisons d’agir, novembre 2005, 160 p.


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Le 11 janvier 2012, une version documentaire des Nouveaux chiens de garde réalisée par Gilles Balbastre et Yannick Kergoat sort en salle.

 
 
 
 


 
Voici la bande-annonce.

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Description :

Les médias se proclament « contre-pouvoir ». Pourtant, la grande majorité des journaux, des radios et des chaînes de télévision appartiennent à des groupes industriels ou financiers intimement liés au pouvoir. Au sein d’un périmètre idéologique minuscule se multiplient les informations pré-mâchées, les intervenants permanents, les notoriétés indues, les affrontements factices et les renvois d’ascenseur.

 

En 1932, Paul Nizan publiait Les Chiens de garde pour dénoncer les philosophes et les écrivains de son époque qui, sous couvert de neutralité intellectuelle, s’imposaient en gardiens de l’ordre établi. Aujourd’hui, les chiens de garde, ce sont ces journalistes, éditorialistes et experts médiatiques devenus évangélistes du marché et gardiens de l’ordre social. Sur le mode sardonique, Les Nouveaux chiens de garde dressent l’état des lieux d’une presse volontiers oublieuse des valeurs de pluralisme, d’indépendance et d’objectivité qu’elle prétend incarner. Avec force et précision, le film pointe la menace croissante d’une information pervertie en marchandise.

Pour l’instant, au CorteX  seule Guillemette Reviron l’a vu (analyse à venir).
Une analyse de ce documentaire a été proposée par l’équipe de Là-bas si j’y suis, sur France Inter, les 5 et 6 janvier 2012, avec Jean Gadrey, Michel Naudy, Gilles Balbastre et Serge Halimi.
Voici les extraits de ces émissions :
Émission du 5 janvier  : Émission du 6 janvier :

 

Richard Monvoisin

 

*à ce sujet, nous vous renvoyons vers le cycle d’émissions Années 80 de Là-bas si j’y suis, rediffusées du 22 au 30 novembre 2011 sur France Inter (ici) et qui sera bientôt incorporé à l’article « Matériel d’économie critique » (à venir)

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16,17,30 janvier, Montpellier – Stage Médias, pseudo-sciences et esprit critique

Ce stage de trois jours destiné aux doctorants aura lieu pour la deuxième année consécutive à Montpellier. L’objectif est d’analyser les mécanismes de vulgarisation ou de popularisation des sciences et d’évaluer leur responsabilité dans le fait que les affirmations pseudoscientifiques perdurent. Partant d’exemples simples (scénarisations, mises en scène, effets de couverture sur des revues comme Sciences & Avenir), l’enjeu est ensuite de complexifier : construction de mythes scientifiques, analyse de personnages médiatiques comme Hawking, Coppens, Reeves, Hulot ou incursion de la politique dans la science (détection de la délinquance, chiffres de la délinquance, positions « pseudoscientifiques » de N. Sarkozy sur la génétique, réactions sur l’enseignement du genre au lycée, créationnismes, lois mémorielles et la fabrique politique de l’Histoire, etc).

CorteX_S_et_Av_aout_2003

En abordant la question de la fraude et des dérives actuelles des systèmes de publication scientifiques, nous essayons de voir en quoi la manière dont la science s’écrit ou se montre alimente les représentations erronées et « fabrique » l’opinion.

Les futurs docteurs fournissent en fin de stage un exposé pédagogique, ou un document filmé, sur le sujet de leur choix, en ciblant leur effort sur la démarche critique utilisée.

Formation assurée par Guillemette Reviron

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Médecine, ostéopathie, traitement de l'info – l'art de plier sous la pression

CorteX_osteopDidier Sicard est un ponte de la médecine française, et entre autres ancien président du Comité consultatif national d’éthique. Invité dans la Tête au Carré sur France Inter pour une émission sur les origines de la médecine, l’émission commence plutôt bien. Didier Sicard prend pour illustrer son propos l’ostéopathie (dont les fondements magico-théologiques par Still sont connus et critiqués [1]).

 

Quelques minutes plus tard, pluie de messages, entre autres d’ostéopathes ou de patients mécontents. Il va alors se passer un phénomène tout à fait sidérant : Monsieur Sicard va revenir sur ce qu’il a dit, s’emberlificoter les pinceaux, et finir par dire l’inverse de ce qu’il défendait au départ.

Complaisance ? Craquement sous la pression (certes forte des milieux ostéopathes – voir l’ouvrage de J-M. Lardry chroniqué là) ? Nous ne savons pas. Ce que nous savons par contre, c’est que tout et son contraire peuvent être dits à quelques minutes d’intervalles sur une émission de science en France.

Le mieux étant de juger sur pièces, j’ai coupé le premier passage, assez pertinent, puis le second, liés par un jingle [2]. J’ai retranscrit les propos qui se contredisent ci-dessous.

Passons sur les lieux communs du présentateur sur la « médecine officielle ».

D. Sicard :

(…) Coexistent dans notre pays par exemple des rhumatologues et les ostéopathes. Les ostéopathes n’ont pas de prétention à avoir une science médicale rationnelle et pourtant, le citoyen qui a mal dans le genou va aller voir son rhumatologue puis en même temps va aller voir quelques fois son ostéopathe, avec des résultats variables. Mais… ce n’est pas parce qu’il y a le recours à une irrationalité que ce n’est pas une médecine. (…)

(Quelques minutes passent)

M.Vidard :

(…) Didier Sicard, vous avez beaucoup chatouillé les ostéopathes tout à l’heure, on recoit pas mal de courriels, celui de Christian par exemple qui nous dit :

« Dire que l’ostéopathie est irrationnelle, de même que dire que la médecine occidentale est attentive et humble, c’est tout aussi fort. Si les médecins connaissaient l’anatomie aussi bien que les ostéopathes, ça serait déjà pas mal ».

Et puis un autre auditeur :

« Le docteur Sicard a-til eu la curiosité de consulter les programmes de formation des ostéopathes, et même d’expérimenter lui-même une séance ? Si l’ostéopathie relève de l’irrationnel, dans ce cas que dire de la kinésithérapie ? »

D. Sicard :

Je n’ai pas dit que c’était irrationnel… ce n’est pas forcément (?) la même rationnalité. Et les concepts de vertèbre déplacée ne correspondent pas aux concepts de médecine. Je ne dis pas que c’est une irrationnalité, c’est une autre forme de rationalité extremement efficace.

M.Vidard :

Ah ben c’est pas pareil alors.

D. Sicard :

…Oui mais j’ai jamais dit que c’était irrationnel, je dis simplement que… c’est une autre approche, et que… la médecine […] a fini par abandonner le corps, l’examen, or les ostéopathes connaissent parfaitement le corps, ont une plus grande conscience – et c’est le paradoxe – que les médecins dans l’approche du corps. Mais on peut pas tenir l’ostéopathie et la médecine sur la même unité de raisonnement sur ce qu’on appelle la causalité des douleurs, la physiopathologie, c’est une approche différente, mais comme depuis 5000 ans il y a toujours eu des multiples approches du corps et que la médecine n’a pas le monopole d’une approche rationnelle. Mais les ostéopathes ne sont pas du tout des charlatans, c’est une vraie médecine.

Extraordinaire explosion en vol, assez incompréhensible, piquée d’affirmations toutes plus étranges les unes que les autres et qui rappellent le café du commerce. Que signifie « la médecine ait fini par abandonner le corps, l’examen » ? Sur quelles données peut-on dire que « les ostéopathes connaissent parfaitement le corps, ont une plus grande conscience » [que les médecins] ? Pour dire « les ostéopathes ne sont pas du tout des charlatans« , fallait-il qu’il se pense suspecté de penser cela ? Je reste également perplexe devant cette affirmation : « la médecine n’a pas le monopole d’une approche rationnelle« . Pourtant, rares sont les « médecines » alternatives qui revendiquent une approche rationnelle, bien au contraire ! Il s’agit généralement de retourner vers l' »intuitif », la sensation.

Enfin, l’ostéopathie, c’est une « vraie médecine » ? Y aurait-il de fausses médecines ? Certes, tout dépend du mot médecine. Et paradoxalement, c’est le livre de D. Sicard qui est censé nous éclairer sur la définition du mot.

Deux choses me fascinent : d’une part, qu’il y ait un enjeu tel autour de la désignation de l’ostéopathie que ça fasse craquer un médecin renommé. D’autre part, que le présentateur, faussement subversif, laisse dire tout et son contraire à son micro pourtant financé par l’argent public.

Le débat serait plus simple posé ainsi : l’ostéopathie est-elle une science, qui se valide, se réfute, progresse, se corrige, etc. ? A l’école de Kinésithérapie de Grenoble, le débat scientifique commence.

Richard Monvoisin

[1] L’ostéopathie à la radio a déjà fait l’objet d’un TP ici. [2] Merci à Prince Rogers Nelson.

https://cortecs.org/exercices/a-decortiquer-l-pourquoi-losteopathie-peut-faire-du-bien-a-votre-bebe-r-france-info-janvier-2
CorteX_sentiers_utopie

Sociologie, sciences politiques – critique de "Les sentiers de l'utopie" par Franck Poupeau

CorteX_sentiers_utopieEn novembre 2011, le journal Monde Diplomatique a présenté un article signé Franck Poupeau, qui chroniquait le livre Les sentiers de l’utopie, d’Isabelle Fremeaux et John Jordan, un ouvrage sur la reconstitution de communautés destinées à faire émerger « un autre monde ». 

Franck Poupeau fait dans le mensuel une analyse politique de cet ouvrage (accompagné d’un film documentaire, cf. plus bas) dont il pointe les paradoxes et les limites : gens « exceptionnels », individualisme, élitisme, autant de raisons qui font de ces utopies fort sympathiques des modèles peu subversifs, et assez peu transposables à l’échelle mondiale.

 

Lundi 21 novembre, dans Là-bas si j’y suis sur France Inter, Franck Poupeau détaillait un peu son article, et faisait une analyse critique dont le début est reporté ci-dessous.

Voici l’extrait audio (environ 7mn) :

Richard Monvoisin


 

Le Monde Diplomatique, novembre 2011, p. 20

Peut-on changer le monde ?

Des gens formidables…

Lassés du simulacre démocratique et des organisations contestataires, des individus se regroupent et raniment la tradition communautaire. Avec quel horizon ?

L’élaboration de contre-modèles globaux au système capitaliste fait l’objet d’une intense réflexion dans les cercles de la gauche radicale, souvent accusée, bien injustement, de « ne rien proposer ». Mais une autre tendance se fait jour depuis quelques années : la reconstitution de communautés décidées à rompre avec la société de consommation et la politique institutionnelle. On en trouve une bonne illustration dans l’ouvrage publié par deux militants de l’altermondialisme, Isabelle Fremeaux et John Jordan — ce dernier étant un artiste connu pour son rôle dans le collectif Reclaim the Streets, étendard des « nouvelles formes » de protestation au tournant des années 1990-2000 .

Ce livre-film (un documentaire-fiction accompagne le texte papier) se présente comme un itinéraire initiatique et exploratoire au sein de diverses communautés susceptibles de faire émerger un autre monde. Le « Camp Climat » installé illégalement aux abords de l’aéroport de Heathrow en banlieue de Londres, un hameau des Cévennes devenu une « commune libre » gérée par des punks, des usines occupées en Serbie, ou le Zentrum für Experimentelle Gesellschaftsgestaltung (ZEGG), un camp de l’« amour libre » sis sur une ancienne base de la Stasi, sont quelques-unes des étapes marquantes de ce récit politique et poétique dont l’écriture parvient à restituer les émotions suscitées par les rencontres successives avec des êtres, des mots et des choses.

Si le choix des sites, diversifié et exemplaire, livre un panorama européen des utopies communautaires contemporaines, il est cependant difficile d’échapper à un sentiment ambivalent de frustration et d’irritation mêlées — un peu comme face à ces acteurs lisses des séries américaines qui collent si bien à leur rôle qu’on attendrait presque avec impatience la première fausse note dans leur interprétation. La description des expériences alternatives suit la plupart du temps le même schème narratif : les deux explorateurs, à la fois voyageurs, écrivains, analystes politiques, artistes, bohèmes, bref sans identité assignable si (…) La suite .

 

Les sentiers de l’utopie – documentaire 2010

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Cycle de conférences à l'Alcazar

CorteX_AlcazarEn partenariat avec la bibliothèque municipale de Marseille L’Alcazar, le CorteX organise un cycle de conférences autour du thème Esprit critique et Sciences.

De septembre à décembre 2011 et de février à juin 2012, les mercredis de 17h à 19h, la bibliothèque municipale de Marseille l’Alcazar accueille le CorteX et ses collaborateurs pour un cycle conférences. C’est autour du thème Esprit critique et Sciences que nous avons voulu concentrer nos efforts avec un seul objectif : présenter une information critique rigoureuse et accessible pour faire nos choix en connaissance de cause.

L’entrée est libre, venez nombreux(ses) !

Le programme :

– Mercredi 28 septembre 2011 : L’astrologie est-elle scientifique ? par Denis Caroti
– Mercredi 26 octobre 2011 : Le concept de Nature et ses dérives par Guillemette Reviron
– Mercredi 16 novembre 2011 : La conscience laïque dans les sciences par Guillaume Lecointre
– Mercredi 23 novembre 2011 : Médecines et pratiques non conventionnelles : comment s’y retrouver ? par Richard Monvoisin
– Mercredi 14 décembre 2011 : Zététique : l’Art du doute par Henri Broch
Mercredi 1er février 2012 : Sciences et esprit critique par Denis Caroti
Mercredi 7 mars 2012 : Psycho-pop, psychologies de comptoir et leurs dérives, par Nicolas Gaillard
Mercredi 4 avril 2012 : Thérapeutiques manuelles, comment s’y retrouver ?, par Nicoals Pinsault
– Mercredi 2 mai : Comment (se) tromper avec les statistiques, par Nicolas Gauvrit
– Mercredi 6 juin : Journalisme, science et probité intellectuelle, par Richard Monvoisin
 




 
Lieu : Bibliothèque de L’Alcazar, 58 Cours Belsunce, 13001 Marseille
Contact : accueil-bmvr@mairie-marseille.fr

 

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Dans la secte – BD sur la mécanique sectaire

Les mécaniques d’emprise sectaire sont assez peu intuitifs, et lorsque nous abordons ces sujets, qui viennent vite dans nos enseignements, il nous faut d’abord balayer quelques idées reçues, puis détailler les techniques classiques utilisées consciemment ou non par les mouvements pour capter un individu, et progressivement le soumettre à un système aliénant. Nous utilisons pour cela de très bons travaux pour sourcer et illustrer, comme ceux de Prevensectes, parfois ceux du GEMPPI, ainsi que les travaux ministériels de la MIVILUDES (même s’ils sont parfois un tantinet moralistes et bien-pensants). Nous utilisons aussi des témoignages directs, comme celui de Roger Gonnet, ancien membre de l’Eglise de la Scientologie, qui nous a accordé des entrevues pour le corteX (et dont le site s’appelle Antisectes). Cette fois, c’est une bande dessinée qui permet de facilement introduire la discussion sur ces questions.
Cette BD s’appelle Dans la secte.

 


 

CorteX_Dans_La_secte_boite_a_bullesL’histoire…

« Dans la nuit, une jeune fille court pour attraper son train. Elle désire partir au plus vite. Mettre des kilomètres entre elle et cette secte où elle vient de passer plusieurs mois, éprouvants, éreintants. Dans la tranquillité du train qui file vers Paris, Marion se souvient de l’itinéraire qui l’a amenée jusqu’ici : publicitaire aux soirées aussi remplies que les jours, en rupture amoureuse et familiale, elle suit les conseils d’un ami qui lui propose de venir se ressourcer, s’épanouir grâce à des techniques scientifiques parfaitement éprouvées. Marion met, avec espoir, le doigt dans un engrenage dont il lui faudra des années pour s’extirper entièrement. L’itinéraire de Marion n’a rien d’extra-ordinaire. Il est malheureusement banal et ne pourrait faire la Une des journaux. C’est ce qui le rend exemplaire : Marion ressemble à n’importe quel adepte de sectes, son endoctrinement a été progressif, sans violence. Mais il l’a laissée durablement meurtrie. Et elle a dû prendre sur elle pour confier dans le détail son histoire à Louis Alloing, son ami dessinateur de BD, et à Pierre Henri, le scénariste de cet album. Un témoignage poignant réalisé en coopération avec l’union des Associations de Défense de la Famille et de l’Individu, une des plus importantes associations de lutte contre les sectes. ».

Ce n’est pas une « immense » BD à mes yeux, mais elle est très pédagogique sans être simpliste.

Pour voir quelques planches, c’est ici, chez La boîte à bulles

Dessin : L. Alloing Scénario : P. Guillon (alias Pierre Henri) Coloriste : P. Guillon (alias Pierre Henri) Préface : C. Picard
88 pages brochée Prix : 13.9 € Collection : Contre-coeur

Richard Monvoisin

www.antisectes.net/
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Bilan d'un atelier Médias et esprit critique en maison d'arrêt

CorteX_Prison_MTP2011_imageVoici un petit bilan de l’atelier Médias et esprit critique monté cet automne 2011 en maison d’arrêt. Je m’attarde surtout sur la logistique et sur les difficultés rencontrées, ainsi que sur les pistes de solutions explorées.

L’atelier, mis en place en collaboration avec le SPIP (Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation) et le centre scolaire de la maison d’arrêt, a été financé par le SPIP. J’étais bénévole depuis plus d’un an à la maison d’arrêt où je proposais du soutien scolaire pour les personnes qui désiraient passer le DAEU (diplôme d’accès aux études universitaires, équivalent du bac). J’avais donc déjà de bons contacts avec les enseignants du centre scolaire : ils ont soutenu le projet que j’ai présenté au SPIP. J’ai proposé dix séances de deux heures hebdomadaires dont voici le programme :

  • Séance N°1 et 2Petites et grandes manipulations de l’information – Qu’est-ce que l’objectivité médiatique ?
    Analyse de l’image, des phrases, des sous-titres
    Faux reportages, affaire Nayirah Al-Sabah, affaire du RER B
  • Séance N°3 Scénarisation de l’information
    Analyse de la construction d’un journal TV
    Analyse d’un Midi Libre
  • Séance N°4 et 5 Les chiffres dans les médias
    Graphiques
    Valeurs absolues-valeurs relatives
    Analyse d’un article sur la fraude sociale
    Analyse des données chiffrées dans des reportages (Ötzi, miracles de Lourdes)
  • Séance N°6Analyse des ressorts publicitaires
    Appel à la peur, à la pitié, à l’affect
    Pensée magique
    Diffusion de publicités + débat
  • Séance N°7 Analyse des représentations de sexe/genre dans les médias
    Revue féminine, revue masculine
    Etude de catalogues de jouets
    Analyse de la médiatisation de l’affaire DSK
  • Séance N°8 Les chiffres de la délinquance dans les médias
    Rappels simples sur les pourcentages
    Etudier les chiffres présentés dans le rapport du Ministère de l’Intérieur
    Utilisation de ces chiffres dans les médias
  • Séance N°9 Analyse d’un documentaire volontairement frauduleux : Opération lune
    Débat sur la construction d’un documentaire
  • Séance N°10 Influence et manipulation
    Expériences de Milgram, Stanford
    Quelques techniques marketing

Retour d’expérience
Depuis que l’atelier est vraiment lancé, une dizaine de personnes est très assidue. Les débats ont tout de suite été très vivants et ont mis quelques séances à bien s’articuler : il a fallu consacrer du temps à la gestion et la répartition de la parole. Dans les moments de débat intense, j’ai usé et abusé du bâton de parole : celui qui parle est celui qui a le bâton, les autres écoutent. Si cet outil peut paraître un peu enfantin, il fonctionne plutôt bien et je crois que finalement, ils l’apprécient : celui qui parle a le temps de s’exprimer et ne craint pas d’être interrompu sans arrêt. Le ton des discussions est beaucoup moins agressif.

Plusieurs participants m’ont dit que cette initiation à l’analyse des médias avait changé leur manière de regarder la télévision, assertion totalement invérifiable mais qui a tout de même le mérite de montrer l’intérêt qu’ils portent à ce rendez-vous hebdomadaire. D’autres m’ont dit que cet atelier ne faisait que confirmer ce qu’ils « savaient » déjà : « on est manipulé en permanence ». Alors nous en avons discuté : tout est-il complètement faux ? Est-il possible de se soustraire aux médias ? Comment se défendre ?

Ce que j’aurais fait autrement
Après coup, je me dis que je suis passée beaucoup trop vite sur la démarche scientifique et sur la nécessité de prouver ce qu’on avance. Le public de cet atelier n’était vraiment pas familier avec les notions de preuves, d’argumentation, de validité d’une thèse et cela pose d’autant plus problème que certains participants ont de très fortes adhésions à toutes sortes de théories complotistes. A plusieurs reprises, je me suis fait happer par des discussions stériles où certains participants usaient de la technique dite de l‘insubmersible canard de bain (voir la thèse de R. Monvoisin, p. 55) : à peine commençais-je à répondre à un argument qu’on était déjà passé à un autre. J’ai finalement réussi à recadrer le débat en rappelant la chose suivante aussi souvent que nécessaire : l’atelier ne porte pas sur les attentats du 11 septembre 2011 ni sur la théorie de l’évolution, mais sur l’analyse de l’information et des arguments avancés dans les médias. La phrase « c’est la CIA qui a organisé les attentats » n’a plus lieu d’être puisque la trame de l’atelier est constituée des questions « Quels sont les arguments avancés dans ce reportage ? Sont-ils valides ?« . Je ne désespère pas d’aborder les thèses complotistes « de front » un jour, mais cela ne peut être fait de manière douce et efficace que si quelques règles de base sont bien intégrées :
– un argument peut être discuté
– une discussion n’a lieu d’être que si chacun des protagonistes est prêt à renoncer à sa thèse dès lors que son contradicteur lui apporte un meilleur argument que le sien
– lorsqu’on déconstruit un argument, on ne s’attaque pas à la personne qui y adhère
etc.

Avoir conscience des contraintes carcérales avant de monter un atelier de ce type :
– Il faut prévoir quelques mois pour obtenir les autorisations (autorisation d’entrer en milieu carcéral, autorisation pour le matériel, etc.)
– Se renseigner impérativement sur ce qui est autorisé ou non (par exemple, il est strictement interdit de faire sortir quoi que ce soit de l’établissement, il est interdit d’offrir quoi que ce soit aux détenus, tout courrier doit passer par le circuit de distribution interne où il est relu, etc.)
– Sortir de cellule et se rendre au  centre scolaire peut prendre du temps : il est structurellement difficile pour les détenus d’être à l’heure et tout le monde n’arrive pas en même temps (j’ai pris le parti d’attendre un quart d’heure et de terminer un quart d’heure plus tard)
– L’atelier a mis un peu de temps à s’installer. Certaines personnes inscrites au début ne sont jamais venues : certaines ont eu l’autorisation de travailler entre temps et ne fréquentent plus le centre scolaire ou assistent à un autre cours qui a lieu en même temps, d’autres disent ne pas avoir reçu les premières convocations. Les informations mettent du temps à circuler. Conséquence : l’atelier était officiellement plein et des gens étaient sur liste d’attente, tandis que le jour J, il n’y avait que trois ou quatre participants. A la 4ème séance, l’atelier était plein.
– Les parloirs et les rendez-vous médicaux ou juridiques peuvent avoir lieu en même temps que les cours ; par ailleurs, certains participants arrivent ou partent en cours de route, au gré des transferts, des entrées et des sorties : il faut donc prévoir autant que possible des séances indépendantes les unes des autres.
– Petite recommandation d’un autre ordre : je crois qu’il est fondamental d’être au clair sur les raisons qui nous amènent à intervenir en milieu carcéral, car toutes les personnes que j’ai rencontrées « à l’intérieur » ont fini par me demander un jour ou l’autre ce que je venais faire là. J’ai toujours saisi l’occasion pour partager avec eux mes questions sur ce sujet. Richard Monvoisin et moi en avions d’ailleurs fait un article dans le Monde Libertaire : Esprit critique en acier pour gens en taule.

Si vous souhaitez monter un atelier de ce type en milieu carcéral ou si vous en animez un, n’hésitez pas à nous contacter !

Guillemette Reviron

PS : Je n’arrive plus à retrouver la source pour l’image. Si vous savez d’où elle vient, dites-le nous !

 

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13 et 14 décembre 2011, Grenoble – Soutenances Zététique & autodéfense intellectuelle

Les étudiants de L1 et L2 de sciences et de géographie soutiennent leur dossier en public. Cela se passera le mardi 13 et mercredi 14 décembre 2011 dans l’amphithéatre E2 de la Direction des Licences Sciences et techniques (voir plan).

Les soutenances sont publiques, moyennant discretion, car elles se déroulent devant un jury.

Mardi 13 décembre 2011

16h La ronronthérapie a-t-elle une réelle efficacité ?
Bellon-Champel Rebecca, Giry Thomas, Giza Chistopher, Marcassus Caroline & Trombert Raphaël
16h30 La biomusicothérapie est-elle scientifiquement fondée ?
Bianchi Tristan, Di Franco Charlène & Quesnot Léa
17h La télékinésie est-elle possible ? Expérience de la pyramide
Desbordes Damien, Morand Alexandra, Niogret Edwin & Seguin Jérémy
17h30 Existe-il un type de message subliminal qui ait une réelle efficacité ?
Caireau Islam, Lemort Maxime, Marir Rafika & Meyzenc Juliette
18h Existe-t-il un état de conscience modifié propre à l’hypnose ?
Doussot Mélanie, Gauthier Barbara, Morel Miriam & Ramu Blaise

Auto-évaluation & discussion avec R. Monvoisin mercredi 14 décembre de 11h30 à 14h30 (à EVE)

Mercredi 14 décembre 2011
16h Le rire a-t-il des effets thérapeutiques réels ?
Gaillard Anthony, Lebreton Jérémy, Merono Clémence & Ruga Romaric
16h30 L’île de LOST peut-elle physiquement exister ?

Chiaverini Maël, Djomo Yamdjeu Jimmy & Fontaine Thibault

17h Les phéromones humaines existent-elles ?
Golliet Romain & Rony Midahuen
17h30 Protocole visant à mettre en évidence l’existence de l’énergie interne (le Qi)
Banwarth Pierre, Elkatrani Ismaïl, Sejjil Olfa & Treille Léonard
18h État actuel des recheches sur les effets thérapeutiques à distance de la prière ?
Antoina Sarah, Boitet Claire, Michaudel Thibaud & Mondet Boris
18h30 Existe-t-il des traces factuelles de l’Arche de Noé ?
Arnaud Rémi-Quentin, Berrouane Khadidia & Laudet Céline
19h Les pyramides ont-elles des effets particuliers sur la matière ?
Gerbaux Robin, Gibert David et al.

Auto-évaluation & discussion avec R. Monvoisin, jeudi 15 décembre de 11h30 à 15h00 (à EVE)

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Décortiqué – Argumentaires lacaniens sur Le Mur, par J. Van Rillaer

Vous venez du  TP « A décortiquer – Argumentaires lacaniens sur Le Mur« . Voici l’analyse de l’analyse de M. Gosset, proposé par le Pr. Jacques Van Rillaer*, et montrant des sophismes classiques des lacaniens, à savoir :

Mensonges (points 1 et 2)

Insinuations malveillantes (point 3)

Récit d’un cas pour démontrer la pertinence de leurs cures (point 3)

Conception grotesque de ce qu’est la science (point 4)

Logomachie (point 5)

Double langage (point 6)

Pseudo-explications par de simples analogies (point 7)

Le « tic de l’étic » (point 8)

et autres points…

À vous de juger sur pièce.


 Mensonges

1) P-Y. Gosset écrit :

« [Sophie Robert] œuvre selon ce grand principe de toutes les méthodes comportementales : réduire l’autre au silence, le faire taire. C’est le fil conducteur de toute cette propagande »

Gosset ne cite pas un seul propos écrit d’un comportementaliste de renom affirmant qu’il faut réduire l’autre au silence ou qui, tout simplement, suggère une attitude aussi grotesque.

La psychologie scientifique a montré depuis des décennies toute l’importance de l’écoute, de l’empathie, de la bienveillance. Le/la comportementaliste qui négligerait une attitude d’empathie bienveillante non seulement manquerait d’éthique, mais encore agirait en opposition avec ce que sa discipline a démontré.

Rappelons :

a) Il ne suffit pas d’« on dit » pour argumenter sérieusement.

b) La majorité des psychanalystes (surtout les lacaniens) qui parlent du comportementalisme racontent des choses totalement fausses et souvent tout à fait extravagantes. En lisant par exemple le texte suivant, d’une vingtaine de pages, le lecteur pourra se faire un avis en connaissance de cause, avec des informations basées sur des preuves solides (et non sur des caricatures ridicules) : Les TCC : la psychologie scientifique au service de l’humain.

c) Contrairement aux titres légaux « psychiatre » et « psychologue », ceux de « comportementaliste » et de « psychanalyste » sont des titres dont n’importe qui peut se prévaloir dans n’importe quel pays de la planète, ayant fait des études ou non.

Il est donc parfaitement possible qu’il y ait « quelque part » des comportementalistes qui se conduisent comme le dit Gosset. Mais il ne s’agit évidemment pas du « grand principe de toutes les méthodes comportementales ». Cette affirmation est un mensonge. Il suffit d’interroger des parents d’autistes qui ont eu affaire à des psychanalystes et d’autres qui ont eu affaire à des comportementalistes, par exemple l’adorable Francis PERRIN : Témoignage de Perrin.
 
Note de N. Gaillard : Voici un court montage vidéo avec justement Francis Perrin qui évoque les méthodes comportementales, et dénonce l’immense difficulté en France pour choisir une prise en charge plutôt qu’une autre.
[dailymotion id=xmv6cg]

 

2) P-Y. Gosset :

« En contraste, un plan de cette vidéo présente une chercheuse de l’INSERM qui développe à l’aise, sans interruption aucune ni commentaires, les résultats de sa recherche devant un écran plat. »

Est-ce un acte manqué ? Une manipulation ?  Dans le film « Le Mur : la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme », la chercheuse de l’INSERM n’apparaît pas une seconde. Il s’agit d’un autre film !

Selon Freud, un acte manqué masque toujours une intention cachée. Selon ce postulat, P-Y. Gosset essaie de dissuader de visionner le film « Le Mur », comme Mme Roudinesco a tenté de dissuader de lire Le Livre noir de la psychanalyse ou Le crépuscule d’une idole de Michel Onfray, en lançant sur l’Internet des analyses remplies de mensonges (voir ici).

Insinuations malveillantes & récit d’un cas pour démontrer la pertinence de leurs cures

3) P-Y. Gosset :

« Cette chercheuse a, grâce à des moyens techniques sophistiqués, enregistré le parcours oculaire d’enfants qu’elle dit autistes […] Elle peut ainsi montrer ce que les enfants qu’elle dit autistes ont regardé sur les scènes présentées »

P-Y. Gosset distille le doute sur le fait que les enfants examinés soient des enfants présentant un trouble autistique. Ils sont « dits » autistes par la chercheuse… mais ne le sont peut-être pas.

Par contre, un peu plus loin, il parle de façon louangeuse de « Jacqueline BERGER, mère de deux enfants autistes », qui a écrit un livre qui s’insurge contre l’explication purement génétique de l’autisme. N’aurait-il pas dû écrire ici également que Mme Berger est mère de deux enfants qu’elle « dit » autistes ? Je veux bien croire Mme Berger, mais je ne puis m’empêcher de rappeler, à cette occasion, que des psychanalystes ont inventé des récits de cas. Voyez par exemple le Journal d’une adolescente, un faux magistral de Hermina Hug-Hellmuth, la première psychanalyste d’enfants. Le long récit, inventé de toutes pièces, fut qualifié par Freud de « petit bijou » … parce qu’il illustrait parfaitement sa théorie de la sexualité.

Des milliers d’enfants présentant un trouble autistique sont passés par les mains des freudiens, des kleiniens, des lacaniens. On attend toujours une étude méthodique sur leurs résultats, publiée dans une des centaines de revues de médecine ou de psychologie scientifiques de haut niveau. Le récit, sans doute émouvant de Mme Berger (je ne l’ai pas lu), n’est en rien une preuve de l’efficacité de l’approche freudienne ou lacanienne d’enfants présentant un syndrome autistique.

La médiocrité des résultats des cures freudiennes et lacaniennes ne concerne pas seulement l’autisme. Elle se constate dès que les problèmes sont sérieux. Il faut lire à ce sujet le livre du meilleur historien actuel du freudisme (qui a travaillé des années aux archives Freud à Washington), Mikkel Borch-Jacobsen :

CorteX_Borch-J_Patients_Freud

Les patients de Freud. Ed ? Sciences Humaines, 2011, 224 p., 14 €

  • Interview de cet historien

Sur les 31 patients de Freud bien identifiés, seulement 3 se sont améliorés après la cure !

Note de R. Monvoisin : une émission sur France Inter (La Tête au carré) a été consacrée à ce livre.
On peut l’écouter ici :

 

Conception grotesque de ce qu’est la science

4) P-Y.Gosset :  

« Si violence il y a envers les enfants autistes et les parents d’enfants autistes, elle est ailleurs, dans le fait de la ségrégation que génère le discours de la science »

Qu’est-ce que la démarche scientifique ? Tout simplement une recherche qui veut des faits observables pour bâtir des hypothèses et d’autres faits observables pour accepter ou réfuter des hypothèses. Mais ceci implique de conceptualiser, distinguer, classer, évaluer, vérifier. Gosset est lacanien, c’est un homme du Discours. Il cite son Maître à penser pour dire les choses les plus banales, que plus personne ne conteste :

« Entre tous les groupes humains, la famille joue un rôle primordial dans la transmission de la culture et […] prévaut dans la première éducation » (Lacan, Autres Ecrits p. 24-25)

J’aurais préféré qu’il ose citer ces propos de Lacan, désabusé, au terme de sa vie :

« La psychanalyse est une pratique délirante, mais c’est ce qu’on a de mieux actuellement pour faire rendre patience à cette situation incommode d’être homme. C’est en tout cas ce que Freud a trouvé de mieux. Et il a maintenu que le psychanalyste ne doit jamais hésiter à délirer » (Ouverture de la section clinique, Ornicar? Bulletin périodique du champ freudien, 1977, n° 9, p. 13).

« La psychanalyse n’est pas une science. Elle n’a pas son statut de science, elle ne peut que l’attendre, l’espérer. C’est un délire — un délire dont on attend qu’il porte une science. On peut attendre longtemps! Il n’y a pas de progrès, et ce qu’on attend ce n’est pas forcément ce qu’on recueille. C’est un délire scientifique » (L’insu que sait de l’une-bévue s’aile a mourre [sic], Ornicar? Bulletin périodique du champ freudien, 1978, n° 14, p. 9).

« La psychanalyse est à prendre au sérieux, bien que ce ne soit pas une science. Comme l’a montré abondamment un nommé Karl Popper, ce n’est pas une science du tout, parce que c’est irréfutable. C’est une pratique, une pratique qui durera ce qu’elle durera. C’est une pratique de bavardage » (Une pratique de bavardage. Ornicar? Bulletin périodique du champ freudien, 1979, n° 19, p. 5).

Logomachie
 

5) P-Y. Gosset :

« Les psychanalystes, depuis FREUD, ne font que travailler sur le nouage entre corps, langage et imaginaire. FREUD a d’ailleurs commencé par là : voir ses Etudes sur l’hystérie. »

Ceci demande une explicitation qui, malheureusement, est absente. C’est presque aussi obscur que les affirmations par lesquelles Lacan terminait son interview à l’ORTF, publiée après relecture dans son livre Télévision (éd. Seuil, 1973) :

« L’interprétation doit être preste pour satisfaire à l’entreprêt. De ce qui perdure de perte pure à ce qui ne parie que du père au pire » [sic] (dernières lignes du livre ; réédité dans : J. Lacan, Autres écrits, Seuil, 2001, p. 545).

Faut-il rappeler qu’un savant aussi éminent que Claude Lévi-Strauss ne comprenait pas ce que Lacan racontait à son séminaire … et a fini par oser le dire : témoignage de Lévi-Strauss

Lacan était un génie de la mystification verbale. Il a réussi à dissimuler la pauvreté de ses nouveautés théoriques et son inefficacité pratique par une logomachie pédante, voire délirante, qui fera date dans l’histoire des impostures intellectuelles.

Double langage
 

6) P-Y. Gosset :

« La relation mère-enfant comprend quelque chose de la folie ». Oui ! Toute relation humaine a quelque chose de « fou », dans le sens de « singulier », hors normes, car il n’y a pas de normalité en cette affaire si l’on veut bien ouvrir les yeux et les oreilles. »

P-Y. Gosset illustre ici parfaitement le double langage des psychanalystes.

Relisez bien : « singulier » = « fou ».  Mais, par certains aspects, nous sommes tous « singuliers ». Mes empreintes digitales et mon histoire, comme les vôtres, se distinguent de celles de tous les habitants de la planète. Donc tous « fous » ? Mais que veut dire alors ce mot ? Cette façon d’équivoquer, avec des termes comme « sexualité », « Œdipe », « castration », « Phallus », etc., permet de répondre à toute objection : « Mon pauvre ami, vous n’avez rien compris »

Un exemple typique de Lacan : le 26 février 1977, Lacan fait une conférence Bruxelles, où il déclare :

« Notre pratique est une escroquerie, bluffer, faire ciller les gens, les éblouir avec des mots qui sont du chiqué, c’est quand même ce qu’on appelle d’habitude du chiqué. […] Du point de vue éthique, c’est intenable, notre profession ; c’est bien d’ailleurs pour ça que j’en suis malade, parce que j’ai un surmoi comme tout le monde. […] Il s’agit de savoir si Freud est oui ou non un événement historique. Je crois qu’il a raté son coup. C’est comme moi, dans très peu de temps, tout le monde s’en foutra de la psychanalyse. » (Extraits publiés dans Le Nouvel Observateur, 1981, n° 880, p. 88).

Pour calmer ses disciples parisiens avertis par des collègues belges, Lacan fait son séminaire suivant à Paris (15-3-1977) sur « L’escroquerie psychanalytique » et précise :

« Je pense que, vous étant informés auprès des Belges, il est parvenu à vos oreilles que j’ai parlé de la psychanalyse comme pouvant être une escroquerie. […] La psychanalyse est peut-être une escroquerie, mais ça n’est pas n’importe laquelle — c’est une escroquerie qui tombe juste par rapport à ce qu’est le signifiant, soit quelque chose de bien spécial, qui a des effets de sens » (L’escroquerie psychanalytique. Ornicar ? Bulletin périodique du champ freudien, 1979, n° 17, p. 8).

On pourra lire des détails sur la tactique du double langage.

Pseudo-explications par de simples analogies

7) P-Y. Gosset approuve tout à fait l’épisode du crocodile. Relisons ce qu’il écrit :

« La gueule du crocodile qu’il faut toujours empêcher de se refermer à l’aide d’un bâton ». On peut voir dans ce montage vidéo une psychanalyste qui témoigne de son travail avec des enfants autistes. Elle fait des constructions théoriques dans son cabinet, en jonglant avec les animaux en peluche qui font partie de ses outils de travail. Comment nier l’immense intérêt des enfants pour la vie des animaux et ce qu’ils leur permettent de symboliser ! Le premier cas d’enfant amené par son père chez FREUD, n’était-il pas un petit garçon de 5 ans et demi, envahi par une phobie des chevaux, du temps où ceux-ci couraient encore les rues ?

La gueule du crocodile ? Mais elle représente l’irreprésentable : ce qui risque de vous bouffer tout cru ! Ce n’est pas la mère proprement dite, bien entendu ! Mais dans l’imaginaire fantasmatique de l’enfant, sa toute puissance sur lui, qui pourrait bien n’être pas que bienveillante. Le bâton ? Ce n’est pas le père en tant que tel, bien sûr (il n’a plus beaucoup de poids, de nos jours), mais ce que LACAN a redéfini d’une fonction : ce qui dirige le désir de l’enfant sur autre chose que sur sa mère et qui fait que la mère puisse ne pas s’occuper que de son enfant. N’oublions pas qu’une mère est une femme et l’enfant, son objet.

7.1. Rappelons que le premier cas d’enfant analysé par Freud, auquel Gosset fait allusion, est le Petit Hans, qui avait développé une peur des chevaux après que des chevaux, tirant une lourde voiture, soient tombés bruyamment. Freud avait étiqueté : « hystérie d’angoisse » (Angsthysterie). Ce pauvre enfant a été l’objet d’un conditionnement massif par la théorie freudienne. On pourra lire un exposé du cas de Hans (Fritz) et des réflexions critiques

S’y trouve aussi présenté le patient le plus célèbre de Mélanie Klein : le petit Fritz, dont on a appris longtemps après la publication qu’il était son propre fils ! C’est ce qui s’appelle, dans le jargon freudien, une « analyse incestueuse ». 

7.2. La réponse du lacanien illustre une fois de plus le principe de l’interprétation « profonde » par de simples analogies et le principe « trouver le sens inconscient = guérer »

Relisez : le bâton = « ce qui fait que la mère puisse ne pas s’occuper que de son enfant ».

Avec ce même type d’« herméneutique », Freud expliquait n’importe quoi, par exemple que le tabagisme est le substitut inconscient de la masturbation. Soulignons que Freud, malgré la connaissance de la signification « profonde » de cette dépendance, n’a jamais réussi à s’en délivrer en dépit de plusieurs tentatives.

Faut-il encore rappeler le dogme fondamental du freudisme ? Freud écrit, dans les célèbres Leçons d’introduction à la psychanalyse (1917) :

« J’entends affirmer avec Breuer ce qui suit : chaque fois que nous sommes en
présence d’un symptôme, nous pouvons en conclure qu’il existe chez le malade
des processus inconscients déterminés qui justement contiennent le sens du
symptôme. Mais il est nécessaire aussi que ce sens soit inconscient afin que le
symptôme se produise. A partir de processus conscients il ne se forme pas de
symptômes ; dès que les processus inconscients en question sont
devenus conscients, le symptôme doit disparaître. Vous reconnaissez
ici, d’un seul coup, un accès à la thérapie, une voie pour faire
disparaître des symptômes (G.W. XI, 288s ; trad. PUF, OEuvres complètes, XIV, p. 289 ; je souligne).

Pour le/la psychanalyste, le sevrage tabagique n’est pas — contrairement à ce que pense la/le psychologue scientifique — une question d’efforts bien ciblés, mais seulement une question de significations à dévoiler. Quand le psychanalyste Peter Gay, auteur d’une biographie louangeuse de Freud, explique pourquoi le Maître n’est jamais parvenu à arrêter de fumer, il invoque simplement une analyse trop peu profonde :

« La jouissance que fumer procurait à Freud, ou plutôt son besoin invétéré, devait être irrésistible, car après tout, chaque cigare constituait un irritant, un petit pas vers une autre intervention et de nouvelles souffrances. Nous savons qu’il reconnaissait son addiction, et considérait le fait de fumer comme un substitut à ce “besoin primitif” : la masturbation. À l’évidence, son auto-analyse n’avait pas atteint certaines strates ».

(Pour les références précises de ces citations de Freud et Gay, voir Le Livre noir de la psychanalyse, Les Arènes, 2e éd., p. 236 et sv.)

Autrement dit : si vous n’arrivez pas aux changements que vous désirez, analysez, analysez, analysez des strates de plus en plus « profondes ».

Otto Rank, qui fut longtemps un des disciples préférés de Freud, disait que tout finit par s’expliquer par le traumatisme de la naissance (Cf. Le Traumatisme de la naissance, 1924, trad. Payot, 1968).

Surtout soyez patients. Comme le dit un des psychanalystes interviewés :

« La position du psychanalyste, c’est avoir ni mémoire, ni attente. C’est le fait d’abdiquer l’idée d’une progression »

Le « tic de l’étic »

8) P-Y. Gosset :  

« Les gens avisés, avec une éthique, savent que ce n’est pas avec des petits cartons, encore moins en « bouffant du psychanalyste » que les choses vont se dénouer. »

Il n’est pas possible de débattre avec un-e psychanalyste (surtout lacanien-ne) sans qu’il/elle parle d’éthique et suggère que vous n’en avez pas. Pour le dire à la manière de Lacan : c’est le tic de l’é-tic.

8.1. En fait, s’en tenir aux textes freudo-lacaniens et ignorer ce qui se fait dans le reste du monde en matière d’éducation d’enfants présentant un trouble autistique (en particulier dans les meilleures universités : Cambridge, Oxford, Harvard, Stanford, etc.), c’est une grave faute professionnelle, un manque d’éthique évident. Les freudiens et lacaniens sont comparables à des médecins qui soigneraient des troubles graves avec des fleurs de Bach ou des dilutions homéopathiques.

8.2. Faut-il rappeler que Jacques-Alain Miller, gendre de Lacan, n’hésitait pas à dire :

« La morale de Lacan relève d’un cynisme supérieur »

(Débat avec Onfray, in Philosophie magazine, 2010, n° 36, p. 15).

8.3. Celui qui n’a pas lu des ouvrages de psychanalysés de Lacan, racontant comment le Maître œuvrait, devrait consulter l’article publié dans la revue Science et pseudo-sciences « Comment Lacan psychanalysait ».

8.4. A ma connaissance, aucun comportementaliste membre des associations françaises (AFTCC, AFFORTECC) ou belge (AEMTC) ne pratique une méthode aussi douloureuse que celle du psychanalyste Pierre Delion : le « PACKING », une camisole de force new look, qui fait songer à des pratiques barbares des siècles passés !

Sa méthode consiste à emmailloter l’enfant présentant un syndrome autistique jusqu’au cou dans un cocon de contention, mouillé et glacé (au moins 10° en dessous de la température du corps), pendant 45 minutes. Quand la température de la peau a chuté de 36 à 33 degrés, l’enfant est progressivement réchauffé. Ainsi, un enfant agité se trouve maté. Le procédé se renouvelle jusqu’à 7 fois par semaine (Voir annexe, ci-dessous).

C’est ce même psychanalyste, Prof. Délion (Univ. Lille 2), qui ose dire, quand on lui demande de parler des effets des traitements :

« Je ne peux pas répondre à ça. Ce n’est pas une question de psychanalyste, ça ! »

Cependant, il n’y aura pas à s’étonner que, grâce à sa technique, Pierre Délion constate des résultats « positifs », à savoir : que des enfants s’adaptent davantage aux normes de son Service.

Toute l’histoire de la psychiatrie est remplie de traitements barbares (voir échantillon ici), qui ont motivé des malheureux à se comporter comme l’exigeaient les « soignants », tout simplement pour éviter des « doses » supplémentaires de « traitement »

(Pour un ouvrage avec excellente iconographie sur les supplices endurés, voir : C. Quetel & P. Postel, Les fous et leurs médecins, de la Renaissance au XXe siècle. Hachette, 1979).

8.4. Pour avoir été membre de l’Ecole belge de psychanalyse pendant 15 ans et être devenu ensuite comportementaliste, j’ai constaté que le goût de l’argent et du pouvoir est plus fréquent chez les freudiens et surtout chez les lacaniens que chez les comportementalistes. S’il y a des abus partout, les lacaniens en tout cas n’ont de leçons à donner à qui que ce soit.

9) Freud était plus avisé : il trouvait inutile de discuter

Il écrivait à Oskar à Pfister :

« Que nous attachions si peu d’importance à paraître dans les Congrès me semble très compréhensible. Il n’est guère possible d’argumenter publiquement sur la psychanalyse. […] Les débats ne peuvent que demeurer aussi infructueux que les controverses théologiques au temps de la Réforme » (28-5-1911).

La psychanalyse a commencé comme une recherche scientifique, puis est devenue une religion laïque qui n’a plus sa place dans la « République des Sciences ». Ce qui est écrit ci-dessus par Mr. Gosset l’illustre une fois de plus.

10) Une chose m’étonne : l’absence de psychiatrisation de Sophie Robert

Freud psychiatrisait tous ses opposants. Selon lui, Adler était un paranoïaque, Bleuler un homosexuel refoulé, etc., etc. Comment se fait-il que Sophie Robert ne soit pas encore étiquetée « hystérique » ou un truc comme ça ?

Dans la classification freudienne, on n’a pas beaucoup le choix (moins que dans le DSM…) :

perversion, neurasthénie, névrose d’angoisse, névrose de caractère, hystérie de conversion, hystérie d’angoisse (= névrose phobique), névrose obsessionnelle, névrose narcissique, paranoïa.

Je suis curieux de voir quel étiquetage sera choisi.

Si Elisabeth Roudinesco (la principale avocate du freudisme en France) se prononce, ce sera évidemment, la « Haine ». Pour elle, ce sentiment et l’antisémitisme sont l’explication ultime du comportement de tous ceux qui osent remettre en question la Parole révélée de Freud.

11) Une chose ne m’étonne pas du tout : la hargne des lacaniens

Rappelons qu’à partir de 1963 les analyses didactiques menées par Lacan n’ont plus été reconnues par l’Association internationale de Psychanalyse (IPA), parce que Lacan faisait des séances qui ne duraient que quelques minutes au lieu des 50 minutes traditionnelles et qu’il a refusé obstinément d’abandonner sa pratique des « séances à durée variable » invariablement très très courtes.

Lacan a réagi en fondant l’année suivante sa propre Ecole. Il s’est vengé de l’IPA en acceptant comme « analyste » quasi n’importe qui et en déclarant — à juste titre — que « le psychanalyste ne s’autorise que de lui-même ». Dès lors, les freudiens reconnus par l’IPA ont été noyés sous le tsunami des lacaniens.

Une grande partie des analystes lacaniens n’ont pas de diplôme de psychiatre, ni de psychologue. C’est le cas d’Éric Laurent (anthropologue-psychanalyste), qui fait un procès à Sophie Robert. C’est aussi le cas des très médiatiques É. Roudinesco (historienne-psychanalyste), J.-A. Miller et son frère Gérard (philosophes-psychanalystes). C’est évidemment le cas des psychanalystes les plus agressifs à l’égard de méthodes psychologiques dont les résultats observables deviennent de plus en plus évidents.

Si la psychanalyse se trouve discréditée, ils ne pourront pas se rabattre sur le titre universitaire de psychiatre ou de psychologue. Leur hargne n’est pas simplement une question de joute intellectuelle : il y va de leur gagne-pain. Pour en savoir plus sur le titre d’analyste lacanien et l’abondance de lacaniens en France.

 

12) Pour un historique de la tentative de faire interdire la vision du film « Le Mur », voir :

Rappelons que tout le monde peut faire de l’« analyse psychologique » ou de la « psychanalyse ». Pour une discussion de cette question, voir l’article paru dans Science et pseudo-sciences.

Jacques Van Rillaer

Bruxelles, 2 décembre 2011

Parmi les Français les plus connus, citons Chr. André, J. Cottraux, C. Cungi, F. Fanget, G. Georges, P. Légeron, Chr. Mirabel-Sarron, D. Pleux, L. Véra.

 

« Rappelons d’abord un principe : le psychanalyste ne s’autorise que de lui-même. Ce principe est inscrit aux textes originels de l’Ecole et décide de sa position. Ceci n’exclut pas que l’École garantisse qu’un analyste relève de sa formation. Elle le peut de son chef. Et l’analyste peut vouloir cette garantie » (Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’École. Réédité dans Autres écrits, Seuil, 2001, p. 243).

Ci-dessous

Iconographie en rapport avec le « Packing » (N° 8, § c) traitement du psychanalyste Pierre Délion (prof. à l’Université de Lille 2)

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Pour tout commentaire éclairant ou contribution, écrivez-nous

 

* J. Van Rillaer, outre le fait d’être venu faire des cours pour nous sur Grenoble, a déjà mis à disposition sur le CorteX un TP analyse d’affirmations d’E. Roudinesco.

Vous avez probablement suivi la polémique autour du documentaire Le Mur – la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme. Non ? Alors cliquez là

CorteX_Lacan_Larcenet

A décortiquer – Argumentaires lacaniens sur Le Mur

Vous avez probablement suivi la polémique autour du documentaire Le Mur – la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme. Non ? Alors cliquez là.
Les retours ne se sont pas fait attendre, et comme lors de chaque contestation de l’institution psychanalytique un festival d’argumentaires très discutables affleurent et pourraient remplir les pages web du corteX.

En guise de Travail Pratique, traitons ensemble un exemple.

  • Dans un premier temps, lisons attentivement l’analyse ci-dessous du film « Le mur », par Pierre-Yves Gosset, psychanalyste lacanien publiée sur le site de l’Association pour la Cause Freudienne Champagne Artois Picardie Ardennes (ci-dessous). Essayons d’y repérer par nous-mêmes les arguments fallacieux.
  • Puis dans un second temps, on pourra aller là et suivre l’analyse de notre collègue Jacques Van Rillaer, professeur de psychologie.

« Le Mur : la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme »

ou : Comment se servir de l’autisme pour « casser du psychanalyste »

C’est ce qu’illustre la réalisatrice du pseudo-documentaire intitulé: « Le Mur : la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme ».

Le titre en lui-même est a priori engageant, puisque nous mettons toujours, et c’est un grand principe depuis Freud, la théorie à l’épreuve de la clinique et l’une ne va pas sans l’autre. LACAN en donne la ligne dans ses Ecrits lorsqu’il nous dit qu’il faut toujours repenser notre théorie en fonction de notre objet, et non l’inverse (« Ecrits » p.126).

On comprend vite cependant que cette vidéo est un piège, une véritable diatribe contre la psychanalyse. Non pas une « querelle » au sens noble du terme, où arguments seraient échangés pour aboutir à une discussion constructive sur le thème de l’autisme. Il s’agit de bien autre chose, insidieux autant que simple : c’est une véritable propagande contre la psychanalyse, au profit de méthodes comportementales aux fondements douteux. Au fur et à mesure, cette vidéo nous plonge dans l’indignation et devient insoutenable.

Le Procédé 

La réalisatrice a interviewé des psychanalystes de renom, toutes écoles confondues. Ensuite, elle a manipulé l’enregistrement en effectuant des coupures et en ajoutant des commentaires a posteriori, visant à dénaturer et tordre les propos recueillis. Le but évident est de présenter les psychanalystes comme non crédibles.

Nous attirerons l’attention sur le fait qu’ainsi elle leur coupe la parole et qu’elle oeuvre selon ce grand principe de toutes les méthodes comportementales : réduire l’autre au silence, le faire taire. C’est le fil conducteur de toute cette propagande.

En contraste, un plan de cette vidéo présente une chercheuse de l’INSERM qui développe à l’aise, sans interruption aucune ni commentaires, les résultats de sa recherche devant un écran plat. La question lui est posée sur les causes de l’autisme. Elle répond sans hésiter : « génétiques ! ».

Cette chercheuse a, grâce à des moyens techniques sophistiqués, enregistré le parcours oculaire d’enfants qu’elle dit autistes, placés en face de scènes sociales filmées. Ce parcours a ensuite été visualisé sur l’écran, en fonction des images qui ont été présentées. Elle peut ainsi montrer ce que les enfants qu’elle dit autistes ont regardé sur les scènes présentées. Apparemment, explique-t-elle, « Ils regardent autre chose que ce que regarde la moyenne des gens. » Ils regardent les bouches et le bas du visage, pas les yeux. La chercheuse arrive à cette conclusion : « Ils regardent ailleurs que là où se trouve l’information ; comment voulez-vous qu’ils comprennent ? ». Outre les objections que l’on pourrait aisément faire sur ce que constitue l’ « information » et l’endroit où elle est censée être contenue, la principale est celle-ci : n’est-ce pas placer l’autiste en position déficitaire à partir de présupposés plus que douteux ? Il ne vient pas à l’idée de cette chercheuse ceci : ce que les enfants autistes ne regardent pas, ce qu’ils évitent, c’est ce qui les angoisse : l’objet regard. Ils se protègent aussi de l’objet voix, support de la parole : ceux qui côtoient des enfants dits autistes auront remarqué qu’ils se bouchent fréquemment les oreilles en présence de voix et de paroles. Soulignons aussi leur rapport singulier à la voix. Enfin, l’attention de ces enfants, portée sur la partie basse des visages témoigne de leur intérêt tout particulier pour la bouche en tant qu’orifice du corps. Les rapports singuliers des dits autistes à la bouche ne peuvent non plus passer inaperçus de tous ceux qui les côtoient. En outre, nous poserons une question éthique sur les conditions de réalisation de l’expérience : comment les enfants autistes testés l’ont-ils vécue ?

Enfin, une famille nous est montrée en compagnie de leur fils Guillaume qui se présente comme suit: « Je suis autiste à 80 pour cent ». On y entend les parents vantant les mérites d’une méthode qui consiste à utiliser des petits cartons (on ignore ce qu’il y a dessus, mais vraisemblablement, on peut le supposer, de petits dessins) et qui aurait permis à Guillaume de ne plus vomir l’eau qu’on lui présentait. Aucune explication supplémentaire n’est donnée quant aux hypothèses qui soutiendraient cette méthode ni sur les ressorts de sa prétendue efficacité. Ces parents ne tarissent pas de critiques contre les psychothérapies et contre la psychanalyse en particulier.

Discussion

La réalisatrice évoque, entre les lignes, les thèmes qui « fâchent ». A savoir, le pire : « On dit que les psychanalystes auraient culpabilisé les mères d’enfants autistes ». Pourtant, rien de cela ne s’entend dans le discours des psychanalystes interviewés.

Si violence il y a envers les enfants autistes et les parents d’enfants autistes, elle est ailleurs, dans le fait de la ségrégation que génère le discours de la science par ses méthodes de dépistage, d’évaluation et de classement. Nous recommanderons la lecture de l’ouvrage (« Sortir de l’Autisme », éditions Buchet-Chastel) où l’auteur, Jaqueline BERGER, mère de deux enfants autistes, en témoigne avec justesse. Que dire de l’exclusion de toutes les structures sociales qu’ont à subir les enfants et les parents d’enfants autistes, sans que des lieux d’accueil soient créés en suffisance ? Et que dire encore du revers de cette exclusion : l’ « intégration » forcée des enfants autistes dans les écoles en France ?

Si les psychanalystes ont placé la relation parents-enfant au cœur de la formation du sujet, c’est bien parce que « Entre tous les groupes humains, la famille joue un rôle primordial dans la transmission de la culture et […] prévaut dans la première éducation » (LACAN : Autres Ecrits p. 24-25)

La réalisatrice et les « chercheurs » comportementalistes veulent l’ignorer ou le nient.

« Les psychanalystes rejettent les « théories organiques » mais n’hésitent pourtant pas à y recourir. » Absurde ! Les psychanalystes, depuis FREUD, ne font que travailler sur le nouage entre corps, langage et imaginaire. FREUD a d’ailleurs commencé par là : voir ses « Etudes sur l’hystérie ».

« La relation mère-enfant comprend quelque chose de la folie ».

Oui ! Toute relation humaine a quelque chose de « fou », dans le sens de « singulier », hors normes, car il n’y a pas de normalité en cette affaire si l’on veut bien ouvrir les yeux et les oreilles. Il n’y a pas non plus de prétendue « harmonie » dans la relation mère-enfant, Jaqueline BERGER le souligne très justement dans son précieux ouvrage (cité ci-dessus, p 92) : «Il faut en finir avec l’idée qu’élever des enfants est la chose la plus naturelle qui soit, que les femmes sont dotées d’un instinct maternel inné et que les défaillances de leur progéniture les disqualifient, elles et leur compagnon. »

Cette relation, quand on ne le nie pas, est faite de chair et de langage. Car c’est dans un bain de langage, « bouillon de culture » qu’arrive le corps de tout être humain et non pas dans un « programme génétique ».

« La gueule du crocodile qu’il faut toujours empêcher de se refermer à l’aide d’un bâton ». On peut voir dans ce montage vidéo une psychanalyste qui témoigne de son travail avec des enfants autistes. Elle fait des constructions théoriques dans son cabinet, en jonglant avec les animaux en peluche qui font partie de ses outils de travail. Comment nier l’immense intérêt des enfants pour la vie des animaux et ce qu’ils leur permettent de symboliser ! Le premier cas d’enfant amené par son père chez FREUD, n’était-il pas un petit garçon de 5 ans et demi, envahi par une phobie des chevaux, du temps où ceux-ci couraient encore les rues ?

La gueule du crocodile ? Mais elle représente l’irreprésentable : ce qui risque de vous bouffer tout cru ! Ce n’est pas la mère proprement dite, bien entendu ! Mais dans l’imaginaire fantasmatique de l’enfant, sa toute puissance sur lui, qui pourrait bien n’être pas que bienveillante. Le bâton ? Ce n’est pas le père en tant que tel, bien sûr (il n’a plus beaucoup de poids, de nos jours), mais ce que LACAN a redéfini d’une fonction : ce qui dirige le désir de l’enfant sur autre chose que sur sa mère et qui fait que la mère puisse ne pas s’occuper que de son enfant. N’oublions pas qu’une mère est une femme et l’enfant, son objet. Dans son ignorance, la réalisatrice croit et veut faire croire qu’il s’agit de promouvoir une concurrence entre père et mère. C’est absurde !

« Je suis autiste à quatre-vingts pour cent »

Nous discuterons enfin de la question du diagnostic. D’abord, quelles peuvent être les conséquences, sur l’avenir d’un enfant, de se trouver dès son plus jeune âge, identifié, par les tenants de ces méthodes de diagnostic et d’évaluation, à : «Je suis autiste à 80 pour cent ».

Ensuite, pour Guillaume, enfant un peu turbulent certes, les choses ont l’air de plutôt bien se passer. Tant mieux. Mais que dire de ces enfants autistes pour qui les choses sont autrement plus compliquées ? « […] chez ces jeunes gens, tout est différent, la voix, les gestes, le regard, les mimiques, le tempo. […] Il y a la mutisme total des uns, au point qu’on pourrait les croire aphones, les cris étranges des autres, des mots répétés en écho sans fin, de l’agitation mal cordonnée ou mécanique, à la manière d’une marionnette. Il y a les trop familiers ou ceux qui vous rendent transparents. » (J. BERGER op. cit. p 28)

Les gens avisés, avec une éthique, savent que ce n’est pas avec des petits cartons, encore moins en « bouffant du psychanalyste » que les choses vont se dénouer. Et, en regardant plus loin que les écrans des chercheurs de l’INSERM, nous voyons nous aussi, avec Jaqueline BERGER, que « Sortir de l’autisme concerne tout le monde, parce que les « autistes » sont le signe autant que le produit de la désagrégation du lien à autrui. Miroir grossissant de nos propres souffrances, ils sont peut-être notre ultime chance d’ouvrir notre regard. »  

Analyse du film « Le Mur »

Disponible sur : http://www.autistessansfrontieres.com/

par Pierre-Yves Gosset,

psychanalyste lacanien