Enquête zététique sur le Père Noël

Hier, une amie m’a demandé si j’avais écrit ma lettre au Père Noël. J’étais très très embêté. À l’origine, le Père Noël n’est autre que Nicolas de Myre, évêque de son état. Contrairement à l’imagerie populaire, il était assez maigre, si bien que le grand monde, déjà très sensible aux modes, ne parlait que de se mettre dans la ligne de Myre. Certains l’appelaient aussi Nicolas de Bari, et de temps en temps Nico mais dans l’intimité seulement. Originaire de Patara, dans l’actuelle Turquie, il serait né en 270.  On l’a nommé au Moyen-âge patron des petits n’enfants et des écoliers, tant il était gentil. Il sauva également des marins en perdition et fit un miracle encore plus difficile que Jésus : il multiplia non les pains, mais la farine.

Le père Noël est un peu mytheux

Est-ce ceci qui l’a usé ? Lui qui fut un ancien enfant, comme vous et moi, mourut un 6 décembre certainement des persécutions raffinées de l’époque : cela donna un prétexte à la populace qui ne pense qu’à ça pour faire la fête, fête appelée dès lors la Saint Nicolas, ou Sinter Klass – évidemment, on aurait pu dire Saint Nico mais un peu de contenance ne fait pas de mal. C’est depuis cette époque que, rendant hommage au bon sens de Saint Nico patron des écoliers, on parle des fameux conseils de Klass.

À sa mort, il est dit que de sa tête jaillit une fontaine d’huile, ce qui est assez vexant ; et de ses pieds une source d’eau. Certains avancent que de tous ses membres, sortait une huile sainte qui guérissait nombre de gens. D’ailleurs, bien plus tard, lorsque les Turcs détruisirent la ville de Myre, 47 soldats italiens de Bari accompagnés de quatre moines leur ayant montré le tombeau de Saint Nicolas, ouvrirent celui-ci et trouvèrent ses os qui nageaient dans l’huile. Alors ils les emballèrent et les emportèrent chez eux (d’où l’autre nom de Nicolas « de Bari »).

Désormais les 6 décembre la fête fuse, on tirelipinponne sur le chihuahua et les cotillons jaillissent, surtout en Lorraine car, quelques années après l’arrivée des reliques du saint en Italie, un chevalier lorrain qui revenait de croisade passa à Bari, s’approcha de la relique et déroba… un doigt pour l’amener dans sa ville natale, Saint-Nicolas-de-Port. Bientôt des pèlerinages importants furent organisés dans cette petite ville, car il semblait que prier Saint Nicolas apportait des miracles : des chevaliers enchaînés par les Infidèles furent (soi-disant) miraculeusement télétransportés devant le portail de l’église de Saint-Nicolas-de-Port et Saint Louis lui-même fut sauvé de la noyade.

Le père Fouettard
Le père Fouettard

Depuis le XIIe siècle, on raconte que Saint Nicolas, déguisé, va de maison en maison dans la nuit du 5 au 6 décembre pour demander aux enfants s’ils ont été obéissants. Le soir venu, les enfants laissent leurs souliers devant la cheminée ou devant la porte avec du sucre, du lait, et une carotte pour la mule qui porte Saint Nicolas. Si les enfants sages reçoivent alors des cadeaux, des friandises, les méchants reçoivent quelques coups de trique bien ajustés par le compagnon de Saint Nicolas, le fameux Père Fouettard. La mule, elle, mange la carotte.

Mais c’est au XVIIe siècle où les choses se gâtent : désormais célèbre jusqu’en Europe du Nord, la cotillonnade du Saint-Nicolas s’exporte vers les États-Unis et nous transforme radicalement notre évêque ! D’abord, on l’appelle dorénavant Santa Claus; et puis, autre miracle, la mitre se change en sucre d’orge, en 1821. On se croirait dans Hänsel et Gretel, des frères Grimm, écrit 9 ans plus tôt ; puis Clément Clarke Moore, pasteur étasunien, rajoute des rennes, venus du froid, et malheureusement pas de Nîmes bien que la renne de Nîmes soit célèbre dans le monde entier. Par contre, je ne sais pas qui a ajouté ces gentilles fossettes, ni cet embonpoint qui, lui aussi, est rentré dans les mœurs écolières. En effet, n’avez-vous jamais surpris la maîtresse susurrer à un enfant rosi d’aise : « c’est bien, t’auras un embonpoint » ? Bref, Santa Claus, outre peau grasse, a fait peau neuve. Mais ce n’est pas fini ! Gardez-le pour vous, mais le premier costume rouge avec fourrure blanche, ainsi que la grande ceinture de cuir datent de 1860, d’une illustration de Thomas Nast, illustrateur et caricaturiste au journal new-yorkais Harper’s Illustrated Weekly.

Le père Noël, par Thomas Nast (1881)
Le père Noël, par Thomas Nast (1881)

Ce même Nast décida par la suite, en 1885 que l’antre du Papa Noël était au Pôle Nord, au moyen d’un dessin illustrant deux enfants regardant, sur une carte du monde, le tracé de son parcours depuis le pôle Nord jusqu’aux États-Unis. L’année suivante, l’écrivain étasunien George P. Webster reprenait cette idée et précisait que sa manufacture de jouets et sa demeure, pendant les longs mois d’été, est en fait cachée… dans la glace et la neige du pôle Nord. Enfin c’est Coca Cola qui, en 1931, sous le pinceau de Haddon H. Sundblom, généralisa le rouge et blanc, l’air rougeaud et mielleux, et troqua la robe contre le pantalon. Détournement commercial en règle d’un mythe folklorique.

Illustration de H. H. Sundblom dans le  The Saturday Evening Post (1931)
Illustration de H. H. Sundblom dans le The Saturday Evening Post (1931)

Ainsi, le Père Noël bouffi n’est qu’un mixte entre un évêque et une campagne de Publicité, et Noël un hybride entre la (encore discutée) naissance de Jésus Christ et la mort d’un évêque turc. Si avec cela, vous parvenez à m’expliquer pourquoi on fait bombance à Noël d’une dinde qui en plus ne nous a rien fait, je vous tire mon chapeau.

Mais passons à des considérations d’ordre physico-chimique, si vous le voulez bien.

Des chercheurs très talentueux ont essayé d’évaluer, sur un curseur « vraisemblance », la validité des hypothèses tendant à montrer « l’existence du Père Noël ». Leurs résultats étaient somme toute édifiants, mais entachés de plusieurs erreurs de calcul. Réexaminons-les.

Premier problème de taille : aucune sous-espèce connue de renne Rangifer tarandus ne sait voler.

Bien que soient estimés à 300.000 espèces les organismes qui doivent encore être découverts et classifiés (dont la majorité est constituée d’insectes et de germes divers), cela ne justifie en rien l’existence des rennes volants que seul le Père Noël utilise. Et bien que l’une des dernières ait épongé ses dettes de tiercé avec l’argent de l’État, même les rennes d’Angleterre ne volent pas…

Jeux Olympiques 2012
Reine volante, Jeux Olympiques 2012

Bon… admettons que le père Noël, balèze, ait trouvé des rennes volants.

Il y a environ 2 milliards d’enfants dans le monde. Puisque le Père Noël ne semble pas desservir les populations musulmanes, hindoues, juives et bouddhistes, ni les Témoins de Jéhovah, ni les Gitans, cela réduit à environ 55 % le nombre d’enfants à desservir, soit environ 1,1 milliards de lardons. Jaugeons à 35 % d’enfants sages, et nous tombons sur la bagatelle de 375 millions d’enfants à récompenser.

D’après les données des derniers recensements effectués, il y a une moyenne d’à peu près 3,5 enfants par foyer : on évalue ainsi à environ 107 millions de maisons à visiter en supposant qu’il y ait au minimum un bon enfant dans chacune d’elles et que les enfants sages ne soient pas tous par paquets dans les mêmes familles. Le Père Noël dispose de 31 heures d’obscurité, le jour de Noël, pour effectuer son travail (en tenant compte des différentes zones horaires, de la rotation terrestre, et en supposant qu’il voyage d’Est en Ouest pour avoir plus de nuit). Cela signifie 958,8 visites de domiciles par seconde.

De façon pratique, cela signifie que pour chaque résidence ayant au moins un bon enfant, le Père Noël a à peine plus d’un millième de seconde pour stationner, sauter hors du traîneau, donner du foin1 aux rennes, se laisser tomber dans la cheminée, retrouver à l’odeur à qui est tel ou tel chausson, remplir les chaussons en conséquence, distribuer le reste des cadeaux sous l’arbre de Noël, manger le casse-croûte qui a été laissé à son intention, remonter la cheminée, grimper dans le traîneau et se mettre en route vers la prochaine résidence.

En supposant que chacun de ces 107 millions d’arrêts soient aléatoirement distribués autour de la surface terrestre, (ce qui bien sur est faux mais reste acceptable dans le cadre de cette démonstration) et prenant en compte le fait que 2/3 de la surface de la planète sont immergés et que les populations humaines sont fortement concentrées aux mêmes endroits, nous obtenons donc une distance moyenne inter-foyer approximative de 3 kilomètres : et donc un périple total d’une distance de 321 millions de kilomètres, sans compter les arrêts fourrage pour les rennes et les pauses pipi.

Modèle seconde peau, pour soirée d'hiver
Modèle seconde peau, pour soirée d’hiver

Cela signifie que le traîneau du Père Noël se déplace à 2876 kilomètres par seconde, dix mille fois la vitesse du son. À titre de comparaison, le plus rapide artefact d’origine humaine, la sonde spatiale Ulysse, se déplace à une vitesse poussive de 43,8 kilomètres par seconde. Un renne conventionnel, lui, se déplace à une vitesse maximale de 24 kilomètres à l’heure, et encore, avec des anabolisants.

La charge portée par le traîneau est elle aussi un paramètre non négligeable. En supposant que chaque enfant ne reçoive rien de plus qu’un jeu Lego de grandeur moyenne (un kilogramme), le traîneau transporte alors 375 000 tonnes (puisqu’il y a 375 millions de boîtes d’1 kilogramme), sans compter le Père Noël, qui est invariablement décrit comme souffrant d’embonpoint. Or, sur le plancher des vaches, les rennes conventionnels ne peuvent tirer plus de 150 kilos de marchandises.

Alors même si l’on accordait aux rennes volants une capacité de traction dix fois plus grande que la normale, il serait impossible de faire le travail avec huit ou neuf rennes : il faudrait 250.000 de ces rennes spéciaux (qui pèsent autour de 200 kilos chacun), tous ces rennes augmentant bien entendu le poids total à un sommet de 375 000 + 250 000 x 0,2 soit 425 000 tonnes, autant dire près de 10 fois le poids du Titanic (46328 tonnes) – et nous ne tenons pas compte du poids du traîneau lui-même.

425.000 tonnes voyageant à 2 876 kilomètres par seconde créent une résistance énorme à l’air, chauffant les rennes de la même manière que la navette rentrant dans l’atmosphère terrestre. Si l’on considère les frottements dans l’air proportionnels au carré de la vitesse, alors les rennes de tête absorberont quelque chose de l’ordre de quelques milliards de milliards de joules d’énergie. Par seconde. Par renne.

CorteX_HalleyEn résumé, ils exploseront en flammes presque instantanément, exposant les rennes adjacents à des dommages collatéraux sévères et créant des boums soniques assourdissants lors de leur passage au-dessus des agglomérations endormies et sereines. Au fur et à mesure de sa mission, le Père Noël laissera derrière lui un sillage de bangs soniques assourdissants et une cohorte ininterrompue de rennes carbonisés. L’attelage entier de rennes sera vaporisé en moins de 4,26 millièmes de seconde.

Pendant ce temps, le Père Noël sera sujet à des accélérations 300 000 fois plus fortes que la force gravitationnelle. Si l’on en croit les chercheurs, un Père Noël de 125 kilos (ce qui semble très optimiste) serait écrasé au fond de son traîneau par une accélération de quelques millions de newtons, de qui devrait définitivement guérir son cholestérol, lui broyer les os, pulvériser sa chair, le transformant en gelée rose et lui enlevant toute velléité de recommencer. En d’autres termes, si le Père Noël essaie de distribuer des cadeaux le soir de Noël à tous les petits garçons et à toutes les petites filles qui le méritent sur la surface de la Terre, il finira en purée carbonisée, dans un sillage de rennes incandescents

Conclusion

Il semble probable que le père Noël, s’il a existé, soit mort carbonisé et/ou aplati depuisCorteX_pere-noel-est-une-ordure longtemps. L’apparition miraculeuse du Père Noël, rapportée de nombreuses fois, reste donc pour les plus grands scientifiques une donnée inexplicable. Mais comme, lorsqu’il passe, tout le monde dort à poings fermés, nous pensons que la croyance dans le père Noël est un choix métaphysique qui relève de chaque enfant, et de lui seul. À la manière d’un Monstre en spaghetti volant, d’une licorne invisible et rose ou du dragon dans le garage de Carl Sagan et Ann Dryuan. Un enfant zététicien comprendra vite qu’au fond, y croire ou pas, ça ne change pas grand chose : le père Noël est un objet mental tenace, un mème dominant dirait Dawkins, porté par une énorme entreprise commerciale.

 Richard Monvoisin

Cet article est une version à peine remaniée de celle publié en 2004 sur le site de l’Observatoire zététique.

Petite bibliographie – audiographie sur l'éducation, la pédagogie et toutes ces sortes de choses

Il nous a été demandé par une lectrice, Maya L., de fournir des ressources permettant la réflexion sur les questions éducatives, et horreur ! Nous sommes bien en peine d’en produire une liste. Aussi avons-nous phosphoré un peu tou.tes ensemble, rassemblant les ouvrages qui nous avaient marqués. Ils ne sont pas tous majeurs, pas tous homogènes, mais ils offrent une vue transversale, d’un angle plutôt critique sur un domaine qui trop souvent est soit lissé, propre, rigide comme l’éducation nationale, soit dérivant vers des méthodes ouvertement mysticoïdes comme les écoles Steiner-Waldorf1. Ce bric-à-brac est issu des cortex mis en commun des personnes suivantes : Philippe Dessus, Antoine Fernandès Caleiro, Véronique Delille, Irène Courtin, Nelly Darbois, Julien Peccoud, Yves Bonnardel, Nicolas Gaillard, Nico Hirtt, Guillemette Reviron, Richard Monvoisin, Julien Pinel.

Quelques incontournables

Voici quelques inévitables pionniers et pionnières de l’éducation un peu plus libre. Le caractère qui prévaut ici est la pertinence subjective alléguée, non la patine du temps.

John Dewey

CorteX_John_DeweyL’étasunien Dewey ( – 1952), psychologue et philosophe du courant dit pragmatiste de Charles S. Peirce et William James, a fortement contribué au courant dit d' »éducation nouvelle ». Il n’y a pas de membre du CorteX spécialiste de Dewey, aussi ne ferons-nous aucun commentaire sur son œuvre. Nous en relayons seulement une parcelle, qui nous a été conseillé : John Dewey, Qu’est-ce que l’intérêt de l’enfant ? (1897)/

Francisco Ferrer

CorteX_Francisco_FerrerFrancisco Ferrer y Guardia (en catalan Francesc Ferrer i Guàrdia) (1859-1909) libre-penseur et pédagogue libertaire espagnol, accessoirement franc-maçon, fonda en 1901 l’École moderne, projet éducatif rationaliste qui promouvait la mixité, l’égalité sociale, la transmission d’un enseignement rationnel, l’autonomie et l’entraide. Elle fut la première d’un réseau qui en comptait plus d’une centaine en Espagne en 1907, et inspira les modern schools aux États-Unis et les nouveaux courants pédagogiques. En 1909, à la suite des événements de la « semaine tragique » à Barcelone, dont il fut accusé, notamment par le clergé catholique, d’être l’un des instigateurs, il fut condamné à mort par un tribunal militaire à l’issue d’une parodie de procès, et fusillé, occasionnant un important mouvement international de protestation.

  • Sylvain Wagnon, Francisco Ferrer, une éducation libertaire en héritage, suivi de Francisco Ferrer, L’école Moderne, Atelier de création libertaire (2013).
  • Francisco Ferrer, L’École moderne : explication posthume et finalité de l’enseignement rationnel, préface de Anne Morelli et Marie-Jo Sanchez Benito, Éditions Couleur livres, Bruxelles (2010).
  • Mari Carmen Rodriguez, Frédéric Mole, Charles Heimberg, Francisco Ferrer et la pédagogie libertaire, interview par lachaine.ch (2009).

Sébastien Faure

CorteX_Sebastien_FaurePédagogue libertaire à l’initiative de La Ruche, fondateur de l’école libertaire en 1904 (fermée en 1917) et initiateur de l’Encyclopédie anarchiste en 1925.

Célestin Freinet

CorteX_Celestin_FreinetCélestin Freinet (1896-1966) est un pédagogue français issu d’un milieu rural. L’expérience pastorale sera pour Freinet le leitmotiv de son expérience éducative. Il entre à l’école normale d’instituteur de Nice. Mobilisé et grièvement blessé au Chemin des Dames, il ne se remet pas complètement de ses blessures et gardera toute sa vie le souffle court auquel il attribue lui-même, pour partie, la nature de ses innovations en matière d’enseignement. Sa pédagogie est fondée sur différentes techniques : classe-atelier, classe-promenade et observation du milieu naturel, production de textes libres imprimerie, suppression de la notation… Lors de cette séance publique qui se déroule à Neuchâtel en 1958, Célestin Freinet présente à des parents et à des enseignants les lignes directrices de son enseignement. Dès les années 1920, il met en pratique avec sa femme Élise, l’essentiel de ses méthodes qui ne sont pas toujours bien reçues. Freinet va d’ailleurs quitter l’Éducation nationale pour fonder en 1935 sa propre école à Vence (Alpes maritimes), école privée, laïque et prolétarienne. Le mouvement Freinet prend forme peu à peu avec la mise en commun des expériences de chacun et la tenue de congrès réguliers, la publication de revues pédagogiques comme La Bibliothèque du travail (ou BT), ou les Brochures d’éducation nouvelle populaire. Se crée après la deuxième guerre mondiale l’Institut coopératif de l’École moderne (ICEM) et en 1957, de la Fédération internationale des Mouvements de l’École moderne (FIMEM). Ci-joint le documentaire de Séverine Liatard et Séverine Cassar « L’école moderne de Célestin Freinet en 1958″, diffusé dans La Fabrique de l’histoire  du 8 janvier 2013, avec les témoignages et les analyses de Guy Goupil et Michel Barré (anciens instituteurs du mouvement Freinet) et Philippe Meirieu (professeur de sciences et pratiques de l’éducation à Lyon II).

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Pierre Guérin, Chasseur de son, France Culture, 18 juillet 1976

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Pour aller plus loin : on pourra lire Célestin Freinet, Les invariants de C. Freinet, Bibliothèque de l’École Moderne n°25 (1964), puis Guy Goupil, Comprendre la pédagogie Freinet, éditions des Amis de Freinet, 2007, ainsi que fréquenter un site pleinement consacré à l’héritage de Célestin Freinet, et regarder le téléfilm Le maître qui laissait les enfants rêver, de Daniel Losset (2006) (visionnable ici).

Maria Montessori

CorteX_Maria_MontessoriMême si l’œuvre de Maria Montessori, publiée chez Desclée de Brouwer, est aussi revendiqué que rarement lue dans le texte, nous étions assez réticent.es à la présenter ici. Seulement, n’ayant pas connaissance d’une analyse critique approfondie et ne l’ayant pas faite nous-mêmes,  nous plaçons néanmoins cette auteure, mais avec scepticisme.

  • Éducation pour un monde nouveau.
  • L’enfant dans la famille.
  • L’enfant.
  • L’esprit absorbant de l’enfant.
  • Étapes de l’éducation.
  • Pédagogie scientifique, tome 1 et 2.
  • Tim Seldin, Éveiller, épanouir et encourager son enfant, Nathan.
  • Charlotte Poussin, Apprends-moi à faire seul, Eyrolles.

Si l’une d’entre nous se souvient d’une lecture originale où les affirmations abondaient sans étayage rigoureux, et si l’un d’entre nous se rappelle d’une pédagogie très « psychologisante » et plutôt compatible politiquement avec n’importe quel régime même conservateur, les autres membres du CorteX n’ont pas  fait de travail exhaustif sur les textes fondateurs pour en faire une critique documentée. Nos doutes ne portent somme toute pas sur l’approche sensorielle qu’elle a développé, mais sur les principes pédagogiques. Selon la médiatique Madame Alvarez, qui a relancé médiatiquement la vogue en 2016, le programme Montessori consiste à éviter de produire des révolté.es en empêchant l’enfant de ressentir de la distance entre lui-même et son environnement, et en faisant du lieu (classe/école/maison d’enfants) un lieu à la disposition de l’enfant.

« Il s’agit de faire en sorte que l’enfant ne rencontre aucun obstacle, aucune frustration, ne subisse aucun échec qui pourrait être nocif à son épanouissement et le forger dans la confrontation aux autres et aux institutions ». 1.

Françoise Dauliat explique :

« Cette méthode donne l’illusion à l’enfant que la société est harmonieuse et à son service afin qu’il ne développe aucun esprit critique à l’encontre de ses défauts et dysfonctionnements. La société serait si bonne et si peu critiquable que se retourner contre elle ne pourrait être produit que par un défaut dans l’éducation de l’enfant. C’est probablement dans cette vérité sur le fondement de la méthode Montessori qu’il faut chercher l’une des raisons de l’engouement étatique à son égard.(…) L’objectif de l’école de la République, construire le citoyen et son esprit critique, disparaît. Chaque enfant est seul face à l’activité qui doit lui permettre d’acquérir des connaissances et des savoir-faire. On est dans un registre purement cognitif et individuel. Les relations avec les autres n’existent que dans la démonstration silencieuse de la maîtresse dont la place cesse d’être centrale dans le groupe-classe, personnage dont le rôle se confond avec celui de l’autre adulte intervenant, voire avec celui de l’enfant plus grand qui assumera à son tour la démonstration silencieuse ».

S’ajoutent à cela quelques indicateurs selon nous inquiétants :

  • « La méthode » Montessori imposait dans les maisons d’enfants des cours de catéchisme très traditionnels et devait permettre aux enfants de s' »éveiller aux réalités surnaturelles ». Des extraits de L’enfant (1936) sont disponibles ici et indiquent le caractère religieux de la démarche.
  • Maria Montessori, fervente catholique, fut aussi très proche de la société théosophique (courant ésotérico-orientaliste fondé par Helena Blavatski), et vanta une « éducation cosmique » quasi créationniste2.
  • La pédagogie de Maria Montessori fut soutenue et financée par Giovanni Gentile, le ministre de l’éducation de Benito Mussolini. Loin de nous l’idée d’user d’un déshonneur par association, bien sûr, mais c’est un indicateur non négligeable de la compatibilité de cette méthode avec le maintien d’un système de type catholico-fascisant, et cela de 1922 à 1934. 3. Mussolini déclara : « Le télégraphe de Marconi et la méthode Montessori  expriment deux forces, deux génies réunis dans le nom auguste de la Patrie pour réaliser le dessein que certainement la Providence de Dieu a assurément tracé« . (« Il telegrafo Marconi ed il metodo Montessori esprimono due forze, due genialità congiunte nel nome augusto della Patria per compiere il disegno che certamente la Provvidenza di Dio ha tracciato »
    (Benito Mussolini, discours de célébration du retour à la mère Patrie de Montessori. Cité par Bruno Vespa, dans Donne d’Italia, éditions Mondadori, 2015). [/efn_note]
  • La compatibilité entre la méthode Montessori et la catéchèse est notoire, du fait entre autres des travaux de Sofia Cavalleti et de la catéchèse du Bon-Pasteur.

Il nous semble donc assez légitime de douter gentiment du caractère libératoire et critique de cette pédagogie.

Paul Robin

CorteX_Paul_RobinPaul Robin (1837-1912) est un pédagogue libertaire français, connu en particulier pour avoir développé l’éducation intégrale à l’orphelinat de Cempuis. En 1879, il devient inspecteur de l’enseignement au primaire, puis directeur, de 1880 à 1894, de l’Orphelinat Prévost, à Cempuis dans l’Oise. Dans cet établissement qui dépend du Conseil général de la Seine, il met en place ses théories sur l’éducation intégrale, et cela sur un nombre conséquent d’enfants. Athéiste et internationaliste, mais aussi égalitariste (filles et garçons sont éduqué-es ensemble), cette éducation veut donner aux enfants des classes défavorisées le moyen d’accéder à l’éducation, en développant harmonieusement l’individu dans sa « globalité », tant sur le plan physique qu’intellectuel ou moral. Paul Robin sera en 1894 l’objet d’une campagne particulièrement violente, qui le contraindront à démissionner.

  • Nathalie Brémand, Cempuis : une expérience d’éducation libertaire à l’époque de Jules Ferry, 1880-1894, Paris, Éditions du Monde libertaire, 1992.

Matthew Lipman (1922-2010)

CorteX_Matthew_LipmanLipman est considéré comme le théoricien et le principal développeur de la philosophie pour les enfants. S’inspirant de de Charles Sanders Peirce et de John Dewey, les théories de Lipman reposent sur un pragmatisme assumé, voulant que les théories se fondent sur les pratiques concrètes qui fonctionnent sur le terrain plutôt que de voir les pratiques guidées par les théories.  Son premier roman, La Découverte de Harry Stottlemeier, (J. Vrin, 1978) destiné aux enfants à partir de dix ans, met en scène des enfants qui découvrent par eux-mêmes la logique formelle.
Matthew Lipman, A l’école de la pensée, enseigner une pensée holistique, de Boeck, 2011.

Paulo Freire (1921-1997)

CorteX_Paolo_Freire Pédagogue brésilienn, Freire conçoit l’éducation comme un processus de conscientisation et de libération populaire. Il a développé l’alphabétisation militante, conçue comme un moyen de lutter contre l’oppression politique

  • La pédagogie des opprimés, N’AUTRE école/n° 12, printemps 2006. Télécharger ici
  • Paulo Freire, Pédagogie des opprimés, Éditions Maspero,1974.

Ferdinand Buisson (1841-1932)

CorteX_Ferdinand_BuissonPhilosophe, éducateur et homme politique, Buisson fut cofondateur et président de la Ligue des droits de l’Homme, ainsi que président de la Ligue de l’enseignement. Directeur de l’Enseignement primaire en France, il a été un fort militant en faveur d’un enseignement laïque à travers la Ligue de l’enseignement. Il a par ailleurs présidé en 1905 la commission parlementaire chargée de mettre en œuvre la séparation des Églises et de l’État.
On nous vante les mérites de Éducation et République. Choix de 111 textes, effectué par Pierre Hayat, avec des notes et une présentation, aux éditions Kimé, Paris (2003).

Normand Baillargeon

CorteX_Normand_BaillargeonDifficile de présenter Normand Baillargeon, contributeur depuis le début du CorteX, notamment par son petit cours d’autodéfense intellectuelle.
Ancien professeur en sciences de l’éducation à l’université du Québec à Montréal (UQAM) de 1989 à 2015, il a fondé en 2005 avec Bernard Cloutier et Michel Virard, l’Association humaniste du Québec, ainsi que le Collectif pour une éducation de qualité, qui s’oppose au renouveau pédagogique (anciennement « la réforme de l’éducation ») qui se met alors en place dans les écoles québécoises.
Il est loisible de l’écouter ici.
CorteX_une_histoire_Pédagogie_BaillargeonNous recommandons chaudement :

  • Normand Baillargeon, Éducation et liberté, Tome 1, Lux (2005).
  • Normand Baillargeon, Histoire philosophique de la pédagogie.

Émission La tête ailleurs, Radio Canada, 11 juin 2011.

Télécharger là

Jacques Rancière

CorteX_Jacques_RancièreNé en 1940, professeur émérite à l’Université de Paris VIII (Saint-Denis). On nous a recommandé L’école ou la démocratie ?, 2010, et Le Maître ignorant : cinq leçons sur l’émancipation intellectuelle, Fayard 1987 (réédition poche, 10/18, 2004), qui aborde la pédagogie de Joseph Jacotot.

Nico Hirtt

CorteX_Nico_HirrtNico Hirtt est un enseignant de sciences physiques que vous avez probablement déjà rencontré dans nos pages Bibliotex par son livre dechiffrer_le_mondeDéchiffrer le monde. Contre-manuel de statistiques pour citoyens militants4. Il est surtout connu pour son combat contre les politiques enseignementales actuelles, et nous avions relayé sa conférence à Grenoble en mai 2012 sur la critique de l’approche par compétences 5.
Fin mai 2012, grâce au professeur des écoles Fabrice Garnier, nous avons pu l’intercepter dans un troquet de la place Saint-Bruno lors de sa venue sur Grenoble.
Entrevue.

  • Présentation de Nico Hirtt et de Fabrice Garnier, co-organisateur.
  • Où Nico Hirtt fait la critique sur les politiques d’enseignement. Il défend l’opinion que ces politiques sont de plus en plus dictées par des organismes internationaux (Organisation de Coopération et de Développement  Économique, Fonds Monétaire International, Banque Mondiale…), et visent à instrumentaliser l’enseignement en vue d’une compétitivité d’entreprise. Idéologie de flexibilité du travail et polarisation haute et basse qualification sont deux aspects parmi les plus délétères, fortement sélectifs et contradictoires avec une démocratisation de la connaissance.
[dailymotion id=xt8mj0]
  • Quelques conseils de résistance.

Au niveau micro : résister aux injonctions médiocrisantes et décontextualisées des programmes d’enseignement, user de pédagogies constructivistes, pousser les revendications syndicales pour réduire les effectifs d’élèves en primaire, car l’efficacité de cette mesure est prouvée (voir l’étude du projet STAR6).
Au niveau macropolitique : revendiquer des programmes d’enseignement non asservis au monde de la productivité ; ne pas laisser le monopole des enjeux de demain entre les seules mains des enfants des classes moyennes et supérieures.
[dailymotion id=xt8n0d]Appel aux enseignants – ne pas rester seuls.

  1. Réseau APED, Appel Pour une École Démocratique.
  2. Revue trimestrielle L’école démocratique (quelques numéros disponibles en ligne).
[dailymotion id=xt8nag]Quelques conseils de lecture de Nico Hirtt.

  • Parmi ses propres écrits,7

CorteX_Hirrt_nouveaux_maitres_ecoleLes Nouveaux Maîtres de l’École, l’enseignement européen sous la coupe des marchés, éditions EPO (Bruxelles) et VO-Éditions (Paris), 2000.
En Europe, les compétences contre le savoir, Le monde diplomatique, pp. 22 et 23, octobre 2010.

  • L’École sacrifiée, la démocratisation de l’enseignement à l’épreuve de la crise du capitalisme, éditions EPO, Bruxelles (1996) (avec G. de Selys).
  • Tableau noir, résister à la privatisation de l’enseignement, éditions EPO, Bruxelles (1998).
  • L’École prostituée. L’offensive des entreprises sur l’enseignement, éditions Labor/Espaces de Liberté, collection « Liberté j’écris ton nom », Bruxelles (2001) .
  • L’École de l’inégalité. Les discours et les faits, éditions Labor/Espaces de Libertés, collection « Liberté j’écris ton nom », Bruxelles (2004).
  • De school van de ongelijkheid, EPO, Anvers (2008).
  • L’École et la peste publicitaire (avec Bernard Legros), Aden, Collection « La Petite Bibliothèque d’Aden », Bruxelles (2007)Je veux une bonne école pour mon enfant, Pourquoi il est urgent d’en finir avec le marché scolaire, Aden, Bruxelles (2009).

Puis, pour les fondamentaux marxistes et pédagogiques,

  • Frederich Engels, Socialisme scientifique et socialisme utopique, CorteX_Engels_Socialisme(1880) Aden (2005).Texte en ligne ici.
  • L’œuvre d’Antonio Gramsci. Nous renvoyons les lecteurs à Écrits politiques (3 tomes), Gallimard, Paris, 1974, dont l’Université du Québec à Chicoutimi met des textes à disposition.
  • L’héritage de Célestin Freinet (cf. Freinet, plus haut).

Sur l’autorité, la domination adulte

Sur l’éducation dite « bienveillante »

  • Adèle Faber Elaine Mazlish, Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent, Editions du Phare (2012) (outils concrets pour éviter de donner un ordre ou de faire appel à la peur).
  • Les Vendredis intellos, animé par Béatrice Kammerer, espace ouvert aux contributions sur les questions éducatives (donc pas de ligne ou de parti pris précis, et les contenus peuvent être hétérogènes dans leur démarche et leur fiabilité).

Sur l’enseignement en classe et la pédagogie

Ouvrages faciles d’accès

  • Normand Baillargeon, Légendes pédagogiques, Essai libre (2013).
  • Olivier Houdé, Apprendre à résister, Paris, Le pommier (2014) (sur l’héritage de Piaget).
  • Olivier Houdé, Le raisonnement, Paris, PUF, (2014).

On peut écouter Olivier Houdé sur nos modes de raisonnement sur France Culture dans Continent sciences le 5 mai 2014.

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  • Didier Pleux, La Déraison pure : Dolto entre Freud et Pétain, Paris, Autrement (2013).
  • Gérard De Vecchi, André Giordan, L’enseignement scientifique : comment faire pour que « ça marche » ?, Delagrave, 3ème édition (2002).
  • Marc Durand, L’enseignement en milieu scolaire. P.U.F. (1996) (un classique français).
  • Philippe Dessus, Des outils cognitifs qui forment notre compréhension : une présentation de la théorie d’Egan, Penser l’éducation, n°13, pp. 71-87 (théorie de l’intérêt/apprentissage).
  • Kieran Egan, The Educated Mind, how cognitive tools shape our understanding. Chicago: University of Chicago Press. et une revue en français ici (théorie de l’intérêt/apprentissage) (1997).
  • Carl Bereiter, Education and mind in the knowledge age. Mahwah : Erlbaum (2002) (construire des connaissances).
  • Philippe Descamps, Des établissements sans classements ni redoublements En Finlande, la quête d’une école égalitaire, Le Monde diplomatique, janvier 2013.

Pour aller plus loin

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  • Le matériel de Philippe Dessus, du Larac (ex-laboratoire des sciences de l’éducation de Grenoble)
  • Le matériel de Paul Kirschner et Mirjam Neelen, publié par le groupe de travail néerlandais 3-star learning experience
  • R. M. Gagné, W.W. Wager, K.C. Golas, J. M. Keller, Principles of instructional design (5th ed.). Belmont: Wadsworth. (2005) – livre de référence sur la préparation de cours).

Pour aller plus loin en sciences cognitives de l’apprentissage

  • Daniel Kahneman, Système 1 / système 2 : les deux vitesses de la pensée, Flamamarion, 2012.
  • Eric Bruillard, Les machines à enseigner. Hermès (1997) (sur la technologie éducative numérique).
  • Merlin Donald, Les origines de l’esprit moderne, De Boeck (1999).
  • J. Sweller, (2003). Evolution of human cognitive architecture. The Psychology of Learning and Motivation, 43, 215–266.
  • T.K. Landauer, & S.T. Dumais (1997). A solution to Plato’s problem: the Latent Semantic Analysis theory of acquisition, induction and representation of knowledge. Psychological Review, 104(2), 211–240.
  • G. Gergely, G. Csibra, (2006). Sylvia’s recipe: The role of imitation and pedagogy in the transmission of cultural knowledge. In N. J. Enfield & S.Levenson (Eds.) Roots of Human Sociality: Culture, Cognition, and Human Interaction. (pp. 229-255), Oxford: Berg Publishers, (2006).
  •  J. van Merriënboer, & P. Kirschner, Ten steps to complex learning. Mahwah: Erlbaum (2007, mais une nouvelle édition est parue).

Articles pointus

  • J-P. Astolfi, Disciplines et plaisir d’apprendre, La saveur des savoirs, Esf pédagogies (2008).
  • G. Stahl, G.. Group cognition. Computer support for building collaborative knowledge. Cambridge: MIT Press. (2006) (sur la construction collaborative de connaissances).
  • K. Egan, The Educated Mind, how cognitive tools shape our understanding. University of Chicago Press (1997).
  • C. Bereiter, Education and mind in the knowledge age. Mahwah: Erlbaum (2002) (sur la construction des connaissances).
  • T.J. Sabol, S.L. Soliday Hong, R.C. Pianta, & M. Burchinal, Can rating Pre-K programs predict children’s learning? Science, 341, 845–846. (2013) (sur les liens entre climat de classe et apprentissage).
  • C. Levenson (Eds.), Roots of human sociality: Culture, cognition, and human interaction (pp. 229–255). Oxford: Berg. (théorie controversée).

Sur l’éducation populaire

  • Franck Lepage, (In)cultures 1 – L’éducation populaire, Monsieur, ils n’en ont pas voulu…

  • Inculture(s) 2 – Une autre histoire de l’éducation

  • Inculture(s) 5 – Travailler moins pour gagner plus ou l’impensé inouï du droit du travail

Sur l’histoire de la pédagogie

  • Anne Querrien, L’école mutuelle. Une pédagogie trop efficace ?  Les empêcheurs de penser en rond (2005).
  • Jean Houssange, 15 pédagogues, Bordas (2000).
  • Isabelle Pelloux, La pédagogie de la coopération (2014).

Accessoirement

  • Delphine Gardey, Ecrire, calculer, classer. Comment une révolution de papier a transformé les sociétés contemporaines (1800-1940), La Découverte (2008), qui contient des passages passionnants sur la pédagogie, mais qui traite essentiellement de la manière de classer/produire de l’info entre la fin du XIXe et le XXe siècle.

Du 27 au 30 novembre 2017, la fabrique de l’histoire sur France Culture a déroulé un cycle de quatre émissions sur les pédagogies nouvelles.
Volet 1 : y est évoqué le documentaire de Joanna Grudzinska Révolution école (1918-1939) puis la Biennale internationale de l’Éducation nouvelle qui s’est tenue du 2 au 5 novembre 2017.

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Volet 2 : le documentaire évoque l’école Decroly de Saint-Mandé, créée en 1946 et appartenant à ce mouvement d’éducation nouvelle né d’une critique radicale du système éducatif traditionnel. Avec les témoignages d’enseignants et d’anciens élèves : Florence Beaujou, Nicole Christophe, Michel Daubet, Louis Hacquin, Marielle Issartel, Christine et Jean-Paul Morley, Claudine Watigny et Sylvain Wagnon (professeur en sciences de l’éducation à Montpellier III).

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Volet 3 : cette émission d’archives rappelle les pratiques pédagogiques inventées par Célestin Freinet, inséparables de ses expériences de guerre. Il y est question également les spécificités pédagogiques de l’Ecole des Roches.

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Volet 4 : débat historiographique consacré au projet de réforme de l’enseignement datant de 1947, connu sous le nom de « plan Langevin-Wallon ». Un plan à la « fonction quasi-liturgique pour la gauche française », une « référence sacrale » selon l’historien Antoine Prost. Comment et pourquoi cette commission de réforme de l’enseignement a-t-elle été mise en place à l’automne 1944 ? Quelles en étaient ses principaux membres ? Pourquoi une grande partie de ses préconisations liées à la démocratisation de l’enseignement n’ont-elles pas été appliquées dans l’immédiat, tout en inspirant les réformes postérieures de l’enseignement ? Avec les trois invités (Laurent Gutierrez, maître de conférences à l’Université de Rouen, spécialiste de l’éducation nouvelle,Pierre Kahn, professeur à l’université de Caen et André Robert, professeur de philosophie), sont discutés les axes du plan : prolongation de la scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans, école divisée en trois cycles, etc ainsi que sur les débats qu’il a suscités.

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Sur l’histoire des idées

  • Peter Watson. Ideas, a history of thought and invention, from fire to Freud. Harper, (2005) (contient quelques petits passages sur la pédagogie)

Sur la critique de l’école

  • Nico Hirtt, L’école prostituée. L’offensive des entreprises sur l’enseignement,  Labor (2001).
  • Christian Laval,  L’école n’est pas une entreprise, La Découverte (2004).
  • Antonella Verdiani, Ces écoles qui rendent nos enfants heureux, Actes sud (2012).

Sur l’éducation « parentale »

  • Catherine Dumonteil Kramer, Une nouvelle autorité sans punition ni fessée, Nathan (2016).
  • John Holt, S’évader de l’enfance (1976).
  • Didier Pleux, Les dix commandements du bon sens éducatif, Paris, Odile Jacob (2014).
  • Didier Pleux, Une journée avec Zoup : des histoires pour éduquer nos enfants, Paris, Odile Jacob (2011).
  • Didier Pleux, Petits caprices et grosses colères : gérer les crises de son enfant, Paris, Eyrolles, coll. « Les consultations du pédopsy » (2012).

Sur le sexisme et la construction genrée

  • Cordelia Fine, Delusions of gender: How Our Minds, Society, and Neurosexism Create Difference, Norton & Cie (2010).
  • Collectif, Contre les jouets sexistes (Ce livre n’est hélas plus édité, mais présent dans les bibliothèques du CORTECS de Chambéry et Grenoble).
  • Marcela Iacub, Patrice Maniglier, Antimanuel d’éducation sexuelle, Bréal, (2005).
  • Collection de livres pour enfants Talents Hauts.

Émissions sur l’éducation des filles :

  • Les femmes, toute une histoire, 2 octobre 2011, avec Marie Duru-Bellat, sociologue.

Télécharger ici

  • La fabrique de l’histoire, 10 janvier 2013, avec Rebecca Rogers, Martine Sonnet, Nicole Mosconi et Claude Lelièvre.

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  • Filles et garçons à l’école de Jules Ferry, Concordance des temps, sur France Culture, 12 avril 2014.

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Pour aller plus loin, on pourra consulter Histoires et luttes des femmes.

Sur l’autogestion par les enfants

Sur la philosophie pour enfants

  • Nous attendons une bibliographie de Véronique Delille sur le sujet.
  • Ci-contre, une émission Lectures sceptiques pour enfants, n°359 de Scepticisme scientifique, novembre 2016 (durée 56 mn 22) par Jean-Michel Abrassart.

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Y sont cités les ouvrages suivants (qui ne sont pas forcément des ouvrages sceptiques !)

  • « Les questions des petits sur la mort » de Marie Aubinas & al., Bayard Jeunesse (2010).
  • « Les questions des petits sur les religions » de Marie Aubinas & al. Bayard Jeunesse (2016).
  • « Raconte-moi Jésus » de Gwénaëlle Boulet et Élodie Durand, Bayard Jeunesse (2009).
  • « Coucou ! L’espace » de Anna Milbourne & al. chez Usborne.
  • « Ankylosaur Attack: A Dinosaur Adventure » de Daniel Loxton.
  • « Plesiosaur Peril » de Daniel Loxton
  • « Grandmother Fish: A Child’s First Book of Evolution » de Jonathan Tweet et Karen Lewis
  • “My Name Is Stardust”, de Douglas Harris, Bailey Harris & Natalie Malan.
  • « C Is for Cthulhu: The Lovecraft Alphabet Book » de Greg Murphy et Jason Ciaramella
  • Matthew Lipman (voir plus haut)
  • La série des enfants philosophes, Phileas & Autobule
  • Mathieu Gagnon, Guide pratique pour l’animation d’une communauté de recherche philosophique, PUL (2006) ( plus technique – voire « surtechnique » ! – pour des gens qui veulent travailler la manière d’animer une discussion philosophique).

Sur le développement de l’enfant

  • The Informed Parent : A Science-Based Resource for Your Chilsd’s First Four Years, Tara Haelle, Tarcher Perige (2016) – avec un gros défaut : absolument aucune référence bibliographique n’est appelée dans le texte ni même présente en bibliographie, ce qui est proprement affligeant vu le titre et l’objectif de l’ouvrage.
  • Céline Alvarez, Les lois naturelles de l’enfant, Les Arènes (2011), avec le bémol introduit à l’onglet Montessori ci-dessus et controverse plus générale, abordée entre autres par Laurence de Cock dans Le Crieur N°6 (Céline Alvarez, le business pédagogique).
  • Michel Desmurget, TV lobotomie, Max Milo (2014).
  • Philippe Bihouix, Karine Mauvilly, Le désastre de l’école numérique, Plaidoyer pour une école sans écrans, Seuil (2016).
  • Catherine Guéguen & Fabrice Midal, Pour une enfance heureuse. Repenser l’éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau, Laffont (2014).
  • Howard Gardner, Les formes de l’intelligence, Odile Jacob (1997) (controversé).

Sur la vie sexuelle des enfants

  • Patrick Doucet, La vie sexuelle des enfants ? Tout ce qu’on aimerait sans doute savoir, mais qu’on ne souhaite peut-être pas entendre, Liber (2016).

Quelques données existent sur la vie sexuelle des enfants, illustrant que des pratiques permettant d’éprouver du plaisir seul·e ou à plusieurs peuvent survenir très tôt dans la vie d’un être humain8.

Romans

On nous recommande (mais personne au CorteX ne les a lus)

  • Les romans de Christiane Rochefort, dans leur ensemble.
  • Witold Gombrowicz, Ferdydurke, 10/18 (1937).

Richard Monvoisin recommande :

  • Jack London, Martin Eden (1909), Folio (1997).
  • Jorgé Amado, Capitaine des sables (1952) Gallimard (1954).
  • William Goldin, Sa majesté des mouches (1956 en français) adapté en film par Peter Brook en 1963.
  • Italo Calvino, Le Baron perché, Seuil (1980).

 Sitographie en vrac

Note : nous mettons le lien vers Question de classe, mais avec circonspection : sur leur demande, nous avions écrit des articles pour eux…. avant d’être éconduits sans ménagement. Raison invoquée ?  (Selon un seul de ses membres qui semble-t’il a « capturé » la disussion) Avoir hébergé des articles faisant référence à Jean Bricmont. Comprendre dans la logique de notre interlocuteur « : J. Bricmont <=> liberté d’expression <=> liberté d’expression pour les négationnistes <=> négationnistes <=> tous les gens qui aiment les travaux de Bricmont en physique / philosophie / morale et politique sont donc des négationnistes qui s’ignorent. Autant dire que nous sommes restés comme deux ronds de flanc, et nos articles non publiés.

Psycho-sociologie – La bouleversante leçon de discrimination d'Annie Leblanc

La leçon de discrimination, est un documentaire de 43 minutes tiré de l’émission Enjeux (Société Radio-Canada production) de Pasquale Turbide et Lucie Payeur (2006).
C’est une remarquable expérience lors de laquelle Annie Leblanc, enseignante dans une école primaire de Saint-Valérien-de-Milton, en Montérégie fait vivre à ses élèves du primaire la réalité des personnes qui subissent la discrimination en divisant sa classe en deux groupes sur un critère arbitraire – la taille, un groupe étant valorisé et l’autre dévalorisé par l’enseignante. Ainsi la discrimination est subie par les grands la première journée, puis par les petits le jour suivant…

Ce matériel vidéo fait partie d’un atelier plus vaste sur les discriminations (cf. Richard Monvoisin, Sociologie, anthropologie – Atelier sur le racisme ordinaire et la discrimination)
 

Le documentaire La leçon de discrimination est vendu en DVD aux professionnels de l’éducation. Pour plus deCorteX_Annie_leblanc renseignements, communiquez avec les Services éducatifs de Radio-Canada.

Notons que ce type d’expérience, aussi bouleversante soit-elle, n’est pas une première : il y eut entre autres celle de Jane Elliott (1968), discriminant à l’époque sa classe sur la base de la couleur des yeux.

Pour voir A class divided, (Frontline, PBS1), c’est ici (en version originale). Madame Elliott remit d’ailleurs une « dose » en 2010 avec une expérience intitulée How racist are you ? (A quel point êtes-vous raciste?) que l’on peut regarder (version originale également).

Richard Monvoisin

« Sale bête », « sale nègre », « sale gonzesse » – Identités, dominations et système des insultes, par Yves Bonnardel

Yves Bonnardel est un militant politique, notamment connu pour ses textes sur l’antispécisme et la construction morale du droit des animaux. Sa critique radicale de la notion de « nature », soit comme avatar de Dieu, soit comme processus essentialisant, a beaucoup inspiré le CORTECS, et reste l’un des sujets les plus tortueux à aborder1. Voici un texte introductif sur la normativité dont témoignent nos insultes. Il a été publié il y a près de vingt ans dans les Cahiers antispécistes n°12 (avril 1995) : de quoi stimuler la réflexion de tout être humain en lui faisant décortiquer ses insultes favorites. C’est l’occasion pour des enseignant-es de s’emparer de ce sujet, et ce dès le plus jeune âge, pour introduire ce qui pourrait être le premier cours de philosophie morale de beaucoup d’enfants à partir des insultes classiques.

CorteX_Yves-Bonnardel« Sale bête », « sale nègre », « sale gonzesse »  –  Identités, dominations et système des insultes

par Yves Bonnardel

La liste aurait pu s’allonger : sale gitan, sale juif, sale arabe, sale pédé, sale gouine, sale pute, sale gosse… Les insultes sont des mots ou des expressions toutes faites, dont le caractère offensant est immédiatement perçu par tous, et que l’on utilise pour attaquer quelqu’un à qui l’on s’adresse directement, en le rabaissant et en lui signifiant du mépris. Parce qu’il leur faut être immédiatement compréhensibles à chacun, elles négligent tout caractère réellement individuel pour ne se référer qu’à des catégories sociales : et c’est ainsi qu’elles sont une bonne source d’indications sur les rapports sociaux. C’est pourquoi elles sont normalisées1, et aussi pourquoi elles sont particulièrement bêtes et mesquines : c’est que, comme d’autres aspects du langage mais avec plus de vivacité et clarté, elles expriment les catégories sociales déterminantes et l’ordre dominant.

Toujours, injurier quelqu’un consiste à l’attaquer en dévalorisant ou en niant l’image qu’il est censé (par le corps social) avoir de lui-même. Et si le ton de mépris ou de haine joue également un grand rôle, le contenu (la signification) de l’insulte n’est pas du tout indifférent : il obéit à des règles strictement codifiées et à des types bien définis, qui révèlent ainsi les rapports sociaux de domination et les représentations d’eux-mêmes que les humains acceptent (semble-t-il) si facilement.

Les insultes ont donc en commun d’attaquer une identité sociale de l’injurié, dans une situation de conflit. L’Espèce et le Sexe (mais la Race aussi) sont parmi les plus fondamentales de ces identités : ce sont des catégories sociales, qui apparaissent d’autant plus évidentes par elles-mêmes que leur rôle social est plus omniprésent, et qui permettent, au sein d’une société donnée, de classer des individus et de les remiser en divers paquets, avec des conséquences tout à fait concrètes.

Ces catégories sont bien plus conventionnelles et arbitraires qu’il n’y paraît spontanément : ainsi, il y a cinquante ans, « blonde » ou « brune » (pour les individus remisés dans le groupe femmes) étaient des catégories signifiantes (les « brunes » étaient censées être « de tempérament volcanique », etc.), comme l’indiquent les chansons de l’époque, mais qui n’existent plus guère aujourd’hui.

Toujours est-il que les insultes sont des expressions abouties, et même souvent caricaturales, de l’omniprésence de ces catégories et des liens de hiérarchie qu’elles entretiennent, et qu’elles permettent donc dans un premier temps de s’en faire une idée (même si on peut perdre un peu alors le sens de la nuance).

Comme en fait je n’ai pas du tout l’intention d’entreprendre un inventaire exhaustif de tous les types d’insultes, et que je ne veux m’attacher qu’aux catégories existantes qui conditionnent le plus la vie des humains, ne vont m’intéresser ici que certaines d’entre elles, qui sont tout de même, et de loin, les plus fréquentes : les insultes racistes, sexistes, homophobes ou… spécistes.

Les insultes racistes

Les injures racistes traitent un Juif de youpin (ou sale Juif), un Noir de nègre (ou sale nègre), un Arabe de bougnoul (sale Arabe)… On a une bonne idée du statut de ces humains lorsqu’on remarque que pour les attaquer on ne les compare pas à « quelque chose d’autre », mais qu’au contraire on insiste simplement sur « ce qu’ils sont » : youpin signifie Juif, nègre Noir, etc., ces mots étant seulement plus explicitement péjoratifs. De même, « sale » n’est introduit que pour expliciter ce caractère péjoratif, « sale Juif » par exemple ne signifiant pas « Juif de la variété sale », mais « Juif, donc sale ».

Dans la civilisation « blanche », tout Blanc (non Juif, du moins) sera en grande mesure épargné par les insultes racistes : car « blanc » n’est pas dévalorisant. Et je ne serai jamais traité ni de bougnoule ni de nègre, parce que me manquent les signes fondamentaux de cette « différence » qui collent à la peau d’autres et les distinguent négativement2.

Les insultes sexistes

Les injures sexistes qui s’adressent aux humains, elles, ont trait directement à l’appartenance de sexe (la catégorisation de sexe, en homme ou femme) ou prennent pour cible la sexualité (la catégorisation en fonction des préférences sexuelles).

Eh bien, lorsqu’on attaque les hommes directement en tant qu’hommes, on les traite… de femmes : gonzesse, femmelette, sans-couilles… Par ailleurs on les traite aussi, ce qui est plus ou moins censé revenir au même, de « faux » hommes, d’hommes passifs, d’« hommes-femmes » en quelque sorte, en les assimilant à ceux qui n’ont pas la bonne sexualité (celle, masculine standard, qui fait un « vrai homme ») : pédé, enculé, tapette, tante…

Ainsi, bien que j’aie de façon indéniable un pénis, du poil au menton, etc., je peux encore être nié dans ma qualité d’homme : mes caractères physiques ne sont que des présomptions de mâlitude, insuffisantes pour me remiser ad vitam aeternam dans la catégorie « homme ». Il y faut aussi les attitudes dont la société estime qu’elles leur correspondent : virilité, hétérosexualité, courage, dynamisme (caractère actif et individuel), etc. Le fait d’être « un homme » ne semble pas aller autant de soi que celui d’être « un Noir ». Finalement, « homme » n’est pas du tout un attribut aussi « naturel » qu’il semblerait de prime abord …

Par contre, le fait d’être femme l’est clairement plus, « naturel », puisque pour attaquer une femme en tant que telle on ne la traite pas d’homme, mais au contraire, on marque sa non-virilité, c’est-à-dire qu’on la traite en toute bonne logique de… vraie femme (putain, salope, gouine, connasse, pétasse, serpillère). De « vraie » femme, puisque, comme on sait, dans la représentation courante les femmes restent essentiellement mères ou putains, comme l’exprime la caricature machiste : « Toutes des salopes, sauf ma mère ! ». C’est le fait que l’on puisse injurier une femme en la traitant dans le fond simplement de femme3 qui donne le plus clairement la mesure du mépris dans lequel sont tenus la moitié des humains.

De plus, contrairement à celle des « hommes », et comme celle des « Noirs », la catégorie « femme » est censée être « naturelle » : on n’en échappe pas (malgré quelques dérogations limitées, du type « elle a plus de couilles que beaucoup de mecs ») ; nul besoin d’un comportement particulier pour être une femme, le sexe biologique suffit (« on naît femme, on devient un homme »).

Les insultes spécistes

Et, enfin, on peut encore attaquer un humain quel qu’il soit dans son humanité : en le traitant d’inhumain (monstre), d’humain raté (avorton, taré, mongol), ou d’un nom d’animal quelconque : soit chien, porc, âne, cochon… soit chienne, truie, dinde… (ici aussi le sexe reste trop déterminant pour être oublié). Ou bien encore on l’attaquera sur les attributs présumés de l’humanité, principalement la raison (fou), l’intelligence (âne, idiot, bête, imbécile, stupide, débile) ou… l’« humanité » (salaud, monstre, sans cœur).

Là aussi mon humanité, pourtant censée être fondée sur des signes biologiques évidents, peut m’être retirée, notamment si je ne satisfais pas aux critères de comportement requis. Elle n’est pas très « naturelle » non plus, et n’est pas acquise d’emblée…

J’appelle cette dernière classe d’insultes « spécistes », d’une part parce qu’elles s’attaquent à notre identité d’espèce, et d’autre part (mais cela est bien sûr directement lié), parce qu’elles font référence de façon péjorative à d’autres animaux qui sont, eux, dévalués parce que n’appartenant pas à la bonne espèce, celle de référence, l’humaine. L’adjectif « spéciste » est évidemment construit sur le modèle de « raciste » et « sexiste », et l’analogie faite ici est bien pertinente : bien que les humains sachent que les animaux ne parlent pas, les « sale bête ! » ponctuent volontiers les coups de pied d’un « maître » à son chien.

Voilà clos ce rapide tour d’horizon4. Les insultes qui jouent sur les identités sociales sans pour autant reprendre les schémas que l’on vient de voir sont peu nombreuses et visent généralement plus à se moquer (plus ou moins) gentiment qu’à réellement blesser. À peine peut-on encore parler d’insultes : ainsi, les seules qui traitent un humain mâle de mâle (par une référence au signe de mâlitude qu’est le pénis) sont bon-enfant et souvent affectueuses : couillon, cornichon, andouille. Ce sont en fait des variations humoristiques sur le thème de l’injure, qui ne sauraient se prendre véritablement au sérieux.

Insultes et appartenances

Ces différents types d’injures ont en commun d’attaquer l’individu, identifié à une catégorie sociale, dans cette appartenance même ; soit en la niant si son groupe est dominant, soit en insistant dessus dans le cas contraire. Elles l’attaquent donc non en tant qu’individu singulier, mais en niant sa singularité pour ne plus se référer qu’à son appartenance, fictive ou non, reconnue par lui ou non. C’est à travers la catégorie toute entière qui lui est attribuée que l’individu est censé être dévalorisé, et l’insulte ne l’atteint que si (ou parce que) lui-même adhère à cette catégorisation, c’est-à-dire accepte le jeu. Et il faut convenir que… ça marche ! (en notant par ailleurs que la haine, le mépris, la volonté de détruire dont l’insulte est vecteur sont aussi en soi déstabilisants, terroristes.)

Les insultes ont pour effet de verrouiller l’appartenance d’un individu, lorsqu’il s’agit d’un groupe dominé. Cette catégorie (noir, femme, bête…), identifiée à l’aide de « signes » anatomiques, est perçue comme « naturelle » ; l’individu ne peut donc en changer, et les insultes le remettront toujours à sa place. À l’inverse, les critères d’appartenance à un groupe dominant sont ressentis comme moins purement naturels, biologiques ; doivent s’y ajouter des critères de comportement obligatoires sous peine de déchoir et d’être remisé dans une catégorie dominée. Les dominants se perçoivent donc comme une catégorie naturelle et sociale, ou plutôt, comme une catégorie naturellement sociale, les catégories dominées étant, elles, vues comme purement naturelles5.

Paradoxalement cependant, l’appartenance à la catégorie dominante est conçue comme la norme ; puisque le mot « homme » désigne aussi tous les humains, un homme est un homme tout court, et une femme est un homme plus, ou plutôt moins, sa féminitude. L’appartenance à une catégorie dominée est perçue comme faisant relief négativement sur la « bonne » communauté, la normale, celle de référence. Le fait d’être « un Blanc » par exemple est généralement un implicite, non formulé : il correspond directement à l’appartenance à la société, à la civilisation (la vraie !), à l’humanité typique…

Quand l’individu fait partie du groupe dominant, les insultes peuvent remettre en cause cette appartenance. Cela se fait peu pour la race (on traitera rarement un Français bon teint de bougnoul ; les nazis avaient cependant l’expression « enjuivé ») ; s’adressant à un membre de la catégorie la plus « normale » (un humain mâle bon teint), les insultes de loin les plus nombreuses sont celles qui contestent, à travers le comportement, l’identité sexuelle et celle d’espèce. La représentation que nous avons de nous-mêmes semble ainsi construite d’abord sur ces deux identités sociales fondamentales, dans une certaine mesure liées : l’identité sexuée et l’identité humaine, modes de représentation de nous-mêmes socialement imposés, correspondant à des statuts sociaux.

Cela se retrouve également dans nos vêtements et nos aménagements corporels (coupe de cheveux, etc.), uniformes bel et bien obligatoires en pratiquement toutes circonstances. Être vêtu est en soi symbole de notre humanité (obligatoire au moins en public), tout comme l’est la civilisation de notre corps (qu’on arrache à la « pure naturalité » en passant chez le coiffeur, par exemple). Les vêtements doivent en outre obéir à des critères plus ou moins stricts, ceux d’une époque et d’une civilisation, marquant ainsi l’appartenance à une culture donnée, et de façon indirecte encore à l’humanité. Enfin, last but not least, ils doivent être féminins ou masculins, et cela aussi est pour une grande part obligatoire6.

Identités et statuts sociaux

J’entends par identité sociale une image de nous-mêmes qui nous est donnée par notre environnement social à la fois comme nature et comme modèle, à laquelle nous sommes tenus de nous conformer dès la naissance, et à partir de laquelle nous nous construisons : elle façonne notre attitude générale face au monde, face à nous-mêmes comme face aux autres, et nous pourvoit en valeur. Bien qu’elle ne nous détermine pas entièrement et que nous puissions prendre quelques libertés avec elle, il s’agit d’une image sur laquelle nous comptons trop en toutes choses et à laquelle nous sommes trop souvent ramenés par les autres pour pouvoir nous en débarrasser ou simplement en faire abstraction.

L’identité sera l’aspect subjectif du rôle social, et le rôle social l’expression dans les actes (objective) de l’identité. Tout individu a une identité d’espèce, de sexe et de race (et beaucoup d’autres encore, moins fondamentales, moins perçues comme « naturelles »), correspondant chacune à divers rôles sociaux, eux-mêmes liés à divers statuts sociaux. Dire à quelqu’un qu’il est peu humain (« complètement taré ! ») ou qu’il est un animal, qu’il est une femme, qu’il n’est pas de bonne race, peut le blesser sérieusement, et est couramment pratiqué dans ce but. Le fait même que celui qui se fait ainsi verbalement traiter le ressente mal est le signe de son mépris pour les non-humains, pour les individus qui ont un sexe femelle, pour ceux qui sont d’ailleurs.

C’est aussi par contre le signe de son grand respect pour son appartenance à l’humanité, à son propre sexe, à sa propre communauté : quelle mine il fait, si on cherche à remettre en cause cette appartenance ! Et ce genre de pratique qui semble si dénué de sens, si absurde, qui consiste à traiter quelqu’un soit de « ce qu’il est », ou au contraire de « ce qu’il n’est pas », est en fait pris au sérieux par tous, ou peu s’en faut ! Qui, homme ou femme, blanc ou non, homo ou hétérosexuel…, aurait le réflexe d’éclater de rire, et de bon coeur, à s’entendre traiter d’enculé, de pétasse, de sale nègre, de porc ? Non, par-delà le simple fait d’être haï ou méprisé, il s’agit bien en soi d’un mauvais traitement, face auquel l’âme fière pâlira et l’âme moins bien trempée s’empourprera. Une partie de la misère des humains ne se niche-t-elle pas là, dans cette difficulté à prendre une distance par rapport à ces images de soi-même ? Des images qui ne sont d’ailleurs même pas directement de soi, mais seulement du groupe auquel on est socialement identifié ! Quelle rigolade !

En fait, non, ce n’est certainement pas drôle, et ce n’est pas une simple histoire de mots. Rares sont ceux qui peuvent ne pas se sentir concernés ; car derrière les mots se cachent des différences de statut fondamentales, et selon celui qui nous est assigné nous pouvons être propriétaire ou esclave, bon vivant ou bien mort. Homme ou femme, je lirai le journal et rapporterai une paye plus élevée de moitié, ou ferai la vaisselle et torcherai la marmaille. Mâle homo ou hétérosexuel, on me crachera au visage ou je serai l’enseigne de la respectabilité. Humain ou animal (non humain), je jouirai de droits élaborés et ma vie sera sacrée, ou l’on pourra me faire ce que l’on voudra pour n’importe quel motif (comme me plonger vivant dans l’eau bouillante, si je suis classé truite ou homard !). Les mots désignent des réalités, des statuts qui ont une telle incidence sur notre vie et sa qualité, qu’il ne peut être indifférent à quiconque que l’on cherche à rabaisser la catégorie à laquelle il appartient.

Car toujours, dans un conflit, les injures sont potentiellement un premier pas. En assignant verbalement à un adversaire une position de dominé dans le système hiérarchique social (en lui rappelant sa position sociale réelle lorsqu’il s’agit déjà d’un dominé, ou en le ravalant à une catégorie inférieure dans le cas contraire), on le met en demeure de se soumettre ou de se préparer à être traité physiquement comme un dominé, récalcitrant de surcroît : c’est-à-dire, fort mal.

Les insultes, en nous renvoyant brutalement à nos identifications de groupe, renforcent celles-ci (et la hiérarchie entre elles), et ceci tant pour l’insulteur que pour l’insulté. Attaquer par exemple un humain dans son humanité, cela revient en fin de compte à renforcer l’obligation à laquelle je suis moi-même aussi soumis de me conformer à « mon » humanité, qui plus est au détriment des idiots, des handicapés ou des non-humains. Non merci.

Car les identités sociales font référence à des groupes (que j’appelle groupes d’appartenance) auxquels je suis censé appartenir et qui ont de ce fait des droits sur moi, sur mes agissements, etc. C’est pourquoi les insultes ne sont pas un problème en soi, ne sont pas le problème : elles n’en sont qu’une expression. J’aurais pu tout aussi bien parler du ridicule et de la peur qu’on en a si souvent. Les insultes ou la peur du ridicule sont un bon révélateur de notre enfermement à tous dans différentes catégories sociales, qui déterminent notre vie à tous les niveaux, et dont il est très difficile de sortir.

Être blanc, homme, et humain, c’est être inscrit comme dominant sur une échelle hiérarchique qui comprend, donc, aussi des dominés. C’est bénéficier de privilèges, matériels et identitaires…, dont de dominer d’autres, sans soi-même risquer de l’être. Mais c’est aussi toujours avoir sous les yeux l’exemple des dominés, de la façon dont ils sont traités, en sachant que si l’on cesse d’avoir les comportements requis par son groupe d’appartenance, on en sera exclu, et alors éventuellement passible des mêmes mauvais traitements.

Aspects communs des formes de domination

Toujours, les dominations présentent deux aspects, que l’on peut théoriquement isoler l’un de l’autre, mais qui dans la pratique sont souvent indissociables : un que j’appelle matériel (on pourrait aussi dire objectif), et un que j’appelle identitaire (on pourrait dire subjectif). Le premier consiste en une exploitation, une mise à son service du dominé par le dominant, qui vise à en retirer des avantages matériels, par l’utilisation de son corps, de sa force de travail, de son affection, etc. Le second aspect consiste pour le dominant à s’octroyer une valeur positive, supérieure, au moyen d’une dévalorisation du dominé : on ne peut se poser comme supérieur que relativement à autre chose, qu’il faut donc inférioriser, mépriser. Cette valorisation est en soi jouissive, source de plaisir.

Ces deux finalités de la domination sont généralement indissociables : pour plier quelqu’un à sa volonté, l’exploiter, et ceci sans problèmes de conscience graves, il faut l’avoir dévalorisé, avoir cessé de le considérer comme son égal. Mais inversement le fait d’utiliser quelqu’un, de le faire obéir à sa volonté, de l’obliger à devenir un instrument de nos propres besoins (quels qu’ils soient), indépendamment des siens, est une façon très efficace de le dévaloriser, de l’inférioriser, de l’humilier : donc de poser sa propre supériorité. Dans certains cas l’usage de la violence n’aura pas pour but l’exploitation matérielle, mais uniquement la dévalorisation : c’est ainsi que j’explique la consommation de la viande (où c’est l’exploitation matérielle qui a alors pour but la valorisation), et le sadisme des relations de pouvoir en général. De toute façon, que le but soit matériel ou identitaire, la domination s’exercera par la violence, effective ou simple menace explicite voire implicite ; et elle s’appuiera sur une idéologie justificatrice, forme sociale du mépris.

La domination, c’est la valorisation

Dans toutes les sociétés, la supériorité (dominance) sociale s’affirme symboliquement par le monopole, d’une part de l’usage légitime de la violence, et d’autre part, de la possession de biens. L’usage de la violence, et la possession de biens sont des annexes des individus dominants, ils leur sont constitutifs. C’est-à-dire que ce ne sont pas simplement des marques extérieures de leur qualité de dominants, mais des attributs inhérents, qui en font partie intégrante.

Les individus ne sont jamais appréhendés seuls, isolés de tout contexte : ils sont au contraire perçus à travers ce qu’ils ont, qui exprime ce qu’ils sont (ou ce qu’ils sont socialement censés être). C’est que je suis effectivement ce que je possède, ce qui, à des degrés divers, me constitue : mon corps, mes vêtements et autres objets, mais aussi mon caractère, mes projets, mes intérêts, mes sentiments, mon passé, mes relations, etc.7.

La possession de biens, c’est-à-dire, de choses qui sont perçues comme m’étant originellement extérieures, non propres, me permet, par leur annexion, leur appropriation, leur incorporation à mon individualité, de me poser relativement aux autres comme plus ou moins gros, plus ou moins puissant, plus ou moins riche en valeur(s) : ma valeur dépend de ce que je possède (au sens large) et peux faire valoir.

Ce sont bien sûr les biens les plus prestigieux qui confèrent le plus de valeur à leur propriétaire. Dans de nombreuses sociétés, lorsque les conditions s’y prêtent, les biens les plus prestigieux sont d’autres êtres vivants qui sont appropriés, annexés à leur propriétaire : animaux, enfants, femmes, esclaves. Propriétés d’un autre, ces individus n’ont pas eux-mêmes dans les cas les plus extrêmes de propriété du tout, y compris celle de leur corps ou de leurs traits de caractère, et n’existent pas socialement en tant qu’individus, que propriétaires.

Instrumentalisés, les dominés reçoivent des attributs d’instruments. Un tournevis est fait pour visser, fait par le fabricant. Une femme de même est faite pour faire des enfants, etc. : mais par qui ? Sa fonction procréatrice n’est pas façonnée par un humain ; c’est donc un troisième partenaire qu’on introduira, un partenaire complice, qui fait les femmes pour les hommes comme il pourrait aussi faire pour eux, mais ne fait pas, des tournevis : ce partenaire, c’est la Nature. Ainsi les dominés en général sont-ils naturalisés, faits par nature pour faire ou subir ce qu’ils sont obligés de faire ou subir8.

L’autre versant de l’idéologie, qui en est l’exact contrepoint, concerne alors les dominants : ceux-ci se retrouvent valorisés, investis d’une valeur égale à celle dont sont dépossédés les dominés, individualisés à la mesure même de la dés-individualisation que subissent les appropriés, et enfin se posent, eux, comme étant leur propre fin : ils existent pour eux-mêmes, par eux-mêmes, etc.

La valorisation à travers les appartenances

Je n’ai jusqu’à présent parlé de la domination que sous un angle individuel (la domination d’un individu par un autre, visant à une exploitation matérielle et à une annexion identitaire). Mais, même si ce point de vue individuel n’est pas incompatible avec l’angle social, il reste insuffisant si l’on ne recourt pas à une analyse des rapports de l’individu à sa société, à son groupe d’appartenance.

Les rapports d’appartenance des individus sont contraints socialement, c’est-à-dire que, même si nous y trouvons plus ou moins notre compte, il existe une très forte pression sociale à nous conformer aux comportements correspondant au groupe auquel nous sommes censés appartenir. Mais nous trouvons aussi des avantages à cette socialisation : les diverses appartenances qui nous sont imputées nous donnent une sorte de contenu (on est homme, femme, humain… : c’est notre identité), assorti d’une valeur qui sera plus ou moins grande selon les appartenances en question, mais aussi selon la façon dont nous gérons le rôle (avec plus ou moins de brio et de conviction…).

Or, schématiquement, les groupes d’appartenance s’opposent deux à deux, selon un modèle dominant/dominé : blanc/non-blanc, homme/femme, humains/animaux ; ce modèle dominant/dominé correspond également grosso-modo aux dichotomies valorisé/dévalorisé, social/naturel, libre/déterminé…

C’est que la domination d’un groupe, d’une catégorie sociale, d’une classe, sur un-e autre, lui permet de procurer une identité, fonctionnelle socialement bien sûr, mais également valorisante, à ses membres : et elle lui permet de fonder sa cohésion, car cette identité et sa valeur, qui sont pour les dominants un privilège, leur sont communes et doivent être conquises et défendues contre ceux à l’encontre desquels elles s’établissent. Ce sont donc en grande partie leurs intérêts communs qui fondent la cohésion du groupe des dominants, qui assurent qu’ils se soumettront à leur fonction-statut social, étant entendu que pour ceux d’entre eux qui refuseraient de s’y soumettre, par exemple en remettant en cause la domination de leur groupe, il y a la réprobation-répression-pression sociale, qui peut être ouvertement contraignante, et aller jusqu’à la mort, l’exclusion ou la rétrogradation au statut de dominé, en passant par la ridiculisation. C’est ainsi que je m’explique que les insultes qui attaquent des dominants dans leur identité d’hommes ou d’humains se baseront volontiers sur leur non-adéquation aux comportements imposés par leur propre groupe.

Pour les dominés, il n’y a pas besoin du tout (ou moins besoin, c’est selon les cas) d’une cohésion de groupe (qui pourrait se révéler dangereuse pour les dominants) : c’est directement la contrainte exercée par les dominants qui jouera le plus grand rôle dans le fait que les dominés restent à leur place inférieure et exploitée9 : c’est ce qui c’est passé pour les esclaves ou les indigènes des colonies, pour lesquels c’est la terreur plus que la propagande (dont faisait tout de même partie la christianisation) qui assurait la sujétion. C’est aussi la terreur plus que la propagande qui a assuré tant bien que mal la soumission du prolétariat aux conditions atroces des débuts de la révolution industrielle10.

Toujours est-il que c’est la domination sur un autre groupe qui crée subjectivement le groupe dominant en tant que tel (et également le plus souvent matériellement, parce que c’est l’exploitation des dominés qui fonde très concrètement les conditions de vie des dominants). Ses membres se considèrent comme égaux (les aristocrates anglais s’appellent des « Pairs », par exemple), c’est ce qui les distingue des autres ; ils sont égaux : cela signifie qu’ils sont investis, à peu de choses près, de valeurs égales ; qu’ils ont accès aux mêmes privilèges (relativement aux dominés), dont le plus important consiste sans doute justement à se traiter les uns les autres de façon égale. La meilleure façon de se rendre palpable le caractère distinctif de cette égalité consiste logiquement à la mettre en contraste avec l’inégalité de traitement qui est l’essence des rapports de domination, et qui est réservée aux dominés11.

Se livrer, donc, à des pratiques collectives humiliantes, dégradantes, dévalorisantes envers les dominés sera une bonne façon de resserrer les liens des dominants, de mettre en relief et leur rappeler les privilèges qu’ils partagent aux dépens des autres. Les pratiques en question sont celles qui vont instrumentaliser les dominés, et elles seront d’autant meilleures si elles font appel plus explicitement à la violence

L’analyse des insultes, de la logique qui leur est sous-jacente, nous montre que lorsqu’un homme insulte une femme en tant que femme, il se pose en contrepoint comme homme, comme « appartenant » à la catégorie des hommes, qui est alors clairement exprimée comme valorisée-valorisante. Lorsqu’un homme en insulte un autre en lui refusant sa qualité d’homme (en refusant de reconnaître son « appartenance » à cette catégorie), il se pose lui-même encore comme homme en valorisant cette « appartenance ». Quand un humain en traite un autre de non-humain (animal, sous-humain, etc.), il se renforce lui-même dans cette « appartenance », etc.

Or, il se passe la même chose lorsqu’on quitte le niveau verbal pour gagner celui des actes : lorsqu’on maltraite quelqu’un, on le dévalorise aussi en se valorisant soi ; s’il s’agit d’un dominé, c’est alors une façon de bien inscrire son « appartenance » à lui à un groupe dominé, de la lui rappeler tout en se « prouvant » ainsi son « appartenance » à soi à un groupe dominant. Et si c’est un égal que nous maltraitons, nous lui faisons ainsi quitter la sphère des égaux, et nous assurons par contre que nous, nous en faisons bien encore partie.

À ce niveau, on peut mettre sur un plan d’équivalence des pratiques aussi diverses que le fait pour des garçons de siffler des filles, que les viols collectifs ou individuels, les ratonnades (d’homos ou d’immigrés…), les spectacles où des animaux vont être tués à coups de pierre ou autres (corridas…), ou encore le fait de manger de la viande12.

… Les premières confortent les hommes dans leur « appartenance » à la classe des hommes, et confortent la valeur qui est associée à cette appartenance, les secondes confortent les humains en général (et plus encore, parmi eux, les hommes) dans leur appartenance à l’Humanité, en confortant simultanément la valeur qui lui est associée.

Mon propos est que la lutte contre les dominations passe donc aussi par la lutte contre les appartenances et les identités, puisque les dominations jouent un rôle de valorisation des identités et des appartenances des dominants, et que c’est là une de leurs raisons d’être.

Une loi récente par exemple interdit toute atteinte à la « dignité humaine » : je pense qu’un tel « attentat » (non pas à la dignité d’un individu, bien sûr, mais à celle de l’Humanité) est nécessaire, qu’il est un des axes que doit prendre la lutte pour l’égalité de tous les animaux ; car, une dignité humaine n’a de sens qu’en tant qu’elle est exclusive, qu’elle est dignité des seuls humains. Je ne vois pas sur quoi se base une telle valorisation de notre humanité… ou plutôt, malheureusement, je ne le vois que trop bien.

Yves Bonnardel

Ce texte a été publié initialement dans Les cahiers antispécistes n°12 (avril 1995). Merci à Yves Bonnardel pour l’autorisation de la reproduction. 

Tous les travaux de l’auteur sont disponibles ici.

Ateliers "esprit critique et analyse de l'information" à l'école primaire de Taninges

Rose-Marie Farinella Elkabach est enseignante à l’école primaire de Taninges et a développé une séquence pédagogique consacrée à l’analyse de l’information sur Internet à destination de ses élèves de CM2. Elle présente son travail sur le site de l’Inspection de l’éducation nationale de Cluses (académie de Grenoble), que nous relayons ici. On y trouve notamment la description des séances, mais également  une frise chronologique les accompagnant, les exercices et traces écrites des élèves, des enregistrements sonores ainsi que les évaluations. Un diplôme d’apprenti hoaxbuster est même remis aux élèves à la fin de l’atelier !

Voici la description de l’atelier et liens vers les ressources en ligne par Rose-Marie.

« Donner des clés pour faire la différence entre info ou intox sur le web dès le primaire », tel est l’enjeu d’une séquence d’éducation aux médias que j’ai conçue et expérimenté en CM2 l’an dernier et que je mets à nouveau en pratique cette année. Objectif: aider les élèves à devenir des cyber-citoyens qui ne se fassent pas manipuler. Des cours d’esprit critique pour apprendre à vérifier et trier les informations et faire barrage aux idées racistes, xénophobes et complotistes qui circulent sur le Net. Mon scénario pédagogique, ventilé en huit séances d’une heure trente, est indexé sur  PrimTice et Eduscol ainsi que sur le site de l’Inspection de l’Éducation Nationale de Cluses. Vous y trouverez la progression, exercices et traces écrites ainsi que les bilans détaillés des séances.

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A l’issue de la séquence les élèves reçoivent un diplôme « d’apprenti hoaxbuster« , dans une cérémonie au cours de laquelle ils prêtent serment sur la tête de la souris de leur ordinateur : « Avant d’utiliser ou de partager une information, toujours je la vérifierai ».

Sur le site de l’OBS, je raconte l’expérimentation avec les élèves. Un article complété par un papier sur le site web de France 24.

En guise d’avant-goût, voici le sommaire détaillé de la progression.

Séance N°1 : Ce qui est une information et ce qui ne l’est pas

* Tri de textes : un journal, ce n’est pas… un livre, un catalogue, un roman.

Les fonctions de différents types d’écrits

* Différences entre un article et la publicité

* Pourquoi les journaux insèrent-ils de la publicité ?

* Observation de publicités sur des sites d’informations sur internet

Séance N° 2 : Qu’est-ce qu’une information ? Qui la diffuse ? Observation de différents journaux de la presse écrite imprimée et en ligne. De l’importance de la mise en page

* Qui diffuse les informations ? Les différents médias

* Comparaison de « unes » de la presse écrite imprimée et en ligne

* Comment sont classées les informations ? Les rubriques

Séance N°3 : Qu’est-ce qu’une information ?

Entrer dans le cœur d’une information en décortiquant des brèves, en répondant aux questions « quoi ? », « qui ? », « quand ? », « où ? », « comment ? », « pourquoi ? »

Séance N°4 : le métier du journaliste. Comment travaille-t-il ? Comment traite-t-il l’information ? Points de vue. Objectivité/subjectivité

* Le métier du journaliste

* De l’importance de l’objectivité pour écouter et exposer les différents points de vue pour donner l’information la plus complète possible

Qu’est-ce qu’une fausse information ? Info ou intox, comment faire la différence ?

Séance N°5 Les « hoax »

* Tout ce qui est publié sur internet, n’est pas toujours vrai. De l’importance des sources. Toujours vérifier information avant de l’utiliser ou de la partager

* Comparer les « unes », du « figaro.fr » et du « gorafi.fr »

* Le jeu du « hoaxbuster »

*Pour préparer un exposé pour l’école, trier les informations, éviter les « copier-coller », attention aux moteurs de recherche qui mettent sur un même plan sites sérieux et sites mensongers

Séance N°6 Rumeurs et calomnies/ Conspirationnisme/ Racisme, xénophobie/Diffamation et menaces punies par la loi/ Photos truquées, légendes mensongères/Décryptage

* Rumeurs et légendes urbaines

* Les conspirationnistes sont très actifs sur la toile. Exemples : les attentats du 11 septembre 2001 et de « Charlie Hebdo » on été sources des rumeurs les plus folles

* Photos truquées, légendes mensongères/décryptage

* Ecrire et diffuser des calomnies, des injures, des propos racistes et xénophobes, c’est interdit par la loi

* Textes, photos et vidéos que l’on a postés sur internet sont quasiment impossible à effacer

*Les photos des stars et mannequins dans les magazines sont parfois tellement retouchées qu’elles ne reflètent pas la réalité

(Les six premières séances permettent aux enfants d’aborder des compétences du domaine 2 et 5 du B2i)

S’informer et communiquer sur internet et les réseaux sociaux : avantages, risques, règles de prudence. Élaboration d’une charte d’utilisation d’internet à l’école

Séance N°7 S’informer et communiquer sur internet et les réseaux sociaux, avantages, risques et règles à respecter/ Adopter une attitude responsable

Les autres compétences du domaine 2 du B2i non encore abordées

*droit au respect de son image, de son identité et de sa vie privée

*tenir compte des conditions d’inscription à un service en ligne, ne pas communiquer d’informations personnelles, protéger sa vie privée

*alerter l’adulte responsable, si l’on se trouve face un contenu ou à un comportement illicite ou déplacé

*vérifier les conditions d’utilisation d’un document

Séance N°8 Élaboration d’une charte illustrée d’utilisation du matériel informatique et d’internet à l’école

Elaboration d’une charte avec les différentes notions étudiées lors des précédentes séances. Illustration de cette charte par les élèves.

Ateliers "Médias" avec des écoliers chambériens

Tudy Guyonvarch est assistant d’éducation en Maurienne. L’année dernière, il a mené en parallèle de son activité principale des ateliers « Médias » auprès d’enfants d’une école primaire chambérienne. En plus de se livrer avec intérêt à cet exercice, il a bien voulu partager avec nous son expérience, qui devrait être renouvelée cette année au second semestre avec des ateliers de zététique.

Contexte

La mise en place de la réforme des rythmes scolaires à Chambéry a permis à la Maison de l’enfance de proposer des ateliers périscolaires. A un tarif plus que modique, les enfants des écoles du Biollay (un quartier classé zone urbaine sensible (ZUS) de Chambéry) peuvent s’inscrire à des cycles de 5 à 7 séances, de 16h à 17h30. L’idée de l’atelier « Médias » était de reprendre une animation déjà menée sur les vacances d’été, à savoir réutiliser des techniques de tournage et de montage similaires à celles utilisées dans Enquêtes Exclusives pour monter un reportage bidon sur le Biollay et comprendre comment les spectateurs peuvent être manipulés.

Modalités

Durée : 6 séances d’1h30

Matériel : un appareil photo numérique, un ordinateur

Lieux : Maison de l’enfance et quartier du Biollay, Chambéry, 73000

Public : enfants de 8 à 9 ans

1er atelier : cas d’école

Après avoir discuté des différents médias, de leur rôle dans la vie quotidienne et sur la société (en plein post-Charlie-Hebdo, la question revient évidemment), nous avons visionné certaines scènes choisies de Villeneuve ; le rêve brisé 1 : le suivi des forces de l’ordre menant une « guerre de territoire », la présentation de la journaliste, l’interview des jeunes, la démonstration de tir, l’interview des « anciens », plus quelques travellings à travers la cité.

Je lance, un peu imprudemment, l’idée qu’il a pu y avoir des manipulations. Certains enfants remettent aussitôt l’ensemble du documentaire en question, estimant que tout n’est qu’effets spéciaux. Puis un débat démarre sur la voiture brulée : vraie ou truquée ? Quelles sont les chances de tomber sur une voiture en flamme en suivant la police durant plusieurs semaines ? De même, certains remarquent les coupures durant l’interview de l' »ancien » qui se plaint de son agression et formulent la question « qu’est-ce qui a été enlevé ». Enfin, ils estiment que l’attitude des « jeunes » interviewés est grossière et trop caricaturale.

2ème atelier : téléphone taïwanais

On rediscute un moment de ce que les élèves ont vu à la télé récemment. Peu d’entre eux ont regardé attentivement la télé dans la semaine, peu se souviennent de ce qu’ils ont vu.

On discute sur le témoignage et la qualité des on-dits. Puis, à partir d’une vidéo de quelques secondes sur des passants qui tombent dans un trou en Corée (voir vidéo ci-dessous), nous faisons l’expérience du téléphone arabe. Mohammed s’isole et regarde la vidéo tandis que les autres sont dans une autre pièce. Puis, Liam a quelques minutes pour entendre son témoigage et poser quelques questions complémentaires. Ensuite, c’est au tour de Wassim d’interviewer Liam, puis Nassime interview Wassim. Quand enfin Jérémie interviewe Nassime puis restitue ce qu’il a entendu à Gaspard, la version finale n’a absolument rien à voir avec le contenu de la vidéo (voir vidéo ci-dessous).

Extrait d’un reportage télévisuel rapportant un évènement s’étant déroulé dans une ville coréenne, suivi d’une expérience de téléphone arabe avec les écoliers. La vidéo est diffusée avec l’autorisation des personnes y figurant.

On constate en regardant ensemble la vidéo d’origine que le témoignage de base est déjà bancal, mais que chaque maillon de la chaîne ajoute des approximations, inventions ou erreurs qui changent complètement l’histoire.

3ème atelier : l’attention

Après une énième discussion sur ce que les enfants ont vu dans les médias cette semaine, toujours relativement stérile, on se met au boulot. Après avoir visionné deux ou trois expériences de mémoire sélective (comme celle du gorille 2), nous décidons de faire notre propre expérience. On met au point un protocole et on se rend vite compte que les seuls sur lesquels on peut tester cet effet sont les parents. Quand ceux-ci arrivent à l’accueil, ce sont 5 enfants qui vont se cacher sous le bureau de l’agent d’accueil ou dans le bureau de la direction pour appeller les parents, tendre un papier à remplir, aller chercher un stylo, puis dire au revoir.

Après un débrief avec chaque parents, il apparaît que tou.te.s ont détecté une surpercherie, mais qu’ils ont seulement vu 2 ou 3 changements, mais pas 5. Même dans des conditions peu optimales, il apparaît donc que l’expérience fonctionne.

4ème atelier : « coupez »

Le temps de discussion sur les médias de la semaine apporte peu, encore une fois, et on disgresse sur de nombreux sujets. Ensuite, on attaque le corps du sujet : la sélection des données par le montage vidéo.

Après avoir regardé quelques exploits (paniers au basket, lancer de canette dans des poubelles), on décide de faire notre propre vidéo. On élabore notre mise en scène. Pour optimiser le nombre de lancers, donner le même nombre de chance à chacun, tous les enfants tentent de lancer un papier froissé dans une poubelle derrière eux. Assis en rond autour de la table, ils font semblant de dessiner et, chacun son tour, l’un d’eux tente le panier. Je filme en continu, prêt à couper en cas de problème.

C’est très laborieux. Ils visent mal et, après 20 minutes et sans doute une bonne cinquantaine de tirs, aucun n’a réussi de façon visuellement impressionante. Finalement, un des tirs reste pour la postérité.

On tente alors une seconde approche, le montage pur et dur. En faisant deux plans différents, un du lancer et un du papier arrivant dans la poubelle, on donne l’impression d’un très beau lancer. On fait avec les enfants une première approche du montage.

5ème et 6ème atelier : au coeur de l’action

Pas de discussions sur les médias lors de ces ateliers car on a du boulot : tourner sur le Biollay et réaliser le « rush ». Lors du premier atelier, on filme un match de foot sur l’espace multisports et on ne sélectionne que les moments les plus violents (insultes, bousculade et tacle).

Lors du second atelier, on marche en groupe en se faisant tourner l’appareil photo et, dès que quelqu’un a une idée à filmer, la personne qui a l’appareil tente un plan. On en profite pour voir comment la façon de filmer donne des impressions différentes (la contre plongée pour rendre les immeubles écrasants), pour travailler l’élipse, et pour filmer des crottes de chien. On filme aussi les éléments positifs, au cas où on voudrait un jour faire un film de pub sur le quartier pour contre-balancer celui-ci.

Au cours du 6ème atelier, on prend quelques minutes sur la fin pour envisager le montage, mais ce temps est largement insuffisant. Aussi, durant les vacances, nous allons prendre deux heures pour réaliser le montage et ajouter des musiques. Les enfants regorgent d’idées diaboliques (ralenti sur des jeunes avec des capuches, zoom, gangsta rap en fond sonore) pour manipuler le spectateur !

Film réalisé par les écoliers à l’issue des ateliers

Tudy Guyonvarch

Zététique et esprit critique en France à la rentrée 2015

Le CORTECS essaie de recenser tous les enseignements spécifiques centrés sur la didactique de l’esprit critique, qu’ils s’appellent « pensée critique », « esprit critique », « autodéfense intellectuelle » ou autre. A la rentrée 2015, voici les enseignements estampillés comme tels dont nous avons connaissance. Du Sud au Nord…

Marseille

Les enseignements, conférences et formations sur Marseille et sa région sont nombreux cette année :

A l’université

Denis Caroti, l'Aristote de la méthode scientifique

Université du Temps Libre (UTL) : deux séminaires « Esprit critique et autodéfense intellectuelle » sont ouverts pour les étudiant-e-s, le cours de niveau 1 ainsi que sa suite, niveau 2, pour celles et ceux ayant suivi le cours n°1. Un lundi sur deux à partir du 28 septembre (Denis Caroti).

– Ecole Centrale de Marseille : dans le cadre du tutorat assurés par les étudiants de l’ECM à destination des élèves de collèges et lycées marseillais, une formation centrée autour de l’approche pédagogique critique et zététique sera donnée tout au long de l’année (Denis Caroti).

Stages doctoraux

Deux nouveaux stages sont ouverts cette année :

– Zététique & Autodéfense intellectuelle

– Médias et pseudosciences

Les dates sont déjà fixées : 19-20 octobre et 22-23 octobre pour les deux premières journées. Une troisième journée de restitution est prévue pour le mercredi 4 novembre et vendredi 6 novembre (Denis Caroti)

CorteX_Nicolas_Montes

Nicolas Montes fait un cours de zététique en L1 Science de la Terre et Environnement et en M2 Sciences de l’Environnement Terrestre

Dans le secondaire

Cyrille_Baudouin

– Conférences Sciences et esprit critique : à destination des lycées de la région PACA (académies de Nice et d’Aix-Marseille), 30 conférences sont à nouveaux proposées (3ème année consécutive) aux lycées qui en ont fait la demande, ceci dans le cadre du dispositif régional Science Culture . Différents sujets sont traités en fonction des attentes des professeurs impliqués dans le dispositif (Cyrille Baudouin & Denis Caroti, Guillemette Reviron).

– Cours « Sciences et esprit critique » au collège Stéphane Mallarmé : tous les jeudis avec les élèves de 3ème qui se portent volontaire pour un cours optionnel traitant de zététique appliquée (Denis Caroti).

– Stages pour enseignants :depuis 2008, la formation « Sciences et pseudosciences » figure au plan de formation pour les enseignants du secondaire. Elle est à nouveau reconduite cette année. Inscriptions à partir du 15 septembre (Denis Caroti, Julien Pellegrino, Yannick Laurent).

Carcassonne

photo-marie helene hilaire-marion margerit-enquetes z

Marion Margerit et Marie-Hélène Hilaire relancent les Enquêtes Z au collège Le Bastion, ateliers ouverts aux élèves de 6ème et 5ème.

Montpellier

A destination des enseignants

Caroline Roullier
Caroline Roullier

Cette année, cinq formations sont proposées par le Cortecs dans le PAF :

  • Agir pour l’égalité fille-garçon (n° de la formation dans le PAF : 15A0110405) animée par Caroline Roullier
  • Agir pour l’égalité fille-garçon (sous forme de Formation Territoriale – n° de la formation dans le PAF : 15A0110414) animée par Caroline Roullier
  • Médias, pseudosciences et esprit critique (n° de la formation dans le PAF : 15A0110667) animée par Guillemette Reviron
  • Mathématiques et auto-protection intellectuelle (n° de la formation dans le PAF : 15A0110484) animée par Guillemette Reviron
  • Vivre et apprendre dans l’établissement (sous forme de Formation Territoriale – n° de la formation dans le PAF : 15A0110461) animée par C. Roullier et G. Reviron

En détention

Les ateliers Médias et esprit critique se dédoublent à la maison d’arrêt de Villeneuves-lès-Maguelone et s’exportent au centre pénitentiaire de Béziers. Ils seront animés par Caroline Roullier et Guillemette Reviron

A l’université

CorteX_Reviron_Perruque-barbe

Deux sessions du cours Sciences et auto-défense intellectuelle seront proposées aux étudiants de L2 de l’Université de Montpellier, une par semestre. Ces cours sont ouverts moyennant discrétion.

Stages doctoraux

Outre le stage Médias et pseudosciences qui existe depuis 2010, Guillemette Reviron animera le stage Auto-défense mathématiques pour non mathématiciens

Nice

L’équipe composée d’Aziz Ziad, Martine Adrian-Scotto, David Mary et Thierry Corbard ont repris les enseignements légendaires de Henri Broch pour les licences 1 de sciences fondamentales.

Grenoble

Stages pour enseignants : depuis 2013, la formation « Sciences et esprit critique, zététique » figure au plan de formation pour les enseignants du secondaire. Elle est à nouveau reconduite cette année, à destination des collègues de physique-chimie, SVT, mathématiques et technologie, travaillant dans les départements de la Savoie et de la Haute-Savoie. Inscription ici.

L’unité d’enseignement transversal « Zététique et autodéfense intellectuelle« , par Richard Monvoisin existe depuis 2005. Ce cours est ouvert au public.

Le cours spécialisé « Sciences et pseudosciences politiques » est porté pour la 2ème année par Clara Egger à l’Institut d’études politiques (second semestre). Il est ouvert au public.

CorteX_Clara_Egger

La première édition du séminaire « Complots et conspirationnismes« , co-animé par Clara Egger et Raùl Magni-Berton est ouvert à l’Institut d’études politiques. Il s’agit d’un séminaire de formation à la recherche, destiné aux étudiants de troisième année. Les cours débuteront le 17 septembre et se dérouleront principalement au premier semestre. Le second semestre est dédié au suivi des travaux des étudiants.

D’autres cours de pensée critique appliquée à des thèmes spécifiques existent à l’IEP, au niveau Master. Le cours « Les ONG et le système international » est ouvert, depuis 2013, aux étudiants en première année du master « Politiques et Pratiques des Organisations Internationales ». Deux autres cours débutent cette année : le cours « Élaboration de la décision scientifique »  (premier semestre, Master 1 & 2 « Sciences, Techniques et Démocratie ») et le cours « Les ONG islamiques » (premier semestre, Master 1 « Intégration et Mutations en Méditerranée et au Moyen-Orient »).

Stage doctoral « zététique & didactique de l’esprit critique« , depuis 2006, par Richard Monvoisin.

Le stage doctoral « Médias & pseudosciences » créé en 2008 et le stage doctoral Auto-défense mathématiques pour non mathématiciens seront portés par Guillemette Reviron.

Stage doctoral « Science sans conscience… », depuis 2014, porté par Guillaume Guidon et Clara Egger.

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Albin_Guillaud

Stage « La santé  du thésard« , créé en 2015, est animé par Nelly Darbois et Albin Guillaud.

Stage doctoral « Enseignements et dominations« , depuis 2015, porté par Clara Egger.

Ismaël Benslimane

Le « Cours pratique d’autodéfense intellectuelle » à l’Université inter-âge du Dauphiné a été créé en 2012. Il est repris en 2015 par Ismaël Benslimane et Clara Egger.

 

Chambéry

Tudy Guyonvarch propose un atelier Autodéfense intellectuelle à la Maison d’enfance du Biollay, un centre de loisirs associatif géré et financé par la mairie. 7 séances sont proposées pour des enfants de 7 à 10 ans les mardis soirs de février-mars sur le Temps d’Accueil Périscolaire.

La Rochelle – Poitiers – Tours

Stage doctoral « zététique & didactique de l’esprit critique« , depuis 2011, par Richard Monvoisin, pour doctorant-es de Tours, Poitiers, Angers, La Rochelle relevant des écoles doctorales CIMES et CPMEC.

Lyon

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Le cours de Denis Machon s’adresse aux étudiants de L2 et L3 de toutes les spécialités de l’université Lyon I. Il s’intègre dans les enseignements intitulés « Transversales : Sciences Humaines et Sociales ». Denis est secondé de Mailÿs Faraut.

CorteX_Maylis_Faraut_
Mailys Faraut

Brest

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Delphine Toquet développe depuis plusieurs années un enseignement critique pour les étudiant-es de l’école d’ingénieurs de Brest. Le CORTECS est invité chaque année en janvier pour y réaliser des ateliers zététiques.

Saint-Ouen

Sophie Mazet faisait un atelier d’autodéfense intellectuelle dans son lycée Auguste Blanqui de Saint-Ouen. Hélas nous ne pouvons en dire plus, car cette dame n’a jamais souhaité fonctionner en réseau.

Paris

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Florian Gouthière

Le Master Journalisme, culture et communication scientifiques de l’Université Denis Diderot (Paris VII) intègre désormais, au premier semestre de son Master 2, un module « esprit critique », inclus dans ses TD de médiation scientifique. Ce module a été conçu par Florian Gouthière il y a trois ans, initialement pour la Licence (L3) préalable à ce master. Les cours font découvrir aux étudiants les principes de base de la zététique, plusieurs mise en situation les amenant à mettre en pratique la théorie.

Lille

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Mikaël Salson

L’informaticien Mikaël Salson a ouvert deux enseignements de zététique. Le premier existe depuis 2013, pour les master de la filière journalisme scientifique de l’école supérieure de journalisme ; le second est une option pour les licence 3ème année d’informatique.

Le psychologue Mikaël Mollet a développé une unité d’enseignement sur la méthodologie en psychologie, niveau licence 2 à l’Université Charles-de-Gaulle Lille 3.

Le cours de l’Université de Marne-la-Vallée n’existe plus, tout comme le cours de zététique de l’INSA de Lyon. Quant aux cours de l’école d’ingénieurs de Sceaux et de l’Université d’Artois, nous n’avons pas de nouvelles fraîches, idem pour l’école Polytechnique Supérieure de Dakar et l’Université de Belgrade.

Vous connaissez d’autres cours de ce genre ? Écrivez-nous.

Les enfants et le surnaturel, par Michel Leurquin, professeur des écoles

CorteX_poltergeist_remake« L’enseignement rationaliste peut et doit tout discuter en mettant au préalable les enfants sur la voie simple et directe de l’investigation personnelle ».  C’est sur ces phrases du pédagogue assassiné Francisco Ferrer que s’ouvre cet article envoyé par Michel Leurquin, instituteur (et membre du Comité Para belge).


Les enfants sont-ils déjà intéressés par le surnaturel et les phénomènes paranormaux malgré leur jeune âge ? La question est intéressante mais ne semble jamais avoir été le sujet d’une étude complète. J’ai donc profité de la fin d’année scolaire 2000-2001 pour soumettre un petit sondage sans aucune valeur scientifique à 154 enfants âgés de 11 à 13 ans se trouvant en 5ème et 6ème années primaires (CM2 en France). Ces élèves fréquentaient des écoles libres catholiques ou des écoles officielles publiques (où les élèves peuvent opter au choix pour un cours de religion catholique, protestante, orthodoxe, islamique, judaïque ou un cours de morale laïque). Ce sondage a été effectué par écrit et de manière anonyme.

1. Connais-tu ton signe astrologique ?

oui : 95%
non : 5%
Commentaires : Il a également été demandé lors de cette première question de citer le signe si la réponse à la question était positive. Déjà très jeunes, les enfants connaissent leur signe astrologique. Cela n’a rien de très étonnant. Ce qui l’est plus, c’est qu’un certain nombre a même précisé son signe astrologique chinois alors que cela n’était pas demandé sur le questionnaire. Il n’est cependant pas certain que les enfants fassent déjà le lien comme trop d’adultes entre signe astrologique et destin ou caractère des individus.

2. Lis-tu ton horoscope ?

jamais : 16%
parfois : 60%
souvent : 24%
Commentaires : Les enfants n’échappent pas à la déferlante folle des horoscopes. Il est vrai qu’on les retrouve dans la plupart des journaux et des magazines de télévision. Ce n’est pas bien bien méchant car comme la plupart des adultes la lecture de l’horoscope reste un passe-temps amusant sans plus. Peu d’enfants doivent être réellement influencés par leur horoscope du jour. Cependant, il est assez étonnant de constater qu’une grosse majorité d’enfants déclare lire son horoscope de manière assez régulière. Il ne faut pas oublier non plus que la plupart des radios libres privées possèdent leur propre astrologue qui analyse chaque signe chaque jour de la semaine. Peu d’enfants échappent donc à l’horoscope.

3. Crois-tu qu’il existe des personnes capables de prédire l’avenir (des voyants) ?

oui : 21%
non : 50%
je ne sais pas : 29%
Commentaires : La moitié des enfants interrogés ne croient pas qu’il puisse exister de véritables voyants. Il reste donc une moitié qui y croit ou qui n’a pas d’opinion sur le sujet. Les enfants sont trop jeunes pour avoir déjà eu un contact avec un extralucide à moins d’imaginer qu’ils s’y soient rendus avec un de leurs parents. Mais le succès de ceux-ci dans quelques années reste assuré…

4. Crois-tu qu’il existe des personnes capables de lire dans les pensées (la télépathie) ?

oui : 23%
non : 60%
je ne sais pas : 17%
Commentaires : La télépathie connaît un assez beau succès d’estime chez les enfants. C’est un phénomène que l’on rencontre assez souvent dans les bandes dessinées et les dessins animés. La télépathie est également le phénomène auquel les adultes croient le plus. Il nous est arrivé à tous de penser ou de dire la même chose qu’un membre de notre entourage au même instant. Ces faits sont assurément fort troublants même si ce ne sont que de simples coïncidences.

5. Crois-tu en l’existence des extra-terrestres ?

oui : 25%
non : 56%
je ne sais pas : 19%
Commentaires : On peut peut-être s’étonner que « seulement » un quart des enfants interrogés croient à l’existence des extra-terrestres vus leur omniprésence dans les films de science-fiction et dans les dessins animés dont les enfants sont friands. La croyance dans l’existence des extra-terrestres reste cependant une des plus élevées de l’enquête. C’est à cet âge aussi que les enfants d’école primaire abordent les premières notions d’astronomie. Ils y apprennent vite que les autres planètes de notre système solaire n’abritent pas de vie intelligente mais que l’Univers est immensément grand et que les possibilités d’y trouver une vie sont réelles.

6. Crois-tu qu’il existe des personnes capables de communiquer avec les morts ?

oui : 10%
non : 65%
je ne sais pas : 25%
Commentaires : La proportion de oui est relativement basse. Il leur semble difficile de croire que des gens puissent faire parler les morts. Il est néanmoins intéressant de comparer les réponses à celles de la question 8. La croyance aux fantômes est paradoxalement plus élevées. Il reste une part importante d’un quart d’élèves qui n’a pas d’avis sur la question.

7. Crois-tu qu’il existe des personnes capables de faire bouger les objets par la force de la pensée sans les toucher ?

oui : 32%
non : 49%
je ne sais pas : 19%
Commentaires : La croyance dans ce que les parapsychologues appellent psychokinèse est très importante et même assez inquiétante chez les enfants. Un tiers d’entre eux est persuadé de l’existence de ce phénomène. Pourtant, ils sont trop jeunes pour avoir connu le grand Uri Geller… Cela s’explique peut-être en partie du fait que ce genre de phénomène apparaît souvent dans les fameuses bandes dessinées japonaises (mangas) ou dans des films de science-fiction comme Star Wars qui connaissent encore un beau succès lors de leur rediffusion.

8. Crois-tu aux fantômes ?

oui : 21%
non : 66%
je ne sais pas : 13%
Commentaires : Voilà des enfants qui ne doivent pas dormir beaucoup les nuits d’orage ! Mais avouons que tous étant enfants nous avons cru à ces fantômes pourtant bien insaisissables. Cette croyance vieille comme le monde diminue cependant fortement avec l’âge.

CONCLUSIONS

Grosso modo, ce sondage laisse apparaître deux groupes : ceux qui ne croient pas en général à l’existence de ces phénomènes (sauf l’une ou l’autre exception) et un second groupe où l’on retrouve ceux qui ont un avis positif et les tièdes qui ne se prononcent pas. Il est difficile de prévoir l’évolution de leur adhésion à l’existence de ces phénomènes, qui dépend vraisemblablement de tout un tas de facteurs dont l’entourage ou le milieu culturel. L’atavisme familial doit être un élément central. Des enfants ayant des parents possédant une belle bibliothèque ésotérique y croiront certainement plus que les autres. Il est certain que tous les enfants sont touchés par ces phénomènes car l’on en parle fréquemment à la télévision, à la radio, sur Internet et dans la presse y compris dans celle destinée aux jeunes, autant de médias que les jeunes de 10 à 12 ans consultent régulièrement. Pensons également à l’influence que peut avoir la lecture de certains livres pour les jeunes comme Harry Potter ou même les ouvrages de maîtres de l’épouvante (Stephen King,…) qui sont déjà lus par les pré-adolescents. Les enseignants ont aussi une grave responsabilité dans l’éducation transmise aux élèves. On pressent également (sans que j’aie de publication à ce sujet) que plus ou moins consciemment, l’intérêt pour le paranormal puisse être directement transmis par les enseignants à leurs élèves. Dans les classes, on fête Halloween, on lit ensemble des romans comme Harry Potter, les exercices de lecture font apparaître fantômes ou gentils extra-terrestres, on fabrique pour la fête des pères des porte-clés aux signes du zodiaque… Les exemples ne manquent pas. Je me souviens personnellement qu’âgé de 13 ans (1ère année du secondaire) une dame donnant un cours de méthode de travail (et qui était professeur de religion catholique) aimait à parler de ces phénomènes qui la passionnaient. Elle déclara même un jour entre autres inepties que 90% des hommes préhistoriques possédaient le don de… télépathie ! L’école doit être un lieu où il faut éviter de transmettre de fausses idées. Les enseignants ont pour rôle de former des hommes et des femmes possédant leur libre-arbitre et qui s’intéresseront à ce qu’ils veulent. Les enseignants doivent avoir le courage de développer le sens critique de leurs élèves, de susciter le débat contradictoire, de faire apprécier la recherche scientifique et ses preuves. C’est à ce prix que la croyance dans le paranormal sera un libre choix, mais éclairé par un doute raisonnable chez les générations futures.

CorteX_Michel_LeurquinCe texte a été publié d’abord ici.

Merci à Michel Leurquin.

Tintin raciste, que ce soit au Congo ou en Amérique – Jugement au Canada

Nous avons parlé de Hergé à plusieurs occasions dans nos travaux. Récemment, lors de notre premier exposé du cycle « Connaissances censurées ? » à l’Université de Grenoble Alpes, le CORTECS a apporté des exemples de censures explicites ou implicites sur des supports artistiques. La bande dessinée a été l’objet de maintes critiques, des Pieds Nickelés aux super-héros de Marvel, sur lesquelles nous reviendrons dans un article spécifique. En attendant, Hergé, en toute cohérence avec son époque, fit de Tintin un réceptacle à clichés et stéréotypes racistes. Que ce soit chez les Soviets, au Congo, dans la version journal de L’étoile mystérieuse où se loge une stupéfiante série de cases lourdement caricaturales sur les Juifs, ou dans Tintin en Amérique, il y a matière à travaux pratiques scolaires.

CORTECS_Tintin_Amerique_poeleCela crée parfois des remouds juridiques intéressants, et c’est à notre avis une bonne chose, non que des ouvrages soient censurés ou mis à l’Index prohibitorum, mais qu’ils soient au contraire disponibles, si possible avec des mises en garde, des notices critiques pour les jeunes et moins jeunes, notices qui pourraient justement mettre en évidence que le racisme se loge parfois dans le recoin des BD les plus anodines (et dans les films les plus communs ! Voir par exemple notre article ici).

En attendant, voici de la matière à modeler pour enseignant du secondaire, avec cet article du 19 mars 2015 du journal Le Monde.

Après « Tintin au Congo », « Tintin en Amérique » jugé raciste au Canada

CORTECS_Tintin_Amerique_ChevalDes « Peaux-Rouges » qui capturent Tintin et veulent le scalper : ce genre de représentation véhiculée dans Tintin en Amérique ne cesse d’agacer certains membres de la communauté amérindienne. Des habitants de Winnipeg, capitale francophone de l’ouest canadien, ont ainsi obtenu que la librairie Chapters de leur ville retire l’album de ses rayons dimanche 15 mars… temporairement.

« Je crois que l’album alimente les stéréotypes. Les Indiens sont présentés comme des êtres sauvages et dangereux. Cela fait écho au racisme que nous subissons », estime ainsi une des plaignantes, l’avocate et activiste Leslie Spillett interrogée par Radio Canada.

La librairie a fini par remettre en vente le livre, un des premiers albums d’Hergé, publié au début des années 1930, jugeant qu’un tel sort ne devait être réservé qu’à des livres qui font la promotion de la violence ou qui contiennent de la pornographie infantile. Une porte-parole de Chapters a toutefois reconnu que Tintin représentait « une mentalité dépassée ».

Certains habitants de Winnipeg appellent maintenant au boycott de la librairie tant qu’elle continuera à vendre l’album.

Des albums « nourris des préjugés de son temps »

Dans la foulée, les bibliothèques publiques de la ville ont décidé de retirer la bande dessinée de leurs rayonnages. Dans un communiqué publié sur le site de Radio Canada, la direction explique que la décision avait déjà été prise en 2007 mais que les livres avaient été remis dans les collections « par erreur ».

Le biographe d’Hergé, Benoît Peeters, qualifie toute cette polémique de « grotesque » dans une interview au Figaro.fr. Selon lui, Tintin prend plutôt la défense des autochtones contre « des yankees à la recherche de pétrole ». « Hergé [mort en 1983] disait que les premiers Tintin étaient nourris des préjugés de son temps, de la société belge où il vivait. Il ne pouvait pas voyager, se documentait à peine », rappelle-t-il.

En décembre 2012, après une longue bataille juridique, la cour d’appel de Bruxelles avait estimé que l’album Tintin au Congo, qui date aussi des années 1930 et qu’Hergé lui-même avait qualifié de « péché de jeunesse », ne contenait pas de propos racistes et n’était pas une « œuvre méchante ».

"Théorie du complot" et coïncidences troublantes

Dans le livret « Esprit critique es-tu là ? 30 activités zététiques pour aiguiser son esprit critique », nous proposons de se frotter à l’analyse critique de façon concrète, amusante et réellement constructive. Voici un nouveau support pour envisager les scénarios complotistes basées sur des coïncidences présentées comme « troublantes »…

Le thème n°4 du livret propose de traiter des prémonitions, hasards et coïncidences « extraordinaires ».

Ce montage de l’émission Le Before sur Canal+ du 30/01/2014, offre un exemple simple, drôle et efficace pour illustrer une présentation orientée de données qui laissent penser à un complot.

[youtube=https://www.youtube.com/watch?v=jaMBkufdSgY]

Cette vidéo peut constituer l’amorce de l’atelier pratique « Quand on cherche, on trouve ! » qui consiste à rechercher des pseudo-coïncidences qui « collent » avec ce qu’on souhaite prouver…

« Le complot » est devenu une chronique régulière dans l’émission et mérite un détour. C’est une mine pédagogique, drôle et éducative : que demander de plus ?  On trouvera ici de nombreuses vidéos de cette séquence.

NdR : pour la différence épistémologique entre scénario et théorie, voir ici.