Evolution & créationnisme – Le plus grand spectacle du monde par R.Dawkins

La théorie de l’évolution est une théorie scientifique nous dit-on. Soit. Mais sur quelles preuves se base-t-elle ? Qu’est-ce qui permet de dire qu’elle est plus vraie que fausse ? Comment répondre aux différentes attaques créationnistes (des plus radicales aux plus insidieuses) ? Sur quels exemples s’appuyer lorsque l’on est amené à présenter des faits solides et explicites ? Voilà l’ambition du biologiste Richard Dawkins en publiant Le plus grand spectacle du monde.

Pourquoi ce livre ?

J’avais besoin, je pense, de trouver des réponses simples et rapides à certaines questions, questions tirées de certains arguments (valides parfois, fallacieux le plus souvent) utilisés par les diverses formes de créationnismes et qui me posaient problème. Le résultat est un ouvrage assez complet mais parfois éloigné de l’objectif de départ [1]. Dawkins commence par un détour d’importance concernant le vocabulaire (qu’est-ce qu’une théorie scientifique et pourquoi l’évolution en est une comme les autres), et sur les idées reçues contre lesquelles Darwin et ses successeurs ont dû lutter pour faire entendre leur point de vue. Puis il revient longuement sur les différents aspects de la théorie, notamment avec de nombreux exemples clairs et utilisables. Un passage vraiment captivant traite, par comparaison, de la sélection artificielle et de la sélection naturelle. Un autre concerne l’évolution dans les temps géologiques : Dawkins y accumule les arguments tous plus convaincants les uns que les autres, de la dendrochronologie [2] en passant par toutes les datations basées sur la décroissance radioactive de certains éléments (pour l’âge des fossiles, celui des différentes couches sédimentaires ou bien de la Terre elle-même par exemple). Il présente enfin une série d’expériences permettant de tester les prévisions de la théorie évolutive. C’est un passage vraiment fantastique, notamment quand Dawkins expose en détail l’impressionnante expérience de Richard Lenski et de ses bactéries.

La suite du livre est tout aussi captivante : l’auteur bat en brèche plusieurs arguments créationnistes comme le fameux problème du « chaînon manquant » (qui n’en est pas un), ou de la complexité irréductible (qui n’est pas irréductible).

Mais…

Malgré une attention particulière à ne pas user d’un jargon finaliste ou même « lamarckiste » (Dawkins l’indique à plusieurs reprises), j’ai pu noter plusieurs formulations maladroites : « Comme les doigts individuels n’ont pas à porter de gros poids, ils ne sont pas particulièrement développés » ou « […] les pattes qui se sont modifiées pour porter les ‘ailes’ » (p.305). Attention, je sais qu’il est plus que difficile de construire des phrases sans avoir recours à ces expressions, mais je suis tenté de penser que c’est bien ainsi, en faisant cet effort permanent – et ce d’autant plus dans des livres de vulgarisation ou des documentaires animaliers – que petit à petit, on évitera dès le plus jeune âge de se dire : « Mais alors, le poisson, pour sortir de l’eau, il a transformé ses branchies en poumons ??! »

Denis Caroti

Richard Dawkins, Le plus grand spectacle du monde (The greatest show on Earth)
Editions Robert Laffon (Poche), 514 pages, 2010
10,50 €

[1] Beaucoup de descriptions des mécanismes de l’évolution elle-même sont données par l’auteur.

[2] La dendrochronologie est une méthode de datation basée sur les anneaux de croissance dans le bois des arbres.

De la difficulté d’être darwinien – l’énigme pédagogique des éléphants sans défenses

Voici un extrait de la publication de notre collègue Gérald Bronner « La résistance au darwinisme : croyances et raisonnements » dans la Revue française de sociologie* qui offre un outil magistral aux enseignants.
J’ai (RM) tenté de reproduire l’énigme moi-même dans mes enseignements (voir deuxième partie).

(…)  Si l’on réalisait une enquête pour savoir si les Français adhèrent aux thèses de Darwin, on obtiendrait sans doute des CorteX_Gerald_Bronnerrésultats assez différents de ceux du sondage américain.Il est possible d’imaginer que nos compatriotes se déclareraient plus volontiers darwiniens que leurs voisins d’outre-Atlantique, pourtant il serait sage de rester sceptique face à ces résultats. En effet, pour prendre ce genre de déclarations au sérieux, il faudrait être assuré que le sens commun conçoit clairement ce qu’être darwinien signifie, ce dont il est permis de douter.

Pour tester cette idée, nous avons réalisé une expérimentation (18) qui consistait à soumettre 60 individus à une situation énigmatique qui, précisément, concernait les métamorphoses du vivant. Cette situation réelle avait été relayée, faiblement, par la presse (19) et était de nature à mesurer les représentations ordinaires de l’évolution biologique.

L’énoncé de l’énigme était lu lentement aux sujets volontaires. En plus de cette lecture, cet énoncé était proposé sous forme écrite et l’entretien ne commençait que lorsque le sujet déclarait avoir compris parfaitement ce qui lui était demandé. Il lui était laissé ensuite tout le temps qui lui paraissait nécessaire pour proposer une ou plusieurs réponses à cette énigme. La grille d’entretien avait été conçue pour inciter l’interviewé à donner toutes les réponses qui lui viendraient à l’esprit, attendu que ce sujet n’impliquait pas(en particulier en France), a priori, une charge idéologique ou émotionnelle forte, de nature à susciter des problèmes d’objectivation ou de régionalisation (20).

Trois critères présidèrent à l’analyse de contenu de ces 60 entretiens.

1) Le critère de spontanéité : il consistait à mesurer l’ordre d’apparition des scénarios dans le discours. En d’autres termes, on cherchait à voir quelles seraient les solutions qui viendraient le plus facilement à l’esprit des individus face à l’énigme.

Le critère de récurrence : il consistait à mesurer le nombre d’évocations du même type de scénario dans un entretien.

3) Le critère de crédibilité : à la fin de l’entretien, on demandait à l’interviewé celui, d’entre les scénarios qu’il avait évoqués, qui lui paraissait le plus crédible. On demandait par exemple : « Si vous aviez à parier sur l’une des solutions de l’énigme que vous avez proposées, laquelle ferait l’objet de votre mise ? »

Ces critères furent mobilisés pour mesurer les rapports de force entre les différents discours possibles, les solutions imaginées, pour résoudre l’énigme.

J’ai retenu, en outre, le critère d’évocation simple qui mesurait le nombre de fois où un scénario avait été évoqué globalement, sans tenir compte de l’ordinalité ou des récurrences dans les différents discours et un critère d’évocation pondérée qui croisait le critère de spontanéité et celui de récurrence (21).

La population des sujets de l’expérimentation fut échantillonnée selon deux éléments.

  1. Le diplôme : tous les interviewés devaient être titulaires du baccalauréat. On s’assurait ainsi qu’ils avaient tous été familiarisés avec la théorie de Darwin, à un moment ou à un autre de leur scolarité.
  2. L’âge : la règle préliminaire de cette enquête était de mettre en œuvre l’idée d’une dispersion. Pour contrôler cette dispersion autour des valeurs centrales (l’âge moyen était de 37 ans), j’ai rapporté l’intervalle interquartile à l’étendue. Le premier représentant plus de 50 %(59 %) de la seconde, on s’assurait ainsi d’éviter des phénomènes de concentration des âges. Cette expérimentation fut menée de novembre 2005 à janvier 2006, principalement auprès de personnes vivant en Île-de-France (N = 49), et tous en Métropole(Lorraine N = 4, Haute-Normandie N = 4, Midi-Pyrénées N = 3). Cette population était composée de 33 femmes et 27 hommes, de cadres, professions intellectuelles et supérieures (N = 14), de professions intermédiaires (N = 17), d’employés (N = 7), d’étudiants (N =11), de chômeurs(N = 5), de retraités (N = 4), d’un agriculteur exploitant et d’une femme au foyer.

Cette situation énigmatique, tirée d’un fait réel (22), fut donc soumise à ces 60 personnes sous la forme suivante :

« À l’état sauvage, certains éléphanteaux sont porteurs d’un gène qui prévient la formation des défenses. Les scientifiques ont constaté récemment que de plus en plus d’éléphanteaux naissaient porteurs de ce gène (ils n’auront donc pas de défenses devenus adultes). Comment expliquez cette situation ? »

Vous pouvez tenter de répondre à cette question. Puis cliquez .

* Bronner G., La résistance au darwinisme : croyances et raisonnements, Ophrys, Revue française de sociologie 2007/3 – Volume 48. Télécharger. Avec l’aimable autorisation de Gérald Bronner.

(18) Je remercie ici la promotion de maîtrise de sociologie de l’université Paris-Sorbonne 2005 sans l’aide matérielle de laquelle cette recherche eût été beaucoup affaiblie.

(19) Un encart de quelques lignes dans Libération (19/07/2005).

(20) Blanchet et Gotman (1992).

(21) Cette mesure n’est pas sans évoquer ce que les psychologues sociaux nomment l’analyse prototypique et catégorielle qui consiste à croiser le rang d’apparition de l’élément et sa fréquence dans le discours et à effectuer ensuite une typologie autour d’éléments sémantiquement proches. Un classement d’éléments cognitifs peut alors être obtenu soulignant le caractère central de certains d’entre eux. Sur ce point voir Vergès (1992, 1994).

(22) Sa réalité était sans doute un avantage, un autre était que le fait était passé presque inaperçu. On ne pouvait donc pas s’attendre à ce que les interviewés connaissent la solution de cette énigme comme cela aurait pu être le cas si j’avais choisi de les faire réfléchir sur la célèbre « affaire » des papillons Biston betularia, plus connus sous le nom de « géomètres du bouleau » ou « phalène du bouleau », dont le phénotype dominant changea au XIXe siècle dans la région de Manchester. Cette constatation inspira une expérience fameuse, menée entre 1953 et 1955 par le biologiste Bernard Kettlewell, et relatée dans tous les manuels de biologie évolutive. Cette recherche fournit, pour la première fois, la preuve expérimentale de l’existence de la sélection naturelle.

Biologie, neurosciences – Petite histoire naturelle des différences sexuelles, par C. Brandner

Faire appel à des différences d’ordre « naturel » entre deux groupes de population (juifs et aryens, noirs et blancs, hommes et femmes) est un procédé récurrent pour asseoir et légitimer une domination et des différences de droits. Mais c’est moins la véracité de ces différences dites naturelles que le mécanisme argumentatif qui les sous-tend qui nous intéresse d’habitude. Lorsque nous abordons le sexisme en cours ou en atelier, nous rentrons donc rarement dans ce type de débat. Pour prendre un exemple parmi tant d’autres, plutôt que de discuter sur le sens et la validité scientifique de l’affirmation « les femmes sont moins fortes que les hommes », nous préférons discuter de la question « en quoi le fait que les femmes soient moins fortes en moyenne que les hommes légitime-t-il (ou non) que la moyenne des revenus des hommes soient 50% plus élevée que celle des femmes, qu’il n’y ait que 25% de femmes à l’assemblée nationale, qu’il n’y ait qu’une minorité de sages-femmes masculins et de femmes saxophonistes dans le jazz ?, etc « 
Pourtant, nous avons décidé de faire une exception et de revenir ici sur ces différences entre les hommes et les femmes. D’abord parce qu’il y a beaucoup d’idées reçues sur le sujet, ensuite parce que la publication de l’article Sélection commentée de ressources sur le genrea suscité des questionnements* sur l’influence du combat féministe dans les interprétations des dernières connaissances en neurosciences. Les chercheurs militants ont-ils tendance à interpréter exagérément les dernières connaissances en neuroscience (notamment sur la plasticité cérébrale) dans le sens d’une minimisation des différences naturelles entre les hommes et les femmes ? Si nous rêvons de voir un jour disparaître les différences de droits entre les sexes, nous souhaitons avant tout le faire sur des bases solides. Pour tenter de minimiser toute intrusion idéologique sur ce sujet, nous nous sommes tournés vers Catherine Brandner, chercheure au Laboratoire de Recherche Expérimentale sur le Comportement (LERB) de l’Université de Lausanne, qui a accepté de faire un bilan des connaissances scientifiques actuelles sur le sujet. 

Guillemette Reviron

* Merci à Franck Ramus, chercheur en sciences cognitives à l‘Ecole Normale Supérieure, pour cette démarche ainsi que ses commentaires sur cet article.


Sommaire


Préambule

Introduction

I. Sexe et genèse

Sexe et chromosomes : quelques mécanismes à l’origine de dimorphismes sexuels dans les organes

Hormones sexuelles et cerveau

Dimorphisme sexuel cérébral

II. Différences sexuelles, cerveau et aptitudes cognitives

Différences sexuelles, cognition et comportement

Conclusion


Préambule

Bien que les connaissances ne cessent de progresser, la question des différences sexuelles reste un sujet de débat. La polémique est le plus souvent alimentée par des opinions divergentes concernant la présence ou au contraire l’absence de différence entre les sexes, et ceci souvent sur un fond idéologique créateur de confusion.
Afin de clarifier cette situation, il est nécessaire de rappeler qu’une question scientifique se traite dans un cadre théorique qui fournit une structure potentielle d’explication. Ce cadre permet de clarifier et de définir les concepts ou les objets d’une recherche afin de pouvoir les analyser. De ce point de vue, l’étude des différences sexuelles se divise en différents champs de recherche caractérisés par leurs objets et leurs méthodes spécifiques. Par exemple:

  • la biologie moléculaire cherche à expliquer l’origine des chromosomes sexuels et les mécanismes liés à leurs gènes
  • la neuroendocrinologie cherche à expliquer comment les hormones sexuelles sont en mesure de façonner le cerveau
  • les neurosciences cherchent à expliquer comment le sexe modèle le cerveau tant du point de vue de sa structure (architecture) que de ses propriétés fonctionnelles
  • la psychologie expérimentale cherche à isoler certaines variables ou fonctions cognitives afin d’étudier le comportement des hommes et des femmes
  • les études genre cherchent à expliquer comment le sexe influence les rapports sociaux, le pouvoir et la discrimination qui en découle

Ces quelques exemples n’ont pas la prétention d’être exhaustifs. Ils visent à montrer que discuter des différences sexuelles demande de préciser l’objet, en tant que partie de la réalité que l’on cherche à expliquer, afin de se détacher du passionnel ou du normatif.


Introduction

Depuis quelques années, les neurosciences alliées à la biologie moléculaire manifestent un regain d’intérêt pour l’investigation des différences entre les sexes chez l’humain. Cet effet repose pour l’essentiel sur le développement de nouvelles technologies (séquençage, biopuces, imagerie cérébrale, tractographie) permettant de mieux décrire les mécanismes liés aux chromosomes et aux hormones sexuelles mais aussi de mieux retracer leur histoire évolutive. Ces développements nous obligent à constater que les différences sexuelles sont beaucoup plus largement répandues que nous pouvions le penser jusqu’ici. Par exemple, des découvertes récentes indiquent que la prévalence, le déroulement et la sévérité de maladies communes comme les maladies cardio-vasculaires, les maladies auto-immunes ou les pathologies cérébrales ne sont pas semblables chez les femmes et les hommes, et que ces différences pourraient être dues à une régulation des gènes (ensemble des mécanismes biochimiques aboutissant à la production de molécules nécessaires à la fabrication des protéines) qui diffère entre les sexes (35).
Comprendre d’où viennent ces différences sexuelles et comment elles agissent demande de se pencher sur des mécanismes compliqués que la science commence à pouvoir expliquer. L’objectif de ce texte est de fournir des explications simplifiées de quelques mécanismes compliqués à l’origine des différences sexuelles, et de montrer comment ces derniers façonnent le cerveau au cours du développement et donnent lieu à des variations tant structurelles, fonctionnelles, qu’adaptatives. Une fois ces différences décrites, et considérant que la fonction prioritaire du cerveau est de traiter de l’information, la question se pose de savoir si ces variations sont à l’origine de différences d’aptitudes ou de raisonnement entre les sexes. Afin d’y répondre, la seconde partie du texte cherchera à évaluer comment certains dimorphismes cérébraux pourraient offrir la possibilité de résoudre un même problème à l’aide de différentes stratégies cognitives.


I. Sexe et genèse

Sexe et chromosomes : quelques mécanismes à l’origine de dimorphismes sexuels dans les organes

Le caryotype (arrangement standard de l’ensemble des chromosomes) du génome (ensemble du matériel génétique codé dans l’ADN d’un individu) est constitué de paires de chromosomes homologues appelés autosomes et, pour les espèces à reproduction sexuée, d’une paire de chromosomes sexuels appelés hétérochromosomes ou gonosomes. Chez les mammifères, l’étude de l’origine de ces chromosomes sexuels semble indiquer qu’ils dérivent d’une paire d’autosomes présent chez un ancêtre vertébré qui, au cours de l’évolution, a accumulé des différences et des spécialisations (41,46)

Chez les mammifères y compris l’humain, cette histoire évolutive se traduit par la présence de deux caryotypes distincts où la 23e paire de chromosomes est homogamétique XX pour un individu femelle et hétérogamétique XY pour un individu mâle. Comparativement, les chromosomes X et Y se distinguent par leur taille (le chromosome X étant beaucoup plus grand que le chromosome Y) mais aussi par leur contenu en gènes (environ 6% des gènes du génome pour le chromosome X et environ 2% pour le chromosome Y). Ces différences indiquent que le chromosome X a été fortement conservé au cours des différentes étapes évolutives alors que le chromosome Y a perdu beaucoup d’ADN par la suppression de recombinaisons. D’un point de vue fonctionnel, cette divergence a restreint, pour l’essentiel, le rôle du chromosome Y à porter un gène (SRY) dont la transcription et la traduction avec d’autres gènes aboutissent à la différenciation des gonades de l’embryon en testicules (différentiation sexuelle) alors que la majorité des gènes du chromosome X n’est pas impliquée dans les caractéristiques sexuelles.

L’ADN, présent dans tous les noyaux des cellules vivantes, renferme l’ensemble des informations nécessaires au développement et au fonctionnement d’un organisme. Chez les organismes sexués, chaque gène comporte deux versions, appelées allèles, dont l’une est issue du père et l’autre de la mère. L’expression des gènes repose sur un ensemble de mécanismes de régulation permettant de transposer l’information génétique contenue dans une séquence d’ADN en protéine. Les caryotypes XX et XY divergeant par leur contenu potentiel en gènes, ce déséquilibre est compensé par des mécanismes spécifiques comme la compensation du dosage de gènes et l’empreinte parentale : le mécanisme de compensation du dosage des gènes liés au chromosome X se produit durant les stades précoces du développement embryonnaire. Il correspond à l’inactivation aléatoire et permanente de l’un des deux chromosomes X (Xm maternel ou Xp paternel) dans chaque cellule somatique des embryons femelles. Ce mécanisme temporaire est ensuite relayé par un mécanisme épigénétique (modification transmissible réversible sans modification de la séquence ADN) appelé «empreinte génomique parentale» conduisant à une expression différentielle des allèles d’un gène en fonction de sa provenance maternelle ou paternelle (5). Comme le mécanisme d’inactivation n’est pas parfait, certains gènes (estimés à environ 15% chez l’humain) portés par le chromosomes X silencieux échappent à l’inactivation. Ce phénomène permet l’expression de gènes provenant à la fois du gène X maternel et paternel. Ainsi, les femmes présentent des populations de cellules mosaïques (ayant une composition allélique différente) ce qui n’est pas le cas chez les hommes. Cette différence est pensée comme l’origine des dimorphismes sexuels observés dans divers organes mais aussi dans le cerveau (216334050).

Un exemple classique pour illustrer ce phénomène de cellules mosaïques est celui de la chatte à taches tricolores dont le pelage est le résultat de l’expression des allèles gouvernant la couleur rouge et la couleur noire alors que celui du mâle ne présente que l’expression de l’allèle gouvernant soit la couleur rouge soit la couleur noire (pour plus de détail voir l’illustration 2 in Arnold, 2004, pp. 3).

Hormones sexuelles et cerveau

Durant l’embryogenèse, l’expression différentielle des gènes portés par les chromosomes sexuels alliée à l’action des hormones sexuelles est à l’origine de la différentiation sexuelle morphologique. Dans les deux sexes, la crête génitale constitue l’ébauche gonadique primitive qui, une fois enrichie par les cellules germinales primordiales (destinées à former les spermatozoïdes et les ovocytes), va permettre le développement de gonades sexuellement différenciées. Chez l’embryon de sexe masculin (XY), c’est au cours de la  septième semaine de gestation, sous l’influence d’une cascade d’événements génétiques impliquant le gène SRY situé sur le chromosome Y, que la gonade indifférenciée se développe en testicules ; le développement des ovaires, lui, commence autour de la huitième semaine pour être reconnaissable autour de la dixième semaine. Chez l’embryon de sexe masculin, l’augmentation importante de la production et de la sécrétion de testostérone par les testicules, entre la  neuvième et la dixième semaine, produit la masculinisation de l’embryon et donc le développement d’un phénotype masculin. En l’absence de chromosome Y, et donc du gène SRY, on observe le développement d’un phénotype féminin. Ces phénomènes conditionnent les facteurs génétiques et hormonaux de la détermination du sexe (23).

Après la naissance, et chez le garçon, la testostérone continue à circuler à des concentrations élevées pour devenir indétectable vers l’âge de 6 mois et reprendre de l’activité à la puberté. Chez la fille, la testostérone est présente juste après la naissance puis chute ensuite très rapidement (elle provient du placenta d’une part et de la production surrénalienne de la mère en réponse au stress physiologique de l’accouchement). À la puberté, la testostérone est à nouveau sécrétée faiblement dans la circulation sanguine par l’ovaire et les glandes corticosurrénales (10). Durant la phase précoce du développement post-natal, la testostérone opère des fonctions liées au développement cérébral (3,8).

Cette action spécifique est le produit de la conversion de la testostérone en œstradiol par une enzyme, l’aromatase, produite par les neurones et les astrocytes (cellule de support et de protection des neurones). Cette conversion permet d’activer des récepteurs aux œstrogènes, lesquels, durant cette période, sont largement distribués dans le système nerveux (4).

Cette cascade d’événements cellulaires opère un modelage du cerveau impliquant (7) :

  • les chromosomes sexuels et les mécanismes liés à leurs gènes
  • la différenciation de cellules souches en neurones fonctionnels (i.e. neurogenèse)
  • la croissance dendritique (i.e. le prolongement divisé du corps cellulaire des neurones ressemblant à un arbre et ayant pour fonction de recevoir et de transmettre les potentiels d’action)
  • la croissance des axones (i.e. prolongement des neurones) et de leurs projections qui permettent de transmettre l’information (potentiels d’action)
  • l’apoptose qui régule la destruction ciblée de cellules cérébrales non fonctionnelles
  • l’élagage synaptique correspondant à la suppression des synapses afin d’optimiser le traitement des informations neuronales
Question – Y a-t-il des différences selon les sexes dans cette étape ?Réponse de C. Brandner –   Il ne faut pas oublier que la différence existe dès la conception avec l’union des chromosomes sexuels (XX et XY). D’un point de vue cérébral, le remodelage sexué du substrat neuronal au cours du développement dépend de la présence ou de l’absence du gène SRY et des gènes associés (chromosome Y). Ainsi, le développement cérébral féminin typique dépend prioritairement de l’absence des gènes liés au chromosome Y et de l’absence d’hormone testiculaire (testostérone).

Quant au remodelage, et comme nous le verrons plus loin, tant la chronologie que les régions où se déroulent ces actions varient entre les sexes. Ces variations sont à l’origine des différences de taille de certaines régions cérébrales, du nombre de neurones, des patrons de connexions synaptiques et de la distribution des récepteurs aux neurotransmetteurs.

L’adolescence est une autre période de développement durant laquelle les hormones sexuelles opèrent un remodelage structurel du cerveau par les mêmes mécanismes. Ainsi, la puberté et l’élévation de la sécrétion d’hormones sexuelles qui l’accompagne, sont considérées comme une période clé pour l’établissement de connexions cérébrales et des réseaux neuronaux fonctionnels. Par exemple, il a été montré que les hormones ovariennes (œstradiol et progestérone) sont en mesure d’améliorer à la fois la connectivité fonctionnelle cortico-corticales (connexions entre différentes parties du cortex cérébral) et sous-cortico-corticale (régions situées en dessous de la couche de cortex cérébral) alors que les androgènes (testostérone) sont en mesure de diminuer la connectivité sous-cortico-corticale mais aussi d’augmenter la connectivité fonctionnelle entre les aires cérébrales sous-corticales (39).

Il important de rappeler que la puberté correspond à un signal de maturité pour la reproduction correspondant à la capacité à produire des gamètes matures. Ce signal dépend à la fois de facteurs internes mais aussi de facteurs externes tant sensoriels, sociaux, qu’environnementaux (relation aux autres, disponibilité de partenaires potentiels, stress, nutrition, pollutions) lesquels sont intégrés et évalués par le système nerveux central avant de déclencher les mécanismes responsables de la puberté.

Cette précision indique que l’initiation de la puberté doit plutôt être considérée comme un mécanisme cérébral plutôt que comme un mécanisme gonadique. Elle permet aussi d’expliquer pourquoi certains signes liés à la puberté varient en fonction de l’environnement mais aussi pourquoi ils sont exprimés malgré l’absence de fonction normale des gonades (45)

 
Question – Cela veut dire qu’on peut avoir l’air pubère sans testicules ?Réponse de Catherine Brandner – Je ne sais pas s’il existe des humains sans gonades par contre il existe une variabilité dans la composition des chromosomes sexuels dont les plus fréquentes sont des individus XXY, XO, XYY, XXYY, les hommes XX, et les femmes XXX et d’autres variations dues à des modifications métaboliques comme le déficit de la synthèse du cortisol dans les glandes corticosurrénales (hyperplasie congénitale surrénalienne), le syndrome d’insensibilité aux androgènes, le déficit en 5-alpha réductase (enzyme). Ces variations impliquent le plus souvent des modifications anatomiques parfois accompagnées de modifications des fonctions cognitives et de l’adaptation sociale. Pour une idée plus précise de l’influence de ces variations génétiques, on pourra lire la revue de littérature de Blackless et al. (2000) (52).
Question – En quoi et comment l’environnement social influe-t-il la puberté ?Réponse de Catherine Brandner – Une fois encore, cette question demanderait un développement à part. Il est premièrement important de mentionner que les facteurs sociaux de ces études peuvent être contrôlés. A titre d’exemples, des études ont montré que la maturation sexuelle varie en fonction des soins parentaux , de la présence de partenaires sexuels potentiels, ou encore des traditions en matière de mariage.Un phénomène intéressant à mentionner en regard à la théorie de l’évolution et des facteurs sociaux est l’effet du sex-ratio (taux d’hommes et de femmes au sein d’une population). Lorsqu’il est asymétrique (moins d’hommes que de femmes), il semble accélérer la maturation sexuelle féminine. Les études de populations ont montré que le sex-ratio exerce une influence sur l’espérance de vie des hommes. Lorsqu’il y a plus de femmes que d’hommes, leur longévité semble s’accroître alors que lorsque l’asymétrie s’inverse leur longévité diminue. Pour une idée plus précise de l’influence de ce facteur, on pourra lire Jin et al (2010) (54).

Finalement, le stress dû à des facteurs sociaux ou environnementaux (par exemple la malnutrition) est susceptible d’interagir avec les mécanismes de la reproduction (par exemple un retard pubertaire). Ces phénomènes semblent résulter de l’interaction multiple de deux axes de régulation hormonale: l’axe HPA (hypothalamus-hypophyse-glandes surrénales) correspondant au système de la réponse hormonale au stress et l’axe HPG (hypothalamus – hypophyse – gonades) correspondant au système hormonal de la reproduction. Par exemple, le retard pubertaire observé en cas de malnutrition semble lié à l’action du stress sur le système hormonal de reproduction. Pour une idée plus précise de l’influence des facteurs sociaux, on pourra lire Ellis (2004) (53).

Question – Certaines expériences  prétendent montrer que la testostérone serait liée/corrélée à l’agressivité chez les hommes. Que penses-tu de ces expériences ?Réponse de Catherine Brandner – Il m’est difficile de répondre à cette question sans références spécifiques et donc en l’absence de données. D’anciens papiers voulaient lier le taux de testostérone à l’agressivité à partir de l’observation de certains comportements compétitifs en vue de l’accouplement chez d’autres espèces (par exemple les oiseaux). Ces études ne considéraient pas les relations existantes entre les différents systèmes de régulation comme les axes HPA et HPG que nous avons mentionnésprécédemment. Elles ne permettent donc pas d’évaluer la possible relation entre certains traits de personnalité et la réponse au stress.Des études plus récentes plaident en défaveur de l’hypothèse liant la testostérone à l’agressivité. Ces résultats ont conduit les chercheurs à réviser l’hypothèse d’origine, laquelle était sans doute bâtie sur une interprétation erronée du comportement animal, en proposant que le taux de testostérone correspond à un marqueur de succès social plutôt qu’à un déficit d’ajustement comportemental. Par exemple, des études menées chez le sujet adolescent indiquent que de jeunes garçons perçus comme socialement dominantset populaires présentent des taux plus élevés de testostérone. A l’inverse, des garçons socialement mal perçus et ayant été brutalisés par leurs pairs durant leur enfance présentent des taux peu élevés de testostérone comparativement à un groupe de contrôle. D’autre part, l’administration de testostérone chez le sujet adulte présentant un déficit de synthèse de cette hormone modifie son comportement sexuel mais aussi son humeur en diminuant son score  sur une échelle de dépression. Pour une revue de la question, on peut lire Archer (2006) (51).

 

Dimorphisme sexuel cérébral

Avant d’aborder les différences sexuelles cérébrales, il convient de rappeler que les tissus du système nerveux central (cerveau et moelle épinière) sont dissociés en matière blanche et matière grise. Il convient peut-être aussi de préciser que ces adjectifs colorés n’ont aucune fonction symbolique mais proviennent des premières observations anatomiques où, après fixation, certaines parties du cerveau sont de couleur blanche alors que les autres ont un aspect grisâtre. Ces couleurs sont dues à la composition des cellules de ces tissus. Brièvement, la matière blanche (myéline) est une graisse qui sert à protéger et isoler les fibres nerveuses (axones) et à accélérer la vitesse de conduction du signal neuronal (potentiels d’action) ; la matière grise quant à elle se compose essentiellement des corps cellulaires et des dendrites responsables de la réponse aux stimulations par leur conversion en potentiels d’action et la propagation de ce signal.
Développement cérébral
Le développement cérébral est le produit d’une cascade d’événements cellulaires ayant pour origine les gènes.

  • Matière grise
    Du point de vue neuroanatomique, la matière grise commence par croître pour ensuite décroître, faisant ressembler sa courbe développementale à un U inversé. Les pics de volume de la matière grise varient avec l’âge et les régions cérébrales. Par exemple, les lobes pariétaux et occipitaux atteignent leur maturation plus rapidement que les lobes frontaux et temporaux lesquels se développent jusqu’à l’âge adulte. Ces différences de développement impliquent aussi une différences de maturation des fonctions cognitives. Ainsi, les fonctions sensorielles primaires (comme la vision ou l’audition) atteignent leur maturité plus rapidement que les fonctions exécutives (comme la planification ou le raisonnement) ou les capacités d’associations sensorielles (traitement multimodal de l’information). Hormis l’âge, le sexe influence les pics de développement cérébraux. Ainsi, les pics de volume de matière grise sont atteints plus précocement chez les filles que chez les garçons comme pour le début de la puberté(20,37,38).
  • Matière blanche
    La matière blanche croît de manière linéaire jusqu’à l’âge adulte. Les connaissances actuelles laissent supposer que cette évolution de la matière blanche est liée au développement de réseaux neuronaux fonctionnels, lesquels se caractérisent par l’activation conjointe de régions cérébrales anatomiquement séparées (19).
    Comme pour la matière grise, les pics de développement de la matière blanche varient en fonction de l’âge, des régions et en fonction du sexe. Durant l’adolescence, la croissance de la matière blanche est plus rapide et se poursuit plus longtemps chez les garçons que chez les filles (21, pour une visualisation de ces développements: http://www.nimh.nih.gov/videos/press/prbrainmaturing.mpeg).


Age adulte

Ce modelage différentiel du cerveau durant le développement est maintenu à l’âge adulte. A ces différences morphologiques globales s’ajoutent d’autres dimensions fonctionnelles comme la neurotransmission ou la réponse métabolique à l’expérience (15). Du point de vue de l’anatomique macroscopique, le cerveau des hommes est plus gros et plus lourd que celui des femmes. Les études morphométriques, pondérées par la taille et le poids, confirment que la proportion matière grise/matière blanche de diverses régions cérébrales diffère de manière significative entre les sexes. En moyenne, le cerveau des femmes contient un pourcentage plus élevé de matière grise alors que celui des hommes contient un pourcentage plus élevé de matière blanche et de liquide céphalo-rachidien (12).


II. Différences sexuelles, cerveau et aptitudes cognitives

L’étude de ces différences neuroanatomiques entre les sexes est particulièrement intéressante eu égard aux croyances largement répandues concernant les capacités cognitives (28). Ces capacités sont le plus souvent mesurées par des tests de quotient intellectuel (QI) qui correspondent à des corrélations positives entre différents tests d’aptitudes cognitives (verbales, spatiales, numériques pour l’essentiel) donnant lieu à une nouvelle variable (non corrélée) appelée facteur g (27,18, pour plus de détails voir la figure 1 et la boîte 2 de la référence 17 et pour une discussion sur les limites de l’utilisation des tests de QI, Gauvrit (2010).)

Les neurosciences ont contribué à la compréhension des bases biologiques responsables des   capacités cognitives chez l’humain et permis d’identifier les principaux circuits cérébraux impliqués dans cette fonction. De plus, les études de neuroimagerie ont permis d’évaluer comment le dimorphisme cérébral module l’intelligence générale mesurée par le facteur g. Les principaux résultats peuvent être résumé de la manière suivante. L’article de revue de Deary et collaborateurs (17) permet de résumer les principaux résultats issus de ces recherches.

  • Matière grise
    Chez les hommes, le facteur g est plus fortement corrélé au volume de matière grise des lobes fronto-pariétaux alors que chez les femmes, ce paramètre est plus fortement corrélé avec la matière blanche d’une part et la matière grise de l’aire de Broca (l’une des principales aires cérébrales responsable du langage). Les mesures d’épaisseur corticale (corps cellulaires des neurones et des cellules gliales formant la matière grise) indiquent que le facteur g corrèle plus fortement avec les régions frontales chez les femmes alors que ce paramètre corrèle plus fortement avec l’épaisseur corticale du lobe temporal occipital chez les hommes.
  • Matière blanche
    Concernant les liens entre la matière blanche et le facteur g, son intégrité semble plus importante chez les femmes que chez les hommes. Certaines études ont même montré une corrélation négative entre ce facteur et la matière blanche fronto-pariétale chez les hommes après la puberté. Pour expliquer cette dernière différence, l’hypothèse a été posée que, chez les hommes, les fonctions cognitives dépendent d’un nombre de fibres plus restreint, ce qui suppose que les axones des hommes sont plus épais et plus étroitement liés que chez les femmes.  
  • Efficacité neuronale
    Hormis ces différences de corrélations entre le substrat cérébral et le facteur g, certaines études se sont penchées sur l’efficacité neuronale, mesurée par l’activation cérébrale électroencéphalographique (EEG) lors de résolution de tâches cognitives. Ces patrons d’activations ont montré que, lors de la résolution de tâches spatiales de difficulté moyenne, le cerveau des hommes est moins actif que celui des femmes. Inversement, lors de la résolution de tâches verbales de difficulté moyenne, le cerveau des femmes est moins actif que celui des hommes. Ces résultats indiquent que l’indice d’efficacité neuronale (activité cérébrale réduite pour résoudre une même tâche) varie entre les sexes en fonction du type de tâches. Ces résultats concordent avec les différences sexuelles comportementales, où, en moyenne, les hommes montrent un avantage pour les tâches spatiales alors que les femmes montrent un avantage pour les tâches verbales (15).
 
Question – Ces études montrent-elles des différences indépendamment de l’environnement social ?   Réponse de C. Brandner –  Pour répondre à cette question le terme environnement social devrait être précisé afin qu’il puisse être opérationnalisé. Des variables comme la malnutrition et l’absence de soins parentaux suffisants engendrent des réponses de stress susceptibles de modifier le développement cérébral. Il faut cependant relever que les études IRM ou EEG publiées dans des journaux scientifiques concernent des populations contrôlées pour un certain nombre de variables. Ainsi, les personnes présentant un QI inférieur à la moyenne, des maladies cardiaques, cérébrales et psychiatriques sont exclues des échantillons. Les études les plus récentes contrôlent même une partie de l’histoire embryonnaire en excluant des personnes issus de mères présentant des problèmes de dépendance à des substances comme l’alcool.

Différences sexuelles, cognition et comportement

L’étude comportementale des différences sexuelles vise à dégager des différences entre les sexes pour le traitement de certaines informations. Afin d’y parvenir, certaines variables cognitives (capacité verbale, capacité spatiale, capacité numérique par exemple) sont isolées et manipulées dans le but de dégager en quoi les hommes et les femmes diffèrent. Chacune de ces recherches peut fournir des arguments en faveur et contre l’hypothèse que le sexe influence les comportements. Cette divergence a souvent été prise comme argument pour nier la fiabilité de ce type de recherche. Cependant, et pour que cette critique soit valide, elle devrait être basée sur la comparaison d’études exactement comparables (i.e. participants, matériel et procédure expérimentale, analyses de données) ce qui demanderait des réplications d’expérience plutôt que le développement de nouveaux protocoles. Les méta-analyses sont un moyen pour pallier à cette difficulté en compilant un grand nombre d’études afin de tenter de dégager une vision plus claire de ces différences (11).

En regard des différences sexuelles, le comportement spatial a donné lieu à un très grand nombre de débats dont une partie concerne les modèles évolutionnistes que nous n’aborderons pas ici car ils méritent un développement propre (voir à ce sujet les suggestions de lecture proposées en fin de texte) . Ce comportement est un bon exemple pour illustrer les variations cognitives pouvant exister entre les hommes et les femmes. La mesure des capacités spatiales à l’aide de tests spécifiques indique qu’en comparaison des femmes, les hommes présentent en général un avantage pour résoudre des tâches de rotation mentale. A l’origine, cette capacité a été mesurée à l’aide d’un test qui demande de manipuler et transformer des figures géométriques (47,1 pour le test et son évalutation). Cependant, la poursuite de l’investigation de cette capacité par la modification du matériel de base (stimuli bidimensionnels simplifiant la tâche, utilisation d’images d’animaux en lieu et place de stimuli géométriques, ou utilisation d’un environnement virtuel impliquant une activité motrice) indique que du point de vue comportemental, cette différence peut être supprimée.

Les résultats des différentes études de la rotation mentales ont été interprétés comme une différence de stratégie utilisée pour résoudre une tâche de rotation mentale. Selon cette hypothèse, les hommes privilégient une stratégie globale où l’objet est traité en tant que configuration à comparer avec un objet témoin, alors que les femmes adoptent une stratégie locale consistant à comparer les détails de l’objet mémorisé avec les détails de l’objet témoin. Les études neuroanatomiques soutiennent cette hypothèse, qui implique que ces deux stratégies diffèrent en terme de charge mnésique, puisqu’elles ont montré qu’à performance égale, l’activité cérébrale (mesurée par électroencéphalographie ou par imagerie cérébrale) des femmes est plus élevée que celle des hommes lors de la réalisation de ce type de tâche (14,29,30,36).

La mesure des habiletés spatiales à l’aide de tests impliquant la capacité de se souvenir de la position qu’occupait un objet particulier dans un ensemble d’objets indique qu’en comparaison des hommes, les femmes présentent en général un avantage pour ce type de tâche (44). Cependant, si l’ensemble des stimuli correspond à des catégories objets de type masculin (par exemple after-shave), objets de type féminin (par exemple rouge à lèves), et objets neutres (par exemple crayon), les femmes et les hommes se souviennent plus des objets congruents avec leur propre sexe, et l’avantage des femmes pour ce type de tâche disparaît (13).

Question – Si on laisse les sujets s’entraîner pendant quelques semaines, les différences de capacités disparaissent-elles aussi ?

Réponse de C. Brandner – Absolument. Cependant, si l’on compare le nombre d’essais nécessaires pour atteindre une performance asymptote, on retrouvera la différence entre les sexes.


Dans un contexte plus large, et plus proche de la vie quotidienne, la mémoire spatiale est évaluée à l’aide de tests d’orientation et de navigation spatiale. Ces recherches indiquent que si les hommes comme les femmes savent s’orienter, les moyens mis en œuvre pour y parvenir sont différents. De manière générale, les recherches indiquent que les femmes utilisent plus volontiers la position des points de repère alors que les hommes utilisent plus volontiers les informations géométriques fournis par l’environnement (24,34,43). Ces différences entre les sexes suggèrent que les femmes et les hommes développent différentes stratégies cognitives pour résoudre les problèmes qu’ils rencontrent, et que ces différences de stratégies pourraient avoir pour origine le dimorphisme sexuel cérébral. Cette hypothèse est soutenue par des études d’imagerie cérébrale fonctionnelle indiquant que les différences entre les femmes et les hommes dans l’utilisation de points de repère et d’informations géométriques sont liées à l’activation de différents circuits cérébraux (22).

Prises dans leur ensemble, ces recherches sont intéressantes à plus d’un titre. Du point de vue des neurosciences, elles permettent d’affiner le concept de plasticité cérébrale. Il est tout aussi fondamental de rappeler que durant de nombreuses années, le cerveau adulte a été vu comme un organe qui n’était pas susceptible de changer. Cette hypothèse a été abandonnée au profit de la notion de plasticité neuronale correspondant à des modulations fines du substrat cérébral lequel varie entre les individus. La plasticité cérébrale correspond à la réorganisation  des connexions et des circuits cérébraux suite à un apprentissage. Depuis quelques années, ce concept a été généralisé au point de considérer le cerveau comme un organe en perpétuelle reconstruction. Cet argument a parfois été utilisé pour remettre en question la robustesse de l’hypothèse du dimorphisme sexuel cérébral. Cependant, si cette plasticité dépendante de l’expérience s’exerce tout au long de notre vie, elle le fait sur un substrat cérébral dont l’organisation générale est déterminée par le génome de l’individu. Comme nous l’avons vu, ce génome comporte une paire de chromosomes sexuels à l’origine d’une cascade d’événements qui engendrent des différences sexuelles tant corporelles que cérébrales. Sans entrer dans les détails, il est peut-être important de rappeler que la plasticité neuronale s’exerce par l’activation de récepteurs cérébraux, et que, parmi ces derniers, les récepteurs aux œstrogènes jouent un rôle majeur. Par exemple, les personnes atteintes du syndrome de Turner (maladie chromosomique caractérisée par l’absence d’unchromosome X), qui induit une déficience en œstrogène, présente des modifications de la répartition du volume de matière grise dans différentes régions cérébrales et une réduction de la cognition visuospatiale (9). De même, les thérapies de supplémentation en œstradiol chez la femme ménopausée atténuent les pertes de matière grise due à l’âge (32). La testostérone exerce aussi ces effets neurotrophiques par l’activation de la voie des androgènes et le mécanisme de l’aromatisation. Finalement, les études morphométriques chez le sujet âgé indiquent que le dimorphisme sexuel cérébral est maintenu par le biais de l’expression différentiel des gènes dans le cerveau (6,42).

Question – Les cerveaux des hommes et des femmes sont différents à la naissance et le restent tout au long de la vie et, comme tu viens de nous l’expliquer, les chromosomes, les gènes et les hormones sont à l’origine des ces différences. Par ailleurs, les études de sociologie nous montrent que nos comportements diffèrent si nous sommes en présence d’un homme ou d’une femme, mais aussi d’un nourrisson garçon ou d’un nourrisson fille. On interprète différemment leurs pleurs (colère pour les garçons, tristesse pour les filles), on pousse un petit garçon à grimper aux arbres tandis qu’on encourage une petite fille à jouer à la poupée. Ces différences de comportements de l’entourage sont-elles aussi en partie responsables des différences structurelles du cerveau ? (zones plus développées que d’autres par exemple).

Catherine Brandner – Il est difficile de répondre à une question qui ne donne pas de références précises permettant d’examiner les données. Les étudiants m’adressent souvent des questions concernant l’influence de la culture ou du social. Ma réponse invariablement mentionne qu’en psychologie expérimentale, seuls les résultats provenant de l’opérationnalisation des variables sont susceptibles d’être publiés. Ce qui signifie que lorsque l’on parle de l’effet de l’environnement social, on devrait être en mesure de le faire varier et d’en mesurer les effets comparativement à un groupe de contrôle. Comme il est éthiquement (mais pas seulement) impossible de faire varier l’ «environnement social», il me semble bien difficile de poser la moindre hypothèse concernant la question adressée.
Je serai cependant tentée par une réponse provocante : s’il s’avère que nos comportements sont modifiés en fonction du sexe de notre interlocuteur, qu’est-ce qui nous pousse à les ajuster ? Si l’on me répond qu’il s’agit de facteurs culturels ou sociaux, je me  permettrais de demander comment une telle règle a pu se mettre en place et se maintenir, et ceci quelles que soient les régions du globe que l’on considère ? Je pense qu’émergeraient alors la piste phylogénétique et les hypothèses liées aux mécanismes de la reproduction sexuée d’une part et à la sélection sexuelle d’autre part. Nous entrons ici dans une autre perspective tout aussi fascinante et je ne peux une fois encore que recommander de consulter les suggestions de lecture pour replacer les différences sexuelles comportementales dans un contexte évolutionniste.
Réponse de GR – Il ne me semble pas déraisonnable d’envisager les choses sous cette perspective évolutionniste, en soulignant toutefois que ces attentes différenciées selon les sexes ont évolué au cours du temps et que la sélection s’est effectuée suivant des critères différents selon les époques (critères de beauté, comportements et rôle dans la sphère publique et au foyer, rapport à la sexualité, etc.) et qu’ils ne sont pas (ou en tout cas n’ont pas été) immuables.

Conclusion

En conclusion, il est important de relever que les résultats des études comportementales indiquent que les femmes et les hommes sont égaux quant à leur capacité à résoudre des problèmes. Cependant, leur manière d’y parvenir repose sur des stratégies cognitives différentes, et ces différences semblent reposer sur le dimorphisme du substrat cérébral. Dans ce contexte, l’apparition de la reproduction sexuée (eucaryote) et les différences sexuelles qui en découlent est une source formidable de variation de l’expression des gènes, laquelle du point de vue de la théorie de l’évolution est fondamentale pour expliquer l’adaptation des organismes (par le biais des mécanismes de la sélection naturelle et sexuelle) aux changements de l’environnement au fil des générations.

Catherine Brandner,

Questions de DC et GR.


Suite à la publication de cet article, Franck Ramus, chercheur en sciences cognitives à l’Ecole Normale Supérieure, nous fait part de ses réflexions :

« Il existe toute une littérature en psychologie sociale montrant les effets d’attente et de stéréotype. La limite de ces études est que, si elles montrent bien que les stéréotypes que l’on peut avoir sur les femmes les poussent à s’y conformer, elles ne sont pas en mesure de montrer que c’est la seule cause de différences hommes/femmes. Peut-être qu’elles se superposent et accentuent des différences pré-existantes. La meilleure réponse à la question de l’origine des différences, ce sont les études précoces qui montrent des différences de capacités et de préférences cognitives chez le bébé, à des âges où il est peu plausible qu’elles soient dues à un conditionnement social. Mais ces études sont difficiles méthodologiquement et peu nombreuses. D’autres réponses complémentaires peuvent venir de travaux montrant les effets précoces des hormones, comme la testostérone fœtale, ou encore les cas de CAH (Congenital Adrenal Hyperplasia). Bref, il y a quand même quelques données qui montrent de manière relativement convaincante que certaines différences cognitives entre les sexes ne sont pas entièrement dues à des facteurs sociaux.« 

On trouvera quelques références ici.


Références

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Suggestions de lecture pour replacer les différences sexuelles comportementales dans un contexte évolutionniste

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Geary, D.C. (2003). Hommes, femmes. L’évolution des différences sexuelles humaines. Traduction par Gouillou, P. Ed. de Boeck, collection Neurosciences & Cognition

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Références proposées par Franck Ramus.

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………..perception, Infant Behavior & Development, 23, 113–118

Biologie, évolution – L'échelle des êtres par Alain Le Metayer

L’échelle des êtres se cache-t-elle dans l’arbre phylogénétique ? Est-il possible qu’une idée fausse (par exemple : « Il existe une échelle des êtres« ) puisse persister dans les discours ou les représentations graphiques de personnes qui, pourtant, déclarent explicitement que cette idée est fausse ?
Alain Le Métayer partage avec nous un document instructif et éclairant sur ce problème.

 

Dans un article sur la résistance au darwinisme, Gérald Bronner propose ceci : il est difficile de devenir darwinien… quand on pense qu’on l’est déjà et qu’on mobilise les idées de Lamarck plutôt que celles de Darwin. Ainsi, en embarquant Lamarck comme passager clandestin tout en se croyant darwinien, on a peu de chance de le devenir vraiment !


On pourra également se servir de l’excellent documentaire Espèces d’espèces, de Denis van Waerebeke. Concernant cette partie (sur l’échelle des êtres), voici deux extraits que nous utilisons dans nos cours :

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=kKnHlnD02dc]  
[vimeo 20738400]  

https://cortecs.org/videotex/biologie-de-levolution-metaphore-de-la-boule-buissonnante

https://cortecs.org/videotex/biologie-documentaire-especes-despeces

Denis Caroti

Entraînez-vous ! Détection du finalisme et de l'anthropomorphisme

Difficile de parler des mécanismes de l’évolution des espèces sans utiliser un vocabulaire ou des expressions anthropomorphiques ou finalistes. On les retrouve cachées dans des expressions telles que « les poils (humains) ont disparu car nous n’en n’avions plus besoin« . Plus subtil, le terme « pour » lorsque l’on évoque par exemple le long cou des girafes pour attraper la nourriture haut dans les arbres. Si ce « pour » a comme signification « leur permettant de », il est acceptable car extérieur à la volonté de l’animal, mais dans l’esprit de beaucoup de gens, ce « pour » signifie « dans le but de » ou « dans l’intention de ». Nous pensons que ce type de formulations a un effet dévastateur sur les conceptions d’un public qui, soi-disant, est demandeur de choses faciles et rapides à digérer, se complaisant dans l’image et le sensationnel. Il est tout à fait possible qu’un reportage mou et long sur la reproduction des taupes ne suscite pas le même engouement qu’un documentaire déjanté sur les plus gros insectes du monde. Mais ce faux dilemme ne doit pas nous empêcher d’imaginer ces mêmes documentaires, et sexy et rigoureux scientifiquement, sans aucun compromis entre justesse de vocabulaire et audience.

Si vous avez vous aussi des exemples à partager, vous pouvez nous écrire : contact@cortecs.org

Denis Caroti


Dans l’extrait suivant d’un documentaire réalisé en 2004 et diffusé sur France 5 en 2008 (Petites bêtes et grosses frayeurs – World’s Biggest and Baddest Bugs), nous avons détecté quelques-unes de ces utilisations. Nicolas Montes ayant travaillé sur ce décorticage, nous retranscrivons ici ses remarques. Merci à lui pour cette analyse !

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=JblvtnC4_Qs]

A télécharger ici

1/ Analyse du vocabulaire

L’anthropomorphisme est l’attribution de caractéristiques comportementales ou morphologiques humaines à d’autres entités comme des animaux, des objets ou des phénomènes.
On peut relever une série de mots à fort effet impact, intégrée dans une scénarisation guerrière (voir technique du carpaccio) : le vocabulaire de combat est tel qu’on pourrait l’entendre dans la description de conflits humains actuels, avec des qualificatifs anthropomorphiques, c’est-à-dire qui confèrent à l’animal des sentiments humains ou des valeurs morales.
  • « Le féroce Casoar »

Féroce : qui se plait dans le meurtre, cruel (Dictionnaire Littré)

  • « Les armes de la mante »
  • « Les pattes extraordinaires de la mante… »
Extraordinaire a un sens ambigu : qui sort de l’ordinaire sans préciser quel ordinaire ou quelle normalité. Par exemple, ordinaire pourrait signifier des pattes de sauterelles ? Mais les pattes de sauterelles ne sont-elles pas « extra-ordinaires » par rapport à celles du chien par exemple ?
  • « Cet insecte a sacrifié deux de ses six pattes… »
  • « … des machines à tuer »
  • « … servir de proie à des tueurs »

2/ Finalisme (téléologie), anthropomorphisme et erreurs

  • « Les armes préférées de la mante religieuse sont ses pattes extraordinaires »

CorteX_mante_armeeLa mante n’a pas de préférences dans le choix de « ses armes ». C’est un anthropomorphisme. De plus, « armes préférées » signifie qu’elle en a d’autres, on peut se demander lesquelles ? Qui plus est, le fait même d’utiliser « armes » est un terme téléologique, avec une finalité, alors que l’évolution ne fonctionne pas avec une finalité : seuls ont survécu les individus ayant cette caractéristique qui leur a permis d’assurer une plus grande descendance que ceux qui ne l’avaient pas, ceci dans le milieu où ils vivent.

  • « Cet insecte a sacrifié deux de ses six pattes pour en faire exclusivement des machines à tuer »

Elle n’a pas « sacrifié » ses pattes (mais il y a eu, au cours du temps, sélection naturelle de la variation « pattes antérieures ravisseuses »)
Ce « sacrifice » s’est fait à l’échelle historique et de l’espèce (et pas de l’individu visible sur le film).

  • « Cet insecte a sacrifié deux de ses six pattes pour en faire exclusivement des machines à tuer »

La sélection naturelle n’a pas de but. Ni la mante, ni la sélection naturelle n’ont « fabriqué » intentionnellement des machines à tuer (le fameux « pour » auquel il est très difficile de ne pas avoir recours mais dont il faut, rappelons-le, particulièrement se méfier). C’est une vision finaliste.

  • « Cet insecte a sacrifié deux de ses six pattes pour en faire exclusivement des machines à tuer »

Cette affirmation est fausse puisque ces pattes servent aussi à la locomotion.

Nicolas Montes
CorteX_Femmes-Machine_Herstal

Histoire et luttes des femmes – Projet Histoire des luttes sociales

Vous avez lu les bases du Projet Histoire des luttes sociales, paysannes, populaires, féminines... Vous voici dans l’onglet Histoire et luttes des femmes. Dans quelle mesure se sont orchestrées les luttes contre les discriminations liées au sexe biologique féminin ou apparenté ?
 
Attention – Il ne s’agit pas de la place des femmes dans l’histoire des sciences, qui fait l’objet d’un autre article : Histoire alternative des sciences.

 

Madeleine Pelletier

Une vie, une œuvre, sur France Culture, le 30 septembre 2017 porte sur Madeleine CorteX_Madeleine_PelletierPelletier, première femme médecin diplômée en psychiatrie en France, mais surtout figure féministe de premier plan. Autrice de nombreux articles, essais, romans et pièces de théâtre, elle est rendue hémiplégique en 1937 par un accident vasculaire cérébral, puis se fait interner de force en asile psychiatrique en 1939, inculpée pour avoir pratiqué un avortement.

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Les féministes en Inde : deux siècles de combats

CorteX_manifestation_viols_Calcutta_3.01.2014« Les Français qui s’intéressent de près à l’évolution de l’Inde sont moins nombreux que les Britanniques, en conséquence très directe de la colonisation. Il n’empêche que l’essor économique et scientifique de ce pays a tourné vers lui les regards, chez nous, bien davantage depuis quelques temps. Et qu’en conséquence directe a grandi l’intérêt pour les équilibres et les déséquilibres de cette société qui nous paraît à tant d’égards si lointaine en dépit de la mondialisation. La situation qui y est faite aux femmes suscite en particulier sous l’effet de cette curiosité renouvelée une attention qui est ranimée de loin en loin par des nouvelles impressionnantes pour ne pas dire terrifiantes. Voici un peu plus d’un an, le viol collectif et les tortures qui ont causé la mort d’une jeune femme dans un autobus de New Dehli, ont frappé d’autant plus les esprits qu’ils ont provoqué une formidable vague de protestation et de solidarité parmi la classe urbaine moyenne. Le procès des criminels a été retentissant. La chaîne de télévision NDTV a affiché en boucle sur l’écran : « En Inde une femme est violée toutes les 22 minutes ». Si bien que l’on a vu surgir ici en France un intérêt inédit non seulement pour l’histoire dans ce pays d’une subordination atavique d’un sexe à l’autre, mais pour la vaillance, l’énergie, les stratégies de celles qui depuis deux siècles ont conduit à tous risques un combat contre l’oppression. Le passé du féminisme en Inde, fort méconnu en France, est propre à éclairer ses avancées et ses faiblesses contemporaines. Martine van Woerkens, de l’École pratique des hautes études, s’est penchée sur ce sujet avec une compétence reconnue, et je l’ai priée de venir en traiter pour nous aider à restituer la profondeur temporelle sans laquelle la tragédie dont il s’agit risquerait de nous apparaître comme un fait divers difficile à déchiffrer ». Jean-Noël Jeanneney . L’émission a été diffusée le 18 janvier 2014 sur France Culture.

Bibliographie :

– Martine VAN WOERKENS, Nous ne sommes pas des fleurs : deux siècles de combats féministes en Inde, Albin Michel, 2010.

– Catherine WEINBERGER-THOMAS, Cendres d’immortalité. La crémation des veuves en Inde, Seuil, 1996.

– Bénédicte MANIER, Quand les femmes auront disparu. L’élimination des filles en Inde et en Asie, la Découverte, 2006.

– VIRAMMA et Josiane et Jean-Luc RACINE, Une vie paria. Le rire des asservis en Inde du Sud, Plon-Éd. de l’Unesco, « Terre Humaine », 1994.

Moi, Phoolan Devi

Phoolan Devi, femme indienne au chemin politique exceptionnel, a été assassinée le CorteX_Phoolan_Devi25 juillet 2001 à Dehli.  Ce documentaire en deux parties, enregistré en janvier 2015 dans l’état de l’Uttar Pradesh, raconte  le parcours de cette  femme, issue d’une basse caste, insoumise, hors la loi, puis élue députée de son état. Au-delà du mythe, c’est son combat profondément féministe, et son héritage, que nous interrogeons quatorze ans après.  Un documentaire de Julie et Jean-Philippe Navarre, prise de son en studio et mixage d’Alain Joubert, diffusé les 9 et 10 mars 2015 dans Sur les docks, sur France Culture. Merci à Yannick Siegel pour cette trouvaille.

Partie 1 : du village aux ravines. Télécharger

Partie 2 : de la geôle au Parlement. Télécharger

Gamal Abdel Nasser et le voile

Extrait de discours de Gamal Abdel Nasser, président d’Égypte, 1953, à propos du voile.

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Filles et garçons à l’école depuis Jules Ferry

CorteX_filles_ecoleVoici peu de semaines, une rumeur s’est répandue sur la Toile avec la vélocité que celle-ci peut offrir aux extravagances les plus débridées. Une vaste opération aurait été en cours, dans toute l’école publique du pays destinée à déformer le cerveau des jeunes enfants des écoles élémentaires en brouillant leur identité sexuelle. Il s’agirait d’imposer une théorie du genre, formulation venue des États-Unis, selon laquelle, à en croire ses détracteurs, la différence entre les garçons et les filles seraient exclusivement de l’ordre de l’acquis et nullement de la nature. Cette prétendue entreprise était évidemment un fantasme. À l’origine on trouve une expérimentation d’ateliers destinés à lutter dès le plus jeune âge contre un certain nombre de stéréotypes sur les filles et les garçons et la répartition de leurs rôles, expérimentation intitulée ABCD de l’égalité. La rumeur, reprise par divers politiques de l’opposition de droite, fut assez efficace pour appuyer un appel au boycott à l’initiative de parents, d’une journée de classe, JRE, c’est-à-dire Journée de Retrait de l’école. Non sans un certain succès. À la fin de janvier dernier, le directeur de l’Enseignement scolaire a dénombré publiquement cent établissements touchés dans quatorze académies. Cette émotion artificielle devrait retomber assez vite, mais elle invite impérieusement à un examen, à ce micro, de la question plus sérieuse des relations entre les filles et les garçons à l’école depuis le XIXe siècle, et en particulier depuis les réformes de Jules Ferry : éclairage utile sur les équilibres successifs d’une société au primordial d’elle-même. Rebecca Rogers, professeur à l’Université Paris Descartes, spécialiste appréciée de ce sujet, est l’invitée de Jean-Noël Jeanneney ce 12 avril 2014 sur France Culture.

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Les « remarques », cartes à jouer fixées sur les couffins abandonnés

Chronique de Perrine Kervran, La Fabrique de l’histoire, sur France Culture le 16 mai 2014. Cet extrait revient sur les modalités d’abandon des bébés du XVIIIe siècle à maintenant, avec les dilemmes classiques du type : l’invention du tour d’abandon (sorte de cavité en bois qui tourne) pour placer les bébés afin d’éviter les chiens errants, les roues de carrosse et les intempéries, permet aussi l’anonymat. Or vaut-il mieux ne rien organiser, ou encadrer l’abandon pour protéger les enfants, quitte à voir le nombre d’abandons augmenter ?

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Ordonnance interdisant aux femmes de porter des vêtements d’homme

Ordonnance du préfet de police de porter des habits que la coutume attribue à l’autre SONY DSCsexe, 16 brumaire an 9, 16 novembre 1800, jamais abrogée depuis.

C’est chose faite depuis… 2013 – voir Abrogation de l’interdiction du port du pantalon pour les femmes. Référence est faite au livre de Christine Bard, Une histoire politique du pantalon,Paris, Seuil, 2010, 392 p.

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Publications et organes génitaux

Dans PlOS1, une suédoise et deux australiens ont étudié 400 publications parues entre 1989 et 2013 sur les organes génitaux toutes espèces confondues. 42 % portent sur les deux sexes, 50 % ont porté sur le pénis, 8 % sur le vagin. Est-ce du sexisme ? Ca dépend. Explication de Tatiana Giraud, et contre-avis d’Elisabeth Gimenez. Extrait de la tête au carré sur France Inter le 12 mai 2014

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Loi sur l’avortement de 1920

par Amélie Meffre, Fabrique de l’histoire, France Culture,28 novembre 2014

Chronique « Un saut dans la loi« , diffusée dans La Fabrique de l’histoire, sur France Culture, le 29 novembre 2014.

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Mercredi, les députés ont adopté une résolution réaffirmant le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), quarante ans après l’ouverture des débats de la loi Veil instaurant le droit à l’avortement. Une loi qui, après celle de 1967 sur la contraception, abolissait le texte de 1920 qui condamnait la provocation à l’avortement. C’est l’occasion de revenir sur ce texte.

En fait, cette loi du 31 juillet 1920, elle vise avant tout à s’attaquer aux néo-malthusiens qui prônent une restriction des naissances, parce que l’avortement est déjà réprimé par l’article 317 du Code pénal de 1810. Ce dernier prévoit que « Quiconque par aliments, breuvages, médicaments, violences, ou par tout autre moyen, aura procuré l’avortement d’une femme enceinte, sera puni de réclusion ». La même peine sera appliquée à l’avortée. Tout au long du 19e siècle, les débats vont portés sur cet article 317, certains réclamant son abrogation, d’autres son renforcement. Alors qu’on assiste à une généralisation de l’avortement due notamment à un assouplissement de la tutelle religieuse sur les mœurs et à de nouveaux moyens comme les sondes intra-utérines, une bataille s’ouvre entre les néo-malthusiens et les natalistes. Celle-ci devient plus âpre à la fin du 19e siècle, au lendemain de la guerre franco-prussienne de 1870, quand on constate un fléchissement des naissances en France et une hausse en Allemagne. Dès lors, comme l’expliquent fort bien Jean-Yves Le Naour et Catherine Valenti dans leur « Histoire de l’avortement », ce dernier devient un problème politique et pas seulement moral.

Sous le slogan : « Assez de chair à plaisir ! De chair à travail ! De chair à canon ! Femmes, faisons la grève des mères ! », les néo-malthusiens prônent une restriction des naissances au sein du prolétariat. Celle-ci améliorera les conditions de vie, augmentera les salaires, du fait d’une baisse du nombre des travailleurs, et à plus long terme, ébranlera la société bourgeoise. Ils organisent davantage une propagande sur les moyens anticonceptionnels que sur l’avortement, même si ce dernier est un moyen de tuer dans l’œuf la misère. Leurs thèses s’étalent dans les journaux, les tracts et lors de conférences publiques. En 1896, le pédagogue libertaire Paul Robin fonde la Ligue pour la Régénération humaine. La légalisation de l’avortement fait encore son chemin chez certains médecins qui ont montré qu’au premier stade de la gestation, l’embryon n’est pas encore un être humain. Pour le docteur Madeleine Pelletier, féministe et socialiste radicale : « La femme enceinte n’est pas deux personnes, elle n’en est qu’une et elle a le droit de se couper les cheveux, les ongles, de se faire maigrir ou engraisser. » Elle déclare : « Sur notre corps, notre droit est absolu puisqu’il va jusqu’au suicide.»
Au nom de l’eugénisme ou de la défense de la dignité de la mère, certains défendent aussi le droit à l’avortement. Ainsi, le docteur Klotz-Forest déclare : «En punissant l’avortement, la société force la femme à faire naître un enfant, elle ne s’inquiète pas des tares héréditaires auxquelles cet enfant peut être condamné, elle ne protège même pas la femme contre une maternité particulièrement odieuse: celle du viol. […] »
En face, les natalistes crient au crime antipatriotique et créent l’Alliance nationale contre la dépopulation. « Comment maintenir sur la terre la race française ?» s’alarme le docteur Bertillon qui voit dans l’avortement un péril national. Les repopulateurs comme on les nomme réclament un renforcement des sanctions contre les femmes qui avortent. Il faut dire que l’article 317 du Code de 1810 est peu appliqué, les jurys d’assises sont cléments envers les avortées. Le total des condamnations annuelles ne dépasse qu’exceptionnellement la trentaine. En guerre contre les néo-malthusiens, les natalistes s’emparent de certains procès retentissants pour mener bataille. Ainsi, en 1891, éclate l’affaire Thomas qui fait grand bruit. Clémence Thomas avoue avoir pratiqué des dizaines d’avortements depuis 20 ans. Lors de son procès, 49 femmes avortées comparaissent. Si la faiseuse d’anges écope de 12 ans de travaux forcés, les 49 prévenues sont acquittées. Le 17 décembre 1891, le député Georges Trouillot avec 11 de ses collègues déposent un projet de loi pour que les affaires d’avortement soient jugées en correctionnelle, afin d’éviter la clémence des jurys d’assises. En 1910, le garde des Sceaux Louis Barthou et le sénateur Odilon Lannelongue font de même, demandant aussi une répression accrue de la propagande néo-malthusienne. La Première Guerre mondiale interrompt les discussions qui ne reprennent qu’en 1919. Par souci de faire passer le texte rapidement, on extrait les mesures les plus consensuelles du projet de loi, à savoir la provocation à l’avortement et la propagande anticonceptionnelle. L’avortement reste un crime. La loi est adoptée le 31 juillet 1920 à une très large majorité. Le conflit de 14-18 est passé par là, pour beaucoup, il y a urgence à repeupler la France. Emprisonnement de six mois à trois ans et amende de 100 à 3000 francs pour quiconque aura fait campagne contre l’avortement ou aura vendu des moyens abortifs. Un mois à six mois de prison et une amende de 100 à 5000 francs envers ceux qui ont mené une propagande anticonceptionnelle. En fait, la loi de 1920 entrave toute forme d’information sexuelle et veut réduire au silence les néo-malthusiens. Malgré la loi, le nombre des avortements ne fléchit pas. En 1923, une autre loi va tenter de renforcer la répression, en abaissant les peines et en faisant passer l’avortement du statut de crime à celui de délit, afin d’éviter les jurys populaires. Mais là encore, rien n’y fait, les avortements sont aussi nombreux et la baisse de la natalité continue. Les théories anglo-saxonnes sur le contrôle des naissances vont se répandre dans les années 1930, la fameuse méthode Ogino a le vent en poupe, comme quoi la répression ne sert pas à grand chose.
Il faudra attendre les lois Neuwirth de 1967 et Veil de 1975 pour que les textes de 1920 et 1923 soient abolis. Enfin, sur le territoire français, car elles restent applicables dans les anciennes colonies comme actuellement au Burkina Fasso et jusqu’en 2006, au Togo.
On peut lire sur le sujet de Jean-Yves Le Naour et Catherine Valenti, « Histoire de l’avortement, XIXe-XXe siècle », paru chez Aubier en 2003.

1974 : le débat autour de la loi Veil sur l’interruption volontaire de grossesse

CorteX_Simone_VeilCeux qui avaient voté Mitterrand au second tour de la présidentielle de 1974 n’attendaient pas de grands changements de la part de Valéry Giscard d’Estaing, mais pas non plus ceux qui avaient voté pour lui. Qui prévoyait que les mots prononcés pendant la campagne auraient un contenu ? Et voilà soudain que s’ouvrent des pistes qui paraissent inouïes. Par exemple, dans le domaine dit aujourd’hui « sociétal » : la majorité à 18 ans, le divorce par consentement mutuel, l’allocation au parent isolé, la suppression du registre dans les hôtels qui permettait de repérer les couples illégitimes…

Le débat sur l’avortement s’inscrit dans ce climat de réforme. A l’époque, la loi de 1920 était encore en vigueur et il suffisait d’un juge d’instruction vindicatif pour la réveiller. Des cars partaient chaque week-end pour Amsterdam, remplis de candidates à l’avortement. Michel Poniatowski, le premier conseiller de VGE, jugeait qu’il fallait agir vite, d’autant qu’une minorité de catholiques fondamentalistes chauffait les feux pour transformer la question en un enjeu politique de première grandeur.

Plus que des autorités religieuses, la difficulté allait venir des parlementaires de droite. VGE n’avait pas osé convoquer de législatives après la présidentielle. Sa toute neuve ministre de la Santé, Simone Veil, venue de la magistrature entra donc pour la première fois dans l’arène face à une majorité, en principe la sienne, mais déterminée à dire non comme elle l’avait déjà fait l’année d’avant pour une réforme de l’avortement bien moins libérale.

La sincérité n’allait pas suffire à Simone Veil. Il allait lui falloir le soutien personnel du Premier ministre Jacques Chirac, celui du président de l’Assemblée Edgar Faure et celui de la gauche.

Cette émission de La marche de l’Histoire a été diffusée sur France Inter le 14 mai 2014.

Écouter ici : 

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Joëlle Brunerie-Kauffmann et le Planning familial

CorteX_Joëlle_Brunerie-KauffmannJoëlle Brunerie-Kauffmann a été formée par le Planning familial. Avec elle, c’est l’histoire  de ce mouvement que nous allons retrouver. Les médecins et les hommes y jouaient un rôle éminent au départ. Et puis il y eut dissémination des savoirs, démocratisation des conduites. Nous étions dans l’après-68, à l’époque des Lip de Besançon. En parallèle se constituait un nouveau féminisme qui faisait du corps et de la sexualité des objets politiques. Le congrès de 1973 marque une coupure dans l’histoire du Planning avec l’avènement au premier rôle d’une génération de militantes qui ne craignaient pas la convergence avec ces mouvements.

Cette émission a été diffusée sur France Inter le 8 novembre 2013.

Écouter ici : 

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Grossesse pour autrui

Émission Questions d’éthique, sur France Culture du 28 février 2013. Télécharger
(même si Madame Canto-Sperber a tout un tas de propos empreints de moralisme).

Sexisme chez les Geeks

Émission Sur la toile, sur France Culture du 6 avril 2013. Télécharger.

Le procès de Bobigny

Émission Les coulisses du condamné, sur France Culture du 17 avril 2013. Télécharger.

Féministes, et vous ?

Émission Sur les docks sur France Culture du 23 février 2012. Télécharger.

Femmes et pantalons

Émission Concordance des temps, de Jean-Noël Jeanneney sur France Culture du 17 novembre 2012. Télécharger

Filles et garçons à l’école

Émission Concordance des temps, de Jean-Noël Jeanneney sur France Culture du 12 avril 2014. Télécharger.

Histoire du viol et procès du viol

Émission Concordance des temps, de Jean-Noël Jeanneney sur France Culture du 12 janvier 2013. Télécharger.

La silhouette

Émission Concordance des temps, de Jean-Noël Jeanneney sur France Culture du 13 octobre 2012. Télécharger

Manifeste des 343 salopes

Émission Au fil de l’histoire, de Patrice Liegibel sur France Inter du 11 septembre 2013. Télécharger.

Loi Neuwirth

Émission Au fil de l’histoire, de Patrice Liegibel sur France Inter du 13 mai 2012. Télécharger

Mini-jupe

Émission Au fil de l’histoire, de Patrice Liegibel sur France Inter du 10 octobre 2012. Télécharger.

CorteX_Jane_ShrintonCorteX_Cathy_McgowanCorteX_Noele_Noblecourt

Anecdote : Noële Noblecourt (au téléphone) présentait l’émission Télé Dimanche en 1964 mais fit scandale, le port de sa jupe laissant apparaître ses genoux. Elle fut alors convoquée et licenciée par la chaîne, signe d’un puritanisme encore vivace dans les années 1960. Le magazine Télérama a mentionne « deux cents lettres de protestation » reçues par la RTF. C’est seulement une trentaine d’années après, dans une entrevue avec Vincent Perrot, qu’elle explique avoir été en réalité renvoyée pour avoir refusé les avances discrètes de Raymond Marcillac, alors directeur de l’information de la première chaîne.

Fermeture des maisons closes

Émission Au fil de l’histoire, de Patrice Liegibel sur France Inter du 21 mai 2014. Télécharger.

Émilie Carles, institutrice libertaire du briançonnais

CorteX_Emilie-CarlesC’est un remarquable ouvrage-témoignage que le livre de la vieille Emilie Carles, Une soupe aux herbes sauvages.

Survol de la vie d’une femme du briançonnais engoncée dans de rudes montagnes, cette autobiographie sans complaisance narre l’histoire de cette institutrice, qui épousa un ouvrier anarchiste pacifiste, en épousa également les idées, et affronta les affres de son temps : 14-18, l’affaire Sacco & Vanzetti, 39-45, pétainisme, guerre d’Algérie et même, sur la fin, des revendications écologistes sur sa vallée, la vallée de la Clarée. Cet ouvrage court est un excellent support à offrir ou prêter, pour montrer que le vent de la contestation libertaire et des principes de justice ne naît pas forcément de la haute instruction et des bancs de l’université, et émerge parfois des terreaux les plus arides. La dureté de son existence, mis en rapport avec la solidité de ses engagements m’ont fait monter plus d’une fois les larmes aux yeux. Vous me direz, dans tout rationaliste il y a un sensible qui se cache et ne fait pas le malin.

Grand merci à Gilbert Charles pour m’avoir fait découvrir ce petit trésor. Emilie Carles, Une soupe aux herbes sauvages (1977) Pocket.CorteX_Carles_Soupe

Lucie Baud, syndicaliste soyeuse du Dauphiné

Petit entretien avec Michelle Perrot, à propos d’une syndicaliste oubliée et meneuse de grève en Dauphiné, Lucie Baud (1870-1913). Extrait de l’émission 26 octobre 2012 du La fabrique de l’histoire, sur France Culture.

CorteX_Lucie_Baud_Greve_Soierie

Michelle Perrot tente dans son nouvel ouvrage de reconstituer l’histoire d’un article « Les tisseuses de soie dans la région de Vizille » paru dans Le Mouvement socialiste, de Hubert Lagardelle en juin 1908 (pp. 418-425) et republié dans Le Mouvement Social dans le numéro d’oct-déc. 1978 (ici).

Michelle Perrot, Mélancolie ouvrière, Éditions Grasset, Paris 2012, 187 pages, 11 euros

On pourra lire également :

  • Ouvrières de la soie, d’Andrée Gautier, (en pdf ici)
  • Les syndicats féminins libres de l’Isère 1906-1936, de Martine Rattier et Andrée Gautier, CLIO. Histoire, femmes et sociétés, 3 | 1996 ().

Anecdote : depuis le 27 août 2012, un square portant le nom de Lucie Baud a été inauguré à Voiron.

Simone de Beauvoir

Émission Une vie une œuvre sur France Culture du 10 mai 2014 (rediffusion).

Nounous d’Afrique en France, le combat syndical des auxiliaires parentales

CorteX_Sylvie_Fofana_nounousCoup d’œil sur une lutte actuelle, dans ce reportage d’Aude-Emilie Judaique, pour l’Afrique enchantée, sur France Inter (diffusé le 20 mai 2012). « Elles sont nombreuses, ces femmes africaines qui en France gardent les enfants des Français. A croire qu’il n’y a qu’elles pour accepter ce travail pas reconnu, mal défini et source de bien des abus. Qui sont ces femmes qui s’occupent des enfants de la patrie ? » Avec Sylvie Fofana (en photo), Caroline Ibos et Oumou.

Écouter ici.

Pour en savoir plus sur la formation de L’ANIF (Association des nounous d’Ile-de-France) et du  SYNN (Syndicat National des Nounous) créées « pour apprendre aux nounous à ne plus se faire exploiter par des employeurs peu scrupuleux », on pourra consulter ceci ou cela.

Combat militant de la médecin féministe athée Taslima Nasree

Taslima NasreenEntrevue avec la médecin et femme de lettre féministe athée bangladaise Taslima Nasreen, tirée de l’émission de Stéphanie Duncan Les femmes, toute une histoire sur France Inter, enregistrée lors des Rendez-vous de l’Histoire de Blois le 16 octobre 2011. Sont abordés ses combats, l’exil forcé dans lequel elle se trouve depuis 17 ans, ses valeurs sécularistes humanistes et laïques ainsi son appel à l’athéisme et à la rationalité.

Sont montés dans le même document sonore l’introduction de S. Duncan et la suite de l’entrevue. Écouter :

Pour le site de Mme Nasreen, cliquez là.

La grève des ouvrières d’Herstal en 1966, un tournant pour l’histoire des femmes

Documentaire de CorteX_Femmes-Machine_HerstalSéverine Liatard et Christine Robert, La Fabrique de l’histoire, France Culture, 14 juin 2011, rediffusion du 13 décembre 2005.  

Écouter :

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« En février 1966, les 3000 ouvrières de la Fabrique nationale d’arme d’Herstal (la FN) près de Liège en Belgique partent en grève, sans préavis, pour que soit appliqué l’article 119 du Traité de Rome visant à réduire les écarts salariaux entre hommes et femmes. Dans cette Fabrique (la FN) qui date de la fin du XIXème siècle, les ouvrières sont ponceuses, colleuses, monteuses d’armes, laveuses, emballeuses, contrôleuses, dégraisseuses. On les appelle les femmes-machines. Leurs tâches sont répétitives, leurs conditions de travail déplorables et elles n’ont pas accès à la formation professionnelle interne à l’entreprise. Elles ne disposent donc d’aucune possibilité de promotion dans l’entreprise et leur salaire est inférieur à celui d’un manœuvre masculin débutant. Des pourparlers sont en cours entre les syndicats et les entreprises mais la mise en application du principe toujours retardée. Les ouvrières décident spontanément d’arrêter le travail le 9 février. Elles demandent 5 francs d’augmentation. Une dizaine de jours plus tard, les syndicats reconnaissent la grève, un comité de grève est mis en place pour venir en aide aux grévistes. Bientôt l’usine est paralysée puisque les hommes de la FN sont mis au chômage. La direction de la FN résiste et ne propose que 50 centimes d’augmentation alors que d’autres usines du bassin liégeois sont également paralysées par des grèves. Au terme de négociations qui durent trois mois entre les syndicats (CSC et FGTB), la direction de la FN, et un délégué du Ministre de l’emploi et du travail, on aboutit à un accord : une augmentation de 2,5 francs. Lors de l’assemblée générale extraordinaire des grévistes, le 5 mai, le débat est houleux entre les ouvrières et les représentants syndicaux. On en vient finalement au vote par bulletin secret. C’est la reprise du tavail qui l’emporte. La déception est grande, pourtant ce mouvement a une réelle portée européenne : des délégations syndicales françaises, italiennes sont venues soutenir le mouvement ; la grève remet en débat la question de l’égalité des rémunérations à la Commission européenne et dans chacun des États membres ; elle marque aussi l’entrée plus massive des femmes dans l’action syndicale et oblige la société à s’interroger sur les problèmes posés aux travailleuses et la condition des femmes en général. Avec les témoignages de Charlotte Hauglustaine, Rita Jeusette, Jenny Magnée (toutes anciennes ouvrières grévistes) ; de Claude Gaier (cadre à la FN et historien), Annie Massay (déléguée syndicale) et Elyane Vogel-Polsky (juriste).
 

Une histoire des femmes, de Michelle Perrot

France Culture (octobrealt et novembre 2006)

Énorme et élégant travail de Michelle Perrot sur une histoire transversale des Femmes comme groupe social et anthropologique. C’est grâce à Myriam Benguérine que j’ai eu accès à cette œuvre (également hébergée sur le site L’agitation dans la boîte à outils).
 
 
 
 

1. Mon histoire des femmes

A télécharger ici.

2. Le silence rompu

A télécharger ici.

3. Les femmes représentées, discours et images

A télécharger ici.

4. Sources femmes dans les archives

A télécharger ici.

5. Voix de femmes, bibliothèque

A télécharger ici.

6. Les âges de la vie d’une femme

A télécharger ici.

7. Les apparences les cheveux des femmes

A télécharger ici.

8. Le sexe des femmes

A télécharger ici.

9. La maternité

A télécharger ici.

10. Le corps assujetti

A télécharger ici.

11.  Femmes et religions

A télécharger ici.

12. Hérétiques et sorcières

A télécharger ici.

13. L’accès au savoir

A télécharger ici.

14. Femmes et création, écrire

A télécharger ici.

15. La vie d’artiste

A télécharger ici.

16. Paysannes

A télécharger ici.

17. Le travail domestique

A télécharger ici.

18. Ouvrières

A télécharger ici.

19. Employées, institutrices, infirmières

A télécharger ici.

20. Comédiennes et danseuses

A télécharger ici.

21. Femmes en mouvement migrations et voyages

A télécharger ici.

22. Les femmes dans le temps de l’Histoire

A télécharger ici.

23. Les formes de l’action collective

A télécharger ici.

24. Féminismes

A télécharger ici.

25. Et maintenant ?

A télécharger ici.

Pour aller plus loin, on pourra regarder cette entrevue de fin 2010 et consulter :

CorteX_Perrot_Mon_histoire_des_femmesMon histoire des femmes, Éditions du Seuil, Paris, 2006, 251 p., que Michelle Perrot présente ici le 19 mai 2006 en quelques trop courtes minutes.

CorteX_Perrot_Duby_Histoire_des_femmesGeorges Duby et Michelle Perrot (dir.), Histoire des femmes en Occident, Plon, Paris, 1990-1991 (5 volumes).

Combat de la Begum Hazrat Mahal contre l’Empire Anglais dans l’Uttar Pradesh en 1856

CorteX_Begum_Hazrat_MahalVoici une histoire pratiquement oubliée, narrée par la journaliste et romancière Kénizé Mourad dans l’émission de Stéphanie Duncan Les femmes, toute une histoire, sur France Inter, enregistrée lors des Rendez-vous de l’Histoire de Blois le 16 octobre 2011. L’histoire porte sur une femme, Hazrat Mahal, qui faillit bouter les anglais hors des Indes en prenant la tête de la révolte des cipayes vers 1856-1857 à Lucknow, et en tenant tête à l’armée britannique pendant presque deux ans.

CorteX_Hazrat_Mahal_Dans_la_ville_dor_et_d_argent

Sont collés dans l’extrait l’introduction par S. Duncan et l’histoire de Mme Mourad (6mn45).

Quitte à être critique, on regrettera dans la fin de l’extrait un exemple involontaire de racisme ordinaire, que nous avons laissé : dire que les Indiens sont « d’une tolérance remarquable » (ou non) est du même tonneau que de dire que les Africains sont sympas, les Asiatiques sages et les Auvergnats radins (cf. Racisme ordinaire).

Le roman de K. Mourad, basé sur les faits politiques réels, s’appelle Dans la ville d’or et d’argent (R. Laffont).

Les vies radicales d’Helen Keller, sourde, aveugle et rebelle

CorteX_helen_KellerDocumentaire d’Inès Leraud, en deux parties sur la vie d’Helen Keller (1880-1968,) atteinte de surdi-cécité à l’âge de dix-neuf mois.

« Grâce aux soins d’Ann Sullivan, elle réussit à communiquer, à lire, à écrire, à parler. Elle fut diplômée de l’université et devint un des personnages les plus célèbres des États-Unis, reçue aussi bien par Eisenhower que Kennedy. Mais ses engagements de femme progressiste sont aujourd’hui gommés des mémoires. Socialiste, féministe, militante, Helen Keller fut de tous les combats« .

Diffusé dans les émissions du 13 et 14 septembre 2011 de Là-bas si j’y suis de Daniel Mermet, sur France Inter.

Écouter l’émission 1 :

Le second épisode poursuit le reportage, et donne la parole à Annie Van Espen, présidente du CRESAM (Centre de Ressource Expérimental pour enfants et adultes Sourds-Aveugles et sourds-Malvoyants).

Écouter l’émission 2 (avec quelques messages du répondeur en lien avec l’émission 1) :

 

 

Pour aller plus loin ? On regardera également ces deux documents d’époque.

Anne Sullivan expliquant comment Helen Keller apprit à parler (1930 Newsreel Footage)

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=Gv1uLfF35Uw]

Et Helen Keller s’exprimant.

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=8ch_H8pt9M8]

Filmographie :

  • Miracle en Alabama (The miracle worker) d’Arthur Penn (1962)
  • Black, de Sanjay Leela Bhansali (2005)

Bibliographie :

  • Helen Adams Keller, Sourde, muette, aveugle (autobiographie) (rééd. 2001).
  • Margery Weiner, Helen Keller (1971).
  • Margaret Davidson, La métamorphose d’helen Keller (2001).
  • Lorena A. Hickok, L’histoire d’Helen Keller (2005).

Nous avons également parlé de la BD portant sur sa vie et celle de son professeur Ann Sullivan ici.

Le National Woman’s Party et le droit de vote des femmes aux Etats-Unis

Voici des extraits de la série Boardwalk Empire, de Martin Scorsese et Terence Winter, 2011.

[dailymotion id=xmmgsu]

[dailymotion id=xmmgvb]

Ces passages font référence au National Woman’s Party (NWP) créé en 1915 qui militera pour le droit de vote des femmes aux États-Unis. C’est en août 1920 que le dix-neuvième amendement de la Constitution va concéder le droit de vote aux femmes en ces termes :alt

« Le droit de vote des citoyens des États-Unis ne pourra être dénié ou restreint pour cause de sexe par les États-Unis ni l’un quelconque des États. Le Congrès aura le pouvoir de donner effet au présent article par une législation appropriée. »

Vous voulez voir d’autres représentations des sciences dans les fictions TV ou cinéma ? C’est là.

Vous avez vu / entendu quelque-chose au sujet des luttes des femmes ? Ecrivez-nous.

Collection gérée par Richard Monvoisin & Nicolas Gaillard

documentaire de Séverine Liatard et Christine Robert
CorteX_guetteur

Biologie, évolution – Attention à la mauvaise vulgarisation

L’art de malmener la théorie de l’évolution dans les médias – et d’offrir des travaux pratiques pour vos élèves et étudant-es !

Premier exemple : l’évolution future de l’être humain

Dans l’émission Révolutions médicales du 7 juin 2016 sur France Culture, intitulée Croquer la vie à pleine dent : oui mais !, le professeur Philippe Bouchard, parodontologue, nous offre un lieu commun classique, nous faisant revenir près de 200 ans en arrière en une phrase. Extrait :

Télécharger

Il m’arrive dans mon cours de biologie de l’évolution d’introduire la question suivante : selon vous, quelles évolutions du corps humain sont à attendre dans les siècles prochains ? Immanquablement défilent les lobes d’oreilles disparaissant, tout comme les petits orteils, tandis que les doigts s’allongeraient et le dos se voûterait. Cette idée très répandue a fait l’objet d’un dessin saisissant du tabloïd The Sun en 2012, donnant ainsi un excellent support pédagogique.

Extrait :

« L’homme du futur sera peut-être plus grand qu’aujourd’hui CorteX_Evolution_Human_The_Sun_6.10.2012mais il aura moins de dents (alimentation plus molle, voire pilules) et un petit cerveau (devenu moins utile avec les ordinateurs), un quadruple menton et moins de poils (vie dans des habitats bien chauffés), des grands yeux (communication davantage visuelle qu’orale) et des petits testicules (baisse de la fertilité masculine). Les intestins seront plus courts, pour éviter de devenir obèse en absorbant trop de sucre et de gras. Pour finir, notre Homo sapiens de l’an 3000 aura les bras et les doigts plus longs, «pour saisir des objets plus loin» probablement sans bouger. »

Or cette projection, transformiste, réalisée à partir des projections d’un dentiste, d’un ostéopathe et un chirurgien esthétique (aucun n’étant spécifiquement formé en évolution) est désormais dépassée depuis 1859.

Pour un transformiste (comme Jean-Baptiste de Lamarck, au début du XIXe siècle) l’usage intensif ou délaissé d’un organe chez un animal en développement modifierait cet organe, modification qui pourrait selon les circonstances être transmise à la descendance. Ainsi, les girafes allongeraient leurs cous en « tirant dessus » systématiquement pour aller chercher  les branchages hauts, procréeraient ainsi progressivement des descendants aux cous de plus en plus longs, ce qui au fil des générations aurait fait apparaître le caractère actuel. Or ceci est faux : une espèce n’évolue que si une pression de sélection dans le milieu l’affecte et qu’une innovation ou une caractéristique quelconque confère à un individu porteur un avantage qui se traduira par un avantage reproductif, augurant ainsi d’une transmission accrue de ses caractéristiques (les caractéristiques génétiques ou comportementales étant, elles, transmissibles à la descendance). Par conséquent, à moins que toutes celles et ceux qui veulent se reproduire se mettent à trouver attirant un partenaire sans petit orteil ou sans lobe, il n’y a pas de raison que ce caractère se répande. Idem pour la petite mâchoire et le grand crâne de Philippe Bouchard.

Second exemple : l’utilité de l’attention

Dans l’émission la Tête au carré du 8 mars 2013 de France Inter portant sur l’attention (déjà abordée ici) est abordée l’utilité de l’attention. La réponse du psychiatre Christophe André prête à confusion.

Christophe André :

(…) Quand un guetteur surveille l’horizon, faut pas qu’il s’endorme, faut qu’il fasse attention à tout ce qui va y avoir comme changementCorteX_guetteur dans l’environnement, pour voir arriver les dangers, ou si c’est un animal qui cherche de la nourriture, pour voir les sources de nourriture, donc ses capacités attentionnelles ont été façonnées par des centaines de milliers d’années chez la plupart des espèces animales (…)

Monsieur André est psychiatre (et féru de méditation, c’est l’objet de son livre) et non paléoanthropologue ni biologiste. Pour un expert, il est tout à fait indiqué de ne parler que de son champ d’expertise, sinon il arrive de dire des bêtises qui peuvent avoir des conséquences.

Il faut être particulièrement précis en biologie, dans un contexte où il y a des polémiques entretenues autour de l’évolution. Dans les propos cités, on entend que l’attention est un caractère acquis de génération en génération (« façonnées par des centaines de milliers d’années »). Or l’hérédité des caractères acquis (l’affaire de la girafe dont le cou a grandi de génération en génération) est désormais abandonnée. Quitte à être rigoureux, on sait désormais que se sont plus volontiers reproduits (en mangeant plus, en mourant moins, etc.) dans un milieu donné les individus les plus attentifs. Donc s’est transmis préférentiellement ce caractère au cours des générations.

Pour se convaincre que le contexte est propice aux mauvaises interprétations, il suffit d’écouter la fin de l’extrait et l’intervention du journaliste Mathieu Vidard :

C. André : « le processus attentionnel est nécessaire à toute forme de vie évoluée ».

M. Vidard : « Donc là on l’inscrit dans l’évolution… on peut l’interpréter comme ça ».

On sent bien que le présentateur pense que l’évolution est une interprétation parmi d’autres, et c’est assez grave pour un journaliste scientifique. Car à moins d’adhérer au Dessein intelligent ou aux avatars de créationnismes, il n’y a pas d’autre interprétation disponible. Que le processus attentionnel soit inscrit dans une évolution des être vivants est une chose qui, à ce jour, ne peut s’interpréter scientifiquement qu’avec l’évolution. Dire que « on peut l’interpréter comme ça » laisse croire que d’autres alternatives rationnelles existent, ce qui n’est actuellement pas le cas.

Alors potassons vraiment nos sujets pour anticiper ce genre de piège, et faisons attention à nos manières de parler qui entretiennent bien souvent des contre-vérités, voire des formes de vitalismes (« un organe sert à ça », « la fleur mime l’insecte », …)

Richard Monvoisin

Pour aller plus loin

  • Sur les risques dans le jargon biologique, voir dir. Lecointre, Guide critique de l’évolution, ou alors regarder les vidéos de G. Lecointre ici.

  • Un exemple d’anthropomorphisme et de finalisme dans un documentaire sur les insectes.
  • Leçon serinée par Julien Peccoud : quand on parle évolution, il faut essayer de ne pas mettre le mot « pour » – permettant ainsi d’éviter des formes de finalisme, de volonté immanente, de téléologie. Julien dit parfois : « quand j’entends en biologie le mot « pour », je sors mon Colt ».
  • Pour un autre exemple du même type au sein d’un film (Snatch !), on pourra aller .
  • Sur les aspects philosophiques, on lira (attention, lecture pointue !) le premier chapitre du Matérialisme scientifique de Mario Bunge.
CorteX_homeopathie

Trame de cours – étude critique de l'homéopathie

Voici en partage la trame du cours que j’ai développée sur l’homéopathie au fil des années, en la testant sur des étudiants en sciences et en santé.


Diaporama du cours (pdf)

Le diaporama n’est pas complètement autonome, donc inutile de le faire circuler tel quel. Je le mets à disposition pour inspirer d’autres kamikazes (car c’est un sujet qui mérite tact, doigté et grande précision dans les informations données) à prendre cet objet conceptuel et social comme support pédagogique à l’esprit critique, et je suis à leur disposition pour un coup de main.
Attention : il faut bien insister sur le fait que prendre de l’homéopathie est un choix personnel. C’est seulement lorsqu’on découvre les mécanismes internes et les fondements de l’homéopathie que les questions germent : peut-on parler d’”alternative” et d’alternative à quoi ? On comprend alors que le débat ne se résume pas à Pour ou contre (voir faux dilemme) mais pour ou contre quoi ?

Alors seulement un débat serein peut s’ouvrir.

1ère étape – la pensée magique
 
a. Je donne des exemples alimentaires car ils ont l’avantage de bien marquer l’esprit
b. J’aborde ensuite les notions de pensée magique de contagion et de similitude :
– description du schème pensée magique par les sociologues Mauss et Frazer CorteX_Paracelse
– illustration par les expériences alimentaires de Rozin & Nemeroff
– illustration dans l’histoire des sciences (pharmacobotanique de Paracelse, « théorie » des signatures)
– introduction de la facette « le bizarre est probable »
 
c. Je prends des exemples de stratégies publicitaires et d’instrumentalisation du corps (occasion de pointer un publisexisme archaïque)
d. Je finis avec des exemples thérapeutiques comme les réflexologies, ce qui me permet d’aborder la question des preuves,  les arguments d’historicité ou le sophisme du pragmatisme
 
2ème étape – Homéopathie : histoire, preuve et questions posées

Tous les outils nécessaires ont été introduits en douceur. Alors seulement j’aborde l’homéopathie, sous l’angle double, historique et sources des preuves. Qui possède bien les effets et facettes de la zététique trouvera beaucoup de diapositives sur lesquelles les illustrer, et de nombreux points d’achoppement pour des réflexions sociopolitiques. J’aime bien pointer le mélange des genres et des institutions, scientifiques, académies, Sécurité sociale, Affsaps, etc. Qui dit quoi, et où ? Qui tranche ? C’est l’occasion également d’aborder les questions de conflit d’interêt.

J’ai pris pour principe de préciser que je n’ai aucun conflit d’intérêt, banalisant ainsi une loi applicable aux médecins et que je rêve de voir appliquée par tout conférencier, tout enseignant (voir à ce sujet Indépendance de la formation et formation à l’indépendance, de nos collègues du Formindep).

a. Hahnemann et l’Organon – contexte
b. Elaboration de la théorie
c. Piliers de la théorie
d. Examen de la théorie

e. Etude des effets contextuels (remarque : le terme placebo, mot valise trop ambigü, n’est plus utilisé qu’avec des pincettes)

f. Questions autour de l’efficacité de l’homéopathie sur les enfants, les animaux

Voici sur la questions des animaux les publications de McMillian

Télécharger les fichiers compressés :

g. Représentations sociales
J’utilise parfois, si j’ai le temps, un extrait du film La Crise, de Colline Serreau (voir Fictions, sous peu).

3ème étape : pour ou contre ? Pour ou contre quoi ?

C’est le moment d’introduire les questions sociopolitiques. Remboursement de la sécurité sociale, lobbying, AMM allégée, droit des patients, libre choix, information délivrée par les médecins etc. Je recommande de bien connaitre son sujet pour animer / modérer un débat sur l’homéopathie.

Pour aller plus loin : je choisis parfois entre deux prolongements du cours

  1. une analyse de discours médiatique (quand j’ai peu de temps)
  2. une analyse de la publication de la fameuse « mémoire de l’eau » (plus technique, et nécessite quelques bases de sciences et de statistiques) avec une analyse des stratégies des revues scientifiques et éventuellement un encart sur la notion de fraude scientifique.

 Dans la première option, il s’agit d’aborder la publication dans le Lancet en 2005 de la mammouthesque méta-analyse d’Aijing Shang & alde l’université de Bern (télécharger le fichier compressé ici), qui démontrait qu’aucune efficacité propre de l’homéopathie n’a été mise en évidence.

Les médias abordent le sujet de l’efficacité propre de l’homéopathie comme si cette méta-analyse n’apportait aucun élément nouveau sur le sujet. Pourtant, il conclue qu’aujourd’hui, en l’état actuel des connaissances et jusqu’à preuve du contraire, cette efficacité propre n’a pas été mise en évidence. C’est une donnée importante qui, nous semble-t-il, doit être prise en compte dans tout débat sur le statut de l’homéopathie : remboursement, AMM allégée, droit des patients à l’information, libre choix, etc…

L’analyse du journal télévisé de France 2 qui s’ensuit est un exercice de style pédagogique tout à fait stimulant (que je mettrai en ligne sous peu).

 Si vous choisissez la seconde option, vous pouvez télécharger le fichier compressé (contenant également l’édito) de la publication de Benvéniste & al. qui mit le feu aux poudres

Sont disponibles toutes les informations de base chez le Pr. Broch, moyennant quelques mises à jour.

Il est alors loisible d’aborder la critique des médias scientifiques, notamment de la stratégie de scoop choisie par la revue Nature en 1988, la manière de se « couvrir » puis de faire une investigation avec entre autres James Randi. 

Au gré des années, j’ai fait évoluer ce cours. Je dois entre autres une fière chandelle à H. Broch, J. Brissonnet, J-J. Aulas, ainsi qu’à la quinzaine de promotions de licence qui ont accepté de débattre parfois vigoureusement sur ces sujets

Je mets ce diaporama en source libre pour tous les enseignants. Soyez aimables de m’informer de vos utilisations
Des questions, des suggestions ? Contactez-moi 

Richard Monvoisin

CorteX_prison-break

Divers outils critiques dans Prison Break

En regardant la saison 1 de Prison Break, de Paul Scheuring j’ai fait 3 trouvailles exploitables à des fins critiques.


  •  1ère trouvaille, Darwin dans l’épisode 10 

Une mauvaise référence est faite à Darwin en ces termes :

« C’est Darwin qui gagne entre ces murs, pas Einstein… Darwin« . Puis « On dirait que c’est Darwin qui a gagné au finish, hein, Gueule d’ange« .

[dailymotion id=xm75mo]

Il s’agit bien entendu d’une mauvaise interprétation de la théorie darwinienne, qui ne postule pas que les plus forts gagnent, mais seulement que les plus adaptés à leur milieu engendrent une plus grande descendance. On retrouve ici la confusion avec ce qui est à tort appelé le « darwinisme social », théorisé par Spencer, et qui n’a finalement qu’un rapport très lointain avec le darwinisme.

  • 2ème trouvaille,  même épisode
C’est une anecdote journalistique : le héros utilise une méthode de recherche d’information quasi-zététique.

[dailymotion id=xm6ic2]
 
 
  • 3ème trouvaille, racisme ordinaire et moralisme politique dans l’épisode 11

Cet extrait est propice à l’analyse de ce qu’on appelle le racisme ordinaire : confusion mexicain et porto-ricain, amalgame latino, ensuivie d’une discussion moraliste sur les « fainéants de chômeurs » qui peut servir d’outil de discussion en sociopolitique :

[dailymotion id=xm6igo]
 

Vous voulez voir d’autres représentations fantaisistes des sciences dans les fictions TV ou cinéma ? C’est là.

Vous voulez en partager avec nous et traquer la pseudoscience à la télé ? Ecrivez-nous 

Richard Monvoisin

Paul Scheuring
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Sociologie, Biologie – Atelier-débat sur la "théorie du genre"

Mardi 20 septembre 2011, pour l’Unité d’Enseignement CAB (Critique de l’Actualité en Biologie, anciennement QAB) dirigée par ma collègue Isabelle Lebrun, j’avais pour tâche de parler 1h30 d’esprit critique, de biologie et d’actualité, et si possible en faisant débattre les étudiants – en l’occurrence des Licence 3ème année de Biologie.
Au semestre précédent, j’avais abordé les inflexions idéologiques en biologie, notamment autour du créationnisme et de l’intelligent design (voir Biologie, idéologies, racisme, sexisme – comment monter un cours de biologie  à  partir des pseudosciences).
Ce semestre-ci, je me suis jeté à corps perdu sur le sujet le plus trépidant de cette rentrée 2011 : l’introduction de la théorie du genre en Sciences de la Vie et de la Terre (SVT) pour les classes de 1ère L et ES… et les incroyables levées de bouclier qui s’ensuivirent.

Voici la trame générale que j’ai suivie.

J’ai d’abord donné des exemples simples de « sexisme ordinaire », mais non immédiatement décelables par un-e non-avertie.

En voici quelques-uns :

  • Extrait de Dans les Alpes avec Annette   (アルプス物語 わたしのアンネット, Arupusu Monogatari Watashi no Annetto) (1983, épisode 7)
[dailymotion id=xl8k14]
  • Publicité Heineken
[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=dwVZvTj7L6o]
 

Dans la même veine, la « réponse » faite ensuite par Bavaria.

 
[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=DkAoQtQ_QoU]
 

J’ai alors demandé aux étudiants* s’ils voyaient un lien manifeste entre les deux documents. Puis je leur ai demandé quelle différence ils voyaient entre les deux pages de la Campagne de recrutement de l’éducation nationale 2011

[CorteX]EducationNationalerecrute1

[CorteX]EducationNationalerecrute

Une fois que la différence des représentations femme/homme était bien percue, j’ai donné le contexte social de départ : l’inégalité de salaires, de répartition des tâches ménagères, d’accès aux postes à responsabilité et d’accès aux postes de pouvoir femmes/hommes

  • Intro de Bienvenue dans la vraie vie des femmes, de Virginie Lovisone et Agnès Poirier (2009) – DVD disponible ici.
[dailymotion id=xla2o4]

J’ai ensuite posé la question suivante : qu’est-ce qui permet de faire cette distinction femme/homme ?   Le triple objectif du débat était de montrer que

1) la différence biologique sexuelle n’était pas si évidente dans un certain nombre de cas (hermaphrodites, intersexes, transsexuel-les, etc.)

2) les 2 catégories mâle et femelle sont « exclusives », et n’ont de réel sens que dans un cadre de reproduction (la question d’où ranger les femmes stériles, les hommes stériles, les femmes ménopausées s’est posée).

3) ce sont surtout des caractères non biologiques qui permettent de faire la distinction.   C’était le moment d’introduire la notion de genre (ou sexe social), par la définition donnée par Irène Jami :

  • Irène Jami, extrait de la Fabrique de l’Histoire, France Culture, 9 septembre 2011
  • Eric Fassin, extrait de Ce soir ou jamais du 7 septembre 2011.
http://www.youtube.com/watch?v=72EVy8UBPLE&feature=related

J’ai alors raconté le contexte du mois de septembre 2011.

  • Titres et articles dans Le Monde, le Figaro (bientôt disponible)

Devant l’entrée de ce qu’on appelle « la théorie du genre » dans les contenus d’enseignement, des levées de boucliers ont eu lieu dans les franges politiques conservatrices, droite chrétienne, droite populaire ou extrême-droite (comme Christine Boutin), avec comme point d’orgue une lettre de 80 députés UMP (droite populaire) au Ministre Luc Chatel pour le contraindre à retirer la théorie du genre des enseignements de biologie.

J’ai utilisé

  • le journal télévisé de LCM
[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=muMByv1088s]
  • le journal télévisé de France 2 (dans l’émission CSOJ, de 0’22 à 1’52)
 [youtube=http://www.youtube.com/watch?v=72EVy8UBPLE]

 J’ai demandé les réactions des étudiant-es – sur l’introduction de cette « théorie » dans l’enseignement – sur le statut de « théorie » de ladite théorie – sur le bien ou mal fondé de l’entrée des politiciens dans les questions de science et de limitation des contenus.

Pour aller plus loin : on pourra parler pour illustrer :

  • du lyssenkisme en biologie
  • des créationnismes et de l’Intelligent design en biologie
  • des lois mémorielles françaises en histoire
  • du rapport Inserm sur les psychothérapies en psychologie, etc.
  • de la pathologisation de l’homosexualité

Il était alors nécessaire de parler de ce rapport nature / culture : dans quelle mesure ce qui fait d’une femme une femme, d’un homme un homme, est un fait de nature ? (Je renvoie pour cette question au travail de Guillemette Reviron ).

Il nous a fallu revisiter les arguments « neurosexistes », mais aussi les arguments « préhistoriques » à l’appui d’une « nature », d’une « essence » féminine/masculine.

En cela, j’ai utilisé

J’avais également sous le coude

  • Référence à l’article de C. Vidal dans Libération, Tête au carré, France Inter 7 septembre 2009.
  • C. Vidal dans Mon cervau a-t-il un sexe ?

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=p8csCdhQ_l8]

(Anecdote, j’étais prévenu qu’une heure avant, Catherine Vidal et Eric Fassin étaient sur les ondes de France Inter, justement sur cette question – voir ici).

J’ai terminé en donnant l’historicité de la question du genre. J’ai pour cela utilisé :

[dailymotion id=x4vy0y]

Je n’ai pas eu le temps hélas de passer l’analyse de l’historien Louis-Georges Tin, tiré de La fabrique de l’histoire, France Culture du 11 juin 2011  . Le voici tout de même.

Pour aller plus loin

On pourra aller voir toutes les références du CorteX sur les questions de genre (voir ici ), ainsi que lire entre autres, Judith Butler, Simone de Beauvoir, Christine Delphy, Julien Picquart et Eric Fassin.

On pourra également regarder en détail les réactions médiatiques et en faire autant de Travaux Pratiques.  Merci aux L3 d’avoir été mes cobayes consentant-es :

  • d’Eric Zemmour face à Nicolas Domenach
[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=YoD9t75yRHw]
  • du médecin Bernard Debré face au sociologue Fassin et au philosophe Enthoven
[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=72EVy8UBPLE]
  • de Caroline Fourest face à Luc Ferry (attention cette vidéo a été « montée » par NO-Gay, qui comme son nom l’indique est un collectif anti-gay : on pourra relever les biais de raisonnements à l’oeuvre dans le générique de fin).
[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=C-sVlbkM1F4]

Richard Monvoisin

* J’ai introduit quelques féminisations forcées dans mon texte. Montrer aux étudiants que même dans la grammaire la norme « masculine » l’emporte sur le féminin, ou qu’un genre indéfini est automatiquement masculin (règles du grammairien Vaugelas, vers 1645) est généralement un argument-massue. A l’hypothèse ue la féminisation alourdirait la lecture, il semble que les premiers résultats scientifiques répondent que ce n’est pas le cas (lire sur ce point Noelia Gesto & Pascal Gygax, Lourdeur de texte et féminisation : Une réponse à l’Académie française, L’année psychologique, 2007, 107, pp. 239-255)

http://www.necplus.eu/download.php?file=%2FAPY%2FAPY107_02%2FS0003503307002059a.pdf&code=fb1ca0d18c0264ef91802b67ab63f032