Biais de publication et effet tiroir (qui certes, n’est pas commode)

Un biais de publication désigne le fait que les chercheurs (pour leurs CV) et les revues scientifiques (pour leur marketing)1 ont bien plus tendance à publier des expériences ayant obtenu un résultat positif que des expériences ayant obtenu un résultat négatif. Ce biais de publication entraîne un effet tiroir, les résultats négatifs restant « au fond du tiroir ». Cela crée une perception des résultats scientifiques un peu plus « belle » qu’elle ne l’est réellement, et crée parfois ce que l’on appelle des faux positifs.

Même lorsqu’elle ne cherche pas à tout prix le scoop, une revue est dans tous les cas peu encline à publier des résultats non significatifs d’un point de vue statistique 2. Que la revue, malgré une méthodologie irréprochable, ne publie pas les résultats contredisant l’hypothèse initiale (hypothèse qui postule généralement que le traitement testé a un effet) s’appelle le biais de publication 3. Compte tenu des efforts et du temps nécessaire à la publication d’un article par un scientifique, ce dernier peut, devant le biais de  publication, s’autocensurer, et préférer laisser ses recherches au fond du tiroir, sans chercher à les publier. C’est ce biais de pré-publication qu’on appelle l’effet tiroir, ou file drawer effect, nom donné par le psychologue Robert Rosenthal en 1979 4

Cet effet, fort peu documenté, tient sa première étude de Brian Martinson et ses collègues, chercheurs à la Health Partners Research Foundation, qui menèrent en juin 2005 une étude pour le journal scientifique Nature. L’équipe de Martinson envoya une enquête anonyme à des milliers de scientifiques financés par les National Institutes of Health : 6% des répondants reconnurent avoir « rejeté des données parce qu’elles contredisaient leur recherche antérieure », et plus de 15 % ont reconnu avoir fait fi d’observations parce qu’ils avaient « la conviction profonde » qu’elles étaient inexactes, ce qui fit conclure aux auteurs :

« Notre approche permet certainement de songer à l’existence d’un biais de non-réponse. Les scientifiques qui s’en sont montrés coupables étaient peut-être susceptibles de répondre moins souvent que les autres à notre enquête, sans doute parce qu’ils craignaient d’être découverts et sanctionnés. Ce fait, combiné avec celui qu’il y a probablement eu sous-déclaration des écarts de conduite parmi les répondants, tend à montrer que nos estimations des comportements délinquants demeurent prudentes »5

L’effet tiroir est particulièrement sensible dans le cadre de la médecine en général et de la rééducation en particulier puisque les professionnels, n’ayant que peu de temps à consacrer à la consultation des données scientifiques, concentrent généralement leurs efforts sur la lecture des revues systématiques ou des méta-analyses de la littérature (c’est-à-dire un article faisant la synthèse du sujet). Le problème réside dans le fait que ces articles se basent sur les données disponibles, donc publiées, donc plutôt orientées dans le sens d’un effet significatif. Rappelons par acquit de conscience que la significativité statistique ne dit absolument rien de la validité méthodologique d’une étude.

Therapies_manuelles_PUG

Extrait de Pinsault N., Monvoisin R., Tout ce que vous n’avez jamais voulu savoir sur les thérapies manuelles, PUG, 2014

Illustration : dans la Tête au carré sur France Inter du 17 juin 2014, une chroniqueuse revient sur la fameuse étude suisse de Cajochen et al.6 liant causalement pleine lune et sommeil, montrant que non seulement l’étude n’est pas reproduite, mais surtout que plusieurs études non publiées ont montré des résultats négatifs.

Télécharger

On entend bien le pauvre Mathieu Vidard, pas très au point en épistémologie, (voir par exemple ici) y voir « tout et son contraire », alors qu’il s’agit justement d’un biais de publication dans lequel la plupart (pas tous) de ses chroniqueurs tombent, sous prétexte de scoops. La chroniqueuse, qui un an plus tôt avait annoncé le résultat fracassant sans l’ombre d’un doute, ne prend certes pas la peine de s’excuser, mais elle fait tout de même un correctif que bien peu de journalistes concèdent.

RM, NP

Le CORTECS sur les ondes – Albin Guillaud, sur l’ostéopathie

Le 4 mai 2015, Albin Guillaud du CORTECS était invité par la Radio Télévision Suisse, dans une émission scientifique appelée CQFD. Bastien Confino avait demandé au collectif un contrepoint sur la question ostéopathique. Voici un peu plus de 20 minutes sur le sujet, en espérant que cela contribue au libre choix de chacun, mais avec une connaissance de cause plus appuyée – c’est le cas de le dire.

Le site de l’émission est ici. Pour écouter l’extrait portant sur le sujet ostéopathique, c’est ci-dessous.

Albin Guillaud
Notre Albin à nous

Télécharger

Vidéo – Science et liberté d’expression : de Voltaire à Chomsky, avec le physicien et essayiste Jean Bricmont

Souvenez-vous : menaces de sabotage, tentatives d’intimidation, requête pour annulation auprès des instances universitaires… Voici enfin en ligne la plus orageuse de toutes les conférences du CORTECS : Science et liberté d’expression : de Voltaire à Chomsky, par le physicien et essayiste Jean Bricmont, réalisée le 1er avril 2015 à l’université de Grenoble dans le cadre du cycle présenté par le CORTECS « Connaissances censurées ? Sciences et liberté d’expression ».  Pourtant, si vous cherchez du soufre, du sang et du négationnisme, vous risquez d’être déçus. Mais au moins, contrairement à certains contempteurs, vous pourrez juger les propos de J. Bricmont sur pièces et non sur fantasme.

Vidéos

L’exposé examine les limites imposées à la liberté d’expression en France. Il questionnera la pertinence des lois réprimant l’incitation à la haine et la négation de l’histoire, et leur pertinence dans ce qu’elles sont censées combattre. Sera montré au moyen d’exemples que ces lois mènent à un certain arbitraire dans leur application concrète. La philosophie de l’exposé s’inspire de l’idée suivante : la réponse aux « discours de haine » se fera par plus de discours, pas par moins.

Première partie : conférence

Pour télécharger : clique droit sur la vidéo.

Seconde partie : débat

Pour télécharger : clique droit sur la vidéo.

Pour des commentaires de l’intervenant lui-même sur cette conférence, vous pouvez regarder ici.

Bibliographie

CorteX_Bricmont_Republique_censeurs

La République des censeurs de Jean Bricmont, édition de l’Herne (2014).

Tu crois que ma vie va chahger ? Je ne sais pas… Faut voir les sondages…

Sondage : 63% des Français pour une limitation des libertés individuelles ! Et vous ?

Le 13 avril 2015, l’institut de sondage CSA publiait un sondage pour le site Atlantico.fr intitulé « Les Français et le projet de loi relatif au renseignement ». La plupart des médias des grands groupes de presse 1 relayèrent l’information avec pour titre « Loi renseignement : 63% des Français favorables à une limitation des libertés ». Au CORTECS, nous avons l’habitude d’être plutôt méfiants face aux sondages d’opinions tant l’art du sondage est délicat. Nous relayons donc ici une rapide analyse effectuée par l’équipe de Là-bas si j’y suis suivi d’un court et amusant reportage d’Anaëlle Verzaux et de Gaylord Van Wymeersch dans les rues de Paris et initialement publié ici.

Nous profitons de cet article pour relayer un appel au respect des libertés fondamentales et contre la nouvelle loi sur le renseignement car la pensée critique ne peut s’exercer sans liberté de critiquer et sans craindre d’être surveillé pour ces raisons. Lire la suite ici.

LOI SUR LE RENSEIGNEMENT, DES SONDAGES COUSUS DE FILS BLANCS

Le jeudi 30 avril 2015

Une loi liberticide, un « Patriot act » à la française, une surveillance de masse sans précédent… Non, la « loi pour le Renseignement » qui doit être votée le 5 mai ne fait pas vraiment l’unanimité. Pour comprendre, nous avons réuni cinq intervenants qui, chacun dans son domaine, condamnent cette loi sécuritaire, Justice, Police, Média, Syndicat, Internet : « Si t’as rien à te reprocher, t’as pas peur d’être surveillé ».

Pourtant, selon les médias, cette loi a le soutien de l’opinion. D’après un sondage de l’institut CSA de la mi-avril, 63% des Français y sont favorables. Le chiffre est repris partout. Un excellent argument pour le gouvernement face à ses contestataires : les Verts, la gauche, la droite, la droite extrême, les militants politiques et syndicaux, les défenseurs des Droits, y compris la CNIL…
Alors ?

Alors regardons d’un peu plus près ces sondages. C’est facile, ils sont publiés sur le site de l’Institut CSA :

Question : Avez-vous entendu parlé de ce projet de loi ?

Réponse 1 – Non, je n’en ai pas entendu parlé : 27 %
Réponse 2 – Oui, mais je ne vois pas de quoi il s’agit : 40%
Donc, total des personnes qui n’y comprennent rien : 67%

À quoi s’ajoutent 5% qui sont sans opinion : 5%

Soit au total, ignorants, indifférents, incompétents : 72% !

Restent les « Oui, je vois bien de quoi il s’agit » : 28%

Question : Combien parmi ceux là sont favorables à la loi ?

Réponse : On ne sait pas

Question : D’où vient l’affirmation « 63% des Français sont favorables à une limitation des libertés individuelles pour lutter contre le terrorisme » ?

Réponse : C’est un gros bobard.*

Pas besoin d’être un grand de l’investigation pour le débusquer. Abuser de la confiance, jouer sur les mots et sur les émotions avec autorité. Manipuler l’opinion est une vieille coutume.* Ça ne marche pas toujours, heureusement. La preuve ce reportage d’Anaëlle VERZAUX et de Gaylord VAN WYMEERSCH dans les rues de Paris : SOURIEZ VOUS ÊTES SURVEILLÉS (8’34)

* Note du CORTECS : pour être plus précis, on peut dire que cette information est trompeuse étant donné qu’affirmer la faveur d’une personne à « la limitation des libertés individuelles pour lutter contre le terrorisme », si cette même personne n’est pas informée des dispositions relatives à cette limitation, n’a tout simplement aucun sens et est dangereusement manipulatoire.)

9 étudiant·es menacé·es – Le CORTECS dénonce les dérives autoritaires de l'UQAM

Après les grands mouvements étudiants de 2013, et suite au lancement d’une nouvelle grève étudiante d’envergure de plusieurs dizaines de milliers d’étudiant·e·s québécois·e·s, le conseil exécutif de l’UQAM (l’Université du Québec à Montréal) a convoqué devant leur comité disciplinaire neuf étudiant·e·s militant activement dans l’université en vue de les expulser. Les actions qui leur sont reprochées, fumeuses et parfois datées, s’inscrivent pourtant dans ce qu’on est en droit d’attendre d’un·e étudiant·e critique et conscient·e des enjeux socio-économiques. Aussi le CORTECS apporte-t-il son soutien à ces personnes, et mobilise son réseau en ce sens.  Au jour d’élaboration de cet article (10 avril 2015), des étudiants et des enseignants de l’UQAM exigeaient la démission du recteur Robert Proulx, suite à l’intervention du Service de police de la Ville de Montréal pour évacuer les occupants sauvages d’un bâtiment de l’université*. Pour se faire une idée des enjeux, nous reproduisons ici un texte co-élaboré par une cinquantaine de collègues de l’UQAM, ainsi que la lettre que nous avons signée.

 

CorteX_UQAMDès les débuts de l’Université en Europe, les étudiants se sont mobilisés pour des questions pédagogiques ou sociales, comme le prix des loyers. Le militantisme étudiant n’est donc pas nouveau. Grèves, occupations et perturbations d’évènements ont ponctué la vie universitaire, y compris à l’UQAM. Très souvent, ces mobilisations ont été à l’avant-garde de causes progressistes pour la justice sociale : féminisme, pacifisme, écologisme, entre autres.

 Historiquement, les directions d’établissements d’enseignement étaient relativement tolérantes face aux actions militantes, dont les occupations, certaines se prolongeant jusqu’à six semaines, comme à l’École des Beaux-Arts en 1968. Dans les années 2000, ces directions ont changé d’approche, appelant rapidement la police qui est intervenue brutalement, y compris à l’UQAM (sans oublier l’UQO – NdCORTECS : Université du Québec en Outaouais – et l’Université de Montréal en 2012, entre autres). Cette mutation volontaire s’inscrit dans une tendance générale de la part des autorités à être de plus en plus répressives face aux mouvements sociaux et à saisir l’occasion de quelques cas isolés pour justifier une généralisation des mesures répressives. S’inscrivant dans cette tendance, la direction de l’UQAM privilégie de plus en plus la répression sous forme d’intimidation et de violence institutionnelles. Cela entraine d’importantes dépenses (caméras et agents de « sécurité » supplémentaires) et contribue à la dégradation du climat social sur un campus bien connu pour sa vie associative et militante. Pourtant, il n’y a pas de consensus dans les publications savantes au sujet des effets de la répression sur les mouvements sociaux. Certaines études démontrent qu’elle provoque un affaiblissement de la mobilisation, d’autres qu’elle provoque un élargissement de la mobilisation et une radicalisation militante.

 Or il y a quelques semaines, une poignée de professeurs de l’UQAM et des membres de la haute direction ont dénoncé dans les médias la violence et l’intimidation étudiantes (échos tardifs du Jean Charest de 2012). Cette opération de communication lancée dans la phase de préparation de la grève étudiante maintenant en cours a offert l’occasion à un député de la CAQ – NdCORTECS :  la Coalition Avenir Québec – de prétendre que règne à l’UQAM une « culture radicale d’anarchie » (sic.) et de demander à la ministre de la Sécurité publique comment elle comptait y rétablir « la sécurité ». Les collègues écorchaient au passage la démocratie étudiante, s’inscrivant ainsi dans une curieuse tendance médiatique qui consiste à critiquer le fonctionnement des assemblées lorsqu’elles votent la grève, mais ne rien dire lorsqu’elles rejettent la grève.

 Rebondissement vendredi 20 mars 2015. Neuf étudiantes et étudiants ont reçu un courrier recommandé les convoquant devant le Comité exécutif pour répondre de mesures disciplinaires. Le Service de sécurité recommande lui-même dans certains cas la suspension pour un an, dans d’autres l’expulsion définitive. Les faits reprochés ? Turbulence lors de levées de cours et perturbation d’événements publics. Le débat reste ouvert quant à l’attention qu’il convient d’accorder à de tels faits isolés, à ce qui est réellement survenu et à l’importance que s’exprime à l’UQAM le débat politique, y compris parfois par des actions militantes.

Ce n’est pas la première fois que la direction cherche à bannir des activistes du campus et cela n’a jamais eu d’autres effets que de punir quelques personnes ciblées, alors que les actions sont collectives. Problématiques en soi, ces mesures apparaissent cette fois-ci particulièrement douteuses :

Absence de proportionnalité : pourquoi imposer l’expulsion définitive sans avoir commencé par donner de simples avertissements ? Le recours aux mesures extrêmes est cruel pour des étudiantes et des étudiants puisqu’il ruine leur projet universitaire et compromet leurs projets professionnels (sans compter la destruction de leurs relations sociales).

Absence d’urgence : certains des faits reprochés se sont déroulés au printemps 2014 et même en janvier 2013, soit il y a plus de deux ans ! Pourquoi sévir maintenant ?

Instrumentalisation politique : seule la situation présente, soit la grève qui commence, peut expliquer la volonté de neutraliser des militantes et militants du mouvement étudiant. Il s’agit d’une instrumentalisation politique des mesures disciplinaires (qui rappelle les arrestations préventives du groupe Germinal deux jours avant le Sommet des Amériques en 2001, des 17 « chefs » anarchistes à Toronto en 2010 et d’une douzaine d’activistes le matin du Grand Prix Formule 1 à Montréal en 2012). Alors que les actions au cœur des accusations étaient menées par plusieurs dizaines d’étudiantes et d’étudiants, la direction a choisi de cibler des personnes qui occupent des postes dans les associations étudiantes et même qui siègent aux plus hautes instances de l’UQAM. Il est bien pratique, en temps de grève et de négociations de conventions collectives, de faire taire la voix étudiante dans les lieux de pouvoir de notre établissement.

Frapper fort pour faire peur : parallèlement, la direction a envoyé à l’ensemble du corps étudiant un courriel mettant en garde contre toute perturbation pendant la grève, y compris de simples levées de cours, adoptant ainsi un ton menaçant inédit à l’UQAM. Les expulsions des neuf relèvent donc aussi de la peine exemplaire pour effrayer l’ensemble des grévistes, sans compter le déploiement de nouveaux effectifs d’agents de « sécurité » qui fouinent partout (y compris dans des assemblées syndicales), suivent et intimident un peu tout le monde, refusent de révéler leur identité et se permettent des propos sexistes à l’endroit d’étudiantes (« Salut, bébé ! »).

Il est consternant de constater que la direction adopte cette approche autoritaire contraire à la tradition de l’UQAM, qui a su préserver jusqu’ici un espace plus libre que ce que nous propose en général notre société disciplinaire. Nous nous dissocions totalement de la campagne de relations publiques clamant que le chaos règne sur le campus et nous demandons à la direction de l’UQAM de garder son sang-froid, de favoriser le dialogue (même laborieux) plutôt que la répression et dans tous les cas de revenir à une attitude d’ouverture face au militantisme étudiant. Ainsi, l’UQAM se démarquerait positivement d’une tendance de plus en plus répressive des diverses autorités québécoises. Cela nécessite, bien sûr, de faire le deuil d’une certaine volonté de puissance et d’une cruauté qui ne réjouit jamais que les puissants et les partisans de la loi et l’ordre, aux dépens de personnes plus vulnérables (ici, nos étudiantes et étudiants).

 Pour terminer, soulignons un paradoxe politique : la direction réprime des étudiantes et des étudiants qui se mobilisent présentement contre une politique d’austérité qui menace réellement notre établissement.

*Texte signé par une cinquantaine de professeurs et chargés de cours de l’UQAM, dont Marcos Ancelovici, Rémi Bachand, Isabelle Baez, Dany Beaupré, Marrie-Pierre Boucher, Rachel Chagnon, Line Chamberland, Jawaher Chourou, Marc-André Cyr, Anne-Marie D’Aoust, Martine Delvaux, Stall Dinaïg, Francis Dupuis-Déri, Alain-G Gagnon. Consulter la liste complète des cosignataires (NdCORTECS : même si regarder les cosignataires ne devrait avoir rationnellement aucun impact intérêt direct sur le choix de signer ou non).

 

Voici la lettre que nous avons signée.

Support letter from European academics for the nine student activists facing expulsion from Université du Québec à Montréal, Canada

The Executive Council of Université du Québec à Montréal (UQAM) has taken steps to evict nine students from the University who took part in demonstrations or strikes in the past two years. Their political commitment seems to be the only reason justifying these extreme measures and these unprecedented disciplinary sanctions are therefore considered as intimidation attempts. Indeed, this is the first time that the University has taken such actions regarding political activities. The praxis for which the Executive Council declared the activists guilty are:

  • The protest against the Orwellian security drift at UQAM on January 30th 2013, an authoritarian response to Quebec’s historical student strike of 2012

  • The Application of legitimate strike mandates voted in general assembly by the student community by cancelling classes on April 2th and 3th 2014, and on October 8th 2014

  • The demonstration that took place in the University organized by the student and employees union (SETUE) on April 2nd 2014

  • The disturbance of Frank Des Rosiers’s (assistant deputy minister in the federal government) conference on January 20th 2015.

The fact that these convocations arrive all at the same time, even if those events took place separately in a large time scale between several months and years, raises some serious doubts about the true intentions of the Executive Council. Moreover, these are non-urgent situations and concerned students do not pose a threat to the university community. Why such a hurry? Why such reactions? As it has been stated in the support letter of De Nieuwe Universiteit of Amsterdam “[c]uriously, they [the Executif Council actions] coincide with the beginning of a new student strike against austerity measures and budget cuts in social services.” The current situation suggests that these disciplinary sanctions are purely political and meticulously calculated to annihilate the cultural activism of UQAM student community, whereas 60 000 students around Québec are triggering strike movements.

The concerned students are left helpless since the student representative on the Executive Council is aimed by three different accusations such as “having blocked a corridor” or “having raised the tone of voice.” Her appearance in front of the Executive Council and her possible suspension before the other students de facto eliminates the only student representative of the Council, leaving the other students alone before the university’s administration. Furthermore, the expulsion, which is the most severe sanction that could be used on students, should only be applied in severe cases of aggression threats or repetitive plagiarism. Even in these cases, students must first pass through committees at the departmental level and faculty before being heard by the Executive Council. The fact that the University bypass these normal procedures will have disastrous consequences on the concerned students, since they have invested hundreds of hours and thousands of dollars in their studies only to see their efforts swept away.

On the behalf of freedom of expression and freedom of opinion, the UQAM administration’s political repression shall end and the disciplinary sanctions on the nine concerned students shall be removed. The outrageous power abuses demonstrated by the administration represent a worrying discriminatory treatment that will have tremendous consequences for the concerned students.

L’équipe CORTECS, Collectif de recherche transdisciplinaire esprit critique & sciences. www.cortecs.org

* Fin de l’occupation de l’UQAM après l’intervention du SPVM, Radio Canada.

Vidéo – Nicolas Pinsault, tout ce que vous n’avez jamais voulu savoir sur les thérapies manuelles

La conférence de notre Nicolas Pinsault à nous, « Tout ce que vous n’avez jamais voulu savoir sur les thérapies manuelles », tirée de l’ouvrage éponyme, s’est déroulée à Versailles le 14 mars 2015, sur invitation des Amis du Monde Diplomatique. Elle a été enregistrée par l’association Rosa Luxemburg.

Très peu de gens connaissent la différence entre kinésithérapeute, ostéopathe, kinésiologue, chiropracteur et rebouteux. Et vous ? À qui allez-vous confier votre corps ? L’offre est immense : d’un côté, le monde du bien-être, où se mêlent massages et coaching thérapeutique ; de l’autre, des techniques manuelles douteuses, parfois dangereuses, toujours séduisantes. Au milieu, si le patient est perplexe, le kinésithérapeute l’est aussi. Secoué par les modes, submergé par le marketing et tiraillé par des enjeux commerciaux, il assiste au boom des thérapies alternatives et subit le refus croissant des parcours classiques de soin. Parviendra-t-il à faire de son domaine une vraie discipline, aux outils fiables, à l’éthique solide ?
Ce livre posera des questions à tous les professionnels de santé, mais il s’adresse d’abord aux patients confiant leurs ossements à des mains pétrisseuses, et surtout aux étudiants kinésithérapeutes qui rêvent de forger une réelle épistémologie de leur profession. Il fournit une panoplie d’outils méthodologiques pour identifier les pièges rhétoriques, de raisonnements et d’interprétation, afin de distinguer science et pseudoscience, soin et pseudo-soin, loin du prêt-à-penser.

https://www.youtube.com/watch?v=ZXxBczVuqmc
https://www.youtube.com/watch?v=n8sxeOXSZb0
https://www.youtube.com/watch?v=SUYmtCPryoM
https://www.youtube.com/watch?v=9A4FkQI4IwA
https://www.youtube.com/watch?v=oijrebMnsBI
https://www.youtube.com/watch?v=7BKwSRgKSJ4

 

Ressources pour une laïcité active

La posture d’un-e enseignant-e critique est la même que celle d’un-e scientifique : elle procède d’un contrat laïc, c’est-à-dire qu’elle passe par une lecture non-surnaturaliste du monde, une lecture matérialiste au plan méthodologique (voir ici). Au fond, peu importe les croyances qui l’habitent : elles peuvent lui servir de moteur, d’inspiration, mais doivent rester cantonnées dans sa sphère privée. C’est lorsque les croyances, religieuses ou non, débordent dans la sphère publique qu’il y a danger de passer d’une rationalité partagée à un affect centré sur soi. Si notre critique des croyances pseudoscientifiques est déjà bien étoffée, celle des croyances religieuses est bien plus discrète, probablement à cause du tour de passe-passe syllogistique suivant : celui qui défend la laïcité est contre les religions, or être contre les religions est insensé/immoral/irrespectueux (cochez la bonne réponse) donc… Nous pensons que les intrusions religieuses ou spiritualistes dans la sphère publique sont à chaque fois un recul. Voici un petit recueil d’événements et de ressources laïques, pour étoffer des ateliers à venir. D’aucuns y verront-ils du matériel athée ? Alors il faudra prendre « athée » au sens que lui donnait Bertrand Russell vis-à-vis sa théière cosmique : qui souscrit, à une lecture bright, héritière des Lumières.

[TOC]

Brèves

Les brèves présentées ici sont mises dans un ordre chronologique.

  • Septembre 2015

Notre-Dame du Laus, Laudun, Sommières, ont comme Peyres-Tortes procédé à une bénédiction des cartables le dimanche 6 septembre. Voici le texte exact de la prière :

Prière dite par le prêtre.

« Dieu qui sanctifies tout par Ta parole, répands ta bénédiction sur ces cartables et fais que tous ceux qui s’en serviront avec amour et courage, selon Ta volonté, reçoivent de Toi l’intelligence et la force de travailler pour Ta gloire. Par le Christ Notre Seigneur. »

  • août 2015

La petite comune de Peyres-Tortes, près de Perpignan, a organisé une « bénédiction des cartables » dans la chapelle, le 30 août, pour les enfants de tous âges, mais aussi pour les parents et les enseignants (source : L’indépendant de Perpignan)

  • 12 mai 2015

CorteX_Ananta_Bijoy_DashUn troisième blogueur « libre-penseur » assassiné au Bangladesh

Un commando armé de machettes a tué un blogueur, mardi 12 mai 2015, à Sylhet, dans le nord-est du Bangladesh. Ananta Bijoy Das écrivait pour Mukto-Mona (« libre pensée »), un site Internet connu pour son engagement contre l’extrémisme religieux, autrefois animé par le blogueur américain d’origine bangladaise Avijit Roy lui-même assassiné au début de l’année à Dacca. Selon des djihadistes du groupe Ansar Al-Islam Bangladesh, repris par le centre américain de surveillance des sites islamistes SITE, le meurtre aurait été revendiqué par l’organisation Al-Qaida dans le sous-continent indien (AQSI) basée au Pakistan, dirigée par Assim Oumar et s’étendant à l’Inde, au Bangladesh et jusqu’à la Birmanie.

C’est le troisième meurtre de « libre-penseur » depuis le début de l’année, a annoncé la police. Un autre blogueur, Washiqur Rahman, a également été tué à coups de couteau en mars à Dacca. Ananta Bijoy Das « avait reçu des menaces d’extrémistes pour ses écrits au cours des derniers mois. Il était sur leur liste de cibles », a confié Debasish Debu, un de ses ami à l’AFP, faisant référence à une liste supposée de blogueurs athées, menacés par des activistes islamistes. En février, l’assassinat d’Avijit Roy, fervent promoteur de la sécularisation de l’islam dans ce pays où 90 % des 160 millions d’habitants sont musulmans, avait suscité l’indignation à la fois dans son pays et à l’étranger. Son meurtre a été revendiqué il y a une semaine par Al-Qaida sur le sous-continent indien, entité d’Al-Qaida dont la création avait été annoncée en septembre. Farabi Shafiur Rahman, un islamiste, considéré comme le principal suspect, a été arrêté au début du mois de mars. (d’après Le Monde, 12 mai 2015).

  • 29 avril 2015

« Les autorités de l’état de l’Indiana, après avoir voté une loi restaurant une liberté religieuse jamais remise en question, se voient dans l’obligation de l’amender peu de temps après, tant les fondamentalistes en ont fait un instrument de discrimination envers autrui, plus que de liberté personnelle. Les républicains, qui ont adopté ce texte, ont inspiré leurs homologues de l’Arkansas, qui se sont dotés du même arsenal juridique, permettant aux individus et aux entreprises de se défendre contre les entraves « substantielles » à leurs convictions religieuses. Du coup, deux états ont vu fleurir les pizzerias et autres lieux de restauration qui ne veulent pas servir les couples homosexuels ou les personnes appartenant à d’autres communautés religieuses. Face  au tollé soulevé dans l’ensemble du pays à cause de la multiplication des cas d’homophobie, une clause interdisant toute discrimination a été ajoutée au texte de loi ». Extrait du Canard enchaîné.

  • 30 mars 2015

CorteX_Washiqur_RahmanWashiqur Rahman, 27 ans, blogueur athée, vient d’être CorteX_Washiqur_Rahman_tuémassacré dans la rue, dans la longue lignée d’assassinats d’athées ou de progressistes dont le dernier point d’orgue était Avijit Roy, fin février, achevé à la machette. D’autres menaces du même type sont proférées à l’enconte d’autres militants, notamment Imran H. Sarker. Ces menaces viennent semble-t-il de l’équipe d’Ansarullah Bangla, groupe intégriste ultraviolent inspiré de Anwar Al-Awlaki, un activiste d’Al Qaida basé au Yémen. Pétition ici.

  • 29 mars 2015

CorteX_Demon_Test_Bob_LarsonNous apprenons (dans le magazine Skeptic vol. 20. N°1) que le Révérend Bob Larson a mis en vente un test d’évaluation d’envoûtement par des démons, appelé Demon Test (9,95$). Il avait déjà fondé l’École Internationale d’Exorcisme, qui vous forme à l’exorcisme pour 2000$.

  • 14 mars 2015

Zakieya Latrice Avery, de Gremantown près de Washington (EU), et Monifa Sanford son amie, viennent d’être condamnées pour le meurtre des deux enfants de Zakieya : celle-ci, qui se disait « commandeur » d’un culte appelé « Demon assassin » a poignardé ses enfants de 1 et 2 ans, les pensant envoûtés par des démons. Si personne n’avait appelé le 911, a déclaré le juge, ses deux autres enfants de 5 et 8 ans, poignardés eux aussi, y seraient également passés.

  • 13 mars 2015

CORTECS_women_footbalDans l’Est du Bangladesh, une fatwa a été lancée contre un match de football féminin. Le match est désormais annulé par les autorités : « L’Islam ne permet pas de regarder des femmes jouer sur un terrain avec des tenues courtes« , déclarèrent les fondamentalistes. Merci à Taslima Nasreen pour cette information.

  • 9 mars 2015

Le Vatican justifie l’excommunication d’une mère brésilienne et de médecins, pour l’avortement d’une fillette de 9 ans. L’enfant avait été violée par son beau-père qui, lui, n’est pas excommunié.

Le cardinal Giovanni Battista Re, préfet de la congrégation pour les évêques au Vatican, a justifié l’excommunication de la mère d’une Brésilienne de 9 ans ayant avorté après avoir été violée par son beau-père, car les jumeaux qu’elle portait « avaient le droit de vivre », apprend-on ce lundi 9 mars.
L’archevêque de Recife dans le nord-est du Brésil a excommunié jeudi la mère de l’enfant, qui a avorté de jumeaux alors qu’elle était enceinte de quinze semaines.
L’excommunication a été étendue à toute l’équipe médicale qui a pratiqué l’opération, mais pas au beau-père de l’enfant car « le viol est moins grave que l’avortement » a expliqué Giovanni Battista Re (Extrait du Nouvel Observateur).

  • 26 février 2015

CORTECS_Avijit_RoyLa longue série de militants athées, rationalistes ou libres penseurs se faisant dessouderCORTECS_Avijit_Roy se prolonge. C’est cette fois Avijit Roy, bengali naturalisé étasunien, bloggeur et grand militant rationaliste qui a été assassiné. Défenseur des droits humains, anti-censure, sceptique, féministe et humaniste séculier, il animait le site libre-penseur Mukto-Mona. Il a été abattu à coups de machette à Dhaka, et sa femme sévèrement blessée. 

https://youtu.be/es6Sob_DmWQ 

  • 20 février 2015

CORTECS_Govind_PansareGovind Pansare, militant progressiste athée, et sa femme Uma, ont été abattus par des motards près de chez eux le 16 février. Govind est décédé à Mumbaï 4 jours plus tard. Il faisait l’objet des mêmes menaces que Narendra Dabolkar, tué en août 2013 (cf. plus bas).CORTECS_Govind_Pansare_Hopital

  • 18 février 2015

Le cheikh Bandar Al-Khaibari, prédicateur saoudien, a fait une « démonstration » d’astronomie à l’université et diffusée à la télévision Al-Arabiya, « prouvant » que le Soleil tourne autour de la Terre. « C’est pour cela que les avions arrivent à destination (…) Si vous dites que ça tourne, si nous quittons l’aéroport Sharjah pour un vol international vers la Chine, la Terre tourne, n’est-ce pas ? Donc si l’avion s’arrête toujours en vol, la Chine ne devrait-elle pas venir vers lui ? » Un grand moment de sciences physiques.

https://youtu.be/-9Jp_XCvVto

  • 17 février 2015

CORTECS_Kirschenaustritt« Français d’Allemagne, il est urgent de vous faire rayer des listes de baptême« , article de Thomas Bores sur rue89 qui montre comment être simplement baptisé vous vaut de payer le denier du culte, même lorsque vous êtes athée. Le comble de l’histoire est qu’un système digne d‘Interpol a mené l’Église allemande à demander à l’Église française le certificat de baptême du plaignant. Une solution à cela est la désinscription du registre des baptêmes. Pour les ressortissants allemands, autrichiens ou suisses, on consultera le site Kirschenastritt. Pour les Français, la marche à suivre d’apostasie (très efficace) est donnée par la Libre Pensée ici.

  • 26 janvier 2015

Lors du changement de gouvernement grec, quelques journaux se demandent si l’équipe d’Aléxis Tsípras abrogera le délit de blasphème en Grèce. L’article 198 du code pénal grec punit en effet (de deux ans de prison) celui qui, en public et avec malveillance, offense Dieu de quelque manière que ce soit, et celui qui manifeste en public, en blasphémant, un manque de respect envers le sentiment religieux. L’article 199 prévoit la même peine en cas de blasphème contre la religion orthodoxe et les autres religions reconnues (reste à savoir ce qui est reconnu et selon quels critères). Cette loi a été utilisée pour faire condamner à 6 mois de prison in abtentia en janvier 2005 l’illustrateur autrichien Gerhard Haderer pour une BD jugée blasphématoire (La vie de Jésus) après en avoir interdit la parution en 2003 (condamnation heureusement levée en cour d’appel ensuite).

  • 15 janvier 2015

CORTECS_bonhommes-de-neige-sacrilege-en-arabie-saouditeLors des chutes de neige de l’hiver, Muhammad Saalih Al-Munajjid (محمد صالح المنجد), cheikh du nord de l’Arabie saoudite a émis une fatwa pour interdire les bonhommes de neige car ces passe-temps reviendraient à édifier des « idoles impies ».

Ce monsieur a par ailleurs d’autres sources de courroux :

– Les femmes qui conduisent (cf. plus bas).CORTECS_muhammad-salih-al-munajjid

– Selon lui, les souris sont des créatures du diable (par conséquent le dessin Tom & Jerry est corrupteur, tout comme Mickey).

– Hacker un site n’est pas bien, sauf si c’est un site juif (Saudi Cleric Muhammad Al-Munajjid Issues Fatwa Permitting Hacking into « Jewish Websites », MEMRITV, Clip No. 3687 January 21, 2011).

– Le tsunami de 2004 aurait pour cause Allah, qui se venge des vacanciers chrétiens pétris d' »immoralité, abomination, adultère, alcool, danse en état d’ébriété, festivités« .

At the height of immorality, Allah took vengeance on these criminals. « Those celebrating spent what they call ‘New Year’s Eve’ in vacation resorts, pubs, and hotels. Allah struck them with an earthquake. He finished off the Richter scale. All nine levels gone. Tens of thousands dead. « It was said that they were tourists on New Year’s vacation who went to the crowded coral islands for the holiday period, and then they were struck by this earthquake, caused by the Almighty Lord of the worlds. He showed them His wrath and His strength. He showed them His vengeance. Is there anyone learning the lesson? Is it impossible that we will be struck like them? Why do we go their way? Why do we want to be like them, with their holidays, their forbidden things, and their heresy?

  • 11 janvier 2015

Le ministre des affaires étrangères algérien Ramtane Lamamara a défilé à Paris dans la manifestation Je suis Charlie, tandis qu’à Alger toute manifestation de soutien à « Charlie » était strictement interdite.

  •  9 janvier 2015

CORTECS_raif-badawiLe blogueur Raif Badawi a reçu ses 50 premiers coups de fouet en place publique. Condamné à 10 ans de prison et 1000 coups de fouet pour avoir osé critiquer la police religieuse. Chaque vendredi, coups de fouet par série de 50. Pourtant, le 11 janvier, l’Arabie Saoudite dépêchait à Paris le N°2 de sa diplomatie, Nizar al-Madani, pour représenter le pays lors du défilé de soutien à « Charlie ».

  • 30 décembre 2014

CORTECS_BuddhaHeadphonesPhilip Blackwood, néo-zélandais, Htut Ko ko Lwin et Tun Thurein, deux Myanmarais, croupissent en prison en attendant d’être jugés par le tribunal de Yagoon pour « insulte à la religion ». Ils ont été poursuivis par le département des affaires religieuses du Myanmar pour avoir posCORTECS_Htut_ko_ko_Lwinté sur Facebook une publicité de leur bar, où l’on voit un Bouddha portant des écouteurs. Ce sont les radicaux du Mabhata, comité pour la protection de la race et de la religion, qui poussent à la condamnation de ces trois hommes – de même qu’ils poussent au départ les 10 % de la minorité musulmane pour « épurer la race ». En mars 2015, ils écopent d’un an de travaux forcés.

  • 7 décembre 2014

« Epargnez-nous la guerre des crèches ! » écrit le Parisien. « Cette année, la Sainte Vierge et Jésus ne seront pas jetés dehors comme il y a 2000 ans. Ils resteront bien au chaud dans notre mairie« , déclare Robert Ménard, maire de Béziers… en pleine opposition avec la loi de 1905 qui interdit les emblèmes religieux « sur les monuments publics (…) à l’exception des édifices servant au culte« . Une autre crèche, installée dans la Préfecture de la Roche-sur-Yon, a été retirée, sur décision du tribunal administratif.

  • 1er décembre 2014

CORTECS_Loujain_HathloulLoujain Hathloul (لجين هذلول الهذلول) saoudienne de 25 ans, a été arrêtée par la police saoudienne au volant d’une voiture, ce qui est interdit car selon les autorités de Riyad, « cela enfreint la cohésion sociale« . La contrevenante risque dix coups de fouets. Une campagne est lancée, libérez Loujain, sur Facebook. Mais il s’agirait plutôt de « libérez-nous des systèmes politiques non laïcs ».

  • 31 octobre 2014

Le premier ministre roumain, Liviu Dragnea a déclaré en pleine campagne électorale :CORTECS_dragnea_liviu « Nous devons aider l’Église. Elle est le seul repère qui procure un soutien moral et assure notre tranquillité. » (Note : l’Église orthodoxe roumaine ne paie pratiquement pas d’impôts).

  • 25 octobre 2014

Brishna, une fillette âgée de 10 ans de la province afghane de Kunduz, a été violée par un mollah local en mai 2014. Même si le mollah en question a été condamné (25 ans de prison), elle risque d’être victime d’un meurtre pour des questions d’« honneur » aux mains de sa famille et des membres de sa communauté. La militante des droits des femmes qui la soutient est en butte à des menaces de mort. Une pétition d’Amnesty International est disponible ici.

  • 17 octobre 2014

CORTECS_Asia-BibiAsia Bibi, une chrétienne pakistanaise condamnée à mort pour blasphème en 2010, a été déboutée en appel par la haute cour de Lahore. Le 16 octobre, la haute cour de Lahore a débouté de son appel. Âgée de 45 ans et mère de cinq enfants, cette femme a été déclarée coupable de blasphème le 8 novembre 2010 et condamnée à la peine capitale en vertu de la section 295C du Code pénal pakistanais car elle aurait outragé le prophète Mahomet lors d’une altercation avec une musulmane. L’équité de son procès est fortement mise en doute. Asia Bibi affirme que les éléments attestant prétendument le blasphème, qui ont été jugés recevables par différents tribunaux, ont été forgés de toutes pièces et qu’elle n’a pas pu consulter d’avocat pendant sa détention ni le dernier jour de son procès, en 2010. L’avocat d’Asia Bibi estime que l’affaire est fondée sur des ouï-dire. Des défenseurs des droits humains ont dénoncé, quant à eux, le fait que les juges de la haute cour de Lahore avaient peut-être débouté Asia Bibi de son appel par crainte pour leur sécurité. Des groupes religieux réclamant l’exécution de cette femme étaient présents au tribunal. Rappelons que le 4 janvier 2011, le gouverneur du Pendjab Salman Taseer, qui avait publiquement défendu Asia Bibi, est assassiné. Le 2 mars, le ministre fédéral des Minorités religieuses, Shahbaz Bhatti, de confession catholique, qui l’avait lui aussi publiquement soutenue, et avait appelé à un amendement de la loi sur le blasphème, est à son tour assassiné.

  • 5 octobre 2014

A Nice, le père Gil Florini (encore) a béni dans son église Saint Pierre d’Arène les animaux (compagnie et ferme).

  • 26 septembre 2014

A Nice,  le père Gil Florini a béni dans son église Saint Pierre d’Arène les téléphones et les tablettes, au nom de l’Archange Gabriel, saint-Patron des transmissions (sic!)

CorteX_Affiche_benediction_telephones CorteX_Gil_Florini_telephones

  • 20 juin 2014

Ghoncheh GhavamiGoncheh Ghavami, Irano-britannique de 25 ans, a été arrêtée à Téhéran pour avoir voulu assister à un match de volley-ball masculin. Elle a été condamnée à un an de prison et à deux ans d’interdiction de retour dans son pays, le Royaume-Uni. Pétition ici.

  • 18 juin 2014

La saoudienne Souad al-Chammari, co-fondatrice du site « Réseau libéral saoudien » quiCORTECS_souad_al_chammari critique l’establishment religieux, a été mise en prison à Djeddah pour « insulte à l’Islam » : dans un tweet, elle avait posté la photo d’un homme faisant le baise-main à un religieux barbu, avec le commentaire : « Remarquez la vanité et l’orgueil sur son visage quand il trouve un esclave pour lui baiser la main. » . Et dans un autre tweet, elle avait interpellé les autorités à propos de l’arrestation de deux femmes par la police  religieuse au motif qu’elles avaient pris un taxi conduit par un homme.

  • 15 juin 2014

CORTECS_Manal_al-ShraifLa saoudienne Manal al-Chérif (منال الشريف‎) a été arrêtée en mai 2011 et maintenue 10 jours enCorteX-New_Saudi_Arabia's_traffic_sign_ détention après avoir diffusé sur YouTube une vidéo dans laquelle on la voyait conduire. Elle a ensuite lancé le mouvement pour le droit des femmes à conduire.

  • Juin 2014

Sheima Jastaniah, une Saoudienne, a été condamnée à dix coups de fouet pour avoir bravé l’interdiction de conduire (elle fut graciée en novembre 2011 par le roi).

  •  8 octobre 2013

Saudi preacher gets fine and short jail term for raping and killing daughterFayhan al-Ghamdi, prédicateur télévisé saoudien, a été condamné à 8 ans de prison, et à la rançon du sang (blood money) de 31 000 livres pour avoir massacré sa fille de 5 ans, en la violant plusieurs fois (concerné qu’il était par sa virginité, dit-il) en lui enfonçant la boite crânienne et en lui brisant le dos. La petite Lama al-Ghamdi succombera à ses blessures au bout de 7 mois.

  •  20 août 2013

Un des plus grands militants pour l’abolition des superstitions à caractères racistes et discriminatoires, le rationaliste Narendra Dabolkhar, a été tué à coups de poignards dans la rue. Il avait fondé et présidé la Maharashtra Andhashraddha Nirmoolan Samiti (MANS), association anti-superstition en 1989. Il se savait menacé depuis longtemps, et avait toujours refusé une garde rapprochée. Du fait de sa mort, l’ordonnance appelée Anti-Superstition and Black Magic Ordinance fut promulguée quatre jours plus tard dans l’État du Maharashtra. Le CORTECS lui a dédié plusieurs cours. Rares furent les médias à traiter cette histoire, si ce n’est la Fédération Nationale Pour la Libre pensée.

Ressources audio

L’affaire Calas, par Robert Badinter

CorteX_affaire_CalasÉmission du 5 mars 2015 des nouveaux chemins de la connaissance, sur France Culture.

Télécharger

Voltaire et la religion

Au long de sa vie passablement agitée, Monsieur le Multiforme n’a évidemment pas toujours tenu le même discours en matière de religion mais il s’est toujours inscrit entre deux bornes : ni fanatisme ni athéisme. « L’athéisme et le fanatisme sont deux monstres qui peuvent dévorer et déchirer la société », dit-il et il ajoute : « L »athée dans son erreur conserve sa raison, qui lui coupe les griffes alors que le fanatisme est atteint d’une folie continuelle. » Ceci est écrit en 1771.

C’est dans ses dernières années qu’on peut en effet le mieux saisir le langage de Voltaire en la matière. Auparavant, il a pu varier selon le moment, l’opportunité, le genre littéraire qu’il pratiquait. Mais, après 1762 et l’affaire Calas, il habite pleinement sa vérité.

Sa célébrité et sa fortune le protègent, l’âge le libère. Depuis son château de Ferney, à la frontière helvétique, il expérimente la fonction du guetteur d’idées : chaque fois qu’il le peut, il sonne l’alarme contre les dévots de tous poils. Depuis, le rôle a été repris des milliers de fois. Mais le dernier Voltaire, le Voltaire septuagénaire l’emporte souvent sur ses successeurs par la grâce de son style : le goût du trait et de la pointe, la légèreté de l’écriture… C’est, peut-être, le premier intellectuel au sens que donnera au mot l’affaire Dreyfus mais aussi, loin de tout dieu qui l’aurait culpabilisé, le dernier intellectuel qui donne l’impression d’être heureux…

Avec André Versaille. Cette émission de La marche de l’Histoire a été diffusée sur France Inter le 31 octobre 2013.

Écouter :

Télécharger  (30 Mo)

Loi de séparation de l’Église et de l’État en France

CorteX_la-separation_eglise_EtatLe texte est d’importance, il rompt avec le Concordat de 1802 : le catholicisme, « religion de la grande majorité des citoyens », y était conçu en rempart de l’ordre, ses évêques et ses prêtres salariés, logés, tels des fonctionnaires.

La séparation telle que la choisissent ses inspirateurs, partisans de l’apaisement, ne met pas pour autant fin aux relations des Églises et de l’État. La République ne reconnaît plus  les cultes. Cependant, elle a encore à les connaître puisqu’elle se préoccupe de la liberté de leur exercice. A cet effet, sont considérées toutes les questions de biens et d’argent qui pourraient se poser pour les édifices.

La loi  imagine des interlocuteurs pour chacun d’entre eux, qui seraient des associations cultuelles. Mais la catholicité refuse de se laisser atomiser. Au début de 1906, l’inventaire des églises, qui aurait dû n’être qu’un épisode technique, vire au tragique dans certaines régions. Clémenceau, ministre de l’Intérieur et farouche anticlérical pourtant, en conclura qu’on ne doit pas mettre en jeu des vies humaines pour compter des chandeliers… Ce sont les diocèses qui, de fait, deviennent affectataires des églises. Et, quinze ans plus tard, la République trouvera plus commode de rétablir les relations diplomatiques avec le Vatican !

La loi  du 9 décembre 1905 avait tout prévu par le menu. Sauf, tout de même, l’avantage qu’en tira l’Église, assurée désormais d’une assise matérielle stable.

La loi avait tout prévu mais l’islam, pourtant si présent dans les colonies, n’était pas sur la photo. Et, si plastique soit-elle, la loi de 1905 ne peut guère lui faire de place sauf à être modifiée.

Cette émission de La marche de l’Histoire a été diffusée sur France Inter le 5 février 2015.

Écouter : 

Télécharger (28 Mo)

Un canard de bain, jaune

L'insubmersible canard de bain* : la fasciathérapie "méthode Danis Bois"

Suite à sa mise en ligne sur le CORTECS, le mémoire « La fasciathérapie « Méthode Danis Bois » : niveau de preuve d’une pratique de soin non conventionnelle » a été envoyé à une fasciathérapeute enseignante à l’Ecole Supérieure de Fasciathérapie. Cette dernière nous a cordialement répondu et a transmis le mémoire à Danis Bois. Nous proposons ici dans son intégralité l’analyse de Danis Bois qu’il nous a transmis le 22 juin 2012. Nous avons cependant reçu l’autorisation pour sa diffusion seulement en Septembre 2013. Nous publions également la réponse que nous lui avons communiquée en juin 2012, restée sans réponse à ce jour. Nous y avons apporté quelques modifications, signalées, prenant en compte certains travaux survenus entre-temps. En début d’article, nous ajoutons les résultats d’une recherche dans la littérature scientifique des travaux parus depuis.
* Le titre, l’insubmersible canard de bain, est emprunté entre autres au magicien James Randi, qui l’emploie pour désigner des assertions ou théories qui ont tendance à perdurer, à remonter à la surface, quels que soient les coups (ou réfutations) qui leurs sont portés.

Lire la suite

Pétition contre la censure dans les bibliothèques universitaires

Nous relayons ici une campagne qui nous parait faire sens. Précisons qu’aucun.e membre du CorteX n’a jamais lu l’ouvrage en question, mais en tant que dépôt d’ouvrages controversés, il nous semble logique, quitte à mettre une notice à l’intérieur du livre, qu’il est contraire à l’investigation rationnelle des faits de bloquer l’accès à des ouvrages, pour déplaisants qu’ils soient.

 

Pétition contre la censure maccarthyste dans les bibliothèques universitaires adressée au président de l’université de Paris 1, M. le Professeur Philippe Boutry

 Un lecteur de la bibliothèque Pierre Mendès France de l’Université de Paris 1 Sorbonne ayant récemment proposé l’achat de l’édition française de l’ouvrage de Geoffrey Roberts, professeur à l’université de Cork en Irlande, « Les guerres de Staline », paru en 2014 aux éditions Delga, ouvrage publié en 2006 par les Editions de l’université Yale, s’est attiré la réponse suivante :

« L’ouvrage proposé, bien qu’écrit par un universitaire, ne nous semble pas a priori présenter la neutralité historique et scientifique nécessaire à son éventuelle intégration dans nos rayons. Les autres titres publiés par l’éditeur non plus ».

La direction de cette bibliothèque, contactée, tant sur l’ouvrage incriminé que sur les conditions à remplir par un éditeur pour que ses ouvrages puissent être acquis, a accumulé les réponses évasives. Une consultation des rayons consacrés à l’histoire de la Russie soviétique (puis URSS) au XXème siècle a montré que, depuis plus de quinze ans, ont été systématiquement achetés les ouvrages de publicistes propagandistes, tels Bernard-Henri Lévy et André Glucksmann, même de négationnistes avérés, tel Ernst Nolte. Dans la même période, n’ont pas été acquis les ouvrages scientifiques publiés en français tels ceux d’Arno Mayer, Michael Carley, Alexander Werth (dont le célèbre ouvrage La Russie en guerre, réédité en 2011, demeure absent), etc.

Cette censure est révélée dans un contexte particulier. Par exemple, à l’occasion de la célébration du soixante-dixième anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz, le ministre des Affaires étrangères polonais Grzegorz Schetyna a soutenu, le 21 janvier 2015, pour justifier la non-invitation de la Russie, que c’était les Ukrainiens et non l’armée soviétique qui avaient libéré le camp d’extermination. Le premier ministre ukrainien, Arseni Iatseniouk, avait affirmé le 8 janvier, sans être davantage contredit, que l’Union Soviétique avait agressé l’Allemagne en juin 1941.

Ces contre-vérités grossières n’ont provoqué aucune réaction officielle. Cette passivité n’est possible qu’en raison du manque de connaissance historique de l’opinion publique, résultat, entre autres, de la censure qui s’est étendue jusque dans les institutions universitaires. Longtemps tacite ou sournoise, celle-ci atteint désormais un niveau tel qu’une bibliothèque de Paris 1 Sorbonne ne se dissimule plus pour justifier l’interdit frappant un universitaire reconnu et tout le catalogue d’un éditeur progressiste.

Nous exigeons que soit mis fin à cette violation caractérisée de la déontologie scientifique et que la bibliothèque Pierre Mendès France de l’Université de Paris 1 Sorbonne respecte le pluralisme des publications scientifiques mises à la disposition des étudiants et autres usagers. Ceci vaut pour cette bibliothèque comme pour toutes les autres bibliothèques universitaires.

Non à la censure maccarthyste dans les bibliothèques universitaires !

Paris, 3 février 2015

Godefroy Clair, ingénieur d’études à l’université Paris 8
Annie Lacroix-Riz, professeur émérite d’histoire contemporaine, université Paris 7
Aymeric Monville, directeur des éditions Delga

Le dossier complet sur cette censure et la correspondance y afférente est disponible sur http://www.historiographie.info/debats.html

Droit d'ingérence et impérialisme humanitaire : les rouages de la propagande de guerre

« La propagande est un ensemble de moyens psychologiques développés pour influencer la perception publique des événements ou des enjeux, de façon à endoctriner ou embrigader une population et la faire agir et penser d’une manière prédéfinie » (Edward Bernaÿs). La propagande de guerre a ceci de particulier qu’elle est extrêmement facile à décrypter et pourtant très fréquemment utilisée et très efficace. En 2013-2014, le CorteX a proposé deux ateliers pour en décortiquer les rouages.
Nos deux ateliers ont eu lieu à Montpellier et à Grenoble et chacun d’eux a rassemblé un public d’une dizaine de personnes principalement constitué d’étudiant.e.s, d’universitaires, de personnels administratifs et de quelques curieux.
Voici comment nous avons procédé pour chacun d’eux.


La défense des droits humains peut-elle justifier une guerre ? – Midi critique animé par Guillemette Reviron à l’Université de Montpellier II

En guise de remarque préalable, il faut souligner que je n’ai aucune expertise spécifique en histoire ou en sciences politiques. J’ai donc choisi pour ce midi critique de me concentrer sur l’analyse critique des arguments régulièrement utilisés pour tenter justifier ce qu’on qualifie de « guerres humanitaires » ou de « guerres justes » et pour construire notre opinion en matière d’interventionnisme, plutôt que d’analyser des situations particulières comme par exemple les interventions françaises au Mali, en Syrie ou en Afghanistan.

Quand j’ai commencé à préparer cet atelier, j’ai beaucoup réfléchi à la manière de sortir des réactions émotionnelles. Comment faire surgir les questions que soulèvent ce qu’on appelle le droit d’ingérence quand on est imprégné depuis des années par un discours parfois culpabilisant qui prône ce droit (voire ce devoir) d’ingérence ? Comment mettre en évidence que l’émotion engendrée par des situations dramatiques nous empêche souvent de raisonner et de prendre le temps de l’analyse avant de prendre une décision ou de se faire un avis, alors même que ces réactions émotionnelles dépendent de nombreux paramètres dont on est peu conscient ? Je ne trouvais pas de solution satisfaisante à partir d’extraits vidéos traitant d’une situation particulière. Je craignais en effet d’embarquer le public dans des débats très (trop ?) pointus sur les motivations réelles ou prétendues d’une guerre ou d’une autre, débat qui m’aurait fait m’aventurer sur un terrain que je ne maîtrisais pas. J’ai finalement eu l’idée de découper ce midi critique en deux phases : l’une qui avait pour objectif de faire émerger les différents types de critères que l’on évalue consciemment ou non avant d’agir, l’autre qui se proposait de questionner ledit droit d’ingérence à travers la grille des critères élaborée dans la phase 1.  

Phase 1
Dans un premier temps, je voulais faire réfléchir le public aux raisons qui nous poussent ou nous retiennent d’intervenir dans un conflit. J’ai eu l’idée de partir de situations quotidiennes où les enjeux me semblaient plus facilement identifiables. J’ai donc commencé par un exercice de positionnement stratégique en matérialisant avec des panneaux deux axes perpendiculaires dans un coin de la salle (un axe d’accord / pas d’accord et un axe perpendiculaire capable / pas capable). Ces deux axes définissaient alors quatre zones différentes. J’ai ensuite retenu quatre situations concrètes problématiques :

  • Situation 1 : vous emmenez vos deux enfants au bac à sable. L’aînée tape violemment sur le petit. Vous vous levez et vous donnez une fessée à votre fille aînée.
  • Situation 2 : vous êtes dans un parc public et vous voyez un enfant taper violemment un autre enfant plus petit. Sans discuter, vous lui donnez une fessée.
  • Situation 3 : vous êtes à un arrêt de tramway et vous voyez un homme frapper sa compagne. Sans discuter, vous le frappez.
  • Situation 4 : un collègue vous raconte qu’hier, il a entendu son voisin frapper sa compagne. Vous demandez l’adresse du voisin et vous allez lui mettre une rouste.

Après présentation de chaque situation et sans avoir évoqué les suivantes, j’ai demandé aux participants de se placer dans l’espace : par exemple, une personne qui  pense qu’il faut intervenir et qu’elle le ferait, se placera dans le carré d’accord/capable ; si elle pense qu’il faudrait intervenir mais qu’elle ne le ferait pas, elle se placera dans la zone d’accord/pas capable etc. Les personnes qui le souhaitaient pouvaient rester en observation, mais « ne pas se positionner dans une case » ne faisait pas partie des options possibles pour ceux qui avaient décidé de participer (en effet, comme le disait Howard Zinn, on ne peut pas être neutre dans un train en marche). Le fait de devoir se positionner est parfois très difficile, surtout quand on ressent des tensions internes, et c’est justement l’intérêt de ce type d’exercice : pour décider d’aller dans une case ou dans une autre, il nous faut identifier les contradictions potentielles ou les principes qui sous-tendent notre décision. Les participants avaient également la possibilité de changer de case lorsqu’ils adhéraient aux arguments présentés par quelqu’un d’autre. Chaque personne qui le souhaitait pouvait ensuite exposer les raisons qui expliquaient son positionnement, éventuellement les raisons qui l’avaient poussée à de déplacer par rapport aux situations précédentes ou encore ce qui avait suscité un dilemme le cas échéant.

Mon objectif était de faire sortir les arguments types qui sont invoqués pour justifier ou rejeter le recours à l’ingérence. J’avais au préalable pensé aux critères suivants :
1 – Légalité de l’intervention
2 – Gravité de la situation
3 – Légitimité du recours à la violence (ultime recours, médiation ou négociation préalables, situation d’urgence)
4- Effets attendus de l’intervention (efficacité sur le court/long terme)
5- Légitimité individuelle de l’intervention (plus précisément, le recours à la violence me paraît légitime mais suis-je légitime, moi, pour l’exercer ?)
6 – Arguments moraux (angle déontologique ou angle conséquentialiste)
7 – Capacité physique / moyens
8- Connaissance du contexte / fiabilité de l’information difficile à évaluer

J’ai noté tous les critères énoncés par les participants sur de grands panneaux au fur et à mesure pour m’appuyer dessus dans la deuxième phase.

Retour de la phase 1
Même si cette phase a été très riche – presque tous les arguments sont ressortis -, j’ai réalisé en cours de route que cet exercice était peut-être trop intrusif. Il faudrait modifier les règles pour que les participants s’exposent moins. J’ai réalisé après coup qu’il n’est pas si facile de donner son avis à des inconnus sur un sujet aussi engageant. Si je devais le refaire, je suggérerais aux participants de se glisser dans la peau d’une autre personne de leur choix, qu’ils connaissent bien, sans avoir à dire de qui il s’agit, et d’imaginer dans quelle case cette personne se positionnerait afin de minimiser la violence que l’on peut ressentir quand on est en position minoritaire.

Les critères mentionnés par les participants pour justifier ce qu’ils feraient ou ne feraient pas furent les suivants :

D’accordPas d’accord
Pas capable
Situation_1– dissuasion
– limite dépassée
– ultime recours
– si le dialogue a précédé
– on ne connaît pas assez le contexte
– on ne résout pas la violence par la violence
– pas efficace
personne ne s’est dit « pas capable »
Situation_2personne ne s’est dit d’accord– on ne connaît pas assez le contexte
– on ne résout pas la violence par la violence
– pas efficace
– ce n’est pas à moi de gérer
– on n’est pas légitime
Situation_3– urgence
– réaction émotionnelle
– besoin personnel (culpabilité, responsabilité)
– gravité
-la violence engendre la violence
-faire appel aux institutions/autorités
– pas les moyens physiques
– peur des représailles
– peur des conséquences
Situation_4personne ne s’est dit « d’accord »– violence engendre la violence
– pas efficace sur le long terme
– difficile de jauger la fiabilité de l’info
– éloignement de la situation
– moins d’émotions
– d’autres réactions possibles :
faire appel aux institutions / autorités ; possibilité d’établir un autre rapport de force
– peur des représailles
– peur des conséquences

Phase 2

Cette seconde phase avait pour objectif de revenir sur le droit d’ingérence en situation de guerre, en raccrochant les discussions aux critères vus dans la phase 1. J’ai repris la forme classique du midi critique et projeté des extraits vidéos. Pour chaque extrait, j’ai demandé aux participants s’ils y retrouvaient des critères abordés dans la première phase de l’atelier.

Extrait 1 : l’affaire Nayirah, Zapping, 1993
Le contexte : en 1990, l’armée Irakienne envahit le Koweit. Le gouvernement états-unien projette d’intervenir en Irak mais ne bénéficie d’aucun soutien de la population états-unienne. Jusqu’au jour où une jeune femme koweitienne, prénommée Nayirah, témoigne devant le congrès et raconte avoir vu des soldats irakiens jeter des bébés hors des couveuses. Cet épisode, très médiatisé, retourne « l’opinion publique » et les états-unis entrent en guerre contre l’Irak en janvier 1991. On apprendra par la suite grâce au journaliste John Martin que Nayirah n’est jamais allée au Koweit, qu’elle est en fait la fille de l’ambassadeur Koweitien et que tout a été orchestré par l’entreprise de relations publiques Hill and Knowlton.

Nayirah_Zapping_1993

J’ai choisi cet extrait, volontairement lointain, pour introduire les éléments classiques de la propagande de guerre (diabolisation de l’ennemi, appel à l’émotion, fabrication de preuves,…). Elle a aussi permis d’alimenter la réflexion sur d’autres exemples de fausses preuves (armes de destruction massive en Irak, soi-disant bombardement de manifestants à Tripoli par des avions de chasse de Kadhafi le 21 février 2011) ou de faits dont la réalité est encore discutée aujourd’hui (armes chimiques en Syrie)
Critères concernés : 2,7 et 9

Extrait 2 : Michel Collon – Ce soir où jamais, France 3, le 6 septembre 2013
Présentation : Michel Collon, journaliste, énonce les différents principes de propagande de guerre.

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=9GDFi4KP6bE]

Cet extrait m’a donné l’occasion du discuter des effets bi-standard, et des techniques de sélection et d’ordonnancement des informations. Bi-standard car les médias condamnent à des degrés variables l’utilisation des armes chimiques par les états qui y ont recours. La théorie du « mort au kilomètre » et de l’extra-ordinarité explique pourquoi nous sommes plus touchés par des morts proches de chez nous que par des drames plus lointains.
Critères concernés :  1, 6, 8

Extrait 3 : Journal Télévisé, France 2, le 2 mai 2001 sur la situation des femmes afghanes
Contexte : cet extrait date de mai 2001 (avant les attentats du World Trade Center). La situation des femmes afghanes est déjà régulièrement médiatisée en France et le soutien de la France à cette population est débattue (voir par exemple dans le Journal Officiel du Sénat du 15 mars 2001).

La condition des femmes en Afghanistan_Journal Televise_France 2_2 mai 2001

Cet extrait met en lumière un argument couramment invoqué par les tenants de l’interventionnisme : celui de la défense des droits des femmes. Sur la base de cette justification, j’ai introduit un débat sur l’évaluation de l’efficacité d’une intervention. Se soucie-t-on / les médias se soucient-ils de la situation des femmes afghanes aujourd’hui ? Si c’est un des arguments qui a poussé le gouvernement français à entrer en guerre, comment se fait-il que nous n’ayons aucune idée de ce qu’il en est aujourd’hui ? Comment mesure-t-on l’efficacité de notre guerre ? Combien de femmes ont été tuées dans les bombardements ? A partir de combien juge-t-on la guerre efficace ? Quels sont nos critères d’évaluation ?
Critères abordés : 5, 7

Extrait 4 : extrait d’une interview de J. Bricmont (jusqu’à 5min06)

Propagande_jean-bricmont_l imperialisme humanitaire_1_news

La suite de l’interview est disponible ici.

Notre légitimité à intervenir pour secourir une population menacée ou exterminée est l’un des critères les plus difficiles à questionner. En revenant sur l’exemple des Sudètes, J. Bricmont montre que c’est pourtant loin d’être aussi simple.

Ce fut aussi l’occasion de revenir sur le pseudo-concept de droit d’ingérence sous l’angle du droit international : la Charte des Nations Unies donne aux états membres un devoir de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un autre état. Le dit droit d’ingérence n’existe donc pas en droit. Toutefois on peut mentionner l’existence du principe de responsabilité de protéger (très contesté et invoqué pour intervenir en Libye).
Pour plus d’information sur ces débats juridiques, on pourra se référer à l’ouvrage de Jean-Baptiste Jeangème Vilmer, La guerre au nom de l’humanité (Paris, PUF, 2012).
Critères abordés : 1,2 et 6

Conclusion
Le problème fondamental dans le recours au droit à l’ingérence, c’est qu’il permet de passer sous silence de nombreux aspects de la question qui ne sont ainsi jamais débattus ni soupesés. Pire, il devient même immoral de demander que les critères d’intervention ou de non intervention soient explicités (comment oser se demander si notre intervention est légitime quand des enfants meurent tous les jours ?). Les guerres se succèdent ainsi, sans qu’on ne sache jamais quels sont les enjeux réels, sans qu’on n’évalue l’efficacité d’une intervention, sans qu’on n’ait même défini les critères d’évaluation, sans qu’on ne puisse jamais affirmer qu’elles ont apporté plus qu’elles n’ont détruit.


Les rouages de la propagande de guerre : des Sudètes (1938) à la Syrie (2013) – Atelier de l’info animé par Clara Egger et Richard Monvoisin

Puisque cet atelier est disponible ici dans sa version intégrale, nous nous limiterons à expliciter nos choix avant de présenter les suites qui ont été données à cet atelier.

Deux questions ont motivé cet atelier :

  • Comment se fait-il, dans un contexte où la guerre est impopulaire, que la France finisse toujours de s’engager dans un conflit ?
  • Comment comprendre que, bien que chaque guerre soit toujours un fiasco, la France n’ait cessé d’être impliquée directement ou indirectement (via l’envoi de troupes au sein de missions multilatérales régionales ou globales) dans des conflits?

Pour obtenir un soutien aux entreprises guerrières, il y a des stratégies de manufacture de l’opinion qui sont récurrentes dans tous les conflits du XXème siècle. L’objectif de l’atelier fut alors de développer les points centraux d’un cycle qui se répète à chaque fois ou presque. Nous avons choisi d’analyser les mécanismes de propagande présents :

  1. avant le conflit, pour justifier l’entrée en guerre
  2. pendant le conflit pour assurer un soutien à l’entreprise guerrière
  3. après le conflit, pour éviter de poser la question du bilan de la guerre

La principale difficulté a été de choisir nos cas d’étude car une analyse exhaustive de tous les cas de guerres était impossible. Nous avons brièvement mentionné le cas de l’annexion des Sudètes par Hitler qui fut justifiée au nom de la protection des droits de la minorité allemande. L’objectif était de montrer que la justification de la guerre par de nobles causes existe depuis longtemps et qu’elle est le fait de tous les états. L’actualité récente nous livrait des exemples nombreux de guerres dites humanitaires ou justes (cas de la Syrie, intervention en Libye, au Mali,…).

Nous avons choisi de sélectionner des cas emblématiques pour lesquels nous disposions de ressources (extraits de journaux, de journaux télévisés, de documentaires,…) et que nous maîtrisions. Nous avons commencé par des exemples connus et anciens, notamment des entreprises guerrières menées par les Etats-Unis pour terminer sur des cas plus complexes, impliquant la France. L’objectif était d’incrémenter un débat sur le rôle des médias dans la fabrique d’une opinion favorable à la guerre.

Nous avons conclu l’atelier en élargissant la discussion sur les critères possibles pour décider, rationnellement, de s’engager dans une intervention militaire. A ce propos, l’ouvrage de Jean-Baptiste Jeangème Vilmer propose une analyse détaillée des différents critères juridiques encadrant la doctrine de la « guerre juste » (La guerre au nom de l’humanité. Tuer ou laisser mourir, Paris, PUF, 2012).

La trame de cet atelier a été approfondie dans deux de nos cours. Le premier a été co-animé par Clara Egger et Richard Monvoisin dans le cadre de l’UE transversale de Richard Monvoisin « Zététique et auto-défense intellectuelle » (Université de Grenoble) en décembre 2013. Le second a été animée par Clara Egger à l’Université de Sudbury (Canada) en mars 2014.

Sources et références :

Jean Bricmont, Impérialisme humanitaire. Droits de l’Homme, droit d’ingérence, droit du plus fort ? Editions Aden, 2005- 2e édition 2009.

Edward Bernaÿs, Propaganda, Horace Liveright, 1928. Traduit en français sous le titre Propaganda, Comment manipuler l’opinion en démocratie, Zones, 2007.

Edward Herman & Noam Chomsky, La Fabrication du consentement. De la propagande médiatique en démocratie, Agone, 2008.

Norman Solomon, War Made Easy : How Presidents and Pundits Keep Spinning Us to Death, 2006.

Noam Chomsky, Comprendre le pouvoir, T.1, 2, 3 éditions Aden, coll. « Petite bibliothèque d’Aden », 2006.

Noam Chomsky, 11-9 : autopsie des terrorismes, Serpent à Plumes, 2001.

Noam Chomsky, Autopsie des terrorismes. Les attentats du 11 septembre 2001 et l’ordre mondial, Agone (2011)

John R. MacArthur, Second Front : Censorship and Propaganda in the 1991 Gulf War, Hill and Wang (1992) 2e édition University of California Press (2004)

Serge Halimi et Dominique Vidal avec Henri Mahler, L’opinion ça se travaille, Les médias et les guerres justes : Kosovo, Afghanistan, Irak, Agone, 2006 (1ère édition en 2000).

Documentaires

War Made Easy: How Presidents and Pundits Keep Spinning Us to Death, de Sean Penn 2007

Chomsky & Cie, d’O. Azam et D. Mermet, Mutins de pangée (2008)