Atelier Cinéma et stéréotypes : Analyse de la représentation de l’Autre dans les films Disney à travers l’exemple d’Aladdin

Dans le cadre d’un atelier doctoral sur l’interaction entre sciences politiques et fictions réalisé à l’Université de Grenoble, Andréa Rando-Martin, doctorante en lettres au Centre de Recherche sur l’Imaginaire a élaboré une séquence éducative sur la normativité et le racisme latent dans l’une des oeuvres des studios Walt Disney, Aladdin. Cette séquence est remarquable d’adaptabiliité : elle est aisément utilisable dans le secondaire, peut être simplifiée pour des primaires, et se complexifie rapidement pour un public du supérieur, faisant lien avec cet autre atelier de Djamel Hadbi, Atelier Cinéma & stéréotypes : les Arabes, souffre-douleur du cinéma.

Cette analyse ne se prétend pas exhaustive : si Aladdin pourrait faire l’objet d’une étude longue et précise, je vais plutôt essayer de créer ici une « séquence » qui pourrait être montrée aux étudiants tout en leur laissant le temps de débattre et de formuler leurs propres analyses, exercice impossible si j’essaie de prendre en compte tous les éléments du film. Plutôt que tenter de faire le maximum d’analyses et de les présenter l’une après l’autre sans réelle ligne directrice, il m’a semblé préférable de poursuivre une même analyse (restreinte) appliquée à Aladdin. Ce long-métrage, produit en 1992 et considéré comme un des grands classiques d’animation Disney, est le premier dont le héros est un homme et le second où le personnage principal n’est pas « de type européen » (le premier est Mowgli du Livre de la Jungle, sorti en 1967), il sera suivi par Pocahontas (1995), Mulan (1998), Kuzko l’Empereur mégalo (2001), Lilo et Stitch (2002), Frère des Ours (2003) et La Princesse et la Grenouille (2009). Souvent taxée d’ethnocentrisme, parfois de racisme12, l’oeuvre globale des studios Disney est un exemple intéressant d’une façon de représenter l’ « Autre » dans un long-métrage.

Dans Aladdin, si Agrabah se situe dans un temps et un espace qu’il est impossible de restituer, Aladdin3 est considéré comme étant de nationalité arabe4. Cependant, afin de créer la ville d’Agrabah, les dessinateurs de Disney ont étudié l’écriture arabe, des miniatures persanes et des villes afghanes et iraniennes. Sur le site Wikipedia on lit en anglais :

For the scenery design, layout supervisor Rasoul Azadani took many pictures of his hometown of Isfahan, Iran for guidance.5 Other inspirations for design were Disney’s animated films from the 1940s and 50s and the 1940 film The Thief of Bagdad.6

Et d’après l’article français:

 Les directeurs artistiques ont pris comme sources les enluminures perses et la calligraphie arabe7

La diversité des sources d’inspiration utilisées pour dessiner Aladdin montre deux choses : d’une part une représentation qui se fonde sur un imaginaire de l’exotisme tiré par exemple des Mille et une nuits (Xe siècle, mais figés par l’écrit au XIIIe siècle seulement), d’autre part l’absence de distinction et la confusion de deux cultures totalement différentes : la culture perse et la culture arabe. Cependant, cette confusion semble volontaire, puisqu’il y a un véritable travail de documentation de la part du studio. Plutôt qu’une méconnaissance des cultures arabe et perse, on peut émettre l’hypothèse qu’il s’agit d’une construction volontaire d’un monde qui répondrait aux critères des pays capitalisto-judéo-chrétiens8 » de l’exotisme et qui mélangerait alors les différentes cultures. Il s’agira alors de montrer comment les héros (Aladdin et Jasmine) sont d’abord distingués des autres personnages et comment cette distinction sert à marquer à la fois leur supériorité par rapport aux autres et leur proximité avec le spectateur « occidental », disons, eurocaucasien.

1. Les femmes et Jasmine

Si l’on relève le nombre de femmes dans Aladdin9 et qu’on les classe en fonction de leurs vêtements (qui est un moyen de représentation de la femme arabe) on peut distinguer quatre catégories : les femmes au visage voilé, les femmes avec le visage découvert mais un voile sur les cheveux, les femmes sans voile et les femmes « courtisanes » ou « danseuses du ventre » (Jasmine n’est pas incluse dans ce décompte).

Documents à présenter aux étudiants:

Tableau récapitulatif des apparitions de femmes dans Aladdin

Femme au visage voilé Femme aux cheveux voilés Femme non voilée Courtisane, danseuse du ventre
29 8 3 24

 Les représentations de femmes voilées et non voilées:

Aladdin femmes 2

–> Question : quelles remarques peut-on faire à partir de ces données et images ?

On peut constater dans un premier temps que la femme arabe est avant tout représentée voilée (cheveux et/ou visage) mais que le nombre de femmes voilées n’est que très légèrement supérieur au nombre de celles que j’ai appelé « courtisanes » ou « danseuses du ventre »

aladdin courtisanes
Représentation des courtisanes ou danseuses du ventre

et qui sont en fait les trois femmes du harem, les trois danseuses créées par le Génie, les trois femmes assises à côté du Prince Ali sur l’éléphant, les femmes sur le char des paons et les nombreuses danseuses du cortège. Si j’ai classé toutes ces femmes dans la même catégorie, c’est parce qu’elles portent, en dépit de leurs fonctions très différentes, des vêtements extrêmement similaires. Elles ont toutes une sorte de brassière destinée à souligner la poitrine, des vêtements de couleur rose ou violette (qui tranchent nettement avec les couleurs moins vives portées par les autres personnages féminins) et (dans le cas des danseuses uniquement) elles sont vêtues de pantalons (ou jupes) transparents. La part érotique de l’imaginaire exotique lié à la femme arabe est donc largement représentée dans Aladdin et permet de comprendre le choix du costume de Jasmine : très similaire aux vêtements des courtisanes, il vient ici érotiser l’héroïne et la démarquer très nettement des autres femmes arabes (cf l’image « femmes voilées et non voilées).

aladdin femmes

Attention cependant : Jasmine n’est absolument pas associée aux courtisanes, et on peut le constater en comparant deux scènes, qu’il serait intéressant de montrer aux étudiants pour nuancer la première remarque :

Vidéo 1:

Vidéo 2:

Que montre la première vidéo et que les étudiants pourront remarquer ? Le fait que ces femmes soient séduites par l’apparence (« and I absolutely love the way he dresses »10 disent-elles avant de s’évanouir dans les bras du Génie) et la démonstration de puissance et de richesse du Prince Ali alors que Jasmine montre clairement son désintérêt (elle quitte le balcon avant la fin du défilé) et son agacement.

Dans la seconde vidéo, les mêmes femmes méprisent Aladdin (« Aladdin’s hit the bottom 11» ) et se détournent à tour de rôle quand il s’adresse à elles. Au contraire, c’est quand Aladdin n’est encore qu’un « street rat 12»  que Jasmine est séduite.

Conclusion : si Jasmine a le même potentiel érotique que les femmes du harem, elle est montrée comme supérieure du point de vue moral, puisqu’elle est capable de discerner la valeur d’Aladdin, celle dont parle le marchand au début du film, lorsqu’il présente la lampe :

Do not be fooled by its commonplace appearance. Like so many things, it is not what is outside, but what is inside that counts. This is no ordinary lamp! It once changed the course of a young man’s life. A young man who liked this lamp was more than what he seemed. A diamond in the rough.13

2. Les voleurs dans Aladdin

Dès les premières minutes du documentaire Reel Bad Arabs : How Hollywood vilifies a people, Jack Shaheen, spécialiste de cinéma, affirme que:

All aspects of our country project the Arabs as villain (2:37)14 (voir note 3).

2.1. Représentation des voleurs

Aladdin est présenté, lors de sa première apparition, en train de fuir les gardes du sultan.

Le pain dans sa main est un pain volé : Aladdin est donc, dès son entrée dans le film, clairement représenté comme un voleur. Et il n’est pas le seul : dans les premières minutes du film apparaît un bandit, Gazeem, engagé par Jafar.

Cependant, ces deux voleurs sont représentés de façons totalement différentes. Si Aladdin est le héros du film, Gazeem est tué dès le début, englouti par la caverne aux merveilles.

aladdin gazeem

[Montrer deux images de voleurs, l’une d’Aladdin, l’autre de Gazeem, demander quelles sont les différences notables]

Voici les descriptions d’Aladdin et Gazeem dans leur fiche Disney respective :

Gazeem : d’après le wiki Disney il est « short, obese, mustachioed, wears worn down clothes 15».

Aladdin, toujours d’après le wiki Disney, est « slender, handsome, slightly muscular, medium skin, black hair, brown eyes, thick black eyebrows 16».

Le seul point commun entre les deux personnages pourrait être les vêtements, des guenilles. Gazeem porte des vêtements sales, en lambeaux. Aladdin lui, a un pantalon rapiécé mais juste en un endroit et ses vêtements n’en restent pas moins très propres (le pantalon est blanc) et en parfait état. Les vêtements d’Aladdin sont surtout là pour mettre en valeur sa musculature.

Si le visage de Gazeem est composé de traits caricaturaux qui se retrouvent dans d’autres exemples de représentations arabes (cf. Hollywood et les Arabes (Reel Bad Arabs: How Hollywood Vilifies a People) réalisé par Sut Jhally et produit par Media Education Foundation en 2006) le visage d’Aladdin, lui, a été réalisé en partie sur le modèle de Mickaël J. Fox puis, étant jugé trop enfantin, a été refait sur le visage de Tom Cruise

 At first, though, Keane’s character sketches looked boyishly cute, rather like Michael J. Fox in Back to the Future. The refrain in story meetings became,  »What does Jasmine see in him? » To hunk Aladdin up, the directors offed his shirt and upped his age from mid- to late teens. Keane also took Katzenberg’s suggestion that he study Tom Cruise movies.  »There’s a confidence with all of his attitudes and his poses, » says Keane. Photos highlighting Cruise’s eyebrows and straight-off-the-forehead nose, as well as shots of male Calvin Klein models, adorned the artists’ bulletin boards for months, and Keane even used rap star Hammer’s movements for inspiration, distilling their « total exuberance. » 17

La différence est là : que l’on veuille qu’Aladdin soit « boyishly cute » ou plus mature et séduisant, c’est sur un canon de beauté étasunien que se basent les dessinateurs. Le visage de l’Autre devient alors le visage du spectateur et Aladdin peut être le héros du film.

De la même façon Jasmine a été dessinée à partir du visage de Jennifer Connelly, actrice étasunienne.

Jennifer-Connelly-Jasmine

et de la sœur de Mark Henn (responsable de l’animation de Jasmine).

beth jasmine

Revenons aux remarques précédentes concernant Jasmine : sa tenue correspond à un stéréotype fantasmagorique de l’ « orientale », mais, en faisant correspondre Jasmine à des canons de beauté qui sont aussi familiers à leurs spectateurs, Disney s’assure de l’attractivité de son héroïne, ce qu’on peut voir même dans les commentaires de certains fans : « Jasmín, inicialmente tenía un toque más exótico. Sin embargo, creo que el diseño final es el perfecto: una mezcla árabe-caucásica, jajajaja.18 »

 2.2. Vol et morale

Le vol étant moralement condamné, il semble contradictoire de voir le héros, dans sa première apparition à l’écran, dans le rôle du voleur. Il s’agit là d’amener l’étudiant à analyser la façon dont les vols d’Aladdin sont dépourvus de jugements négatifs. En fait, Aladdin vole, certes, mais par nécessité : ses vols sont liés à la nourriture (première apparition, un pain à la main ; chaque fois qu’on lui reproche son vol pendant la chanson One jump ahead, sa réponse est liée à la nourriture) :

“I’ll have your hands for a trophy, street rat! // All this for a loaf of bread?19« 

“Riffraff! Street rat! Scoundrel! Take that! // Just a little snack, guys!20

“Oh, it’s sad Aladdin’s hit the bottom. He’s become a one-man rise in crime. I’d blame parents, except he hasn’t got ’em!//Gotta eat to live,gotta steal to eat, Tell you all about it when I got the time!21

Gotta eat to live, gotta steal to eat, Otherwise we’d get along! //-WRONG!22

et sa nécessité est soulignée par le raisonnement répété deux fois “gotta eat to live, gotta steal to eat23” et par le fait que le vol est toujours limité au strict nécessaire:

La cupidité du voleur, que l’on trouve chez Gazeem, « Ah, ah, ahhh! The treasure! » et qui n’a pas de limite morale (Gazeem est un meutrier « I had to slit a few throats but I got it 24») ne se retrouve pas chez Aladdin.

Le pain, alors même qu’il a été présenté comme de première nécessité (ce qui explique aussi pourquoi Aladdin risque sa vie pour le garder) est donné sans hésiter aux enfants de rue. Il n’y a donc pas de paradoxe entre les derniers mots de Jafar « I must find this one, this…diamond in the rough 25» et la première apparition d’Aladdin : la scène de la poursuite permet surtout de porter à son paroxysme la générosité du don et la bonté d’Aladdin. Quant à la cupidité liée au personnage du voleur, elle est en fait transférée sur le singe Abu.

Remarques : Abu ne pouvant contrôler sa cupidité, c’est Aladdin qui le réprimande. Si ce dernier admire les richesses dans la Caverne aux Merveilles, il ne songe pas un instant à transgresser l’avertissement de la Caverne et à s’en emparer.

La valorisation d’Aladdin passe également par la dévalorisation du système judiciaire :

Remarques : le marchand ne prétend pas appliquer sa propre loi, il ne dit pas à Jasmine « sais-tu ce que je fais aux voleurs ? » mais « do you know what the penalty is for stealing ?26 » Il se place donc du point de vue de la loi (même s’il l’applique lui-même) et son action trouve écho dans la phrase de Razoul, le capitaine des gardes, qui crie à Aladdin lorsqu’il le poursuit : « I’ll have your hands for a trophy, street rat! »

La justice est représentée comme violente, disproportionnée (une main pour une pomme ou un pain) et moralement injuste (grâce à la scène dans laquelle Jasmine donne une pomme à l’enfant affamé), tout comme la loi. La scène qui oblige Jasmine à épouser un prince par exemple est qualifiée d’injuste à plusieurs reprises par Jasmine :

Dans la scène du jardin : (le sultan) « the law says you must be married to a prince.By your next birthday.27 »// (Jasmine) « The law is wrong. 28»

Dans la scène finale (Jasmine) “Oh, that stupid law. This isn’t fair29.”

Et même le sultan: « That’s right. You’ve certainly proven your worth as far as I’m concerned. It’s that law that’s the problem.30

En présentant un monde où la loi et la justice sont cruelles et injustes, le film Aladdin justifie les vols et les délits commis par son héros. Il n’est cependant pas nécessaire d’opérer une tell justification pour son personnage principal féminin Jasmine, malgré l’épisode de la pomme, parce que Jasmine donne le fruit à l’enfant sans même savoir qu’il faut payer pour en avoir, tandis que quand Aladdin vole, il connaît les conséquences de son geste. Le comportement du jeune homme était donc plus difficile à justifier moralement, d’autant plus que ses vols sont récurrents tandis que dans le cas de Jasmine, il ne s’agit que d’un épisode ponctuel.

En marge du système judiciaire, Aladdin est aussi en marge de la société :

Remarques : Aladdin se différencie des autres personnages qui se moquent de lui ou le rejettent (comme les femmes du harem).

Résumons. Aladdin est hors de la structure familiale (orphelin) et hors de la société. Il se démarque donc clairement des autres et peut ainsi revendiquer son statut de héros. C’est parce qu’il est différent qu’il est le seul à pouvoir accéder à la Caverne aux Merveilles et à s’élever au-dessus de sa condition.

Conclusion: pour lier Aladdin et Jasmine au spectateur, Disney joue sur les contrastes entre des représentations clichées des personnages secondaires (les femmes du harem, le méchant voleur…), représentations habituelles du cinéma américain, et le caractère exceptionnel des deux personnages principales qui, tant physiquement que moralement, se détachent des autres. Aladdin et Jasmine ressemblent plus au spectateur (étasunien) que les autres personnages, ce qui leur permet de s’identifier davantage. De plus, Aladdin transgresse les codes de ce qui est représenté comme étant la société arabe et il en est valorisé moralement et socialement (puisqu’il devient héritier du trône). Le spectateur s’attache donc d‘abord à ce personnage et dénigrera la société qui le rejetait.

 Andréa Rando-Martin

Réalisé dans le cadre des ateliers du DFI, service Doctoral pour la Formation, l’Initiation et l’insertion professionnelles de l’Université de Grenoble. Encadrement R. Monvoisin, C. Egger

Petite leçon de sexisme ordinaire, par Nicolas Kalogeropoulos

Voici une ressource tout à fait sympathique de simplicité que propose Nicolas Kalogeropoulos, basée sur une campagne de publicité de la marque Sennheiser qui couvrit les couloirs du métro et du RER Parisien du 14 au 22 juin 2011.

Notre suggestion : montrer d’abord la publicité finale, ci-dessus, puis demander à vos élèves ou étudiants s’il y a quelque chose qui pose problème. Enfin, en troisième phase, présenter la déconstruction de Nico Manzin. Débat garanti ! Éventuellement, présenter d’autres images de la même campagne, pour évacuer toute ambiguïté.
Ce travail a pour origine le blog Monpapaestungeek. Merci d’accepter la reproduction à des fins pédagogiques.
RM

CorteX_sexisme_ordinaire_Nico_Manzin

L’analyse est plutôt fleurie. Il manque, certes, une définition du terme « salope », tel qu’employé par NicoManzin. Salope signifie probablement « femme qui se jette à poil sur un homme ». Or, avec une telle définition, ma mère, ma soeur, ma collègue Guillemette, mes grands-mères furent ou sont incluses dans la définition. Si je regarde le Wiktionnaire, je trouve, outre une étymologie cocasse (« sale huppe », huppe fasciée ou passereau*) deux définitions principales et une par extension :

  1. Femme de mauvaise vie, dévergondée, débauchée.
  2. Femme méprisable, garce sans scrupules, aux mœurs corrompues et prête à tout pour réussir, avec, en général, une connotation sexuelle.
  3. Femme coupable de traîtrise. S’emploie également pour insulter violemment un homme ou pour décrire un individu ne respectant aucune loi ou aucun code.

La clôture du débat peut se faire de deux manières : d’abord en demandant si une publicité du même type  mais avec genres inversés aurait la même réussite (femme ténébreuse avec casque, homme nu sensuel s’y frottant ; ensuite en se demandant comment on appelerait dans ce cas un « homme qui se jette à poil sur une femme ».

* Pour l’anecdote, on dit que la huppe fasciée pupute (sic!), c’est-à-dire fait trois petits « pût pût pût ».

Effet boule de neige – le frustule extraterrestre de Wickramasinghe

La fabrique du scoop est un vice multiforme, et la reprise du scoop tout cru par d’autres médias un art stupéfiant. L’effet boule de neige décrit très bien ce mécanisme lors duquel quelqu’un reprend une information sans chercher à la mettre en doute. L’histoire du journalisme en est truffée. L’une des plus intéressantes du moment est probablement celle du frustule de Chandra Wrickramasinghe, d’une part par ses implications (une vie extraterrestre), d’autre part par la leçon qu’elle donne aux journalistes et aux vulgarisateurs : si l’on ne connait pas les processus de publication, les biais classiques et les traquenards du milieu, il est très difficile de ne pas prendre une vessie pour un frustule.
 
La plume de Pierre Barthélémy remplit ici son office. Merci à l’auteur d’avoir accepté de voir son texte reproduit.
Les notes adjointes sont celles de Richard Monvoisin.

Des chercheurs croient avoir trouvé une trace de vie extraterrestre

C’était, jeudi dernier, à la « une » du site Internet du quotidien The Independent : des chercheurs britanniques affirment détenir la preuve de la vie extraterrestre. Normalement, toutes les chaînes d’information du monde auraient dû interrompre leurs programmes pour donner la nouvelle et les rotatives de tous les journaux se seraient arrêtées, le temps pour les rédacteurs en chef de faire changer les plaques. Impossible pour un média digne de ce nom de rater ce scoop répondant à une des plus anciennes questions de l’humanité : sommes-nous seuls dans l’Univers ou pas ? Toutefois, au lieu de cette furia planétaire, il y a eu quelques reprises à droite ou à gauche et l’histoire a fait pschitt…

S’agit-il d’un nouveau complot de l’establishment politico-médiatique destiné à étouffer un scoop prouvant une bonne fois pour toutes que les soucoupes volantes existent ? Non. Mais avant d’expliquer pourquoi ce n’est pas le cas, voici les informations de base. Une équipe britannique emmenée par Milton Wainwright, du département de biotechnologie et de biologie moléculaire de l’université de Sheffield, a publié dans le Journal of Cosmology une étude relatant une curieuse découverte effectuée dans la stratosphère. Le 31 juillet dernier (la date est importante), ces chercheurs ont lâché un ballon-sonde au-dessus de Chester, dans le nord-ouest de l’Angleterre. Il était équipé d’un dispositif simple, un tiroir télécommandé dont l’ouverture a été déclenchée lorsque le ballon a atteint 22 kilomètres d’altitude. La boîte est restée ouverte pendant plus d’un quart d’heure, alors que l’ascension se poursuivait. Elle a été refermée à 27 km d’altitude. Puis le dispositif expérimental a été décroché du ballon et est tranquillement redescendu accroché à un parachute.

L’étude en question précise que le tiroir avait été scrupuleusement nettoyé avant le vol de façon à s’assurer que rien ne viendrait « polluer » la récolte dans la haute atmosphère. Pour les mêmes raisons, les chercheurs avaient installé une protection censée empêcher que des particules situées sur le ballon ne tombent dans la boîte. Une fois celle-ci récupérée, son contenu a été passé non pas à la loupe mais au microscope électronique à balayage. Et là, les scientifiques ont eu la surprise de découvrir la minuscule structure qui figure en photo au début de ce billet.

Pour les auteurs de l’article, cela ressemble fort à un « squelette » de diatomée, ces algues unicellulaires qui s’entourent d’une petite boîte de silice, le frustule. Simplement, comment cette chose a-t-elle bien pu se retrouver à 25 kilomètres d’altitude, se demandent ces chercheurs, puisqu’ils excluent toute contamination de leur dispositif expérimental ? Deux solutions s’offrent à eux, expliquent-ils. Ou bien ce morceau de frustule de seulement quelques micromètres de long appartient à une micro-algue terrestre et il vient d’en bas, ou bien il provient de l’espace et il s’agit d’une preuve de vie extraterrestre. L’étude se résume ensuite à une argumentation qui consiste à démontrer qu’aucun mécanisme terrestre connu ne peut expliquer la présence d’un frustule de diatomée à cet endroit de la stratosphère. Aucun avion, aucune tempête, n’a pu l’apporter si haut. Seule une puissante éruption volcanique aurait eu le pouvoir de la propulser à cette altitude mais d’éruption aussi importante il n’y a pas eu depuis un moment. Or, ajoutent les chercheurs, selon un modèle atmosphérique datant de 1968, une particule de la taille et de la densité de ce morceau de frustule retombe au sol à la vitesse minimale d’un mètre par seconde et ne peut rester en suspension dans la stratosphère.

On en arrive donc au raisonnement suivant, que Sherlock Holmes aurait adoré : une fois toutes ces hypothèses terrestres écartées, la seule explication qui demeure, l’origine extraterrestre, est forcément la bonne. Dans The Independent, Milton Wainwright ne s’embarrasse pas de prudence en disant qu’il est « convaincu à 95 % » que cette structure vient du cosmos. Le communiqué de presse de l’université de Sheffield, qui a accompagné la parution de l’étude, est encore plus affirmatif : « Notre conclusion est que la vie arrive continuellement sur Terre depuis l’espace, que la vie n’est pas restreinte à cette planète et qu’elle n’en est certainement pas originaire », dit un Milton Wainwright visiblement conquis par la théorie de la panspermie. Il ajoute que si la Terre est perpétuellement arrosée par cette vie cosmique, sans doute transportée par les pluies cométaires qui donnent les étoiles filantes, « il nous faudra complètement modifier la façon dont nous voyons la biologie et l’évolution. De nouveaux manuels devront être écrits ! »

Alors, révolution darwino-copernicienne ou pas ? Il faut reprendre les choses point par point. Et commencer par le dispositif expérimental : on nous dit par exemple que le fameux tiroir a été nettoyé par… flux d’air et tamponnage à l’alcool. Soit. Mais rien n’est précisé sur son étanchéité ni sur les précautions prises à son ouverture. Ensuite, le frustule : l’équipe n’a visiblement pas pris la peine de demander son avis à un spécialiste des diatomées pour savoir à quelle espèce terrestre il pouvait appartenir. De plus, avant de se lancer dans leur série d’hypothèses, les chercheurs auraient pu commencer par l’analyse isotopique de cette micro-structure afin de déterminer si elle était oui ou non d’origine terrestre (le communiqué de presse évoque d’ailleurs cette expérience). Il y a aussi la chronologie de l’étude : le vol du ballon-sonde a eu lieu le 31 juillet et l’étude a été acceptée par la revue le 9 août. On est sans doute très près du record du monde de l’expérience la plus rapidement analysée, retranscrite, envoyée et acceptée. Ce qui pose bien sûr la question de ladite revue.

Qui est un tant soit peu familier du sujet sait que le Journal of Cosmology n’est pas vraiment une revue scientifique sérieuse. Il s’agit d’un repaire de chercheurs partis en croisade pour la théorie de la panspermie1. Le principal meneur de ce mouvement s’appelle Chandra Wickramasinghe2 (université de Buckingham) dont il se trouve qu’il est à la fois rédacteur en chef du Journal of Cosmology et… co-auteur de l’étude sur la diatomée stratosphérique ! On comprend mieux la vitesse à laquelle le journal, qui pratique soit-disant le peer-review, a accepté cet article. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que Chandra Wickramasinghe sévit dans ce domaine car il a déjà, à plusieurs reprises, affirmé avoir trouvé des diatomées dans des météorites, ce qui a été à chaque fois réfuté. Il a également assuré que des virus comme celui de la grippe ou du SRAS provenaient de l’espace… Si l’on met tout cela bout à bout et si l’on ajoute qu’une découverte aussi importante que la preuve de la vie extraterrestre paraîtrait obligatoirement dans une revue prestigieuse, on saisit pourquoi la planète médiatique n’est, dans son ensemble, pas tombée dans cet énorme panneau jeudi 19 septembre. Et on a d’autant plus de mal à comprendre comment un journal plutôt sérieux comme The Independent s’est fait enfumer… sans compter une flopée de suiveurs non-vérifieurs comme La Tribune de Genèvela BBC ou le Times of India3.

Pierre Barthélémy

  1. La panspérmie est une théorie controversée selon laquelle les premiers organismes ne seraient pas nés de la matière minérale de la soupe primitive, mais bien d’une « vie » extraterrestre, d’un ancêtre cosmique, pour reprendre un terme consacré. Ce scénario se calque à la théorie d’un univers stationnaire de Fred Hoyle… qui fut le mentor de Wickramasinghe (point suivant).
  2. Nalin Chandra Wickramasinghe (1939-) est un personnage tout à fait fascinant. Pierre Barthélémy n’a pas la place de dire qu’outre être soutien à la dérive sectaire Sokka Gakkaï, ayant co-signé un livre avec son fondateur, Wickramasinghe est connu pour des positions qu’on pourrait qualifier de mystiques.Il fut avec Hoyle l’un des contestataires de l’Archaeopteryx, qu’ils qualifièrent de canular dans Archaeopteryx, the Primordial Bird: A Case of Fossil Forgery (1986). Dans l’affaire McLean v. Arkansas, en 1981 devant statuer sur la constitutionnalité d’un enseignement équilibré évolutionnisme / créationnisme, Wickramasinghe fut le défenseur du créationnisme.
  3. Voici les manchettes, comme autant de travaux pratiques.

BBC

Life on Earth ‘came from space’ say scientists

20 September 2013 Last updated at 11:39 BSTScientists at the University of Sheffield believe they have found evidence that life on Earth originated in space. The research suggests that Earth is constantly bombarded by microbes from outer space, which arrive on comets and meteors.Therefore life on Earth began when the planet became habitable enough for the microbes to survive and evolve.

Dr. Milton Wainwright, who is leading the study, told BBC Radio 5 live’s Up All Night: « We believe that life did not form from chemistry here on earth, it came from space… which has major implications for Darwin’s theory. »

Times of India

Alien life found on balloons after meteor shower

Kounteya Sinha, TNN Sep 20, 2013
LONDON: British scientists announced on Thursday that they have found alien life on Earth.
A team of scientists from the University of Sheffield led by Milton Wainwright from the department of molecular biology and biotechnology found small organisms that could came from space after sending a specially designed balloon 27km into the stratosphere during the recent Perseid meteor shower.
 

The balloon was launched near Chester and carried microscope studs which were only exposed to the atmosphere when the balloon reached heights of between 22 and 27km. The balloon landed safely near Wakefield.

The scientists then discovered that they had captured a diatom fragment and some unusual biological entities from the stratosphere, all of which are too large to have come from Earth.

Wainwright said the results could be revolutionary. « If life does continue to arrive from space then we have to completely change our view of biology and evolution, » he said. The scientists said stringent precautions had been taken against the possibility of contamination during sampling and processing, and said the group was confident that the biological organisms could only have come from the stratosphere.

Wainwright said, « Most people will assume that these biological particles must have just drifted up to the stratosphere from Earth, but it is generally accepted that a particle of the size found cannot be lifted from Earth to heights of, for example, 27km. The only known exception is by a violent volcanic eruption, none of which occurred within three years of the sampling trip. »

« In the absence of a mechanism by which large particles like these can be transported to the stratosphere we can only conclude that the biological entities originated from space. Our conclusion then is that life is continually arriving to Earth from space, life is not restricted to this planet and it almost certainly did not originate here, » he said. The group’s findings have been published in the Journal of Cosmology.

The team is hoping to extend and confirm their results by carrying out the test again in October to coincide with the upcoming Haley’s Comet-associated meteorite shower when there will be large amounts of cosmic dust. It is hoped that more new or unusual organisms will be found.

 

Tribune de Genève

Les extraterrestres ont-ils débarqué en Angleterre?

Par Anne-Elisabeth Celton.  20.09.2013

Des scientifiques affirment avoir découvert à Wakefield en Angleterre des organismes provenant de l’espace. Il s’agirait de la première preuve de vie extraterrestre sur terre.

Cette découverte va-t-elle changer le cours de l’histoire? Des scientifiques de l’Université de Sheffield affirment avoir trouvé à Wakefield (West Yorkshire) des preuves de vie extraterrestre, informe The Telegraph. Au mois d’août, ils ont lancé un ballon spécialement conçu à 27 km au-dessus de la surface de la terre lors d’une pluie d’étoiles filantes dite des Perséides. Objectif: prélever des échantillons via des capteurs déclenchés uniquement entre 22 et 27 km. A son retour, le ballon a atterri à Wakefield. Surprise: l’équipe découvre dessus des organismes microscopiques mais d’une taille bien trop grande selon eux pour faire partie de notre système.

Théorie de l’évolution à revoir

Pour le professeur Milton Wainwright, il s’agit d’une découverte révolutionnaire. «Des particules de cette taille ne peuvent être transportées dans la stratosphère en dehors d’un mécanisme exceptionnel comme par exemple une violente éruption, qui n’a pas eu lieu», explique-t-il. «Ces entités biologiques ne peuvent donc provenir que de l’espace. Notre conclusion est que la vie n’est pas limitée à cette planète. Si des organismes arrivent sur terre depuis là-haut, cela change notre vision de la biologie et de l’évolution.»

L’équipe fera un nouveau test le mois prochain lors d’une pluie de météorites.

Esprit critique es-tu là ?

La page dédiée aux ressources complémentaires pour le livret « Esprit critique es-tu là ? 30 activités zététiques pour aiguiser son esprit critique ».

CorteX_couteau_suisse_critiquePrésentation du livret :

Un outillage critique est nécessaire aussi bien pour analyser l’information ou distinguer les contenus scientifiques de contenus pseudoscientifiques que pour trier les thérapies, déceler les mensonges à visée commerciale ou de propagande, ou prévenir l’intrusion dans la méthode scientifique d’idéologies comme le racisme, le créationnisme ou l’Intelligent Design…

L’outillage présenté par ce livret sera utile à l’étudiant, à l’enseignant ou au chercheur, mais aussi à tous ceux qui souhaitent pouvoir se faire des opinions en toute connaissance de cause en se méfiant des mésusages médiatiques de la science.

Les « ateliers » d’esprit critique détaillés dans cet ouvrage ont été conçus et testés avec soin pour permettre de se frotter à l’analyse critique de façon concrète et amusante, mais aussi réellement constructive, en utilisant des supports ludiques, simples et motivants.

Faire une expérience pour arrêter son coeur ou une lévitation en groupe, pratiquer la télékinésie et la torsion des métaux ou analyser des vidéos de fantômes, tester des pouvoirs extraordinaires ou d’autres phénomènes réputés «paranormaux» est en effet un excellent moyen pour mettre en oeuvre la démarche scientifique, aiguiser son esprit critique et tenter ainsi de mieux comprendre le monde qui nous entoure.

Thème 1

Atelier 1 – Catalepsie et paralysie

Voici deux vidéos qui présentent une expérience de catalepsie accompagnée d’un discours ambigüe sur la nature du phénomène.

Montage de passages TV de Franck SYX

 
Un deuxième exemple de catalepsie présentée comme un état de la transe hypnotique durant un stage d’hypnose. Voir ici
 
Vidéo d’une catalepsie sans hypnose, pendant une conférence de l’Observatoire zététique.

 

Atelier 2 – Lévitation en groupe

Pour avoir une idée de l’expérience à réaliser :

Une description de cette expérience :

– John Fisher, La magie du corps, éditions Magix Unlimited, 1995, p.160-162.

Atelier 3 – Insensibilité à la douleur

 

Mise en oeuvre de l’atelier « insensibilité à la douleur » en atelier zététique

Voici quelques exemples vidéos de l’effet Pepper’s ghost :

D’autres exemples vidéo et leurs explications :

Candle Illusion

Pepper’s ghost demo

 

Atelier 4 – Arrêter son coeur

la soiree de l etrange

Montage vidéo à télecharger (sur demande) de l’émission La soirée de l’étrange du 25 avril 2008. Le mentaliste Guy Bavli « arrête son cœur en direct »…

Vidéo de l’émission Phenomenon (USA) : Guy Bavli « stoppe son coeur » (en anglais)

Atelier 5 – Tester ses pouvoirs pour trouver de l’eau

On pourra consulter la description détaillée de cette séquence, réalisée par Stanislas Antczak et Florent Tournus sur le site de l’Observatoire Zététique :

Télécharger


Thème 2

Atelier 6 – Les pouvoirs de l’esprit…logique

Atelier 7 – Comment devenir un vrai génie ?

Les techniques permettant de mémoriser une liste de mots sont décrites de façon très complète dans l’ouvrage de John Fisher :

– John Fisher, La magie du corps, éditions Magix Unlimited, 1995, p.88-97.

Pour illustrer cette technique :

« Hypermnésie » dans 30 histoires extraordinaires – TF1

 

Atelier 8 – Torsion du métal

Une vidéo de Uri Geller en train de tordre une cuillère sur un plateau de télévision :

Et James Randi, qui reproduit le même effet en révélant la technique utilisée :

Un autre exemple de torsion du métal :

Un œil averti saura repérer les manipulations…

On pourra aussi consulter l’excellent livre de Gérard Majax :

– Gérard Majax, Les faiseurs de miracles, éditions Michel Lafon, 1992, p. 253-256.

Atelier 9 – Télékinésie

La paille magnétisée

Mise en oeuvre de l’atelier « Télékinésie » en atelier zététique

https://www.youtube.com/watch?v=e735IagA9IA

Vidéo d’un tour de magie similaire, de Criss Angel (en anglais)

Pas besoin d’une autre paille, les doigts suffisent et produisent un effet encore plus étrange.

La Psi Wheel ou roue psychique

Démonstration de la psiwheels par Nicolas Vivant

Vidéo : « La pseudo-télékinésie expliquée ».

Montage d’une émission présentant les pouvoirs extraordinaires de Guy Bavli. Cette séquence conclut sur l’authenticité de ses pouvoirs de télékinésie sans aucun regard critique (tous les expériences sont pourtant réalisables avec de simples tours de prestidigitation.)

Autres ressources :

– Vidéos (en anglais) des psiwheels et son explication complète: http://www.scienceofscams.com/index.php

– Vidéo de la psiwheel sous verre et la réproduction du phénomène par Nicolas Vivant sans prétendus pouvoirs.

– Vidéo d’une autre technique de la psiwheel sous verre et le trucage.

– Henri Broch, Le secret des sorciers, éditions Milan, 2009

Atelier 10 – Tester la perception extra-sensorielle

PrOZstat

PrOZstat est un programme qui utilise l’outil statistique pour permettre de répondre à différentes questions lors de l’analyse de données expérimentales.

Il s’agit d’interpréter des résultats d’expériences types, en les confrontant aux résultats attendus par le hasard pour être en mesure de savoir si ces résultats sont extraordinaires ou simplement conformes au hasard :

– Logiciel Géogébra

Pour le test avec les cartes de Zener :

– Tests d’E.S.P. en ligne : http://www.charlatans.info/test-cartes-zener.php

Une vidéo sur les tests menés par Joseph Banks Rhine, à l’Université de Duke dans les années 30-40.


Thème 3

Atelier 11 – Illusions et paréidolies

Illusions d’optique

Quelques illusions spectaculaires pour illustrer la facette « un témoignage n’est pas une preuve ».

– L’illusion de l’échiquier de Edward H. Adelson :

CorteX illusion Adelson

En observant les cases A et B, on peut constater qu’elles n’ont pas la même couleur (A plus foncée que B). Or ces deux cases sont strictement de la même couleur. A imprimer, découper, et surperposer pour vérifier !

– L’illusion suivante est bluffante : que voyez-vous ?

CorteX illusion lac montagne

Des montagnes et un lac ? Pourtant, pas la moindre trace d’un lac… seulement un muret au premier plan !

– Une illusion spectaculaire de Hans Munker :

CorteX illusion Munker

Les barres rouges et violettes (en haut) sont en réalité de la même couleur. Comme les barres vertes et bleues (en bas).

– Pour compléter l’illusion de la tour qui penche :

CorteX illusion rails

Les rails ne pointent pas dans la même direction (apparemment !). Pourtant, ces deux photos sont parfaitement identiques…

Paréidolies

Quelques exemples de paréidolies.

CorteX pareidolie cheval

Que voyez-vous ?

CorteX pareidolie femme

Une femme en jean et… ?

CorteX pareidolie jeans

Un visage ?

CorteX pareidolie Jesus

Apercevez-vous le visage ?

Pour aller plus loin :

Un exemple de paréidolies décrit par Jérôme Bellayer :

http://www.unice.fr/zetetique/articles/JB_yeti_nain/index.html

Le blog de Richard Wiseman :http://richardwiseman.wordpress.com/blog-2/

– Une illusion en trois dimensions :

Illusion du dragon

Fichier pour réaliser le « Dragon » et deux sites qui proposent plusieurs versions de personnages à réaliser sur le même principe : opticalillusions et dragonillusioncolors

– 10 grandes illusions incroyables dont le dragon en version géante.

 

Atelier 12 – La cécité au changement

Déroulement

1/ On présente la vidéo « The original selective attention task » en indiquant que deux équipes (habillées en blanc et en noir) vont se faire des passes avec deux ballons de basketball : l’objectif est de compter le nombre de passes qu’effectuent les blancs : « Qui trouvera le score exact ? ».
Il faut insister : « c’est une tâche complexe, le silence est donc requis ».

2/ La vidéo est diffusée. On demande ensuite, sans laisser le temps aux commentaires, qui a vu : moins de 12 passes, 12, 13, 14, 15, 16, 17, plus de 17 – ce qui permet de montrer qu’il y a déjà une discordance dans les réponses. La bonne réponse est alors donnée (15) puis on ajoute « avez-vous vu quelque-chose d’étrange ? » puis « avez-vous vu un gorille passer au milieu de la scène ? ».

3/ On repasse la vidéo pour prouver la présence du gorille.

4/ Si vous savez que votre public connaît cette vidéo, qui date de 1999, on présente une deuxième vidéo datée de 2010 : « The Monkey Business Illusion » est basée sur le même principe. Personne ne devrait rater le gorille mais cette fois plusieurs changements dans la scène (sortie d’un personnage, couleur des rideaux) auront échappé à une majorité de personnes.

6/ Faisant croire que l’on change de sujet, on diffuse la vidéo « Color changing card trick » de Richard Wiseman. Effet garanti.

7/ On pourra, avec un groupe motivé, reproduire les deux expériences de cécité au changement suivantes :

– l’expérience de la bibliothèque,

– l’expérience de la porte, ou «door study».

Pour aller plus loin :

– Les travaux de DJ Simons : Simons, D.J. et Levin, D.T. (1997) Change blindness, Trends in Cognitive Sciences, 1(7), 261-267.

 

Atelier 13 – L’ami d’un ami m’a dit…

Plusieurs personnes se racontent, à tour de rôle, une histoire mystérieuse devant un groupe témoin qui contemple « en direct » les transformations apportées par chaque individu lors du récit de la même histoire.

Exemple de texte :

« Il y avait en 1762, dans un petit village de Prusse nommé Quarrey, un brave curé, l’abbé Hartmann, dont la vieille et bonne servante Angelica était une véritable perle. Levée à l’aube, couchée la dernière, elle faisait une cuisine délicieuse, cirait une fois par semaine les parquets, savait, comme pas une, laver et repasser, et réussissait à merveille les tartes et confitures. Elle vouait un véritable culte à son maître qu’elle soignait comme un enfant.
Mais un jour de novembre 1762, la bonne Angelica décéda d’une pneumonie. Naturellement, la peine de l’abbé Hartmann fut immense. Et c’est la mort dans l’âme qu’après avoir enterré la malheureuse Angelica, le curé engagea une nouvelle servante.
Celle-ci se nommait Frida et paraissait pleine de bonne volonté. Elle vint s’installer le 12 novembre au presbytère. C’est le lendemain qu’eurent lieu les premiers faits bizarres.
Ce jour-là, Frida se lève à l’aube. Elle descend à la cuisine et ce qu’elle voit la fige sur le seuil : la cuisinière est allumée, une soupe à la citrouille – le régal de l’abbé – est en train de mijoter doucement ; le carrelage a été lavé ; sur la table, des légumes sont épluchés.
Stupéfaite, elle entre dans la salle à manger pour préparer le feu. Inutile : les flammes dansent dans la cheminée, la pièce est déjà tiède. Qu’est-ce que cela signifie ?
Soudain, Frida devient rouge de confusion. Serait-ce Monsieur le curé qui, levé avant elle, aurait tout préparé pour lui faire honte ?
Elle entend justement son pas dans l’escalier. Elle se précipite :
– Excusez-moi, Monsieur le curé… C’est vous, n’est-ce pas, qui avez tout préparé ?
– Préparé quoi ?
– Mais…le feu, la soupe et les légumes que j’ai trouvés en me levant… Sans parler du carrelage que vous avez lavé…
– Moi ?! D’abord, ma bonne Frida, je ne sais rien faire de tout cela ; et puis, je viens juste de me lever… Allons, allons, vous n’étiez pas bien réveillée…
Et l’abbé s’en va dire sa messe. Quand il revient, il se met à table.
– Oh ! De la soupe à la citrouille ! Comment avez-vous deviné que c’était mon plat préféré ?
Frida baisse la tête :
– Je n’ai rien deviné, Monsieur le curé, puisque je vous ai dit qu’elle cuisait quand je suis descendue…
Le curé fronce les sourcils. Il se demande si sa servante a bien toute sa raison.
A ce moment, un bruit vient de la cour : quelqu’un est en train de tourner la manivelle du puits. Frida et le curé se précipitent et trouvent sur la margelle un seau rempli d’eau. La chaîne bouge encore.
Cette fois, l’abbé Hartmann est perplexe. Et il l’est bien davantage lorsqu’il apprend, une demi-heure plus tard, que son lit a été refait par des mains mystérieuses et qu’une pintade a été retrouvée sur la table de la cuisine, tuée, plumée, vidée, prête à être embrochée…
Alors Frida prend peur :
– Je ne vais pas rester ici, Monsieur le curé… Il y a un fantôme…
– Mais non, mais non, dit l’abbé Hartmann… Les fantômes n’existent pas…
Mais dans son for intérieur, il commence à se demander si son ancienne servante Angelica n’est pas pour quelque chose dans ces phénomènes étranges.
Au cours de la matinée, Frida, de plus en plus épouvantée, trouve la maison balayée, le bois coupé en bûches, le vin tiré. Quand elle veut préparer le repas, elle découvre le couvert mis, la pintade cuite à point, la salade préparée, du pain frais et une tarte aux poires toute chaude. Elle remonte alors dans sa chambre apeurée, fait ses affaires et quitte le presbytère en courant.
A partir de ce moment, l’abbé Hartmann va vivre des jours extraordinaires. « Quelqu’un » d’invisible fait sa vaisselle, prépare ses repas, lave et repasse son linge, bêche le jardin et fait le lit.
On raconte que ces phénomènes continuèrent jusqu’au jour où le roi de Prusse, Frédéric II le Grand, ordonna de raser le presbytère ainsi que tout le mobilier du curé pour le reconstruire dans une autre rue. Plus aucune manifestation ne se produisit et le curé dut engager une nouvelle servante. »

Extrait modifié de Des fantômes parmi nous, Guy Breton, Louis Powells, Ed. Robert Laffont, 1981, p.9.

Pour aller plus loin :

Véronique Campion-Vincent, Jean-Bruno Renard, Légendes urbaines. Rumeurs d’aujourd’hui, éditions Payot & Rivages, 1998.


Thème 4

Atelier 14 – L’effet Barnum

– « L’effet Barnum » (ou Forer) mis en scène par Lazarus :

http://www.lazarus-mirages.net/effet-forer

– Un extrait du film « Red lights » de Rodrigo Cortés (2012) qui présente l’experience de Bertram Forer.

– « L’effet Barnum » à tester en ligne.

Atelier 15 – Le bizarre est probable (1)

– Pour illustrer le tri des données, deux vidéos :

Des paniers de baskets impressionnants… mais combien de ratés ?

Lanceurs de canettes surdoués… ou de nombreux essais ?

Nous avons réalisé en collège (avec 3 bouts de ficelle et en moins de 40 minutes !) une petite vidéo « tri des données » pour reproduire un phénomène d’habilité extraordinaire…

Atelier 16 – Le bizarre est probable (2)

Le mythe du nombre d’or, un article de Jean-Paul Kirivine :

http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article796

– Exemple d’une coïncidence historique décryptée :

http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article83

 

Atelier 17 – L’effet puits

Un ensemble de ressources pour illustrer l’effet puits :

– Fichier (.doc) du générateur de phrases puits, modifiable pour imprimer des générateurs personnalisés. (nous serions heureux de proposer un fichier en Open source, si vous savez faire : contact@cortecs.org )

– Vidéo du spectacle de Franck Lepage « (In)culture », extrait sur la langue de bois.

– Georges Charpak, Henri Broch, Devenez sorciers, devenez savants, éditions Odile Jacob Poches, 2002, p.37.

– De nombreux générateurs de langue de bois sont en lignes sur internet. Quelques-uns ci-dessous :

http://g-langue-de-bois.fr/politique/generer_discours_langue_de_bois.php

http://www.presidentielle-2007.net/generateur-de-langue-de-bois.php

http://chrisferon.free.fr/technologies-langage/pipotron-politophore.php


Thème 5

Vidéos fantômes de l’atelier zététique du collège Champollion. Le groupe a réalisé une vidéo de chacune des catégories. Ce TP permet de se familiariser avec les trois catégories pour mieux les repérer

Atelier 18 – Les supports « truqués »

Exemple de matériel vidéo trouvé sur le net pour introduire et illustrer l’atelier sur les vidéos de fantômes « truquées »

Le fantôme de Singapour

– Explication du fantôme de Singapour

Le fantôme de Toronto

– Explication du fantôme de Toronto

– Liste de nombreuses vidéos et photos truquées

Atelier 19 – Les supports « mise en scène »

Exemple de matériel vidéo trouvé sur le net pour introduire et illustrer l’atelier sur les vidéos de fantômes « mise en scène »

Le fantôme d’une fillette dans un cimetière

– Explication du fantôme de la fillette dans un cimetière

L’effet Pepper’s ghost

Utilisation de l’effet Pepper’s ghost grandeur nature, par Derren Brown dans Science Of Scams

 

Vidéo d’explication pour réaliser une védéo de fantôme « Pepper’s ghost »

Vidéo d’explication pour réaliser une boîte maquette « Pepper’s ghost« 

 

Atelier 20 – Les supports « explications rationnelles »

Exemple de matériel vidéo trouvé sur le net pour introduire et illustrer l’atelier sur les vidéos de fantômes « explications rationnelles »

L’ange volant du parc de Cucuta (Colombie)

– Explication du fantôme du parc de Cucuta

D’autres ressources sur ce thème :

http://www.sceptiques.qc.ca/dictionnaire/orbs.html

http://zetetique.fr/

Jean-Eugène Robert-Houdin, Magie et physique amusante, Book-e-book, 2002.

 


Pour contribuer aux ressources du livret (films, images, documents, sites internet) n’hésitez pas à nous contacter :

contact@cortecs.org

L'argumentation et le débat sur les sciences en CM2, par Marine Ridoux

Marine Ridoux, membre de l’Association des Petits Débrouillards, a co-conçu et a co-animé, avec Michel Goldberg, maître de conférence à l’Université de La Rochelle et Stéphanie Vicenzotto, professeure des écoles, un atelier sur l’argumentation et le débat sur les sciences en classe de CM2. Qu’est-ce qu’un argument ? Tous les arguments ont-ils le même poids ? Quelles sont les règles d’un débat équitable ? Ce travail sur l’argumentation a ensuite été mis en pratique sur un sujet complexe : la controverse liée aux énergies. Pour aborder toutes ces questions avec ce jeune public, les animateurs ont eu recours aux jeux de rôle, au théâtre ou encore au débat mouvant. Marine Ridoux nous raconte comment ils s’y sont pris…

L’article suivant a été écrit comme un récit d’expérience. Pour celles et ceux qui seraient tentés de monter un atelier similaire, un descriptif bien plus détaillé est disponible ici.

Nous savions que l’esprit critique peut être enseigné à l’école primaire (on pourra trouver des pistes ici. Vous en connaissez d’autres ? Ecrivez-nous !). Aussi avons-nous tenté de construire des outils de pensée critique dans le but d’aborder des controverses scientifiques avec notre jeune public. C’est ainsi que l’association Les Petits Débrouillards et une professeure des écoles ont proposé à une classe de CM2 (école primaire de Puilboreau en Charente maritime) une animation pour découvrir dans un premier temps ce qu’est un argument et pour débattre ensuite autour du thème des énergies.

Notre association a l’habitude de mettre en place en classe de primaire des ateliers scientifiques basés sur la démarche expérimentale. Cette fois-ci, le but était de donner des outils aux élèves qui leur permettent d’appréhender une argumentation sur une thématique scientifique.

Déroulement de l’activité

Information générale – L’enseignante, Stéphanie Vicenzotto, était chargée de transmettre des notions fondamentales sur le thème des énergies. Après une première séance en classe entière centrée sur la définition de l’énergie et de ces différentes formes, la classe a été divisée en neuf groupes de travail de trois élèves, chacun prenant en charge une thématique précise : nucléaire, pétrole, charbon, gaz naturel, éolien, solaire, hydraulique, géothermique, biomasse.

Recherche d’informations – Dans un premier temps les élèves ont dû réunir des informations sur cette énergie. Les recherches ont été menées à la bibliothèque de la ville, sur Internet, et grâce à certains documents réunis par la professeure des écoles. Pour faciliter les recherches la classe s’était mise d’accord sur un plan commun à chaque énergie : quelle est la source de cette énergie ? Comment est-elle transformée pour être utilisable par l’Humain ? Quels sont les avantages et inconvénients de ce type d’énergie ?

Pour ces recherches, chaque groupe était en autonomie, l’enseignante restant à la disposition des élèves pour toute demande d’information et de conseils.

 Partage des connaissances – Les élèves ont ensuite créé une affiche qui récapitule et met en forme leurs connaissances acquises sur la question.

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Finalement chaque groupe a présenté oralement ses recherches au reste de la classe. Les animateurs ont également assisté aux exposés.

Travail sur l’argumentation – Les animateurs Petits Débrouillards, Michel Goldberg et Marine Ridoux, sont intervenus pendant deux séances d’une heure et demie afin de discuter avec les élèves sur des questions d’argumentation. Les enfants avaient été répartis en deux demi-classes de 14 élèves. L’animation portait sur les questions suivantes : dans quelle situation argumente-t-on ? Qu’est ce qu’un argument ? Est-ce que les raisons appuyant un argument ont toutes la même valeur ? Comment peut-on répondre à des arguments qui sont présentés sans raison, ou dont les raisons sont insuffisantes, fausses, ou encore hors du sujet ?

Les animations dont découlent ces questionnements étaient essentiellement basées sur des jeux de rôles et de théâtre. Pour plus de détails sur l’argumentation et les animations, le déroulé pédagogique complet est disponible,ici.

 Une séance finale a permis de mettre en application les notions abordées durant les deux phases précédentes, celle sur l’argumentation et celle sur la recherche bibliographique : s’écouter, respecter le temps de parole des autres, construire un argument, évaluer si un argument est « vrai », pertinent et suffisant pour justifier la conclusion, mobiliser ses connaissances, construire une opinion personnelle etc.. Pendant une heure, toujours en demi-groupe, il a été proposé aux élèves de débattre selon la technique du débat mouvant.

 

Le débat mouvant se crée sur une affirmation ou une question fermée (par laquelle on ne peut répondre que par oui ou par non). On demande aux participants de choisir leur camp (oui ou non) en fonction de leur opinion initiale, camps qui sont matérialisés dans l’espace et se font face. Chacun des camps reçoit la parole de façon alternée et tente de convaincre les autres grâce à un argument ou un exemple. Chaque fois qu’un argument de l’autre camp est jugé valable par un participant, il change de zone.
Voici les sujets proposés aux élèves :
  • Avec tout ce que nous savons maintenant, il devient important de punir les enfants qui gaspillent de l’énergie
  • Il faut tout de suite arrêter d’utiliser de l’énergie nucléaire et fossile pour n’utiliser que des énergies renouvelables.
  • Tous les enfants du monde doivent pouvoir vivre comme nous aujourd’hui.
  • Seuls les scientifiques sont capables de résoudre les problèmes actuels de l’énergie dans le monde.

Les précautions à prendre pour animer ce type de débats et les consignes données aux élèves sont détaillées ici.

Le public

D’après l’enseignante, les enfants qui ont participé à l’expérience étaient déjà très à l’aise à l’oral et avaient déjà une bonne culture générale. Il nous a également semblé que l’enseignement de la professeure tout au long de l’année a également participé au bon déroulement de l’expérience. En effet, elle a habitué ces élèves à prendre souvent la parole, à faire de nombreux petits exposés, à mener des expérimentations scientifiques et établir des hypothèses par groupe.
Des élèves à l’aise avec la parole et une classe habituée à travailler en groupes nous paraissent être deux conditions nécessaires pour monter un atelier sous cette forme.

Bilan des animateurs

Il nous est apparu que les enfants, dans leur ensemble, ont compris les notions que nous avions apportées. L’ambiance dans la classe était à la fois studieuse et animée. De nombreux enfants ont exprimé une grande satisfaction et une volonté de poursuivre ce type d’animation. Plusieurs enfants ont voulu souligner qu’ils avaient particulièrement aimé cette séance.

 A titre d’exemples, les enfants ont été capables d’identifier et de définir par eux-mêmes plusieurs critères définissant un bon argument (« il faut s’expliquer pour être compris », « il faut laisser le choix »), ou une bonne stratégie argumentative (« il faut parler gentiment »). Il a cependant été difficile de différencier un « bon » argument sur le fond et sur la forme. Par exemple, un argument qui leur semble « gentil » sera forcément un bon argument même si celui-ci n’est pas justifié par des raisons.

 Le temps consacré à l’ensemble des débats a été d’environ 25 minutes. Durant ce laps de temps tous les élèves ont au moins participé une fois même si certains d’entre eux participaient plus que d’autres. Nous avons été surpris de la réponse des enfants face aux questions. D’autant plus, que les questions choisies étaient délibérément piégeuses.

 Par exemple, en leur demandant si Tous les enfants du monde doivent pouvoir vivre comme nous aujourd’hui, nous pensions que la plupart des élèves diraient : oui, tous les enfants doivent pouvoir avoir accès au confort, à l’éducation, etc. Mais au contraire, ils ont dans un premier temps souligné que tout le monde ne voulait pas forcément vivre comme nous, puis qu‘il n’y aurait pas assez de ressources pour que tout le monde vivent comme nous. Un élève a émis l’idée que nous devrions diminuer notre consommation, pour que les autres puissent gagner en confort.

 D’après notre expérience, le format de plusieurs petites questions convient bien à l’âge et au format du débat qui s’essouffle si on ne choisit qu’une seule question. La plus grande difficulté est de choisir les affirmations qui seront débattues. Il est recommandé de les écrire au tableau pour que tout le monde soit d’accord sur les termes.

 Les enfants étaient vraiment très dynamiques, et souhaitaient participer activement. Malheureusement, nous n’avions pas prévu assez de temps pour chaque activité. Parfois, il a fallu les raccourcir. Il aurait fallu un peu mieux cadrer les interventions des enfants et pour certains exercices, il avait été prévu de travailler sur 10 exemples, finalement 5 uniquement ont été traités.

 Une autre critique possible de cette animation est qu’elle est essentiellement basée sur le théâtre et la prise de parole, il serait intéressant de développer de nouvelles activités qui permettent à des enfants peu à l’aise à l’oral de participer.

Bilan de l’enseignante

 La professeure souligne la difficulté d’un tel projet à cause de la grande diversité d’apprentissage que cela implique pour les élèves. Ces nouveaux concepts ont été assimilés par les enfants en trois semaines uniquement. Selon la classe, il pourrait être préférable d’aborder ces différentes notions les unes après les autres, sur le long terme. Ces activités sont très majoritairement basées sur l’oral, or, l’écrit peut aider certains élèves à s’approprier les notions. Il aurait pu être intéressant de demander un exemple écrit individuel aux enfants. Il serait intéressant, de refaire un débat sur un autre thème (écosystème, biodiversité, reproduction,…) afin d’ancrer les acquis.

Perspectives

 De nouvelles expériences pourront être menées en primaire avec des enfants plus jeunes. D’autres types d’activités pourront être testées, favorisant l’expression d’enfants qui ont plus de difficulté pour donner leur avis, notamment dans des classes moins habituées à prendre la parole :

  • jeux de cartes type Seigneur des ténèbres. Dans le jeu classique, un élève joue le rôle du seigneur des ténèbres qui a sous ses ordres un ensemble de serviteurs qui n’arrêtent pas d’échouer dans leurs missions. A l’aide des cartes, les serviteurs construisent leurs argumentaires pour éviter la colère du maître des ténèbres. Celui-ci décide alors (et justifie à l’aide de la séance passée) si l’argumentaire lui semble valable. Certes, il faudra réfléchir à la manière de modifier les rôles et les règles pour rendre ce jeu coopératif ainsi que le thème de départ en fonction du domaine scientifique que l’on souhaite aborder, mais le principe des cartes qui donnent une contrainte ou une piste pour argumenter, ou de celles qui permettent de se faire aider, ainsi que le rôle de la personne qui doit dire si l’argument l’a convaincue ou non, nous paraîssent intéressants.
  • recueil d’opinion dans le cercle familial ou amical sur l’argumentation

Nous aimerions également tester cette animation au niveau du secondaire. Cela pourrait donner lieu à des projets transdisciplinaires (français, sciences, mathématiques, histoire, géographie, théâtre).

D’autres animations pourraient également voir le jour en dehors du cadre scolaire, par exemple dans le cadre duconseil municipal des enfants à Angoulême.

Marine Ridoux
Atelier co-conçu et co-animé avec Michel Goldberg et Stéphanie Vicenzotto

Pour tout renseignement sur cet atelier, vous pouvez contacter Marine Ridoux : marine.ridoux (at) lespetitsdebrouillardspc.org

Rasoir

Rasoir d'Occam et principe de parcimonie

Outil indispensable en science (en tant que démarche), le principe de parcimonie des hypothèses (appelé encore rasoir d’Occam) est parfois source de malentendus ou de mauvaises interprétations. En quoi consiste-t-il ? Comment le présenter à un groupe d’étudiants ou à tout autre auditoire ? Voici quelques pistes que nous utilisons au CorteX lors de nos formations et autres cours.


Un rasoir tranchant

 
Si on vous dit « Je vais te trancher la gorge avec le Rasoir d’Occam », n’ayez crainte, ce rasoir ne coupe que les fils de raisonnement biaisés. C’est en fait un principe de raisonnement dit « de parcimonie », ou « d’économie », antérieur au Franciscain Guillaume d’Occam mais énoncé par lui au 14ème siècle.

Ça dit en substance : Pluralitas non est ponenda sine necessitate En moins nébuleux : Entia non sunt multiplicanda praeter necessitatem En moderne : Les entités ne doivent pas être multipliées par delà ce qui est nécessaire Et en compréhensible : Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?***

En gros, ce que dit ce rasoir, c’est que lorsqu’il y a plusieurs hypothèses en compétition, il vaut mieux prendre les moins « coûteuses » cognitivement.

Je vous donne le meilleur exemple que je connaisse, et que l’on doit à Stanislas Antczak (…) :

Je mets un chat et une souris dans une boîte, je ferme, je secoue, et j’ouvre : il ne reste plus que le chat. Hypothèse 1 : des extraterrestres de la planète Mû ont voulu désintégrer la souris, mais elle s’est transformée en chat. Le chat, de frayeur, est passé dans une autre dimension par effet Tunnel. Hypothèse 2 : le chat a mangé la souris (sans dire bon appétit, ce qui est mal).

Vous m’accorderez que l’hypothèse 2 est beaucoup moins coûteuse intellectuellement que la N°1. Elle ne postule rien d’autre que la prédation de la souris par le chat, qui est au moins aussi connue que Johnny Hallyday, tandis que la première postule une planète Mû, des extraterrestres qui viennent, qui savent désintégrer un chat ce qui n’est pas donné à tout le monde, une souris qui se transforme en chat, une autre dimension, un chat qui sait y aller et un effet tunnel pour objet macroscopique. Ca fait beaucoup. Dans le doute, on choisira la 2.

Deux autres exemples ? Guillemette Reviron a repéré cette pub pour la chaîne Canal + :

[dailymotion id=xkljxb]

Ismaël Benslimane a déniché cet épisode (3 min) de la série Kaamelott (Saison 4 Episode 6 – Les pisteurs) :

Nous avons dû supprimer la vidéo après avoir reçu le courriel suivant : 

Bonjour,
Nous agissons pour le compte de notre client, Regular Production, concernant le retrait de vidéos incluant tout où parties (intégrales, épisodes, extraits…) de la série TV « Kaamelott » d’Alexandre Astier (Regular Production).
Merci de retirer les vidéos suivantes…

Notre camarade Franck Villard nous a fait parvenir cet extrait percutant issu du film Jeanne d’Arc de Luc Besson (1999) :

Un principe utile en science

Un exemple prenant sa place dans la pratique scientifique : lorsqu’un biologiste systématicien recense les espèces, il ne va pas créer une nouvelle case à chaque oiseau rencontré. Il ne va en créer une qu’après avoir bien vérifié que le cui-cui en question ne s’incorpore dans aucune des catégories connues, merle, pinson, mésange, ou Boeing 707.

Ce principe d’économie des hypothèses est bien plus vieux que ça et date d’au moins Aristote, mais il est couramment attribué à un moine franciscain anglais du XIVe excommunié par le pape de l’époque. Ce prénommé William, que nous autres francophiles chauvins nous sommes empressés de renommer Guillaume parce que enfin voyons quand même, venait d’Ockham, dans le Surrey, en Angleterre, et aurait déclaré un lendemain de cuite le entita non sunt multiplicanda praeter necessitatem. Comme ce principe, appelé aussi principe de parcimonie, taillait de près les entités comme autant de poils rétifs d’une barbe ou d’un mollet, on l’a appelé le Rasoir d’Ockham.

Ce principe ne nous dit rien sur la validité des hypothèses : il dit qu’entre deux hypothèses aussi explicatives l’une que l’autre, on ne sait pas laquelle est juste, mais il vaut mieux choisir la moins coûteuse. Il est extrêmement utile en médecine : face à un patient se présentant fatigué, avec le cou rigide, un mal de tête et un peu de fièvre, il sera plus logique de miser sur une méningite que simultanément sur une mononucléose, des vertèbres endommagées, une tumeur au cerveau et une malaria.

Rasoir

Un outil de discernement en esprit critique

Ce coupe-chou peut s’avérer aussi utile pour l’analyse des théories dites du complot. Il n’est pas impossible que le 11 septembre soit le fruit d’une orchestration planifiée par les services secrets, moyennant une grande discrétion des complices, tout un tas de précautions et l’effacement de toutes les preuves, ceci afin de déclarer le combat contre l’Axe du Mal et déclencher la deuxième guerre du golfe. C’est un scénario séduisant, surtout quand on est anti-Bush. Mais un peu de culture historique rend assez coûteuse cette hypothèse.

Pour ne prendre qu’un exemple, il a suffit pour la première guerre du Golfe en 1990 de payer dix millions de dollars l’une des plus grosses firmes de relations publiques, Hill & Knowlton, pour qu’elle orchestre le changement d’opinion souhaité par G. Bush père, en inventant l’histoire des bébés koweitiens retirés des couveuses par les soldats irakiens et en mettant en scène la fausse témoin Nahira, quinze ans, en larmes devant une commission sénatoriale. La jeune femme, qui s’avéra ensuite être la fille de l’ambassadeur du Koweït, n’avait comble du cynisme jamais mis les pieds au Koweït. Dix millions de dollars d’un côté, quatre mille morts dix ans plus tard. Il est permis de penser que l’hypothèse d’un réel attentat est plus économique intellectuellement, et qu’une campagne de presse type Nahira plus économique en vies états-uniennes et en argent.

J’aime beaucoup la métaphore des mots croisés de l’épistémologue Susan Haack. Elle suggère que la science fonctionne à la manière d’un mot croisé, avec la connaissance disponible pour arrière-plan et les observations expérimentales pour indices. Surtout elle précise que « la validité d’une entrée dépend non seulement de la force des indices, mais aussi de toutes les autres entrées déjà écrites qui font intersection avec elle » . En clair, si tu débarques un matin avec une hypothèse qui bouscule toute la grille de mots croisés que les savants se cassent le coccyx à remplir depuis des siècles, elle a intérêt à être solidement étayée par des preuves (et on retombe sur la facette « Une prétention extra-ordinaire nécessite une preuve plus qu’ordinaire »). Si tel n’est pas le cas, le rasoir d’Occam, qui ne s’émousse jamais et qui a une triple lame, t’encourage à te retenir d’écrire ton mot dans la grille, bref, à être sceptique. Alors, comme le temps son vol, petit scarabée, l’espace d’un instant suspends ton jugement.

Un peu de pédagogie

Imaginez-vous dans deux heures : vous venez de lire cet article, avant ça, vous n’aviez jamais entendu parler d’Occam, de rasoir ou de parcimonie. Bref, vous devez en parler à un collègue du boulot, à votre mari, à votre fille, à un ami, etc. Comment faire ? On a souvent tendance à vouloir aller à l’essentiel. L’exemple du chat et de la souris est parfait pour cela. Cependant, selon le vocabulaire utilisé, on peut vite tomber dans une erreur courante et confondre hypothèse la moins coûteuse cognitivement (la plus parcimonieuse) et « hypothèse la plus simple ». Pourtant, parcimonieux n’est pas forcément synonyme de simple, et croire cela peut nous entraîner dans des erreurs de raisonnements que nos interlocuteurs ne se priveront pas de repérer. Je vais tenter de l’illustrer avec deux exemples. Tout d’abord, avec le chat et la souris, cette différence ne saute pas aux yeux tant il est vrai qu’affirmer « le chat a mangé la souris » est bien plus simple comme explication que d’imaginer l’intervention d’extraterrestres. Le piège est pourtant grand de considérer cette hypothèse soi-disant simple comme parcimonieuse. En effet, rien n’est simple dans la prédation du chat (détection d’un stimulus visuel, déclenchement de la réponse musculaire par transmission nerveuse, etc.) ou dans sa digestion (action des enzymes, réactions chimiques complexes). Alors que, tout le monde en conviendra, pour des extraterrestres, téléporter un chat c’est très très simple… Pourquoi choisir alors « Le chat a mangé la souris » et pas l’histoire d’aliens ? Car, comme expliquer ci-dessus, la première nécessite beaucoup moins d’explications additionnelles, ad hoc comme on dit aussi, d’entités surnuméraires (en surnombre). Mais rien n’est simple dans la prédation du chat, ne l’oublions pas. Voici un deuxième exemple, tiré de l’excellent ouvrage dirigé par Guillaume Lecointre, Guide critique de l’évolution, dans lequel il précise que le rasoir d’Occam ne postule en rien la parcimonie en soi des théories mais oblige à une parcimonie méthodologique pour choisir la meilleure théorie à retenir : « Le commissaire de police est sur les écrans, le plus médiatisé des utilisateurs du principe de parcimonie. S’il reconstitue le meurtre avec économie d’hypothèses, ce n’est pas pour autant que le meurtrier a ouvert le moins de portes possibles, tiré le moins de balles possibles et économisé son essence pour se rendre sur les lieux du crime » (p.25) Retenons que le principe de parcimonie nous donne une façon de procéder, une méthode, méthode permettant de trier parmi des hypothèses. Cette analyse nous conduit à privilégier les théories les plus économes en explications ad hoc ou, autrement dit, les théories les plus parcimonieuses en hypothèses, celles s’intégrant donc le mieux dans la fameuse grille de mots croisés de Susan Haack. En plus clair, le rasoir d’Occam n’est pas une ode à la simplicité, tout au plus un éloge au non-gaspillage.

Pour aller plus loin :

  • Thèse de R. Monvoisin (2007)