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Pensée critique & Low-tech : le Cortecs au festival Apala

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Du 22 au 25 Juin avait lieu à Nantes le festival « Low-tech : au-delà du concept » organisé par l’association APALA (« Aux petits acteurs l’avenir ») et qui se veut un lieu d’échange autour des enjeux environnementaux et sociaux actuels. Le Cortecs y était présent en la personne de Nicolas Martin qui y a donné une conférence et un atelier. Il nous raconte.

« Contre le concept de nature »

Faut-il revenir à la traction animale pour éviter d’avoir à utiliser un tracteur ? Voilà un dilemme low-tech 1 qui aurait pu servir d’introduction à la conférence. Si la question est complexe, l’argument consistant à dire que la traction animale serait plus « naturel » semble en tout cas peu satisfaisant ! Et c’est là un écueil possible des mouvements low-tech (et écologistes en général) : promouvoir un retour à un passé fantasmé, à un état antérieur qui aurait été perverti. Et c’était là le propos de ma conférence : Pourquoi la nature n’est pas un bon critère et comment est-ce que l’on peut s’en passer2. Vous pouvez retrouver une rediffusion de la conférence ici :

Nicolas Martin – Contre le concept de nature

Notons que les critiques de « l’appel à nature » se résument parfois à l’opposition entre nature et chimique que l’on retrouve souvent dans le marketing, l’alimentation ou la santé. En réalité l’idée de nature est bien plus pernicieuse que cela puisqu’elle soutient au moins en partie des systèmes de dominations (spécisme, sexisme, racisme, validisme…) et joue un rôle important dans la surexploitation des ressources et dans notre système économique actuelle.

Pour répondre au dilemme ci-dessus, plutôt que d’invoquer le critère de nature — ou un autre critère arbitraire, comme le progrès — il semble plus judicieux de considérer les conséquences de chaque option et choisir celle qui, par exemple, minimise les souffrances de tous les êtres capables d’en ressentir (cheval y compris donc). Il est important aussi d’explorer toutes les alternatives possibles : le problème « traction animale vs. tracteur » formant certainement un faux dilemme.
Ce remplacement d’une vision naturaliste par une vision conséquentialiste (et sentientiste 3) est abordé dans la deuxième partie de la conférence.

J’ai, malheureusement, oublié pendant la conférence de citer le très bon site contrenature.org qui référence du très bon contenu sur ce sujet là.

Enfin je remercie les personnes (entre autre Thomas Lepletier) qui suite à ma conférence m’ont remonté les bretelles sur mes références à Philippe Descola. Si son travail sur l’idée de nature a été central et reste pédagogiquement intéressant, il serait possiblement dépassé et peu enclin à porter un discours anti-spéciste 4. J’en prend note pour l’avenir !

Atelier esprit critique pour le militant : décortiquer une question complexe

Couverture du manuel
Couverture du manuel

En plus de la conférence j’ai également animé un atelier proposant de décortiquer une question complexe avec des outils critiques. L’atelier s’appuyait en grande partie sur les outils proposait dans le petit manuel d’esprit critique pour le militantisme écologiste présenté ici.

Le déroulé de l’atelier s’est fait en trois temps : dans un premier temps, j’ai proposé une introduction rapide présentant le petit manuel ainsi que l’intérêt d’avoir des outils face à des questions complexes ; ensuite les participants, par groupe de 3 ou 4 ont travaillé sur une problématique de leur choix en suivant la méthode proposée (détaillée ci-dessous) ; enfin dans un dernier temps nous avons fait un débat en utilisant la grille de lecture préalablement établie.

La méthode proposée

Partant du principe que nos points de vues sont limités (on ne voit qu’une partie du problème et qu’une partie des solutions), l’idée est d’éclater le problème pour en avoir une vue plus globale. Cela se fait en 5 étapes dont le but principal est de construire un tableau. Chaque groupe travaille sur un problème et en parralèle je fais le même exercice à partir d’un exemple traité dans le petit manuel celui de l’expérimentation animale.

  1. Pensée multifactorielle : Lister tous les facteurs et enjeux liés à cette problématique.
    Dans l’exemple que je traite je liste les suivants : avancées médicales, bien-être animal, rapports de domination, coûts financiers, emplois du secteurs, …
    Chaque groupe en fait de même puis le présente aux autres. En échangeant on peut identifier de nouveaux facteurs. Je rajoute d’ailleurs avancées scientifiques et enjeux religieux / philosophiques à ma liste.
  2. L’alternative est féconde : Identifier les autres solutions, modes de fonctionnement, qui pourraient se substituer à l’alternative principale.
    Dans mon cas je note : Expérimentation sur les humains, simulation bio-informatique, abandon de la recherche médicale nécessitant des tests, puis sur proposition d’une participante Expérimentation in-vitro (non sentient).
    Chaque groupe en fait de même et échange sur les différentes alternatives. À ce stade ils ont un tableau avec en ligne les facteurs et en colonne les solutions.
  3. Remplissage du tableau : Noter si la solution x est plutôt positive ou négative au regard du facteur y.
    Pour ma part par exemple l’arrêt net de l’expérimentation a un impact négatif sur les avancées médicales mais positifs sur les rapports de domination et sur les souffrances.
    Puisque cette étape demande beaucoup de temps et de documentation. Je propose de la faire partiellement et de rajouter des points d’interrogations là où il y a le plus d’incertitude.
  4. Comment trancher ? Sans rentrer dans le détail, j’explique qu’une fois le tableau rempli il faut une réflexion éthique pour savoir comment trancher et se demander ce qui compte le plus.
  5. Comment mettre en place ? Que peut on actionner, individuellement et collectivement, pour promouvoir la solution envisagée.

Je conclus en leur indiquant qu’à partir de cet outil il est possible de mener quatre types de réflexion5 : scientifique (en creusant l’étape 3) ; éthique (en creusant l’étape 4) ; politique (en creusant l’étape 5) et une réflexion « méta » (en creusant l’étape 1 & 2 et en critiquant plus généralement les limites de cet outil).

On termine en faisant un petit débat mouvant sur la question de l’expérimentation animale en se basant sur le tableau que j’ai construit pendant l’atelier et que vous pouvez voir ci-dessous (en qualité discutable) :

Le reste du festival

Ce week-end aura été également l’occasion d’intervenir sur deux autres médias : le podcast du futurologue dans un épisode à venir ainsi que pour un documentaire de Julien Malara à venir.

Le festival aura été l’occasion de discussions riches avec de nombreuses personnes alimentant les réflexions et les échanges entre pensée critique et militantisme que je crois, plus que jamais, très productifs (bien souvent d’ailleurs du militantisme vers la pensée critique !)

Encore un grand merci aux organisateur·ices et à tous·tes les bénévoles pour leur travail formidable et pour la programmation très diversifiée qui laisse un espace considérable à l’auto-critique ! À très vite, j’espère.

Les jeunes, ces crédules à éduquer ! (ou pas)

A peine ma thèse soutenue, j’ai entendu parler d’une chercheuse ayant mené son doctorat en même temps que moi et sur un sujet connexe. En effet, nous avons validé nos recherches à 14 jours d’écart. Tandis que moi je travaillais sur l’histoire de l’éducation à l’image à travers les réseaux de ciné-clubs confessionnels et laïques, cette anthropologue en CIFRE à la Ligue de l’enseignement s’interrogeait sur l’avenir de l’éducation à l’image et sur les transformations complexes mais nécessaires à mener pour sortir du cloisonnement entre éducation culturelle et éducation aux médias. Il se trouve qu’une partie de sa thèse s’intéresse à la question de la crédulité des adolescents face aux images…

Marie Ducellier, grâce à sa méthodologie de recherche, s’est intégrée à un groupe de jeunes en décrochage scolaire fréquentant un « atelier-relais » afin de mieux comprendre leur rapport à l’image ; l’objectif étant de partir de leur pratique pour mieux construire une pédagogie autour des images. Partir des pratiques populaire est un postulat historiquement fondamental en éducation populaire. Mais, on l’observe dans cette thèse, c’est de plus en plus complexe à mettre en œuvre et à faire accepter à une génération vieillissante d’éducateurs qui n’arrive pas à remettre en question ses pratiques et habitudes face aux évolutions drastiques que connaissent nos sociétés actuelles ; évolutions que la jeunesse a incorporées. Dans ce contexte de dépérissement diraient certains (je préfèrerais dire renouvellement) de l’éducation populaire, les clichés vont bon train, à l’instar des milieux scolaires.

Beaucoup de professeur.es – ou de personnes ayant un lien étroit avec les milieux éducatifs quels qu’ils soient – fréquentent le site du Cortecs. Parmi vous, qui n’a jamais entendu dire qu’on s’inquiète pour notre jeunesse en déperdition noyée dans le « faux » des réseaux sociaux et d’internet vu comme un mal absolu capable – sans le développement de l’esprit critique de la population – de mettre à terre la démocratie et notre société entière. Que celui qui n’a d’ailleurs jamais exprimé cette idée se manifeste… En outre, si ce ne sont pas les jeunes ce sont les classes populaires (C’est un bingo si vous êtes des deux à la fois). C’est ce que certains appellent la « démocratie des crédules »1, c’est-à-dire une démocratie malade des croyances irrationnelles de ses citoyens.

Mais qui a déjà remis en question ce postulat d’une jeunesse crédule pour ne pas dire débile ? Après tout, nous savons bien que c’est une idée parfaitement répandue dans les milieux de l’éducation ; que chaque année les jeunes sont de plus en plus bêtes et/ou de moins en moins cultivés ; qu’ils ne comprennent rien, ne s’intéressent à rien à part à des choses futiles (à une époque le cinéma, à d’autres le jeu vidéo et les réseaux sociaux, etc.), et qu’ils méprisent leurs aînés… On pourrait continuer longtemps. On peut d’ailleurs remonter ces préjugés âgistes et conservateurs jusqu’à Platon.

Par sa méthodologie de thèse, Marie Ducellier a suspendu son jugement sur les pratiques et les interactions des jeunes avec les images même si ce n’est pas toujours facile, il faut bien se l’avouer (notamment face à une vidéo de dix heures d’un mec en train de regarder un tacos). Du moins, dans la grande tradition de l’anthropologie, elle a réussi à gagner la confiance d’un petit groupe de jeunes qu’elle a pu étudier et a pu capter des moments de discussion incroyablement révélateurs du rapport des jeunes à l’image et au mensonge.

Elle aborde notamment la fascination des jeunes pour les vidéos de Lama Faché, qui ont déjà beaucoup été discutés par des journalistes (comme AudeWTF) et des débunkers (comme Sciencoder) affolé.e.s par le succès de cette chaîne. On découvre avec étonnement, et avec soulagement, que :

Aucun adolescent de l’atelier-relais ne la regarde “comme si c’était vrai”, ceux-ci s’y adonnent justement pour son caractère fantasmagorique, aux limites voire carrément en dehors du réel. Elle permet une sorte de « train fantôme 2.0 » pour les adolescents où le récit de situations a priori extraordinaires suscitent l’excitation collective. Filly2 relate : « Je sais très bien que c’est faux, Lama Faché c’est des menteurs ! (…) C’est… j’me pose avec mes copines pour regarder en fait (…) on va rigoler comme ça ! Des fois ça fait flipper les trucs… c’est marrant ! ». D’autres adolescents me font part de ce type de pratiques collectives, en quête d’images « à sensations » où les pairs s’interrogent ensuite sur leurs perceptions et ressentis (« T’as vu ?! », « Mais c’est faux ou pas ?! », « J’ai déjà entendu, j’le connais lui c’est vrai ! »). De nombreuses projections se bricolent ainsi depuis les téléphones portables où chacun testent les croyances et limites de l’autre pour mieux fantasmer et débattre de la « réalité » du monde. Loin de croire en ces vidéos, c’est au contraire le fait de s’interroger collectivement sur le mode de l’humour et du sensationnel qui fabrique chez les adolescents l’intérêt de cette chaîne YouTube. Conscients qu’elle présente un rapport tronqué à la réalité, cette distorsion aboutit pour eux en jeu de croyances et de perceptions. Ce trouble soulève une certaine euphorie qui ne peut être confondue avec une quelconque naïveté ou ignorance juvénile.

Ducellier Marie, L’éducation à l’image à l’épreuve de sa transformation : une enquête ethnographique dans et avec une fabrique de l’éducation populaire, Thèse en Anthropologie sociale et Ethnologie, Paris, EHESS, 2022, p. 258-259.
Marie Ducellier, docteure en Anthropologie sociale et ethnologie

Ainsi les adolescents sont dans un double rapport à ces images, à la fois fascinés et critiques. Marie Ducellier nous rappelle salutairement que « dans la quotidienneté des technocultures audiovisuelles, regarder une image ne signifie pas nécessairement y adhérer (par plaisir, intérêt ou croyance) ». Cette pensée s’inscrit d’ailleurs dans la continuité d’études menées en psychologie, notamment celles d’Hugo Mercier (cf : Internet et désinformation : une fake news ?).

De plus, il nous est révélé la connaissance parfois très précise que les jeunes ont des chaînes qu’ils suivent, bien plus que les adultes qui vont souvent se limiter à une ou deux vidéos pour se faire une idée. Ces jeunes de l’atelier-relais ont une connaissance encyclopédique d’un vidéaste comme TiboInShape. S’ils ne refusent pas les critiques qui sont formulées contre ce vidéaste grandement masculiniste, ils critiquent (et à raison) les points de vue très orientés des adultes qui ne prennent pas en compte la diversité des contenus proposés (ici les vidéos de découvertes des métiers créées par TiboInShape). Ils sont en outre très critiques des techniques commerciales des influenceurs et comprennent assez bien les enjeux de construction du réel derrière nombre des images croisées sur les réseaux. Non, décidément nos jeunes ne manquent pas d’esprit critique ! Ce constat peut vous sembler aller à contre-courant d’à peu près tout ce qu’on entend à ce propos. Pourtant, il va dans le même sens que les conclusions de l’ouvrage d’Hugo Mercier (encore lui) Pas né de la dernière pluie3, synthèse récente des travaux empiriques sur la question de la crédulité humaine : nous ne sommes pas, en général, aussi crédules qu’on le pense – qu’on soit jeune ou moins jeune, d’ailleurs. 

En plus de ça ils ne sont pas prêts à nous attendre pour décrire les phénomènes audiovisuels numériques, bien trop rapides pour que le paquebot de l’éducation nationale soit capable de suivre où les « vieilles dames » que sont des institutions comme la Ligue de l’enseignement. Ils et elles sont bien souvent seul.es face aux Fakes et savent porter une réflexion dessus comme le révèle l’analyse d’une conversation du groupe d’adolescent.es :

Lors de l’ethnographie, l’espace de la cantine met en exergue des formes d’autogestion à ces dynamiques. Plusieurs conversations concernent régulièrement les « fake news » et fausses vidéos qui peuvent traverser les quotidiens juvéniles. Ce jour-là, face à leurs assiettes de poisson, les adolescents rêvent d’aller manger au « Chicken pacha » sur la place de la « zone 4 » ou au Quick de la ville d’à côté. Inès vient soudainement bousculer le récit de ces fantasmes : « Le Quick j’veux plus y aller ! Après l’histoire du rat là… ». Les réactions ne tardent : « quel rat ? » « chez qui ? » « y’a longtemps ? ». L’excitation est à son comble. Inès développe de sa voix rauque : « Mais c’était sur snap’ là ! Vous avez pas vu ?! Y’a la meuf elle ouvre son burger, dedans bah c’est un rat ! ». Quelques voix s’élèvent d’un « mais ouiii » pour signifier qu’ils connaissent la vidéo, ou plutôt qu’ils se l’imaginent parfaitement. Autour de la table, Mathis est le premier à réagir : « Eh mais c’était la vidéo postée samedi ?! Ah ouais… j’vois, j’vois, et mais moi aussi j’ai déjà vu d’autres vidéos comme ça ! ». Filly enchaîne : « Ouais ! Au McDo, là-bas ça arrive tout le temps ! ».

Sylverster Stallone, quant à lui, n’est nullement rebuté par un « ratburger » (Demolition Man, 1993)

Après plusieurs minutes à s’invectiver sur telle ou telle vidéo montrant des animaux, cafards et autres éléments n’ayant rien à faire dans la restauration de fast-food, Rayan constate ironique que toutes ces vidéos n’empêchent pas les adolescents de continuer à manger là-bas. Filly réfléchit suite à sa remarque et relativise : « Mais après c’est juste des vidéos, en vrai on sait pas ! ». Inès insiste de son côté sur la véracité de la première vidéo ayant lancé le débat : « Moi j’vous dis c’était vrai, C’ÉTAIT-SUR-SNAP (très fort) ! ». Le statut particulier de ce réseau – bénéficiant d’un cercle de connaissance beaucoup plus proche et restreint chez les adolescents en comparaison d’Instagram – décuple la confiance d’Inès. Ayant vu la vidéo à partir d’une de ses connaissances, sa méfiance semble dissipée. Rayan riposte immédiatement : « Mais ta pote, c’est elle qui a posté la vidéo ou juste elle l’a partagée ?! Ça a rien à voir ! ». La situation bascule à ce moment-là. Convaincus dans un premier temps de la véracité des vidéos préalablement discutées, les cinq adolescents autour de la table s’observent désormais plus silencieusement.

D’une certaine manière, il ne faut surtout pas se retrouver dans la catégorie des « crédules », ceux qui se font avoir et croient n’importe quoi sur les réseaux sociaux. Mieux vaut, dans la sphère adolescente, assurer un regard sur celles-ci mais certainement pas une adhésion systématique. L’influence de Rayan, sorte de leader dans le groupe, devient ici capitale. Il n’intervient pas explicitement dans un rôle d’arbitrage mais pousse chacun à l’argumentation. Peu importe que l’on défende la véracité ou la fausseté d’une vidéo du moment que l’on sache dire pourquoi. Les adolescents sont à l’écoute de toute justification subjective. Rayan remplit ce rôle avec beaucoup de provocation mais dans un sens finalement positif (il aurait pu en être autrement dans une autre situation). Il cherche à déstabiliser, voire décrédibiliser les opinions, ce qui fait prendre à la discussion un tournant analytique inattendu. Les adolescents se remémorent ce qu’ils ont vu, se mettent à décrire précisément les vidéos, revendiquant le fait que « l’on voit de près » (filmer en gros plan) ou que « si plein de gens ont partagé, c’est que ça existe ».

Les arguments du groupe oscillent constamment entre pertinence et absurdité mais avancent bel et bien sur un chemin réflexif. Inès commence à douter. Elle évoque à ce moment d’autres vidéos qu’elle désigne comme des « délires » : le riz en plastique, le bébé dans le four, l’homme qui boit de la javel… Petit à petit, même si le groupe peine à qualifier l’origine de ces images, entre dégoût et fascination, plus personne ne semble les prendre au sérieux. Les adolescents les commentent dans un jeu de croyance toute relative. Ils se testent surtout pour savoir qui y croit vraiment. Le groupe d’adolescents marque ainsi une forte distinction entre ceux qui y « croient », ceux qui « regardent » et ceux qui « partagent » (de manière mêlée sans forcément que l’un entraîne l’autre). Pour Inès, il s’agit de ne pas confondre : « Les gens ils regardent du fake, pas parce qu’ils y croient, ils regardent parce que je sais pas… moi si je regarde ça, c’est parce que je me fais chier », lâche-t-elle en suscitant l’approbation des autres.

L’influence des pairs se révèle ici capitale : elle peut venir soutenir la croyance ou au contraire la déstabiliser jusqu’à l’annihiler. Même si de véritables outils analytiques manquent à l’appel, les adolescents se « challengent » avec les moyens du bord, pris autour de la blague et de la provocation. La socialisation juvénile permet de facto une montée en compétence dans l’acuité (audio)visuelle qui s’assimile non pas une expertise, mais aux bribes d’une réflexivité qui ne dit pas son nom. La crainte maladive de passer pour un naïf auprès des pairs, favorise des formes de doute et de méfiance pour éviter la « honte » de « se faire avoir ». Ce sont de petits pics lancés à la va-vite, des provocations et parfois quelques moqueries qui poussent les adolescents à relativiser la croyance de leur regard spontané jusqu’à forger de petites stratégies d’autodéfense. Cette influence des pairs vient d’une certaine manière combler l’absence d’accompagnement des adultes envers les consommations audiovisuelles ordinaires. Si l’immense majorité des adolescents rencontrés à l’atelier relais me relatent régulièrement qu’ils « sentent » les ressorts de manipulation d’une vidéo (« ça fait le fake » ; « il ment ! » ; « c’est que du faux sur du faux ! »), ils avouent parallèlement rester dans le doute, manquant d’éléments plus objectifs pour se positionner avec moins d’hésitation. Les adolescents évoluent ainsi dans une somme d’intuitions inachevées, dépendant d’un bouche-à-oreille aux vertus inégales, qui se légitiment au hasard des clics et des mises en concurrence entre pairs. Dans ce contexte, des acuités et compétences naissent envers la construction et les effets de l’image, mais elles restent approximatives et peu assurées.

Ibid, p. 269-272.

Ces éléments nous poussent à nous réinterroger dans notre transmission de l’esprit critique et de ces outils. Comment pourrait-on exploiter cette réflexivité spontanée pour en faire un point de départ ? Une des pistes pourrait être l’impact fondamental du collectif, trop souvent ignoré pour des approches plus individualistes évitant les dangers des « instincts grégaires ».

Quoi qu’il en soit, souvenons-nous que nous ne sommes pas les dépositaires de l’esprit critique ; visions bien trop alimentées par le biais de valorisation de l’endogroupe4. Au contraire, ouvrons-nous et tentons de mettre à profit ces réflexivités spontanées nées d’une connaissance par la pratique avant la connaissance théorique. N’oublions pas que les jeunes générations ont aussi beaucoup à nous apprendre. C’est, avant tout, cette ouverture qui nourrit nos conceptions du monde : les échanges divers et variés.  


Pour les plus curieux, je vous renvoie vers la thèse de Marie Ducellier, disponible en ligne gratuitement : https://www.theses.fr/2022EHES0113

Les images sont issues du site : http://www.educationauximages.fr/


1 Bronner Gérald, La démocratie des crédules, Paris, France, PUF, 2013, 343 p.

2 Les noms et prénoms des jeunes cités dans les extraits ont été modifiés lors de la rédaction de la thèse pour leur garantir leur anonymat.

3 Mercier Hugo, Pas né de la dernière pluie : la science de la confiance et de la crédulité, Paris, France, HumenSciences, 2022, 446 p.

4 L’endogroupe signifie le groupe d’appartenance. Il s’oppose à l’exogroupe : groupe dans lequel l’individu ne se reconnait pas.

Pourquoi punir les siens conduit à discriminer les autres. Une illustration du biais d’exotisme

S’abstenir de juger les personnes issues d’une culture différente de la nôtre ou prendre garde ou ne pas interpréter leurs actions comme si elles relevaient de nos normes sont a priori des bons principes. L’étude de Habyarimana que je présente ici nous indique même que ces principes sont plus observés qu’on ne pourrait le croire. Ils peuvent toutefois conduire à autant de discriminations que l’attitude inverse. Retour sur cette étude qui nous alerte sur ce qu’on pourrait qualifier de biais d’exotisme, miroir du biais d’ethnocentrisme.

Une longue tradition en sciences sociales et anthropologie nous a transmis deux enseignements : 1. Que nous avons tendance à être ethnocentriques, c’est-à-dire à considérer le monde avec notre propre culture comme modèle de référence. 2. Que l’ethnocentrisme conduit à des formes d’intolérance et de racisme, car il conduit à condamner les comportements étranges ou différents des nôtres comme s’ils venaient de gens éduqués dans notre culture 1. Cela nous conduit, par exemple, à condamner des sociétés cannibales en vertu du fait que, chez nous, les comportements cannibales sont condamnés.

Ces deux éléments ne sont pas dénués de fondement et nous faisons souvent l’expérience de juger les comportements d’autrui, comme si le modèle de référence était le nôtre.  Par exemple, le fait qu’on désigne encore aujourd’hui d’« invasions barbares » ce que les allemands qualifient de « migrations des peuples germaniques » révèle cette différence fondamentale de point de vue. Les récits provenant de notre culture nous présentent comme les « envahis », victimes de brutes abreuvées au lait de chèvre et dont le langage est incompréhensible. Nous les appelons de la façon dont nos ancêtres les ont vu.

Un exemple de représentation des « invasions barbares »

Cependant, s’éloigner autant que possible de toute tentation ethnocentriste n’est pas forçement une bonne attitude. Il existe un biais opposé au biais d’ethnocentrisme qu’on pourrait qualifier de biais d’exotisme. Il consiste à considérer que, parce que les gens sont élevés dans une autre culture, ils ne doivent pas être jugés selon les normes qui régissent notre société. Ce biais est 1. extrêmement courant, au moins autant que le biais d’ethnocentrisme et 2. susceptible de nous conduire à un comportement raciste ou discriminatoire.

Habyarimana et ses collègues montrent ce problème à travers une étude menée en Ouganda 2, l’un des pays les plus ethniquement 3 diversifiés du monde. Ils partent de l’idée, globalement déjà constatée 4, que les individus coopèrent moins avec des personnes issues d’un autre groupe. Pour vérifier si cela s’applique aussi à la société ougandaise, les auteurs mettent en place un jeu.

Diversité ethno-linguistique en Ouganda.
Source : Bernard Calas (2000) « Recompositions ougandaises. Les dividendes géographiques de la paix et de la légitimité politique » dans Jean-Louis Chaléard, Roland Pourtier (dir) Politiques et dynamiques territoriales dans les pays du Sud, p. 171-196

Mesurer la coopération est assez simple : il suffit de faire jouer les gens au « dilemme du prisonnier ». Dans ce jeu, deux joueurs doivent décider de conserver pour eux-mêmes un billet de 1 000 shillings ougandais (SO) ou de l’utiliser pour un projet de groupe. Si les deux joueurs choisissent la deuxième option, ils gagneront un bonus de 500 SO chacun. Naturellement, s’ils choisissent la première option, les deux garderont leurs 1000 SO. Le problème est que si l’un des deux choisit d’utiliser ses 1000 SO pour le groupe, alors que l’autre ne le fait pas, le premier recevra 750 SO et le second 1750 SO. Les deux joueurs doivent faire leur choix simultanément et ne sont pas en mesure d’observer les actions de l’autre joueur.

Voici comme ça marche :

Matrice des gains

Si vous êtes Dembe vous avez intérêt à garder l’argent. Car si Mukisa le conserve aussi vous gagnerez 1000 au lieu de 750 SO. En revanche, si Mukisa l’utilise pour le groupe, vous aurez 1750 au lieu de 1500 SO. Dans les deux cas, vous gagnerez 250 SO en gardant l’argent pour vous. Si vous êtes Mukisa vous faites exactement le même raisonnement. Le problème est qu’au final vous aurez 1000 SO chacun, alors que si vous aviez coopéré vous auriez 1500 SO chacun. Pour que la coopération ait lieu, donc, deux conditions doivent être satisfaites : un fort degré de confiance dans le fait que l’autre joueur ne garde pas l’argent pour lui et une volonté de ne pas vouloir arnaquer l’autre joueur

Les joueurs avaient, en plus, accès au nom et à la photo du joueur qu’ils avaient en face d’eux.  Il s’agissait bien sûr d’une information créée de toutes pièces par les expérimentateurs, mais elle avait une fonction claire : à partir du nom et de la photo, les joueurs prêtaient une appartenance ethnique à l’individu.  

Conformément aux études antérieures, les résultats montrent que les personnes coopèrent davantage lorsqu’ils jouent avec une personne de leur propre ethnie. Lorsque l’autre joueur est d’une ethnie différente, le taux de comportement coopératif baisse de 18%. Jusqu’ici rien de nouveau. Mais pourquoi agissent-ils ainsi ? Parce qu’ils n’ont pas confiance en l’autre joueur ou parce qu’ils souhaitent l’arnaquer?

Une variante de cette expérimentation conduit à l’explication suivante : les sujets coopèrent moins avec les personnes des autres ethnies parce qu’ils ne savent pas si ces personnes sont attachées aux mêmes valeurs de coopération et réciprocité qu’eux. Si cela n’est pas le cas, ils ne leur en tiennent pas rigueur, puisqu’ils attribuent cela à leur appartenance à une autre culture. Cependant, dans le doute, les sujets préfèrent ne pas développer de projets collectifs avec ces « étrangers ».

Avant de développer ce point, voici la façon dont les auteurs en font la démonstration. Le même jeu a été mis en place avec, en plus, un troisième joueur. Ce joueur observe les actions des deux premiers joueurs et peut choisir de punir l’un des deux ou les deux pour leur comportement. Sanctionner quelqu’un coûte 500 SO au troisième joueur (soit environ 1/20ème de ses avoirs) et entraîne la suppression des gains du joueur sanctionné.

Comment se comporte le troisième joueur ? En général, il punit les gens qui gardent les 1000 SO pour eux. Mais surtout, il punit davantage les joueurs issus du même groupe ethnique que lui, surtout lorsque ceux-ci jouent contre quelqu’un qui vient aussi du même groupe ethnique (c’est-à-dire dans un trio homogène). Dans cette configuration, garder l’argent pour soi conduit à avoir 23% de chances en plus d’être puni par le troisième joueur.

Ce résultat nous renseigne sur deux éléments importants. Premièrement, les ougandais ne sont pas si ethnocentristes, puisque beaucoup d’entre eux sanctionnent seulement les membres de leur propre groupe ethnique. Ils se permettent donc uniquement de juger les personnes qui, selon eux, devraient agir selon des normes similaires aux leurs.  En revanche, ils sont bien plus tolérants avec les autres, dont ils ne connaissent pas la culture. Deuxièmement, c’est précisément parce qu’ils renoncent à juger les gens issus d’une autre culture, qu’ils renoncent également à coopérer avec eux. Pour coopérer avec quelqu’un il faut s’assurer qu’il partage les mêmes normes que nous, qu’il soit conscient que la tricherie existe et qu’ils la jugent, de façon partagée, comme quelque chose de socialement indésirable.  

On peut tirer de nombreuses implications de cette recherche – bien que circonscrite au cas ougandais – sur la façon de conceptualiser et de lutter contre le racisme.

Elles révèlent que les comportements discriminatoires (au logement, à l’embauche) peuvent, aussi, être dûs à un trop faible niveau d’ethnocentrisme. Employeurs ou propriétaires, peuvent refuser de considérer le monde avec leur propre culture comme modèle de référence et, de ce fait, refuser d’entretenir un commerce avec des gens qui ne sont pas issus de leur propre culture.   

Ont-ils raison ? Pas toujours. On a tendance, certainement, à exagérer les différences entre cultures. A penser, par exemple, que les cannibales, parce qu’ils sont cannibales, obéissent à des normes radicalement opposées aux nôtres.

Quoiqu’il en soit, se méfier de l’ethnocentrisme n’est donc pas suffisant pour être à l’abri du racisme. Il faut également se méfier de la tendance inverse, l’exotisme. Il consiste à exagérer les différences entre cultures ou êtres humains. A penser que chaque culture ne peut pas se comprendre quand on est à l’extérieur, comme l’a prêché avec succès Clifford Geertz 5. Cela semble un bon principe, mais poussé trop loin, il ne l’est plus.

Le biais de financement

On appelle biais de financement le fait qu’une étude financée par une industrie, ou dont les investigatrices ou investigateurs sont financé·es par une industrie, a plus de chance d’avoir des résultats favorables à l’industrie concernée toutes choses égales par ailleurs.

On peut introduire ce biais avec cet extrait de Cash investigation « Industrie agroalimentaire : business contre santé » de septembre 2016.

La journaliste interroge un chercheur ayant écrit un rapport pour lequel celui-ci a été rémunéré par l’American Meat Institute (association qui représentait les industries de la viande et des volailles aux États-Unis)1. Ce rapport critique les travaux sur les effets délétères pour la santé de la consommation de viande d’une scientifique, S. Preston-Martin. À la question « Vous ne pensez pas que votre point de vue serait plus fort si je n’avais pas découvert que aviez été payé ?« , le chercheur répond « Non, je ne pense pas que ça changerait mon point de vue« .

L’étude de 2013 Bes-Rastrollo et al. 2 recense toutes les études portant sur le lien entre consommation de boissons sucrées et prise de poids et obésité. Les chercheuses et chercheurs les ont classées en deux catégories : celles dont les résultats montraient un lien entre ces deux variables, et celles dont les résultats ne montraient pas de lien. On peut schématiser ainsi ces résultats (figure A).

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Figure A

Un autre chercheur de manière indépendante a ensuite classé les études en fonction des déclarations de liens d’intérêt des chercheuses et chercheurs avec les industries fabricants des boissons sucrées. Si on prend en compte cette variable là, les résultats sont les suivants (figure B).

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Figure B

On s’aperçoit alors que la plupart des études montrant un lien entre consommation de produits sucrés et prise de poids n’ont pas déclaré de liens d’intérêt alors que la plupart des études ne montrant pas de lien entre ces deux variables déclarent des liens d’intérêts avec des industries.

Ces résultats convergent avec d’autres au sujet desquels les industries agro-alimentaires 3, pharmaceutiques 4, du tabac 5, des organismes génétiquement modifié 6, des télécommunications 7, des nanotechnologies 8 ou encore du nucléaire 9 sont impliquées.

Une des hypothèses explicatives possible du biais de financement est le biais de publication, le fait que les chercheuses et chercheurs ont bien plus tendance à soumettre,  et les revues scientifiques à publier des expériences ayant obtenu un résultat positif que des expériences ayant obtenu un résultat négatif. Cela soulève le problème de l’inféodation des recherches aux intérêts commerciaux des grands groupes d’éditeurs privés (voir à ce sujet ici et ).

Story-tellings et représentations historiques erronées

Il m’arrive (RM) fréquemment de donner à des étudiant.es des thèmes sur les représentations scientifiques erronées dans les fictions. L’Histoire étant une science, il est évident que certaines œuvres réécrivent des pans entiers de ce qu’il s’est concrètement passé. Il arrive que ces réécritures soient du fait du caractère parcellaire des informations disponibles ; mais il arrive aussi et surtout que ces récits narratifs, ces story-tellings, soient des manières de surfer sur les fantasmes et les représentations sociales sur une période. Au gré du temps, et au fil des demandes, j’étofferai le matériel disponible.

Far West américain

CorteX_Bon_brute_truandDébat historiographique pour évoquer les représentations de l’Ouest américain en France, dans La fabrique de l’histoire, sur France Culture, le 29 septembre 2016, co-animée par Victor Macé de Lépinay : du mythe du « bon sauvage » à la conquête de l’Ouest, de Fenimore Cooper à Buffalo Bill, nous cheminons sur les pas des voyageurs, géographes, historiens, écrivains et cinéastes qui ont imaginé un Far West pour Européens. Comment ont évolué les représentation de l’Ouest américain en France ? Quelle place a-t-on donné à l’idée de « frontière » dans notre vision de l’Amérique ? Avec Tangi Villerbu, maître de conférences à l’université de La Rochelle, Jacques Portes, professeur à l’université de Paris 8 Vincennes-Saint Denis et Mathilde Schneider, conservatrice au Musée franco-américain du Château de Blérancourt.

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Bushido japonais

CorteX_SamuraiLe bushido, littéralement « voie du guerrier », est le code des principes moraux que les samouraïs japonais étaient soi-disant tenus d’observer. Le doute m’avait été mis sur le sujet par Jean-Michel Abrassart dans l’émission ci-dessous, j’ai contacté et parcouru les travaux de Benesch et j’ai donné ce sujet à des étudiant.es intéressé.es. Leur travail est là.

L’émission n°351 de Scepticisme scientifique, croisée avec le podcast Anthrostory, aborde les thèmes suivants :

  • l’origine du Bushido.
  • Le livre Bushido: the soul of Japan, une référence pour beaucoup de pratiquants d’arts martiaux.
  • Le livre Hagakure, de Yamamoto Tsunetomo, autre référence.
  • Un court résumé de l’histoire des samouraïs qui nous aide à mieux comprendre les histoires qu’on nous raconte et leur réalité historique.
  • Un petit clin d’œil au film The last samouraï, sur son historicité et l’idéal qu’il semble défendre.
  • Un micro clin d’œil à la magnifique série Shogun, là aussi pour parler de son authenticité éventuelle.
  • Un autre éclairage sur le positionnement des samouraïs et de leur idéologie, et de savoir quel serait leur positionnement politique actuel.
  • Pourquoi  avoir besoin de croire en l’efficacité d’un art martial et pourquoi lui chercher une origine lointaine ?
  • Pourquoi la question de l’efficacité (et de l’origine de l’efficacité) d’un art martial est important dans sa pratique au jour le jour ?
  • En quoi une idée fantasmée des samouraïs a pu et peut encore aujourd’hui avoir de l’influence sur le Japon ?

Quelques sources :

  • Bushido, l’âme du Japon, par Inazo Nitobe
    Hagakure : Ecrits sur la voie du samouraï, de Yamamoto Tsunetomo
    Inventing the Way of the Samurai: Nationalism, Internationalism, and Bushido in Modern Japan, de Oleg Benesch, historien le plus pointu sur le sujet
    La série Shogun, de Jerry Lyndon (1980)
    Le film Le Dernier samouraï, d’Edward Zwick (2003) à voir pour le stéréotype

Gaulois français

J’ai créé un article spécifique assez complet .

Mayas

Un excellent travail a été proposé par Jonathan, de Anthrostory à cette page-ci.

Je rêve de la recopier ici, mais je préfère vous renvoyer vers son site.

Voici l’émission de radio qui en est tirée.

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Histoire de Paris / de France

Nous avons déjà élaboré des ressources critiques des relectures fantaisistes de Loran Deutsch. Guillaume Guidon a ainsi élaboré

Histoire – peut-on critiquer Loran Deutsch ?

Le métronome de Loran Deutsch, un exemple de pseudo-histoire

Alexis Corbière a quant à lui critiqué les représentations sur la Révolution Française relayées par les jeux vidéos (ici)

Enfin, nous avons reproduit avec l’amabilité de son anonyme auteur Retour sur l’Histoire – Robespierre sans masque

Les Arabes

An American Carol images, pictures, photos and wallpapersNous avions réalisé avec des doctorant.es des travaux sur le sujet

  •  avec Djaml Hadbi sur les stéréotypes sur les Arabes dans les films : les Arabes, souffre-douleurs du cinéma. C’est ici.
  •  avec Andréa Rando-Martin sur Aladdin, de Disney et ses archétypes sexistes et racistes. C’est là.

Les pirates

(à venir)

Les bandits

(à venir)

Louis Mandrin

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Louis Mandrin blessé par l’assaut des Dragons à Guenand en décembre 1754 © Getty / Keystone-France

Retour sur Louis Mandrin le « capitaine Belle humeur », célèbre en Dauphiné, et abordé ici dans l’émission Autant en emporte l’histoire, de Stéphanie Duncan du 15 janvier 2017.

Ce 26 mai 1755, depuis tôt le matin, 6000 personnes se sont amassées sur la place des Clercs à Valence. Des curieux sont montés sur les toits, dans les arbres, ou sur des gradins de fortune, loués 12 sols pour l’occasion. Au centre de la place, se dresse un grand échafaud de bois. C’est là que, dans quelques heures, sera exécuté Louis Mandrin, le célèbre contrebandier, celui qui depuis deux ans, sur les routes du Dauphiné, de la Franche-Comté et de la Bourgogne, nargue les fermiers généraux et l’armée du roi. Personne dans la foule ne l’a jamais vu, mais l’on dit que Belle Humeur (c’est son surnom) est beau de visage, blond de cheveux, bien fait de corps, l’esprit vif et d’une hardiesse à toute épreuve… On dit aussi qu’il ne quitte pas son grand chapeau bordé de fils d’or. Deux jours auparavant, la commission de Valence, véritable tribunal d’exception, a condamné à mort Mandrin, par le supplice de la roue, la plus grave des peines infamantes. C’est donc ici, devant la foule, que ce 26 mai 1755 va prendre fin la vie tumultueuse de Mandrin. Mais sa mort marque aussi le début d’une légende, toujours tenace aujourd’hui, celle du bandit au grand cœur qui prend aux puissances de l’argent pour redonner aux pauvres.

L’invité de Stéphanie Duncan est l’historien Benoît Garnot.

La fiction

Louis Mandrin, Capitaine Belle Humeur, une fiction de Christine Spianti.

Tarzan

(à venir)

CorteX_Claude-Levi-Strauss

Ethnologie, anthropologie – Quelques "perles" de Claude Lévi-Strauss

En 1988, Jacques Chancel interrogeait l’ethnologue Claude Lévi-Strauss au micro de France Inter. Le chercheur venait de fêter ses 80 ans, et ne se doutait probablement pas qu’il vivrait jusqu’à pratiquement 101 ans. L’homme, humble, est décédé en octobre 2009, soit plus de 20 ans après cet entretien de la série Radioscopie dont nous reproduisons ici de petits morceaux choisis qui stimulent la réflexion critique, que l’on soit féru d’ethno-anthropologie ou non. A déguster comme des petits Bretzel intellectuels !
Attention : ce sont les « à-côtés » de son travail qui nous intéressent ici. Pour resituer son œuvre, on lira avec intérêt la très courte description « Claude Lévi-Strauss : un parcours dans le siècle« , par Philippe Descola au Collège de France en 2008.


  • Dans ce premier extrait, Claude Lévi-Strauss avoue « ne jamais avoir eu de préoccupations religieuses« , mais avoir appris à être tolérant, par la fréquentation des diverses croyances du monde (*).

  • Dans ce passage, Lévi-Strauss prend bien soin de délimiter son champ de compétence, ce qui est suffisamment rare pour être souligné. « avez-vous eu un maître spirituel », la réponse est manifestement… non. Il répond de ses filiations intellectuelles, notamment Marx. Ni dieu, ni maître, donc mais une influence marxiste très nette et un certain militantisme. L’ethnologue est pourtant assez critique sur un engagement politique, pris dans un dilemme intéressant.

  • Anecdote croustillante, en sortant de l’agrégation de philosophie, Lévi-Strauss s’est acheté un livre d’…. astrologie ! Pourquoi ? réponse ci-dessous.

  • Petite recension des ouvrages du savant.

  • A propos du bazar que la sortie du livre Tristes tropiques créa.
  •  Seconde anecdote, qui témoigne plus de la bêtise du journaliste, qui voit de la perfidie là où il n’y a que constat. Parlant de Simone de Beauvoir, on notera que C. Lévi-Strauss ne verse absolument pas dans le sexisme, mal pourtant répandu dans sa génération intellectuelle (*).

Commentaire de Guillemette Reviron : »dans « La plus belle histoire des femmes » (p. 245), Sylviane Agacinski cite un passage de C. Lévi-strauss dans Tristes tropiques : « Le village entier partit le lendemain dans une trentaine de pirogues, nous laissant seuls avec les femmes et les enfants dans les maisons abandonnées « . Très bel exemple de sexisme ordinaire, dans lequel nous tombons toutes et tous – en quoi rester avec les femmes et les enfants revient à rester « seuls » ?

  • Morceau d’anthologie : Lévi-Strauss parle de psychanalyse, et son analyse est sous un certain nombre d’aspects proches de la nôtre – nous serions toutefois moins cléments que lui sur l’apport de la méthodologie psychanalytique, tant l’histoire en particulier du freudisme est entachée de fraudes diverses (pour en savoir plus, voir Psychologie, philosophie – L’illusion freudienne, par Michel Onfray).

  • Il parle d’une sorte de misanthropie qui l’atteint désormais.

  • Pour finir, cet extrait parlant de la reconnaissance, et du fait que la réputation dont il jouissait n’était pas basée sur ce qu’il aurait lui-même gardé. Cet extrait est d’une modestie tout à fait rare dans des temps où les feux de la rampe éclairent et font chauffer même les crânes les plus remplis.

Les coupes faites dans l’émission sont bien sûr arbitraires. Nous gardons à disposition l’émission pour permettre des comparaisons.

RM

* Hormis ce passage final où C.L-Strauss avance qu’il est « naturel » de respecter les croyances, tombant dans l’argumentaire naturalisant tel que décortiqué ici. Bien sûr, il s’agit d’une façon de parler. Mais les façons de parler sont comme certains gaz toxiques : sournois car inodores ou insipides.